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| Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. | |
| | Auteur | Message |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 24 Juin 2022, 13:56 | |
| On peut diviser cet ouvrage en trois parties. La première comprendrait les chapitres I et II : on y lit le jugement prononcé par Yahvé contre huit nations, dont la dernière, Israël, est spécialement visée. Viennent ensuite les chapitres III à VI, qui contiennent : une série de reproches suivis de brefs discours sans ordre véritable ; un passage justifiant la mission prophétique ; la liste des châtiments déjà subis par Israël et un chant funèbre. On y trouve aussi un bref poème sur le Jour de Yahvé : il précède une diatribe fameuse contre les rites purement extérieurs du culte d'Israël et une description cruelle des fastes royaux du royaume du Nord. Enfin, se succèdent cinq visions de châtiments (chap. VII à IX), les trois dernières sans appel : la vision des sauterelles ; la vision du feu ; la vision du fil à plomb ; la vision des fruits d'été et la vision du cataclysme final. Des éléments divers sont intercalés, çà et là, entre ces visions. Le livre d'Amos contient plusieurs passages dont l'authenticité est discutée : II, 4-5, de facture deutéronomique ; IV, 13 ; V, 8-4 ; IX, 5-6, doxologies qui renforcent les menaces, et surtout la finale, IX, 8-15, que bon nombre d'exégètes datent du temps de l'Exil (les versets 13 à 15 sont en effet proches de la seconde partie d'Isaïe).
Amos est le premier chez qui l'on rencontre, formulée avec une certitude absolue et destinée à devenir le principe central de tous les prophètes pré-exiliques, l'affirmation que Yahvé est décidé à détruire son peuple. Le prophète justifie cette sentence par son immense besoin de justice d'où sa critique cinglante de la société nationale contemporaine. Amos est, en effet, le prophète de la justice. Au nom de la justice divine, il défend l'ordre moral de la création. Pour ce faire, il s'attaque durement aux désordres, aux inégalités et à l'exploitation des pauvres : autant de faits criants qui transforment Israël en l'assimilant à un groupe païen. La justice divine, dès lors, exigera davantage de celui qui est le « peuple élu » et qui, partant, a reçu davantage : son châtiment sera plus grand que celui des autres nations.
https://www.universalis.fr/encyclopedie/livre-d-amos/
Dans les chapitres 1 et 2, nous retrouvons les oracles contre les nations qui contiennent une particularité, en effet si Amos annonce de trois et quatre crimes, il n'en développe qu'un seul :
"Ainsi parle le SEIGNEUR : A cause de trois transgressions de Damas, à cause de quatre, je ne révoquerai pas mon arrêt : parce qu'ils ont foulé le Galaad avec des herses de fer" (1,3). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 24 Juin 2022, 15:29 | |
| Comme on le redit à peu près à chaque "livre", il ne faut pas confondre la "situation" (datation, localisation, etc.) du prophète-personnage (plus ou moins) raconté (situation qui peut elle-même être plus ou moins réelle, "historique", ou complètement fictive, cf. Jonas; dans le cas d'Amos ça se limite à la notice introductive de 1,1 et à la portion narrative, d'allure "biographique", de 7,10ss) et la rédaction du livre qui est de surcroît celle d'un recueil (les Douze Prophètes), laquelle s'étend en tout état de cause sur plusieurs siècles, plus ou moins selon l'âge du "prophète" et de sa "tradition". Dès lors qu'on ne considère plus le prophète-personnage comme l'"auteur" du livre qui porte son nom, le problème de l'"authenticité" disparaît: les derniers ajouts ne sont pas moins ni plus "authentiques" que les premières strates rédactionnelles (pour autant qu'on arrive à les discerner). Le schème "n, n+1" (3, 4 en l'occurrence; cf. aussi 1,6.9.11.13; 2,1.4.6) est plus "poétique" et aussi "sapiential" que "prophétique" (cf. Osée 6,2; Job 5,19; Proverbes 6,16; 30,15.18.21.29; Qohéleth 11,2); mais c'est une très bonne remarque, que dans ce contexte "prophétique", et plus particulièrement d'oracles de condamnation, les reproches "comptés" ne sont pas énumérés et qu'on se contente du dernier (supplémentaire ou marginal au sens statistique, + 1) qui est aussi décisif, déclencheur comme celui "de trop"; cf. "la goutte d'eau qui fait déborder le vase" ou (en version anglaise) "la paille qui brise le dos du chameau"... (sur l'idée d'"accomplissement" de la faute nécessaire au châtiment, cf. p. ex. ici 27.5.2022: cette "justice"-là n'est pas "préventive"). L'aspect "social" ou "socio-économique" des "oracles d'Amos" (oppression des pauvres, etc.) est certainement leur trait le plus marquant; ce n'est pas une exclusivité (on retrouve des choses similaires chez beaucoup de "Prophètes", Osée ou Isaîe p. ex.), mais le motif y est particulièrement concentré et puissant. Je ne suis pas certain, par contre, qu'il ait grand-chose à voir avec celui de la "création" qui relève plutôt d'autres couches littéraires, sublimes d'ailleurs (4,13; 5,8s; 9,5s) -- il faut remarquer en tout cas que ladite "création" n'est pas "initiale" mais "continue", le dieu de référence fait l'univers comme un événement permanent, où le "monde" ne se distingue pas de l'"histoire" (attention au temps ou à l'"aspect" des verbes, les participes équivalant à des présents, d'une action en cours); il est d'autre part d'un type assez "baaliste" (chevauchant les montagnes et la mer comme l'orage ou la tempête). Si rapport il y a, il serait plutôt d'un type "révolutionnaire" ou dynamique (bouleversements sociaux, économiques et politiques annoncés comme des "événements" météorologiques incontrôlables) que "conservateur" ou "réformiste", dans le sens de l'institution, du maintien ou du rétablissement d'un "ordre" ou d'un "arrangement" stable et permanent ( kosmos si on l'entend dans ce sens-là). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 27 Juin 2022, 10:43 | |
| Dénonciation de l’injustice sociale et rhétorique impérialiste chez le prophète Amos
Tous ces concepts de «droit coutumier international», de «normes morales », de « crimes de guerre », etc., ont cependant été rejetés par Wazana, qu’elle considère comme anachroniques. Selon l’auteure, les crimes décrits par Amos ne doivent pas être qualifiés de «crimes de guerre» au sens moderne du terme. Il n’y aurait pas, selon Wazana, de gestes ou d’actions «universellement» considérées comme répréhensibles. Ce serait uniquement l’accumulation, le caractère extrême, répétitif ou illégitime de certaines actions qui auraient provoqué la colère de Dieu et poussé le prophète Amos à les dénoncer. Cette mise à jour faite par Wazana nous paraît nécessaire. L’auteure soulève des questions importantes et nous sommes, pour l’essentiel, d’accord avec son argumentation. Toutefois, comme nous le démontrerons dans cet article, ce n’est pas nécessairement pour leur caractère «extrême, répétitif ou illégitime» que ces gestes sont condamnés par le prophète. Nous sommes d’avis qu’Amos condamne le comportement des voisins d’Israël et les menaces de destruction parce que sa conception de la justice sociale est influencée par la rhétorique impériale assyrienne. Le Dieu d’Amos se comporte, en effet, comme un dieu impérial qui n’hésite pas à punir les peuples vassaux qui ne respectent pas leurs engagements envers l’empire. La rhétorique d’Amos est toutefois originale : YHWH menace de punir les nations voisines d’Israël parce qu’elles n’ont pas fait appliquer les règles de base de la justice sociale, où les plus vulnérables devraient être protégés. Mais avant de développer davantage notre hypothèse et de présenter les thèses et les arguments des auteurs mentionnés plus tôt, il est nécessaire de nous pencher brièvement sur les oracles contre les nations.
(...)
