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| cardiologie biblique | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: cardiologie biblique Sam 23 Avr 2011, 00:55 | |
| En marge du fil https://etrechretien.1fr1.net/t342p105-pour-vous-qu-est-ce-qu-etre-chretien#9430 , une petite note sur le mot "coeur" dans la Bible, qui est à lui seul un cas d'école, illustrant et l'irrésistible "dérive du sens" d'une langue et d'une époque à l'autre, et la double (ou quadruple) impossibilité de la traduction (impossible de traduire et impossible de ne pas traduire, impossible de traduire "littéralement" et de ne pas traduire "litéralement"). Le "coeur" dans la Bible hébraïque, on l'a dit maintes fois, c'est, avec "l'organe" (qui n'est évidemment pas pensé comme tel), toute la scène de "l'intériorité" humaine; aussi bien la "raison" rationnelle, raisonnante et calculatrice, que les "sentiments" ou les "émotions", positifs et négatifs; aussi bien la "conscience existentielle" qui est le revers de la connaissance que la "conscience morale", bonne ou mauvaise; aussi bien la volonté ou l'hésitation que le désir ou la peur; tout cela à la fois et de manière indistincte parce qu'il n'a pas, dans le lexique, de concurrent sur ce plan-là. Il n'y a pas de "cerveau" ni d'"intellect", pas d'"esprit" au sens mens-mind qui lui soit opposé, pas même exceptionnellement. Mais qu'arrive-t-il dès lors qu'il est "traduit" dans une langue (le grec, déjà) qui dispose, elle, d'un riche lexique de l'intellect? Fatalement son centre de gravité sémantique se déplace vers la zone exempte de concurrence, c.-à-d. vers le champ lexical de l'affectif. Inévitablement les textes grecs qui emploient le mot kardia signifient un peu autre chose que les textes hébreux qui employaient le mot lb(b), même quand ils en sont la traduction "fidèle". Même ceux où la kardia "pense", "estime", "projette" et "calcule" vont se charger d'une connotation différente -- on y verra les "motivations" affectives de la pensée plus que la pensée elle-même; un surcroît de profondeur, ou d'arrière-pensée. Et une fois qu'on les a lus ainsi, même pour les bilingues la lecture de "l'original" en sera affectée. On n'en est pas encore à l'opposition (pascalienne, par exemple) entre "coeur" et "raison", mais celle-ci ne saurait tarder. On aboutit quelquefois à des sens franchement différents, pour ne pas dire des contresens, comme avec cette "dureté de coeur" qui passe de l'"entêtement" ou de l'"obstination" à l'"insensibilité" ou à la "cruauté". Le traducteur ne peut traduire le "sens original" d'un texte hébreu qu'en le réduisant à l'un ou à l'autre, et en le coupant de ses potentialités de dérive et de l'intertextualité dans laquelle il est effectivement pris par les traductions, citations et allusions à venir. Il ne peut pas traduire "littéralement" "dureté de coeur" sans tromper les lecteurs français qui n'entendront, selon la logique de leur langue, que l'aspect affectif (insensibilité-cruauté), qui n'est justement pas (ou très peu) le sens "premier". Il ne peut pas traduire autrement sans leur faire perdre le fil qui aboutit précisément à ce sens-là, qui s'esquisse déjà dans les relectures du même texte au sein du même "canon". Aucune solution n'est satisfaisante. Et la dérive ne s'arrête jamais. Le sens "courage" du "coeur" qui existait déjà en hébreu et en grec et que connaissait encore Pascal ("tu perdrais coeur") a "fondu" -- pour reprendre une métaphore hébraïque de la "faiblesse" ou de la "lâcheté", le "coeur qui fond" -- en français moderne... |
| | | Anagnoste
Nombre de messages : 368 Age : 68 Date d'inscription : 12/02/2011
| Sujet: Re: cardiologie biblique Sam 23 Avr 2011, 20:17 | |
| Cher spermologos, chers tous,
dans le même genre, il paraît qu'il y a en hébreu "néfesh" qui veut dire "gorge" et qu'on traduit pas "âme" (notion plutôt grecque). Le psaume dit "ma gorge est collée à la poussière", ce qui se traduit par "mon âme est collée à la poussière".
Le coeur, personne ne sait ce que sait, et tout le monde sait ce que c'est. Ne nous mentons pas à nous-mêmes. Le coeur est au coeur del'homme.
Au risque de lasser, je parlerais de la petite voix de la conscience, si discrète en général.
A bientôt.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Dim 24 Avr 2011, 01:18 | |
| Le sens concret "gorge" pour nephesh, ça fonctionne à la rigueur pour deux ou trois occurrences du mot sur les 750 (environ) que compte le corpus hébreu biblique. Ça relèverait plutôt de l'étymologie (hypothétique) que de la sémantique.
