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| Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 17:26 | |
| Il ne faut pas confondre conversion du peuple (epistrophè laou, 49,2) et conversion des peuples: le royaume de Juda récupère sans doute un certain nombre d'exilés d'Israël (royaume du Nord) après la chute de Samarie -- ce motif devient surtout important dans les Chroniques avec le développement des récits "liturgiques" (Pâque etc.) qui, contrairement aux Rois, donnent l'illusion d'une complète "réunification" d'Israël et de Juda depuis Ezéchias (2 Chroniques 29--35) -- mais nulle part dans les Chroniques (sauf oubli) il n'est question, à propos de Josias, de "prosélytisme" au-delà d'Israël. On en serait plus proche avec l'histoire de Naaman en 2 Rois 5, mais les Chroniques l'ignorent comme l'ensemble du ou des cycles d'Elie et d'Elisée (seul Elie est nommé en tant qu'auteur d'une lettre [!], en 2 Chroniques 21,12ss); ou encore avec la prière de Salomon en 1 Rois 8,41ss (// 2 Chroniques 6).
Quant à Josias, on peut rappeler que les Rois en font l'objet d'une prophétie qui l'annonce par son nom, en tant que destructeur du sanctuaire de Béthel, depuis Jéroboam (1 Rois 13ss; cf. 2 Rois 23,15ss), et que ne retiennent pas les Chroniques.
En tout cas tout cela (Samuel-Rois/Chroniques, mais aussi les différents "Esdras", ou les développements mémoriels sapientiaux comme ceux du Siracide) montre que l'"histoire" n'en finit pas de se récrire et de se réciter différemment, à travers les époques perse, hellénistique et romaine, à chaque fois en fonction d'enjeux nouveaux selon les circonstances. Même si dans cette continuité différentielle le "canon" quel qu'il soit trace une frontière "arbitraire", il est remarquable que le canon le plus étroit (phariséo-rabbinique ou AT protestant) ne masque pas les différences, déjà évidentes entre les Rois et les Chroniques (même chose, mutatis mutandis, pour les quatre évangiles, ou au moins les trois "synoptiques", reçus et juxtaposés dans un ordre variable par les "canons" du NT). C'est au contraire le principe même de la différence qui est pour ainsi dire "canonisé", au-delà de toute "intention" d'auteur ou de rédacteur: il est peu probable que personne ait jamais écrit ou réécrit une histoire pour qu'elle vienne se ranger parmi d'autres "versions" de la même "histoire", il s'agissait à chaque fois d'écrire la "bonne", la définitive, qui devait annuler et remplacer les précédentes le cas échéant. Le processus de "canonisation" au sens large (c.-à-d. l'usage de fait des "livres", avant même les décisions définitives de la Synagogue ou de l'Eglise qui n'ont fait que sanctionner une tradition) en a décidé autrement, et à l'encontre de ses propres traditions de lecture qui étaient presque toujours totalisatrices ou harmonisatrices: avant la "critique" moderne, il n'était quasiment jamais question d'opposer les textes entre eux, mais de les interpréter de telle façon qu'ils se "complètent", bien que des textes différents suscitent nécessairement des harmonisations différentes. |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 07 Avr 2022, 11:07 | |
| II JOSIAS ET LE LIVRE DÉCOUVERT AU TEMPLE L'histoire du règne de Josias est centrée sur la réforme religieuse que le roi entreprend à la suite de la découverte du livre de la Loi dans le temple en réfection. Ce livre est désigné de deux manières : sëfër ha-tôrâh (2 R 22, 8 LXX = xô pij3X,iov tod vôuou) et sëfër ha-berît (2 R 23, 2 LXX = pipMov xf\q 5ia9f|Kriç). Il est souvent identifié au Deutéronome, sinon dans sa totalité, du moins dans sa section législative, dont les prescriptions commanderont la réforme. Une chose est certaine: le contenu de ce document fait allusion aux malheurs qui vont frapper le temple et les habitants de Jérusalem. De tels malheurs, on le sait, sont annoncés en termes de prédiction dans les dernières sections du Deutéronome (28, 47s; 29, 21s). La réaction du roi qui déchire ses vêtements à l'audition du contenu du livre (2 R 22, 11) répond au ton comminatoire de ce qu'il entend. La lecture publique du document a lieu au temple, devant tous les hommes de Juda, tous les habitants de Jérusalem, les prêtres et les prophètes et tout le peuple, du petit au grand (2 R 23, 2). Le livre n'est pas nouvellement écrit, il est plutôt découvert. Le parallèle de 2 Ch 34 précise toutefois qu'il s'agit du livre de la Loi de Yhwh transmise par Moïse (v. 14)15. La mention de Moïse suggère, de manière indirecte certes, la mise par écrit préalable à la cérémonie de lecture. On discute parmi les spécialistes pour savoir si le livre de la Loi a été effectivement découvert, ou si la découverte n'est pas une supercherie visant à donner du poids au Deutéronome qui serait écrit à cette période pour appuyer la réforme de Josias. Nous n'entrerons pas dans cette discussion. Nous nous attacherons à la problématique suivante: le récit de la lecture du livre de l'alliance en 2 R 22-23 forme un contraste narratif avec Jr 36 et, par ricochet, converge avec le récit de Ba 1, 1-14. Pour mettre en avant ces rapports narratifs, il n'est pas nécessaire de décider dans quel sens va la dépendance entre 2 R 22-23 et Jr 3617. III. Joiaqim face au rouleau des oracles jérémiens D'autres échos sont moins directs. Ainsi en est-il du fait que le père de Jérémie s'appelle Hilqiyyahu (Jr 1, 1) et qu'il est également prêtre. Bien qu'on ne soit pas obligé d'identifier Hilqiyyahu, le grand prêtre (2 R 22, 4. , avec le père de Jérémie, prêtre à Anatot, la correspondance entre les deux noms et leur fonction sacerdotale s'ajoute aux autres indices de rapprochement21. Il y a plus. En Ba 1, 8 le prêtre Joakim qui reçoit le livre à proclamer dans le temple de Jérusalem sera présenté comme le petit-fils du grand prêtre Hilqiyyahu (en grec XeÀ,Kiaç). Ce point de contact est rarement observé, pourtant il pourrait suggérer une meilleure articulation entre les trois épisodes qui se font écho: 2 R 22-23; Jr 36 et Ba 1. On passe chaque fois d'une génération à l'autre: le roi Josias en 2 R 22-23; Joiaqim, fils de Josias, en Jr 36; et Jékonias, fils de Joiaqim, en Ba 1. Le grand prêtre Hilqiyyahu en 2 R 22-23; Jérémie, fils d'un certain prêtre Hilqiyyahu, en Jr 36; et Joakim, petit-fils du grand prêtre Hilqiyyahu, en Ba 1. Le scribe Shaphan en 2 R 22-23; ses descendants en Jr 36. Le parallélisme entre les trois récits met en évidence l'une des fonctions essentielles du prologue de Baruch: rattacher ce livre à l'histoire d'Israël et suppléer le chaînon manquant entre l'emprisonnement de Jékonias et sa réhabilitation à Babylone (cf. Jr 52, 31s). https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1999_num_30_1_2991#thlou_0080-2654_1999_num_30_1_T1_0015_0000 |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 07 Avr 2022, 11:56 | |
| Lien (à cet article qu'il me semble avoir déjà lu, mais où ?). Par ailleurs, j'ai ajouté à mon post précédent (au milieu) un bref rappel de la "prophétie" sur (= annonçant) "Josias".
Le rapprochement de 2 Rois 22--23 (// 2 Chroniques 34--35), de Jérémie 36 et de Baruch 1 est en effet très intéressant, et les considérations sur "Hilqiya(hou)" complètent utilement ce que je suggérais plus haut (6.4.2022, 15 h 31) à propos de Jérémie comme prêtre écarté du sacerdoce par la "réforme de Josias". Non pas dans le sens d'une harmonisation "historisante" des textes (on voit mal comment le grand prêtre instigateur ou artisan de la "réforme" se serait lui-même exclu de son poste), mais, au contraire, d'un écart de situation et d'"idéologie": le livre de la loi ou de l'alliance "trouvé" par le grand prêtre en exercice dans le temple n'est pas celui du prêtre-prophète écarté du sacerdoce, même s'ils ont en commun des "malédictions" (conditionnelles); ce n'est pas seulement par la réaction de leurs rois auditeurs respectifs (Josias, Joïaqim, Jéconias) qu'ils diffèrent, mais surtout par leur nature ou leur contenu ("loi" à la fois sacerdotale et royale dans le contexte du temple de Jérusalem, vs. "prophétie" distincte en principe de toute "institution" et, en l'espèce, critique du temple et de la royauté). On pourrait aussi rapprocher cela, sous réserve de la chronologie des rédactions, de Jérémie 31 (l'alliance nouvelle) qui refuse tout avenir à une alliance fondée sur une loi écrite (autrement que sur ou dans des "cœurs"). |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 11 Avr 2022, 11:03 | |
| Le roi est mort, vive le Livre !
Une première relecture de la réforme de Josias à la lumière de la destruction de Jérusalem et de l'exil babylonien
Pour les rédacteurs du livre des Rois, ayant repris le récit de 2 R 22-23 à l'époque de l'exil babylonien, il s'agissait de montrer que Josias ne porte aucune responsabilité de cette catastrophe et qu'il demeure un roi exemplaire. Même sa mort assez déshonorante (il est tué par Pharaon, sans que l'on apprenne le raisons de cette mise à mort : 2 R 23,29), n'est pas expliquée par une faute qu'il aurait commise : au contraire, par la bouche de la prophétesse Houlda, les rédacteurs de l4époque exilique interprètent sa mort comme « paisible », puisqu'elle lui a épargné de voir la destruction de Jérusalem et la déportation de la population de Jérusalem.
