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 mémoire(s) de l'oubli

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Narkissos

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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitimeMer 11 Sep 2024, 16:13

Merci pour ce texte tout à fait extraordinaire de Marie-Claire Ropars-Wuilleumier (publié en 2009, mais à titre posthume si elle est morte en 2007) qui est pour moi une véritable découverte, aux confins de ces contrées, de ces noms et de ces lieux que j'ai fréquentés sur le tard (sero te amavi, dirait saint Augustin, tard je t'ai aimée, beauté si ancienne et si nouvelle). La philosophie, le cinéma, la littérature, Deleuze, Resnais à ses débuts, Proust, et Derrida qui n'est pas ici nommé mais comme en filigrane partout, dans les marges, entre les lignes, entre les mots. J'en suis si impressionné que ça me laisse sans commentaire, ce qui n'est pas plus mal...

Tout de même, l'ultime citation (de Proust) conson(n)e avec une réflexion que je me faisais récemment, sur l'idée de "retour" temporel, transie de la même ambiguïté que le "temps" lui-même, s'il y a jamais un "même" du "temps": temps unidirectionnel, irréversible, et pourtant descriptible indifféremment dans les deux "sens", allant ou passant du passé vers le futur ou du futur vers le passé; ainsi le retour, cyclique, tournant toujours dans le même "sens" lui-même ambigu, de ses modèles antiques à sa réinterprétation nietzschéenne... ou bien refaisant à l'envers le chemin parcouru, du présent vers le passé, comme dans le mythe platonicien du temps de K(h)ronos, réversible celui-là, qui faisait en somme des allers-retours sur lui-même, en sens "normal" et à l'envers, se rembobinant, les hommes vieillissant, puis (comment, puis ?) rajeunissant, avant (comment, avant ? !) le temps de Zeus, de l'histoire et de la politique, changement de régime (inscrit dans quel "temps" englobant tous les "temps" ?), où le dieu s'éloigne du monde et où les hommes deviennent responsables de leur destin, contraints dès lors à la sagesse, à la tekhnè, à la politique...

Comme disait finement Douglas Adams (The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, Le guide du routard galactique), la principale difficulté des voyages dans le temps est grammaticale: problème syntaxique, de concordance des temps...
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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitimeJeu 12 Sep 2024, 12:13

Le passé selon Bergson
Par Miklos Vetö

La contemporanéité de la perception et du souvenir

Le devenir bergsonien est fondé sur le principe de l’hétérogénéité. Ce devenir qu’est la durée est une succession de moments incommensurables, d’une originarité propre. La durée est ponctuée par le déroulement des différents moments qu’on sait en même temps discerner en et pour eux-mêmes et intégrer dans le tout. Or cette aptitude à discerner les différents moments, à lire l’hétérogène, bref, cette pensée articulée selon le particulier a comme principe ou schème fondateur la distinction primordiale des trois temps. Nous pensons le temps selon la triade du passé, du présent et du futur, et la contribution majeure du bergsonisme à la rupture avec l’aporétique classique, d’origine aristotélicienne, avec toute cette vision où le temps manque de structure véritable car il n’a pour ainsi dire pas le temps pour s’arrêter et s’articuler selon ses figures différentes, c’est que passé, présent et avenir ne dénotent pas seulement une différenciation tout extérieure de l’écoulement temporel, mais connotent des catégories sui generis de notre perception du temps. Le passé n’est pas seulement le présent qui n’est plus là comme le futur n’est pas du présent qui ne serait pas encore là. Passé, présent et futur ne sont pas des incises provisoires pratiquées sur le corps de la durée, ils constituent des réalités autonomes que n’efface pas le passage du temps. La différence entre le passé et le présent n‘est pas d’ordre chronologique, elle est eidétique. Le passé est différent « en lui-même » par rapport au présent, il « tranche » dès toujours sur le présent [28]. Cette différence a priori entre passé et présent est mise à jour à travers l’analyse comparative de la différence entre la perception et le souvenir. Le souvenir n’est pas seulement de la perception affaiblie, tombée dans la virtualité, dans le passé; il est, bien au contraire, de par sa nature, une réalité différente de la perception. Le souvenir relève du passé mais il n’est pas du passé en raison seulement du passage du temps. Souvenir et perception – c’est le profond paradoxe du bergsonisme – naissent différents, et la contemporanéité de leur genèse atteste leur différence de nature qui, à son tour, correspond à l’intuition fondatrice de « la distinction métaphysique »  [29] et pas seulement chronologique entre passé et présent.

