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| Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 | |
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free
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 11:14 | |
| NABONIDE ET GILGAMESH : L’ARAMÉEN EN MÉSOPOTAMIE ET À QOUMRÂN André Lemaire, E.P.H.E., Paris–Sorbonne
Le texte araméen mentionnant NBNY, hypocoristique du nom du dernier roi de Babylone, Nabonide, est le fameux texte 4Q242 dit « Prière de Nabonide » suivant le titre même conservé dans les fragments que Jozef T. Milik a publiés de façon préliminaire dès 1965. Ce texte a donné lieu à une bibliographie très abondante qui s’est efforcée de proposer des restitutions pour les lacunes des huit premières lignes et de préciser le rapport de ce texte avec le livre de Daniel. Sur ce dernier point, bien qu’il y ait, comme toujours, une ou deux voix discordantes, la plupart des commentateurs sont d’accord, à juste titre, pour rapprocher la Prière de Nabonide de Daniel 4 en soulignant que 4Q242 est non seulement un texte indépendant de Daniel 4 mais représente une tradition littéraire probablement antérieure, que Daniel 4, sous cette forme ou sous une autre, a pu utiliser en la transférant de Nabonide à Nabuchodonosor, roi de Babylone évidemment mieux connu de son auditoire judéo-palestinien.
En fait, on a déjà plusieurs fois fait remarquer que la Prière de Nabonide fait référence à certains aspects du règne de Nabonide connus par les inscriptions néo-babyloniennes et nord-arabes, en particulier son séjour dans l’oasis de Teima, même si, dans le texte araméen, celui-ci a été apparemment ramené de « dix ans » à « sept ans », peut-être pour mieux se conformer au topos littéraire ouest-sémitique des sept années.
Nabonide n’est nulle part mentionné dans les livres bibliques et apparaît seulement ici dans la littérature hébraïque et araméenne ancienne. Ce fait est un argument très fort en faveur de son ancienneté par rapport à Daniel 4.
Étant donné que Nabonide ne semble pas avoir fait campagne dans le territoire de Juda et qu’il n’y a laissé aucune trace dans la littérature hébraïque, on en déduit assez naturellement que l’auteur de la prière de Nabonide était très probablement un membre de la communauté judéenne exilée en Babylonie, soit durant l’époque achéménide, soit au début de l’époque hellénistique, plus précisément à l’époque séleucide. Même si les commentateurs ne prennent pas toujours position sur ce point, il est assez révélateur que tous pensent que le “judéen (YHWDY)” de la ligne 4 était un “des fils de l’Exil (BNYGLWT’)”. Même si cette dernière expression est une restitution et ne peut donc être considérée comme assurée, elle révèle bien le milieu auquel appartenait très probablement l’auteur de cette prière, comme d’ailleurs celui du niveau le plus ancien du livre de Daniel (spécialement chap. 2–6).
http://www.digitorient.com/wp/wp-content/uploads/2011/03/LemaireAramaicQumranica.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 12:29 | |
| Excellente communication d'André Lemaire, qu'enrichissent encore la "réponse" et la discussion qui suivent... sur l'ensemble de la relation Nabuchodonosor / Nabonide, il ne serait peut-être pas inutile de relire le début de ce fil.
Il est clair en tout cas que ni Daniel 4 (le rêve de Nabuchodonosor) ni 4Q242 (la "prière de Nabonide" à Qoumrân) ne sont des textes "historiques", bien qu'ils aient pour protagoniste un roi de Babylone devenu, pour différents motifs, légendaire -- en l'occurrence les motifs sont complémentaires puisque Nabonide illustre la chute et la folie (du point de vue du clergé de Babylone: départ à Teima, abandon du culte de Mardouk pour le culte lunaire de Sîn, etc.), en revanche Nabuchodonosor seul peut illustrer la puissance initiale et son rétablissement (puisque le règne de Nabonide s'achève par la prise de Babylone par Cyrus). C'est un "doublet" narratif comme il en existe beaucoup dans le canon "biblique" lui-même (dès la Genèse: Abraham-Sara / Isaac-Rébecca / Abimélech-Pharaon, Sodome et Guibéa de Juges 19, etc.), sans qu'il y ait nécessairement à l'origine de dépendance littéraire en ligne directe d'un récit à l'autre -- mais, bien sûr, dès lors que des histoires "parallèles" circulent dans un même milieu, elles vont aussi s'influencer mutuellement, tantôt par attraction et tantôt par différenciation. Il faut toutefois reconnaître que la "Prière de Nabonide", connue seulement par le texte araméen de Qoumrân (et donc, pour nous, par la "chance" de l'archéologie moderne), n'a pas eu le même succès éditorial, si l'on peut dire, que celui de Daniel, finalement "canonisé"... |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 12:32 | |
| - Citation :
- Par ailleurs, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que pour Jérémie Nabuchodonosor était le "serviteur de Yahvé" (25,9; 27,6ss; 43,10), tout comme pour le deutéro-Isaïe (45,1) Cyrus sera son "oint" (mashiah, khristos).
