La hiérarchie de l'Eglise catholique gère maladroitement la communication.

Depuis quelques semaines les dénonciations de problèmes d'actes de pédophilie se multiplient; de partout des adultes hommes ou femmes, témoignent de ce qu'ils ou elles ont subi lorsqu'ils ou elles n'étaient encore que des enfants voire des adolescents.

Bien sûr il faudra encore faire la part des choses et écarter les dénonciations qui ne seraient que de la pure calomnie,, il y en aura c'est certain; mais en dehors de ces quelques excès les autorités vaticanes vont devoir gérer une situation qui frise la catastrophe.

Et comme un malheur ne vient jamais seul, la communication qui devrait être à même de rassurer, de prouver que tout va être fait pour traiter le problème rapidement et dans une recherche juste, surtout pour les victimes, bref cette communication qui devrait calmer se fait maladroite voire méprisante dans les propos de certains prélats.

Citation :

« Je crois que [les évêques] se sont laissés toucher »...

Certes...

La manière de communiquer de l'Eglise catholique a toujours été maladroite; cela n'est pas l'apanage de ses représentants en France, en Suisse également nous avons eu droit à de véritables couac non seulement de la part d'évêques suisses mais aussi de la part des messages en provenance de Rome.

Ce que je remarque malgré cela c'est la possibilité existante de pouvoir s'exprimer, contester au sein de cette église sans risquer l'excommunication….

Quoique... (couac ?)

Evidemment ce n'est pas l'excommunication -- ce ne le sera probablement pas non plus pour les présumés coupables, même pour les violeurs les plus caractérisés. Et là comme ailleurs la médiatisation fausse tout, dès lors que rien ne reste "interne" cinq minutes -- ni l'expression, ni la contestation, ni le débat, ni la répression rétorsion discipline ecclésiastique (la hiérarchie est seulement la dernière à le comprendre).

Citation :

Evidemment ce n'est pas l'excommunication -- ce ne le sera probablement pas non plus pour les présumés coupables, même pour les violeurs les plus caractérisés. Et là comme ailleurs la médiatisation fausse tout, dès lors que rien ne reste "interne" cinq minutes -- ni l'expression, ni la contestation, ni le débat, ni la répression rétorsion discipline ecclésiastique (la hiérarchie est seulement la dernière à le comprendre).

Le Code de droit canonique est très clair au sujet du secret de la confession : « Le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit. » (canon 983). Le canon 1388 prévoit même l’excommunication latae sententiae pour tout confesseur qui l’enfreindrait.Alors que le droit civil reconnaît, dans certains cas, la nécessité de lever le secret professionnel (notamment pour des atteintes portées à un mineur de moins de 15 ans), de telles exceptions n’existent pas canoniquement.
https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Face-pedophilie-secret-confession-question-2017-08-16-1200870018

Culture du silence et du secret ou transparence ?

Ce n'est pas ce dont je parlais (le débat, la contestation, la discipline ne peuvent plus rester "interne" à l'Eglise, ni à aucune organisation), mais c'est une question beaucoup plus grave à mon sens.

Nous sommes actuellement dans une logique sécuritaire, policière et judiciaire qui ne laisse aucune place au secret. De proche en proche, il n'y a plus de secret privé ou professionnel qui tienne face à elle: le prêtre, le pasteur, mais aussi le médecin, le thérapeute, le travailleur social, l'avocat, le père, la mère, les frères et sœurs, les voisins, les amis, témoins ou confidents à n'importe quel titre se voient dans ce qu'il faut bien appeler une obligation de délation, qui rend complice, donc coupable, celui qui ne dénonce pas le coupable (comme dans les "imprécations" ou "malédictions conditionnelles" de la Torah, soit dit en passant). L'émotion attachée à la pédophilie ou au terrorisme occulte la gravité de ce renversement juridique dont les conséquences sont incalculables -- en le focalisant pour le moment sur des crimes précis, mais il n'y a aucune raison que ça s'arrête. Comment tolérerait-on, demain, de laisser courir des assassins, des violeurs ou des criminels "ordinaires", de ne pas les dénoncer, au risque de faire d'autres victimes ? Bonne question décidément que celle de Caïn: gardien de son frère, tous flics de tous, dans une société de biensurveillance (bienveillance et surveillance, bien sûr) généralisée -- "pour votre sécurité". Une société qui ne doute pas de sa bonté ne saurait en dernière analyse admettre aucune transgression, aucun secret, aucun asile, puisque ses lois, sa police et sa justice sont bonnes... Sur ce point les "bonnes intentions" d'une société démocratique et humanitaire arrivent à faire mieux que les totalitarismes, par une autodissolution effective de l'état de droit (par l'Etat de droit).