On pourrait imaginer (ça a sans doute déjà été fait) une histoire des topographies de l'"intériorité" (ou du "soi"). Mais pour qu'elle ne soit pas trop "ethnocentrique" il faudrait que l'auteur réussisse à tenir à la même distance les représentations de sa propre anthropologie et celles qui lui sont naturellement "exotiques"; que le "cerveau" (gauche et droit!), le "coeur" (au sens moderne) et la "raison", la "conscience", "l'inconscient", le "sujet", le "moi", le "surmoi" rejoignent sans jugement de valeur les notions "dépassées" comme l'"esprit", l'"âme", le "coeur" (au sens hébreu classique) ou les "reins", le "foie", le "ventre", les "entrailles" (en tant qu'organes psychiques, si l'on peut encore dire). Il y apparaîtrait sans doute que chaque système de représentation a sa cohérence, mais que les frontières entre les différentes "régions de soi" ne se superposent jamais d'un système à l'autre. C'est ce qui rend la traduction terme à terme infiniment trompeuse. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Dim 24 Avr 2011, 14:07 | |
| Merci d'avoir si bien dit les choses. Ma remarque, un brin ironique, sur ce que me dit mon cœur, tentait de dire quelque chose qui ressemblait un peu à ce constat, ce flou sémantique que je "pressentais" plus que je ne le "savais" et à propos duquel la légèreté mon bagage ne me permettait pas de présenter une argumentation pertinente... |
| | | Anagnoste
Nombre de messages : 368 Age : 68 Date d'inscription : 12/02/2011
| Sujet: Re: cardiologie biblique Lun 25 Avr 2011, 18:28 | |
| Chers tous, cher BB,
oui, personne ne sait où est le "siège" de l'amour. Mystère de la personne humaine..
A bientôt.
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Le cœur dans tous ses états Lun 06 Sep 2021, 16:45 | |
| "Le SEIGNEUR vit que le mal des humains était grand sur la terre, et que leur cœur ne concevait jamais que des pensées mauvaise" (Gn 6,5)
Notes : Genèse 6:5 leur cœur… : litt. toute forme de pensée de son cœur (celui de l’humain, ’adam, 1.26n) (n’était) que mal (les derniers mots font assonance en hébreu) tout le jour ; cf. 1Ch 28.9 ; 29.18.
Les humains conçoivent ou forment des pensées après que Dieu a formé l’humain, l’homme entend être l'auteur ou le créateur de ses pensées. Le cœur est le lieu ou se forment ses propres pensées. Il est question du cœur de l'homme et en (6,6), il est également fait allusion au cœur de Dieu comme siège de ses sentiments et décisions : "Le SEIGNEUR regretta d'avoir fait les humains sur la terre, et son cœur fut affligé". Le cœur de Dieu et de celui de l'homme ne battent au même rythme. Dieu se repent du mal qu’il a prononcé. Il s’ajuste aux décisions de l’homme. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Jeu 09 Sep 2021, 00:00 | |
| Cf. aussi 8,21, à l'autre bout du récit du déluge (là aussi, coeur de Yahvé et coeur de l'homme, 'adam), qui tire la conclusion opposée du même constat (le coeur de l'homme est mauvais, DONC 1. on le détruit / 2. on ne le détruit pas). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Jeu 09 Sep 2021, 10:41 | |
| "Seulement, prends garde à toi et veille bien sur toi-même, tous les jours de ta vie, de peur que tu n'oublies les choses que tes yeux ont vues et qu'elles ne s'éloignent de ton cœur ; fais-les connaître à tes fils et aux fils de tes fils" (Dt 4,9).
Il s’agit d’inscrire dans le cœur la Torah qui rend sage et intelligent : "Vous les observerez et vous les mettrez en pratique ; ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui entendront parler de toutes ces prescriptions" (4,6).
Les nations sont sont concernées de deux manières par la Torah, leurs yeux, leurs oreilles mais pas leur cœur, parce que les peuples peuvent voir la sagesse et le discernement du peuple élu. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Jeu 09 Sep 2021, 11:14 | |
| Une traduction semi-littérale perd forcément pas mal d'éléments de cette "topologie anatomique" et en modifie d'autant l'"économie" (relire le début de ce fil): ainsi en 4,9 "veille bien sur toi-même" c'est "garde ton âme-vie (nephesh)", qui joue en hébreu comme quasi-synonyme avec le "coeur" (lb(b)).
Les mentions du "coeur" sont particulièrement nombreuses dans le Deutéronome, et dans tous les "sens" qu'une traduction leur impose: cf. 1,28 (courage); 2,30 (obstination, en parallèle cette fois avec rouah, l'"esprit"); 4,11 ("coeur" du ciel).29.39; 5,29; 6,5s; 7,17; 8,2.5.14.17; 9,4s; 10,12.16.18; 11,13.16; 13,3; 15,7.9s; 17,17.20; 18,21; 19,6; 20,3.8; 26,16; 28,28.47.65.67; 29,4.18s; 30,1s.6.10.14.17; 32,46. De nombreuses "formules" (p. ex. de tout son coeur, 4,29; 6,5s etc., qu'on peut retracer aux traités de vassalité assyriens p. ex.) et "images", si l'on peut dire (p. ex. la "circoncision du coeur", 10,16; 30,6, cf. Jérémie 4,4), s'y retrouvent. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Ven 10 Sep 2021, 11:34 | |
| L’inintelligence des disciples
" Les disciples avaient oublié de prendre des pains et n’en avaient qu’un seul avec eux dans la barque. Jésus leur faisait cette recommandation : « Attention ! prenez garde au levain des Pharisiens et à celui d’Hérode. » Ils se mirent à discuter entre eux parce qu’ils n’avaient pas de pains. Jésus s’en aperçoit et leur dit : « Pourquoi discutez-vous parce que vous n’avez pas de pains ? Vous ne saisissez pas encore et vous ne comprenez pas ? Avez-vous le cœur endurci ? Vous avez des yeux : ne voyez-vous pas ? Vous avez des oreilles : n’entendez-vous pas ? Ne vous rappelez-vous pas, quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de paniers pleins de morceaux vous avez emportés ? » Ils disent : « Douze. » « Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? » Ils disent : « Sept. » Et il leur disait : « Ne comprenez-vous pas encore ? » (Mc 18,14-21).