La passation babylonienne du trône de Nabopolassar à Nabuchodonosor en l’an 605 marque une date particulière dans l’histoire du Proche-Orient car elle est précédée, la même année, de la bataille de Karkémish conduite par Nabuchodonosor, encore en sa qualité de prince héritier. Sa victoire sur l’Égypte établit alors Babylone comme nouveau pouvoir hégémonique sur le monde antique. La même année, le premier jour du mois Elul (c’est-à-dire du sixième mois, Nabuchodonosor accéda au trône babylonien. En tant que vainqueur de Karkémish, il devint alors aussi de facto le maître du monde en place. Cela semble également être la représentation du livre de Jérémie. Selon le contexte de Jr 25, Nabuchodonosor est maintenant le « serviteur » (’bd de Yhwh (v. 9), que doivent servir le pays de Juda et les autres nations pendant soixante-dix ans (v. 10-11). En utilisant pour Nabuchodonosor le titre de « serviteur », Jr 25 se rallie à la formulation correspondante attestée pour David, particulièrement frappante dans notre contexte. « Quand David est désigné comme ‘oeboed JHWH, il est presque toujours question de l’élection et de la durée éternelle de la dynastie». Le titre de « Serviteur » met en évidence de la manière la plus condensée qui soit l’argument développé plus largement par Jr 25 : en l’an 605, la royauté de la grâce de Dieu est passée de la dynastie davidique en Israël à Nabuchodonosor en Babylone. Dans l’Ancien Testament, cette représentation trouve son parallèle le plus proche dans le deutéro-Ésaïe, avec l’oracle qui proclame Cyrus nouveau Messie (Es 45, 1-7). De mon point de vue, les désignations, dans le livre de Jérémie, de Nabuchodonosor comme serviteur présupposent cette perspective deutéro-ésaïenne : dans le livre de Jérémie, il apparaît comme une évidence qu’un souverain étranger puisse être « serviteur de Yhwh », alors que le deutéro-Ésaïe doit tout d’abord argumenter pour défendre cette position. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2006-2-page-211.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 13:28 | |
| Sur cet article important, cf. ici 13.4.2022. La datation relative des textes (c.-à-d. les uns par rapport aux autres, avant-après), qu'on parle de phrases ou de grands ensembles comme tente de le faire Schmid (pour le "deutéro-Isaïe" et "Jérémie", mais en ce qui concerne ce dernier l'affaire est singulièrement compliquée par le rapport TM/LXX, où le plus "ancien" n'est pas forcément celui qu'on croit, ni même sans doute aucun des deux tels que nous les lisons), reste délicate. Des "schèmes d'intelligibilité" divers apparaissent ici et là, mais ils ne sont pas pour autant applicables à tout un "livre" et encore moins à chaque élément de son "contenu". Ainsi dans cet article même on voit l'idée d'un transfert de la "royauté davidique" à Nabuchodonosor associée tantôt à -605 (bataille de Karkémish et accession de Nabuchodonosor), tantôt à -609 (début du règne de Joïaqim, "décret céleste" donnant d'avance la royauté à Nabuchodonosor, ce qui permettrait le comput "juste" 609-539 = 70 ans). Il ne faut d'ailleurs pas oublier que plus l'analyse porte sur de grands ensembles littéraires, plus les logiques rédactionnelles en jeu s'éloignent des références "historiques": au moment où la rédaction des différentes éditions du livre de Jérémie se construit et se fixe, c.-à-d. aux époques perse et hellénistique, que savent ou croient encore savoir de la chronologie de l'empire néo-babylonien les différents rédacteurs impliqués ? a-t-elle seulement encore de l'importance encore pour eux ? C'est le genre de question cruciale qu'on oublie facilement de se poser quand on dispose instantanément de tous les textes et de toutes les "informations", en spécialiste moderne... |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 14:10 | |
| Le début du ‘ foulage ’. Le ‘ foulage ’ de ce royaume de la dynastie des souverains de la lignée de David ne commença pas lorsque les Romains dévastèrent la ville de Jérusalem en 70 de n. è. Il commença des siècles plus tôt, quand les Babyloniens renversèrent cette dynastie en 607 av. n. è., quand Neboukadnetsar détruisit Jérusalem, emmena en captivité le roi détrôné, Tsidqiya, et laissa le pays en désolation (2R 25:1-26 ; voir CHRONOLOGIE). Ces événements furent conformes aux paroles prophétiques adressées à Tsidqiya en Ézékiel 21:25-27 : “ Ôte le turban, et enlève la couronne. Cela ne sera pas la même chose. [...] J’en ferai une ruine, une ruine, une ruine. Quant à cela aussi, oui ce ne sera à personne jusqu’à ce que vienne celui qui a le droit légal, et vraiment je le lui donnerai. ” Les Écritures grecques chrétiennes démontrent que celui qui a “ le droit légal ” à la couronne davidique perdue par Tsidqiya est Christ Jésus, au sujet de qui l’ange qui annonça sa future naissance déclara : “ Jéhovah Dieu lui donnera le trône de David son père, et il régnera sur la maison de Jacob pour toujours, et il n’y aura pas de fin à son royaume. ” — Lc 1:32, 33. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1200000316?q=sept+temps+ daniel&p=par II. "Jusqu'à ce qu'il vienne" : EZEK 21,30-32Qui est l'attendu dans L'oracle d'Ezéchiel ? Selon le contexte, il peut être soit Nabuchodonosor avec son jugement punitif, soit un nouveau Roi Messie de Judée apportant la justice. Dans le premier cas, assez surprenant, Ezéchiel semble avoir fait de la promesse de Gen 49,10 le véhicule d'un message du jugement total. Dans le second cas, il semble avoir renforcé la ancienne promesse. L'interprétation de la clause dépend largement de la options de l'exégète face aux problèmes de l'écriture textuelle et littéraire critique dans ce verset et dans l'oracle dans son ensemble. Ceci est vrai pour les deux le MT et le LXX. http://khazarzar.skeptik.net/books/lust01.pdf Nous avons été habitués (par la Watch en l'occurrence, mais sur ce point celle-ci n'a fait que suivre une longue et vaste tradition) à "rapprocher" Genèse 49,10s (cf. supra 14.3.2011) et Ezéchiel 21,30ss; toutefois entre ces textes il n''y a guère de rapport, sinon qu'ils sont à peu près aussi obscurs et abîmés l'un que l'autre (et ce ne sont pas les seuls). Lust (dernier lien: je présume que tu es passé par une traduction automatique, car chez moi l'article correspondant est en anglais) semble d'abord assez imprudent sur ce point (et dans son usage des termes "messie", "messianique" etc., mais c'est malheureusement plus banal), bien qu'il émette quelques réserves plus loin (p. 21 et note 39). Pour résumer son analyse, le texte hébreu aurait d'abord signifié, en contexte, que Yahvé confiait le "jugement" sur Jérusalem à Nabuchodonosor, soit un oracle tout "négatif"; mais l'addition ultérieure du v. 30, en visant exclusivement le "prince" (alors que la