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 Les nombres et leur vertus "magiques".

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VANVDA




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MessageSujet: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 06 Oct 2011, 21:07

Depuis qu'il les a inventés, l'homme a toujours ressenti une fascination pour les nombres, et leur a prêté mille "vertus". Depuis Pythagore jusqu'aux 12 x 12 000 ou au 666 de l'Apocalypse, ils ont une aura de mystère qui a toujours intrigué...
Pourquoi David est-il puni pour avoir dénombré le peuple? En quoi est-ce un péché, puisque la Bible elle-même passe son temps à ça, dénombrer Israël? Au milieu d'explications qui m'ont toujours (vraiment toujours) paru assez peu convaincantes, j'ai lu une fois (je serais bien en peine de dire où) une qui m'est apparue plus originale: c'est parce que ce texte garde la mémoire de l'époque où les nombres sont un domaine réservé aux dieux, un monde "magique" et sacré que l'homme "profane" ne doit pas toucher.

La Bible témoigne constamment de ce rapport "magique" de l'homme avec les nombres. 7 jours de création, (mais aussi la bête à 7 têtes, ou les 7 ans de condamnation du roi... ce qui suffit pour moi à prouver que les analyses téjies qui associent à un nombre UNE symbolique bien arrêtée ne valent pas tripette), 12 tribus, 12 apôtres, 40 ans, 70 ans, 1260 jours, 2300 soirs et matins, etc., etc.

Il reste aujourd'hui encore une foule de gens qui cherchent à des "rapports" entre les nombres, qui "mettent à jour" des coïncidences qu'en fait ils inventent (comment ne pas penser à Russell et sa façon surréaliste de trouver 1914 dans les divisions et multiplications, additions et soustractions de différentes proportions de la pyramide de Khéops, ou dans un bricolage de versets qui, mis artificiellement bout-à-bout, feraient apparaitre des nombres "cachés"... et les TdJ qui conspuent par ailleurs "l'ésotérisme" ne se rendent pas compte qu'ils sont en plein dedans!), qui trouvent une symbolique et son message caché derrière chaque chiffre, derrière chaque lettre...

Umberto Eco, dans "le pendule de Foucault" —une sorte d'anti-"DaVinci Code" avec quinze ans d'avance— raconte les aventures de quelques uns de ces gens. Le protagoniste, Casaubon, se penche sur cette culture pour l'étudier, mais très rapidement se prend au jeu. Il invente lui aussi des mystères, des secrets, cherche des analogies partout et entre tout, fait apparaitre des messages codés... Il fait ça pour rire, uniquement par jeu avec deux de ses amis, mais le jeu tend à prendre de plus en plus de place dans sa vie. J'ai adoré ce passage, ou sa compagne, Lia, qui comprend que son homme commence à prendre ce jeu un peu trop à cœur et finit par y "croire" sans se l'avouer tente de le ramener à un "bon sens terrien". Je ne résiste pas au plaisir de vous le faire partager, bien qu'il soit un peu long:

Citation :

"[C'est Casaubon qui parle]Tu sais, je me suis toujours méfié des analogies. Maintenant, je me trouve dans une fête d'analogies, une Coney Island, un Premier Mai à Moscou, une Année Sainte d'analogies, je m'aperçois que certaines sont meilleures que d'autres et je me demande si par hasard il n'y aurait pas une vraie raison.

