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 La parousia

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Narkissos

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MessageSujet: Re: La parousia   La parousia - Page 2 Icon_minitimeVen 17 Mai 2024, 14:17

Cette synthèse dogmatique, archi-catholique (C.ss.r. = Congrégation du Très-Saint rédempteur, dite "rédemptoriste"), qui a déjà un demi-siècle (1973), repose au fond sur le même artifice logique que la doctrine jéhoviste ou plus largement adventiste: 1) on développe un concept théologique ("parousie") à partir de l'usage "technique", eschatologique, du mot parousia dans quelques textes du NT, puis 2) on réintroduit dans ce concept le sens ordinaire du mot grec ("présence"), à contresens de son acception "technique" et eschatologique (= "avènement", "avènement", Avent, advent comme acte final de l'histoire). De ce tour de passe-passe, bien entendu, on tirera des conclusions totalement différentes: une pensée catholique, intégriste ou intégraliste, tendra à unifier sous le concept de "présence" les différents articles du dogme: Fils de Dieu différemment mais toujours "présent" depuis son engendrement éternel, depuis la création du monde, depuis l'incarnation identifiée à la conception ou à la naissance de Jésus, depuis la résurrection, et depuis la Pentecôte dans l'Eglise, sa tradition, son magistère et ses sacrements, jusqu'à l'accomplissement final qui n'est que l'ultime manifestation de toute la "présence" ce qui le précède; l'interprétation adventiste ou jéhoviste, elle, combinera autrement les deux sens ("parousie" finale ET d'une durée plus ou moins longue) pour ajouter à cette histoire de la "présence" une nouvelle étape, une nouvelle phase ou un nouveau segment à partir d'une certaine date (1844, 1874, 1914...) -- avec toujours la même difficulté rétrospective, qui croît avec le temps, à distinguer la "présence" d'après la date de référence de celle d'avant.

D'un point de vue exégétique, l'inconvénient de faire d'un terme comme parousia un concept théologique autonome et plus ou moins central (la parousie), c'est qu'on lui subordonne tout le vocabulaire connexe: apokalupsis-apocalypse ou "révélation", epiphaneia-épiphanie ou "manifestation", ou même le simple "venir" (erkhomai) qui reste un verbe conjugué, ni infinitif ni substantif ("venue"), et encore moins "retour". On va dire "ceci signifie ou désigne la parousie" ou "la parousie ici s'appelle autrement", comme si "la parousie" on savait ce que c'est et qu'on doive lui rapporter tous les autres termes pour les expliquer, alors que le terme central (bloc insécable signifié-signifiant-référent) n'est plus interrogé. On a vu souvent le même problème avec d'autres termes, comme la notion de "messianisme" qui rassemble artificiellement des textes où il n'est nullement question d'"onction", de "Pâques" pour toute "résurrection", de "Pentecôte" pour tout "don de l'Esprit" qui ne se réfère pourtant ni au récit ni au calendrier des Actes, et ainsi de suite...
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MessageSujet: Re: La parousia   La parousia - Page 2 Icon_minitimeMer 22 Mai 2024, 12:26

Michel Foucault : une autre histoire du christianisme ?
Michel Senellart

16 Pourquoi, alors, parler de l’« apousie » du Christ dans son interprétation du christianisme ? Par antonymie, d’abord, avec la parousie, la « présence » du Christ, sous ses différentes formes eschatologiques (« déjà là » ou « pas encore »), dont on a vu que Foucault la laissait en marge de ses analyses. Mais ce mot renvoie également au passage de l’Épître aux Philippiens (c’est sa seule occurrence dans le Nouveau Testament) que cite Derrida dans Donner la mort : « Ainsi, mes chers, comme vous m’avez toujours obéi, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, non seulement en ma présence [parousia], mais beaucoup plus maintenant que je ne suis pas là [en mon absence, apousia] ». Il s’agit de l’adieu de Paul, alors emprisonné, à la petite communauté chrétienne de Philippes, que Derrida commente ainsi : « Si Paul dit “ adieu ” et s’absente en (…) ordonnant (…) d’obéir, c’est que Dieu lui-même est absent, caché et silencieux, séparé et secret — au moment où il faut lui obéir ». Une lecture foucaldienne serait assurément très différente : l’apôtre absent, demeure l’injonction d’obéissance, qui s’impose elle-même sur fond d’absence de Dieu. Mais cette absence, loin de faire signe vers l’absolue transcendance du « tout autre », ne trahit que l’immanence des rapports de pouvoir et des jeux de vérité. Transposée au Christ, cette « apousie » paulinienne définit assez bien, me semble-t-il, le schéma interprétatif de Foucault. Récuser la question de l’origine, en effet, ce n’est pas seulement réduire le christianisme à sa pure dimension historique, en évacuant tout horizon de transcendance, car cette histoire, quelque interprétation qu’on en donne, commence bien avec Jésus ; c’est choisir de l’analyser du point de vue de l’institution ou, plus exactement, du processus d’institutionnalisation de ce « superbe instrument de pouvoir » pour lequel Foucault, en dépit de son attitude critique, ne dissimulait pas sa fascination. C’est le considérer, en d’autres termes, comme « une force politique ». Or, l’histoire de l’Église comme structure institutionnelle hiérarchisée ne commence véritablement qu’aux iiie-ive siècles. L’apousie du Christ, dès lors, n’est pas son absence dans l’attente de la seconde parousie ; elle n’est autre chose que le nom même de l’effacement de l’origine au profit de la seule question qui importe pour Foucault : celle de l’invention d’une nouvelle technique de gouvernement, qui a fondé l’obligation d’obéissance, de la part des sujets, non sur la coutume, la force ou la loi, mais sur l’appel à « travaille[r] à [leur] salut avec crainte et tremblement ». De là, comme je l’ai rappelé plus haut, l’attention minutieuse portée, dans le cours de 1980, au « moment Tertullien », où émerge le principe de la crainte comme modalité essentielle du rapport du sujet à lui-même.