C'est une opération de communication, probablement nécessaire, mais j'ai du mal à croire que quiconque puisse sérieusement en attendre un "savoir" ou une "compréhension" qui feraient aujourd'hui défaut... Il y a une grande hypocrisie là-dedans, et pas seulement de la part de l'Eglise. Le fait est que c'est la sensibilité de la société en général qui a changé sur ce sujet dans les vingt ou trente dernières années, et c'est ce changement qui rend rétrospectivement intolérables des pratiques qui étaient, sinon tolérées, parfaitement connues (je dirais même notoires, témoin la caricature répandue du "curé pédophile" -- qu'on n'appelait pas encore ainsi -- dans les plaisanteries populaires, au cinéma, cf. Malle et Fellini, et dans une certaine méfiance des parents qui avaient un brin de jugeote, ou des enfants eux-mêmes (souvenirs personnels de pensionnat catho); les prêtres étant particulièrement soupçonnés à cause de leur célibat, mais ce n'étaient pas les seuls: instituteurs, éducateurs, sans parler de tous les cas d'inceste familial, dans les campagnes mais aussi dans la classe ouvrière urbaine, et à l'opposé dans l'aristocratie ou la haute-bourgeoisie). Le "phénomène" était connu, et plus encore la tendance naturelle de tout groupe, Eglise, armée, éducation nationale, famille, clan ou classe sociale, à "laver son linge sale en famille" autant que possible pour éviter les "scandales" (là-dessus c'est la littérature universelle qui en témoignerait, s'il y avait besoin de témoignage). Ce qui a changé tout récemment c'est notre appréciation morale -- c'est un sujet sur lequel on ne plaisante plus. Et, bien sûr, pour une Eglise qui n'a pas renoncé à sa prétention de "faire la morale" à la société, en particulier sur les questions sexuelles, ça la fiche particulièrement mal.

Citation :

"Désormais, lorsque quelqu’un dira “je suis victime d’un prêtre”, plus personne ne l’accusera de mentir."

J'entends la bonne intention, mais cette phrase laisse quand même rêveur: plus personne, parce que le mensonge serait devenu impossible, ou parce qu'il ne pourrait plus -- diplomatiquement, politiquement, juridiquement, médiatiquement -- être soupçonné, ni discerné ? Présomption de véracité pour la victime présumée, présomption de culpabilité pour le prêtre coupable ou non ?

Foule sentimentale des beaux lynchages, qui n'a même pas besoin d'être "manipulée"...

J'ai lu cette semaine que de nombreux prêtres ainsi que leurs supérieurs ne voulaient pas évoquer la pédophilie de façon à ne pas se trouver au centre de l'attention à cause de leur homosexualité. Non que leur orientation ne les transforment en pédophiles mais ils craignent de paraitre en pleine lumière.

Nous avions un peu évoqué cette question ici (18.2.2019).

La politique du Vatican et de la haute-hiérarchie ecclésiastique, à laquelle je ne connais vraiment pas grand-chose, me paraît exceptionnellement complexe et retorse -- jeu de billard à n bandes. Un prélat notoirement homosexuel peut avoir stratégiquement intérêt à s'afficher dans le camp conservateur, à tenir même des propos franchement homophobes, et à favoriser l'amalgame entre homosexualité et pédophilie, plutôt qu'à se montrer tolérant et à prêter ainsi le flanc à l'accusation de "prêcher pour sa paroisse". On lui pardonnera plus volontiers l'hypocrisie (hommage du vice à la vertu, comme chacun sait) que la franchise, sur ses opinions comme sur son "orientation" personnelle... Le fait est que l'Eglise catholique, et singulièrement le pape qui est peut-être le seul à disposer d'une certaine liberté de parole, doit jouer très serré entre ses rapports de force internes et la concurrence d'une morale externe, différente par son "contenu" mais tout aussi sérieuse, qui a depuis longtemps absous l'homosexualité mais ne rigole plus du tout avec la pédophilie.