-"Poum [c'est le surnom que Lia donne à son compagnon], m'avait dit Lia, j'ai vu tes fiches, parce que c'est moi qui les remets en ordre. Quoi que découvrent tes diaboliques [c'est ainsi que Casaubon nomme les fous d'ésotérisme qu'il étudie], c'est déjà ici, regarde bien" , et elle se tapait le ventre, les flancs, les cuisses et le front. Assise comme ça, les jambes écartées qui tendaient sa jupe, de face, elle donnait l'impression d'une nourrice solide et florissante -elle si fine et si flexueuse- parce qu'une sagesse paisible l'illuminait d'autorité matriarcale.
"Poum, il n'y a pas d'archétypes, il y a le corps. Dans le ventre c'est beau, parce que l'enfant y grandit, que s'y enfile, tout joyeux, ton oiseau et y descend la bonne nourriture pleine de saveur, et voilà aussi pourquoi sont beaux et importants la caverne, l'anfractuosité, la galerie, le souterrain, et même le labyrinthe qui est fait à l'image de nos bonnes et saintes tripes, et quand quelqu'un doit inventer quelque chose d'important, il le fait venir d'ici, parce que tu es venu d'ici toi aussi le jour où tu es né, et la fertilité est toujours dans un trou, où quelque chose d'abord pourrit et puis voilà, un petit Chinois, un dattier, un baobab. Mais le haut est mieux que le bas, car si tu es la tête en bas le sang te monte à la tête, car les pieds puent et les cheveux moins, car il vaut mieux grimper sur un arbre pour cueillir des fruits que finir sous la terre pour engraisser les vers, car on se fait rarement mal en se cognant en l'air (ou alors il faut se trouver au grenier) et d'ordinaire on se fait mal en tombant par terre, et voilà pourquoi le haut est angélique et le bas diabolique. Mais comme je l'ai dit avant sur mon joli petit ventre est vrai aussi, l'une et l'autre chose sont vraies: le bas et le dedans sont beaux, en un sens, en un autre sens, le haut et l'extérieur sont beaux, et l'esprit de Mercure et la contradiction universelle n'ont rien à y voir. Le feu te tient chaud et le froid te donne une broncho-pneumonie, surtout si tu es un savant d'il y a quatre mille ans, et donc le feu a de mystérieuses vertus d'autant qu'il te cuit un poulet. Mais le froid conserve le même poulet et le feu, si tu le touches, te fait pousser une ampoule grosse comme ça, par conséquent si tu penses à une chose qui se conserve depuis des millénaires, comme la sapience, il faut que tu la penses sur une montagne en haut (et nous avons vu que c’est bien), mais dans une caverne (qui est aussi bien) et au froid éternel des neiges tibétaines (qui est excellent). Et puis si tu veux savoir pourquoi la sapience vient de l’Orient et non pas des Alpes suisses, c’est parce que le corps de tes ancêtres, le matin, quand il s’éveillait et qu’il faisait encore sombre, regardait à l’est en espérant que se lève le soleil et qu’il ne pleuve pas, nom d’un chien.
[…]
Bien sûr que oui, mon petit. Le soleil est bon parce qu’il fait du bien au corps, et parce qu’il a le bon sens de réapparaître chaque jour, par conséquent tout ce qui revient est bon, pas ce qui passe et s’en va et disparaît de la circulation. La meilleure façon de revenir d’où on est passé sans refaire deux fois le même chemin c’est d’avancer en cercle. Et comme l’unique bête qui fait la gimblette est le serpent, de là viennent tous ces cultes et ces mythes du serpent, parce qu’il est difficile de représenter le retour du soleil en faisant faire la gimblette à un hippopotame. Par ailleurs, si tu dois procéder à une cérémonie pour invoquer le soleil, tu as intérêt à te déplacer en cercle, parce que si tu te déplaces en ligne droite tu t’éloignes de chez toi et il faudrait que la cérémonie soit très courte ; sans compter que le cercle est la structure la plus pratique pour un rite, et même ceux qui crachent le feu sur les places le savent, parce qu’en cercle tout le monde voit également qui se tient au centre, tandis que si une tribu entière se mettait en ligne droite comme une escouade de soldats, les plus éloignés ne verraient pas, et voilà pourquoi le cercle et le mouvement rotatoire et le retour cyclique sont fondamentaux dans tout culte et dans tout rite.
[…]
Et maintenant, passons aux nombres magiques qui plaisent tant à tes auteurs. Un c’est toi qui n’es pas deux, un c’est ton petit machin là, une c’est ma petite machine ici et uns sont le nez et le cœur et donc tu vois combien de choses importantes sont un. Et deux sont les yeux, les oreilles, les narines, mes seins et tes épaules, les jambes, les bras et les fesses. Trois est le plus magique de tous parce que notre corps ne le connaît pas, nous n’avons rien qui soit trois choses, et ce devrait être un nombre très mystérieux, très, que nous attribuons à Dieu, où que nous vivions. Mais si tu y réfléchis, moi j’ai une seule petite chose et toi tu as un seul petit truc — tais-toi et ne fais pas le malin — et si nous mettons les deux ensemble, il sort un nouveau trucmuche et nous devenons trois. Mais alors, il faut vraiment un professeur agrégé de l’université pour découvrir que tous les peuples ont des structures ternaires, trinités et choses de ce genre ? Mais les religions, ils ne les faisaient tout de même pas avec un computer, c’étaient tous des gens très bien, qui baisaient comme il faut, et toutes les structures trinitaires ne sont pas un mystère, elles sont le récit de ce que tu fais toi, de ce qu’ils faisaient eux. Mais deux bras et deux jambes font quatre, et voilà que quatre est aussi un beau nombre, surtout si tu penses que les animaux ont quatre pattes et qu’à quatre pattes vont les petits enfants, comme le savait le Sphinx. Cinq, n’en parlons pas, ce sont les doigts de la main, et avec deux mains tu as cet autre nombre sacré qui est dix, et forcément même les commandements sont au nombre de dix, sinon, s’il y en avait douze, quand le prêtre dit un, deux, trois et montre ses doigts, arrivé aux deux derniers il faut qu’il se fasse prêter une main par le sacristain. A présent, prends le corps et compte toutes les choses qui poussent sur le tronc : avec les bras, les jambes, tête et pénis, il y en a six ; mais pour la femme sept, raison pour quoi il me semble que parmi tes auteurs le six n’est jamais pris au sérieux sauf comme le double de trois, parce qu’il ne marche que pour les hommes, lesquels n’ont aucun sept, et quand ce sont eux qui commandent ils préfèrent le voir comme un nombre sacré, oubliant que mes tétons aussi poussent à l’extérieur, mais patience. Huit —mon Dieu, nous n’avons aucun huit… non, attends, si bras et jambes ne comptent pas pour un mais pour deux, à cause du coude et du genou, nous avons huit grands os longs qui bringuebalent dehors ; tu prends ces huit plus le tronc et tu as neuf, dix si par-dessus le marché tu ajoutes la tête. Mais à toujours tourner autour du corps, tu en tires les nombres que tu veux ; pense aux trous.
— Aux trous ?
— Oui, combien de trous a ton corps ?
— Eh bien… Je me comptais. Yeux narines oreilles bouche cul, ça fait huit.
— Tu vois ? Une autre raison pour laquelle huit est un beau nombre. Mais moi j’en ai neuf ! Et avec le neuvième je te fais venir au monde, et voilà pourquoi neuf est plus divin que huit ! Mais tu veux une explication d’autres figures récurrentes ? Tu veux l’anatomie de tes menhirs, dont tes auteurs parlent sans arrêt ? On est debout le jour et allongé la nuit — même ton petit machin, non, ne me dis pas ce qu’il fait la nuit ; le fait est qu’il travaille droit et se repose étendu. Par conséquent, la station verticale est vie, et se trouve en rapport avec le soleil, et les obélisques se dressent en l’air comme les arbres, tandis que la station horizontale et la nuit sont sommeil et donc mort, et tous adorent les menhirs, pyramides, colonnes, et personne n’adore les balcons et balustrades. As-tu jamais entendu parler d’un culte archaïque de la rampe sacrée ? Tu vois ? Et c’est aussi que le corps ne te le permet pas : si tu adores une pierre verticale, même si vous êtes une multitude, tout le monde la voit ; si, par contre, tu adores une chose horizontale, seuls ceux qui sont au premier rang la voient, et les autres poussent en disant et moi et moi, et ce n’est pas un beau spectacle pour une cérémonie magique…
— Mais les fleuves…
— Les fleuves, ce n’est pas parce qu’ils sont horizontaux, mais parce qu’il y a de l’eau dedans, et tu ne veux tout de même pas que je t’explique le rapport entre l’eau et le corps… Bon, en somme nous sommes faits comme ça, avec ce corps, tous, et c’est pour ça que nous élaborons les mêmes symboles à des millions de kilomètres de distance et forcément tout se ressemble ; et alors tu vois que les personnes douées d’un brin de jugeote, si elles regardent le fourneau de l’alchimiste, tout fermé et chaud dedans, pensent au ventre de la mère qui fait son enfant : et seuls tes diaboliques, voyant la Vierge sur le point d’accoucher, pensent que c’est une allusion au fourneau de l’alchimiste. C’est ainsi qu’ils ont passé des milliers d’années à chercher un message, quand tout était déjà ici, il suffisait qu’ils se regardent dans leur miroir.
— Toi, tu me dis toujours la vérité. Tu es mon Moi, qui au fond est mon Soi vu par Toi. Je veux découvrir tous les archétypes secrets du corps." Ce soir-là, nous inaugurâmes l'expression "faire les archétypes" pour indiquer nos moments de tendresse.
Alors que déjà je m'abandonnais au sommeil, Lia me toucha l'épaule. "J'allais oublier, dit-elle. Je suis enceinte.
"

