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| JONAS - Prophète malgré lui | |
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free
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| Sujet: JONAS - Prophète malgré lui Ven 10 Mar 2023, 12:25 | |
| HomogénéitéOn a souvent argumenté que que le psaume de 2,3-10 devait être indépendant de son contexte, puisqu'au v. 8, le locuteur rend grâces d'une délivrance déjà intervenue, et que "l'environnement" décrit aux vv. 4-7 correspond mieux au fond de la mer (v. 6: les algues) qu'au ventre d'un poisson, et enfin que la piété dont témoigne ce psaume n'a rien de commun avec l'esprit grognon du héros tel qu'il s'exprime dans la prière de 4,2-3. Il est donc possible que 2,3-10 représente un ajout au conte primitif. Quant à L. Schmidt ("De Deo". Studien zur Literarkritik und Theologie des Buches Jona, des Gesprächs zwischen Abraham und Jahwe in Gen 18,22ff. und von Hi 1, BZAW 143, 1976), il proposé de séparer un récit de base (1,2; 3,3-10; 4, 1.5a.6-11), qui parlait d'Elohim, d'une couche seconde (1,1.3-16; 2,1.11; 4,2-4.5b), qui introduit Yhwh et en réoriente l'interprétation. TraditionsLe livre de Jonas fait usage de nombre de motifs bien connus dans le folklore ancien, et en particulier dans les légendes grecques et indiennes. Ces motifs ont trait avant tout à la capitivité dans le ventre d'un mostre marin ou d'un dragon, à la navigation dans la tempête, au jet par-dessus bord d'un passager encombrant et au sauvetage de naufragés par des animaux marins. Cf. à ce sujet H. Schmidt, Jona. Eine Untersuchung zur vergleichenden Religionsgeschichte, FRLANT 9, 1907; U. Steffen, Das Mysterium von Tod und Auferstehung. Formen und Wandlungen des Jona-Motivs, 1963; H.-W. Wolff, Studien zm Jonabuch, BSt 47, 1965, 2e éd. 1975. D'autre part, on pourrait tenir le livre de Jonas pour un antimodèle de la situation évoquée en Jer 36 (refus du roi de Juda de faire pénitence après avoir été mis en garde par l'intermédiaire du prophète), voire pour un commentaire midrashique de certains passages jérémiens (cf. p. ex. Jer 23,20; 25,5; 26,3.13.19: 35,15: 42,10), et notamment du passage suivant : "Tantôt je décrète de déraciner, de renverser et de ruiner une nation ou un royaume. Mais si cette nation se convertit du mal qui avait provoqué mon décret, je renonce au mal que je pensais lui faire (...)." (Jér 18,7- . Enfin, le "désir de mort" de Jonas (4, 3- a son modèle dans la scène d'Elie sous le genêt (l R 19,4). Datation et auteurContrairement aux livres d'Osée, Amos, Michée et Sophonie - qui sont tous datés par leur titre selon les règnes des rois d'Israël et/ou de Juda - et aux livres d'Aggée et de Zacharie - qui, eux, sont datés par rapport aux rois de Perse, l e livre de Jonas ne porte aucune indication concernant sa date et son auteur. Il est question d'un certain Jonas fils d'Amittaï, de Gath-Héfèr en 2 R 14,25, un prophète dont on nous dit qu'il a prédit le rétablissement du territoire du royaume d'Israël depuis Lebo-Hamath jusqu'à la Mer Morte (ou, au golfe d'Aqaba ?) sous Jéroboam II (787-747), mais ce rétablissement s'est fait au détriment des Araméens plutôt que des Assyriens, et le texte ne nous apprend rien d'autre sur ce personnage. L'auteur du livre de Jonas est évidemment beaucoup plus tardif que le 8e siècle, et il n'en sait probablement pas plus long que nous sur ce personnage enfoui dans un passé déjà lointain. De toute évidence, notre auteur aura cherché à rattacher le héros de son "conte théologique" à un nom mentionné dans les sources anciennes, afin de lui donner un peu plus de consistance. Mais le "Jonas" du livre de Jonas n'a certainement rien de commun avec le prophète Jonas ben Amittaï mentionné en 2 R 14,25. Aujourd'hui, la plupart des auteurs attribuent le livre de Jonas à l'époque postexilique. Le langage contient des aramaïsmes, des termes techniques propres à la navigation qui ne sont pas attestés avant l'exil. En 3,3, il est dit que Ninive était une grande cité (la Ninive historique fut détruite en 612). Les "citations" et les emprunts à d'autres parties de la Bible sont fréquents. Yhwh appelé "Dieu du ciel" (1,9; cf. Esd 1,2; 7,12.21; Néh 1,4s.) reflète un usage de l'époque perse, de même la manière dont est présenté le décret royal (3,6-9; cf. Dan 6, . Enfin, on relève que la tendance universaliste, avec sa connotation éventuellement anti-particulariste, s'explique beaucoup mieux à l'époque perse qu'avant l'exil. En revanche, et en dépit de parallèles dans les légendes grecques, il n'est pas conseillé de descendre jusqu'à l'époque hellénistique, parce que le livre de Jonas, contrairement à celui de Daniel, a été reçu dans les Nebiim et non relégué dans les Ketubim ! Date suggérée : entre 500 et 350 av. J.C. http://www.unige.ch/theologie/distance/cours/at/lecon6/jonas.htm
Dernière édition par free le Ven 10 Mar 2023, 14:26, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Ven 10 Mar 2023, 14:07 | |
| Lien ("cliquable"). Jonas est un petit livre que nous avons souvent évoqué (p. ex. ici ou encore récemment là, 16.1.2023), même si nous ne lui avions pas jusqu'à présent consacré de fil: il est des plus marquants, à la fois des plus pittoresques et des plus profonds, aussi des plus humoristiques, ce qui fait qu'on l'oublie difficilement... De Pury reste attaché aux formes classiques de l'"introduction", composition et datation avant tout, bien qu'il se soit montré remarquablement ouvert aux méthodes et aux tendances d'une nouvelle génération d'exégètes européens (Römer, Macchi, etc.). Il me semble toutefois qu'avec ce genre de livre, l'analyse littéraire et narrative -- soit ce que tout lecteur pratique spontanément avec ou sans métalangage professionnel -- l'emporte nettement en intérêt sur les discussions "diachroniques" ou "historico-critiques": de quand ça date exactement, comme pour les fables d'Esope ou de La Fontaine, la Théogonie d'Hésiode ou les Métamorphoses d'Ovide, peu importe... |
| | | free
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Ven 10 Mar 2023, 16:08 | |
| LE MESSAGE PRIMITIF DU LIVRE DE JONAS
La question reste cependant de savoir si les chs. III-IV paraissent être le message primitif du livre de Jonas, ou si, à défaut de cela, nous serons obligés de faire le départ entre des couches différentes.
