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 Sens du Royaume des Cieux

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Sherlock

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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeMar 18 Aoû 2009, 11:37

free a écrit:
Bonjour à tous,
Merci Didier pour tes explications et notamment pour l'apport de cette notion importante "impossible, à partir du NT, de retracer une évolution" globale et surtout linéaire du christianisme primitif".

Dans l'évangile de Luc (parabole des mines) un verset parle du regne de JC en terme bien étranges,

Lc 19:27-" "Quant à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence. " "

Je trouve ces paroles bien violentes !
Faut-il remettre ces paroles dans le cadre du contexte d'une parabole ou au contraire y trouver un enseignement ?

Certains "chrétiens éclairés" veulent à tout prix enlever la valeur de cette parabole en disant que c'est une histoire et qu'elle ne concerne pas Jésus (vision humaniste en desaccord avec le Jésus qu'on s'imagine aujourd'hui...). Les Evangiles étant une catéchèse, on se demande bien pourquoi les auteurs auraient mis une "histoire" à prendre au 3e degré quand il s'agit de prêcher que Jésus est le Messie-Roi. Il faudrait par conséquent prendre toutes les paraboles au 3e degré en se disant que l'histoire du Bon Samaritain ne doit pas s'appliquer en vrai...
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeMar 03 Oct 2023, 08:56

La proclamation du Royaume de Dieu comme marqueur de continuité entre Jésus et l'Église dans l'œuvre de Luc

L’annonce des disciples au temps de Jésus

S’il est acquis que le troisième évangile accorde une importance substantielle à la prédication du Royaume par Jésus, on néglige habituellement de signaler la participation active des disciples. Non seulement ils annoncent, eux aussi, le message du Royaume, mais ils en sont même expressément chargés. Si le fait est avéré pour le livre des Actes, on oublie trop souvent que c’est déjà le cas au cours du ministère terrestre de Jésus. Or cette proclamation du Royaume par le groupe des Douze, voire par un cercle plus large, est particulièrement soulignée dans le troisième évangile, bien plus que dans les autres synoptiques. Luc est le seul à associer aussi formellement les disciples à l’annonce du Royaume au temps même de Jésus. Ce fait mérite que l’on s’y arrête quelque peu.

Le premier texte à signalerLc 9,2, s’inscrit dans le passage sur l’envoi en mission des Douze. Si la péricope de Lc 9,1-6 est clairement issue de Mc 6,7-13, Luc n’en a pas moins effectué plusieurs modifications, notamment en ce qui concerne l’annonce du Royaume. Il précise au v. 2 que Jésus a envoyé les Douze « proclamer le Royaume de Dieu et guérir ». Les disciples sont explicitement chargés d’annoncer le Royaume et sont ainsi directement associés à la mission de Jésus. Cette spécificité lucanienne peut s’expliquer par l’influence de la source Q, matériau dont Luc s’est servi pour son second récit d’envoi en mission. Toujours est-il qu’il tient à calquer la mission des disciples sur celle de Jésus, notamment en conjuguant parole et action, proclamation du Royaume et guérisons. Les disciples poursuivent l’activité même de leur Seigneur, ce que confirme encore la fin du texte en résumant leur mission par une formule synonyme de celle du v. 2 : « annonçant la bonne nouvelle et guérissant » (v. 6).