(J'ai cherché un peu sur Internet, infructueusement, le texte du Pendule. Résigné, j'avais commencé à tout recopier, quand j'ai (enfin!) eu l'idée de googliser une phrase bien précise de ce passage bien précis. Ouf! Je l'ai trouvé; je n'ai tapé que jusqu'aux "Alpes Suisses"... "Mon dieu que je suis con").
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 06 Oct 2011, 23:02

Citation :
... je n'ai tapé que jusqu'aux "Alpes Suisses"... "Mon dieu que je suis con"
Comme quoi, l'air de la montagne, malgré tout ce qu'on a pu dire des crétins des Alpes (suisses ou pas)...

Ce que je trouve aussi fascinant, à un niveau peut-être plus originaire encore de "l'origine reconstruite", ou de "la connaissance déconstruite", c'est que la numération est corollaire de la nomination, et plus précisément de l'invention des noms communs, génériques ou catégoriels, ces outils cognitifs par lesquels le flux des perceptions est interrompu, divisé en "ceci" et en "cela" qui sont à leur tour ramenés à un degré d'abstraction supérieur, mais de réalité inférieure ou nulle, pour pouvoir se regrouper, se compter et faire nombre -- sans quoi il n'y a pas de nombre au monde, pas plus de singulier que de pluriel: rien à compter. Pour que ceci ou cela devienne un certain nombre de "mammouths", de "serpents", d'"animaux" ou de "choses", il faut que j'aie pensé "le mammouth", "le serpent", ou (plus abstrait) "l'animal" ou (encore plus abstrait) "la chose", indépendamment de ce-que-je-vois. Il faut avoir rassemblé la ressemblance de ceci et de cela dans une "idée" qui correspond à ceci ET à cela mais n'est plus vraiment ni ceci ni cela pour nommer et compter des "yeux", des "doigts", des "trous", des "membres". Et l'étonnement supplémentaire de l'arithmétique, c'est que le nombre lui-même trouve aussitôt dans cette opération son autonomie à l'égard de toute "réalité", par son adéquation à n'importe quelle "chose". 2 + 2 = 4, c'est "magique" car ça marche aussi bien pour les doigts et les membres que pour les mammouths que les serpents, ça marche tout seul. Et puisque ça marche ça existe, d'une certaine façon, ça existe sans exister. Comment n'aurait-on pas été fasciné par une telle découverte ?
Le nom, le nombre, le symbole, la représentation, c'est l'accès à un irréel compatible avec le réel, capable de transformer le réel, de démultiplier indéfiniment la transformation du réel, et qui devient simultanément beaucoup plus intéressant que le réel, chaque degré d'abstraction supérieur débouchant sur d'autres degrés d'abstraction encore supérieurs, qui ne sont pas pour autant dépourvus d'interaction avec le réel. De la numération à l'économie (où un bison peut "valoir" 3 antilopes dans le troc immédiat, mais où aussi on arraisonne le temps quand le chasseur ou le pêcheur peut sacrifier l'immédiat aux bénéfices différés de l'agriculture saisonnière par exemple; division du travail, monétarisation progressive des valeurs d'échange, etc.). L'"homme" c'est toujours déjà le virtuel, la conjonction de l'irréel et du possible, qui passe simultanément par le nom et le nombre.
Pour revenir à la question (qui reste en effet assez obscure) du tabou du recensement, sans doute d'un côté le nombre comme le nom est-il essentiellement perçu comme "divin", "sacré" (nomen numen, pourquoi pas numerus numen!), mais aussi il est "dangereux", il "tue" comme le "mot" tue la "chose", par ce que Lacan appelle la coupure symbolique où le langage nous aliène irréversiblement du réel, et que le nombre démultiplie. "20.000 morts", ça ne nous fera jamais le même effet que la perception immédiate, sous nos yeux, de la mort d'un seul vivant; ça nous fera même moins d'effet, souvent, qu'une mort fictive racontée.
sfr: compter, raconter, rapporter, relater, d'où sefer, le "livre" (de contes ou de comptes, p. ex. le livre des vivants, prérogative divine dès l'Exode 32,32s; et dans l'Exode aussi le recensement est dangereux, 30,12), mais encore le "chiffre" (sifr en arabe = zéro, "chiffre arabe" par excellence), qui est également le code, le secret, le mystère...