À côté de l'addition des versets 23, 25b-26a14. 27-30, les rédacteurs exiliques retravaillent le vieux texte du VIIe s., en y introduisant en particulier les oracles prophétiques sur la destruction de Jérusalem et le sort de Juda. Ils soulignent aussi la désacralisation du sanctuaire de Béthel, un rival sans doute sérieux du Temple (partiellement) détruit de Jérusalem durant la période exilique15. La version babylonienne de la réforme de Josias aura donc compris les versets 22, 1-7*. 9. 13a_. 14-16a. 17-19a_b. 20 ; 23, 1. 3-15*16. 19. 21a. 22-23. 25-26a. 27-31.
La royauté a-t-elle un avenir ?
Cette édition de la réforme de Josias se concentre sur deux points légèrement contradictoires. D'un côté, Josias apparaît comme le roi parfait en tout. La monarchie pouvait avoir un avenir si les rois se conduisaient comme Josias ou se conformaient à la loi mosaïque (le Deutéronome). D'autre part, et malgré ce qu'a pu faire Josias, la destruction et l'exil doivent être annoncés. Mais à cause de sa conduite exceptionnelle et à la différence de ses successeurs, Josias n'est en rien tenu responsable de la fin de Juda. Cette position quelque peu ambiguë traduit peut-être un débat à l4intérieur du milieu deutéronomiste sur la question de l'avenir de la dynastie davidique.
La transformation du Temple en synagogue
En 2 R 23, le roi vide le Temple de tous les ustensiles cultuels pour faire place au livre dont il devient le premier lecteur, conformément à la loi du roi de Dt 17,14-20. Selon cette loi de l'époque perse, le roi n4est plus le médiateur de la loi, ce qui est sa fonction traditionnelle. Il est lui-même soumis à la loi qu'il doit recevoir des prêtres et lévites, et qu'il doit méditer.
Par les actions de Josias en 2 R 23, le Temple se transforme en une proto-synagogue, en un lieu du livre à l'autorité duquel le roi se soumet. D'ailleurs, aussitôt que Josias a achevé cette transformation du Temple, il meurt et sera enterré « en paix » selon l'oracle de la prophétesse Houlda, bien qu4il soit mis à mort par le Pharaon. Le roi est mort, vive le livre !
Le remplacement du culte sacrificiel par la lecture de la Tora en 2 R 22-23 (à part cette lecture du livre, Josias ne fait que célébrer la Pâque) prépare ainsi la transformation du judaïsme en une « religion du livre ».
Bien que sur le plan historique la réforme de Josias ait été plutôt un échec, l'interprétation littéraire de cette réforme aux époques babylonienne et perse a préparé le chemin pour l'avènement du livre et d'une religion qui n'a plus besoin de légitimation royale ou sacerdotale, mais qui peut se fonder uniquement sur la lecture et l'interprétation d'un livre.
http://lumiere-et-vie.fr/numeros/LV_291_pages_35-42.pdf
Dernière édition par free le Lun 11 Avr 2022, 12:55, édité 4 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 11 Avr 2022, 12:10 | |
| Excellente analyse historico-littéraire (comme d'habitude chez Römer), mais je trouve le raccourci final un tantinet abusif: on ne saute pas d'un coup du roi au livre, entre le roi et le livre "autonome" (pas tant que ça, d'ailleurs) il y a six siècles d'un équilibre variable dont le centre symbolique reste le (second) Temple et la prêtrise, quoique l'écriture y prenne de plus en plus importance (et d'autant plus que le "judaïsme" dont on parle est géographiquement éloigné de la Judée et du temple, non seulement dans la diaspora égyptienne ou mésopotamienne, plus tard grecque ou romaine, mais même en Galilée p. ex.). Avec le livre les "scribes" prennent naturellement de l'importance, mais d'abord dans la dépendance des différents pouvoirs qui requièrent leur savoir-faire polyvalent (pouvoir sacerdotal d'un côté, mais aussi "laïc", du côté des propriétaires terriens ou des notables urbains, artisans, commerçants, administrateurs des empires successifs, en tension plus ou moins grande avec l'autorité religieuse, comme en témoignent la divergence du "sacerdotal" et du "civil" dans les textes dits "deutéronomistes"). Le seul nom de "Torah" (qui, pour rappel, désignait au départ l'instruction ou la prescription rituelle du prêtre, à la fois traditionnelle et circonstanciée) suggère que la "loi" (religieuse) s'entend a priori comme "sacerdotale", et la fonction des prêtres/lévites autant dans Deutéronome 17 que dans 2 Rois 22s le confirme: c'est des prêtres que le roi idéal reçoit la Torah-livre -- et c'est toujours des prêtres que tout le monde la reçoit quand il n'y a plus de roi. Pour que le livre s'émancipe du pouvoir sacerdotal, il faudra beaucoup d'autres événements, notamment la contestation de la prêtrise en place qui culmine avec la crise maccabéenne (et se poursuit ensuite, dans un milieu toujours sacerdotal mais écarté du temple, à Qoumrân) et le développement d'un pharisaïsme "laïc" qui utilise les scribes et l'interprétation synagogale et domestique contre le pouvoir sacerdotal. Longue gestation d'un livre "autonome" (en fait sous la coupe de l'interprétation pharisienne), dont l'acte de naissance proprement dit (partum, séparation décisive) se situerait plutôt en 70 après J.-C., avec la destruction du temple qui met toute prêtrise hors service: à ce moment-là le pharisaïsme est tout prêt à prendre la relève d'un "judaïsme" qui ne peut plus être que synagogal, et qui devient effectivement "religion du livre" (et du commentaire rabbinique, tradition ou loi orale); à peu près simultanément et symétriquement il en va de même de la Septante grecque, puis de la Peshitta syriaque, dans les (proto-)christianismes se fédérant en (grande) Eglise. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 11 Avr 2022, 12:59 | |
| Le règne d’Ézéchias
- Politique anti-assyrienne.
- Campagne palestinienne des Assyriens : destruction de Lakish ; déportations, réduction du territoire judéen (701).
- Mais le siège de Jérusalem n’aboutit pas. - Renforcement de l’idéologie de Sion (montagne de Yhwh à Jérusalem). Victoire de Yhwh contre les Assyriens.
- Cf. Psaume 48 : « (2) Yhwh est grand, il est digne de toute louange, dans la ville de notre Dieu, sa montagne sacrée. (3) Belle est la colline, gaieté de toute la terre, le mont Sion, au plus profond du nord, la ville du grand roi. (4) Dieu, dans les palais de la ville, est connu comme une citadelle. (5) Car les rois s’étaient ligués : ils se sont avancés ensemble. (6) Ils ont regardé, stupéfaits ; saisis d’épouvante, ils se sont sauvés. (7) Là, un frisson s’est emparé d’eux, comme les douleurs d’une femme qui accouche […] (9) Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu dans la ville de Yhwh Ṣebaôt, dans la ville de notre Dieu : Dieu l’affermira pour toujours ». => prépare l’idée de la centralisation du culte à Jérusalem.
Activités cultuelles et littéraires sous Ézéchias
- Début de certaines réformes religieuses et politiques pour renforcer le culte de Yhwh à Jérusalem.
- Activité littéraire. Édition d’un rouleau des Proverbes : « Voici encore des maximes de Salomon, transmises par les gens d'Ézéchias, roi de Juda. » (Pr 25,1). Introduction à un rouleau intégré plus tard dans le livre des Proverbes.
Première édition du livre des Rois : « Il [=Ézéchias] fit ce qui est droit aux yeux de Yhwh, entièrement comme l’avait fait son père David […] Après lui, il n’y a pas eu de roi comme lui parmi tous les rois de Juda ; il n’y en avait pas eu de semblable non plus parmi ceux qui l’avaient précédé » (2 R 18,3 et 5).
https://www.college-de-france.fr/media/thomas-romer/UPL4254952560466809187_WEB_Naissance_II_CdF_1_Reprise.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 11 Avr 2022, 13:58 | |
| Avantage(s) et inconvénient(s) de la présentation schématique: c'est plus clair et ça l'est moins, parce qu'il y a toujours plus d'une manière de "relier les points" (connect the dots).
L'effet "doublet" Ezéchias/Josias est assez évident à la lecture des Rois, mais il est souligné (sans le moindre souci de cohérence apparente) par la notice rédactionnelle de (2 Rois) 18,3ss: après Ezéchias il n'y a pas eu de "bon roi" comme lui, or quatre chapitres plus loin on en trouve un autre, qui fait les mêmes choses (réparation du temple, répression des cultes rivaux) à peu de différences près (p. ex. le livre). Du point de vue historique (archéologique, épigraphique etc.) Ezéchias est bien mieux attesté que Josias, même si ça ne correspond pas tout à fait à ce qu'en disent les Rois (le siège de Jérusalem n'aboutit pas à la prise de la ville, mais la "révolte" d'Ezéchias échoue quand même puisqu'il reste ou redevient tributaire et vassal de l'Assyrie): c'est plutôt le récit du règne d'Ezéchias qui se serait dédoublé (et développé) dans celui de Josias que le contraire. De l'un à l'autre en tout cas on change de contexte "géopolitique", de l'hégémonie assyrienne (et de la chute de Samarie qui favorise l'émergence provisoire de Juda) à l'effondrement de l'empire assyrien devant Babylone. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mar 12 Avr 2022, 11:06 | |
| Après une longue période de silence — près de vingt ans — que même la chute de Samarie n'a pas interrompue, Esaïe intervient à nouveau alors que Jérusalem connaît avec Ezéchias une période de rénovation politique et religieuse. Un courant nationaliste agite la capitale. La réforme cultuelle d'Ezéchias est une manifestation d'indépendance à l'égard de Ninive dont Achaz avait suivi les lois avec trop de complaisance. Une vaste coalition se prépare contre Sargon, à laquelle l'Egypte, les royaumes de Moab et d'Edom, les Philistins et même Babylone sont intéressés. Un vent de révolte et d'optimisme souffle dans la cité de David où Ezéchias a pris les mesures qui s'imposent pour assurer la défense et le ravitaillement de la ville en cas de siège.