Il y a deux faits, qui suscitent la méfiance du lecteur quant au bien-fondé de la première alternative 17 : a) La conversion des Ninivites est racontée au complet en III 5 (avant ce verset on pourrait, comme dit ci-dessus, placer IV 5) ; lié à III 5 est le verset 10, qui raconte la réaction divine à la conversion des Ninivites. Entre ces deux versets est inséré un récit qui décrit en teinte vive comment s'est faite la conversion de la population de la ville : le roi lui-même a été le premier (sic!) à se repentir, et tout de suite il a imposé l'obligation d'un jeûne total à la fois aux animaux et aux hommes ; il a ordonné aux animaux de même qu'aux hommes de jeûner, de se convertir et de prier Dieu de leur pardonner, sachant bien que le pardon ne sera accordé que grâce au repentir de Dieu lui-même, et ne sera pas la conséquence automatique de celui de l'homme (vv. 6-9). b) Le second fait, nous le rencontrons au ch. IV, qui, lui aussi, semble consister en un récit primitif, qui a été amplifié 18. Deux fois Jonas désire la mort, et deux fois Yahvé (Dieu) répond à son prophète par une contre-question : «Est-ce avec raison, que tu t'es mis en colère ? ». Entre ces deux dialogues il semble y avoir une sorte de rapport, mais aussi un progrès de l'un à l'autre. Le premier dialogue présuppose que la prophétie de Jonas ne s'est pas réalisée, et le second, le tourment physique de Jonas. Grâce au tourment, le prophète apprendra combien il est terrible d'être exposé à la colère divine.
Cette expérience ferait accepter par le prophète le fait que Dieu se repente de sa colère comme chose beaucoup plus précieuse que la légitimation d'un de ses prophètes par la réalisation d'une prophétie de jugement. Le narrateur a atteint son but en v. 9a, qui, à notre avis, doit être considéré comme la conclusion primitive du récit original de Jonas. Ce qui fait supposer que la question de Dieu a eu la même forme qu'en v.4 : «Est-ce avec raison, que tu t'es mis en colère ? » . Le narrateur plus récent a voulu peindre avec des couleurs plus vives, il a voulu dessiner une figure plus précise, tout à fait comme au ch. III. Il appuie sur le désespoir de Jonas en décrivant d'abord son plaisir à voir la plante de kikajôn pousser en une nuit et lui donner une ombre délicieuse (en surplus de celle qu'il avait auparavant), vv. 6-7. De même il approfondit le motif du repentir de Yahvé en parlant de sa pitié pour les 120 000 créatures humaines et leurs bêtes, toutes sans secours, v. 11. Il a aussi souligné la différence entre les idées divines et les idées humaines. L'homme ne voit que les choses proches et petites, tandis que Dieu travaille le long des grandes lignes de l'histoire de l'humanité, v. 10.