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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeDim 09 Oct 2011, 13:57

Bb tu m'as donné l'envie de lire ce livre, à mon retour. Il me semble que les chiffres comme la géométrie étaient sacrés pour les anciens comme les philosophes.
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Kaczan

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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeDim 09 Oct 2011, 16:38

Pas grand chose à voir avec avec notre débat quoique...

J'aimerai quand même vous faire part de la sortie du 1er roman de Joëlle J De Corte, co-fondatrice et amie de TJ-liberté (liste de discussion ex-TJ sur le déclin) intitulé "L'Eternité au bout des Doigts" qui pour une fois, n'a rien à voir avec la problématique TJ !

Comme quoi certains réuississent très bien leur sortie de la Secte cheers

http://leterniteauboutdesdoigts.over-blog.fr/article-couverture-tome-1-dix-neuf-ans-a-jamais-82736025.html

Pour ma part, je l'ai reçu hier matin et vais m'empresser de le lire Cool
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VANVDA




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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeMar 11 Oct 2011, 19:25

Citation :
et dans l'Exode aussi le recensement est dangereux, 30,12

Je n'avais jamais remarqué ce passage. Merci.

Au fait, j''ai retrouvé où j'avais lu cette explication sur la malédiction du recensement. Pas du tout dans un de mes livres "about-the-Bible", mais dans un manuel qui n'a rien à voir (ou que de loin): "L'histoire universelle des chiffres", de Georges Ifrah.
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeMar 13 Fév 2024, 13:15

LA GÉMATRIE
COMME TECHNIQUE DE COMPOSITION DANS LA BIBLE HÉBRAÏQUE
Alfred Marx

On retrouve ce jeu sur la valeur numérique du nom divin dans une étonnante confession de foi mise dans la bouche de Moïse en Dt 10, 17-18, dans le cadre du long discours qu’il adresse à Israël en Transjordanie, à la veille de l’entrée en pays de Canaan, en préambule à la proclamation des « prescriptions et ordonnances »
qui forment le corps du Deutéronome. Cette confession tranche fortement avec celle du Ps 136 en ce qu’elle ne fait, en particulier, nulle référence aux relations singulières entre Yhwh et Israël mais se concentre exclusivement sur les caractéristiques constitutives de Yhwh, ce qui, dans le contexte fictif dans lequel elle est placée, n’en est que plus remarquable. À l’instar du Ps 136, qui reprend cette titulature, cette confession commence par situer Yhwh par rapport aux autres dieux : il est « le Dieu des dieux » et « le Seigneur des seigneurs », v. 17aβ, celui qui se situe tout au sommet de la hiérarchie céleste. Elle se poursuit par l’énumération des qualités de Yhwh en tant que roi : il est « grand, puissant, redoutable », v. 17bα. Et elle insiste tout particulièrement sur ce qui est considéré comme la fonction royale par excellence, à savoir l’exercice de la justice au profit des plus faibles (voir Ps 72), d’abord de manière générale, en qualifiant Yhwh d’impartial et d’incorruptible, v. 17bβ, puis en soulignant sa sollicitude envers les catégories sociales les plus vulnérables, l’orphelin et la veuve dont il se fait le défenseur,
et tout spécialement l’immigré, dont il est dit qu’il l’aime et qu’il lui donne nourriture et vêtement, v. 18. Ce qui fait la particularité de cette confession de foi est cette extraordinaire tension entre ses deux pôles extrêmes, où Yhwh est décrit, d’une part, comme le Dieu transcendant, tout en haut dans le ciel, et, d’autre part, comme le Dieu proche, ici-bas sur terre, comme celui qui règne sur les autres dieux et qui, en même temps, se soucie de ceux qui sont au plus bas de la société et est présent auprès d’eux. Ici encore, l’importance de cette confession – dont le début, indiqué par un zaqéf qaton, est solennellement marqué par le pronom personnel de la troisième personne – est soulignée par la mise en œuvre de la gématrie sur le nom de Yhwh, laquelle prend non plus la forme de la répétition d’une expression comme au Ps 136, mais trouve sa traduction dans la dimension du texte, le nombre de mots de cette confession, à savoir vingt-six, correspondant précisément à la valeur numérique de « Yhwh », expressément nommé en introduction à la confession : « Car Yhwh ton Dieu… », v. 17aα. Ce procédé semble vouloir signifier que le contenu du texte exprime la totalité des caractéristiques qui définissent Yhwh, celles qui constituent son essence même, le texte apparaissant comme une explicitation de l’essence de Yhwh dans sa singularité, exprimée par son nom même.