Tout d’abord, l’idée d’un «droit coutumier international» proposée par Barton doit être rejetée : son hypothèse voulant que les nations voisines d’Israël aient été condamnées pour avoir violé des coutumes de guerre acceptées ou qui auraient dû être acceptées par toutes les nations civilisées de l’époque (1980, 43) ne trouve pas écho dans les écrits proche-orientaux. Pas plus que la proposition de Hayes (1995, 166), selon qui il se serait développé au sein des relations diplomatiques et politico-militaires internationales une sorte de norme acceptée de tous ou, à tout le moins, une compréhension de ce qui constituait des infractions au comportement normal, coutumier. Au contraire, comme l’a suggéré Wazana, les atrocités militaires et le commerce d’esclaves étaient monnaie courante et, semblet-il, justifiés et ne contrevenaient pas à de soi-disant normes morales traditionnelles et conventionnelles. La suggestion de Wazana selon laquelle les crimes des nations voisines d’Israël sont condamnés uniquement pour leur accumulation, leur répétition, etc. n’est cependant pas convaincante. C’est plutôt, à notre avis, parce que les victimes sont vulnérables, sans défense, que ces crimes sont condamnés. Il est donc probable que le prophète Amos se soit basé sur une conception de la justice sociale présente au Proche Orient depuis au moins deux millénaires, où les droits des faibles, des opprimés, des femmes, des orphelins, etc., devaient être protégés. Il s’agissait d’une volonté des divinités proche-orientales, qu’elles soient sumériennes, babyloniennes, israélites, etc. Mais Amos fait preuve d’originalité : les droits des plus vulnérables, qu’ils soient israélites ou non, devaient être protégés. En somme, certains gestes étaient inacceptables aux yeux du Dieu d’Israël et méritaient d’être punis, et ce, même en temps de guerre, particulièrement lorsque les victimes étaient innocentes et sans défense.
https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2016-v24-n1-theologi03584/1044738ar.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 27 Juin 2022, 11:56 | |
| Cet article repose le vieux problème de l' anachronisme moral, qui nous a beaucoup occupés jadis: il n'y a effectivement pas lieu d'introduire des notions modernes comme celle de "crimes de guerre" dans les textes anciens -- et, réciproquement, il n'y a guère de raison d'aller chercher dans "la Bible" une inspiration éthique ou juridique pour notre temps et notre monde, bien qu'il n'y ait pas de lecture sans ce genre d'enjeu anachronique. L'idée de "droit coutumier" me paraît plus pertinente (qu'à l'auteur), pourvu qu'on l'entende bien au sens vague de consensus populaire qui peut varier indéfiniment dans la "forme" et le "contenu", mais qui est quand même reconnu globalement comme tel par la plupart des gens, indépendamment de leur appartenance ethnique, politique ou religieuse (à l'époque, c'est tout un) -- avec un sentiment de "justice" ou d'"injustice" comme d'un "bien" ou d'un "mal" au moins subis. Un tel sentiment n'est pas "inter-national", il est plutôt "infra-" ou "trans-national", et le fait que les souverains de différentes "nations" s'y réfèrent dans des termes similaires, même de façon purement "démagogique" ou "propagandiste", le confirme. En tout cas on ne peut pas objecter à cette idée générale et populaire de "justice" sa non-application pratique ici ou là, puisque celle-ci se vérifierait également en Israël: c'est le sens même des "prophéties socio-économiques", d'Amos et d'autres, que de dénoncer l'"injustice", là comme ailleurs, ce qui corrobore une notion diffuse mais commune de "justice"; lesdites "prophéties" n'ont d'ailleurs nul besoin de démontrer que le "mal" est un "mal", par référence à un commandement divin par exemple: ça va de soi, ça se fait ou ça ne se fait pas, c'est justement ainsi que fonctionne un "droit coutumier"... Pour la même raison, il me paraît tout à fait superflu d'en appeler à la notion supra-nationale d'"empire": le livre d'Amos ne dit rien de l'Assyrie, les "oracles sur les nations" des chapitres 1--2 se bornent aux voisins d'Israël; les traités de vassalité assyriens serviront bien de "modèle" à l'"alliance de Yahvé" à partir du Deutéronome, c'est-à-dire après l'effondrement de l'empire assyrien, mais rien n'indique en Amos une telle "alliance" de Yahvé avec Israël, a fortiori avec les autres peuples concernés. Il y a par ailleurs un sacré paradoxe à rendre "impérial" le dieu d'un peuple vassal, vaincu ou conquis: ce paradoxe est bien assumé par le judaïsme de l'exil et surtout du Second Temple, à partir du deutéro-Isaïe, mais les traces en sont pour le moins discrètes dans Amos, et le cas échéant elles dépendraient aussi de cette théologie post-exilique, qui tient a priori Yahvé pour un dieu universel, sinon pour "Dieu" tout court. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 27 Juin 2022, 15:40 | |
| "Le SEIGNEUR déclare : « Gens d'Israël, est-ce que vous êtes plus précieux pour moi que les Éthiopiens ? Je vous ai fait sortir d'Égypte, mais j'ai aussi fait sortir les Philistins de Kaftor et les Syriens de Quir. Vous ne savez donc pas cela ? » (9,7). Je retiens de cet extrait les notions 1) d'égalité entre tous les peuples et 2) l'universalisme. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 27 Juin 2022, 16:47 | |
| Voir éventuellement la suite ici, pendant qu'elle est disponible (peut-être un chouïa piratée, mais je ne sais pas qui serait le plus voleur, de l'éditeur "officiel" ou du pirate). [P.S.: en fait les liens sont constamment régénérés, le précédent n'est déjà plus valable, mais on peut en trouver un à jour à partir de là.] Vogels (1972) cherchait à harmoniser les énoncés de 3,1s et de 9,7, ce qui me paraît assez désespéré, surtout sous le schème de l'"alliance" (entre Yahvé et Israël) qui est précisément absent d'Amos (l'unique occurrence de berith en 1,9 n'a aucun rapport, Vogels le reconnaît lui-même, p. 225 note 1; cf. p. 235 note 1 et p. 238 note 2; par contre, ce pourrait être une référence -- positive -- à l'alliance entre les Phéniciens et l'ancienne dynastie d'Omri, Achab-Jézabel etc.). La surinterprétation de la formule 'tm ly en "vous êtes à moi" plutôt que "vous êtes pour moi" (comme les Koushites) se heurte à un principe élémentaire de la communication et de la sémantique: c'est toujours le sens minimal d'un mot, d'une formule ou d'une phrase qui est "le bon par défaut", dès lors qu'il est suffisant; pour passer à un sens maximal, ou supplémentaire, il faut rendre explicitement ou implicitement, mais contextuellement, le sens minimal impossible ou problématique, pour que le lecteur ou l'auditeur soit obligé d'"aller chercher plus loin"; or il n'y a rien de tel dans la phrase, "vous êtes pour moi comme les Koushites" produit un sens sémantiquement satisfaisant, même s'il est théologiquement choquant. D'autre part l'autre option (vous êtes à moi comme les Koushites) ne fonctionnerait vraiment que si l'appartenance des Koushites à Yahvé était un présupposé du lecteur, ce qui n'est évidemment pas le cas -- ce serait plutôt la surprise du chef texte... En tout cas, 9,7 ramène ostensiblement l'"élection" d'Israël, présumée unique (aussi suivant 3,2), à une banalité, jusqu'au mythe fondateur de l'Exode mis sur le même plan que toutes les migrations réelles ou imaginaires (si Kaphtor habituellement identifié à la Crète est une "origine" plausible des Philistins, associés aux "peuples de la Mer" de l'épigraphie égyptienne, Qir qui est censé être l'"origine" d'Aram = Syrie en 9,7 semble plutôt inspiré de sa destination d'exil en 1,5). Quant aux Koushites (Nubiens, Ethiopiens) qui en tant que Noirs représentent pour ainsi dire l'exotisme maximal du point de vue du Proche-Orient ancien (cf. exemplairement Jérémie 13,23), on a déjà remarqué leur importance dans Sophonie (1,1; 2,12; 3,10), à quoi on pourrait ajouter Nahum (3,9) et peut-être Habaquq (3,7, Koushan associé à Madian, a priori autres région et couleur de peau): on a peut-être affaire à des rédactions qui affectent l'ensemble des Douze Prophètes plutôt qu'un seul "livre". En tout état de cause, quand le sens est "positif" pour la "nation" concernée, comme ici ou en Sophonie 3,10, la perspective est clairement "universaliste": le peuple qui paraît le plus "éloigné" (géographiquement, ethniquement, culturellement) devient gage de l'"universalité" en question, comme la totalité se marque dans la langue par la mention des extrêmes ou des limites (cf. depuis le plus petit jusqu'au plus grand). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mer 29 Juin 2022, 11:17 | |
| Qui est le prêtre ? Il est « l’autorité religieuse de fonction qui s’exerce au sein d’une entreprise bureaucratisée de salut ». On l’a dit, le prêtre possède une autorité institutionnelle ; celle-ci concerne la gestion quotidienne (ou ordinaire) du religieux, garantissant sa continuité dans la durée.