référence à Jérusalem incluait autant la prêtrise que la royauté, le "turban" et la "couronne"), aurait ouvert la voie à une lecture "positive", celle d'une restauration ultérieure, royale ou quasi royale (comme le rappelle ta première "citation", Ezéchiel évite habituellement les références royales). Les remarques sur la Septante sont aussi intéressantes, qui supposent une tout autre situation, hellénistique et plus précisément hasmonéenne (où l'on reprocherait plutôt au prêtre de se faire roi). Quant à Tabor (lien précédent), il rapproche tout aussi imprudemment Ezéchiel 21 de Jérémie 22 (sur Konya = Jéconias = Joïakîn, cf. ici 15.4.2022), mais le caractère "grand public" de cet ouvrage sur Marie, pour ce qu'on peut en lire sur GoogleBooks, ne se prête guère à une analyse tant soit peu serrée (j'ai le souvenir d'avoir lu de lui des choses plus substantielles). Il semble en tout cas ressusciter à sa façon la vieille thèse apologétique d'harmonisation des généalogies de Matthieu et de Luc, qui attribuait la seconde à Marie plutôt qu'à Joseph, contre le sens obvie du texte (c'est aussi ce que récitait la Watch, si je me souviens bien)... Reste que si la généalogie matthéenne voulait "prouver" la légitimité davidique de Jésus comme "prétendant au trône", elle achopperait en effet sur Jérémie 22 -- mais Matthieu n'est pas à un paradoxe près (cf. l'insistance sur les femmes "étrangères" et/ou les unions "illégitimes" dans la même généalogie, Tamar, Rahab, Ruth et "la femme d'Urie"), et ce n'est peut-être pas du tout son propos. Pour rappel (cf. p. ex. supra 13.1.2022), l'évangile de Marc serait plutôt hostile à la qualification de "fils de David" pour le "Christ", en tout cas il se fait l'écho d'une tradition qui la critique ouvertement (12,35ss; à part ça le titre n'est rapporté que comme une parole "populaire", sans validation de Jésus ni du narrateur, 10,47s) et que Matthieu conserve aussi (22,41ss), bien que celui-ci use plus généreusement du qualificatif (1,1ss.20; 9,27; 12,23; 15,22; 20,30s; 21,9.15). L'unique référence du quatrième évangile à l'ascendance davidique du "Christ" (Jean 7,42) est au moins aussi ambiguë (la tradition sur David et Bethléem est mentionnée dans une objection qui reste sans réponse, ni de Jésus ni du narrateur). https://etrechretien.1fr1.net/t524p75-messiasnismes |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 15:29 | |
| 1.6.2022 pour la dernière citation (et la précédente).
Pour mettre les points sur les i, en Ezéchiel il n'y a pas la moindre mention de Sédécias (= Tsidqiya, mais la manie de l'hyper-hébraïsation des noms propres qui a saisi la Watch dans les années 1990 lui a passé depuis), il est donc parfaitement arbitraire de dire que l'oracle lui est adressé (d'autant que dans une perspective "historicisante" comme celle de la Watch, Ezéchiel est censé être à Babylone pendant le règne de Sédécias à Jérusalem). De plus, comme on l'a vu dans la discussion précitée, les termes de l'oracle visent autant la (grande) prêtrise que la royauté de Jérusalem, le seul "roi" mentionné dans le chapitre étant Nabuchodonosor. D'autre part, le terme mishpat au v. 32 signifie plutôt le "jugement", la "justice" ou le "droit" en général, que le "droit" particulier de quelqu'un à quelque chose (à la prêtrise ou à la royauté p. ex.): en anglais "judg(e)ment", "justice" ou "law" plutôt que "right", mais la KJV a déjà "right", parce que la "messianisation" du texte vient de loin. Toutefois la NWT force encore l'interprétation dans la proposition précédente, en y introduisant déjà, gratuitement, l'idée d'appartenance (à quelqu'un, à personne) qui n'est pas dans le texte (ni hébreu, ni grec, quoique les deux soient incertains): TM: Ruine, ruine, ruine, je la mettrai/ferai: et cela/celle-ci ne sera pas jusqu'à ce que vienne celui qui a le jugement, et je lui donnerai. LXX: Injustice, injustice je la mettrai/ferai: et elle ne sera plus telle jusqu'à ce que vienne celui à qui il convient, et je lui donnerai/livrerai. NWT1984 (FW Franz): A ruin, a ruin, a ruin I shall make it. As for this also, it will certainly become no [one’s] until he comes who has the legal right, and I must give [it] to him. NWT2013: A ruin, a ruin, a ruin I will make it. And it will not belong to anyone until the one who has the legal right comes, and I will give it to him. TMN 1995: J’en ferai une ruine, une ruine, une ruine. Quant à cela aussi, oui ce ne sera [à personne] jusqu’à ce que vienne celui qui a le droit légal, et vraiment je [le] lui donnerai. TMN 2018: Une ruine, une ruine, une ruine, voilà ce que j’en ferai. Et elle n’appartiendra à personne jusqu’à ce que vienne celui qui a le droit légal, et je le lui donnerai. (Je souligne l'élément d'appartenance ajouté dans la NWT/TMN; comme d'habitude, la suppression des crochets dans les dernières révisions rend les additions invisibles.)
Pour rappel (c'est dans la discussion citée dans ton dernier post), l'une des causes de la confusion du texte est probablement qu'un oracle sur Jérusalem, naturellement au féminin, a été perturbé par l'adjonction d'une référence à un "prince" (nasi', v. 30), au masculin, ce qui chamboule tout le jeu des référents (d'autant qu'en hébreu le féminin peut aussi équivaloir à un neutre, elle OU ceci, cela). |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 16:10 | |
| - Citation :
- Pour mettre les points sur les i, en Ezéchiel il n'y a pas la moindre mention de Sédécias
" Toi, profanateur, méchant, prince d'Israël, dont le jour arrive au temps où la faute est à son comble ! ainsi parle le Seigneur DIEU : Ote le turban, enlève la couronne. Tout change ! Ce qui est abaissé sera élevé, et ce qui est élevé sera abaissé. Une ruine, une ruine, une ruine ! Voilà ce que j'en ferai. Tout a déjà changé, en attendant la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai" (Ez 21,30-33). Notes : Ézéchiel 21:30profanateur : voir v. 19n ; l’apostrophe s’adresse à Sédécias (cf. 12.10 ; 17.13-21 ; 2R 25). Les textes que la NBS donne en référence pour assimiler le "profanateur" à Sédécias ne mentionnent jamais le nom de ce roi, c'est apparemment la lecture du livre D'Ezéchiel à la lumière de 2R 25 qui semble guider leur conclusion. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mar 15 Nov 2022, 16:30 | |
| Eh oui, je l'ai constaté aussi entre-temps, cela fut trop hâtivement écrit (mea culpa). Il reste néanmoins probable que le "prince" du v. 30 vise Sédécias (comme 12,10 et 17,13ss, bien que son nom ne soit jamais mentionné), mais il faut remarquer aussi (ce qu'il était de toute façon difficile de faire dans les notes de la NBS) que cette référence "personnelle", au masculin, arrive comme un cheveu sur la soupe au chapitre 21, dans un contexte qui vise la ville, au féminin.