La non-compréhension est par ailleurs exprimée par le motif de l’endurcissement du cœur (Mc 8, 16.17),
Les raisonnements mauvais sortent du cœur de l’homme (Mc 7, 21) : "Car c'est du dedans, du cœur des gens, que sortent les raisonnements mauvais : inconduites sexuelles, vols, meurtres, adultères, avidités, méchancetés, ruse, débauche, regard mauvais, calomnie, orgueil, déraison. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et souillent l'être humain".Rappelons que, pour les Sémites, le cœur est considéré comme étant réellement à la fois l'organe de la pensée, du vouloir,de la mémoire et des divers sentiments et qu'ils ne comprendraient rien au tiraillement pascalien entre le cœur et la raison. De lui proviennent et le bien et le mal; point de rencontre de Dieu et de l'homme, l'état du cœur révèle la qualité de leurs rapports. Ainsi un cœur endurci n'entend plus la voix du Seigneur(Ps . xcv : "Ne durcissez pas votre cœur comme à Mériba, comme au jour de Massa dans le désert."
https://brill.com/view/book/edcoll/9789004275553/B9789004275553-s012.xml
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Ven 10 Sep 2021, 15:24 | |
| Toute la difficulté pour le traducteur et/ou l'interprète (relire éventuellement le début de ce fil) est d'apprécier ce qui se passe dans la tête (ou dans le "coeur") d'un "Sémite", ou d'un "non-Sémite" plus ou moins influencé par une langue ou une culture "sémitique", quand il dit, écrit, lit ou entend le grec kardia dans telle ou telle phrase, dans telle ou telle locution calquée ou non d'une langue sémitique... Tout ce qu'on peut deviner, négativement, c'est qu'un "calque" formel ne produira pas exactement le même effet que son "original" dans la tête (ou le "coeur") d'un hébréophone monolingue (espèce qui de toute façon n'existe plus au temps du NT), et qu'il ne produira pas non plus exactement le même effet dans la tête (ou le "coeur") d'un hellénophone exempt de toute influence "sémitique" (si cela existe parmi les auteurs/lecteurs/auditeurs du NT; il y a néanmoins une grosse différence entre ceux qui sont plus ou moins familiers du judaïsme et de ses textes, même en grec, indépendamment du christianisme, et la grande majorité qui ne les connaît que par le christianisme).
Cela étant, ce sont les textes qui peuvent nous tirer dans une certaine mesure de cette perplexité insoluble au plan du seul lexique. En ce qui concerne Marc, on remarquera que kardia reste en partie "intellectuel", associé aux "raisonnements" (dialogizô, 2,6.8) ou au "doute-hésitation" (diakrinomai, 11,23), tout en se colorant d'une évidente connotation "morale" (7,19ss: c'est le "coeur" qui fait qu'on pense, qu'on parle ou qu'on agit "bien" ou "mal"). On notera aussi que le trio ou tiercé "coeur/âme/puissance" (Deutéronome 6,5, lb(b)/npš/m'd TM, kardia/psukhè/dunamis LXX) devient un quartet ou quarté en Marc 12,30 (coeur/âme/pensée/force, kardia/psukhè/dianoia/iskhus), OU un autre trio-tiercé au v. 33 (coeur/intelligence/force, kardia/sunesis/iskhus) -- sans doute aussi sous l'influence de Josué 22,5, où la LXX traduit le duo-doublé lb(b)/npš, "coeur/âme", par dianoia/psukhè, "pensée/âme" (je m'en tiens pour le moment aux leçons habituellement retenues dans les éditions critiques récentes, sans rentrer dans les nombreuses variantes de la tradition textuelle). Preuve d'une certaine conscience du décalage sémantique chez ces "Sémites" qui parlent grec, dans la Septante (LXX) comme dans le NT, et en particulier d'une nécessité parfois ressentie de suppléer le côté "intellectuel" (dianoia/sunesis, "pensée/intelligence"), perçu comme "manquant" au kardia grec par rapport au lb(b) hébreu.