4. Nous terminons en essayant de reconstruire le récit primitif du livre de Jonas. La teneur en aurait été à peu près la suivante :
«Or la parole de Yahvé fut adressée à Jonas, fils d'Amittaï : Lève-toi, va-t'en à Ninive, la grande ville et déclame contre elle, car leur malice est montée jusqu'à mes yeux (I 1-2). Jonas donc se leva et s'en alla à Ninive, conformément à la parole de Yahvé ; Ninive était en ces temps là une très grande ville, «de trois jours de marche». Et Jonas se hasarda à entrer dans la ville «durant un jour de marche», déclamant en disant : «Encore quarante jours, et Ninive sera détruite» ! (III 1-4). «Et Jonas sortit de la ville et s'assit à l'est de la ville, et se fit là une cabane et se mit à l'ombre sous elle pour voir ce qui arriverait à la ville » (IV 5). « Mais les hommes de Ninive crurent en Dieu, publièrent le jeûne et se vêtirent de sac, depuis le plus grand d'entre eux jusqu'au plus petit» (III 5). Quand Dieu regarda ce qu'ils avaient fait, qu'ils s'étaient détournés de leur mauvaise voie, Dieu se repentit du mal qu'il avait dit qu'il leur ferait, et ne le fit point (III 10). Mais cela déplut à Jonas extrêmement, et la colère lui monta au visage, de sorte qu'il pria Yahvé en disant : Ο Yahvé (IV l-2a), ôte-moi la vie, car la mort m'est meilleure que la vie ! Mais Yahvé répondit : Est-ce avec raison, que tu t'es mis en colère ? (IV 3a/3.b.4). Quand le soleil fut levé, Dieu prépara un vent oriental brûlant, et le soleil frappa sur la tête de Jonas, en sorte qu'il fut proche de s'évanouir, et il ne demanda que de mourir, et il dit : « La mort m'est meilleure que la vie. Mais Dieu dit à Jonas : Est-ce avec raison, que tu t'es (ou mieux : t'étais) mis en colère ? (IV 8.9a). »
Ce récit original, qui embrasse un bon cinquième de l'actuel livre de Jonas, a été reconstruit à partir des considérations de la critique littéraire et de l'histoire des traditions sur la base du seul texte du livre de Jonas, sans aucun égard à 2 Rois XIV 25-27. Il parle d'un prophète qui entre avec obéissance et courage dans le camp de l'ennemi et proclame le jugement de Dieu, et qui ensuite s'assied dans le voisinage pour voir si Yahvé va réaliser sa parole. Mais le prophète attend en vain. Alors il se met en colère et demande à mourir. Les ennemis détourneraient-ils vraiment, par leur repentir et leur conversion, Yahvé de tenir sa parole ? La raison de la colère de Jonas est qu'il est tombé en plein discrédit. Alors Dieu, par le vent brûlant et le soleil qui tape fort, rend la vie dure à Jonas, non pas pour le prendre au mot en lui ôtant la vie, mais pour lui faire sentir ce que veut dire que d'être soumis à la punition de Dieu ! Encore une fois, la question de Dieu est posé à Jonas : Est-ce avec raison, que tu t'étais mis en colère ? Maintenant tu sais toi-même ce que veut dire être sous la punition divine ! La question principale, telle qu'elle a été posée par le récit, seulement par voie indirecte d'allusion, comme il convient à un bon narrateur, est la suivante : Le souci de Dieu pour un prophète quant à la conscience de sa vocation, compte-t-il plus que le souci de Dieu pour ses créatures, quand une fois elles ont capitulé devant la prédication du même ? et en ont tiré la conséquence, et qui devait en être la raison première ?
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1979_num_59_3_4505 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Ven 10 Mar 2023, 17:26 | |
| En matière "historico-critique" (cf. ma remarque précédente sur de Pury), quand on remonte d'une décennie ou deux (1979, mais le premier lien n'était pas daté) la différence est encore plus flagrante... -- je me souviens pourtant que l'auteur principal de l'introduction à Jonas dans la NBS restait encore, dans les années 1990, sous cette influence, en faisant du (faux) débat entre le Deutéronome (tout prophète dont la prédiction ne s'accomplit pas est un faux prophète) et Jérémie (Dieu peut faire prophétiser le malheur pour susciter le repentir et renoncer à châtier si ça marche, ça ne disqualifie évidemment pas le prophète) la clé de lecture principale de Jonas, ce qui à mon avis est pour le moins abusif, artificiel et réducteur.. En tout cas Nielsen en arrivait, lui, avec son hyper-critique historico-littéraire (doublée d'une grande naïveté à l'égard de l'historicité et de l'antiquité de 2 Rois et d'Amos), à une tout autre histoire "originale" (deuxième partie de ton extrait), sans désobéissance, sans bateau, sans tempête, sans poisson et sans psaume, ce qui du point de vue narratif était quand même une grosse perte. Heureusement les exégèses passent et le texte reste, intact. Ce que je retiens (ça rappellera peut-être une vieille série) pour ma part de Jonas c'est avant tout l'humour, notamment dans la figure de l'anti-prophète qui est par certains traits une caricature de prophète (cf. Moïse, Elie, Jérémie), paresseux, désobéissant, râleur; humour au service d'une ouverture théologique remarquable, sur les "païens" ou non-Israélites, marins ou Ninivites, comme dans la Genèse ou Ruth; mais aussi sur le "non-humain", animal ou végétal, poisson(ne), bêtes de Ninive qui se repentent et prient, ricin et ver, comme dans les discours de Yahvé à la fin de Job. Il faut l'intégralité du récit pour que ça fonctionne, quelle que soit l'élaboration littéraire qu'il aura fallu pour en arriver là, mais il n'est pas nécessaire d'y ajouter grand-chose. Même l'hypothèse d'un Jonas "nationaliste", qu'on peut facilement construire à partir de 2 Rois 14, paraît superflue, car le Jonas du livret ne montre pas plus de haine des Ninivites que de peur de passer pour un faux prophète (d'après le critère du Deutéronome pris au pied de la lettre); seulement peut-être une fatigue du jeu répétitif de la vie et de l'histoire, fût-elle sainte (péché -> menace -> repentir du pécheur -> repentir du dieu, à quoi bon rejouer le jeu quand le scénario est écrit d'avance, c'est la question de 4,2 qui débouche sur le désir de mort), dont un dieu de la vie et de l'histoire, lui, n'aurait pas le droit de se fatiguer -- et de ce côté ça rappellerait aussi bien Qohéleth que la Genèse, dans la séquence (également tardive) création-déluge; ou encore ceci, car à sa façon Jonas est un "mauvais joueur", toujours à contretemps, qui ne veut ni faire le prophète de malheur, ni se réjouir du châtiment évité au moment où il le faudrait; mais ce contre-jeu est aussi ce qui dévoile les ficelles de l'"action divine dans le temps" et permet d'entrevoir, derrière, une insondable profondeur de compassion. |
| | | free
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Mer 15 Mar 2023, 16:19 | |
| Un jeu de références multiples
Mais Jonas n’est pas seulement un récit dont la charpente narrative est solide. De nombreuses études ont montré que le conte renvoie à d’autres récits bibliques, notamment le livre de l’Exode, celui des Psaumes mais aussi Jérémie et le livre des Rois.