Citation :

Foule sentimentale des beaux lynchages, qui n'a même pas besoin d'être "manipulée"...

Trois mois de prison avec sursis pour un couple ayant faussement accusé un prêtre de pédophilie

Les prévenus l'avaient accusé d'attouchements sur quatre enfants. L'enquête n'ayant rien trouvé, le parquet s'est retourné contre les accusateurs, condamnés mercredi à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende pour «dénonciation calomnieuse».
C'est une affaire peu banale où les dénonciateurs se retrouvent sur les bancs des prévenus. Alors qu'ils avaient accusé un prêtre d'attouchements sur quatre enfants, un couple a été condamné mercredi à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende pour «dénonciation calomnieuse» à Châlons-en-Champagne (Marne). Ils ont en outre été condamnés à verser un euro symbolique au père François-Jérôme Leroy, victime de leurs dénonciations.

L'histoire débute en mars dernier. Deux septuagénaires, Marie-Jeanne et Jean-Louis Martin, décident d'avertir la justice et les autorités ecclésiastiques du comportement supposé déviant d'un homme d'Église. «Les Martin ont été alertés par le récit de leurs petits-enfants, âgés de 14 et 16 ans», explique leur avocat, Me Jean Chevais. Les adolescents, qui séjournaient chez leurs grands-parents, ont été abordés par le curé, qui les a pris en photo devant un tableau situé dans une petite chapelle. Puis le prêtre aurait proposé au plus jeune de venir réparer son vélo le lendemain. «Mes clients ont pris peur, ayant entendu plein d'histoires sur ce prêtre, explique le conseil du couple. Ils ont décidé d'écrire à l'évêque pour signaler les faits.»  http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2019/02/27/01016-20190227ARTFIG00003-un-couple-juge-pour-fausse-denonciation-pedophile-a-l-encontre-d-un-pretre.php

Comme le montre bien l'article, ce qui est rarissime c'est de pouvoir prouver la "calomnie" -- de toute façon irréparable puisque comme chacun sait depuis l'air du même nom, et avant Rossini Beaumarchais et Bacon, il en reste toujours quelque chose. En l'espèce, ça n'a pu se faire qu'avec le secours d'un autre mobile (litige établi entre les accusateurs et le prêtre): tous les calomniés n'auront pas cette "chance".

La "communication" ecclésiastique est prise dans un cercle vicieux qui est celui de la "communication" tout court: les rares éléments théologiques (ou plutôt démonologiques, ou diabolologiques: "Satan" et les "sacrifices humains") du dernier discours du pape sur le sujet ont été, comme on pouvait s'y attendre, isolés et montés en épingle par les associations de victimes et les médias de sorte que le message perçu par le grand public, c'est: "face à la pédophilie, le pape ne fait que du catéchisme" (c'est très injuste évidemment: il ne fait pas que ça, et il ne peut pas ne pas en faire, c'est son métier). Des victimes auraient écrit le discours du pape que d'autres victimes y auraient aussitôt trouvé à redire. Aucun coupable individuel ou collectif ne battra jamais assez sa coulpe, même son silence sera coupable. Et de toutes les "occasions de se taire" la communication, par définition, ne retiendra que celles qui ont été manquées.

La lettre est traduite ici.

Ratzinger alias Benoît XVI était viscéralement conservateur, mais ce n'était pas un âne. Le caractère brouillon de ce document, qu'il l'ait lui-même écrit ou que d'autres l'aient fait à partir de ses souvenirs et de ses réflexions, suggère en tout cas quelqu'un de très diminué, ce qui n'est pas vraiment une surprise.

Pour rappeler le titre de ce fil, c'est la communication qui est devenue ingérable partout, même au Vatican et dans les organes de presse catholiques (en l'occurrence cléricaux): rien ni personne ne résiste plus à la tentation du "coup" médiatique qui fera le buzz (la preuve), et ceux qui n'y mettent pas d'intention partisane se font rouler dans la farine par ceux qui au contraire en ont de très claires.