Cependant un certain nombre de formules restent sujettes à hésitation, notamment la "dureté (ou l'endurcissement) du coeur" (3,5; 6,52; 8,17, et le composé sklèrokardia en 10,5 et dans l'addition de 16,14; cf. déjà l'adjectif sklèrokardios en Ezéchiel 3,7 et Proverbes 17,20 LXX), où on peut imaginer une connotation un peu plus "morale" et/ou "affective" que dans leurs "équivalents" hébreux (= obstination, entêtement, aveuglement, etc.). A fortiori là où le "coeur" intervient hors de toute formule stéréotypée (4,15; 7,6). Bien sûr, cette "économie" change dès qu'on passe d'un texte ou d'un "livre" à l'autre, par exemple de Marc à Matthieu où les mêmes formules peuvent s'entendre différemment (ainsi l'aspect "intellectuel" du coeur, qui disparaît en partie dans les parallèles de Marc 2--3, s'efface au profit du "moral-affectif", cf. Matthieu 5,8.28; 6,21; 9,4; 11,29; 12,34s; 13,15; 15,8.18s; 18,35; 22,37; 24,48). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Lun 13 Sep 2021, 12:20 | |
| "Donne-moi un cœur attentif pour gouverner ton peuple, pour discerner le bon du mauvais ! Qui donc pourrait gouverner ton peuple, ce peuple si important ? Cette demande de Salomon plut au Seigneur. Alors Dieu lui dit : Puisque c'est là ce que tu demandes, puisque tu ne demandes pas pour toi une longue vie, que tu ne demandes pas pour toi la richesse, que tu ne demandes pas la mort de tes ennemis, puisque tu demandes pour toi de l'intelligence afin d'être attentif à l'équité, j'agirai selon ta parole. Je te donnerai un cœur sage et intelligent, de telle sorte qu'il n'y aura jamais eu avant toi et qu'il ne se lèvera jamais plus après toi personne de semblable à toi" (1 R 3,9-12).
Notes : 1 Rois 3:9 un cœur attentif ou obéissant, litt. un cœur qui entend. – pour gouverner : litt. pour juger (cf. Jg 2.16n ; Rt 1.1n) ; cf. v. 16ss ; 2S 15.2-6 ; Sagesse 9.12 : « Je jugerai ton peuple avec équité et serai digne du trône de mon père. » – pour discerner le bon du mauvais : cf. Gn 2.9n ; Pr 14.16,22. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Lun 13 Sep 2021, 12:55 | |
| Je trouve aussi très belle (d'aussi loin que je me souvienne, elle m'avait frappé dès mes premières lectures bibliques, à l'adolescence) la formule de 5,9, rohav lev, mot-à-mot "une largeur de coeur (comme le sable sur le bord ou la lèvre de la mer)" -- où l'on peut entendre aussi bien l'"étendue" du savoir, des connaissances et de l'expérience (voir la suite), qu'une certaine "ouverture" ou "liberté d'esprit" ou d'intelligence -- toutes choses naturellement ambiguës pour la rédaction dite "deutéronomiste", qui ne voit pas précisément d'un bon oeil cette "largeur de vues", aussi bien en ce qui concerne les mariages avec moult étrangères que la tolérance religieuse (polythéisme) qui s'ensuit... A noter que la Septante traduit khuma kardias, d'une image plus liquide ou fluide, et peut-être aussi un peu plus "affective" ou "émotive": flot, flux, effusion ou épanchement de "coeur", élargissement de ce qui se répand. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Lun 13 Sep 2021, 15:56 | |
| Certains prophètes ont annoncé du neuf, une alliance nouvelle. Jérémie, la Loi sera écrite dans les cœurs, nulle instruction ne sera nécessaire :
"Les jours viennent — déclaration du SEIGNEUR — où je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, non pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai saisis par la main pour les faire sortir d'Egypte, alliance qu'ils ont rompue, bien que je sois leur maître — déclaration du SEIGNEUR. Mais voici l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël, après ces jours-là — déclaration du SEIGNEUR : Je mettrai ma loi au dedans d'eux, je l'écrirai sur leur cœur ; je serai leur Dieu, et eux, ils seront mon peuple" (Jr 31, 31-33).
Ézéchiel annonçait un cœur et un esprit nouveaux, un cœur de chair :
"Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique" (Éz 36, 26-27). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Lun 13 Sep 2021, 16:34 | |
| La ressemblance générale de ces deux textes (notamment autour de la " nouveauté", d'où leur succès chrétien beaucoup plus tard) occulte facilement le fait que leurs images fonctionnent de façon différente et quasiment opposée: d'une part (Jérémie) il faudrait que le coeur inconstant, traître, peu fiable, devienne aussi sûr, solide et constant que la pierre, support d'écriture des tables de la loi; d'autre part (Ezéchiel), que le coeur passe au contraire de la dureté de la pierre (obstination, entêtement, obtusion ou obtusité, aveuglement "intellectuels" autant qu'"affectifs") à la tendresse ou tendreté de la chair malléable et mobile, pour être le lieu non pas d'une écriture, mais d'un souffle-esprit vivant et animant, motif et moteur d'un mouvement. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mar 14 Sep 2021, 15:48 | |
| - Narkissos a écrit:
- La ressemblance générale de ces deux textes (notamment autour de la "nouveauté", d'où leur succès chrétien beaucoup plus tard) occulte facilement le fait que leurs images fonctionnent de façon différente et quasiment opposée: d'une part (Jérémie) il faudrait que le coeur inconstant, traître, peu fiable, devienne aussi sûr, solide et constant que la pierre, support d'écriture des tables de la loi; d'autre part (Ezéchiel), que le coeur passe au contraire de la dureté de la pierre (obstination, entêtement, obtusion ou obtusité, aveuglement "intellectuels" autant qu'"affectifs") à la tendresse ou tendreté de la chair malléable et mobile, pour être le lieu non pas d'une écriture, mais d'un souffle-esprit vivant et animant, motif et moteur d'un mouvement.