Quelques exemples de cette intertextualité ? Le premier chapitre de notre récit évoque ainsi Exode 14, où est rapporté le fameux épisode du passage de la Mer rouge par les Hébreux en fuite devant pharaon. La scène du passage se trouve ici inversée : dans l’épisode de l’Exode, les Egyptiens païens périssent dans la mer et Israël est sauvé ; au premier chapitre de Jonas, ce sont au contraire les marins qui vivent, alors que Jonas est puni. En refusant la mission qui l’envoie vers Ninive, Jonas se met dans la position de pharaon, qui s’était obstiné à résister aux ordres divins de libérer Israël de l’esclavage.
Autre référence donc, celle des Psaumes. Jonas 2, 4 est ainsi une citation du psaume 42, 8. D’autres versets évoquent les psaumes 18, 31, 116, 120, 142. La réclusion dans le ventre du grand poisson devient ainsi, comme dans les Psaumes, une descente dans le Schéol, les enfers bibliques et la prière de Jonas est identique à celle du peuple d’Israël, prière d’action de grâce qui demande la libération et exprime la conversion. Dans le ventre du grand poisson, Jonas vit littéralement l’expérience dont témoignent les Psaumes : il est tiré du royaume des morts.
Un récit pédagogique sur la justice divine
« Clé véritable pour comprendre l’idée prophétique en général », selon le mot de Scholem, Jonas est un livre pédagogique, didactique. Et Scholem d’aller jusqu’à affirmer qu’il se révèle comme « la partie la plus centrale du canon des prophètes ». Dieu est ici placé en position d’enseigner à un homme, Jonas, ce qu’est le prophétisme à travers une question essentielle, celle de la justice.
Pourquoi Jonas est-il fâché de ce que Dieu sauve Ninive ? « Le prophète, dit Scholem, ne comprend pas le prophétisme. » Jonas voudrait que l’annonce de la destruction de Ninive soit suivie d’effet ; pour lui, elle est un constat : Ninive a pêché, Ninive doit payer. Yahvé ne l’entend pas ainsi : pour lui, l’annonce du châtiment constitue une mise en garde. Jonas adopte le point de vue du droit, affirme encore Scholem, Dieu, celui de la justice. « Dans le repentir, écrit Scholem, le droit est dépassé, et le verdict n’est pas exécuté. » La justice divine, c’est précisément l’annihilation du verdict divin, indéfiniment reporté.
Dans Jonas, il y aurait alors, toujours selon Scholem une « ironie prophétique », dans la mesure où le récit se joue de ce prophète récalcitrant qui ne veut pas comprendre l’essence de la prophétie comme mise en garde et non condamnation relevant du droit humain. C’est donc aussi comme un texte parodique et comique qu’on peut lire notre récit. Il y a une « outrance comique du récit », dit Ackerman, outrance qui est à l’œuvre par exemple dans l’épisode de la baleine qui vomit Jonas : épisode proche de la farce, nous assure-t-on. Ce qui n’empêche pas l’histoire d’être, par ailleurs, terriblement importante et sérieuse.