Pour ne rien arranger à la confusion du texte, le vocabulaire aussi est ambigu: ainsi la ou les racines hll dont le livre d'Ezéchiel est particulièrement friand (v. 19.30.34; cf. 6,4.7.13; 7,21ss; 9,6s; 11,6s; 13,19; 20,9.13ss.21s.24.39; 22,8.16.26; 23,38; 24,21; 25,3; 26,15; 28,7ss.16.18.23; 30,4.11.24; 31,17s; 32,20-32; 35,8; 39,7; 44,7) peuvent signifier, par polysémie ou homonymie selon les modes lexicographiques (comparer BDB et HAL), "profaner" ou "percer, transpercer, blesser, tuer, égorger, massacrer" -- d'où aussi "victime, blessé, mourant, cadavre, massacre, carnage", etc., sans qu'il y ait nécessairement de rapport étymologique entre ces deux "familles de sens", ce qui autorise autant d'interprétations et de jeux de mots, selon les contextes, au gré des occurrences. C'est la raison pour laquelle, par exemple, la TMN a toujours un "blessé à mort" (21,25, puisqu'elle suit la numérotation anglaise) là où la plupart des traductions (21,30) ont un "profanateur", "profane", "vil", ou quelque chose dans ce genre. |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 16 Nov 2022, 11:51 | |
| SOUVERAINETE, SAVOIR ET FOLIE: ORIGINE ET TRANSFORMATION DU « PARADIGME NABUCHODONOSOR »
Nabuchodonosor et Antiochus IV Epiphane
La deuxième partie du livre, celle que les exégètes appellent parfois Daniel B et qui rompt avec la narration pour faire place aux différentes visions de Daniel, développe le même motif de la souveraineté, mais sur un autre registre. C'est ainsi que se matérialise le dialogue littéraire entre deux époques historiques et deux aires géographiques.
Les commentateurs sont d'accord sur le fait que la principale cible des visions apocalyptiques de Daniel est le souverain séleucide Antiochus IV Epiphane qui interdit le culte au Temple de Jérusalem. Le portrait du roi est articulé autour des notions de hybris et d'idolâtrie. En effet, les versets qui font allusion au règne d'Antiochus IV Epiphane le décrivent dans la posture de l‟« ennemi des dieux » :
Il proférera des paroles contre le Très-Haut et mettra à l'épreuve les saints du Très-Haut. Il méditera de changer les temps et le droit, et les saints seront livrés entre ses mains pour un temps et des temps et un demi-temps (7,25).
Elle s'éleva jusqu'au chef de l'armée, lui enleva le sacrifice perpétuel, et renversa le lieu de son sanctuaire (8,11).
[...] il détruira les puissants et le peuple des saints (8,24).
Le roi fera ce qu'il voudra; il s'élèvera, il se glorifiera au-dessus de tous les dieux, et il dira des choses incroyables contre le Dieu des dieux; il prospérera jusqu'à ce que la colère soit consommée, car ce qui est arrêté s'accomplira. Il n'aura égard ni aux dieux de ses pères, ni à la divinité qui est l'objet du désir (délices) des femmes; il n'aura égard à aucun dieu, car il se glorifiera au-dessus de tous. Toutefois il honorera le dieu des forteresses sur son piédestal; à ce dieu, que ne connaissaient pas ses pères, il rendra des hommages avec de l'or et de l'argent, avec des pierres précieuses et des objets de prix. C'est avec le dieu étranger qu'il agira contre les lieux fortifiés; et il comblera d'honneurs ceux qui le reconnaîtront, il les fera dominer sur plusieurs, il leur distribuera des terres pour récompense (11,36-39).
Les mêmes fautes rendaient Nabuchodonosor coupable dans la première partie du livre. Il est intéressant de noter aussi l'omniprésence de l'imagerie bestiale. Si le roi babylonien va connaître passagèrement le stade animal, Antiochus est d'emblée symbolisé par un animal comme aux versets 7,7 (heyvah) et 8,5 (tsephir ha-izzim). La régression au stade animal dénote peut-être dans le cas d'Antiochos aussi, une manière de qualifier sa folie.
À leur tour les livres des Maccabées, sans parler explicitement de folie, nous livrent des données intéressantes. Il s'agit d'abord de souligner l'arrogance avec laquelle Antiochus entre dans le Temple :
[…] enlève l'autel d'or, le candélabre de lumière avec toutes ses accessoires, la table d'oblation, les vases à libation, les coupes, les cassolettes d‟or, le voile, les couronnes, la décoration d'or sur la façade du Temple, dont il détacha tout le placage (1 M 1,21-22).
Le deuxième livre des Maccabées apporte encore des précisions :
Il quitta donc l'Egypte, furieux comme une bête sauvage et prit la ville à main armée. Il ordonna ensuite aux soldats d'abattre sans pitié ceux qu'ils rencontreraient et d'égorger ceux qui monteraient dans leurs maisons. On extermina jeunes et vieux, on supprima femmes et enfants, on égorgea jeunes filles et nourrissons. [...] Non content de cela, il osa pénétrer dans le sanctuaire le plus saint de toute la terre, avec pour guide Ménélas, qui en était venu à trahir les lois et la patrie. Il prit de ses mains impures les vases sacrés et rafla de ses mains profanes les offrandes que les autres rois y avaient déposées pour l'accroissement, la gloire et la dignité du saint lieu (2 M 5,11-16).