"C'est vous qui êtes notre lettre, écrite dans notre cœur, connue et lue de tous. Il est manifeste que vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère : une lettre écrite, non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant ; non pas sur des tablettes de pierre, mais sur des tablettes de chair, sur des cœurs" (2 Co 3,2-3). Les existences des chrétiens sont écrites par le Christ lui-même, qui par son Esprit grave des cœurs de chair. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mar 14 Sep 2021, 16:26 | |
| En effet, ce texte "mixe" des éléments de Jérémie 31 ( écriture sur/dans les "coeurs"; cf. 17,1 où c'est le "péché" qui est inscrit sur/dans les "coeurs"; et Hébreux 8,10; 10,16, où Jérémie 31 est cité verbatim) et d'Ezéchiel 33 ("esprit-souffle" animant un "coeur" de "chair", mais n'"écrivant" rien). Cela se combinerait beaucoup moins bien avec l'antithèse paulinienne de la "chair" et de l'"esprit", telle qu'elle se développera surtout à partir de l'épître aux Romains: dans la suite immédiate de 2 Corinthiens 3 l'"esprit" s'oppose à la " lettre" et non à la "chair". L'image est toutefois reprise en Romains 2,15, sans la "chair", à propos des "païens" ou non-Juifs, pas forcément "chrétiens" à ce stade de l'argumentation. Elle était aussi dans la "couverture" relativement tardive des Proverbes (3,3; 7,3), avant toute identification explicite de la "Sagesse" à la "Loi" (Siracide). Elle est d'autre part à entendre par rapport au Deutéronome (6,8s; 11,18ss), où l'écriture peut être portée sur le front et sur le bras (cf. les tephilim de la tradition rabbinique), ainsi que sur les montants des portes ( mezzouzoth), mais non sur le "coeur" (malgré toutes les références du Deutéronome au "coeur", cf. supra 9.9.2021). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mer 15 Sep 2021, 10:30 | |
| "puisque, tout en ayant connu Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâce ; mais ils se sont égarés dans des raisonnements futiles, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se prétendant sages, ils sont devenus fous et ils ont changé la gloire du Dieu impérissable en des images représentant l'être humain périssable, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles" (Rm 1,21-23).
Le cœur est lié à l'intelligence ou il peut être un cœur "inintelligent".
"Par ton obstination, parce que ton cœur se refuse à changer radicalement, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu" (Rm 2,5).
Il est question de cœur impénitent qui correspondrait à une forme d' endurcissement du cœur.
"Quand des non-Juifs, qui n'ont pas la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ceux-là, qui n'ont pas la loi, sont une loi pour eux-mêmes ; ils montrent que l'œuvre de la loi est écrite dans leur cœur ; leur conscience aussi en rend témoignage, ainsi que leurs raisonnements qui les accusent ou les défendent tour à tour — au jour où Dieu, selon ma bonne nouvelle, juge les secrets des humains par Jésus-Christ" (Rm 2,14-16).
Paul n’écrit pas que les païens ont une loi mais ils ont en eux une sorte d’équivalent inscrit dans leur cœur que Paul nomme conscience et raisonnements. Cette "Loi" est inscrite dans leur cœur. Il y a plusieurs états de la loi, une intérieure, dans le cœur et une autre loi écrite propre aux Juifs. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mer 15 Sep 2021, 11:37 | |
| - "sans intelligence" = a-sunetos (cf. sunesis, "intelligence" plutôt sous l'angle de la " syn-thèse" que de l'"analyse", celle qui "relie" les éléments plutôt qu'elle ne les "sépare", mais bien sûr les deux mouvements sont co-impliqués dans toute "intelligence"). - "ils sont devenus fous" serait mieux traduit par "ils sont devenus stupides, sots, idiots," etc. ( môrainô, cf. la môria qui était au contraire revendiquée en 1 Corinthiens). - "par ton obstination...": mot-à-mot, "par ta dureté ( sklèrotès) et un coeur in-changé ( a-metanoètos, cf. metanoia qui comporte aussi une composante "intellectuelle", noûs etc.)". La traduction s'arrange d'une part pour éviter le contresens "affectif" pour la "dureté", manifestement inspirée des formules hébraïques et septuagintiques de la "dureté du coeur" au sens d'obstination, entêtement, etc.; d'autre part elle suit l'option discutable du "changement radical" pour metanoia, je n'y reviens pas (les traductions anciennes disaient plus simplement "impénitent", mais la "pénitence" serait aujourd'hui comprise