http://crdp.ac-paris.fr/parcours/fondateurs/index.php/category/jonas?paged=2 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Mer 15 Mar 2023, 17:17 | |
| Dossier très riche, en particulier sur les nombreux échos de Jonas dans la littérature moderne (de la Renaissance à nos jours) -- je regrette toujours un peu la nouvelle pratique académique en "sciences humaines", assez trompeuse pour celui qui n'en est pas familier, de noter seulement la date des éditions consultées des ouvrages évoqués: Scholem (2011 !) est mort en 1982, et son essai Sur Jonas est un texte de jeunesse, des années 1917-19. A part ça, on retrouve bien l'ambivalence de la parodie dont on parlait précédemment: la caricature du prophète est à la fois anti-prophète et super-prophète, parce qu'elle force jusqu'à la dérision des traits qui sont pourtant bien ceux du prophète "type". Il faut en outre souligner que ce prophète de référence est déjà littéraire, aussi bien en tant que "prophète raconté", mis en récit et écrit (ainsi dans les Premiers Prophètes, de Josué aux Rois, qui placent un Isaïe ou un Nathan dans la lignée d'un Elie ou d'un Elisée, mais déjà dans les textes narratifs de la Torah, en ce qui concerne Moïse, et encore dans les sections "biographiques" des Derniers Prophètes) que "prophète écrivain" (des grands recueils d'Isaïe, Jérémie, etc. aux Douze Prophètes, dont Jonas, dont les oracles et même les prières, le cas échéant, prennent une forme "poétique" ou "littéraire" très élaborée, comme les Psaumes). C'est un super-condensé de tout cela que l'on trouve dans Jonas, avec un excès dans plusieurs sens qui n'est pas le moindre ressort de son humour. |
| | | free
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Lun 20 Mar 2023, 11:12 | |
| " Les gens de Ninive mirent leur foi en Dieu ; ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent d'un sac, depuis le plus grand jusqu'au plus petit d'entre eux. La nouvelle parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d'un sac et s'assit sur la cendre. Il fit crier dans Ninive : Par décision du roi et de ses grands, que les humains et les bêtes, le gros bétail et le petit bétail, ne goûtent de rien, ne paissent pas et ne boivent pas d'eau ! Que les humains et les bêtes soient couverts d'un sac, qu'ils invoquent Dieu avec force, et que chacun revienne de sa voie mauvaise et de la violence de ses mains ! Qui sait si Dieu ne reviendra pas, s'il ne renoncera pas, s'il ne reviendra pas de sa colère ardente, pour que nous ne disparaissions pas ? Dieu vit qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur voie mauvaise. Alors Dieu renonça au mal qu'il avait parlé de leur faire ; il ne le fit pas" (Jonas 3,5-10). " Les bêtes de la campagne soupirent aussi vers toi, car le lit des torrents est à sec, et le feu a dévoré les pâturages du désert" (Jl 1,20) Le Jeûne des Ninivites C’est le pays par excellence du jeûne des Ninivites (Ba’outa d’Ninwayé), salué par Jésus, durant lequel les chrétiens d’Irak font pénitence annuellement trois jours, du lundi au jeudi de la troisième semaine avant le grand Carême. En effet, l’Évangile de saint Matthieu (12, 39-42) rapporte cette scène de Jésus citant les gens de Ninive en modèle, car ils ont fait pénitence en jeûnant trois jours, à l’appel de Jonas. Ce jeûne de repentance que l’on appelle Supplications ou Rogations des Ninivites, continue à être fidèlement pratiqué chaque année depuis 2 500 ans ! Il revêt toute sa valeur, particulièrement en ces jours de souffrance, où les Églises ont appelé à un nouveau jeûne. Expliquons-nous Dans l’Ancien Testament, il est fait mention de l’envoi par Dieu du prophète Jonas (Yonan en araméen) auprès des habitants de Ninive, afin qu’ils se repentent de leur mode de vie, qui ne convenait pas à Dieu, sous peine de châtiment divin. Le livre de Jonas exprime une espérance de salut pour les Ninivites. Et en lisant Jonas, on découvre que la ville de Ninive était « extraordinairement grande » et qu’il fallait trois jours pour la traverser, où il y avait « plus de 120 000 êtres humains qui ne savent pas distinguer leur main droite de leur main gauche, et une foule innombrable d’animaux » (Jonas 4, 11). Obéissant, les Ninivites firent pénitence. Toujours, au sujet de Ninive, Il est de la plus haute importance de dire que Jésus ne reprend jamais les malédictions proférées contre Ninive, l’Assyrie et Babylone ; au contraire, il trouve dans le repentir des Ninivites un signe de salut pour le genre humain. D’ailleurs, à trois reprises, les textes évangéliques évoquent Jonas, deux fois dans Matthieu et une fois dans Luc. Mathieu écrit : « Au jour du jugement, les gens de Ninive vont ressusciter avec cette race et la faire condamner, parce qu’ils ont fait pénitence à la voix de Jonas. » https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2014-5-page-105.htm Les Ninivites et leurs animaux se convertissentL’intrigue du livre de Jonas mène le prophète à prêcher la conversion à Ninive, ville importante de la Mésopotamie. La proclamation du roi de cette ville montre une réponse immédiate : Par ordre du roi et de ses ministres, que les êtres humains ainsi que le gros et le petit bétail ne mangent ni ne boivent quoi que ce soit ! Les êtres humains et les bêtes doivent se couvrir d'habits de deuil. Que chacun appelle Dieu au secours de toutes ses forces, que chacun renonce à ses mauvaises actions et à la violence qui colle à ses mains. (Jonas 3,7- Ainsi animaux et humains posent des gestes de deuil pour signifier leur repentir. S’il est possible de concevoir le jeûne d’un animal, on peut se demander à quoi ressemblent les habits de deuils des bêtes. On peut aussi se demander si les animaux sont inclus dans l’appel à la prière et à l’abandon de l’usage de la violence. « Même les bêtes sauvages se tournent vers toi! » (Jl 1,20) La première moitié du livre de Joël traite d’une catastrophe écologique causée par l’invasion de sauterelles, par la sécheresse et le feu. Le résultat : les terres sont en deuils (Jl 1,10), le bétail soupire, les bœufs s’affolent et le petit bétail dépérit (Jl 1,18) puisque