Qui est le prophète ? C’est « l’homme des crises, des moments où l’ordre établi bascule, où l’avenir tout entier est suspendu ». Mais il y a plus. Pour occuper cette position, « il lui faut être aussi, ou son groupe, socialement prédisposé, parce que menacé et apte à être menaçant, à exprimer la crise ». L’autorité religieuse du prophète n’est pas de nature institutionnelle mais personnelle : c’est l’autorité « de celui qui est reconnu sur la base d’une révélation dont il se prévaut ». L’exemple classique est celui de Jésus, affirmant dans son Sermon sur la montagne : « Moi, je vous dis que… ». On le sait, Weber a insisté sur les problèmes posés par la transmission de ce pouvoir personnel qu’est l’autorité prophétique, sous le thème de la « routinisation du charisme ».
Weber insiste sur la dimension charismatique du prophète, un personnage religieux exerçant souvent simultanément une fonction thérapeutique. Le prophète s’oppose au prêtre à titre d’« entrepreneur indépendant », c’est-à-dire à titre d’agent offrant ses services hors institution, c’est-à-dire sans cautions institutionnelles. Le prophète s’oppose au prêtre en ce qu’il aspire à exercer un pouvoir religieux en se consacrant aux mêmes tâches que celles exercées par le corps sacerdotal : il avance une doctrine systématisée, éventuellement formulée dans une langue savante, qui s’insère dans une tradition constituée. Le prophète est ainsi en concurrence directe avec le prêtre, dans le marché des doctrines systématiques. Le prophète vient ainsi bouleverser ou du moins troubler la gestion quotidienne du prêtre ; l’autorité charismatique de l’un entre en conflit ouvert avec l’autorité institutionnelle de l’autre, dans une confrontation opposant des discours du même type (systématique-rationnel).
Dans son combat contre le prêtre, le prophète — pour être un prophète effectif, et non un simple illuminé — doit être appuyé par les factions dominantes de laïcs, désirant rompre avec la « banalisation » du régime sacerdotal. C’est pourquoi le discours prophétique apparaît dans des situations de crise, de transformations, de bouleversements. Dans ces situations instables, des prophètes vont généralement émerger des groupes en « porte-à-faux » dans la structure du champ religieux (et dans la structure sociale) : ce sont les seuls qui peuvent envisager l’invention d’un à-venir qui ne soit pas reconduction du Même. Annonciateur de la crise, producteur et produit de la crise, le prophète est celui qui dit — qui peut dire — ce qui est à dire, ce qui doit être dit ...
... Pour ce qui est de l’opposition prophète et prêtre, il ne faut pas non plus la durcir. Pour Neher, « il est trop simple de faire jouer des oppositions évidentes » entre la position sacerdotale et la position prophétique. En effet, « les prêtres auxquels se sont uniformément heurtés les prophètes sont de faux pharisiens. Ils sont en situation d’abus par rapport à loi. Le texte biblique est net : les prêtres ne sont pas attaqués par les prophètes parce qu’ils sont prêtres, mais parce qu’ils ne le sont plus. Ils sont mentionnés avec leurs péchés. Leur liste équivaut à une nomenclature d’usurpations et de trahisons. » Donc, l’opposition est moins entre le prophétisme et le sacerdoce qu’entre tradition authentique et « opportunisme clérical ».
Certes les exemples d’oppositions des prophètes aux prêtres sont nombreux dans la Bible.
Le prêtre Amassia est la cible du prophète Amos :
"Amassia, le prêtre de Béthel, fit parvenir ce message à Jéroboam, roi d’Israël : « Amos cherche à renverser ton pouvoir dans le royaume d’Israël. Le pays ne peut tolérer davantage ses discours. Voici en effet ce que déclare Amos : “Jéroboam mourra de mort violente, et la population d’Israël sera déportée loin de sa patrie.” » Amassia dit alors à Amos : « Visionnaire, décampe d’ici et rentre au pays de Juda. Là-bas tu pourras gagner ton pain en faisant le prophète. Mais cesse de jouer au prophète ici, à Béthel, car c’est un sanctuaire royal, un temple officiel. » Amos répondit à Amassia : « Je ne suis ni prophète de métier ni membre d’une confrérie prophétique. Je gagne habituellement ma vie en élevant du bétail et en incisant les fruits du sycomore. Seulement le Seigneur m’a pris derrière mon troupeau, et il m’a dit d’aller parler de sa part à Israël, son peuple. Or toi, Amassia, tu m’interdis d’apporter le message de Dieu au sujet d’Israël, de débiter mes discours, comme tu dis, contre les descendants d’Isaac. Eh bien, écoute donc ce message du Seigneur : Voici ce qu’il déclare : “Ta femme sera réduite à se prostituer dans la ville, tes fils et tes filles seront massacrés. Ta propriété sera partagée au cordeau. Toi-même tu mourras en pays païen, et la population d’Israël sera déportée loin de sa patrie” » (Am 7,10-17).
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2011-v67-n3-ltp5008623/1008600ar/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mer 29 Juin 2022, 12:27 | |
| Intéressant.
La typologie sociologique (de Weber à Bourdieu) est naturellement tributaire de la Bible, et des "sources secondaires" (comme Neher) qui la commentent. Or, comme on l'a souvent montré, le "prophète" (nby'-prophètès) a fait l'objet, dans les textes "bibliques" eux-mêmes, d'un déplacement remarquable, du personnage d'action, de signe et de transe raconté (genre Elie ou Elisée, mais encore plus souvent anonyme, "fils de prophète(s)", "homme du ou des dieux", "voyant", etc.) qui est très proche, voire indiscernable du "sorcier" (devin, medium, thaumaturge, etc.), au "Prophète-Livre" aux longs oracles savamment écrits, construits et composés, thématiques, littéraires, en grande partie poétiques. Le qualificatif grec de prophètès dans la Septante, qui au sens classique se distingue comme "interprète" de l'"inspiré" proprement dit, à l'expression inintelligible (Pythie etc.), dépend évidemment de cette évolution du corpus et de son point d'arrivée (le "Prophète-livre" suppose le prophète écrivain, donc orateur, poète, etc.), même si la traduction l'applique mécaniquement à n'importe quel nby', y compris l'"inspiré primitif". Parallèlement à ce déplacement sémantique du "prophète", le rôle du "prêtre" s'est réduit et sclérosé, de la culture et de la communication d'une tradition locale et rituelle, mais vivante (la torah ou instruction sacerdotale au sens premier du terme), à la pure application d'une "loi" écrite, universelle et immuable dans un temple unique (Torah de Moïse, ou d'Esdras). Tandis que ce qui restait de "sorcier", ni sacerdotal ni prophétique au sens (pré-)"canonique", a été purement et simplement interdit, censuré, réprimé, persécuté -- tout cela est inscrit dans la Torah-livre, depuis le Deutéronome qui inscrit dès le début de l'"histoire" (Moïse) l'aboutissement du processus.
Avec Amos on a (déjà) affaire à un Prophète-livre, de surcroît inséré dans un recueil (les Douze), et il ne reste pas grand-chose de l'histoire d'un "prophète-inspiré" à l'ancienne. Contrairement à d'autres Prophètes-livres, les "oracles" d'Amos ne s'en prennent pas aux "prêtres", si ce n'est dans le passage précité du chapitre 7 dont l'argument relève en quelque sorte de la "légitime défense" (c'est le grand prêtre de Beth-El qui aurait pris l'initiative de "censurer" le prophète) -- mais les références à la destruction de Samarie rendent pour le moins improbable l'idée une scène "historique" et plus encore une prédiction réelle, plusieurs décennies à l'avance... En revanche, on peut noter les passages relatifs aux "prophètes" associés aux "nazir(éen)s", 2,11s; cf. 3,7s; dans la scène de 7,10ss on remarquera aussi qu'Amos, qualifié de "voyant", récuse à son propre sujet le titre de "prophète" professionnel ou "fils de prophète(s)", attribuant sa mission à une vocation strictement individuelle (selon le modèle des Prophètes-livres, Isaïe, Jérémie, etc... ou encore de Moïse dans l'Exode). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 01 Juil 2022, 10:34 | |
| "Quel malheur pour ceux qui attendent le jour du SEIGNEUR avec impatience ! Ce jour du SEIGNEUR, qu'est-ce qu'il sera pour vous ? Un jour plein de lumière ? — Non : un jour sombre ! Il fera penser à un homme qui fuit devant un lion et qui rencontre un autre animal sauvage. Puis cet homme entre chez lui, il appuie la main contre le mur et se fait mordre par un serpent ! Est-ce que le jour du SEIGNEUR sera plein de lumière ? — Non, ce sera un jour sombre, un jour noir, sans aucune clarté" (5,18-20).