Perception et souvenir apparaissent comme des réalités identiques selon la matière, différentes seulement selon la forme, d’une différence qui serait toute superficielle car provisoire. En réalité, l’analyse conceptuelle du rôle respectif des deux notions dans l’économie de la pensée bergsonienne montre qu’il s’agit d’une différence substantielle car originaire. Perception ou sensation et souvenir sont des instances majeures de la représentation, et leur exposé en termes de temporalité est d’une haute portée métaphysique. Bergson rapproche avec insistance la perception de la matérialité [30], tandis que le souvenir « pur » dont le sol natal est la mémoire, cette catégorie fondatrice de la conscience [31] relève du monde de l’esprit [32]. De fait, l’opposition matière-esprit, donc l’opposition perception-souvenir, correspond à celle qui prévaut entre le présent et le passé  [33]. La perception se situe dans le présent, elle se meut dans la dimension du présent [34], le souvenir, lui, a évidemment partie liée avec le passé. Or, le passé, le passé qui est la vérité du souvenir, n’est pas une catégorie temporelle symétrique au présent de la perception. Ce présent connote une matérialité plate, une simultanéité sans profondeur qui reste en deçà de la vraie durée. En revanche, le passé qui fournit l’horizon du souvenir est un moment propre, un moment fondateur de la succession. Le présent de la perception relève de l’homogénéité infratemporelle quand le passé, qui est la dimension propre du souvenir, représente une réalité hétérogène par rapport au présent, mais qu’il appelle néanmoins de ses vœux.

Surtout depuis l’empirisme britannique, le souvenir n’est considéré que comme une perception affaiblie, diminuée. Hobbes avait déjà défini la mémoire comme decaying sense et, pour Hume, le souvenir d’un état de conscience n’est que « ce même état de conscience simplement moins vif, diminué dans son intensité »  [35]. Quant à la psychologie matérialiste de l’époque du jeune Bergson, elle fait écho à l’empirisme philosophique, elle ne reconnaît qu’une différence d’intensité entre la perception présente et cette perception passée qu’est le souvenir. Le souvenir s’obtient par une opération effectuée sur la perception. Cette opération qui serait le ressort de la conversion de la perception en souvenir ne saurait se rapporter à la qualité « puisque le souvenir doit nous représenter le passé sans l’altérer ». Elle ne concerne donc que la quantité. Bien entendu, cela ne peut pas signifier l’extension « car s’il ajoutait quelque chose au passé, il serait infidèle, et s’il en retranchait quelque chose, incomplet »  [36]. « Reste donc – continue Bergson – que la modification porte sur l’intensité; et comme ce n’est évidemment pas un accroissement, c’est une diminution »  [37]. La mémoire et la perception étant des réalités du même ordre, le souvenir ne serait que de la perception moins intense, diminuée, de la perception tombée dans l’inconscient, dans la latence [38]. Quand le souvenir, cet être d’ombre, cette image effacée apparaît « ravivé, conscient », il nous fait « l’effet d’être la perception elle-même ressuscitant sous une forme plus modeste… ». C’est dire que si le souvenir d’une perception ne peut « être que cette perception affaiblie », on devrait en conclure « que la mémoire ait dû attendre, pour enregistrer une perception dans l’inconscient, que la perception se fût endormie en souvenir »  [39].