de travers, et même la "repentance" est une équivalence contestable de metanoia, revoir éventuellement le lien ci-dessus; on aurait pu dire "inconverti"). - noter l'adverbe "naturellement", en grec simple datif de phusis ("par nature"); et l'équivalence entre "coeur" comme "support d'écriture" et "être" d'une part (ils sont une loi pour eux-mêmes <=> la loi est écrite sur/dans leur coeur, cf. Jérémie 31 etc.), "con-science" d'autre part ( sun-eidesis, de eidô voir-savoir, toujours du perceptif-cognitif). Les "raisonnements" ( logismoi) ressortissent autrement à la même catégorie "intellectuelle", sous l'angle "verbal" cette fois ( logos de legô, à la fois "dire", "lire" et "relier" comme le lego latin, lectio, collectio etc.). La "loi" ( nomos) dans l'épître aux Romains n'est pas seulement la Torah juive, même si celle-ci fait l'objet de l'argumentation principale: les juifs ne sont évidemment pas les seuls a avoir une "loi" écrite, extérieure, et le "droit romain" est manifestement en vue dans un certain nombre de passages (p. ex. 7,1ss). Il faut apprécier au cas par cas de quelle "loi" il s'agit, et ne pas réduire au "judaïsme", ou à un "anti-judaïsme", des énoncés qui par leur ambiguïté même sont susceptibles d'une portée plus vaste. La question du rapport à une "loi" extérieure, écrite d'une façon ou d'une autre quand même elle serait orale ou traditionnelle, déborde très largement le seul rapport du "christianisme" au "judaïsme", elle se pose aussi bien dans le christianisme comme dans un monde post-chrétien -- c'est ce qui fait la fécondité exceptionnelle de cette épître d'un contexte historique de lecture à l'autre, cf. Marcion, Luther ou Barth qui par "la loi" entendront bien davantage que la seule Torah. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mer 15 Sep 2021, 14:31 | |
| Tout lecteur un peu attentif des Pensées prend rapidement conscience de l'importance et de l'originalité de la notion de « cœur » chez Pascal. Le cœur pascalien, c'est l'âme en action, le dynamisme, la mobilité, la capacité de jaillissement. De lui procèdent nos connaissances les plus intuitives, qu'il s'agisse de la certitude des premiers principes ou des fulgurations qui orientent de façon décisive l'existence des hommes. Mais de lui relève aussi tout le domaine de l'affectivité : les désirs, conscients ou inconscients. C'est en ce centre que se prennent les décisions vitales. Bref, le cœur représente la profondeur et l'intimité de notre être véritable, par opposition à deux autres facultés qui, dans l'anthropologie pascalienne, demeurent irrémédiablement prisonnières de la surface : l'imagination et la raison.
Ainsi s'explique que, dans la recherche de l'Absolu, le cœur apparaisse toujours chez Pascal comme le lieu unique de la rencontre avec Dieu, avec le Dieu d'Abraham et du Buisson ardent. « C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison : voilà ce que c'est que la foi. Dieu sensible au cœur » ...
... La poétique du langage et la gravitation de certains termes {sentiment, foi) autour de cœur n'agissent pas seules dans cette apologie du cœur. En effet Pascal reprend avec jubilation certaines des formules les plus célèbres de la Tradition catholique, qu'il s'agisse du Deutéronome, des prophètes, de S. Augustin ou de la liturgie. L'une d'entre elles, surtout, hante sa mémoire : il s'agit d'un verset du Psaume 118, repris dans la liturgie, « Inclina cor meum, Deus, in testimonia tua ». Qu'on en juge par cette « variation » où Pascal multiplie les reprises en s'inspirant de la technique des parallélismes hébraïques :
[Dieu] incline leur cœur à croire. On ne croira jamais, d'une créance utile et de foi, si Dieun'incline le cœur. Et on croira dès qu'il l'inclinera. Et c'est ce que David connaissait bien : Inclina cor meum, Deus ....
Le Dieu d'Isaïe vient s'unir au fond du cœur des vrais croyants et les constitue comme prophètes ; il « remplit l'âme et le cœur de ceux qu'il possède ». Et cette présence divine est ressentie comme un « charme », au sens d'envoûtement, comme « délices », « suavité », « délectation », « plaisir », « bonheur ». Le cœur «jouit » de son Dieu. Comme celui des pèlerins d'Emmaûs, le cœur chrétien est « tout brûlant » quand Dieu l'habite. De là le cri du « Mémorial » : « FEU ».
https://www.persee.fr/docAsPDF/caief_0571-5865_1988_num_40_1_1694.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mer 15 Sep 2021, 17:56 | |
| Bel article.