III.1.2. Le Jour de YHWH chez Amos.
Le livre d’Amos se compose de quatre parties facilement identifiables : les oracles contre les nations (1,2-2,16), des avertissements et des menaces adressés à Israël (3,1-6,14), les visions du prophète (7,1-9,10), et des promesses de restauration (9,11-15). Chacune de ces parties parle, à sa manière, du Jour de YHWH qui est expressément annoncé par Am 5,18-20.
a. Le yôm YHWH d’après Am 5,18-20.
De l’avis unanime des exégètes, Amos est le premier prophète à avoir employé l’expression « Jour de YHWH » ; c’est pourquoi, la péricope d’Am 5,18-20 est généralement considérée comme la base de toute étude sur le Jour de YHWH. Ce texte appartient à une série d’oracles en hôy, regroupés aux chapitres 5 et 6 ; le terme qinâ d’Am 5,1 annonce cette section comme une lamentation, un chant funèbre ou une complainte. Le Jour de YHWH pourrait donc avoir été célébré comme un jour de culte.
L’oracle d’Am 5,18-20 s’ouvre par l’exclamation hôy (« malheur ») qui, d’entrée de jeu, donne le ton du discours qui va suivre. Dans la même perspective que hôy, Am 6,3 parle du Jour de YHWH comme d’un « jour de malheur » (Dans le même sens, Jr 17,16-18 qualifie de (...) ce jour tant « convoité ». Les destinataires de l’oracle d’Am 5,18s sont ceux qui attendent le Jour de YHWH ; il s’agit bien de tout le peuple, y compris ses responsables.
Cet oracle d’Am 5,18-20 retient deux aspects essentiels du Jour de YHWH :
1) Il sera « ténèbres et non lumière ». Un peu plus loin, dans le petit oracle d’Am 8,9-10 délimité par la répétition du mot ~Ay, YHWH prévient qu’en ce jour-là, il fera coucher le soleil en plein midi. Les ténèbres appartiennent au langage des théophanies bibliques en particulier, pour exprimer le chaos, le désordre, et la consternation. L’image des ténèbres comme caractéristique du Jour de YHWH, est reprise et développée par les prophètes postérieurs (So 1,15 ; Ez 30,3 ; Jl 2,2 ; 4,15, etc). Chez Amos et Sophonie, c’est en particulier pour Israël que le jour de YHWH est un jour des ténèbres.
2) Am 5,19 compare le Jour de YHWH au surgissement successif d’animaux dangereux (lion, ours, serpent) qui traquent les hommes de tous côtés et dont ceux-ci essayeront en vain d’éviter les attaques meurtrières. Plus loin, la reprise du substantif ~Ay délimite par inclusion Am 8,9-10 : dans ce texte, le Jour de YHWH est présenté comme un jour amer (rm; ~AyK. : 8,10), comparable à un jour de deuil pour un fils unique (cf. Za 12)18. Le prophète annonce qu’il n’y aura plus aucun lieu de refuge au jour de YHWH, même pas le temple (Am 5,19) ; de même Am 8,2 parle explicitement de « la fin (#qe) d’Israël ». Am 2,16 affirme qu’en ce jour-là, les plus courageux eux-mêmes ne songeront qu’à fuir sans prendre le temps de se vêtir19. Et les deux versets précédents (Am 2,14-15) semblent indiquer qu’en réalité, nul ne réussira à s’enfuir et à se sauver (cf. Mi 6,14).
En somme, le texte principal d’Am 5,18-20, lu dans son contexte, présente le Jour de YHWH comme une théophanie provoquant la désolation et le malheur.
https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A5400/datastream/PDF_03/view |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 01 Juil 2022, 11:42 | |
| Sur cette thèse, voir ici 1.6.2022 et le lien antérieur. En ce qui concerne Amos on peut (re)lire toute la section III.1.2, de la p. 196 à 201; pour rappel, l'intérêt principal de la perspective choisie par l'auteur est d'englober les Douze Prophètes (dans ce chapitre, sur le motif particulier du "jour de Yahvé") pour apprécier le rapport de la conclusion (de Malachie) à l'ensemble. On retombe, bien sûr, dans le même "cercle" chronologique, exégétique, herméneutique et néanmoins vicieux: "Amos" (le Prophète-livre) est "le premier" à parler du "jour de Yahvé" SI les "oracles" qui en parlent sont effectivement d'"Amos" (le prophète-personnage) ou de son époque; dans le cas contraire, SI les "oracles" relèvent d'une écriture qui s'étend sur plusieurs siècles (jusqu'au recueil des Douze au moins), le raisonnement s'effondre comme un château de cartes (voir p. ex. deux pages plus bas, p. 203 et la note 33, qui remet en question les affirmations de la section précitée). De même, le rapport éventuel du "jour de Yahvé" à un rituel du (premier) temple (cf. p. ex. p. 197 note 14) se volatilise SI l'"oracle" est ultérieur et n'est donc pas contemporain du rituel (absent comme tel de la Torah, même si l'on peut toujours en deviner des vestiges, dans le "jour des expiations" p. ex.) -- outre que dans l'oracle le temple ne sauverait pas du "jour de Yahvé", si du moins l'on comprend h-byt, "la maison", comme "le temple", 5,19 (cf. l'avant-dernier paragraphe de ta citation)... Quoi qu'il en soit de son "contexte" originel, ce qui reste extrêmement frappant dans ce passage c'est le renversement d'un sujet d'espérance, d'attente, d'impatience en sujet de terreur -- nous en savons quelque chose pour l'avoir d'abord lu (et, pour ma part, apprécié) dans un contexte (néo-)eschatologique, où il avait la vertu de jeter un froid dans l'enthousiasme de l'attente imminente (attente de quoi au juste ?)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 01 Juil 2022, 14:53 | |
| - Citation :
- Quoi qu'il en soit de son "contexte" originel, ce qui reste extrêmement frappant dans ce passage c'est le renversement d'un sujet d'espérance, d'attente, d'impatience en sujet de terreur -- nous en savons quelque chose pour l'avoir d'abord lu (et, pour ma part, apprécié) dans un contexte (néo-)eschatologique, où il avait la vertu de jeter un froid dans l'enthousiasme de l'attente imminente (attente de quoi au juste ?)...