Rapporté en Lc 10,1-12, le deuxième envoi en mission, cette fois repris de la source Q, est tout aussi révélateur. Deux singularités lucaniennes sont particulièrement éloquentes : d’une part, le nombre important des émissaires (soixante-douze, contre les seuls Douze chez Matthieu) désignés pour cette nouvelle mission qui prend donc une ampleur sans précédent, étant entendu que ce groupe préfigure d’une certaine façon l’Église et les premières missions chrétiennes ; d’autre part, le motif de l’annonce du Royaume qui est inséré à deux reprises dans la trame du récit (v. 9 et 11) , alors qu’il n’est même pas attesté dans la version matthéenne. La répétition du motif est significative et les deux versets sont étroitement liés. Au v. 9, où les disciples sont invités à guérir et à prêcher le Royaume dans les villes hospitalières (« dites-leur : “Le Royaume de Dieu s’est approché  de vous” »), répond le v. 11 précisant l’attitude à adopter dans les villes non accueillantes : annoncer malgré tout la proximité du Royaume(« toutefois sachez que le Royaume de Dieu s’est approché »). Nonobstant le refus opposé aux prédicateurs de l’Évangile, Dieu poursuit son plan de salut et fait advenir son Règne de façon inéluctable. Il s’agit là d’un topos récurrent dans l’œuvre lucanienne, et en particulier dans les Actes où le témoignage apostolique et la progression de l’évangélisation se poursuivent inexorablement, malgré le rejet et l’hostilité.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2011-3-page-349.htm
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeMar 03 Oct 2023, 13:33

Ce fil est assez vieux (2008-9), et pas trop long, pour qu'on prenne le temps de le relire avant de poursuivre -- cela m'a rappelé de bons souvenirs...

Chez moi la page de ton lien ne s'affiche que partiellement -- c'est peut-être un problème du site, je n'ai pas constaté ce genre de difficulté ailleurs; mais puisque tu peux tout lire de ton côté, il doit y avoir aussi quelque chose qui déconne chez moi -- en tout cas on peut accéder à l'article par ce lien de téléchargement.

Tu auras deviné que je ne partage pas (ou plus) les principaux présupposés de l'auteur(e) -- sur le "Jésus historique", l'unité initiale de Luc-Actes comme projet d'un seul "auteur" (ou d'une seule auteure, pourquoi pas ?), ou la "source Q" commune à Matthieu et à Luc mais ignorée de Marc -- cependant je suis bien d'accord sur la thèse principale: le "royaume" sert effectivement à l'ensemble Luc-Actes de terme de transition entre "Jésus" et "l'Eglise", donc aussi entre "Israël" (cf. Actes 1,6) et "l'Eglise", périodisés comme on sait dans un schéma (pseudo-)historique (avant / après, judaïsme / christianisme); terme de transition d'autant plus commode que, comme on l'a montré plus haut (p. ex. 29.7.2009), c'est un mot vide, un signifiant sans signifié univoque ni référent actuel (aussi au sens de contemporain): un contenant en somme, une valise par exemple, que chacun "remplit" comme il l'entend. Dans l'usage final de Luc-Actes (sans préjudice de la "préhistoire" des textes très divers, logia, paraboles, discours, légendes, que cet ensemble rassemble) ce terme, qui dans d'autres milieux (p. ex. "zélotes" ou "sicaires", ou du côté chrétien l'Apocalypse de Jean) pouvait être très subversif, perçu comme une menace pour (c.-à-d. contre) le pouvoir romain, devient parfaitement inoffensif, neutralisé, dépolitisé, démilitarisé, dé-historicisé, dé-localisé, idéal spirituel à la fois céleste et terrestre, mais intériorisé (exemplairement Luc 17,20s dont on a aussi parlé plus haut), présent et futur, eschatologique mais d'une fin repoussée sine die, entièrement compatible au présent avec la paix de l'empire... Dans Luc-Actes en tout cas le "contenu" n'est guère précisé, il reste vague et allusif, du fait de la diversité de ses provenances et du manque d'intérêt strictement "théologique" des "auteurs" occupés à construire une "histoire de l'Eglise", non à en définir la doctrine.