On sait que le monarque assyrien viendra à bout des alliés. Asdod tombera en 711 après un siège de plusieurs mois. Babylone se rendra également. Le pharaon se révélera incapable d'intervenir avec quelque efficacité et Ezéchias s'empressera de se faire pardonner.
Dès le début Esaïe se montre hostile à la politique revancharde et insensée préconisée par les responsables des affaires publiques à Jérusalem. Il se heurte violemment et à plus d'une reprise aux sages, c'est-à-dire aux spécialistes des questions militaires et diplomatiques. (Es. 28, 14 ss ; Es. 29, 13 s, etc.). Il n'attend aucun appui des amis de Juda et mime le sort qui les attend. (Es. 20, 1 s). Que les Philistins, auxquels Jérusalem regarde, pleurent sur eux-mêmes et que la cité de Sion ne compte que sur celui qui l'a fondée ! (Es. 14, 28-32).
Le prophète s'en prend surtout à l'alliance que les autorités judéennes cherchent à conclure avec l'Egypte. Dans un oracle célèbre (Es. 18, 1-7), qui commence comme une malédiction, il conseille aux ambassadeurs du pharaon venus à Jérusalem pour mettre au point la révolte contre Sargon de s'en retourner au plus vite dans leur pays, car l'heure de la moisson, c'est-à-dire du jugement est proche (v. 5 s). En réalité Yahvlé a livré l'Egypte aux troupes assyriennes. Esaïe établit un saisissant contraste entre l'agitation fébrile que connaît à cette époque l'ensemble du Moyen-Orient, et l'impassibilité de Dieu. Il évoque le va-et-vient des diplomates, les conciliabules d'une cour à l'autre, le cliquetis des armes et Yahvé tranquille, immobile, comme l'air par les fortes chaleurs de l'été (v. 4), qui contemple les ridicules efforts du pharaon et réduit à néant les projets des coalisés.
Mais c'est en vain que le prophète, au nom du Saint d'Israël, expose dans une formule célèbre toute sa politique : «Vous serez sauvés par la conversion et le calme, et votre puissance consistera dans la tranquillité et la confiance. » (Es. 30, 15), Ezéchias et son peuple se lancent dans une aventure sans espoir.
Le prophète ne cesse de protester contre l'alliance avec l'Egypte dont les diplomates et les militaires font si grand cas dans la capitale judéenne. Esaïe n'attend rien du pharaon et dénonce dans la politique d'Ezéchias une infidélité à l'égard de Yahvé (Es. 80, Iss). L'appui égyptien n'est qu'un leurre (v. 3 ss), il est surtout un acte de rébellion vis-à-vis du Dieu d'Israël (v. 1 s) 17.
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1967_num_47_3_3879 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mar 12 Avr 2022, 12:04 | |
| Sur l'article de Martin-Achard, voir ici 8.12.2021.Le point de vue du "proto-Isaïe" sur Ezéchias diffère en effet sensiblement de celui des Rois, nonobstant le fait que le récit des Rois (à partir de 2 Rois 18,13) est partiellement intégré à la fin du proto-Isaïe (chap. 36--39). Dans les Rois, le siège de Jérusalem est ostensiblement séparé de son contexte historico-politique: Ezéchias s'est déjà soumis à l'Assyrie en payant le tribut (2 Rois 18,13-16, même si les sommes ne correspondent pas aux sources assyriennes), de sorte que Sennachérib paraît assiéger Jérusalem sans raison, ce qui convient beaucoup mieux au récit de délivrance miraculeuse qui suit (v. 17ss; dans l'histoire réelle, bien sûr, c'est plutôt le siège de Jérusalem qui entraîne la soumission d'Ezéchias et le paiement du tribut, dont il ne subsiste aucune trace dans le récit "parallèle" d'Isaïe 36---39, ni dans les Chroniques d'ailleurs). En revanche la rédaction (principale) des Rois ne semble pas désapprouver la "révolte" d'Ezéchias, puisqu'elle parle favorablement de sa politique de fortification (qui pour l'Assyrie équivaut à un défi) et ne mentionne pas la coalition (Ezéchias paraît soumettre les Philistins qui sont en fait ses alliés, alors que c'est l'Assyrie qui conquiert la Philistie; c'est seulement dans les discours des émissaires de Sennachérib qu'on trouve des références à l'allié majeur, l'Egypte, qui reflètent les critiques d'Isaïe contre la politique d'alliances d'Ezéchias: roseau brisé, etc.). Dans les Rois la mention du dépouillement du temple (pour payer le tribut) semble jeter une ombre sur la soumission d'Ezéchias à l'Assyrie, mais tout cela est balayé par le récit de siège et de délivrance miraculeuse (sans soumission) qui suit, et en définitive ne compte pas dans l'appréciation globalement positive d'Ezéchias (l'ombre au tableau serait plutôt dans le récit des émissaires de Babylone qui annonce l'exil, 2 Rois 20 // Isaïe 39). |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mar 12 Avr 2022, 15:21 | |
| - Citation :
- Le point de vue du "proto-Isaïe" sur Ezéchias diffère en effet sensiblement de celui des Rois, nonobstant le fait que le récit des Rois (à partir de 2 Rois 18,13) est partiellement intégré à la fin du proto-Isaïe (chap. 36--39).
Cependant, dans la recherche récente, même ce « mémoire », censé selon Duhm avoir été écrit à l’occasion de la guerre syro-éphraïmite par le prophète Isaïe lui-même, ne constitue plus un sanctuaire de l’authenticité isaïenne. Certains auteurs émettent en effet l’hypothèse que le passage narratif d’Is 7, contenant le premier oracle de l’Emmanuel (« voici la jeune fille enceinte enfantera un fils… »), a été composé pour faire le pendant au récit de la délivrance de Jérusalem face à Sennachérib grâce à l’intervention du prophète Isaïe auprès du roi Ézéchias (Is 36-39). Les éléments communs aux deux passages sont en effet nombreux. Les chapitres centraux du livre d’Isaïe (Is 36-39), également présents dans le livre des Rois (2 R 18-20), constitueraient donc une sorte de clé de voûte de tout l’édifice isaïen.Cette hypothèse contraste fortement avec ce que fut l’opinion commune des exégètes jusqu’à la fin des années 70. En effet les chapitres 36-39 du livre d’Isaïe étaient alors considérés comme un emprunt tardif à 2 R 18-20 et jouaient le rôle subalterne d’une conclusion historique au Proto-Isaïe, par analogie avec Jr 52 . B. Childs, très attentif à l’aspect canonique du livre, fit remarquer que ces chapitres 36-39 venaient à point nommé pour établir un lien entre ce qu’il était convenu d’appeler le premier et le second Isaïe puisqu’ils se terminent par l’évocation de la déportation à Babylone (cf. 39,6) . La monographie publiée en 1991 par C. Seitz eut ensuite le très grand mérite d’affirmer pour la première fois de manière incontestable le caractère fondamental des chapitres narratifs 36-39 dans la logique d’ensemble. Faisant valoir les rapports intertextuels que nous avons déjà évoqués entre Is 7 (la figure d’Achaz) et Is 36-38 (celle d’Ezéchias), Seitz montre de manière convaincante que l’épisode du siège de Jérusalem par Sennachérib joue un rôle de premier plan dans la construction du livre et, fait-il remarquer, « l’attention au rôle central joué par Ezéchias dans les récits des chapitres 36-38 nous rappelle l’intérêt tout particulier que les traditions isaïennes ont pour la maison royale comme telle ». https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2004-1-page-16.htm"Cette nuit-là, le messager du SEIGNEUR sortit et abattit dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes ; quand on se leva, de bon matin, c'étaient tous des cadavres, des morts !" (2 R 19,35)L'évènement fut rapporté par le Deuxième Livre des Rois (18 : 13-19 : 34) et le Deuxième Livre des Chroniques (32 : 1), par Hérodote (Historien Grec, 484-v425) et par plusieurs écrivains bibliques. Selon la Bible, le siège n'eut pas lieu, car l'Ange de Éternel s'avança et abattu 185.000 hommes dans le camp Assyrien (Deuxième Livre des Rois 19 : 35,37). Les histoires Bibliques, prétendent encore que la peste dans l'armée Assyrienne sauva les coalisés de la défaite et Hérodote (Histoires 2 : 141) raconte que la retraite des Assyriens serait due à des milliers de souris qui auraient mangé le haut des armes. Ces faits sont encore âprement débattus par les historiens. Ce qui est sûr c'est que le reste de l'armée Assyrienne prit Gat et Azéqa (ou Azeqah), puis Sennachérib se retira, rappelé par des problèmes en Babylonie. http://antikforever.com/Syrie-Palestine/Hebreux-Israel-Juda/ezechias.htm En 701, Sennachérib défit définitivement la coalition dans la plaine d'Eltekeh (ou Elteqeh) en Palestine où il battit une armée Égyptienne. Cela conduisit à l'invasion du royaume de Juda (Deuxième Livre des Rois 18 : 13-16) le seul encore libre. Ézéchias avait anticipé l'invasion Assyrienne et fait une grande préparation dans un nombre impressionnant de constructions. En particulier un tunnel de 533 mètres de long, qui fut creusé afin de fournir à Jérusalem l'accès aux eaux de la source Gihon, qui était en dehors de la ville. Sennachérib attaqua avec la majeure partie de ses troupes la ville de Lakish (ou Lachish dans la Shéphélah ou Shafelah), la deuxième ville en importance du royaume, qu'il assiégea et prit, puis il marcha sur Jérusalem. Grâce à sa préparation Ézéchias résista au siège inévitable de la cité par l'Assyrien. Les récits dans la Bible (Ésaïe 33 : 1 et 36, Deuxième Livre des Rois 18 : 17, Deuxième Livre des Chroniques 32 : 9) font état du siège. Certaines chroniques Assyriennes citent l'évènement comme une grande victoire. Comme le précise Francolino J.Gonçalves, finalement, Ézéchias voyant la détermination de Sennachérib, après de nombreuses négociations sous les murs de la cité, lui offrit de lui payer un énorme tribut pour éviter que sa ville soit ravagée, 300 talents d'argent et 30 d'or. Il fut obligé de piller les portes du Temple afin de produire le montant promis (18 : 14-16). L'évènement fut rapporté par le Deuxième Livre des Rois (18 : 13-19 : 34) et le Deuxième Livre des Chroniques (32 : 1), par Hérodote (Historien Grec, 484-v425) et par plusieurs écrivains bibliques.Le long siège Assyrien sur la ville aura probablement usé les troupes Assyriennes et la promesse d'un tribut rendit inutile une offensive plus décisive contre la cité et les alliés d'Ézéchias. Alliés qui se manifestèrent puisque dans le même temps le Pharaon Taharqa (690-664) approcha à la tête d'une Armée. Les conséquences de cette guerre furent lourdes pour le royaume de Juda, car même si Jérusalem fut sauvée, de nombreuses villes furent en ruines et une partie du royaume fut perdu puisque l'Ouest se trouvait sous la direction des Philistins qui se plièrent à Sennachérib.http://antikforever.com/Syrie-Palestine/Hebreux-Israel-Juda/juda.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mar 12 Avr 2022, 16:35 | |
| Le premier texte au moins mérite d'être lu, même s'il n'a qu'un rapport marginal avec les Rois: c'est une présentation inhabituellement claire de la différence et de la relation qu'il y a entre un "prophète-personnage" et un "Prophète-livre" (lequel, à l'évidence dans le cas d'Isaïe, couvre plusieurs siècles et déborde très largement la perspective du prophète-personnage tout en conservant avec celui-ci une certaine... relation, "littéraire" et/ou "idéologique"; il n'est déjà pas évident que le même "prophète historique" ait été le vis-à-vis d'Achaz, face à la menace syrienne, et d'Ezéchias face à la menace assyrienne).