comme les humains, ils n’ont plus rien à manger. Joël 1,13-14 exhorte les prêtres à se lamenter, se vêtir de sacs, jeûner et rassembler les anciens et ceux qui vivent dans ce pays pour les inciter à crier au Seigneur. Si le texte ne décrit par la réponse des humains, il indique que « même les bêtes sauvages se tournent vers toi ». La terre, le bétail, les bêtes sauvages et les humains ont des réponses équivalentes à la crise et forment une communauté dans le cri, les pleurs et le deuil. Ainsi, la communauté écologique détruite se réunit dans sa lamentation. Un effet renversant Dans les deux cas, la lamentation du regroupement des humains et des animaux a un effet renversant sur le Seigneur. En Jonas, le Seigneur « revint sur sa décision de leur faire le mal qu’il avait annoncé » (3,10). Dans le livre de Joël, le Seigneur « compense » ( Jl 2,25) la dévastation qu’il avait envoyée en donnant « la pluie d’automne pour vous sauver » (Jl 2,23). Un autre trait commun aux deux textes se voit dans la caractérisation du Seigneur dans les mêmes mots que ceux utilisés en Exode 34,6. Joël 2,13 indique : « Il est bienveillant, miséricordieux, lent à la colère et plein de fidélité. Il regrette le malheur. » Jonas 4,2 exprime la même idée : « Je savais que tu es un Dieu bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et plein de fidélité, et qui revient sur sa décision. » Ces deux versions du même credo indiquent que le Seigneur est capable de regrets et peut revenir sur sa décision. En quelque sorte, dans ces deux récits, la lamentation commune d’humains et d’animaux qui se repentent invite le Seigneur au repentir. http://www.interbible.org/interBible/decouverte/insolite/2021/insolite_20210524.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Lun 20 Mar 2023, 12:25 | |
| Sur les animaux, leur langage et leur prière, voir aussi Job 38 (notamment v. 41) et suivants, Psaume 104 (v. 21) -- il y en aurait sûrement beaucoup d'autres -- et ici et là. Ce qui s'interprète d'ordinaire comme "anthropomorphisme", extension présumée abusive de l'"humain" à l'"animal" (ce concept est à lui seul un symptôme de la clôture anthropocentrique de notre interprétation, qu'il s'agisse de textes ou du prétendu réel), pourrait aussi bien se lire en sens contraire: qu'est-ce que le langage humain et la prière humaine, sinon des modifications, modulations et modalisations parmi bien d'autres du cri "animal", soit des expressions au sens le plus strict, matériel, physique, physiologique (faut que ça sorte) de ce que nous appelons désir, peur, besoin, détresse, faim ou soif, toutes choses dont nous n'avons pas le monopole même si nous sommes les seuls à les appeler ainsi ? |
| | | free
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Mer 29 Mar 2023, 10:30 | |
| Jonas, prophète biblique dans le Coran
30L’idée que l’histoire de Jonas est le lieu où le Coran célèbre les pieuses actions accomplies lorsque le sort est favorable, de manière à assurer des avantages dans les périodes de gêne matérielle – fait très certain parce qu’écrit dans la Sagesse (maktūb fī al-ḥikma) -suit aussi les voies de la narration. Selon un récit fort connu et repris ci-dessous, d’après un compte rendu de Suyūṭī qui présente un cas d’intercession angélique : « quand Jonas cria au Seigneur, dans le ventre de la baleine : “Il n’est de Dieu que Toi. Gloire à Ta transcendance. J’étais parmi les iniques” (Cor. 21 :87), l’invocation parvint à proximité du Trône et les anges s’exclamèrent : “Voici une voix faible et connue (da'īf ma‘rūf)qui arrive de terres étrangères !” Dieu dit : “Vous ne la connaissez pas (a mā ta‘rifūna dālika)?” “Qui est-ce, Seigneur ?” “C’est Mon serviteur Jonas.” “Ton serviteur Jonas, dont chaque action fut bien acceptée et chaque prière exaucée ?” “Oui”, répondit-Il. Les anges dirent alors : “Tu n’as pas pitié, ô Seigneur, de ce qu’il fit dans la prospérité au point de le sauver dans le mauvais sort ?” “Certainement”, répondit-Il. Ainsi Dieu ordonna-t-Il à la baleine de le déposer en un lieu aride, et Il fit germer au-dessus de lui la courge ». Suyūṭī cite ailleurs une variante composée en sağ‘ des paroles de Jonas, qui intercède pour lui-même dans le ventre de la baleine : « Mon Dieu, tu m’as chassé des maisons (min al-buyūt aḫrağta-nī), tu m’as précipité des sommets des monts (min ru'ūs al-ğibāl anzalta-nī), tu m’as fait marcher par les pays (fī al-bilād sayyarta-nī), tu m’as jeté à la mer (fī al-baḥr qaḏafta-nī), tu m’as emprisonné dans le ventre de la baleine (fī baṭn al-ḥūt sağanta-nī), et tu ne connais aucune bonne action qui T’apaise à mon égard ? »
31La figure de Jonas, de toute évidence, garde son caractère duel au sein de la réflexion islamique, et l’enquête sur le temps passé dans la baleine en est une preuve tangible : soit il fait figure de coupable depuis toujours mais qui finit par se repentir, soit il fait figure de pieux depuis toujours mais qui, cette fois, a trébuché. C’est cette duplicité aussi qui fait toute l’ambiguïté de la baleine, qui peut être une prison ou une mosquée, ou encore une tombe jusqu’au dernier Jour (cf. « il serait resté dans son ventre jusqu’au Jour de la résurrection », Cor. 37 :143). « Il croyait être mort, écrit par exemple Ibn Kaṯīr ; il remua ses pieds et lorsqu’il s’aperçut qu’ils bougeaient, il se prosterna en prière (sağada)là où il était et cria : “Seigneur, je T’ai donné un lieu de prière (masğid)où personne ne Te l’avait jamais donné auparavant”. » De même, il n’y a pas lieu de s’étonner si les paroles de Muhammad sur l’égalité entre les prophètes, déjà considérées comme un soutien de l’inadéquation de Jonas, peuvent être mises en cause même dans un sens totalement différent, pour défendre sa proximité du Seigneur. Comme le rapporte par exemple Qurṭubī, lorsque Muhammad dit : « Il ne convient à personne de dire : je suis meilleur que Jonas », il voulait dire que « lorsqu’il atteignit le Lotus de la Limite101, il ne fut pas plus proche de Dieu que Jonas dans les profondeurs de la mer et dans le ventre de la baleine » parce que, réitère l’exégète, Dieu est partout (laysa fī ğiha).