On reconnaît, bien sûr, les obsessions constantes du ci-devant théologien dogmatique et grand inquisiteur (la Congrégation pour la doctrine de la foi est l'héritière directe de la Sainte-Inquisition), notamment sa hantise du "relativisme" -- sur quoi il a écrit jadis des choses beaucoup plus réfléchies et qui méritent effectivement réflexion (la question théologique fondamentale, ce serait peut-être de savoir si "Dieu" ne serait pas par définition -- paradoxale -- le relativiste absolu). Au passage, certaines de ses anecdotes pour le moins troublantes (p. ex. le prêtre qui prononce les paroles de consécration "ceci est mon corps" lors de ses actes sexuels) donneraient à penser, contrairement à la thèse principale, que le problème n'est pas celui d'une "morale chrétienne" noyée dans l'"immoralité" ambiante, mais (parfois au moins) une perversion spécifique de la religion chrétienne.

Plus généralement, c'est bien de la société laïque et réputée "relativiste" que revient, contre l'Eglise entre autres, la réprobation "morale" (et judiciaire) en cette affaire. La "pédophilie ecclésiastique" en soi, même si on ne l'appelait pas ainsi, est sans doute aussi vieille que le clergé; minoritaire évidemment mais assez marquante pour avoir laissé, au-delà des "scandales" ponctuels qui n'ont pas pu être étouffés, des traces anciennes et durables dans la culture (littérature, cinéma) -- bien avant les années 1960 (c'était un sujet de plaisanterie, ça ne l'est plus). Que la "libération sexuelle" des années 1960 l'ait rendue plus fréquente, c'est possible (du moins en chiffres relatifs, car il faut aussi tenir compte du fait que le nombre d'enfants et d'adolescents en contact avec le clergé catholique a considérablement décru depuis le début du siècle).

Secret de la confession : le président de la Conférence des évêques de France « invité » au ministère de l’intérieur pour s’expliquer sur ses propos

Eric de Moulins-Beaufort a déclaré, après la publication du rapport Sauvé, que le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République ». Il rencontrera Gérald Darmanin mardi à 14 heures.

La réponse se veut intraitable. Le ministre de l’intérieur, chargé des cultes, « recevra en début de semaine prochaine Mgr de Moulins-Beaufort pour lui demander de s’expliquer sur ses propos », a expliqué, jeudi 7 octobre, l’entourage de Gérald Darmanin. « Il n’est pas convoqué, mais invité », a-t-il été précisé par la suite.

Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr de Moulins-Beaufort, dont les propos ont suscité la polémique mercredi, au lendemain de la publication du rapport Sauvé sur la pédocriminalité au sein de l’Eglise catholique, a accepté « l’invitation » du ministre de l’intérieur et le rencontrera mardi à 14 heures, a-t-il fait savoir dans un communiqué publié jeudi soir.

Eric de Moulins-Beaufort avait déclaré mercredi que le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République ». Des propos qui ont fait bondir une partie du monde politique, certains faisant valoir que le gouvernement était beaucoup plus prompt à dénoncer le « séparatisme islamiste » que ces déclarations. « On ne peut pas dire aux autres religions, “vous devez respecter les lois de la République” et dire que, là, il y aurait une exception », a reconnu jeudi la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, sur Radio J.

« Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays. Ça tient en une phrase, et c’est très clair », a également réagi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, au sortir du conseil des ministres. « Le président de la République a demandé au ministre de l’intérieur de recevoir le président de la Conférence des évêques de France pour que les choses soient claires », a-t-il ajouté.

Dans son communiqué de jeudi soir, Mgr de Moulins-Beaufort maintient cependant sa position. Celui qui est également archevêque de Reims écrit qu’il « sera heureux d’échanger (…) sur le sens du sacrement de la confession pour les catholiques et sur les fondements théologiques, spirituels et canoniques du secret de la confession (…) et de rappeler qu’aujourd’hui, le secret de la confession, imposé aux prêtres par le droit canonique, n’est pas contraire au droit pénal français, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004 ». Le président de la CEF y défend le secret de la confession, « qui a toujours été respecté par la République française » et qui « n’est pas contraire au droit pénal français ».

Une alternative à la levée de ce secret

L’archevêque de Reims a également assuré être à la recherche d’une alternative à la levée de ce secret. « Il faut que nous trouvions un moyen de le faire autrement », a-t-il expliqué, précisant que la CEF regarderait « de très près la recommandation » du rapport Sauvé.

Ce dernier a préconisé mardi aux autorités de l’Eglise de relayer un message clair aux confesseurs et aux fidèles, sur l’obligation du confesseur de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable.