Les deux derniers liens, d'allure historienne et de facture artisanale, sont nettement plus hasardeux mais ils remettent au moins en ordre logique et chronologique vraisemblable le rapport du siège au tribut et à l'acte d'allégeance que celui-ci implique (cf. mon post précédent). Au passage, les souris ou rats d'Hérodote ne sont pas à Jérusalem mais à Péluse, en Basse-Egypte (voir ici, II, clxi: la référence au moins était exacte). Cela montre en tout cas que la Bible n'a pas l'apanage du mélange de l'"histoire" et de la "légende". On remarquera du reste que les Chroniques sont plutôt en retrait sur les Rois, en omettant le nombre des morts (185.000) et les circonstances (en une nuit). |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 13 Avr 2022, 12:46 | |
| Ce que l’on peut dire de Jr 36, 32 apparaît aussi dans la narration de Jr 36 elle-même. On a déjà souvent relevé que le récit de Jr 36 est construit de manière à faire contraste avec 2 R 22, la légende de la découverte d’un livre sacré à l’époque du roi Josias. En Jr 36, le roi Yoyaqîm est tout entier décrit comme un contre-modèle en négatif de son père le pieux Josias en 2 R 22 : alors que Josias écoute la parole de Dieu, Yoyaqîm la rejette ; Josias déchire ses vêtements (22, 11), Yoyaqîm ne les déchire pas (36, 24) ; Josias reçoit l’annonce d’un ensevelissement paisible (22, 20), Yoyaqîm par contre ne sera pas enterré (36, 30). Le contraste est patent et le motif quelque peu obscur de Jr 36 de la non-déchirure des vêtements (v. 24) notamment, indique bien que c’est Jr 36 qui connaît 2 R 22 et non l’inverse. On peut se demander si la narration de Jr 36 a été a priori composée comme contre-modèle de 2 R 22ou – ce qui est plus probable – si elle l’est devenue à un certain stade de son développement littéraire. Mais nous y viendrons plus tard. Le développement qui suit veut plutôt souligner un petit élément qui pourrait d’abord paraître anodin mais qui entraîne des conséquences significatives pour l’interprétation intrabiblique et la théologie du livre de Jérémie. Il s’agit de l’annonce de jugement à l’encontre du roi Yoyaqîm en 36, 30 que l’on vient d’évoquer, au sujet de laquelle Lohfink écrit à juste titre : « Cela ressemble presque à la fin de la dynastie davidique. » C’est pourquoi ainsi parle Yhwhau sujet de Yoyaqîm, le roi de Juda :Personne ne s’assiéra pour lui sur le trône de Davidet son cadavre sera jeté à la chaleur du jour et au gel de la nuit.Ce texte réunit un grand nombre de particularités. Il est tout d’abord frappant de constater que, d’un double point de vue, cette prophétie ne s’est pas réalisée : d’une part, la dynastie davidique n’a pas pris fin avec Yoyaqîm, son fils Yoyaqîn (2 R 24, 6. et son frère Mattanya/Sédécias (2 R 24, 17) ayant encore régné après lui ; d’autre part, on ne trouve aucune indication selon laquelle Yoyaqîm n’aurait pas reçu des funérailles régulières : 2 R 24, 6 annonce qu’il s’est couché avec ses pères. Cela signifie que Yoyaqîm a été enseveli dans le tombeau des rois à Jérusalem. Et Yoyaqîm se coucha avec ses pèreset Yoyaqîn son fils devint roi à sa place.(...)Dès lors, que signifient ces réflexions pour Jr 36 ? Ce chapitre situe la mise par écrit des paroles de Jérémie précisément l’année où Nabuchodonosor prend le pouvoir sur le monde. Les oracles de jugement adressés depuis le temps de Josias jusqu’à la quatrième année du règne de Yoyaqîm sont, dans la perspective de Jr 36, 1-3, des déclencheurs possibles de conversion. Et il arriva dans la quatrième année de Yoyaqîm, fils de Josias, le roi de Judaet cette parole advint à Jérémie de Yhwh :Prends un rouleau et écris dessus toutes les parolesque je t’ai dites contre Israël (LXX : Jérusalem) et contre Judaet contre tous les peuples depuis le jour où j’ai parlé avec toi,depuis les jours de Josias et jusqu’à aujourd’hui.Peut-être la maison de Juda écoute-t-elle tout le malheur que je pense leur faire,en sorte qu’ils se détournent tous de leurs mauvais cheminset que je leur pardonne leur faute et leur péché.https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2006-2-page-211.htm
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 13 Avr 2022, 14:02 | |
| Etude très riche, bien qu'elle concerne beaucoup plus le livre de Jérémie (y compris sur les " 70 ans") que les Rois (Samuel-Rois). En lien avec notre échange précédent (sur le rapport du "prophète-personnage" au "Prophète-livre", à propos d'"Isaïe" cette fois), il faut au moins lire attentivement les quatre "thèses" du début de l'article qui posent très clairement le problème (c'est germanique et schématique). Il me semble néanmoins que dans le développement qui suit (hors sujet donc par rapport à ce fil) l'auteur ne se méfie pas assez du travers exégétique que j'ai souvent dénoncé (p. ex. à propos de Daniel), celui de la "surinformation". Après deux siècles d'archéologie et d'études savantes en tout genre, dont les "résultats" sont rendus accessibles comme jamais par Internet, "nous" en "savons" beaucoup plus sur beaucoup de sujets que les auteurs et rédacteurs des textes anciens, autrement dit nous en savons trop pour bien les comprendre (même si par ailleurs nous ignorons beaucoup de choses qui pour eux allaient de soi -- malheureusement dans ce cas les risques d'erreur par excès et par défaut de savoir ne se neutralisent pas, ils s'additionnent ou se multiplient). Or, contre cet excès de "connaissance" qui aboutit fatalement à une surinterprétation des textes, l'exégèse ne peut pas se prémunir par un surcroît de connaissance et d'ingéniosité, mais par une prudence essentiellement intuitive et approximative, "à vue de nez" ou "au doigt mouillé", car le seul critère qui reste est de vraisemblance. Par exemple: qu'est-ce qu'un auteur/rédacteur juif ou judéen de l'époque perse ou hellénistique, et a fortiori ses (premiers) lecteurs/auditeurs, avaient des chances de savoir de la chronologie de l'époque néo-babylonienne ? On peut certes relever dans le texte même qu'on étudie des indices d'une chronologie, fût-elle artificielle, mais tout recours pour l'expliquer à des textes (p. ex. chroniques babyloniennes) auxquels ni les auteurs/rédacteurs ni les lecteurs/auditeurs n'avaient accès devrait être, à mon sens, méthodologiquement exclu. |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 14 Avr 2022, 11:39 | |
| "Alors le SEIGNEUR fit venir contre eux les chefs de l'armée du roi d'Assyrie, qui prirent Manassé avec des crochets ; ils l'attachèrent avec des entraves de bronze et l'emmenèrent à Babylone. Lorsqu'il fut dans la détresse, il chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il s'humilia profondément devant le Dieu de ses pères. Il pria le SEIGNEUR, et celui-ci se laissa fléchir ; il entendit sa supplication et le ramena à Jérusalem, dans son royaume. Ainsi Manassé sut que c'est le SEIGNEUR (YHWH) qui est Dieu. Après cela, il bâtit une muraille extérieure à la Ville de David, à l'ouest de Guihôn, dans l'oued, jusqu'à l'accès de la porte des Poissons ; elle entourait l'Ophel, et il l'éleva à une grande hauteur ; il mit aussi des chefs militaires dans toutes les villes fortes de Juda. Il supprima de la maison du SEIGNEUR (YHWH) les dieux étrangers et l'effigie, ainsi que tous les autels qu'il avait bâtis dans la montagne de la maison du SEIGNEUR et à Jérusalem ; il les jeta hors de la ville. Il rebâtit l'autel du SEIGNEUR, il y offrit des sacrifices de paix et de reconnaissance, et il dit à Juda de servir le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël. Le peuple sacrifiait bien encore dans les hauts lieux, mais seulement au SEIGNEUR, son Dieu. Le reste de l'histoire de Manassé, sa prière à son Dieu, et les paroles des visionnaires qui lui parlèrent au nom du SEIGNEUR, le Dieu d'Israël, cela est écrit dans l'histoire des rois d'Israël. Sa prière et la manière dont Dieu se laissa fléchir, ses péchés et ses sacrilèges, les endroits où il bâtit des hauts lieux et plaça des poteaux cultuels (des ashéras) et des statues avant de s'être humilié, cela est écrit dans l'histoire de Hozaï. Manassé se coucha avec ses pères, et on l'ensevelit chez lui. Amôn, son fils, devint roi à sa place" (2 Ch 33,11-20).