Ces développements proviennent d’un magnifique texte de l’Énergie spirituelle, la grande étude Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance, mais ils ne sont que l’écho de la doctrine qu’avait déjà énoncée Matière et mémoire: souvenir et perception sont des réalités différentes selon la nature, et non seulement le degré [40]. Si le souvenir n’était qu’une sensation affaiblie, on devrait pouvoir observer que la sensation devient « souvenir » avant de s’éteindre [41], et inversement, on pourrait découvrir dans le souvenir comme une sensation naissante [42]. Or la conscience sait ne pas sombrer dans ce genre de méprise. L’affaiblissement de la sensation peut atteindre un stade où je ne saurais plus dire si j’éprouve effectivement une sensation faible ou si je l’imagine seulement, « mais jamais cet état faible ne m’apparaîtra comme le souvenir d’un état fort »  [43]. Et Bergson de conclure : « jamais la conscience d’un souvenir ne commence par être un état actuel plus faible que nous chercherions à rejeter dans le passé après avoir pris conscience de sa faiblesse ». Non, si le souvenir ne recelait pas en lui-même un signe distinctif, une marque sui generis du passé, on n’y reléguerait pas des « états… les moins intenses, alors qu’il serait si simple de les juxtaposer aux états forts comme une expérience présente plus confuse à une expérience présente plus claire » [44].

https://shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2005-1-page-5?lang=fr
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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitimeJeu 12 Sep 2024, 14:57

Merci (encore) pour cette formidable synthèse bergsonienne de M. Vetö (2005), longue mais (décidément) passionnante, que j'ai (re-)lue intégralement avec grand plaisir, avant de m'apercevoir que je l'avais déjà lue (peut-être moins attentivement) il n'y a guère plus d'un an (supra 21.3.2023). J'ai même failli raconter à nouveau (à peine différemment) les souvenirs qu'elle m'avait rappelés alors... Smile

Vetö a bien raison d'insister sur la beauté du texte de Bergson -- une qualité qui était aussi une affaire d'époque, mais qui a sûrement compté pour moi, alors que je m'étais justement remis à lire pour améliorer ma maîtrise de la langue française (j'avais pour elle un certain goût, mais aussi de grosses lacunes).

Une chose qui me frappe en (re-)lisant Vetö aujourd'hui c'est l'articulation, pourtant évidente, du thème bergsonien du dédoublement du temps (simultanément, si l'on peut dire, présent et passé à chaque instant comme dans sa totalité, pourtant intotalisable) avec celui de la réflexivité spéculaire (miroir, miroir) qui m'a beaucoup occupé par ailleurs (Lacan, etc.; ce n'est pas pour rien, même si c'est aussi par hasard, que je suis retombé sur le pseudonyme de Narkissos-Narcisse, qui me venait, avant de lire Ovide, du roman de Hermann Hesse lu à la même époque, Narcisse et Goldmund). Effet-miroir que Lacan tend à réduire à un effet du langage, strictement humain, alors que de la mémoire et du miroir il y en a partout, par un jeu de différence continu ou lisse qui n'exclut pas, mais implique au contraire tous les effets de seuil et les différences qualitatives: dans le vivant, animal ou végétal, mais aussi dans le minéral, la matière comme dit Bergson, cf. les cristaux de Deleuze ou aussi bien ses machines, toutes nos mémoires artificielles et les "intelligences" qui s'ensuivent: jeu de trace et de relève in-fini, en-deçà et au-delà du signe, de la signification ou du code définissable comme tel...

En même temps, ce qui paraît oublié dans la mémoire totale de Bergson, qui pourrait bien être un autre nom de l'éternité (cf. la référence médiévale de la note 129), ce serait justement l'oubli, sinon sous la forme de l'(in-)utilité (on oublie, provisoirement, ou croit oublier, oublie même d'avoir oublié, ce qui ne paraît plus utile au présent ou à l'avenir)... Mais l'oubli est aussi corollaire de la temporalité même du temps, de ce qui lui permet, comme on dit, de "passer", de faire qu'il y ait toujours à nouveau du présent et du passé. Comme disait à peu près Héraclite, tout coule parce que tout cède, tout fait place (panta rhei, panta khôreil).