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2014_num_94_1_1811
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeMar 13 Fév 2024, 14:53

Je suis assez étonné par cet article d'Alfred Marx, que j'ai beaucoup apprécié sur d'autres sujets (en particulier sur le système sacrificiel et rituel en général): on a écrit tellement de conneries sur la Bible à partir de cette notion de gématrie tirée de la tradition rabbinique, et plus ou moins bien comprise par des demi-savants étrangers à cette tradition, que je n'y recourrais personnellement qu'avec une extrême prudence. C'est tout à fait utile qu'un vrai spécialiste de l'exégèse "scientifique" (occidentale et moderne) de l'AT s'y affronte, mais à ce jeu tout le monde n'aura pas la même appréciation de la "prudence" (cf. dernier paragraphe): il y a sans doute un risque à exclure a priori les procédés numérologiques de l'exégèse "sérieuse", mais il y en a aussi à les présupposer, davantage encore à les présupposer connus et constants, et à en faire un critère textuel et exégétique, quitte à ajouter ou retrancher des lettres ou des mots pour que ça "tombe juste", où à inventer des "structures" et à en tirer des conclusions de sens et d'intention (raisonnements circulaires en tout genre). Outre que ce type de considération a pu jouer diversement tout au long de l'histoire de la composition et de la transmission des textes, certains auteurs, rédacteurs, éditeurs, compilateurs, copistes, y recourant un peu, beaucoup ou pas du tout, créant ou effaçant consciemment ou non des effets numérologiques. Au bout du compte (!), chacun sera plus ou moins convaincu au cas par cas en fonction de ses connaissances, mais aussi de sa "personnalité"...
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeMar 13 Fév 2024, 16:02

Citation :
sfr: compter, raconter, rapporter, relater, d'où sefer, le "livre" (de contes ou de comptes, p. ex. le livre des vivants, prérogative divine dès l'Exode 32,32s; et dans l'Exode aussi le recensement est dangereux, 30,12), mais encore le "chiffre" (sifr en arabe = zéro, "chiffre arabe" par excellence), qui est également le code, le secret, le mystère...


Yohanan GOLDMAN
Quand Dieu se souvient... Le mémorial dans
l'Ancien Testament et la liturgie juive 

2. Mémorial et Rachat 

La Bible prescrit, lors d'un recensement, de prélever un demi-sicle pour chaque Israélite recensé, cela afin que nul fléau ne vienne frapper le peuple. Le recensement est un acte sacré et réservé à Dieu. Pour se compter du peuple il faut que chacun, pauvre ou riche, donne cette même somme en rançon pour sa vie. Les prescriptions afférentes à cette loi se trouvent en Exode 30, 11-16. Voici ce que devient l'argent prélevé : 

« Et tu prendras l'argent des expiations (kippourim) aux fils d'Israël et tu le donneras pour le culte de la Tente du Rendez-Vous... et ce sera, pour les fils d'Israël, un mémorial devant le Seigneur en rançon pour vos vies. » (Ex 30, 16)

Cet argent de rançon, donné pour que la mort (fléau) ne frappe pas le peuple, est aussi, lorsqu'il est dans le sanctuaire, un mémorial. Relevons tout de suite le retour des expressions « pour les fils d'Israël » et « devant le Seigneur » à propos du mémorial. Ces tournures figées, que nous retrouverons, autorisent à penser qu'il y a une commune perspective entre, par exemple, le mémorial du pectoral et celui du demi-sicle du sanctuaire. Disons encore, par anticipation, que ce lien entre mémorial et expiations recevra un puissant écho dans la liturgie juive, à travers tout ce qui lie le Nouvel An « Jour du Mémorial » et Kippour « Jour des Expiations ». 

Dans le livre des Nombres, dans un texte de nature toute différente (un récit de guerre) résonnent tous les thèmes présents en Exode 30, 16. Après la victoire sur Madian, les chefs militaires d'Israël recensent leurs hommes et constatent qu'il n'en manque pas un : 

« ...il ne nous manque personne. Alors nous offrons l'offrande du Seigneur: chacun ce qu'il a trouvé d'objets en or... en rançon pour nos vies devant le Seigneur. » (Nb 31, 49-50)

Cette part pour le Seigneur, cette offrande qui lui revient de droit en rançon pour les vies sauves, devient, elle aussi, un mémorial dans le sanctuaire : 

« Moïse et Eléazar le prêtre prirent donc l'or des chefs des milliers et centaines et ils l'apportèrent à la Tente du Rendez-Vous, mémorial pour les fils d'Israël devant le Seigneur. » (Nb 31, 54) 

On peut dire que, tout comme dans le texte précédent, le mémorial évoque, en même temps que l'expiation, cette idée connexe de vie sauve.

Dans ce texte comme dans le précédent (Ex 30, 16), on est également frappé de ce que le « mémorial pour les fils d'Israël » est constitué de cet argent et de cet or qui servent aussi d'expiation pour les vies que Dieu épargne ou sauve. Ce prix pour la vie n'est donc pas considéré comme le simple paiement d'une dette ou le règlement d'un contrat, il devient aussi un mémorial. Ce qui revient à dire que, dans ces textes, ce qui fait l'objet de cette « mémoire » devant Dieu c'est justement que Dieu est déjà intervenu pour sauver et que, par le biais des expiations, le peuple a reconnu là une faveur.