Dans le détail, il me semble qu'il faut pas mal forcer les textes pour discerner une "intention" constante derrière l'usage du mot basileia, surtout dans l'évangile selon Luc: le "royaume" apparaît dès l'Annonciation à Marie (1,32s), il n'est "retiré" à Jean(-Baptiste) que par rapport à Matthieu (3,2), il n'était pas non plus chez Marc (1,1ss); il n'est même pas repris dans l'énoncé de la prédication de Jésus en Luc 4,14s, contrairement à Marc (1,14) et à Matthieu (4,17), il est par contre ajouté en 4,43, après le développement de l'épisode de la synagogue qui ne parle pas de "royaume"... La duplication de la mission des disciples (12 puis 70 ou 72, chap. 9--10) semble bien faire signe vers l'Eglise des Actes, son élargissement d'"Israël" aux "nations" (depuis le jeu des mêmes nombres dans la Genèse, qui varient semblablement entre texte massorétique et Septante, de la table des nations aux fils d'Israël descendus en Egypte), mais même là le "royaume" ou "règne" (basileia) reste accessoire. (Je repense à la Watchtower qui avait fait du "royaume de Dieu" le "thème de la Bible", rien que ça, en mélangeant allègrement dans le flou de l'anglais kingdom, non seulement ce que nous appelons "royaume", "règne" ou "royauté", mais encore les notions de "souveraineté" et de "gouvernement" -- fût-il collectif, à l'encontre du principe d'une mon-archie. Moyennant quoi nous avions l'impression de savoir de quoi nous parlions, alors même que nous employions en français le mot "royaume" à contresens de son usage.)
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeVen 06 Oct 2023, 09:41

Les dits du Royaume dans les Évangiles
Michel Bouttier

1 – L’avènement

Ce qui était attendu arrive : telle est la teneur fondamentale de la proclamation qui parcourt les Évangiles et qu’inaugure Jean-Baptiste. Le futur prophétisé, espéré, redouté parfois, bascule dans le présent. Et ceci sans autre motif que l’apparition de Jésus de Nazareth dans les villages de Galilée.

10Les énoncés de cet avènement oscillent toutefois entre trois pôles ; on est placé tantôt devant une proximité immédiate, tantôt devant une réalité présente, tantôt de nouveau dans une perspective d’attente avec cette différence que, désormais, on sait ce qui vient, on connaît le visage de celui dont l’irruption réalisera définitivement le dessein de Dieu. Les dires de R sont un défi sur le plan de notre logique qui aimerait des horaires et des zones nettement délimités. Mais c’est ainsi que le Seigneur reste le maître de l’événement. La venue de R transcende la distinction fondamentale du verbe hébreu, l’accompli et l’inaccompli, de même que le découpage latin présent, passé, futur.

Dès le premier regard sur les résultats du relevé, on constate comme un déplacement qu’il faudra vérifier Évangile par Évangile ; on a l’impression de passer successivement du premier pôle (proximité) au second (présence), puis au troisième (avènement futur mais imminent). C’est comme si l’attention se tournait de plus en plus de R vers le destin du Fils de l’Homme, sa passion, sa résurrection, sa venue suprême. Le tournant est peut-être constitué par la parole du milieu des Évangiles, Mc 9, 1 // Mt 16, 28 // Lc 9, 27 : quelques uns qui sont ici ne dégusteront pas la mort avant de voir « R venu en puissance » (Mc), « le Fils de l’Homme venir dans son R » (Mt), « R de Dieu » (Lc), expression qui rejette le thème même de R dans le futur.

Sur le mode de l’inaccompli, bien que d’une intense proximité, la forme prédominante est : R s’est approché, il survient, il arrive…

Message de Jean-Baptiste (Mt 6, 2), de Jésus (Lc 10, 11 avec, en 10, 9 une autre tournure remarquable : il « vous a atteints »). On se gardera d’oublier la requête du Notre Père : « Que ton R vienne » (Mt 6, 10 ; Lc 11, 2). L’intonation déterminante, celle d’une irruption, marque ainsi de sa dynamique la grande nouvelle : l’heure est arrivée où R envahit le monde.

Bien plus, il est là : le mode de l’accompli coexiste avec l’autre. Les démons ont été expulsés, c’est donc que le doigt de Dieu (ou l’Esprit de Dieu, cf. Lc 11, 20 ou Mt 12, 28) est à l’œuvre : « R, dit Jésus, a fait irruption sur vous ! » La venue devient présence. Ainsi le passage remarquable et diversement interprété de Lc 17, 20-21. « Quand vient R de Dieu ? » interrogent les pharisiens. Réponse de Jésus : « Ce n’est pas en observant les astres que l’on peut préciser sa venue. Impossible de dire : “il est ici, il est là.” Voici, en effet, R de Dieu est au cœur de vous-mêmes. » Indiscutable, le présent de l’affirmation. Difficile, la localisation. On peut comprendre : il est au milieu de vous, entre vous, en vous (intérieur), en vous (entre vos mains, sous votre responsabilité).