Tout cela n'est pas sans rappeler le récit biblique de Daniel. D'abord l'insistance de celui-ci sur l'enlèvement de la vaisselle du Temple rappelle beaucoup la profanation de Belshatsar en Dn 2. D'autre part, l'humeur ... massacrante d'Antiochos est bien mentionnée en Dn 8 :
Il fera d'incroyables ravages, il réussira dans ses entreprises, il détruira les puissants et le peuple des saints. A cause de sa prospérité et du succès de ses ruses, il aura de l'arrogance dans le cœur, il fera périr beaucoup d'hommes qui vivaient paisiblement, et il s'élèvera contre le chef des chefs; mais il sera brisé, sans l'effort d'aucune main (8,24-25).
Le troisième point commun est évidemment la comparaison avec la bête sauvage. La fureur, la colère démesurée sont des expressions de comportement irrationnel que les sources ne manquent pas de mentionner. De surcroît, le rapprochement avec le stade animal laisse encore plus à penser que la folie d'Antiochus est due ou se manifeste, comme celle de Nabuchodonosor, par « le changement en bête ».
Enfin, quatrième point commun et qui n'est pas des moindres, l'auto-exaltation d'Antiochus.
Il s'exaltera dans son cœur (u-vi-levavo yagdil) et détruira un grand nombre par surprise (Dn 8,25).
Antiochus s'exaltait en pensée, ne voyant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville d'où venait cette indifférence envers le lieu saint (2 M 5,17).
Antiochus, après avoir enlevé au Temple 1.800 talents, se hâta de retourner à Antioche, croyant, dans sa superbe, à cause de l'exaltation de son cœur, rendre navigable la terre ferme et rendre la mer praticable à la marche (2 M 5,21).
Antiochus est ridiculisé pour ses prétentions à gérer le monde comme un dieu. Il y a un double entendre dans ce verset. D'une part, rendre navigable la terre ferme et rendre la mer praticable à la marche fait allusion à la traversée de la Mer, donc au miracle accompli par volonté divine. D'autre part, cette allusion est doublée d'une corrosive ironie car en se prenant pour un dieu le roi dévoile sa folie. Epiphanès renvoie automatiquement à Epimanès. Il n'est pas à la portée humaine de gouverner les éléments mais Antiochus ne perçoit pas cette vérité.
(...)
Daniel 4 dissimule ainsi toute une stratigraphie: des couches littéraires diverses, des écrits qui voisinent et se fondent dans la composition, des éléments historiques qui facilitent le transfert d'image d'un personnage à l'autre. Le livre de Daniel n'est pas le seul ouvrage où ces opérations sont mises en œuvre, au contraire c'est la caractéristique de toute littérature. Comme Genette l'a bien montré, toute littérature est un palimpseste : on écrit incessamment par dessus des textes déjà existants et qui, de ce fait même, recouvrent un sens nouveau, une nouvelle valorisation. Le portait biblique de Nabuchodonosor et sa réception par la tradition en sont le meilleur exemple.
https://www.ssoar.info/ssoar/bitstream/handle/document/38731/ssoar-annunivbuch-2006-vartejanu-joubert-Souverainete_savoir_et_folie_origine.pdf?sequence=1&isAllowed=y&lnkname=ssoar-annunivbuch-2006-vartejanu-joubert-Souverainete_savoir_et_folie_origine.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 16 Nov 2022, 12:38 | |
| Sur cet article, cf. supra 19.1.2018. Il mérite cependant d'être relu, notamment pour son analyse du "Pamphlet" contre Nabonide (p. 4-11; voir aussi ici): ce texte babylonien, en akkadien, datant probablement du règne de Cyrus, n'était certainement pas connu des auteurs beaucoup plus tardifs de la "Prière de Nabonide" en araméen (4Q242) ni du "songe de Nabuchodonosor" en hébreu (Daniel 4), mais il illustre l'origine de la légende commune à ces deux textes, dans la critique du règne historique de Nabonide et notamment de ses options religieuses (préférer Sîn à Mardouk, Teima à Babylone) par le clergé babylonien tout acquis au nouveau pouvoir perse: portrait à charge donc dès le départ, puisqu'il sert de repoussoir à un éloge de Cyrus, mais dont les traits ne cesseront d'être forcés à mesure que sa cible changera pour aboutir à Antiochos IV dans l'édition "complète" de Daniel (en hébreu et araméen, car dans les versions grecques le souvenir d'Antiochos tendra à s'effacer à son tour). Antiochos n'est pas forcément en vue dans les premières moutures de Daniel 4, qui sont probablement antérieures à la crise maccabéenne, mais il l'est assurément lors de la composition du livre. |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 16 Nov 2022, 16:47 | |
| - Citation :
- Toutefois la NWT force encore l'interprétation dans la proposition précédente, en y introduisant déjà, gratuitement, l'idée d'appartenance (à quelqu'un, à personne) qui n'est pas dans le texte (ni hébreu, ni grec, quoique les deux soient incertains)
Merci Narkissos d'avoir attiré notre attention sur ce point de traduction que je n'avais jamais remarqué. Un petit retour au livre de Carl Olof Jonsson : c) La personne qui reçut la visionLe fait que ce soit Neboukadnetsar qui ait reçu la vision indique-t-il ou prouve-t-il que celle-ci s’applique à une prétendue interruption de2520 années dans la dynastie royale de David ? l est vrai que Neboukadnetsar fut l’instrument dont Dieu se servit pour interrompre le règne de cette dynastie. Mais n’est-il pas plutôt improbable que l’exercice oppressif de la souveraineté par Neboukadnetsar ait été un symbole de la souveraineté de Jéhovah exprimée au moyen de la dynastie davidique, tandis que, simultanément et durant les “sept temps” de folie, son absence totale du pouvoir était un symbole de la domination mondiale exercée par les nations gentiles ? A-t-il joué deux rôles simultanément pendant ses “sept temps” de folie,1) son absence du pouvoir représentant la rupture dans la dynastie davidique pendant la période de 2520 ans, et 2) sa condition bestiale représentant la domination gentile sur la terre ? Comme on peut le voir, les parallèles entre l’accomplissement littéral et la prétendue application plus grande sont forcés, et l’application plus grande en devient plutôt compliquée et confuse. Cette interprétation n’aurait-elle pas été de loin plus