Le mémorial enregistre, si l'on peut dire, cette relation de faveur et il donne une continuité à cette relation privilégiée entre celui qui donne, épargne ou sauve la vie et ceux qui ont reçu sa protection. 

https://www.aasm.ch/pages/echos/ESM081030.pdf
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeMar 13 Fév 2024, 16:52

Etude surtout intéressante sur la question de la "mémoire", et/ou du "temps" -- j'ai particulièrement aimé, tout à la fin, l'idée talmudique: au-delà d'un an, des retrouvailles c'est une résurrection; elle se comprendrait aussi à partir d'une conception cyclique de l'"année" comme "anneau"; ce qui revient est le même et ce n'est pas le même, rien ne change parce que tout change. Le "mémorial", au passage, c'est aussi le "nom" de Yahvé selon Exode 3, ce qui reste quand tout a changé, comme dans "je serai qui-quoi-que je serai"...
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 15 Fév 2024, 13:29

La symbolique des chiffres dans la Bible

Cela dit, le sens symbolique de certains chiffres dans la Bible s’est également peu à peu imposé. Ainsi Jésus choisit douze apôtres parce que le peuple d’Israël à l’origine était composé de douze tribus, chiffre lui-même symbolique : il indique par ce chiffre le nouveau peuple de Dieu.

Cette signification symbolique est renforcée par l’utilisation des multiples. Lorsque Jésus indique à Pierre qu’il doit pardonner « non pas jusqu’à 7 fois, mais 77 fois » (Mt 18, 21-22), il indique par là la perfection de l’amour évangélique qui n’a pas de borne. De même, le nombre des disciples attendant la Pentecôte est de 120 (Actes 1,15), soit 10 fois 12, symbole de ce nouveau peuple de Dieu qui commence à naître. L’Apocalypse annonce qu’au jour de la manifestation du Seigneur, 144 000 personnes seront marquées du sceau du Dieu vivant, 12 000 de chaque tribu d’Israël, soit la multitude (Ap 7).

Les auteurs du Nouveau Testament ont tout naturellement puisé dans la symbolique de l’Ancien Testament, bien connue de leurs lecteurs, pour mettre en lumière le mystère du Christ. Lorsque Jésus désigne 72 disciples pour évangéliser les villes et localités (cf. Lc 10,1), l’évangéliste fait allusion dans la Genèse (Gn 10) à la somme totale des peuples et nations répartis sur la terre. Manière de signifier que Jésus leur confie le soin de faire parvenir l’Évangile à toutes les nations du monde.

Dans l’évangile selon saint Marc figurent deux récits de multiplication des pains. À la fin du premier (Mc 6, 30-44), il reste douze corbeilles pleines, le nombre des douze tribus. Cette multiplication est faite pour Israël, elle est l’accomplissement des promesses faites par Dieu à son peuple au désert. Il envoie un Messie pour rassasier son peuple, et pour qu’il se rassemble autour de son Seigneur. Dans le deuxième récit (Mc 8, 1-10), il reste sept corbeilles, ce nombre évoquant la complétude selon Dieu (voir infographie) : Jésus est ému par ces foules qui le suivent, quatre mille hommes, c’est-à-dire des quatre points de l’horizon, les nations rassemblées, bien au-delà du peuple d’Israël. Ainsi ces deux multiplications des pains que nous rapporte saint Marc ont été voulues pour montrer qu’il vient rassembler les tribus d’Israël mais aussi pour toutes les nations.

Pour d’autres chiffres, en revanche, la clé d’interprétation nous échappe aujourd’hui. Ainsi des âges fabuleux attribués aux patriarches d’Israël, tel Mathusalem qui serait mort à 969 ans, Noé à 950 ans ou Lamech à 777 ans… évocation, peut-être, de la bonté de la Création, qui s’altère (les chiffres diminuent) jusqu’au déluge. Intrigue tout autant le nombre de 153 poissons de la pêche miraculeuse (Jean 21,11), qui a donné lieu à de multiples hypothèses, certaines extravagantes pour un esprit moderne.

Quelle valeur le judaïsme accorde-t-il aux chiffres ?

Chaque lettre de l’alphabet hébreu revêt une valeur numérique : de 1 pour « aleph », la première lettre, à 400 pour « tav », la dernière lettre. Ce qui signifie que l’on peut attribuer une valeur numérique à chaque mot en additionnant la somme de ses lettres. Procédé courant dans la lecture biblique : « Ce type de combinaisons permet de créer du lien et du sens entre des versets qui n’avaient a priori qu’un très lointain rapport entre eux », explique Hervé Landau, directeur de la collection « Lectures du judaïsme » aux Presses Universitaires de France. « Les valeurs numériques deviennent alors des révélateurs de sens seconds, cachés, appels à interprétation supplémentaire, à des regards neufs et innovants. »

Il existe des méthodes de construction et d’interprétation variées, livrées pour partie par les textes, pour partie par tradition orale, qui entrent toutes dans ce que l’on appelle la guématrie. Un exemple biblique classique se situe dans le livre de la Genèse où le nombre 318 (Gn 14, 14) renverrait à la personne d’Eliezer, serviteur désigné héritier d’Abraham (Gn 15,2) dont la valeur numérique est de 318… L’école juive de la Kabbale utilise massivement ce procédé.