Je repense, encore, à Faulkner (cf. p. ex. ici, post initial).
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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitimeMar 17 Sep 2024, 10:50

Le fantôme pose le problème de la mémoire

Son apparition même est provocation, provocation du passé, et c’est pourquoi le fantôme a trait essentiellement à l’art de la mémoire. Un art mnémonique au sens où, pour reprendre Charles Baudelaire, « Le passé, tout en gardant le piquant du fantôme, reprendra la lumière et le mouvement de la vie, et se fera présent ». Cette mémoire est hantise : « être hanté par un fantôme, c’est avoir la mémoire de ce qu’on n’a jamais vécu au présent, avoir la mémoire de ce qui au fond n’a jamais eu la forme de la présence » (Jacques Derrida, dans Ghost Dance, Kenneth McMullen). Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle n’ait jamais existé. C’est une mémoire sans deuil, qui passe par la fidélité d’une affirmation, pour ainsi dire amnésique, car sans mémoire, immémoriale, et qui s’écrit au passé absolu tout autant qu’elle procède « d’une hypermnésie oublieuse », au titre de la vérité de ce « présent vivant » qui tient lieu d’amitié. Un présent qui engage « auprès d’un passé absolu, irréductible à aucune forme de présence ; l’être-mort qui ne revient plus jamais lui-même, qui ne sera plus jamais là, présent pour répondre à cette foi ou pour la partager ? Certains en concluraient aussitôt que Narcisse alors fait retour, retour sur lui-même, dans l’économie de l’intériorité, du deuil et de la dialectique, dans la fidélité à soi. Oui, c’est vrai [ !] mais quoi de cette vérité si le soi-même n’a ce rapport à soi que depuis l’autre, depuis la promesse (pour l’avenir, trace d’avenir) faite à l’autre en tant que passé absolu, depuis ce passé absolu, grâce à l’autre dont la sur-vivance, c’est-à-dire l’être-mortel aura toujours excédé le “nous” d’un présent commun ? » (Mémoires, pour Paul de Man). La théorie derridienne du « fantôme » s’articule donc à la question du deuil. Question qui se poursuit en filigrane à travers toute son œuvre. À commencer par Glas où le travail du deuil « serait coextensif de tout travail » : ce qu’il ne cessera de répéter jusque dans Échographies – de la télévision, en passant par Schibboleth, Feu la cendre, De l’esprit. Heidegger et la question (où le revenant apparaît à l’ouverture même du texte [5]), Mémoires – pour Paul de Man, Donner le temps, Spectres de Marx et autres « survivre », sans oublier tous les spectres qui hanteront ses ouvrages suivants, tels que Chaque fois unique la fin du monde, Adieu ou Apories... Il faut ajouter toute une conceptualisation affinée concernant la mémoire, l’effacement, la trace, la lisibilité qui efface la date et son inscription même, la revenance, la survivance, l’adresse, l’envoi, le poème, la main, le gage, la promesse, l’alliance et la chance, la signature, la différance, la restance, la cendre, la coupure, le partage, le propre, la frontière, la dette et le don, sans compter l’héritage… Il en serait ainsi de la mémoire comme du deuil. De même qu’il existe une différence, déjà déployée par Hegel dans son Encyclopédie, entre intériorisation du souvenir comme incorporation (Erinnerung) et mémoire pensante (Gedächtnis), il existe une différence entre le deuil normal, décrit par Freud comme processus d’intériorisation et d’idéalisation, et le deuil « pathologique » dans lequel, en raison d’une mauvaise incorporation « le mort est pris en nous, mais ne devient pas nous-même ». Il se prend à parler tout seul à « ventriloquer notre propre corps, notre propre discours, tant et si bien que le fantôme est retenu en nous comme dans une crypte. De sorte que nous devenons un cimetière pour les fantômes… » (Jacques Derrida, dans Ghost Dance, Kenneth McMullen). Toutefois, la théorie de la « crypte », développée par Nicolas Abraham et Maria Torok, ne recouvre pas entièrement celle du « fantôme », car celle-ci retient plutôt un mort-vivant qu’un fantôme, même si le fantôme reste lié à la crypte. « Le fantôme, cela peut être aussi notre propre inconscient, mais précisément c’est l’inconscient d’un autre. C’est l’inconscient de l’autre qui parle à notre place. C’est non seulement notre inconscient mais l’inconscient d’un autre qui nous joue des tours, ce qui peut être terrifiant… » (Jacques Derrida, dans Ghost Dance, Kenneth McMullen). Ainsi, le fantôme pose la question de la voix. Qui parle, et par quelles voies ? Notre voix est hantée par la cohorte des fantômes qui répondent à notre place, et nous condamnent à être ventriloqués par la voix d’un autre, par le chœur de ces voix qui nous ont précédés, qui hantent à notre insu autant qu’à notre su, le corps de notre esprit et donc son cœur. « Croyant parler de ma voix, précisément parce que je crois parler de ma voix, je la laisse parasiter par la voix de l’autre, pas de n’importe quel autre mais de mes propres fantômes si l’on peut dire ; à ce moment-là il y a des fantômes, et ce sont eux qui vont vous répondre, qui vous ont peut-être déjà répondu… » (Jacques Derrida, dans Ghost Dance, Kenneth McMullen).