Les différences entre les usages pascaliens et bibliques (surtout hébraïques) du "coeur" sont évidentes (cf. le début de ce fil, plus de dix ans déjà), principalement quant à l'intellect (en partie autonome et éventuellement opposable au "coeur" chez Pascal, qui réagit notamment à Montaigne et à Descartes; fonction même du "coeur", au contraire, dans les textes bibliques, jusque dans le NT via la Septante qui calque le plus souvent l'hébreu en grec), mais elles tendent à occulter les ressemblances qui sont sans doute encore plus massives et profondes -- rien d'étonnant puisque Pascal, sa langue, son époque et son milieu (janséniste) sont nourris de Bible, en français (Sacy) comme en latin. D'une part il est clair que le "coeur" pascalien affecte l'intellect, dans le sens de l'incroyance quand il est "sans Dieu" et dans le sens de la foi pour autant qu'il s'ouvre à "Dieu"; d'autre part il est tout aussi clair que le "Dieu" biblique affecte, oriente, guide, dirige, "forme" et détermine le "coeur" (c.-à-d. aussi bien la pensée, le raisonnement, les projets, les calculs que les sentiments) -- mais il le fait dans tous les sens, pour le pire comme pour le meilleur (exemple exemplaire du pharaon de l'Exode), et c'est peut-être là que gît la différence principale. Entre-temps le "coeur" s'est sans doute "désintellectualisé" et "sentimentalisé", mais c'est surtout "Dieu" qui s'est "moralisé": son action sur le "coeur" n'est plus concevable que comme "bonne", et le "mal" ne s'explique plus que par son absence, encore plus mystérieuse en un sens -- ainsi chez saint Augustin: comme le remarque Sellier à la fin de l'article, pour Augustin ce n'est pas que "Dieu" soit jamais absent du "coeur": c'est que "moi-même", en pensée ou en sentiment, "je" n'y suis pas toujours, dans ce "coeur" où il est plus sûrement que "moi" (lire ou relire les Confessions)... Bien sûr derrière Augustin il y a Paul, en particulier l'épître aux Romains qui fait expressément du "coeur" le "sujet" de la "foi" (chap. 10). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Jeu 16 Sep 2021, 15:09 | |
| Le sens physiologique est évidemment toujours le même, autrefois et aujourd’hui : le cœur, c’est d’abord cet organe corporel qui bat dans la poitrine ; mais ce sens précis est rare dans les Écritures :
– Pour châtier l’ingratitude d’Israël, le prophète Osée fait dire au Seigneur : “Je serai pour eux comme un lion [...]. Je déchirerai l’enveloppe de leur cœur, et les chiens dévoreront leur chair !”
C’est rarement aussi qu’on rencontre ce terme comme le siège de la vie physique, comme le lieu des forces vitales. On identifierait pratiquement cette vie avec le sang (Lévitique XVII, 11 ; 14), qui coule effectivement du cœur dans le corps entier.
Au chêne de Mambré, Abraham peut dire à ses hôtes de passage : “Que j’aille chercher un morceau de pain, et vous vous réconforterez le cœur avant d’aller plus loin.”
Dans le livre des Proverbes, on lit ce sage conseil :“Mon fils, plus que toute chose, veille sur ton cœur – car c’est du cœur que jaillira la vie”. Mais il demeure que la plupart des mille emplois du mot dans la Bible diffèrent sensiblement de l’usage moderne : le plus souvent, les références au cœur ont un sens métaphorique et visent le siège de la vie psychique en général. Dans la langue grecque, ce sens métaphorique appartient à la seule poésie et ne se présente guère en prose.
Citons quelques passages de la Bible où le cœur désigne cette intériorité de l’Homme que Dieu pénètre, scrute et sonde :
– “Les vues de Dieu ne sont pas comme les vues de l’Homme”, dit le Seigneur à Samuel, envoyé oindre le jeune David, “car l’Homme regarde à l’apparence, mais le Seigneur regarde au cœur”.
– “Le cœur est compliqué plus que tout et pervers ! Qui peut le pénétrer ?” s’écrie le prophète Jérémie, avant d’ajouter : “Moi, le Seigneur, je scrute le cœur, je sonde les reins !”.
– “Le Seigneur a sondé les profondeurs de l’abîme et du cœur humain, et il a découvert leurs calculs”. Le cœur est le siège de l’intelligence, car Dieu a donné aux Hommes “un cœur pour penser”.
– Daniel révéla au roi Nabuchodonosor le sens de la vision de la grande statue “pour que tu connaisses, ô Roi, les pensées de ton cœur”.
Le cœur est encore le siège de la volonté : c’est le cœur qui forme des projets et qui décide. Par exemple :
– Le roi Salomon s’adresse au peuple lors de la dédicace au Temple : “Mon père David avait eu à cœur de bâtir une maison pour le Nom du Seigneur, Dieu d’Israël”.
– Le prophète Isaïe parle ainsi d’un roi d’Assur, sans doute Sennachérib, lors de l’invasion de 701 : “Lui n’avait pas cette pensée en son cœur que d’exterminer, de tailler en pièces, des nations innombrables”.
– Paul écrit aux Corinthiens au sujet de la collecte qu’il prépare : “Que chacun donne selon la décision de son cœur, sans chagrin ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie”.
Le cœur est également, bien sûr, le siège de la vie émotive :
– “Mes serviteurs chanteront la joie au cœur ; mais vous, vous gémirez, le cœur en peine !”
– “Écoute, Israël, vous qui êtes sur le point d’engager le combat, que votre cœur ne faiblisse pas, n’ayez ni crainte ni angoisse”.
– Dans l’Évangile selon Saint-Jean, Jésus s’adresse à ses disciples après la Cène : “Que votre cœur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi !”.
“Parce que je vous ai dit cela, l’affliction a envahi votre cœur. Je vous verrai à nouveau ; votre cœur alors se réjouira, et cette joie, nul ne vous la ravira !”.
https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/931.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Jeu 16 Sep 2021, 19:14 | |
| Ce regard médico-littéraire m'a soudain rappelé un curieux "plan de conférence" de la Watch qui était encore en usage à la fin des années 1970, et qui m'avait alors étonné: dans une posture apologétique et (pseudo)scientifique, il semblait appliquer littéralement et très sérieusement toutes les mentions bibliques du "coeur" à l'"organe" -- vestige probable du temps où les TdJ refusaient aussi les greffes d'organes, mais tout cela avait laissé des séquelles durables chez certains qui prenaient au pied de la lettre les définitions du "coeur" (ou des "reins") comme "siège(s)" de telle ou telle "faculté" ou "affection" (des sentiments, des émotions, des pensées etc. -- je ne suis pas sûr que F.W. Franz soi-même était très au clair sur la question, vu l'ambiguïté de ces définitions).