Un certain nombre de chiffres du Nouveau Testament s’expliquent sans doute par ce procédé. Le jeu biblique de guématrie le plus célèbre, selon le bibliste Jérôme Martineau, est celui que l’on trouve dans l’Apocalypse concernant le chiffre 666, qui est censé désigner la Bête. L’auteur affirme qu’il s’agit là d’un « chiffre d’homme ». Or, si l’on transcrit le nom de l’empereur Néron, on obtient justement la valeur de 666…

On a aussi proposé de voir dans les 3 fois 14 générations qui composent la généalogie de Jésus, dans l’Évangile selon saint Matthieu qui s’adressait particulièrement à des communautés judéo-chrétiennes, une guématrie du nom de David (DVD = 4 + 6 + 4). Comme on espérait que le Messie serait un descendant de David, l’évangéliste désigne ainsi Jésus comme « triple David », véritable descendant du roi prophète. Mais c’est également un multiple du chiffre 7, le chiffre de Dieu.

https://www.la-croix.com/Religion/Spiritualite/La-symbolique-des-chiffres-dans-la-Bible-_NG_-2012-01-06-754893
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 15 Fév 2024, 14:22

Cet article "grand public", sur l'air de "circulez, y a rien à voir", illustre bien comment le "symbolique", dans sa conception moderne, abstraite, métalinguistique, sert à évacuer (exorciser, purifier, désinfecter, aseptiser; cf. ici 13.2.2024 -- ou, comme dit si bien l'anglais, explain away) tout ce qui paraît suspect parce qu'on ne le comprend plus (magie, mythe, rite, mystère, sacré, etc.): est "symbolique" en somme tout ce qui pourrait se traduire autrement et s'énoncer sans "symbole", clairement et distinctement comme eût dit Descartes... (cela vaut aussi pour notre compréhension de la "parabole", de l'"allégorie", de la "métaphore" et d'à peu près tous les autres "tropes", continuellement réduits à des "explications" sans "tropes", comme si la langue et le langage n'étaient pas "tropiques" de part en part). Il faudrait relire La mythologie blanche de Valéry et les commentaires que Derrida en avait faits dans Marges -- de la philosophie.

Je crois me souvenir que depuis le début de ce vieux fil tu avais souvent cité un article générique, mais un peu plus substantiel, de Bovon: c'était peut-être celui-ci.
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 15 Fév 2024, 15:05

Citation :
Je crois me souvenir que depuis le début de ce vieux fil tu avais souvent cité un article générique, mais un peu plus substantiel que celui-ci, sur les nombres dans la Bible ou dans le Nouveau Testament (de Bovon peut-être ?). Si on le retrouve on pourrait en indiquer le lien ici aussi.


Des noms et des nombres dans le christianisme primitif
François Bovon

Les nombres sacrés

Il n’est pas nécessaire d’attendre les homélies d’Origène sur le livre des Nombres ou les réflexions d’Augustin sur Sg 11, 20 à propos de la mesure, du nombre et du poids, pour réaliser combien les nombres influençaient l’esprit des premiers chrétiens. Irénée a longuement réfuté les valentiniens Marc et Ptolémée et leurs spéculations sur les nombres. Bien qu’il s’opposât à leurs élaborations numérologiques précises, il n’était pas lui-même opposé à tout usage symbolique des nombres. Il serait historiquement faux de croire qu’une telle spéculation n’était le fait que des gnostiques. Dans des œuvres aussi anciennes que l’Apocalypse de Jean ou l’Épître de Barnabé, nous lisons des interprétations spéculatives des nombres et nous découvrons une interaction entre les lettres et les noms. Dans un texte qui ne peut être soupçonné d’être gnostique ou hérétique, l’Epistula Apostolorum (moitié du iie siècle apr. J.-C.), nous découvrons le texte suivant : « Nous [les disciples de Jésus après le miracle de la multiplication des pains] nous interrogions et disions : “Que signifient ces cinq pains ?” Ils sont une image de notre foi au grand christianisme, c’est-à-dire au Père, Seigneur du monde entier, et en Jésus-Christ notre Sauveur, et au Saint-Esprit, le Paraclet, et en la sainte Église et en la rémission des péchés . »