Ce secret professionnel n’est toutefois pas absolu
« Il y a un secret professionnel qui existe pour les avocats, pour les médecins, et il y a le secret de la confession, qui a été d’ailleurs en partie reconnu par notre droit depuis très longtemps », a déclaré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, jeudi à Lyon, où il était en déplacement.

« Mais s’agissant des crimes qui touchent les enfants et afin d’éviter la récidive (…), il m’apparaît normal », a poursuivi le ministre, de « pouvoir délier du secret les personnes qui signalent aux services de justice ou de police des enfants qui sont maltraités, violentés ».

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/10/07/secret-de-la-confession-le-president-de-la-conference-des-eveques-de-france-convoque-pour-s-expliquer-sur-ses-propos_6097484_3224.html

J'allais réagir au quart de tour, selon mon habitude, mais j'ai quand même eu la prudence de relire ce fil (en diagonale, si l'on peut dire), ce qui va m'éviter, pour une fois, de me répéter: voir supra 7.11.2018.

Nul doute que la diplomatie, vertu ou art commun aux ecclésiastiques et aux politiques, aboutira à un compromis formel pour que personne, ni l'Eglise ni l'Etat, n'y perde la face. Mais ça ne changera à rien à ce qui reste à mes yeux le problème de fond, l'inéluctable dérive totalitaire d'une société qui se veut intégralement "bonne" et ne saurait admettre, à ce titre, que rien échappe à sa "biensurveillance" (cf. cette discussion récente).

P.S.: voir aussi ici un article instructif, et pour le moment en accès libre, sur l'état présent du droit canonique et français.

Soit dit en passant, il est assez hallucinant de voir des gens instruits et intelligents, "ministres" du culte ou de l'Etat, danser autour d'une faille élémentaire de logique et de droit sans jamais l'aborder de front: ou bien on considère qu'un "signalement" DOIT avoir lieu et dans ce cas le "secret de la confession" n'est pas seulement "levé", c'est sa transgression qui devient obligatoire et son respect qui doit être puni le cas échéant (subsidiairement, il n'y a aucune raison que ça s'arrête aux crimes sexuels sur mineurs de moins de quinze ans, sans s'appliquer à la confession d'un tueur en série p. ex., et de proche en proche à n'importe quel "péché" qui est aussi un "crime" au sens pénal). Ou bien on maintient le "secret de la confession" sans la moindre exception...

Pédocriminalité : l'Église catholique clarifie son droit canonique sans éteindre toutes les critiques

L'Église catholique applique depuis mercredi une nouvelle version de son droit, où figure notamment un article consacré aux crimes sexuels. Mais sa rédaction et les sanctions proposées divisent.

Ajustement à la marge ou réforme profonde du droit canonique pour mieux lutter notamment contre la pédocriminalité ? Depuis mercredi 8 décembre, l’Église catholique applique une nouvelle version de son droit canonique, le code législatif interne qui regroupe l’équivalent de nos droits pénal, civil et administratif. Elle a notamment institué un nouveau délit caractérisant plus précisément les crimes sexuels commis en son sein. Si l’institution vante une meilleure prise en compte de ces problématiques, des victimes, certains collectifs de fidèles estiment qu’il aurait fallu aller plus loin.

Dans les faits, les modifications du Code de droit canonique, actées au mois de juin, concernent principalement la partie qui définit les délits – il n’existe pas de crime en droit canonique – et les sanctions. Une partie de ces changements avait déjà été actée par le pape François. Ils sont désormais inscrits dans la loi pénale catholique. En droit français, cela reviendrait à passer d’un décret pris par le gouvernement à une loi inscrite dans le code pénal.

Une nouvelle infraction a donc fait son apparition dans le droit canon pour condamner notamment la pédocriminalité : il s’agit d’un "délit contre le sixième commandement du décalogue, avec un mineur ou une personne habituellement affectée d’un usage imparfait de la raison ou avec une personne à laquelle le droit reconnaît une protection similaire". Le "sixième commandement" de la Bible en question est celui qui interdit l’adultère ("Tu ne commettras pas l'adultère"). Le droit canonique a aussi légiféré pour interdire la création et la détention d’images pédopornographiques. Ces interdictions s’appliquent aux religieux mais aussi aux laïcs qui occupent une fonction dans l’Église, tel qu’un directeur d’école catholique ou un diacre par exemple.