https://journals.openedition.org/cem/12872
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La parousia   La parousia - Page 2 Icon_minitimeMer 22 Mai 2024, 14:28

Merci pour cet article passionnant, qui intéresserait aussi ce fil-ci.. Au-delà du jeu de mots il y a en effet un certain rapport entre parousia et parr(h)èsia qui fonctionne particulièrement bien dans la Première épître de Jean* (mieux que dans l'évangile), puisque dans les deux cas, présence-avènement ou franchise, on retrouve une certaine opposition du révélé (apo-calypse) ou du manifeste (épi-phanie, mais aussi phénomène) au caché, au secret, au discret, à l'intérieur, à l'invisible, à l'ineffable...

Cela va peut-être de soi pour un spécialiste, mais il faut rappeler que Foucault s'inscrit dans un héritage (post-)structuraliste qui détermine en grande partie sa méthode, synchronique et non diachronique. Dans la veine de l'analyse linguistique, notamment saussurienne, qui analyse les langues comme des systèmes immuables, avec une structure fixe et un fonctionnement régulier, ce qui intéresse Foucault dès le départ ce sont des "époques", aussi au sens de l'epokhè grecque, "suspens". Démarche "archéologique" et non "historique", qui étudie des "strates" comme des systèmes ou machines closes sur elles-mêmes, et non l'histoire et les événements, le devenir, le passage d'une "époque" ou d'une "strate" à l'autre (ce qui est précisément l'objet de l'histoire, diachronique et diégétique). Bref, pour comprendre une "époque" il faudrait l'immobiliser artificiellement, faire abstraction de ses changements ou de son évolution, de ses origines et de ses destinations, d'où elle vient et où elle va. Cela vaut pour le christianisme comme pour le reste: il s'agit de comprendre un christianisme eschatologique ou non, de tel type d'eschatologie, à une "époque" donnée, non de savoir comment on passerait d'un christianisme eschatologique à un christianisme non eschatologique, ou d'un type d'eschatologie à un autre. C'est tout ce qui différencie une "archéologie" d'une "histoire", et une critique de Foucault eût été bien inspirée de (se) le rappeler.

Soit dit en passant, la méthode même n'est pas au-dessus de la critique, ou du moins de l'observation "déconstructrice": on peut remarquer, comme l'a souvent fait Derrida, une étrange continuité du "faire comme si", donc d'une certaine manière de fiction, en théologie et en philosophie, par exemple de "Paul" (faites comme si vous étiez morts, que ceux qui possèdent soient comme s'ils ne possédaient pas, etc.) à Kant (agis comme si ton action était universelle) ou aux structuralismes (faire comme si une "structure" ne devait jamais changer alors qu'on sait pertinemment qu'elle change)... à rapprocher aussi d'autres formules, "même si" (p. ex. etsi deus non daretur, même si Dieu n'existait pas, de Grotius) ou "comme tel" (Heidegger exemplairement)...

---
* 1 Jean 2,28: ... demeurez en lui, pour que, s'il vient à être manifesté (phaneroô, cf. 1,2; 2,19; 3,2.5.8; 4,9; Jean 1,31; 2,11; 3,21; 7,4; 9,3; 17,6; 21,1.14), nous ayons de l'assurance-franchise (parrèsia, cf. 3,21; 4,17; 5,14; Jean 7,4.13.26; 10,24; 11,14.54; 16,25.29; 18,20) et que nous ne le fuyions pas, de honte, en sa présence-avènement (parousia, ici seulement dans les textes "johanniques").
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MessageSujet: Re: La parousia   La parousia - Page 2 Icon_minitimeJeu 23 Mai 2024, 11:21

Ascension. Colossiens 3/1-8
Georges Crespy

L’attention du prédicateur doit s’arrêter dès le second mot du texte : «oun », comme in Rom. 12/1 indique que l’apôtre va orienter vers la parénèse le développement précédent (2/8 ss.) sur la victoire et l’élévation du Christ.