L’usage mystique ou symbolique des nombres n’appartenait probablement pas à l’enseignement élémentaire, doctrinal et éthique, des premières communautés chrétiennes. Mais dès qu’apparut un désir d’approfondissement de la foi, un tel développement devint possible et même nécessaire. Nous le constatons dans l’Épître de Barnabé. Cette œuvre allie l’exégèse biblique (de la Septante) à la réflexion sur les nombres. Selon l’auteur, la circoncision ne doit pas être comprise au sens littéral si on considère ce geste opéré par Abraham comme le sceau de l’alliance (il est conscient en effet que d’autres peuples tels que les Syriens ou les Arabes et même les prêtres de religions païennes pratiquaient la circoncision). C’est plutôt – selon les mots de l’auteur – un enseignement exégétique riche, donc un sens figuré, qui doit être extrait du livre de la Genèse. Le texte biblique dit : « Et Abraham circoncit parmi les gens de sa maison dix-huit et trois cents hommes. » L’interprète commente : si Abraham fut le premier à appliquer la circoncision (Gn 17, 9-14), il le fit comme une action prophétique inspirée par l’Esprit. L’auteur attire alors l’attention sur le fait que le nombre 18 dans la Septante est mentionné d’abord, avant le nombre 300, dont il est distinct. Cette manière de faire est intentionnelle et providentielle : to dekaoktô, iê exeis iê’, « Dix-huit s’écrit : i’ (dix) ê’ (huit). Vous avez là : iê’ (c’est-à-dire Iêsous en grec) – Jésus. » Et parce que la croix en forme de t procure la grâce, on lit aussi 300 (en grec : t’). Ainsi les deux premières lettres font-elles référence à Jésus tandis que la troisième lettre fait référence à la croix. « Celui-là le sait qui a déposé en nous, pour l’y implanter, le don de sa doctrine : personne n’a reçu de moi un enseignement plus digne de foi. Mais je sais que vous en êtes dignes . » Comme je l’ai fait remarquer, cette audacieuse interprétation ne fait pas partie de la première prédication chrétienne ni de l’enseignement éthique élémentaire. L’auteur de l’Épître de Barnabé croit en l’origine divine de son enseignement supérieur ainsi qu’en son implantation dans nos cœurs. Le véritable sens de l’Écriture peut être saisi par l’esprit humain, parce qu’il y a une harmonie entre l’extérieur (les signes visibles pour le nombre 318) et la réalité intérieure (le don divin en nous). Mais une telle doctrine n’est pas proposée à n’importe qui. Seuls les membres du peuple de Dieu, ceux qui en sont dignes, peuvent la recevoir, la comprendre et en jouir. Ainsi le rôle de l’enseignant est-il de mettre en relation l’Écriture et son lecteur, par un double lien : d’un côté le contenu christologique (iê’), de l’autre côté l’agir pneumatologique, en . D’après l’auteur, la circoncision physique ne pouvait garantir le salut parce qu’elle n’offrait pas le sceau de l’alliance. Seule l’œuvre du Christ, Jésus et sa croix, pouvait établir la véritable alliance. 

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2007-3-page-337.htm
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeJeu 15 Fév 2024, 15:10

Merci, je l'avais retrouvé entre-temps (désolé de t'avoir fait chercher pour rien; j'ai par ailleurs supprimé un doublon).

Ce que j'essayais de dire, c'est qu'il y a toujours "plus" dans un texte ou un discours dans une langue quelconque que dans sa "traduction", son "explication" ou son "interprétation"; même si celles-ci en rajoutent beaucoup de leur côté, il y a dans l'"original", en dépit de tout ce qui le précède (traditions, rédactions, etc.), quelque chose qui résiste à se dire autrement qu'il se dit...

Bien entendu, plus nous sommes éloignés de la langue, de la culture, de l'époque, du lieu et du milieu dudit "original", plus il nous faut d'"explication" pour y comprendre quelque chose, mais l'explication si bonne soit-elle ne suffit pas à ce que nous y comprenions la même chose -- qui ne nous était d'ailleurs pas destinée. Il faut laisser le texte (y compris dans sa traduction la plus "formelle", "littérale" ou "mot-à-mot" possible) faire son effet sur le lecteur, quand même cet effet ne sera jamais celui de l'"original" sur ses "destinataires"...
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeLun 19 Fév 2024, 17:03

Le nombre des sauvés en Ac 27, 37. Pourquoi 276 ?
Marc Rastoin

Une autre possibilité serait que le nombre 276 renvoie en premier lieu au triangulaire qu’il évoque, soit 23. Sans faire référence à Ac 27, 37, J. Davies suggère astucieusement que 23 évoque la totalité parce qu’il représente l’addition de la première lettre, aleph, et de la vingt-deuxième lettre de l’alphabet hébraïque, tav (1+22). L’idée de totalité serait alors signifiée par la totalité de l’alphabet. Totalité redoublée par le fait que 276 est également 23 fois 12, 12 étant un autre nombre ecclésial. Le texte biblique qui vient alors immanquablement à l’esprit est celui de Ez 9, où les sauvés sont marqués par l’ange (l’homme vêtu de lin) d’un tav, passage qui fut souvent lu par les chrétiens comme étant la croix (à laquelle la lettre tav peut faire penser) : « Et de tout homme qui porte sur lui le tav, ne vous approchez pas » (Ez 9, 6). Ce texte d’Ézékiel évoque clairement le salut ultime. Ainsi, avec 276 et 153, Luc et Jean feraient tous deux un clin d’œil à Ézékiel pour évoquer le salut final inauguré dans l’Église. L’inconvénient de cette hypothèse séduisante est qu’elle ne fait pas appel à la guématria, soit à la valeur numérique des lettres, mais uniquement à leur emplacement dans l’alphabet. Elle a cependant pour elle le mérite de la simplicité !

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-2-page-213.htm?try_download=1
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MessageSujet: Re: Les nombres et leur vertus "magiques".   Les nombres et leur vertus "magiques". Icon_minitimeLun 19 Fév 2024, 17:24

Nous avons sûrement évoqué les "nombres triangulaires" (1 + 2 + 3 + ... n) ailleurs, à propos de ce passage des Actes, des 153 de Jean 21 ou du 666 de l'Apocalypse, mais cette notice apporte quelques suggestions supplémentaires, avec l'avantage d'un certain humour... Pour rester dans la même note, il n'est pas interdit d'imaginer qu'un ultime rédacteur du quatrième évangile (dans ce chapitre ostensiblement surajouté après la conclusion formelle du chap. 20) réplique à un énième rédacteur des Actes, et/ou inversement...
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