32Outre que prison ou mosquée, ou tombe potentielle, la baleine est également une représentation du péché. Ceci s’avère une évidence dès l’instant où l’on considère, dans le lexique du Livre, la convergence étymologique entre les termes de « ténèbres » et de « faute » : « Jonas appela dans les ténèbres (ẓulumāt): “[…] J’étais parmi les iniques (min al-ẓālimīn)” », dit la sourate des Prophètes (Cor. 21 :88). Cela revient à dire que dans le ventre de la baleine, Jonas vécut obscurci par la faute et que la baleine ne fut que la sombre expérience de l’injustice accomplie. La baleine aurait été sa tombe s’il n’avait pas été pieux précédemment ; sans le « capital » constitué par sa piété antérieure, qui lui valut la miséricorde du Seigneur, il aurait vécu dans l’erreur jusqu’à la mort, pour toujours, voué au châtiment de l’Au-delà. Si l’on procède par analogie, il va de soi que la prière de Jonas, dans le ventre de la baleine, ainsi que la proximité de Dieu qui la rendit possible, est un rayon de lumière qui laisse entrevoir ce qui se produit autour. C’est sans aucun doute cela qui a poussé une certaine exégèse à imaginer une baleine transparente : « On dit que Dieu avait rendu pour lui la peau de la baleine plus fine (raqqaqa), afin qu’il pût voir tout ce qu’il y avait dans la mer », rappelle par exemple Ṯa‘labī, en insistant ainsi sur la volonté divine située en amont de ce rai de lumière.
https://journals.openedition.org/rhr/5171 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Mer 29 Mar 2023, 12:06 | |
| Article très instructif.
En le lisant je me disais que la tradition orale et populaire (sans aucun doute la principale voie de transmission des histoires "bibliques" dans le monde arabe jusqu'à l'émergence de l'islam, passant notamment par les christianismes orientaux de langue syriaque) déforme moins les récits que ne le font ensuite les commentaires savants, soucieux de cohérence théologique: les références explicites ou allusives du Coran supposent en gros connue, tant des lecteurs-auditeurs que des auteurs-rédacteurs, l'histoire telle que nous la connaissons (soit celle des textes hébreu ou grec, pourtant peu accessibles aux milieux proto-islamiques sous forme écrite). En revanche, les problèmes logiques, moraux ou religieux qu'elle pose aux "savants" de générations ultérieures débouchent sur des variantes narratives considérables et contradictoires entre elles, bien qu'elles aient toujours pour but de conformer l'histoire à la doctrine (coranique ou islamique en l'occurrence). Ce n'est d'ailleurs pas le moindre paradoxe, par rapport à cette volonté de cohérence, que l'un des enjeux du récit ET de la théologie musulmane soit précisément le "droit" de Dieu à se contredire (cf. notamment Râzi, § 23 de l'article) -- ce qui me rappelle une de mes répliques favorites dans La maman et la putain de Jean Eustache: on a oublié deux choses dans la déclaration des droits de l'homme, le droit de se contredire et le droit de s'en aller... (le livre de Jonas illustrerait admirablement les deux, Jonas faisant valoir son droit de s'en aller et Yahvé son droit de se contredire). |
| | | free
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| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Jeu 30 Mar 2023, 16:51 | |
| Yona face à la critique
Les événements rapportés dans le livre biblique de Yona ont-ils réellement eu lieu ? Depuis l’Antiquité, ce livre a ses détracteurs. À l’époque moderne, la critique rationaliste l’a souvent taxé de fable, de légende, de mythe ou de fiction. Un auteur du XIXe siècle a relaté qu’un ecclésiastique avait interprété le récit de Yona et du gros poisson comme une sorte d’allégorie étrange : Yona séjournait dans un hôtel de Joppé ayant une baleine pour enseigne. Comme il n’avait pas assez d’argent pour payer sa note, l’hôtelier l’a expulsé. C’est ainsi que Yona aurait été “ avalé ” puis, plus tard, “ vomi ” par une baleine... Apparemment, la critique biblique est plus résolue à dépecer Yona que le gros poisson ne l’était lui-même.