Amos, au nom de la gratuité de l’Alliance, s’élève contre l’assurance qu’Israël tire, comme tous les autres peuples, du retour cyclique des saisons, avec les rites qui veulent en assurer la permanence, la fête du Nouvel An en particulier. Le problème court à travers tout le livre, mais trouve sa plus parfaite expression dans le passage célèbre sur le Jour de Yahvé :Malheur à ceux qui désirent le Jour de Yahvé !Que sera-t-il pour eux le Jour de Yahvé ?Il sera ténèbres et non lumière (5,18).Les traducteurs de TOB évitent ordinairement de se prononcer sur des questions discutées. Mais ici, ils consacrent une longue note à exposer et à défendre la thèse de G. von Rad, comme s’il n’en existait point d’autre. L’expression « Jour de Yahvé », au dire du grand exégète allemand, aurait son origine dans la guerre sainte : c’est le Jour de la victoire de Yahvé. Quelle que soit l’autorité de cet auteur, cette opinion ne saurait, d’aucune manière, être considérée comme décisive.Rien, dans le chapitre 5 d’Amos, n’évoque la guerre sainte ; or c’est le texte le plus ancien où l’on voit apparaître !’expression. Les deux thèmes de lumière et de victoire ne sont nulle part ailleurs « couplés » dans la Bible. Le mot « Jour », lorsqu’il est suivi d’un nom propre tel que Yizréel (Os 2 2), Madiân (Is 9 3), ou même Jérusalem (Ps 137 7), n’évoque pas le temps d’une victoire, mais au contraire celui d’une défaite ou d’une chute.En coupant correctement le texte, c’est-à-dire en lisant comme un tout 5 18-27, le mot « malheur » du début appelant une décision qui n’arrive qu’aux versets 26 et 27, on se trouve ici dans un contexte on ne peut plus liturgique. Yahvé, aux versets 21-25, exprime son dégoût pour les sacrifices et les fêtes de son peuple ; il annonce l’exil de l’image du dieu-roi d’Israël, qui ne peut être que celle de Yahvé lui-même, car ni Amos ni ses contemporains, ne possédaient l’érudition des orientalistes allemands, pour pouvoir songer à des divinités babyloniennes, telles que Sakkût et Kévân, connues par les seuls textes assyriens.Osée, dans un contexte analogue, parlera du « Jour de la fête de Yahvé » (9 5) ; il évoquera plus loin le sort du veau de Béthel, qualifié de Roi, et annoncera son départ processionnel vers Assour où il servira d’« offrande au grand Roi » (10 s-6). L’expression accadienne um ili, « jour du dieu », vise toujours le jour de la fête du dieu, au même titre sans doute que les « jours de Baal » d’Osée 2 15.L’hypothèse de S. Mowinckel, dont les auteurs de TOB tendent d’exorciser par le silence l’ombre tant redoutée, est ainsi incomparablement mieux fondée que celle de von Rad. On s’étonne, par ailleurs, qu’un auteur aussi averti ait pu confondre avec la guerre sainte, le thème du jugement, qui appartient au pattern des fêtes du Nouvel An. Il faudra attendre l’Exil, avec des textes isolés tels que Is 13,pour voir les deux perspectives se rapprocher et peut-être se confondre.Le Jour du Jugement, le Jour de la fête du dieu-roi, est le jour du retour de la vie et de la recréation ; d’où l’espérance de lumière qu’il faisait périodiquement renaître au cœur des peuples. Le prophète refuse à Israël le réconfort d’un espoir qui serait ainsi fondé sur le renouvellement cyclique des forces de la nature. L’assurance du peuple de l’Alliance repose uniquement sur la permanence de l’appui que lui offre le Dieu de l’histoire. Ainsi s’amorce dans la Bible l’éclatement de cette espérance cyclique commune au monde ancien.C’est la totale gratuité de l’élection d’Israël par Yahvé qui constitue, de fait, l’intuition fondamentale du message d’Amos (3 2 ; 9 s). L’homme, dans le cas, n’a pas prise sur Dieu, quand bien même il le considérerait comme « son Dieu ». Israël certes doit mettre son assurance en Yahvé, mais il ne possède pas d’assurance sur Yahvé.C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’attitude des prophètes envers le culte. Yahvé ne rejette pas les sacrifices d’Israël au nom d’une soi-disant religion intérieure « inventée par Amos et Wellhausen ». Pour aller dans un autre sens, les notes des traducteurs de TOB sur le sujet ne sont pas moins hors de propos : « Le culte agréé par Dieu, y lit-on, est celui qui prend sa source dans l’humilité, dans l’obéissance, dans l’amour de Dieu...» Pour juste que soit l’observation, rien ne prouve qu’Amos y ait jamais songé. À s’en tenir aux propos du prophète, Yahvé ne défend son peuple que dans la mesure où ce dernier demeure fidèle aux clauses de l’Alliance ; le recours au culte n’est en pareil cas d’aucune utilité ; il devient même dangereux dans la mesure où il entretient des illusions qui s’avéreront fatales. https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1972-v28-n2-ltp0985/1020298ar.pdf
Dernière édition par free le Mar 26 Juil 2022, 12:16, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Ven 01 Juil 2022, 17:47 | |
| Nous avions déjà vu quelque part cette note furibarde de Beaucamp sur la TOB en cours de parution (1972), et elle m'avait déjà fait sourire, car aujourd'hui Mowinckel paraît encore plus profondément oublié que von Rad (mais ça a encore le temps de bouger)...
Je ne reviens pas trop sur les problèmes chronologiques (cf. mon post précédent et depuis le début): il ne faut jamais préjuger de la date, du "contexte" et a fortiori de l'auteur de ce qu'on lit, car cela peut changer d'une phrase à l'autre et même en cours de phrase; et, Dieu merci, ça n'empêche absolument pas de lire, la preuve !
Par contre, et même si le contexte rituel est loin d'être évident dans le livre d'Amos, on peut toujours réfléchir au fait que tout rituel joue sur et avec la peur: il y a un moment de crainte et de tremblement, le tremendum du mysterium, le danger même de la rencontre du "sacré" (numen, divin, démonique, etc.), sur lequel se détache comme sur un fond sombre la "bonne surprise" ou la "bonne nouvelle" de la théophanie lumineuse, de la vision souriante de la divinité, de la grâce, de l'oracle (ou torah) favorable et de la bénédiction sacerdotale: c'est la confession des péchés devant la sacralité ou sainteté terrifiante de la divinité, le sacrifice expiatoire ou propitiatoire, de préférence sanglant, l'incubation nocturne des pèlerins passant la nuit dans le sanctuaire, avant que le dieu toujours solaire ne lève sa face sur eux et ne relève la leur (= ne leur accorde sa faveur). Dans un sens, le caractère réglé du rituel tend à déjouer l'effet de son dispositif: pour les habitués il n'y a plus de surprise (comme à la messe ou dans sa parodie maçonnique façon Flûte enchantée). Et le "prophétisme" (littéraire) peut parfaitement puiser dans le rituel (sacerdotal), ou dans ses vestiges, les éléments effrayants ou inquiétants qu'il retournera contre le rituel, en se targuant de les prendre plus sérieusement que celui-ci (ce n'est plus un simulacre, c'est du réel, des catastrophes à venir, sinon "la fin du monde"). Mais lui-même est repris dans la même mécanique que le rite quand il fait alterner à son tour, de rédaction en rédaction, les oracles de "jugement" et de "salut" ou de "restauration", la malédiction et la bénédiction (comme à la messe, ou au temple, ou au commissariat: good cop, bad cop...). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 25 Juil 2022, 09:44 | |
| AMOS: LES FONDEMENTS DE SA PROPHÉTIE OU : LE PROBLÈME DE SON «ENRACINEMENT SPIRITUEL»
LA CONCLUSION
Celle-ci est claire : << Amos vit de la tradition orale de la sagesse des clans de J'ancien Israël ». Cette sagesse est à distinguer de la sagesse de cour, elle n'est pas à chercher dans un grand centre cultuel ou culturel mais << dans certains groupes d'Israël vivant surtout de façon semi-nomade. Avec J'annonce du jugement Amos dépasse cette sagesse<< ancienne israélite >> mais il s'en sert pour exprimer son message.
L'abondance des parallèles sapientiaux cités par Wolff semble d'abord convaincant. Mais en regardant d'un peu plus près, cette théorie pose quand même quelques problèmes.
3. LES PROBLÈMES
a) d'ordre méthodologique
En se rappelant l'entité du livre d'Amos (cf. ci-dessus) on constate des faiblesses dans l'argumentation de Wolff :
- d'abord il ne mentionne ni les visions, ni les traditions du jour de YHWH : domaines pour lesquels un lien avec la sagesse n'est pas du tout évident ;
- au lieu de chercher tout de suite des parallèles dans les Proverbes, Wolff aurait peut-être pu tenir compte du rôle de certaines expressions à l'intérieur du message d'Amos. Citons deux exemples :
• la phrase sur le« serpent qui mord »en Am. 5,19 se retrouve à la fin de la cinquième vision en 9,3. En mettant ces deux textes en rapport l'un avec l'autre, il devient clair qu'il s'agit plutôt d'une tradition << mythologique >> (cf. Jb 3,8 ; 7,12 ; 40,25-41 ,26) 16.
• la citation du << lion >> en 3,4-6.8 ne mène pas à tout prix à la sagesse : les images utilisées ont un contenu métaphorique, et le lion sert aussi à désigner YHWH (cf. Os. 11,10; Es. 31,11,etc ... ).
- Quant aux oracles contre les nations, ils ont des relations étroites avec les textes égyptiens d'exécration.
- Wolff utilise pour ses parallèles tous les chapitres du livre des Proverbes, en nivelant les traditions différentes qui y sont réunies.
https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_2F550599E03F.P001/REF
Dernière édition par free le Lun 25 Juil 2022, 11:54, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 25 Juil 2022, 11:25 | |
| (Ouélcome baque !)
Il faut aller jusqu'au bout de l'article pour ne pas en rester à la thèse de Wolff (ou à sa réfutation), et prendre en considération la (contre-)thèse de Schmid et le jugement de Römer, déjà très sûr en 1984 -- pour rappel, cette époque est aussi celle des derniers feux de la "théologie de la libération" et plus généralement du dialogue fécond entre christianisme et marxisme, qui avait mis pendant quelque temps le livre d'Amos sur le devant de la scène pour son aspect "social"...