Une autre déclaration de Jésus atteste cette présence de R, mais d’une manière si insolite qu’elle a déjoué toutes les tentatives d’harmonisation : « Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à maintenant, R de Dieu est enjeu de violence et ce sont les plus forts qui se l’arrachent. » (Mt 11, 12)

Dans la perspective d’un futur, qu’il prenne ou non une nature apocalyptique, on inscrit surtout quelques passages de Luc.

19, 11, avec un verbe nouveau : se manifester. Jésus approche de Jérusalem. Certains pensent donc que R va se déclencher sur-le-champ, comme si le ministère de Jésus n’avait été qu’un prélude.
21, 31, dans le discours sur la fin des temps : « Quand vous assisterez à ces événements, sachez que R est proche. »
22, 16.18 : lors du dernier repas, Jésus déclare aux siens qu’il ne mangera plus la pâque avec eux « jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans R de Dieu ». Il ne boira plus du fruit de la vigne « jusqu’à ce que R de Dieu soit venu

L’Évangile de Luc atteste donc les formulations extrêmes, celles où R est le plus manifestement présent et celles où il est le plus évidemment futur. On peut supposer que Luc est ainsi le témoin d’une prédication primitive qu’il a transmise (celle où R est là) et le représentant de traditions plus récentes, caractéristiques de son milieu (R va venir).

Tout au long de ce premier ensemble, R occupe donc la place de sujet. Il s’approche. Il vient. Il est là. Il va venir. Telle une puissance autonome dont Jésus révèle la présence. Nous percevrons par la suite, et tout particulièrement en lisant ce qui touche l’accès au Royaume, les mêmes tensions significatives entre accompli et inaccompli ; les critères retenus sont également dépassés. Fondés sur nos expériences du temps et de l’espace, ils ne peuvent que laisser pressentir la révolution annoncée.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2006-2-page-197.htm
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeVen 06 Oct 2023, 13:49

Etude stimulante, au moins autant par son enthousiasme homilétique -- même comme exégète, théologien, chercheur ou professeur, M. Bouttier était avant tout pasteur et prédicateur -- que par sa méthode taxonomique: les critères théoriques pour classer les occurrences d'un mot comme basileia dans telle ou telle catégorie sont toujours discutables, ainsi qu'on s'en aperçoit quand on doit effectivement les classer toutes, une par une, en essayant d'être cohérent... J'ai bien connu le problème du point de vue du traducteur, avec le choix français entre royaume, règne et royauté (auxquels on pourrait encore ajouter région ou régime, du même rex, regis; problèmes différents, mais comparables, dans d'autres langues, comme l'allemand Reich ou l'anglais rule, qui ne se réfèrent pas nécessairement au "roi", König ou king, basileus en grec). On peut préférer "royaume" là où une représentation "spatiale" prédomine (le territoire, la ville ou la maison, on est dedans ou dehors, on y entre ou on en sort), et "règne" quand un élément temporel, durée, présent, futur proche ou lointain, semble prendre le dessus. Mais "venir", "s'approcher", "arriver", cela s'entend aussi bien sur un mode spatial que temporel, à vrai dire comme tout mouvement, toute action suppose de l'"espace" et du "temps", de "là" à "ici" comme d'"alors" ou de "plus tard" à "maintenant". Et le "règne" n'est pas seulement temporel, il est aussi actif, effectif, opératoire, fonctionnel, dynamique, voire violent (comme le walten allemand, d'où Gewalt, ce qui vaut, prévaut, régit ou régente). Les choix si raisonnés soient-ils finissent toujours dans l'arbitraire où ils ont commencé, et au terme de l'opération on a de toute façon perdu l'unité du terme original et faussé son intertextualité: en grec c'est toujours le même mot...