Pourquoi ce livre suscite-t-il autant de réserves ? Parce qu’il fait état de miracles. De nombreux sceptiques abordent, semble-t-il, la question des miracles avec le préjugé tenace selon lequel de telles choses sont impossibles. Mais est-ce bien raisonnable ? Posez-vous la question suivante : ‘ La première phrase de la Bible me paraît-elle crédible ? ’ Elle dit : “ Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. ” (Genèse 1:1). Dans le monde, des millions de personnes raisonnables ont la sagesse d’admettre cette vérité élémentaire. Or, en un sens, cette affirmation implique à elle seule beaucoup plus que n’importe quel miracle mentionné par la suite dans la Bible.
Réfléchissez : Pour Celui qui a créé l’immense ciel étoilé et tout ce que la terre recèle de merveilles vivantes et complexes, qu’est-ce qui, dans ce que rapporte le livre de Yona, serait impossible à réaliser ? Provoquer une tempête ? Inciter un énorme poisson à avaler un homme ? Ou encore lui faire recracher sa proie ? Pour qui possède une puissance illimitée, tout cela n’aurait rien de difficile. — Isaïe 40:26.
Même en l’absence d’intervention divine, des choses étonnantes se produisent parfois. Par exemple, on raconte qu’en 1758 un marin a été avalé par un requin après être tombé de son navire qui voguait en Méditerranée. On a tiré au canon sur le squale qui, touché, a régurgité le malheureux. L’homme a été hissé à bord, vivant et à peine blessé. S’il est véridique, cet événement peut nous sembler singulier, extraordinaire même, mais pas miraculeux pour autant. Dieu ne pourrait-il pas faire bien plus compte tenu de sa puissance ?
Les sceptiques soutiennent en outre qu’un homme ne peut rester en vie dans un poisson pendant trois jours sans étouffer. Pourtant, les humains ont été suffisamment ingénieux pour concevoir des réservoirs d’air comprimé leur permettant de respirer sous l’eau pendant de longues périodes. Dieu ne pouvait-il pas se servir de sa puissance et de sa sagesse largement supérieures pour permettre à Yona de respirer et de survivre pendant trois jours ? Ainsi qu’un ange a dit à Marie, la mère de Jésus, “ chez Dieu aucune déclaration ne sera quelque chose d’impossible ”. — Luc 1:37.
Qu’est-ce qui confirme encore la véracité du livre de Yona ? Les renseignements que le prophète fournit concernant le bateau et son équipage sont détaillés et vraisemblables. En Yona 1:5, on lit que les marins lancent des objets à la mer pour alléger le navire. Les historiens de l’Antiquité et même la loi rabbinique attestent qu’il s’agissait d’une pratique courante en cas de gros temps. La description que Yona donne ensuite de Ninive correspond également aux données historiques et archéologiques. Par-dessus tout, Jésus Christ s’est servi des trois jours que Yona a passés dans le gros poisson pour préfigurer son propre séjour dans la tombe (Matthieu 12:38-40). L’histoire de Yona est donc avérée par le témoignage de Jésus.
“ Chez Dieu aucune déclaration ne sera quelque chose d’impossible. ” — LUC 1:37.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2009009?q=livre+de+jonas&p=par |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: JONAS - Prophète malgré lui Jeu 30 Mar 2023, 18:04 | |
| Avec Jonas, même l'apologie la plus sotte se laisse contaminer d'une pointe d'humour...
L'historicité était bien une obsession du XIXe siècle (philosophico-politique aussi, depuis Hegel), commune aux "défenseurs" et aux "détracteurs" de "la Bible" (les "critiques", d'après ce qu'on appelait alors la "haute critique", n'étaient d'ailleurs généralement pas des "détracteurs", dans la mesure où ils savaient très bien apprécier la valeur littéraire et religieuse de textes non historiques, mais les "défenseurs" ou "apologistes" d'en face les mettaient naturellement dans le même sac). -- Henri Blocher avait raconté un jour que son Eglise évangélique parisienne, qui devait dater de cette époque, avait inscrit dans ses statuts la croyance à l'historicité du récit de Jonas comme condition requise pour en être membre -- ce que lui-même trouvait un tantinet excessif...
Paradoxe: le "Dieu" qu'on veut croire capable de tous les "miracles", on le juge incapable de fiction...
En tout cas la fixation sur ce genre de question, qu'on se range dans un camp ou l'autre, conduit toujours à occulter le sens des textes -- de même qu'il serait impossible de lire intelligemment une fable d'Esope ou de La Fontaine s'il fallait trancher préalablement et définitivement la question "les animaux peuvent-ils parler ou pas ?" A la limite, si l'on pouvait croire tout à fait naïvement au miracle on comprendrait le texte aussi bien que comme une fiction (les deux genres communiquent, cf. le récit de miracle et la parabole dans les évangiles, et les motifs qui se promènent de l'un à l'autre, comme le figuier), mais ce qui est fatal à l'intelligence, c'est l'hésitation ou le débat en forme d'alternative, se demander si c'est l'un ou l'autre (cf. le mot prêté à Bismarck: plus sot que celui qui ne croit pas en Dieu celui qui se demande s'il existe).
Comprend qui peut, comme chantait Boby Lapointe. |
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