Qu'il y ait une "dimension mythologique" au serpent, c'est probable, mais elle ne me paraît pas "claire", ni distincte ni précise, vu les deux contextes de ses occurrences dans Amos (5,19: dans la maison / le temple ? 9,3: au fond de la mer). Une correspondance entre le rituel (cf. le "serpent d'airain-cuivre-bronze" ou Nehoushtan de Jérusalem) et la cosmologie (Lôtan-Léviathan, Rahab, etc.) est en soi plausible, mais les indices textuels d'Amos dans cette direction restent faibles.
Je note au passage (bien que ça n'apparaisse pas dans ton extrait) qu'il y aurait une objection élémentaire à faire à la thèse de Schmid: le mot shalom ("paix" etc.) ne figure nulle part dans Amos, il est donc plutôt hasardeux d'en faire le "concept" central pour rendre compte de sa "logique". Toutefois la même notion fondamentale d'"ordre du monde" tendant à se restaurer lui-même en cas de déséquilibre, de démesure, d'excès ou de défaut en tout genre (ma'at, dikè, nemesis etc.) est évoquée par bien d'autres termes hébreux (p. ex. çdq ou špt pour "justice", "jugement" ou "droit", ou du point de vue "cognitif" hokhma pour "sagesse").
Dernière édition par Narkissos le Lun 25 Juil 2022, 12:09, édité 1 fois |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 25 Juil 2022, 12:05 | |
| Les injustices sociales, un facteur de ruine et de dé-création (Am 5,7-12)B Les actions de Dieu : il crée les Pléiades et l’Orion, change l’obscurité en clarté matinale, réduit le jour en sombre nuit, convoque les eaux pour les répandre sur la terre, livre l’homme fort à la dévastationEnsuite, cette structure montre surtout un parallélisme antithétique très accentué ou un contraste abyssal entre les actions de ceux qui bouleversent la mišpāt et la ṣədāqāh [AA’ (Am 5,7.10-12)] et celles de Dieu situées au centre [b"(Am 5,8-9)"] et exaltées sous forme d’une doxologie. En effet, le prophète attribue à Dieu, le Seigneur de l’univers, cinq actions qui portent apparemment sur le cosmos et non sur les injustices sociales. C’est d’ailleurs dans le but d’accentuer ce contraste qu’Amos ou le rédacteur utilise le même verbe [hāfak̠ (Am 5,7. ] pour décrire la transformation du droit en poison et les changements que le Seigneur effectue habituellement dans l’univers. La plupart des exégètes reconnaissent que la répétition du verbe hāfak̠ en Am 5,8 n’est pas fortuite (Wolff 1977, 241 ; Jeremias 1998, 90-91). Elle est voulue pour marquer une opposition entre les actions de Dieu décrites en Am 5,8-9 et celles des auteurs des injustices énoncées en Am 5,7 puis explicitées en Am 10-13. Cette opposition intentionnelle nous rappelle le premier discours qu’Amos a prononcé contre Israël (Am 2,6-16). Sa prise en compte s’avère très éclairante. Elle nous incite à nous interroger sur la signification profonde des actions qu’Amos attribue à Dieu afin de mieux cerner les conséquences de la perversion du droit et de la justice sur le projet créateur et sur la destinée d’Israël. Dès lors, quelle signification revêt chacune des cinq actions que le prophète présente, en Am 5,8-9, comme la conduite permanente de Dieu au sein de la création ? La première action porte sur la création des Pléiades et de l’Orion. Son interprétation ne pose pas de grandes difficultés. La majorité des commentateurs modernes, à la lumière de Jb 38,31, un passage dans lequel les Pléiades et l’Orion désignent des constellations, considèrent ces deux termes comme les noms des deux astres traditionnellement associés à la Nouvelle année (Nisan) ou au changement de l’hiver et de l’été (Fohrer 1963, 216 ; Hammershaimb 1970, 80-81 ; Paul 1991, 168). Aussi, en dépeignant Dieu comme celui qui façonne les Pléiades et l’Orion, Amos le présente-t-il, métaphoriquement, comme celui qui est à l’origine du cycle des années et des saisons mais surtout comme celui qui assure leurs successions régulières dans le temps. Les deux actions suivantes concernent respectivement le changement de l’obscurité en clarté matinale et la réduction du jour en sombre nuit ; leur explication ne pose pas davantage de problèmes majeurs. Les exégètes, comme Andersen et Freedman (2008, 491), admettent généralement qu’elles rappellent le récit de la création et plus particulièrement, la création de la lumière (Gn 1,2-5) et celle des étoiles (Gn 1,16). Ainsi, lues à la lumière de Gn 1,2-5 et de Gn 1,16, ces deux actions dénotent que le Dieu d’Israël assure réellement le changement régulier des jours et des nuits, les deux moments du temps journalier. Quant à la quatrième action, elle est formulée comme suit : « il convoque les eaux des mers pour les répandre sur la surface de la terre ». Son explication suscite deux grandes prises de positions opposées. Certains commentateurs y voient le prélude d’une catastrophe de proportion cosmique et lui donnent deux significations très similaires. D’une part, ils estiment, qu’Amos annonce à ceux qui dénaturent le droit et la justice que Dieu est sur le point d’enclencher le processus inverse de ce qu’il fit respectivement le deuxième et le troisième jours de la création de l’univers, c’est-à-dire, l’établissement du firmament séparant les eaux terrestres des eaux célestes (Gn 1,6) et les eaux inférieures de la terre ferme (Gn 1,9 ; Jb 38,8-11 ; Pr 8,29 ; Ps 104,9). Autrement dit, comme en Jr 4,23-26, cette action traduirait le retour de la terre au chaos ou du moins à l’aspect qu’elle avait avant l’intervention de Dieu après le premier jour de la création (Bovati et Meynet 1994, 173). D’autre part, en s’appuyant sur le récit du déluge, ils avancent que cette quatrième action prend la connotation d’une annonce d’un déversement des océans sur la terre comme au jour de Noé. Ils estiment également qu’en dépit de l’engagement de Dieu dans Gn 8,21 à ne plus anéantir la création, Amos avertit les coupables de crimes contre la justice qu’à cause de leurs exactions, Dieu est sur le point de provoquer une inondation similaire à celle du temps de Noé afin d’anéantir de nouveau toute la création (Olher 1970, 92-100 ; Andersen et Freedman 2008, 493). En un mot, pour les partisans de cette ligne d’interprétation, Amos annoncerait la fin du monde : Dieu va défaire la création en ramenant les eaux de la mer sur la terre.D’autres biblistes, comme Speier (1953, 305-310), Amsler (1982, 211), Mays (1969, 95-96) et Story (1980, 72), maintiennent qu’à travers le syntagme « il convoque les eaux des mers pour les répandre sur la face de la terre », le prophète dresse plutôt le portrait d’un Dieu présidant aux cycles des eaux, qui s’évaporent des mers pour retomber en pluie sur la terre. Nous privilégions cette interprétation en posant qu’Amos dépeint Dieu comme celui qui envoie la pluie pour nourrir la terre. Elle a notre préférence parce que, tout d’abord, le verbe qârâ (appeler, convoquer) utilisé pour décrire l’acte de convoquer les eaux des mers, tout comme les verbes ‘āsāh (faire ou façonner) et hāfak̠ (changer) kāšak̠ (obscurcir) employés en Am 5,8, décrit une action située dans le présent. Ensuite, le verbe qârâ est au participe présent, temps qui indique habituellement une action continue, en cours. Le temps de ce verbe implique incontestablement que c’est de façon régulière et continuelle que Dieu convoque les eaux pour les répandre sur la terre ; il ne s’agit donc pas d’une action ponctuelle qui sera accomplie dans un futur proche ou lointain. Enfin, cette interprétation corrobore certaines données du livre. Elle dévoile qu’en tant que maître des pluies et des saisons, Dieu seul peut provoquer la sécheresse (Am 4,7) ou le dessèchement des pâturages et de la crête du Carmel (Am 1,2). https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2016-v24-n1-theologi03584/1044737ar/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Lun 25 Juil 2022, 13:33 | |
| Article voisin (même revue, même numéro) de celui que nous avions vu supra 27.6.2022. Je ne reviens pas trop sur les problèmes de critique historique et littéraire où l'auteur donne l'impression de s'emmêler inutilement les crayons: si le livre d'Amos comme la plupart des livres des Prophètes et de l'AT en général est le résultat d'un processus rédactionnel qui s'étend sur plusieurs siècles, alors le "contexte historique" du prophète-personnage importe très peu pour l'analyse du texte. Et même si les morceaux "socio-économiques" et "mytho-cosmiques" proviennent de sources littéraires tout à fait différentes, leur combinaison rédactionnelle n'en a pas moins l'effet qu'elle a dans le texte tel que nous le lisons. Or cet effet est -- en effet -- saisissant, mais il faut à mon avis le préciser (cf. déjà supra 24.6.2022, à partir du temps des verbes): le "désordre social", si l'on veut l'appeler ainsi, ne s'oppose pas à un ordre cosmique installé une fois pour toutes (création initiale), mais à une action divine permanente qui est aussi destructrice (ou dé-structrice) que constructrice ou créatrice (impermanence permanente, si l'on veut, avec des effets de régularité ou de cycle à même son mouvement). De sorte que l'opposition même entre un "désordre" et un "ordre" s'effondre, de même qu'entre "création" et "destruction", "création" et "histoire", etc.; aucun désordre en définitive n'échappe à l'ordre qui n'en est pas un (j'ai retrouvé ces jours-ci le chaosmos au début de Finnegans Wake). De la racine hpk-hafak (retournement, bouleversement, comme pour Sodome et Gomorrhe -- dont je suis aussi en train de [re-]lire, alternativement, la version proustienne) nous avons encore parlé récemment ici (9.6.2022). Il faut noter qu'elle revient aussi (outre 5,7s et 6,12) en 4,11 (Sodome et Gomorrhe, encore) et 8,10 (changer/retourner les fêtes en deuil) et assez souvent chez les Douze Prophètes (outre Sophonie 3,9, lien précédent, Osée 7,8; 11,8; Joël 3,4; Jonas 3,4; Aggée 2,22). En Amos également la Septante joue de kata-strephô (4,11, d'où "catastrophe"), poieô (5,7, faire, créer, d'où "poésie", comme pour `sh au v. 8a; ek-trepô pour hpk 8b), ek-strephô (6,12), meta-strephô (8,10). Autant de tours, de détours, de retours (tropes, strophes, etc.) à même la permanente impermanence, toujours même et toujours autre. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mar 26 Juil 2022, 15:00 | |
| - Citation :
- (Ouélcome baque !)