"Alors, par l'intermédiaire de ses serviteurs, les prophètes, le SEIGNEUR dit : Parce que Manassé, roi de Juda, a commis ces abominations, parce qu'il a fait pire que tout ce qu'avaient fait avant lui les Amorites, et parce qu'il a aussi fait pécher Juda par ses idoles, à cause de cela, ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël : Je fais venir sur Jérusalem et sur Juda un malheur tel que quiconque en entendra parler en restera abasourdi. Je tendrai sur Jérusalem le cordeau de Samarie et le niveau de la maison d'Achab ; et je nettoierai Jérusalem, comme un plat qu'on nettoie en le renversant sens dessus dessous. Je délaisserai le reste de mon patrimoine ; je les livrerai à leurs ennemis ; ils seront pillés et dépouillés par tous leurs ennemis, parce qu'ils ont fait ce qui me déplaisait, en me contrariant depuis le jour où leurs pères sont sortis d'Egypte jusqu'à ce jour. De plus, Manassé répandit beaucoup de sang innocent, jusqu'à en remplir Jérusalem d'un bout à l'autre, outre le péché qu'il fit commettre à Juda en faisant ce qui déplaisait au SEIGNEUR. Le reste de l'histoire de Manassé, tout ce qu'il a fait, le péché qu'il a commis, cela est écrit dans le livre des chroniques des rois de Juda. Manassé se coucha avec ses pères et fut enseveli dans le jardin de sa maison, dans le jardin d'Ouzza. Amôn, son fils, devint roi à sa place" ( 2 R 21,10-18).
Le roi Manassé est, parmi les rois d’Israël et de Juda, considéré comme le pire de tous, pourtant, son règne a été le plus long de l’histoire d’Israël. 2 Ch 33,1-20 imagine que Manassé avait été emmené en captivité à Babylone et que, là, il s’était converti au culte de Yhwh, c'est d'ailleurs la version que l'on retient en générale du récit du roi Manassé : son repentir. La version de 2 Rois 21, ne mentionne pas ce retournement de situation mais précise comme 2 Ch 33 ; que Manassé se coucha avec ses pères. Les méfaits du roi Manassé font encourir à Juda une telle culpabilité que même la réforme du roi Josias ne peut pas détourner le jugement divin (ce que beaucoup de croyants oublient en invoquant le repentir exemplaire du roi Manassé) :
"Cela arriva uniquement sur l'ordre du SEIGNEUR, qui voulait écarter Juda de sa vue, à cause de tous les péchés commis par Manassé, et aussi à cause du sang innocent qu'il avait répandu, du sang innocent dont il avait rempli Jérusalem. Le SEIGNEUR n'a pas voulu pardonner" (2 R 24,3-4).
Selon le livre des Rois, dont les rédacteurs appliquent pourtant déjà une perspective de rétribution, comme nous l'avons vu, le roi Manassé est le plus affreux de tous les monarques qui aient régné sur Juda ; et cependant, c'est lui qui a connu le règne le plus long : 55 ans (2 R 21,1). Pour l'auteur des Chroniques, cette contradiction est insupportable : Manassé aurait dû être sanctionné par Dieu pour ses mauvaises actions. Aussi, pour expliquer les 55 ans du règne de Manassé, le Chroniste va nous relater comment Manassé s'était converti à Yhwh au début de son gouvernement, et comment Dieu, en récompense, avait prolongé son règne (2 Ch 33,11-33). Pour le Chroniste, cette histoire était absolument nécessaire pour comprendre et pour justifier le long règne de ce roi, puisqu'il en déduisait que Manassé devait faire partie des justes. Et ainsi l'ordre du monde était-il préservé.
https://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/161/cahier.html
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| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 14 Avr 2022, 12:24 | |
| (Sur la première partie cf. ici, ne serait-ce que pour terminer les phrases: non seulement règne long mais fin paisible. L'article de Römer avait déjà été cité ici, 17.3.2009 [!], à propos de Job, mais nous l'avons sans doute revu pas mal de fois depuis, p. ex. là, 3.5.2021 -- la recherche automatique trouve mieux les références anciennes que les récentes.) Je ne sais pas au juste ce que "l'on retient en général" -- il faudrait faire un sondage parmi "les lecteurs de la Bible", en tenant compte du fait qu'il y a probablement encore moins de lecteurs des Chroniques que des Rois (ce qui fait que l'idée du règne impardonnable peut l'emporter aussi sur celle du roi repenti, que l'on découvre à chaque fois avec une certaine surprise et que l'on oublie quand même), sans parler de ceux qui ne lisent pas les textes mais des "synthèses" harmonisantes. Toujours est-il que les Rois et les Chroniques relèvent de deux "logiques" complètement différentes et qu'ils paraissent (surtout ici) très difficiles à harmoniser. Le point de vue essentiellement religieux (sacerdotal au sens large [= lévitique] et tardif) des Chroniques, qui comprend la "rétribution" dans un sens strictement individuel (voire plus strictement encore, à la façon du Coran qui irait au-delà ou en-deçà de l'"individu": toute bonne action même d'un "méchant" doit être récompensée, toute mauvaise même d'un "juste" punie, sans effet de balance ni de compensation, ce qui rendrait logiquement impossible tout "jugement dernier" des individus), s'écarte de toute vraisemblance (sans parler de vérité) "historique": c'est moins une théologie de l'histoire qu'une leçon morale, adressée à un peuple uni par un culte cyclique plutôt qu'à des dirigeants politiques soucieux d'"histoire". Les Rois, par contre, proposaient un modèle d'intelligibilité de l'"histoire", quitte à déformer celle-ci pour la conformer au modèle: comme on l'a déjà remarqué, le "péché impardonnable" de Manassé justifie la fin de Jérusalem malgré la "réforme de Josias" (selon la règle du Décalogue, punition sur trois ou quatre générations). Le parallélisme explicite établi entre Manassé à Jérusalem et la "maison d'Achab" à Samarie (voir supra tout ce qui concerne Jéhu) est aussi exemplaire de cette "théologie de l'histoire", qui relie par analogie des séquences d'événements les unes aux autres. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 14 Avr 2022, 12:59 | |
| "La trente-septième année de l'exil de Joïakîn, roi de Juda, le vingt-septième jour du douzième mois, Evil-Merodak, roi de Babylone, l'année où il devint roi, gracia Joïakîn, roi de Juda, et le tira de la maison de détention. Il lui parla avec bonté et mit son trône au-dessus du trône des rois qui étaient avec lui à Babylone. Il lui fit enlever ses vêtements de détenu ; Joïakîn mangea devant lui constamment, tous les jours de sa vie. Son entretien — entretien constant — lui fut assuré de la part du roi, selon l'ordre de chaque jour, tous les jours de sa vie" (2 R 25,27-30).
Cependant, les derniers versets des Rois construisent à partir d’un souvenir historique un épisode qui comporte une visée idéologique précise. L’auteur de 2R 25,27-30 savait apparemment que les rois et notables exilés à Babylone bénéficiaient d’allocations du roi de Babylone, mais il a donné à cette pratique une nouvelle signification en la situant sous un roi dont le règne inaugure la fin de l’empire babylonien. Le changement du statut du roi en exil décrit en 2 R 25 use des conventions littéraires de ce que l’on appelle les « romans de la Diaspora » : les histoires d’Esther et Mardochée, de Joseph (Gn 37-45) et autres récits de la première partie du livre de Daniel (Dn 2-6). Dans tous les cas, un exilé quitte sa prison et devient en un sens « vice-roi » (2 R 25, 28 ; Est 10, 3 ; Gn 41, 40 ; Dn 2,48), son accession à ce nouveau statut étant marquée par un changement de vêtements (2 R 25, 29 ; Est 6, 10-11 ; 8, 15 ; Gn 41, 42 ; Dn 5, 29).Tous ces récits insistent sur le fait que le pays de déportation est devenu celui où des Juifs peuvent habiter et même mener des carrières intéressantes. L’exil est devenu diaspora. Ainsi, le sort du dernier roi de Juda peut-être se comprendre comme une invitation faite aux Judéens de Babylone d’accepter le fait de vivre dans une situation de diaspora, et on sait par ailleurs que de nombreux Judéens s’intégrèrent fort bien dans leur nouvelle patrie.
Lien.