En tout cas on voit bien que le "signifiant vide" ne fonctionne pas seulement comme terme de transition, ainsi que le soutenait l'étude précédemment citée sur Luc-Actes -- comme une valise pour passer du "judaïsme" au "christianisme" ou d'"Israël" à l'"Eglise", selon le schématisme historique lucanien... C'est aussi une boîte noire ou une boîte magique, dans laquelle on peut imaginer tout ce qu'on veut en lui prêtant toute sorte d'effet et d'effectivité: non seulement "espace" ou "temps" mais essence agissante, dynamique, puissance, pouvoir, potentialité, virtualité, événement: en un mot mystère, qui se prête admirablement à la "parabole"...
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeSam 07 Oct 2023, 10:22

Un royaume qui n'est pas de ce monde. Lecture de Jean 18,33-37

(33) Pilate entra de nouveau dans le prétoire et appela Jésus.
Il lui dit : « Tu es le roi des Juifs ? »
(36) Jésus répondit : « Ma royauté n 'est pas de ce monde. Si de ce
monde était ma royauté, mes gardes auraient combattu pour que je ne
sois pas livré aux Juifs. Mais en réalité, ma royauté n' est pas d'ici. »
(37) Pilate lui dit donc : « Donc, tu es roi ? »
Jésus lui répondit : « Tu dis que je suis roi.
Je suis né pour ceci et je suis venu dans le monde pour ceci : que je
rende témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma
voix. »
Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? » 


3. L'autorité du non-pouvoir 

Dans la perspective johannique, le pouvoir de ce monde n'apparaît pas simplement comme partagé ou « clivé », il est encore soumis à
l'autorité qui vient « d'en haut» (anôthen : 19.11 ; cf.3,3.7.31) et qui, supérieure, le fonde et l'encadre. Il est toutefois remarquable qu'à côté de la métaphore évoquant la subordination, Jésus parle d'une origine qui se trouverait simplement « ailleurs » et sur laquelle aucune main mise ne serait possible (ouk estin enteuthen : 18.36 ; cf. 19,9). Ce trait est décisif : le fondement de tout pouvoir humain échappe à ses propres détenteurs et se trouve toujours au-delà d'eux-mêmes, dans un « ailleurs » qui, toujours, leur échappe. N'est justifié ainsi qu'un pouvoir, ou une autorité, qui se laisse « trouer », travailler - voire contester — par la question d'une origine sur laquelle il n'a pas de pouvoir ". Le Jésus johannique pour sa part se soumet lui-même à cette règle structurelle fondamentale : il agit avec une pleine autorité, sans jamais revendiquer pour lui-même un titre, un privilège ou une prérogative quelconque (cf. 18,37 ; 19,7). 

https://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1996_num_51_1_1893
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeSam 07 Oct 2023, 12:09

A mon avis le problème est un peu plus complexe que ne l'explique Collange, bien qu'il ne soit pas loin de mettre le doigt dessus: l'en-haut (anôthen) d'où viendrait le pouvoir ou l'autorité (exousia) de Pilate (19,10s) n'est pas forcément celui de la "naissance d'en haut" du chapitre 3 (v. 3.7.31; le terme reviendra encore en 19,23, pour la tunique sans couture, tissée "d'en haut"; cf. aussi anô en 8,23). Beaucoup de développements et de réécritures sont intervenus d'un passage à l'autre, qui n'interdisent pas la référence inter- ou intra-textuelle mais la faussent ou la déplacent, d'un effet de déhiscence ou de "bougé". L'origine et l'essence de la "royauté" de Jésus ne sont en tout cas pas celles du pouvoir ou de l'autorité de Pilate, ce que marque précisément la négation: n'est pas de là (ouk estin enteuthen, 18,36, négation qu'il ne faut pas se hâter de transformer en affirmation d'un "ailleurs"), variante de la problématique plus vaste du quatrième évangile, "être du monde" ou pas (avec ek/ex de provenance, là encore l'origine détermine l'essence, 8,23; 15,19; 17,6.14ss; cf. la question "d'où es-tu", pothen ei su, en 19,9, qui reste sans réponse). Entre les deux (12,31; 14,30; 16,11) est apparu un "prince de ce monde" qui n'est peut-être pas "le diable" (6,70; 8,44; 13,2; cf. "le satan" ou "Satan" v. 27), mais qui n'est assurément pas non plus le "Dieu" ou le "Père" du Jésus johannique, et c'est sur cette différence d'origine et d'essence du pouvoir, de l'autorité et de la royauté que joue le dialogue. On est dans un univers (proto-)gnostique où le "dualisme" est plus subtil et fluide, moins symétrique et statique que ce qu'en retiendra l'orthodoxie, plus "manichéenne" au fond que le manichéisme lui-même (Dieu vs. diable, bien vs. mal, etc.).