Adultère et crimes sexuels, un "mélange des genres"

Pourquoi avoir choisi de se référer au commandement interdisant l’adultère pour définir les crimes sexuels ? "Il faut bien trouver une source, une origine dans un commandement pour établir une interdiction !", répond immédiatement maître Antoine Plateaux, avocat au barreau de Nantes. Il est également avocat ecclésiastique, c’est-à-dire qu’il peut intervenir dans les procès menés par l’Église catholique.

Or, la référence à l’adultère dans le délit condamnant les crimes sexuels fait bondir certaines victimes. "C’est un mélange des genres et une confusion grave", dénonce ainsi Olivier Savignac, lui-même victime d’un prêtre pédocriminel et aujourd’hui président du collectif de victimes Parler et revivre. "C’est un choix décalé car les affaires pédocriminelles n’ont rien à voir avec l’adultère." "Cela crée une espèce de confusion entre la morale sexuelle et un crime sexuel", abonde Catherine Boulanger, enseignante et membre du collectif Agir pour notre Église, un groupe de fidèles catholiques qui s’est constitué dans la foulée des révélations de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) et appelle à des transformations.

"L’important n’est pas d’où vient la norme mais ce qu’elle dit et ce qu’elle permet ou interdit", s’agace Antoine Plateaux. Il estime que l’adultère ne doit pas se comprendre dans son sens contemporain mais comme le fait de "tromper son engagement envers Dieu, la loi et ses prescriptions". Le père Cédric Burgain, vice-doyen de la faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris, explique lui que "tout manquement à la chasteté est pénalisé en référence au sixième commandement". Pour autant, il assure qu’il "ne faut pas tout mettre sur le même plan. Il faut apprendre à distinguer ce qui relève d’une affaire de cœur, d’un abus sur mineur et d’un viol. Là où, avant, il existait un seul délit sur le manquement à la chasteté qui crée le scandale, aujourd’hui ce canon spécifique permet justement de faire la distinction." Il met en avant le fait que cette nouvelle infraction est d’ailleurs intégrée à un chapitre consacré aux délits "contre la vie, la dignité et la liberté humaines". "Avant, ces délits étaient considérés comme des délits contre la chasteté du clerc. C’est un déplacement symbolique mais important car cela témoigne d’une vraie prise en compte du vécu des victimes", plaide-t-il.

https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-de-l-eglise/pedocriminalite-l-eglise-catholique-clarifie-son-droit-canonique-sans-eteindre-toutes-les-critiques_4876649.html

Ce serait à mourir de rire, si l'on pouvait encore en rire.

Il faut bien comprendre que le droit "canon(ique)" n'a pas plus d'existence, de légitimité et de validité juridiques au regard de la loi française que, par exemple, la "discipline religieuse" des TdJ (qui s'appelle toujours judicial, "judiciaire", en anglais et s'entend bien de l'intérieur comme telle). A ceci près qu'en l'occurrence le droit interne est plus ancien que le droit externe qui n'en est pas moins le seul droit effectif, et qu'il se réfère à des sources, à des catégories et à des critères complètement différents (comme les "Dix Commandements" revus et réinterprétés par une tradition catholique millénaire)... Le ridicule est multiple, d'ecclésiastiques se débattant avec le sérieux d'une "institution" plus vieille que l'Etat, mais devenue concrètement minoritaire, face à des "laïques" qui font semblant de prendre le "droit" ecclésiastique au sérieux quand il s'agit de s'en offusquer, alors qu'en principe à leurs yeux il compte pour du beurre. Le tout mixé par des médias qui relaient et nourrissent l'"indignation" sans comprendre de quoi il retourne.

Ce genre de confusion ne concerne pas seulement la pédophilie: quand des catholiques, en tant que catholiques, se battent contre le "mariage" homosexuel alors qu'il s'agit du "mariage" civil et non du "sacrement", quand plus généralement ils s'opposent à des lois sur l'avortement, la contraception et l'euthanasie qui concernent l'ensemble de la population et non les seuls catholiques, mais aussi quand l'Etat consulte les religions (via les "comités d'éthique") sur ce genre de questions, c'est que de part et d'autre le principe de "laïcité" qui est sur toutes les lèvres n'est nullement compris.