L’expression : «assis à la droite de Dieu », renforce ce qui a été dit de cette victoire. L’élévation du Christ est, selon l’enseignement global de l’Ecriture, consécutive à la propitiation qu’il a accomplie (Actes 5/31, Héb. 1/3, 8/1, 10/22) ; elle est le prodrome de la défaite des «puissances » et le commencement du «règne «(Actes 2/33, 5/31, Eph. 1/20) ; elle l’établit intercesseur pour les hommes (Rom. 8/34). Elle est donc le triple indice de l’accomplissement, de la victoire déjà acquise et de l’assistance du Christ dans la lutte qui subsiste contre les puissances défaites mais toujours encore agressives.

Tel est l’arrière-plan sur lequel se découpe la condition du fidèle qui, mort à cause du péché (Rom. 8/10) est ressuscité (sunegeirô ) avec le Christ ressuscité et élevé à la droite du Père. Un grand mystère s’accomplit en lui. Vu du dehors, le croyant est un homme comme les autres, promis à la mort. Dans la foi, cependant, il se sait lié au Christ vainqueur et il attend la manifestation du Christ qui doit être aussi sa propre manifestation. (Phaneroô » ne signifie pas seulement : apparaître, mais aussi et surtout : manifester, révéler, faire connaître ce qui était ignoré. La parousie révélera toute, vérité et la vérité personnelle du fidèle qui, pour le moment, est dans la situation d’un mortel menacé par les passions terrestres.

Ainsi prend-il conscience de ce que sa vraie vie n’est pas faite de ses actes et jugements présents, mais cachée (kekruptai ) avec le Christ, en Dieu. Cachée ne veut pas dire absente, mais hors de la portée des regards, dans le «ciel » où le Christ règne et s’apprête à juger (la station à la droite de Dieu est aussi la situation du Jugement). Ce qui est caché sera un jour manifesté.

https://www.persee.fr/doc/ether_0014-2239_1955_num_30_4_2128
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MessageSujet: Re: La parousia   La parousia - Page 2 Icon_minitimeJeu 23 Mai 2024, 12:05

Voir ici.

Bien que les "deutéropauliniennes" (Colossiens-Ephésiens) n'emploient pas le mot parousia -- l'événement eschatologique n'est plus que "manifestation", phaneroô etc. -- elles auraient plutôt tendance à inverser le sens de la "présence" présente, si l'on peut dire: c'est moins le Christ, Dieu ou l'esprit présent(s) en nous que nous en lui... Au passage on retrouve une coïncidence remarquable du "ciel" et du "secret / caché", avec Matthieu 6 par exemple, dans une tout autre rhétorique (le Père qui est au ciel est aussi dans le secret). Dans les deutéropauliniennes, le présent (temporel) doit plutôt être une absence ou une mort à la terre, au monde, au corps, aux membres, et une présence ou vie au ciel = secret / caché, de sorte que la "manifestation" finale (au monde, etc.) soit aussi bien la "nôtre" que celle du Christ -- Crespy (1955) peut toujours le (dé-)nier mais c'est bien la logique du texte. Cela suppose (explicitement dans les textes) que la "résurrection" du Christ soit aussi la nôtre, qu'elle soit en même temps une élévation ou ascension céleste, et qu'à la lettre elle ait déjà eu lieu (2,12 // Ephésiens 2,6) -- soit précisément l'idée que tenteront de réprimer les Pastorales (2 Timothée 2,18).

Tout cela n'est certes pas dans le goût d'une modernité qui se veut "réaliste" et "immanente", sans "transcendance", malgré l'absurdité de la chose (s'il n'y a pas de "transcendance", il n'y a pas d'"immanence" non plus) et la compensation qu'elle appelle en termes de "fiction"; mais le fait est que ce "christianisme"-là se pense bien comme un "être ailleurs" (à la lettre latine, un alibi) -- ce sera aussi le cas, entre autres, du néo-platonisme,  cf. Plotin qui représente spatialement l'Un "au-delà de l'être", epekeina tès ousias selon la formule de Platon pour le Bien, comme un "là-bas", ekei... Fuite, escapism comme dit l'anglais, paradoxalement on n'y échappe pas. "Fuir, là-bas fuir", disait Mallarmé ("La chair est triste, hélas !"), même si "là-bas" n'est pas forcément "là-haut". Comme on le remarquait ailleurs, c'est amusant qu'un Deleuze qui répudie les "transcendances" célèbre les "lignes de fuite", alors que c'est foncièrement la même idée, la même image sinon le même "concept". -- A vrai dire, la "transcendance" est ambiguë, étymologiquement aussi: scando (d'où -scens- etc.) indique un mouvement vertical, ascension, descente, mais trans- un mouvement horizontal, au-delà, plus loin, comme ekei, epekeina, über, jenseits, over, beyond -- ce qui rappelle que la "Pâque" en hébreu (psh-pessah) évoque moins un "passage" qu'un "saut", par-dessus et plus loin: comme l'ange de la mort sautant (par-dessus) les maisons marquées du sang, comme la danse-claudication des prophètes de Baal décrite par le même verbe dans les Rois. Comme quand on "saute" une case ou un élément dans une série (en anglais skip).
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