"Dis à la maison rebelle, je te prie : Ne savez-vous pas ce que cela signifie ? Dis : Le roi de Babylone est allé à Jérusalem, il en a pris le roi et les chefs et les a emmenés avec lui à Babylone. Il a choisi un rejeton de la descendance royale, a conclu une alliance avec lui et l'a placé sous adjuration, et il a emmené les puissants du pays, afin que le royaume soit tenu dans l'abaissement, sans pouvoir s'élever, et qu'il garde son alliance pour pouvoir subsister. Mais il s'est rebellé contre lui, en envoyant ses messagers en Egypte, pour qu'elle lui donne des chevaux et un grand nombre d'hommes. Celui qui fait cela réussirait-il ? Echapperait-il ? Il a rompu l'alliance, et il échapperait ! Par ma vie, — déclaration du Seigneur DIEU — à coup sûr, c'est dans le pays du roi qui l'a fait roi, celui dont il a méprisé l'adjuration, en rompant son alliance, c'est auprès de lui, à Babylone, qu'il mourra. Le pharaon n'agira pas pour lui avec une grande armée et une assemblée nombreuse pendant la guerre, lorsqu'on élèvera un remblai et qu'on bâtira un terrassement pour retrancher une multitude de gens. Il a méprisé l'adjuration, en rompant l'alliance ; il s'était engagé et il a fait tout cela ; il n'échappera pas ! A cause de cela, ainsi parle le Seigneur DIEU : Par ma vie, à coup sûr, c'est mon adjuration qu'il a méprisée, c'est mon alliance qu'il a rompue : je ferai retomber cela sur sa tête. J'étendrai mon filet sur lui, et il sera pris dans mon piège ; je l'emmènerai à Babylone et là, j'entrerai en jugement avec lui à propos du sacrilège qu'il a commis envers moi. Tous les fuyards de toutes ses troupes tomberont par l'épée, et ceux qui resteront seront dispersés à tout vent. Ainsi vous saurez que c'est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai parlé" (Ez 17,12-21).
D’autres œuvres littéraires, révisées ou rédigées à partir du VIe s., vont au-delà de l’émotion et proposent une étiologie de la catastrophe. Ainsi, les livres des Rois, qui retraçaient l’histoire d’Israël et de Juda jusqu’au règne de Josias (fin du VIe s.), sont révisés afin d’expliquer la chute de Jérusalem comme une punition par le dieu d’Israël YHWH en raison de pratiques religieuses jugées illégitimes (adoration d’autres dieux, usage d’autres lieux de culte que le Temple de Jérusalem). Cette logique gouverne en définitive l’ensemble de l’Histoire deutéronomiste, vaste fresque historique allant de l’entrée en terre promise (Josué) à l’exil loin de ce pays (2 Rois), le tout adossé au Deutéronome et à sa théologie. Le livre de Jérémie, lui, reproche au peuple d’avoir rompu l’alliance avec son dieu (Jr 11, 10 ; 31, 32). Celui d’Ezéchiel accuse le roi Sédécias d’avoir rompu l’alliance avec Nabuchodonosor, alors que les serments avaient été jurés devant les dieux respectifs de chaque pays (Ez 17). Le même livre dépeint la « gloire de YHWH » quittant le Temple où s’effectuent des pratiques idolâtres (Ez 8,10).
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| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 14 Avr 2022, 14:13 | |
| Textes intéressants, malgré quelques erreurs (d'inattention sans doute): par exemple, dans celui de Römer (p. 35), Joïakin = Jéconia(s) n'est pas le fils de Sédécias (mais de Joïaqim, son frère, ce qui ferait de Joïakin le neveu de Sédécias; comme il n'y a ni explication ni note je suppose qu'il s'agit d'une distraction plutôt que d'une thèse critique originale). Le rapprochement de la conclusion des Rois et des "romans de diaspora" (Joseph, Esther, Daniel) me semble en revanche très pertinent. Dans le second (d'excellente qualité pour un livre "généraliste", si j'en juge par cet extrait), les serments "devant les dieux respectifs" peuvent se déduire d'Ezéchiel 17, notamment v. 19 (le serment envers le suzerain babylonien est un "serment de = envers Yahvé"), mais plus largement de la pratique et de la logique générales du serment et de l'alliance, avec les malédictions conditionnelles qu'ils supposent (cf. Jacob-Laban dans la Genèse, 31,53): il est bien évident que chacun des partenaires ou contractants n'est sérieusement engagé que par rapport à son dieu tutélaire ou à ses dieux en général. (Ce qui, au passage, n'en finit pas de souligner l'aberration de la survivance du "serment" dans une société occidentale moderne, laîque et multiculturelle, qui fait jurer le chrétien, le musulman, l'hindou ou l'athée de la même manière.) |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 15 Avr 2022, 10:37 | |
| Plusieurs éléments ressortent de ce tableau. D’abord, on note que Yoyakîn, le roi gracié par Ewil-Mérodak (Jr 52,31-34 / 2 R 25,27-30) n’apparaît pas. Son absence est certainement significative : le roi gracié, selon l’idéologie à l’œuvre de la rétribution, ne peut jouer de rôle dans les faits qui vont mener à la catastrophe de l’exil. D’autre part, la structure d’alternance ne fait pas de doute entre les règnes de Yoyaqim, roi impie, et Sédécias, roi tiède Cette opposition conforte le schéma deutéronomiste d’opposition des rois que l’on trouve également dans le livre d’Ésaïe entre Akhaz (És 7-8, cf. 2 R 16), roi impie, et Ézéchias (És 36-39, cf. 2 R 18-20), son fils, roi obéissant, et l’intervention prophétique de contradiction : Jérémie comme Ésaïe ne seront point écoutés par les rois de Juda ! Cette opposition des rois Yoyaqim et Sédécias est cependant moins vive que celle entre Akhaz et Ézéchias, puisque tous deux participent clairement de la catastrophe imminente. D’ailleurs ne sont-ils pas tous deux frères, fils de Josias ? En ce sens, l’opposition manifeste serait plutôt celle entre Josias (2 R 22-23), bon roi s’il en est, et ses deux fils impies, agents directs de la catastrophe. On rejoint ici d’ailleurs la macrostructure du livre entier, puisque, selon la nouvelle structure proposée, la première partie se déroule sous le règne de Josias, la seconde sous celui de ses fils.
https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2016-4-page-563.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 15 Avr 2022, 12:10 | |
| Etude passionnante, mais (à nouveau) plus sur les livres de Jérémie (la prolifération des "livres" dans les différentes éditions du "livre de Jérémie" et hors de celles-ci, d'autant plus fascinante qu'elle rayonne autour d'un "centre" qui annonce une sorte de "dépassement" du "livre" en général, chap. 31) que sur les Rois. On peut noter qu'il reste dans Jérémie une certaine tension entre "Joïakin" (Yoyakîn, etc.) comme "roi gracié" (52 // 2 Rois 25, aussi "Jékonia" au chap. 24 et en 28,4, dans la prophétie de Hanania) et "Konia" en 22,24.28; 37,1, le chapitre 22 semblant exclure toute restauration de sa dynastie (comme pour Joïaqim, son père, en 36,30s). Cela n'est d'ailleurs pas sans poser un petit problème aux "messianismes davidiques" ultérieurs, pharisiens-rabbiniques ou chrétiens (cf. la généalogie de Matthieu 1, v. 11; celle de Luc 3 éviterait le problème en bifurquant aussitôt après "David", mais du coup ce n'est plus une lignée "royale" au sens strict).
La conclusion des Rois, qui est comme un écho affaibli de celle de la Genèse, avec Joïakin à une place moins glorieuse que celle de Joseph, se prête aussi bien à l'espérance d'une restauration de la royauté "davidique", telle qu'elle a pu s'exprimer au tout début de l'époque perse autour de Zorobabel (cf. Aggée et [proto-]Zacharie), qu'à l'abandon de cette espérance dans le "judaïsme" de plus en plus "sacerdotal" du Second Temple. L'assomption de la fonction royale par les grands prêtres hasmonéens, après la révolte des Maccabées, témoigne au IIe s. av. J.-C. de l'oubli quasi total de la "royauté davidique", au moins en un sens "dynastique" -- au-delà de la dynastie, c'est même la séparation des pouvoirs royal et sacerdotal, caractéristique du Deutéronome et de ladite historiographie deutéronomiste, qui est oubliée. Et c'est plutôt contre les prêtres qu'un certain "davidisme" va resurgir sous sa forme "eschatologique", "messianique", notamment dans le pharisaïsme, avec la surinterprétation de l'"alliance davidique" en 2 Samuel 7 // 1 Chroniques 17 (royauté éternelle aboutissant à l'idée du roi éternel, "fils de David" et "Messie" au sens unique, dernier, absolu). |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 20 Avr 2022, 11:31 | |
| Les livres des Rois et des Chroniques : une même histoire ?
l y a en effet des différences considérables entre les livres des Rois et les livres des Chroniques dans la présentation des rois de Juda. Qu’il suffise d’en nommer quelques-unes. Alors que les livres de Rois offrent une présentation synchronique des rois des deux royaumes (du nord et du sud), les Chroniques ne présentent que les rois du sud, après David et Salomon (et disent très peu sur Saül). La différence majeure est que les rois de Juda sont insérés dans le système sacerdotal et lévitique du deuxième temple, dans lequel la loi de Moïse a pris la première place. Le livre des Chroniques traduit une obsession pour le culte, les sacrifices, les chantres, les généalogies. On peut se référer aux commentaires pour de plus amples détails ...