Bien entendu, du point de vue de l'histoire littéraire le quatrième évangile (qui, comme on l'a souvent noté, préfère d'ordinaire la "vie éternelle" au "royaume") ne fait que développer à sa façon le thème ambigu du "roi des Juifs" qui était présent dès l'évangile selon Marc (15,2ss); cf. le commentaire et le débat autour de l'inscription ou titulus de la croix, Jean 19,19ss.
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeLun 16 Oct 2023, 12:06

L’insistance lucanienne sur l’identité des destinataires et des bénéficiaires de la basileia et de sa proclamation 

2. La prédominance ou l’importance de la thématique identitaire dans quelques textes qui abordent explicitement le « quand » du Royaume

Ce deuxième point fait ressortir un aspect que nous ne retrouvons ni chez Marc ni chez Matthieu : l’interaction de la thématique identitaire avec le « quand » du Royaume, de manière à souligner tout particulièrement l’identité des destinataires ou des bénéficiaires de la βασιλεία et de sa proclamation. 

Un premier texte à considérer est Lc 19,11-27 (la parabole des mines). Ce sont les attentes des auditeurs de Jésus en ce qui concerne l’imminence de la manifestation du Royaume de Dieu qui donnent l’occasion à Jésus de prononcer cette parabole : « Comme ils écoutaient cela, il ajouta une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem et qu’ils imaginaient que le Royaume de Dieu allait se manifester à l’instant même » (Lc 19,11). Or, si la parabole répond certes à une telle supposition concernant le calendrier du Royaume (en indiquant notamment qu’un certain temps doit s’écouler avant le retour du roi intronisé, v. 12), elle insiste davantage sur l’identité des bénéficiaires du Royaume, représentés par les deux esclaves qui ont fait fructifier leur mine (v. 13, 15-26), et, plus encore, sur l’identité de ceux qui s’excluent eux-mêmes du Royaume, représentés, d’une part, par le mauvais esclave ayant gardé sa mine dans un linge (v. 20-24, 26), et, d’autre part, par les concitoyens du roi, aussi appelés ses ennemis (v. 14, 27). 

En fin d’évangile, Jésus a un échange avec les deux malfaiteurs suspendus en croix. Le second lui dit : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton Royaume » (Lc 23,42). À cette question  qui suppose l’entrée encore lointaine de Jésus dans son Royaume, Jésus répond : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23,43). Par le biais du déploiement d’un motif lucanien récurrent, l’« aujourd’hui 15 », Jésus ramène ici dans le présent les attentes du malfaiteur repentant. Il s’agit sans aucun doute de l’un des accents principaux de ce texte : le « déjà » du Royaume y est fortement valorisé. Cela dit, aux côtés de la question du calendrier du Royaume figure celle, tout aussi importante,  de l’identité de ses participants. Le malfaiteur dit bien : « Souviens toi de moi ». Jésus lui répond : « […] tu seras avec moi dans le paradis ». Or, à la suite de la mention de l’inscription se trouvant au-dessus de Jésus en croix, « Cet homme est le roi des Juifs » (v. 38), c’est sans doute l’Israël divisé que Luc, par l’intermédiaire des deux malfaiteurs qui ne s’accordent pas sur l’identité de Jésus, veut mettre en scène. Ainsi, le « quand » du Royaume est ici valorisé dans un passage qui accorde tout autant d’importance à l’identité des destinataires (Jésus est le roi des Juifs) et des bénéficiaires du Royaume (représentés par le malfaiteur repentant). 