On ne comprend toutefois pas forcément mieux ce genre d'expressions en les réduisant à des faits ou à des effets de langage, de langue ou d'idiome (tropes, métaphores, figures ou "sens figurés"), qui voudraient dire autre chose que ce qu'ils ont l'air de dire. Même si les cartographies psycho-anatomiques varient sensiblement d'une langue à l'autre, il y a toujours des correspondances entre les mots et les sensations corporelles associées aux sentiments, émotions ou attitudes qu'ils expriment -- telle émotion se ressent effectivement dans la poitrine ou dans le bas-ventre, on a l'impression de réfléchir quelque part derrière ses yeux ou entre ses oreilles, alors même qu'on sait ou qu'on croit savoir qu'il n'y a pas plus d'"idées" dans une tête ou dans un cerveau que de "sentiments" dans un coeur (organe). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mar 28 Juin 2022, 10:40 | |
| Le cœur à cœur dissonant
L’homme est modelé à l’image de Dieu, mais le cœur à cœur est devenu dissonant. Le cœur de l’homme fomente le mal. Dès lors, « yhwh se peina en son cœur » (Gn 6, 6). Audacieux procédé du narrateur, qui fait participer le lecteur à l’intériorité divine. Le repentir de Dieu d’avoir fait l’homme sonne alors comme un coup de semonce. Le verbe au niphal en Gn 6, 6 prépare d’autres mentions de regret (Ex 32, 14 ; 2 S 24, 16 ; Jr 26, 13.19). À chacune de ces occurrences, Dieu se repent du mal qu’il a prononcé. Il s’ajuste aux décisions de l’homme. Dieu apprend et sait déjà, tandis que l’homme est affronté au mal, comme l’a suggéré Jean-Pierre Sonnet lors d’une intervention à Angers. La clairvoyance est du côté de Dieu.
https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2010-HS-page-49.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: cardiologie biblique Mar 28 Juin 2022, 12:15 | |
| Je suis (mon "cœur" est) partagé devant ce type de "lecture", qui feint devant "le Livre" ("la Bible", chrétienne et catholique en l'espèce) une naïveté absolue, plus naïve encore que celle des "fondamentalistes" qui éprouvent le besoin d'une "apologétique" ("défendre la Bible"): c'est "le Livre", sinon "Dieu", qui parle indifféremment dans toutes ses pages, et dans l'ordre chrono-logico-narratif du recueil, quoi qu'il en soit de la diversité des textes et des rédactions: la lecture qui s'ensuit peut déployer des trésors d'intelligence analytique, sa méthode "non-(anti- ou post-)critique" la placerait elle-même au-dessus ou au-dessous de toute "critique": elle se contente de tracer sans autorité apparente un chemin de lecture possible, nullement le seul -- en ce sens elle rejoint par sa méthode ou son absence de méthode la "liberté" des interprétations anciennes et médiévales, allégoriques dans la veine d'Alexandrie, phariséo-rabbiniques et autres, dont saint Thomas d'Aquin avait déjà pointé le défaut "logique", mais celui-ci nous paraît volontiers une qualité: elles ne "prouvent" rien et ne sont pas "contraignantes" pour la "raison". Il y a là de quoi ravir un esprit "postmoderne", à moins qu'une autre forme d'autorité ne se cache derrière cette absence d'autorité: celle, absolue, du "Dieu" et/ou de l'"institution" (Eglise), qui demande d'autant plus de "foi" qu'elle ne "prouve" rien, et contre laquelle il n'est plus de défense "rationnelle". C'est toutefois ce qui se joue chaque fois qu'on ouvre un livre, qu'on écoute quelqu'un ou qu'on regarde quelque chose: il faut croire un minimum, au moins le temps de comprendre ( credo ut intelligam), avant d'être en état de "critiquer" quoi que ce soit le cas échéant (et alors rétrospectivement et avec un brin de culpabilité, en revenant en renégat sur sa "croyance" initiale)... La coïncidence quasi symétrique du "cœur" de l'homme et du dieu en Genèse 6,5s (et 8,21, qui l'inverse encore selon un autre pli) est en effet remarquable. Je rappelle aussi, parce que c'est important pour comprendre l'article précité qui s'y réfère plusieurs fois de façon allusive, que la racine yçr en 8,5 est bien la même que celle du "potier" qui "forme" ou "façonne" (comme Yahvé-'elohim l'homme ou les animaux dans le deuxième récit de "création", 2,7s.19): mot-à-mot, "toute formation (ou façon) des pensées (élaborations, machinations) de son cœur" (cf. le paragraphe précédant celui que tu as cité). Ce mot est devenu dans la tradition rabbinique un terme presque "technique" pour (ce qu'on appelle traditionnellement en français) les "penchants" (bon et mauvais) du "cœur"; il renvoie aussi à tout le vocabulaire de l'" image" (homme image de Dieu selon le premier récit, image interdite comme "idole", etc.). |
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