THaNGk ˌyo͞o Narkissos... Un vrai plaisir d'échanger à nouveau sur ce forum. Première vision d'Amos : les criquets Voici ce que le Seigneur DIEU m'a fait voir : il était en train de former des criquets. C'était au moment où l'herbe, coupée une première fois pour le roi, recommençait à pousser. Et quand les criquets finissaient de manger toute l'herbe du pays, j'ai dit : « Seigneur DIEU, je t'en prie, pardonne à ton peuple ! Sinon, qu'est-ce qu'il va devenir ? Il est si petit ! » Alors le SEIGNEUR a changé d'avis. Il a dit : « Cela n'arrivera pas. »Deuxième vision : le feu Voici encore ce que le Seigneur DIEU m'a fait voir : il faisait appel au feu pour accomplir un jugement. La chaleur séchait l'eau qui est sous la terre et elle brûlait le pays d'Israël. Alors j'ai dit : « Seigneur DIEU, je t'en prie, arrête. Sinon, qu'est-ce que ton peuple va devenir ? Il est si petit ! » Et le SEIGNEUR a changé d'avis. Il a dit : « Cela n'arrivera pas non plus. »Troisième vision : le fil à plomb Voici ce que le Seigneur m'a fait voir ensuite : il était debout près d'un mur et il tenait à la main un fil à plomb. Le SEIGNEUR m'a demandé : « Amos, qu'est-ce que tu vois ? » J'ai répondu : « Un fil à plomb. » Le Seigneur a continué : « Je constate ceci : mon peuple est comme un mur qui n'est pas droit. Maintenant, je ne lui pardonnerai plus.Je détruirai les lieux sacrés des gens de la famille d'Isaac,je démolirai les lieux saints d'Israël,je ferai la guerre à la famille royale de Jéroboam. » ( Amos 7,1-9) Dans les deux premières visions, malgré l'annonce du jugement, c'est la compassion divine qui prend le dessus. Dieu semble souffrir du jugement auquel il doit soumettre son peuple. Dans la dernière vision du chapitre 7, nous découvrons la transformation de la miséricorde en jugement implacable. Malgré le prophète qui intercédé pour le peuple et implore la compassion divine, Dieu refuse d'accorder son pardon. L'annonce du jugement qui prend la place de la miséricorde semble s'amorcer là, ou la faute du peuple s'est accrue à tel point que Dieu ne peut plus lui pardonner, le peuple a franchi une ligne rouge. Nous retrouvons la même idée en Amos 8,1-2 : Quatrième vision d'Amos : le panier de fruits Le Seigneur DIEU m'a fait voir encore un panier de fruits mûrs. Il m'a demandé : « Amos, qu'est-ce que tu vois ? » J'ai répondu : « Un panier de fruits mûrs. » Alors le SEIGNEUR m'a dit : « C'est la fin pour Israël, mon peuple, comme pour des fruits mûrs. Maintenant, je ne lui pardonnerai plus. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mar 26 Juil 2022, 16:22 | |
| En regardant la série de visions (surtout celles du chapitre 7: celle du chapitre 8 reprend en partie la précédente, 7,7ss, dont elle est séparée par le morceau "biographique", 7,10ss), j'y vois surtout une "idée" générale qui est loin de se limiter au livre d'Amos ou même à "la Bible": on (l'auteur ou le rédacteur, le lecteur ou l'auditeur, le dieu aussi) préfère le petit au grand, le faible au fort, le fragile au solide, le précaire au sûr, le simple au complexe ou au sophistiqué, le naturel à l'artificiel -- non seulement d'un "domaine" à l'autre, de l'agricole au cultu(r)el ou du rural au citadin par exemple, mais à l'intérieur même de chaque domaine: on ne regarde pas la tente du nomade, la cabane du pauvre et ses cultures vivrières, comme la ferme du grand propriétaire terrien, le palais, le temple ou la cité du riche, du prince ou du roi... Ici Yahvé épargne la terre et la vie qui en dépend immédiatement, ou par des médiations techniques rudimentaires -- non les superstructures et constructions en tout genre.
Le peuple idéal de la prédication prophétique (cf. encore Sophonie), puis chrétienne ou post-chrétienne, est toujours humble, pauvre, précaire, et en tant que tel "pitoyable" au sens propre, digne de toute pitié y compris divine; mais le succès même de cette prédication l'en détourne inexorablement: on finit par prêcher la pauvreté ou le dépouillement sous des dorures antiques baroques, comme l'égalité ou la fraternité sous les ors de la République, sans même voir ce que ça a de grotesque. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mer 27 Juil 2022, 12:02 | |
| « Gens d'Israël, continuez à vous révolter contre moi en allant au temple de Béthel, révoltez-vous encore davantage en allant au Guilgal, vous pécherez encore plus ! Le jour suivant votre arrivée, offrez vos sacrifices, et le troisième jour présentez vos dons". (Amos 4,5)
"Mais ne me cherchez pas au temple de Béthel. N'entrez pas au lieu sacré du Guilgal. Ne passez pas à celui de Berchéba. Oui, les gens du Guilgal seront déportés, et Béthel, la maison de Dieu, deviendra “maison des faux dieux” . » Si vous voulez vivre, c'est le SEIGNEUR que vous devez chercher. Sinon, il viendra sur la famille de Joseph comme un feu. Il brûlera tout à Béthel, et personne ne pourra l'éteindre". (Amos 5,5-6).
(2) Deuxième proposition. Israël et Juda ont été deux royaumes distincts. Après la chute de Samarie, la capitale du royaume d’Israël, en 722 avant notre ère, beaucoup d’Israélites ont cherché refuge à Jérusalem et y ont amené leurs traditions. La population de la capitale judéenne, qui n’était qu’une ville de province par rapport à Samarie, a doublé. On peut dire que c’est à ce rapprochement, à cette synthèse des traditions religieuses, yahwistes, du Nord, avec celles de Jérusalem, beaucoup plus syncrétistes, que l’on doit la base de ce qui va former la Bible hébraïque. . Dans ce contexte, soit avant soit après la chute de Samarie, certains proposent de paraphraser le shema‘ par : « yhwh est notre Dieu commun (à nous Judéens et Israélites), yhwh est Un (il n’est pas divisé entre un Dieu de Samarie et un Dieu de Jérusalem)». La confession de foi peut tout à fait avoir résonné dans ce sens à un point donné de l’histoire d’Israël – je peux m’imaginer le shema‘ comme confession issue du culte célébré au sanctuaire de Béthel où, à l’époque d’Amos en particulier, affluaient les adorateurs tant de Juda que d’Israël *–, mais le contexte littéraire actuel dans lequel le shema‘ a été inséré a effacé les traces qui permettraient d’étayer cette hypothèse.