probable si la vision avait été donnée à l’un des derniers rois de Juda plutôt qu’à Neboukadnetsar ? N’aurait-il pas été plus logique et naturel de voir la dynastie de David représentée par un roi qui en était issu, et les “sept temps” ou la perte de pouvoir qu’aurait connue un de ces rois n’aurait-elle pas mieux représenté la perte de souveraineté dans la lignée davidique ? Par conséquent, il est évident que la personne à qui la vision a été donnée n’est pas un indice montrant qu’il y a une autre application au delà de celle donnée directement par le prophète Daniel. d) La thème de la visionLe thème de la vision de l’arbre abattu est exprimé en Daniel 4.17[4.14], savoir: “afin que les vivants sachent que le Très-Haut est Chef dans le royaume des humains, et qu’il le donne à qui il veut, et qu’il établit sur lui le plus humble des humains.” Le but de cette vision, bien établi ici, indique-t-il qu’elle désignait le moment où le royaume de Dieu serait établi par le moyen de son Christ ? Pour tirer cette conclusion il faut lire dans cette déclaration plus qu’elle ne dit en réalité. Jéhovah a toujours été le chef suprême dans le royaume des humains, même si sa souveraineté n’a pas toujours été reconnue par tous. David l’avait compris, quand il a dit : “Jéhovah lui-même a solidement établi son trône dans les cieux; et sa royauté a dominé sur tout .” –Psaume 103.19, MN. “Ta royauté est une royauté pour tous les temps indéfinis , et ta domination [subsiste] dans toutes les générations successives.” – Psaume 145.13, MN. Jéhovah a donc toujours exercé son contrôle sur l’histoire des humains et manœuvré les événements selon sa volonté : “C’est lui qui change temps et époques, qui ôte des rois et établit des rois, qui donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui connaissent le discernement.” – Daniel 2.21, MN. C’est là une leçon que Neboukadnetsar devait apprendre, tout comme d’autres rois avant et après lui. La période qui suivit la désolation de Juda et de Jérusalem par Neboukadnetsar ne constitua pas une exception et ne connut aucune interruption de la domination suprême de Jéhovah, malgré la rupture dans la dynastie royale de David. Pendant cette période, les nations gentiles ne possédèrent jamais la domination suprême. Jéhovah agit contre l’Empire babylonien en suscitant Cyrus pour prendre Babylone en 539 av. n. è. (Isaïe 45.1), et Alexandre le Grand détruisit plus tard l’Empire perse. De plus, il n’est pas du tout évident que l’expression “le plus humble des humains” ( Daniel 4.17 [4.14]) désigne Jésus Christ, car Jéhovah, dans ses rapports avec les humains, a souvent abattu des rois puissants et hautains pour élever des humbles. C’est que qu’indiqua Marie, la mère de Jésus, plusieurs siècles plus tard : “Il [Dieu] a agi puissamment avec son bras, il a dispersé ceux qui sont orgueilleux dans l’intention de leur cœur. Il a fait descendre les puissants des trônes et il a élevé les humbles.” –Luc 1.51, 52, MN. Par conséquent, en annonçant que “le Très-Haut est Chef dans le royaume des humains, et qu’il le donne à qui il veut, et qu’il établit sur lui le plus humble des humains”, le “veillant” ou le “saint” du rêve de Neboukadnetsar ne faisait apparemment que donner un principe universel gouvernant les rapports entre Dieu et les humains. Rien n’indique qu’il donnait une prophétie concernant l’établissement du royaume messianique, avec Jésus Christ à sa tête. Le thème de la vision – à savoir que le Très-Haut est chef dans le royaume des humains” – est confirmé par la façon dont Jéhovah traita avec l’orgueilleux Neboukadnetsar, lequel en arriva à comprendre ce principe universel de par sa propre expérience ( Daniel 4.3, 34-37 [3.33;4.31-34]). En lisant le récit de l’expérience humiliante de Neboukadnetsar, les gens de toutes les générations pourraient comprendre et admettre cette vérité. https://fr.scribd.com/document/382192450/Carl-Olof-Jonsson-Les-Temps-Des-Gentils-Reconsideres |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 16 Nov 2022, 17:59 | |
| Je suis à la fois admiratif et perplexe devant cette stratégie argumentative qui parvient à se tenir sensiblement à égale distance de son objet, en ciblant la critique à partir d'un ensemble de présupposés ou "terrain d'entente" apparemment inchangé du début à la fin (non seulement du livre, mais de ses éditions revues et augmentées sur plusieurs décennies): en l'occurrence une lecture "bibliciste", "littéraliste", "historiciste", pour ne pas dire "fondamentaliste", des textes. Je comprends bien qu'au départ, pour C.O. Jonsson quand il était encore TdJ au début de ses recherches, ce ne fût pas du tout une "stratégie" mais une opinion sincère; mais je suis plus étonné que ça le reste à mesure des études et des découvertes -- autrement dit, il me semble que ce qui n'était pas une "stratégie" en devient une, et je ne suis pas sûr qu'elle soit efficace... Tant qu'à rester dans le monde magique où l'histoire est écrite à l'avance et consignée, fût-elle cryptée, dans un livre sacré, on préférera toujours la théorie affirmative, qui donne un sens positif à cette histoire, surtout si elle est déjà professée par des millions de gens et soutenue par une organisation substantielle, à sa démolition qui ne propose rien de semblable, quand même elle s'effectue sur des bases communes...
[Cette remarque est aussi bien un aveu d'infirmité de ma part: je suis incapable d'écrire des choses longuement suivies, surtout sur le mode de la thèse et de la démonstration, parce que l'écriture remet en question mes présupposés sans que je m'en aperçoive, jusqu'à ce que je m'en aperçoive et que tout me semble à reprendre à zéro -- à la sortie des TdJ j'avais commencé à écrire un texte sur un tout autre sujet para-jéhoviste, le "nom divin", mais au bout d'une petite centaine de pages je me suis rendu compte que mes idées sur "la Bible" avaient complètement changé et qu'il m'aurait fallu tout refaire, avec encore moins de chances d'être entendu du public que j'avais initialement en tête (TdJ, évangéliques, etc.) et dont je m'étais aussi éloigné par la même occasion.]