C’est un peu la même chose qui se passe entre la façon dont les livres des Rois et les livres des Chroniques rapportent les événements liés à la période monarchique. Le plus ancien dans le temps, le livre des Rois, aurait été écrit soit à la fin de la période monarchique (vers 600 avant notre ère), soit plutôt au début de la période exilique (vers 550). Toutefois, il faut se garder de croire que les événements rapportés dans le livre des Rois soient nécessairement plus justes ou plus « historiques » parce que le livre qui les rapporte est plus ancien. En effet, les livres des Rois font partie de ce qu’il est convenu d’appeler « l’historiographie deutéronomiste ». C’est-à-dire que c’est l’école deutéronomiste (celle qui a écrit, entre autres, le livre de Deutéronome) qui est responsable de l’édition des livres. La présentation des rois est donc tributaire de la vision et de la théologie deutéronomistes. En d’autres termes, les livres de rois ne sont pas plus objectifs que les autres livres de la Bible dans leur présentation des faits. Si un premier regard permet de voir une présentation des rois selon un modèle standard (année du début du règne par rapport à l’autre royaume, âge, durée du règne), le jugement porté sur chaque roi est typiquement deutéronomiste. Les rois du royaume du Nord sont tous condamnés parce qu’ils n’ont pas été fidèles au temple de Jérusalem. Quant aux rois du royaume du sud, le seul critère de jugement est leur fidélité ou non à l’unicité du sanctuaire, à savoir le temple de Jérusalem. Ainsi, par pure hypothèse, un roi qui aurait promu la justice et le droit, développé l’économie et la paix, mais qui n’aurait pas été fidèle à l’unicité du sanctuaire et aurait laissé offrir des sacrifices dans les anciens sanctuaires, est jugé comme un mauvais roi. Au contraire, toujours par pure hypothèse, un roi qui aurait mené des guerres et exploité son peuple, mais qui aurait respecté l’unicité du sanctuaire, serait jugé comme un bon roi. Le modèle du bon roi, le roi par excellence, c’est David, auquel ses descendants sont constamment comparés. Le théologien deutéronomiste n’est pas plus objectif, même s’il y avait d’autres distinctions à faire. Cela dit, on croit généralement que, malgré ce jugement par rapport à une seule loi – promulguée d’ailleurs vers la fin de la période monarchique seulement – la présentation des livres de Rois est généralement fiable historiquement.
C’est un phénomène semblable qui se produit avec les livres des Chroniques. Le milieu et l’époque ont changé. L’auteur, qui a aussi écrit les livres d’Esdras et de Néhémie, est appelé le « chroniste ». On s’entend pour dire que son œuvre daterait des environs de l’an 450/400 avant notre ère, donc plusieurs décennies après le retour d’exil. Il entend présenter le retour d’exil et la reconstruction de la société sur de nouvelles bases. Quelles bases? La loi de Moïse, le culte lévitique du temple de Jérusalem, la théocratie. En effet, comme les exilés qui ont eu la permission de rentrer faisaient toujours partie de l’Empire perse, et donc que les dirigeants politiques étaient des fonctionnaires perses, les prêtres ont joué un rôle de premier plan dans la reconstruction postexilique. C’est un peu ce qui est arrivé au Canada français après la conquête anglaise au 18e siècle. Comme toutes les élites françaises sont rentrées en France, les prêtres se sont mis à jouer, de gré ou de force, un rôle plus que religieux de conservation et de reconstruction. Les Chroniques présentent donc l’époque ancienne comme celle dans laquelle ils vivent. Les rois de Juda sont présentés comme des hommes vivant dans la société théocratique de l’époque perse, dans laquelle le culte et l’observance de la loi de Moïse ont pris tant de place, une place qu’ils n’avaient pas auparavant. Si on lisait les Chroniques après le Pentateuque, qui adopte aussi cette attitude, on ne verrait pas de différences et on pourrait croire que la religion d’Israël a toujours été la même, sans changement ni évolution.
Le regard de l’un comme de l’autre sur les rois d’Israël est donc biaisé, voire injuste, pas complètement historique en tout cas. Car si le deutéronomiste (l’auteur ou l’éditeur des livres des Rois) juge les rois selon une loi qu’ils n’ont pas connue pour la plupart de leur vivant (et qu’ils auraient dû connaître, semble-t-il), le chroniste les présente comme de parfaits connaisseurs de la loi de Moïse et des promoteurs de la théocratie lévitique de l’époque postexilique. L’historien doit s’arranger pour découvrir la vérité historique entre ces deux présentations. Comme les évangiles synoptiques par rapport à l’évangile de Jean, on a affaire ici à deux présentations des rois selon deux idéologies, deux théologies et deux projets de société. Ce qui est extraordinaire, c’est que le canon biblique a gardé ces deux collections littéraires, comme il a gardé le Pentateuque (d’une façon différence, il est vrai) et les autres traditions bibliques.
http://www.interbible.org/interBible/decouverte/comprendre/2013/clb_130208.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 20 Avr 2022, 12:23 | |
| Présentation claire, donc (trop) simple, mais la clarté est à ce prix.
A mon sens la "vérité historique" (s'il y a jamais rien de tel) n'est surtout pas à chercher entre (Samuel-)Rois et Chroniques, puisque les Chroniques sont de toute évidence une réécriture de Samuel-Rois (même si le texte de référence -- Vorlage -- de Samuel-Rois n'est pas toujours celui que nous lisons: il en a circulé plusieurs "éditions", comme en témoignent la Septante et les copies qoumraniennes qui parfois correspondent à certains détails de la rédaction des Chroniques): la "vérité historique" se situerait en tout état de cause en-deçà de Samuel-Rois (et a fortiori des Chroniques, sauf quand celles-ci suggèrent une "édition" différente de Samuel-Rois). A vrai dire, "l'histoire", au sens moderne et "scientifique", ne peut plus du tout se fonder sur les textes "bibliques", par un procédé déductif ou inductif, comme s'il s'agissait de reconstituer l'"histoire vraie" par soustraction ou addition à l'"histoire sainte", ou par "correction" de celle-ci. Elle doit partir de l'archéologie et de l'épigraphie qui sont ses seules bases "solides", pour "compléter" éventuellement ensuite, et avec une extrême prudence, ces éléments par des récits anciens, "bibliques" ou autres. C'est une petite révolution qui n'a vraiment atteint le monde universitaire que vers la fin du XXe siècle, retardée jusque-là par la prévalence d'une "histoire" et d'une "archéologie" "bibliques", qui depuis le XIXe prenaient toujours les textes "bibliques" comme source principale, quitte à les "critiquer" plus ou moins hardiment d'après des éléments factuels ou des critères logiques. En fait il n'y a pas d'"histoire biblique" au sens moderne de l'"histoire", il y a d'une part l'"histoire" dont on sait ce qu'on sait (tantôt beaucoup, tantôt très peu) et les textes "bibliques" qui sont ce qu'ils sont, à lire tels qu'ils sont -- ce qui est d'autant plus facile qu'on ne cherche plus à les rapporter à une "histoire". Bien sûr, le problème demeure de l'"histoire sainte" telle qu'elle va se reconstruire, à partir de récits divergents, dans la tête de chaque lecteur/auditeur ou de chaque communauté lectrice/auditrice, mais ce problème est au fond celui du "canon", qui par définition (ecclésiastique ou dogmatique) ne saurait être tranché par aucune "autorité profane" -- et pas même par une "autorité religieuse" dès lors que les textes de référence sont tous "canoniques", fût-ce à rebours de toute intention d'"auteur" (les rédacteurs de Samuel-Rois n'envisageaient évidemment pas la réécriture future des Chroniques, et le ou les "chronistes" n'envisageaient pas davantage que Samuel-Rois survive à leur réécriture pour venir se placer, à côté de celle-ci, dans le même "livre").
Dernière édition par Narkissos le Sam 23 Avr 2022, 10:29, édité 1 fois |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 21 Avr 2022, 14:30 | |
| "Quand il entendit ces paroles, Achab déchira ses vêtements, il mit un sac sur son corps et jeûna ; il couchait avec ce sac et marchait lentement. La parole du SEIGNEUR parvint à Elie, le Tishbite : As-tu vu comment Achab s'est humilié devant moi ? Parce qu'il s'est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant ses jours ; ce sera pendant les jours de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison" (1 R 21,27-29).
Prophètes et rois en Israël : deux pouvoirs, un seul trône. Étude sur les principaux personnages du cycle d’Achab (1 R 16,29-22,40)
Cette thèse étudie la manière dont est racontée la question du pouvoir dans la relation triangulaire entre Dieu, le prophète Élie et le roi Achab, principaux personnages de la séquence narrative relatant le règne d’Achab (1 R 16,29-22,40). Notre réflexion part de l’hypothèse que le récit biblique concernant Achab problématise le fonctionnement du pouvoir qui, émanant de Dieu, est exercé par le roi et par le prophète, mais dans une tension permanente, dans la mesure où les détenteurs de ce pouvoir ont tendance à outrepasser les prérogatives liées à leur position. La méthode utilisée pour mener à bien cette recherche est l’analyse narrative. Une revue de la littérature sur le pouvoir dans la Bible et sur les personnages d’Achab et d’Élie permet dans un premier temps de mettre en évidence la nouveauté de cette recherche par rapport aux travaux existants. Aucune étude n’accorde d’attention soutenue à la façon dont sont caractérisés ces trois personnages, qui détiennent du pouvoir, pour voir comment ils sont décrits dans leur exercice du pouvoir et dans leurs interactions avec les autres puissants. Le chapitre suivant est consacré à l’étude de l’intrigue ; celle-ci permet de prendre la mesure de l’ensemble du récit et d’observer le travail du narrateur qui crée la tension chez le lecteur et lui donne une certaine vision des « faits » qu’il raconte. Après une introduction générale dans laquelle le narrateur dresse un portrait sombre d’Achab se résumant à son idolâtrie, l’intrigue se développe en deux tableaux : le premier (chap. 17-19), divisé en deux épisodes (17,1-18,46 et 19,1-21), est centré sur le personnage d’Élie et raconte ses démêlés avec Achab et Jézabel, à cause du culte de Baal. Ce tableau s’achève avec la disqualification du prophète. Le second tableau (chap. 20-22,40) constitué de trois épisodes (20,1-43 ; 21,1-29 ; 22,1-40) est centré sur Achab et le montre face aux prophètes et aux condamnations, qui finissent par se réaliser. La caractérisation des personnages constitue le cœur de cette dissertation. Ce que l’on retient du portrait d’Élie, c’est surtout sa relation problématique à Yhwh. Il se présente comme « serviteur de Dieu », mais ne lui obéit vraiment que lorsque sa survie est en jeu. Sa soif d’auto-affirmation est telle qu’il prend des initiatives très personnelles au nom de Yhwh. Élie se révèle en définitive comme un prophète au service de ses propres ambitions. Ce qui caractérise Achab, c’est avant tout son mépris pour la loi qui se manifeste par ses nombreuses infidélités. Ce comportement est la conséquence de son penchant pour le baalisme. Yhwh est présenté comme celui qui détient le véritable pouvoir ; il fait preuve d’autorité vis-à-vis d’Élie en tempérant ses ardeurs, et d’Achab, en sanctionnant ses infidélités par l’intermédiaire des prophètes. Mais Yhwh se manifeste aussi par sa générosité et sa patience à l’égard de son serviteur, ainsi que par son indulgence vis-à-vis d’Achab. L’étude de l’intrigue et la caractérisation des personnages servent de base pour quelques réflexions sur la théologie et l’anthropologie du récit.