Un échange semblable, à certains égards, se produit au début des Actes. En Ac 1,6, les apôtres posent à Jésus une question qui concerne le calendrier du Royaume : « Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le Royaume pour Israël ? » Au verset suivant, Jésus semble relativiser l’importance de ce calendrier (« Il leur répondit : Il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité », v. 7), avant d’insister plutôt, au v. 8 – du moins si l’on considère que Jésus répond effectivement à la question qui lui est posée –, sur l’étendue des destinataires de la proclamation du Royaume : « Mais vous recevrez de la puissance quand l’Esprit saint viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_cool. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce passage important. 

À la lumière des trois textes que nous venons de citer, nous nous demandons, avec prudence, si un autre passage, Lc 17,20-21, ne pourrait pas s’insérer également dans cette catégorie de textes : 20 Interrogé par les pharisiens pour savoir quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de telle sorte qu’on puisse l’observer. 21 On ne dira même pas : 
« Regardez, il est ici ! », ou : « Il est là-bas ! » En effet, le Royaume de Dieu est au milieu de vous. (Lc 17,20-21.) 

À une question concernant le « quand » du Royaume de Dieu, Jésus répond en insistant surtout sur sa proximité (son immanence) 16.
Néanmoins, dans l’expression « au milieu de vous » est également intégrée, subtilement, la thématique des destinataires du Royaume 17, parmi lesquels figurent les pharisiens. 

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2016_num_96_3_2003
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MessageSujet: Re: Sens du Royaume des Cieux   Sens du Royaume des Cieux - Page 3 Icon_minitimeLun 16 Oct 2023, 12:57

Sans surprise, les présupposés de l'analyse se retrouvent dans ses conclusions, comme le lapin dans le chapeau: si l'on postule sous l'ensemble Luc-Actes une unité d'"auteur" et d'"intention", on tend à surinterpréter toutes les occurrences d'un même mot ou d'un même thème dans un sens unique ou convergent qui confirmera le postulat de départ; si l'on considère au contraire la formation du "diptyque" comme secondaire, surtout par rapport à la première partie (Luc), on en verra surtout les traces dans les articulations ajoutées au début et à la fin (de Luc ET des Actes) et on ne cherchera pas nécessairement une unité thématique ou idéologique dans tout le matériau rassemblé, qui paraîtra aussitôt plus divers...

L'angle des destinataires et/ou bénéficiaires est intéressant, et pas seulement dans Luc-Actes, mais tout en laissant entendre que ce n'est pas forcément la même chose l'article ne cherche guère à élucider l'identité ou la différence des deux "catégories" -- par exemple en distinguant les destinataires d'un "message", "évangile / bonne nouvelle du royaume / règne" (expression surtout matthéenne) et les bénéficiaires du "règne / royaume" lui-même. Autant les destinataires ont de l'importance pour le schématisme (pseudo-)historique de Luc-Actes (Juifs d'abord, non-Juifs après, Eglise comme suite du temple et du judaïsme en général), autant la question des bénéficiaires me semble accessoire, périphérique ou éloignée, comme toute l'eschatologie lointaine dont elle dépend. Moyennant quoi le royaume "lucanien" paraît très ouvert, bien plus que celui de Matthieu, comme un horizon aussi vaste que lointain. Mais cela tient aussi au "vide" ou au "vague" du concept (de basileia, royaume, règne ou royauté) dont on parlait précédemment.

En l'occurrence, la basileia comme "horizon" vague ou "toile de fond" discrète sur lesquels se détache l'action qui compte pour l'ensemble Luc-Actes ne le serait pas seulement du côté de la fin de l'histoire, eschatologie façon coucher de soleil, puisque c'est aussi bien la provenance de toute l'histoire (cf. supra 3.10.2023, sur la basileia comme terme de transition du judaïsme au christianisme, avec l'Annonciation qui renvoie au royaume de David, Luc 1,33, et le "lever" de soleil ou d'étoile, anatolè, v. 78).
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