*Béthel joue un rôle important dans le ministère d’Amos, un prophète issu de Juda. Cf. en particulier Jules Francis Gommes, The Sanctuary of Bethel and the Configuration of Israelite Identity, Berlin/New York, de Gruyter, coll. « BZAW 356 », 2006. L’auteur défend la thèse selon laquelle le sanctuaire de Béthel a joué un rôle beaucoup plus important que Jérusalem dans la formation de l’identité d’Israël.
https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2013-2-page-153.htm#re51no51 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Mer 27 Juil 2022, 13:57 | |
| Sur cet article, voir ici (à partir du 1.12.2021).Pour rappel, toute cette présentation est tributaire du schéma classique (de l'historiographie "deutéronomiste" à tous les catéchismes qui en dépendent) des "deux royaumes" (simultanés, sinon parallèles) -- alors que selon l'histoire qui paraît aujourd'hui la plus vraisemblable, Jérusalem n'accède à une brève période de relative autonomie qu'après la chute de Samarie. D'autre part et quoi qu'il en soit, je vois mal en quoi la tradition religieuse du Nord aurait été moins diverse (éclectique ou syncrétique) que celle du Sud: outre la tradition des "veaux-taurillons d'or" à Béthel (Beth-El) et à Dan, limites méridionale et septentrionale de l'Israël du Nord pour les Rois (1 Rois 12), il y a le mont Garizim (+ Ebal, Sichem, Samarie) inscrit dès le Deutéronome, et le baalisme phénicien associé à la dynastie d'Omri (Achab, Jézabel etc.); et le sanctuaire de Beth-El est aussi bien rattaché à Jacob dans la Genèse (28). Les condamnations de Beth-El (+ Gilgal, etc.) dans Amos (3,14; 4,4; 5,6s; 7,10ss) ou Osée (10,15; 12,4) reflètent le point de vue ("deutéronomiste" si l'on veut) dominant après la chute de Samarie, et surtout après celle de Jérusalem et l'exil, qui n'admet qu'un temple légitime à Jérusalem. Au passage, la présence de Beer-Sheba ou Bersabée, à l'extrême sud de la Judée (Amos 5,5; 8,14) ne cadre pas du tout avec la perspective (artificielle) d'un "royaume du Nord" (pour lequel Beth-El remplace Beer-Sheba comme limite méridionale: on dit "de Dan à Béthel" au lieu de "de Dan à Beer-Sheba" quand on veut marquer une différence territoriale entre "Israël du Nord" et "Israël" tout court...). Enfin, il est à remarquer que les rituels associés à Beth-El dans Amos ressemblent fortement à ceux, de type clairement "baaliste", d'Osée (sur le "troisième jour" notamment, comparer Amos 4,5 et Osée 6,1ss; bien que "Baal", très présent chez Osée, 2,8.13.17; 11,2; 13,1, soit absent d'Amos). Dans le livre d'Amos comme dans beaucoup de Prophètes(-livres), du fait de la diversité des rédactions impliquées, la "critique du culte" ou du "rituel" peut répondre à au moins deux types de motifs qui n'ont entre eux aucun rapport logique et qui, mêlés, se gênent et s'entravent mutuellement: 1) un motif "moral", plus ou moins "social", qui consiste à dire: à quoi bon pratiquer un culte (n'importe lequel, celui de Yahvé ni plus ni moins qu'un autre, à Jérusalem ni plus ni moins qu'ailleurs) quand à côté du culte on se conduit mal, on opprime les pauvres, on ne rend pas la justice, on assassine directement ou indirectement, etc.; 2) un motif lui-même "cultuel", qui consiste à condamner tel culte en raison de la divinité ou du nom invoqué (Baal, Tammouz, etc.), de son lieu (Beth-El, Guilgal, Dan, Garizim, Beer-Sheba, ou n'importe quel "haut-lieu" par opposition à Jérusalem), de son rite jugé irrégulier ou de sa prêtrise jugée illégitime: dans tous les cas le jugement n'a plus rien de "moral", il résulte simplement de la concurrence des cultes et de la revendication d'exclusivité de l'un d'eux (au moins) qui peut être tout aussi "immoral" que les autres... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Jeu 28 Juil 2022, 10:48 | |
| "Je vis, le Seigneur se tenant auprès de l’autel, et il dit : Frappe le chapiteau et que les seuils en tremblent ! Fends-leur à tous la tête ! Et ce qui restera, je l’égorgerai par l’épée ; il ne s’en sauvera pas un, il n’en échappera pas un. S’ils percent jusqu’aux enfers, ma main les en tirera ; s’ils montent aux cieux, je les en ferai redescendre. S’ils se couchent au sommet du Carmel, je les y chercherai et les y prendrai ; et s’ils se dérobent à mes yeux au fond de la mer, là, je commanderai au serpent de les mordre. Et s’ils s’en vont en captivité devant leurs ennemis, je commanderai là à l’épée de les égorger, et j’aurai les yeux sur eux pour le mal, non pour le bien" (Amos 9,1-4).
Cette vision annonce la chute du temple de Béthel qui entraînera la ruine du culte du veau d’or et la destruction de ses sectateurs. Comparez Amos 3.14.
Frappe… Le Seigneur, debout près de l’autel principal, donne cet ordre soit à Amos, soit plutôt à l’un des anges qui l’accompagnent. Le coup doit porter sur les chapiteaux des colonnes qui s’élèvent sur le seuil ou mieux qui appartiennent au porche du temple, en faisant crouler celui-ci sur la tête des adorateurs qui se pressent à l’entrée du sanctuaire.
Ce qui restera : ceux qui ne seront pas atteints par l’écroulement de l’édifice.
Il ne s’en sauvera pas un… Les expressions qui s’accumulent ici jusqu’au verset 4 avec une si puissante énergie, donnent l’idée de cette fureur de destruction qui s’allume chez le Dieu jaloux, quand les pécheurs, à force de fouler aux pieds ses ordres, ont fini par épuiser sa patience.
https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Amos-9.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre d'Amos ou le Dieu du droit et de la justice. Jeu 28 Juil 2022, 11:34 | |
| Toujours le problème du "contexte" (fuyant): de "Béthel" (Beth-El, suivant la graphie massorétique, qui rappelle le sens de maison-temple d'El, comme "dieu suprême" du panthéon cananéen plutôt que "Dieu"), il n'a plus été question depuis le chapitre 7, de sorte que le texte du chapitre 9 peut en fait s'appliquer à n'importe quel temple: celui de Béthel si l'on veut unifier la lecture de tout le livre autour du "contexte historico-géographique" présumé du prophète-personnage (d'après 1,1 et 7,10ss), mais aussi bien d'autres sanctuaires du Nord évoqués ou non dans le livre (Guilgal, Sichem, Garizim, Dan, etc.), ou celui de Jérusalem un peu plus tard (à mesure que se poursuivent les relectures, les réécritures et les rédactions supplémentaires du livre). Notons aussi qu'il n'est pas du tout question de "veau" ou de "taurillon" dans Amos (bien que cette représentation "bovine" soit indifféremment compatible avec les traditions d'El, de Baal, et de Yahvé), et que par conséquent le commentaire (de La Bible annotée) implique un autre contexte, celui des Rois -- où le Jéroboam du "schisme" et des "veaux-taurillons", 1 Rois 11ss, serait plutôt un doublon proleptique (anticipé, antidaté) du Jéroboam "historique" (Jéroboam II d'après les Rois, 2 Rois 13s, le seul qui soit effectivement repérable par une méthode sérieusement "historique"), celui de l'époque d'Amos (le prophète-personnage)...
D'un autre point de vue, on retrouverait au chapitre 9 le type de "logique" que je suggérais (supra 26.7.2022) à propos du chapitre 7: les grandes constructions, les plus imposantes et les plus solides en apparence, sont condamnées, l'avenir est au reste, modeste, fragile, précaire: la "maison" (au sens de temple, palais, dynastie, nation, "maison de Jacob/Israël", v. 8s, voire d'"univers" si l'on inclut le morceau "cosmique" des v. 5s) est impitoyablement détruite, c'est la "hutte" ou la "cabane" (de David, v. 11) qui se relève. |
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