https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/36852
Les pleurs et le repentir d'Achab à la mort de Nabot (1 Rg 21 [20] 27)
https://books.google.fr/books?id=vUdhUgrGulIC&pg=PA293&lpg=PA293&dq=Le+repentir+d%27Achab+d%27apr%C3%A8s+la+Bible+h%C3%A9bra%C3%AFque&source=bl&ots=savbha9-p4&sig=ACfU3U3-pr8LFMi5MAO3FDDWXPEoQUrCQw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiX_tXr9qT3AhUObcAKHR6NAXgQ6AF6BAgoEAM#v=onepage&q=Le%20repentir%20d'Achab%20d'apr%C3%A8s%20la%20Bible%20h%C3%A9bra%C3%AFque&f=false |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 21 Avr 2022, 15:11 | |
| Merci (encore) pour ces liens à ces deux thèses certainement précieuses -- je n'ai évidemment pas tout lu.
On pourrait dire, trop généralement, que les "péchés", les "bonnes actions" (de nature plus "religieuse" que "morale" à nos yeux) et les "repentances", dans les différentes "historiographies bibliques" (celles, "deutéronomistes" ou autres, de Samuel-Rois comme celle, plus uniment "sacerdotale", des Chroniques), servent de "variables d'ajustement" (pour reprendre une expression à la mode) -- variables permettant d'accorder ou d'ajointer deux types de "traces" qui relèvent différe/amment d'une certaine "graphique" (métonymie de l'écriture ou du dessin): d'une part narratives, "historiques" ou "légendaires", qui assignent à chaque protagoniste des "faits" et "gestes" (durées de règne, actes militaires, politiques ou privés, victoires ou défaites, type de fin par succession dynastique ou renversement plus ou moins sanglant, mais aussi réformes religieuses, parfois miracles); d'autre part "logiques" ou "conceptuelles", qui forment des "idées" ou schèmes d'intelligibilité religieux et/ou moraux, comme la "rétribution" qui punit des fautes et récompense des "bonnes actions" (dont le repentir pour les fautes) selon des règles variables (plus ou moins "individuelles" ou "transgénérationnelles"). |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 21 Avr 2022, 16:10 | |
| Luttes pour la justice dans un monde ambigu
Étude biblique sur 1 Rois 21,1-22 par Sarojini Nadar, pour le 8e jour de l’Assemblée, 6 novembre 2013: L’histoire de la vigne de Naboth interpelle le concept de justice dans notre société. Elle introduit le concept de la justice de Dieu pour l’affirmation de la vie, mesure qui va au-delà de la logique économique que le roi Akhab veut imposer au nom de l’efficacité et de la productivité. Ce texte peut également être pour nous une source d’inspiration lorsque nous traitons des questions actuelles de l’injustice sur le marché mondial et pour discerner comment vivre en pratique la justice de Dieu pour sauvegarder la vie.
Si cela semble être une interprétation «de bon sens» de cette histoire, du fait qu’elle se fonde sur une lecture socio-historique du texte – la «méchante» Jézabel et le «bon» Élie –, Phyllis Trible a perturbé cette polarité en en faisant une lecture littéraire. Elle suggère que, si les deutéronomistes font une nette distinction entre les deux personnages polarisés, le texte lui-même reste «malléable… et même ouvert à de nouvelles configurations».
Peut-être une lecture objective du texte nous impose-t-elle d’osciller entre ces deux lectures de spécialistes. D’une part, Jézabel est la «méchante reine» qui assassine un innocent afin que son mari puisse s’emparer d’une terre qui ne lui appartenait pas. D’autre part, il ne faut pas oublier à qui appartiennent les lunettes avec lesquelles nous lisons ce texte. Trible affirme:
"Dans un contexte pro-Jézabel, Élie serait condamné pour avoir assassiné des prophètes, imposé sa théologie au royaume, incité des rois à faire sa volonté et fomenté des troubles dans le pays. Son épitaphe serait alors: «Qui me débarrassera de ce maudit…» Par contre, Jézabel ferait l’objet d’un commentaire élogieux pour être restée fidèle à ses convictions religieuses, pour avoir maintenu et affirmé les prérogatives du roi, soutenu son mari et ses enfants et pour avoir combattu ses ennemis jusqu’à la mort. Son épitaphe serait: «Ma mère, oh ma mère…!» Les pôles opposés convergent. Genre, classe, appartenance ethnique, religion et terre – les dissemblances produisent des ressemblances pour unir l’incompatible"
On peut donc considérer que ce texte est plus complexe qu’il n’apparaît à première vue. Il nous faut regarder de très près nos propres conceptions dans les multiples conflits pour la terre et la justice en Palestine, au Zimbabwe, en Irak et ailleurs, notamment en des lieux où des populations autochtones tentent de récupérer des terres qui leur ont été enlevées par des moyens «légitimes» – légaux. À la lumière de ce texte, il convient de considérer de très près nos conceptions personnelles de propriété, de propriétaire, d’acquisition, de besoin et de droits à la terre. Quelles que soient les conclusions auxquelles nous parvenons, il faut les vérifier à la lumière de points de vue différents, ceux de voisins appartenant à d’autres communautés, traditions, classes ou genres. En fin de compte, par l’intervention prophétique d’Élie, le roi Akhab a fini par reconsidérer ses propres actes, s’en repentir (1 Roi 21, 27) et rechercher la justice dans le pays.
https://www.oikoumene.org/fr/resources/documents/struggles-for-justice-in-an-ambiguous-world |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 21 Avr 2022, 17:18 | |
| En effet, quand on a remarqué -- même très partiellement -- le jeu des "idées" ou "schèmes d'interprétation" (cf. l'échange précédent) à l'œuvre dans les récits "bibliques", on peut aussi bien le déjouer en (se) racontant la même histoire (mais est-ce la même ?) d'un autre point de vue (celui de Jézabel, d'Achab ou de Baal en l'occurrence). Ça me rappelle soudain une remarque malicieuse d'Albert Greiner, un des professeurs (d'homilétique et de luthéranisme) que j'ai le plus aimés à Vaux-sur-Seine: on peut prêcher contre les textes et ça donne parfois d'excellents sermons, mais il ne faut tout de même pas en abuser...
Il est vrai en tout cas que tout texte excède infiniment les "intentions" de son "auteur" -- a fortiori quand plusieurs "auteurs" s'y trouvent impliqués, et les traces de leurs "intentions" successives comme sédimentées ou stratifiées au fil des rédactions et réécritures -- au point de pouvoir facilement les retourner contre elles-mêmes, ou les unes contre les autres. Toutefois l'op-position (dite diamétrale) n'est jamais qu'un cas limite d'une série potentiellement infinie de différences, en général plus subtiles: on se souvient des lectures gnostiques qui préféraient le serpent de l'Eden à son Yahvé, Eve à Adam ou Caïn à Abel; les thèses évoquées précédemment ne vont pas si loin quand elles décident, par exemple, de jeter une certaine ombre sur les "héros" traditionnels comme Elie ou Jéhu, ou de charger Achab plutôt que Jézabel. En tout état de cause, le questionnement ou la subversion du "sens du texte" restent en grande partie déterminés par celui-ci, car chaque "point de vue" repérable privilégie d'une certaine manière, outre lui-même, sa ou ses contradictions particulières (point de vue de l'"antagoniste", de l'"adversaire" ou du "méchant" pour ainsi dire favori, p. ex. ici Jézabel plutôt qu'Achab ou Joram) sur une multitude d'autres pistes possibles en principe et qui n'intéressent pourtant personne, parce que tout y serait à inventer (point de vue de Naboth ou de Jonadab, des fils ou des prophètes anonymes, sans parler des serviteurs, des chevaux ou des chiens...).
---
J'ai trouvé hier dans un séminaire de Derrida (Donner le temps II, qui date de 1978-79 mais n'a été publié que l'année dernière au Seuil) une séance (XIV) consacrée à La folie du jour de Maurice Blanchot (cette séance étant visiblement un prototype de ce que Derrida a publié plus tard -- et que j'ai lu il y a plus longtemps -- dans Parages). Le texte de Blanchot -- d'ailleurs sous-titré ou non "un récit", avec ou sans point d'interrogation, selon les éditions -- est précisément une mise en boucle et en abyme d'un récit contraint à se répéter indéfiniment, sans satisfaire ses auditeurs (contexte apparent d'un interrogatoire médical, policier et/ou judiciaire), et sans que le lecteur puisse savoir ce qui dans le récit appartient ou non au récit, de sorte que même l'identité du "je" narrateur s'y perd. Ça se termine, si l'on peut dire, sur la phrase, si l'on peut dire: "Un récit ? Non, pas de récit, plus jamais."
Face au récit quel qu'il soit, à l'acte même de raconter une histoire, nous restons d'une naïveté enfantine: nous pouvons mentir, déformer, bouleverser, subvertir, renverser, questionner, critiquer, nous restons pris dans ses filets et agis par ses ficelles... |
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