Quoi qu'il en soit, le livre de C.O. Jonsson est très précieux (notamment pour sa partie autobiographique, au début, et pour l'historique de la croyance au XIXe siècle, dont j'oublie toujours les détails); j'espère qu'il restera en ligne mais ça me paraît douteux vu les habitudes de SCRIBD (la page annonce déjà une utilisation limitée à un mois). Juste avant la portion que tu cites, on peut aussi apprécier les points a) et b), p. 262ss: la vision du chapitre 4 est plutôt moins eschatologique, et moins datée, que le reste du livre, et c'est pourtant sur celle-là que la Watch fonde son calcul principal. |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Jeu 17 Nov 2022, 13:40 | |
| 4. Le rêve de l’arbre (Dn 4) - P 58.
Trois choses sont dites sur Daniel. Un, le roi mentionne que Daniel est nommé Belteshatsar (v. 5), et ce afin d’indiquer au lecteur que le récit présente le point de vue évaluatif de Nabuchodonosor. Le commentaire d’après le nom de mon dieu (v. 5) n’est pas étymologique, mais est une manière poétique d’exposer la nature théologique du récit. Deux, il est chefs des mages (v. 6) en continuité avec la promotion reçue à la fin du chap. 2 (v.48). Trois, il a en lui le souffle des dieux saints (v. 5, 6, 18), ce qui tout comme chez Joseph (Gn 41.38), dénote les aptitudes surnaturelles de Daniel pour qui aucun mystère n’est difficile (v. 5).
L’histoire de la réception, notamment dans la tradition rabbinique, démontre le malaise qu’a suscité l’attitude empathique de Daniel envers Nabuchodonosor. Comment Daniel peut-il être effrayé par le jugement qui doit s’abattre sur un roi vu comme l’archétype du mal (v. 16) ? Souhaiter que son rêve soit pour ses ennemis (v. 16)? Lui suggérer une manière d’échapper à son sort (v. 24)? Ou encore ne jamais lui reprocher d’avoir détruit Jérusalem?57 Pire encore, Daniel procède à un adoucissement substantiel de la vision de quatre façons : en abrégeant le récit de la destruction de l’arbre (v. 10-12; v. 20); en omettant les passages plus humiliants comme un cœur de bête lui sera donné (v. 13) et l’allusion au dernier des hommes (v. 14); en atténuant le caractère public du jugement (v. 14; v. 22); et en accentuant la restauration (v.23). La bienveillance de Daniel envers le roi laisse également perplexe les commentateurs modernes : Henze parle d’amitié, Greidanus de diplomatie , Collins de magie apotropaïque, Fewell de désengagement, etc. Mais la sympathie de Daniel envers le roi relève plutôt de la stratégie narrative comme l’explique Powell : « One of the simplest means of arousing the reader’s sympathy for a character is to attribute such sympathy to another character with whom the reader has come to empathize ». Puisque les récits précédents avaient laissé le lecteur ambivalent sur la sincérité de Nabuchodonosor, le narrateur implicite veut orienter le lecteur et le rendre crédule face à la pleine rédemption de Nabuchodonosor dans ce récit final.
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/13811/Brassard_Gaetan_2015_m%C3%A9moire.pdf?sequence=2&isAllowed=y |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Jeu 17 Nov 2022, 15:12 | |
| Sur cette thèse, cf. ici 14.3.2022.La "sympathie pour Nabuchodonosor" est largement préparée par le livre de Jérémie (référence expresse de Daniel 9): cf. ce qu'on a dit plus haut (15.11.2022) du qualificatif de "serviteur de Yahvé", a fortiori si on y voit le transfert d'un titre "davidique"; l'introduction de Daniel (1,1s), même si elle est plus tardive que les récits qui suivent, reprend la même logique qui est aussi celle du Deutéronome et des Rois: c'est Yahvé (= 'adonay) qui a livré Jérusalem à Nabuchodonosor; cf. aussi, dans un genre similaire, la série d'oracles auto-corrective d'Ezéchiel 26ss (Yahvé a promis Tyr à Nabuchodonosor, ça n'a pas marché comme prévu, pour le dédommager il lui donne l'Egypte). Un autre indice discret, mais intéressant, d'un rapport spécifique entre Daniel 4 et Jérémie réside dans le motif des bêtes sauvages, que Nabuchodonosor devait dominer selon Jérémie 27,6; 28,14, et parmi lesquelles il se retrouve en Daniel 4 (ce qui est aussi une inversion de la trajectoire d'Enkidu dans Gilgamesh, de la vie sauvage parmi les bêtes à la ville, au temple, à la civilisation, au savoir et au pouvoir -- et inversement). En Daniel 4 on reste dans un schéma moral classique, faute (= orgueil) / châtiment (humiliation) / repentance (louange) / rétablissement (élévation), qui pourrait s'appliquer à n'importe qui (israélite ou non, allié, ennemi ou indifférent) dans une position similaire (roi, empereur, riche, puissant, etc.). A première vue cela limite les possibilités de rapprochement avec Antiochos dans la seconde partie, mais dans l'économie générale du livre la comparaison aggrave en fait le cas d'Antiochos, forcément "pire" que ses "prédécesseurs" maîtres du monde (Nabuchodonosor, Belshazzar, Darius, Cyrus, Alexandre), puisque c'est désormais le "temps de la fin". |
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| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 23 Nov 2022, 16:24 | |
| B-3: Le fondement du calcul des 2520 ans s’effondre
Comme nous l’avons vu au chapitre 1, le calcul selon lequel les “sept temps” représentent une période de 2520 ans est fondé sur ce qu’on appelle le “principe jour/année”, concept que la Société Watch Tower n’accepte plus maintenant comme principe général.