https://shs.cairn.info/revue-rue-descartes-2016-2-page-70?lang=fr
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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitimeMar 17 Sep 2024, 11:46

Le motif spectral a pris en effet de plus en plus de place dans la pensée et l'écriture de Derrida, avec toutes ses séries lexicales et thématiques -- le visuel et l'optique du -spec- (specio, etc.), de l'aspect, de l'espèce, du spéculaire ou du spéculatif; l'apparition du fantôme, phantasme, phénomène (phainô etc.); l'esprit, la hantise, l'hôte, l'intrus, l'ennemi, l'hospitalité, l'hostilité, ghost-Geist-guest-host-hospes; la possession, l'invasion, l'occupation, l'inhabitation, l'infestation, l'infection, la contamination, l'aliénation, l'immunité et l'auto-immunité, dans toute leur métonymie pathologique, médicale ou militaire; le retour du revenant comme celui du symptôme, supplément, répétition, itération, altération: tout finit par s'y confondre, s'y perdre et s'y retrouver de façon inattendue, troublante, inquiétante, insolite, unheimlich, spooky...

Je n'ai jamais vu Ghost Dance et je le regrette -- d'autant que Pascale Ogier, la fille de Bulle, fut aussi une interprète de Rivette, grand metteur en scène de fantômes; et que Derrida a relativement peu parlé de cinéma, par rapport à Deleuze par exemple... Je vais tâcher de le trouver.

Le fantôme (etc.), c'est aussi le retour en philosophie d'un revenant protéiforme qu'on croyait passé, dépassé, trépassé, exclu, enseveli ou brûlé, sous les noms et les titres de tradition, de légende, de superstition, de magie, de croyance primitive, de métaphore ou de fiction de genre "fantastique": on croyait pouvoir désormais parler "sérieusement", voire "scientifiquement", du "temps", du "présent" ou du "passé", de la "mémoire", de l'"histoire", de l'"oubli", comme si on savait ce que c'est alors qu'on n'en sait toujours rien, que ça ne relève peut-être même pas d'un "qu'est-ce que c'est" ni d'un "qu'est-ce que ça veut dire": arrive inopinément un fantôme qui dit au fond la même chose, plus d'un fantôme qui bouleverse(nt) tous les genres, les nombres, les catégories, les domaines, les disciplines, de sorte que plus rien ni personne n'est exactement ce qu'on le croyait être, il (se) passe soudain quelque chose, sans qu'on puisse dire au juste quoi ou qui... Mutatis mutandis, on retrouverait au sujet des fantômes ce qu'on dit plutôt, dans (certaines parties de) "la Bible", des "démons" ou des "anges" qui en médiatisant démultiplient et confondent les "sujets", humains, divins, animaux, thématiques ou topiques mêmes...

There are more things in Heaven and Earth, Horatio, than are dreamt of in your philosophy (Il y a plus de choses au ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve ta philosophie), c'est ce que dit Hamlet à propos du fantôme de son père; mais c'est aussi l'inquiétude du rêve dans le sommeil qui lui fera redouter la mort dans une tirade plus fameuse encore (To be or not to be...)
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MessageSujet: Re: mémoire(s) de l'oubli   mémoire(s) de l'oubli - Page 3 Icon_minitime

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