C’est le pasteur Russell qui l’emprunta aux adventistes, mais Joseph Rutherford, le deuxième président de la Société, l’abandonna vers la fin des années 1920 ou au début des années 1930. Les 2300 soirs et matins (Daniel 8.14), ainsi que les 1260, 1290 et 1335 jours (Daniel 12.7, 11, 12; Apocalypse 11.2, 3; 12.6, 14), qui étaient autrefois compris comme autant d’années, ont été depuis réinterprétés entant que jours.
La Société Watch Tower ne considère plus que les deux textes bibliques autrefois cités comme preuves de la validité du principe jour/année (Nombres 14.34 et Ézékiel 4.6) présentent un principe universel d’interprétation , même s’ils sont toujours invoqués pour soutenir le calcul des 2520 ans en particulier. Comme nous l’avons vu au chapitre 1, note 2, la règle du ‘jour pour une année’ ne s’applique même probablement pas aux “soixante-dix semaines” de Daniel9.24-27. Cette prophétie ne parle pas de jours, mais de “semaines”, ou littéralement, de “sept”. Ainsi, plutôt que de convertir les “semaines” en jours, puis d’appliquer le “principe jour/année”, le lien contextuel avec les “soixante-dix ans” du verset 2 appuie solidement la conclusion répandue selon laquelle l’ange multipliait simplement ces 70 ans par sept: “Sept fois soixante-dix [ans] sont décrétés.”
Les partisans de la théorie du jour pour une année eux-mêmes trouvent qu’il leur est impossible d’être cohérents dans leur application de ce prétendu “principe” selon lequel, dans les prophéties bibliques, les jours seraient toujours des années . Par exemple, lorsque Dieu dit à Noé: “Car dans sept jours, je vais faire pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits” (Genèse 7.4,TOB), ils ne l’interprètent pas dans ce sens, comme si Dieu avait voulu dire: “Cardans sept ans, je vais faire pleuvoir sur la terre pendant quarante ans ”.Ou quand Yona (Jonas) annonça aux habitants de Ninive: “Encore quarante jours, et Ninive sera renversée” (Yona 3.4), ils ne comprennent pas que cela signifiait que Ninive allait être renversée quarante ans plus tard. On pourrait trouver beaucoup d’autres exemples.
Il est donc tout à fait arbitraire de vouloir appliquer le principe jour/année aux “sept temps” de Daniel chapitre 4, tout particulièrement si ceux qui utilisent ce principe ne l’appliquent pas aux autres périodes prophétiques.
Tout comme d’autres tenants du calcul des 2520 ans, la Société Watch Tower prétend que les “sept temps” (la période de folie de Neboukadnetsar) durèrent 2520 jours parce que, en Apocalypse 12.6,14, “un temps et des temps et la moitié d’un temps” (3 temps ½) valent 1260 jours. (Nous discuterons plus tard de la validité de ce raisonnement.) Mais, tandis que la Société Watch Tower interprète les2520 jours comme une période de 2520 ans, elle enseigne que les1260 jours sont des jours littéraux. Étant donné que l’interprétation des “sept temps” dérive des trois temps et demi (1260 jours), pourquoi n’y a-t-il pas d’interprétation cohérente pour ces deux périodes? Comment peut-elle dire que les 2520 jours sont des années , tandis qu’il en va tout autrement pour les 1260 jours ?
https://fr.scribd.com/document/382192450/Carl-Olof-Jonsson-Les-Temps-Des-Gentils-Reconsideres |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Nabuchodonosor est changé en bête Daniel 4 Mer 23 Nov 2022, 20:54 | |
| En "feuilletant" ce livre depuis quelques jours (alors que j'ai l'édition originale depuis les années 1980, c'est Raymond Franz qui me l'avait envoyée et elle est probablement encore quelque part dans un carton, mais je ne l'avais jamais lue par manque d'intérêt pour le sujet), je constate que chez Russell comme dans ses "sources" directes et indirectes (Barbour, mais aussi Miller, Elliott, Brown, etc.), il y a généralement plusieurs calculs pour la même date, ou pour des dates qui peuvent être facilement connectées les unes aux autres: c'est l'effet de coïncidence ou de convergence de calculs apparemment indépendants qui est persuasif, y compris pour leur auteur. Chez Russell ça sortait même de la Bible pour passer par les pyramides d'Egypte. Or Rutherford a fini par complètement démolir ce système dont il avait pourtant lui-même usé et abusé (ainsi le calcul aboutissant à 1925, d'après les "jubilés", pouvait paraître indépendant et complémentaire de celui qui avait mené à 1914), et c'est F.W. Franz qui l'a rétabli avec 1975 (soit le "jubilé" suivant selon l'ancien calcul, mais cette fois par un tout autre raisonnement, celui des 6000 ans de "création d'Adam"): 1975 connecté à 1914 par un tiers élément, la "génération": ceux qui avaient 20 ans en 1914 devant en avoir 80 en 1974, ça ne pouvait guère mieux tomber...
Pour revenir à Daniel 4, à supposer que les "sept temps" (= 7 ans) aient fait partie du récit original, pré-maccabéen, sur Nabuchodonosor, ils n'auraient eu aucun rapport avec "un temps, des temps et la moitié d'un temps" (soit trois ans et demi et leurs variantes un peu plus courtes ou plus longues: 2300 soirs et matins = 1150 jours, 1260 jours, 1290 jours, 1335 jours) dans la seconde partie du livre -- mais ils en auraient forcément trouvé un, et plus d'un, lors de la composition du livre et au fil de ses lectures... Evidemment il n'y avait aucun sens à transformer les jours (explicites ou implicites) en années, pas plus pour Antiochos que pour Nabuchodonosor qui en réalité comme en fiction occupaient moins d'une décennie; mais une fois perdue de vue la référence historique ou pseudo-historique à un individu toutes les interprétations devenaient possibles, pour tous les textes à la fois, et d'autant plus de combinaisons. L'Apocalypse du NT en est l'illustration la plus fameuse, sinon la première ou la dernière: les formules de Daniel relatives à Antiochos ou à Nabuchodonosor y sont réemployées sans aucune conscience apparente de leurs référents originels, de manière peut-être plus symbolique que strictement chronologique: temps d'épreuve, de persécution, de témoignage, de martyre, qui dure probablement plus que trois ans et demi mais dans la perspective du livre n'est pas non plus censé durer plus d'un millénaire... |
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