Daniel chapitre 11

Corollaire négatif de ce que je disais plus haut de l'avenir paradoxal de la "vraie fausse prophétie" (<=> prédiction effective mais ratée, donc à nouveau et indéfiniment disponible pour la réinterprétation en vue d'un accomplissement ultérieur): ramené à son sens original, ou du moins contextuel, par l'exégèse (critique) moderne, le texte ne présente plus aucun intérêt religieux immédiat, ce qui s'avère extrêmement décevant pour le lecteur moyen de la Bible -- non seulement le fondamentaliste chrétien n'y trouvera plus rien qui concerne une eschatologie future, il n'y retrouvera même plus son "Christ" (la déposition et le martyre d'Onias III, qu'il lui faudra lire en 9,26s comme en 11,22, lui paraîtra une bien maigre consolation); il pourra à la rigueur en tirer un soulagement philosophique, si du moins il est sensible aux apories logiques d'une "histoire-écrite-à-l'avance" (cf. supra 10.3.2020), mais un tel soulagement le ramènera aussitôt à l'angoisse commune d'une histoire ouverte, béante, à n'importe quoi et écrite nulle part. Ce qui peut être aussi une "expérience religieuse", mais frustrante et humiliante, et dépend encore de l'illusion préalable. Hors de cela, reste l'intérêt purement "historique" et "littéraire" du texte, ou l'occasion d'une méditation très générale sur les grandeurs et les misères de la "religion", où l'on se doute que le point de vue d'Antiochos ou des Juifs pro-hellénistes ne serait pas moins intéressant que celui des "fidèles" selon Daniel ou les Maccabées (qui ne sont d'ailleurs pas exactement les mêmes).

Citation :

il pourra à la rigueur en tirer un soulagement philosophique, si du moins il est sensible aux apories logiques d'une "histoire-écrite-à-l'avance" (cf. supra 10.3.2020), mais un tel soulagement le ramènera aussitôt à l'angoisse commune d'une histoire ouverte, béante, à n'importe quoi et écrite nulle part. Ce qui peut être aussi une "expérience religieuse", mais frustrante et humiliante, et dépend encore de l'illusion préalable. Hors de cela, reste l'intérêt purement "historique" et "littéraire" du texte, ou l'occasion d'une méditation très générale sur les grandeurs et les misères de la "religion", où l'on se doute que le point de vue d'Antiochos ou des Juifs pro-hellénistes ne serait pas moins intéressant que celui des "fidèles" selon Daniel ou les Maccabées (qui ne sont d'ailleurs pas exactement les mêmes).

La grande majorité des croyants investis dans leur religion, ne trouverons aucun intérêt et aucune consolation à une "méditation très générale sur les grandeurs et les misères de la "religion", les croyants recherchent l'exaltation qui résulte de la conviction de vivre une époque choisie et vibrent à l'idée qu'ils seraient les objets de l'attention spéciale de Dieu. Une foi ordinaire et qui se vit au quotidien, sans sentiment d'urgence et sans rien d'autre à attendre que sa propre mort. Combien d'adeptes resteraient TdJ, si la Watch supprimait ses interprétations farfelues ?



Les TdJ constituent une religion connue mais insignifiantes au niveau mondial mais la Watch pense qu'elle joue un rôle dans les évènements mondiaux :

 

Citation :

 Pour comprendre la prophétie de Daniel chapitre 11, nous devons garder à l’esprit qu’elle parle uniquement de dirigeants et de gouvernements qui ont eu une influence déterminante sur la vie des serviteurs de Dieu. Même si les adorateurs de Jéhovah ne constituent qu’une petite partie de la population humaine, ils sont souvent directement concernés par des évènements mondiaux très importants. Pourquoi ? Parce que l’objectif principal de Satan et de son monde est de ‘vaincre’, ou d’éliminer, ceux qui servent Jéhovah et Jésus (lire Genèse 3:15 et Révélation 11:7 ; 12:17). Rappelons également que la prophétie de Daniel doit être interprétée en accord avec d’autres prophéties bibliques. En fait, nous ne pouvons la comprendre comme il faut que si nous la comparons avec d’autres passages de la Bible.
https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/revues/tour-de-garde-etude-mai-2020/Le-roi-du-Nord-au-temps-de-la-fin/

C'est bien pour ça que sur ce genre de texte la Watch peut raconter tout ce qu'elle veut, parce qu'elle n'a pas de concurrence effective: l'exégèse "sérieuse", dépourvue d'intérêt religieux, ne lui fait pas d'ombre, et pas davantage les autres interprétations "fondamentalistes" ou "sectaires", qui sont aussi farfelues que les siennes (curieusement, l'adepte habitué à gober sans discuter toutes les explications de son milieu retrouve instantanément son esprit critique devant une explication extérieure).

En rapport à ta question ("rhétorique", comme on dit), je doute qu'aucune variation dans ce domaine puisse entraîner de chute importante des effectifs: contrairement à la situation des années 1970, la grande majorité de ceux qui sont restés TdJ jusqu'à maintenant le restent et le resteront en fonction d'une habitude et d'une intégration familiale et sociale sur lesquelles l'enseignement de la Watch n'a quasiment plus aucun effet, ni positif ni négatif.

Soit dit en passant, l'illusion perspectiviste, comme dirait Nietzsche -- celui qui raconte l'histoire ou décrit la situation se place naturellement au centre -- vaut tout autant pour le livre de Daniel lui-même: quatre siècles d'histoire "mondiale" (néo-babylonienne, perse, hellénistique) censés déboucher sur une vraie "fin du monde" (la résurrection générale et le jugement dernier) y sont résumés, jugés, appréciés, d'un seul point de vue qu'on pourrait trouver (d'un autre point de vue !) ridiculement étroit: non seulement juif et judéen, mais d'une seule génération et d'un seul "parti" (anti-hellénistique et/ou anti-syrien, mais pas vraiment pro-maccabéen pour autant) dans cette génération. Si le "sectarisme" de tout temps se retrouve si bien dans Daniel ou dans l'Apocalypse, dans une moindre mesure dans le livre d'Ezéchiel et d'autres Prophètes, quitte à les réinterpréter de fond en comble, c'est que ce sont aussi, à divers degrés, des textes "sectaires", produits d'un "point de vue" extrêmement situé et limité sur le "monde" et l'"histoire" de leurs temps respectifs.

Citation :

Soit dit en passant, l'illusion perspectiviste, comme dirait Nietzsche -- celui qui raconte l'histoire ou décrit la situation se place naturellement au centre -- vaut tout autant pour le livre de Daniel lui-même: quatre siècles d'histoire "mondiale" (néo-babylonienne, perse, hellénistique) censés déboucher sur une vraie "fin du monde" (la résurrection générale et le jugement dernier) y sont résumés, jugés, appréciés, d'un seul point de vue qu'on pourrait trouver (d'un autre point de vue !) ridiculement étroit: non seulement juif et judéen, mais d'une seule génération et d'un seul "parti" (anti-hellénistique et/ou anti-syrien, mais pas vraiment pro-maccabéen pour autant) dans cette génération. Si le "sectarisme" de tout temps se retrouve si bien dans Daniel ou dans l'Apocalypse, dans une moindre mesure dans le livre d'Ezéchiel et d'autres Prophètes, quitte à les réinterpréter de fond en comble, c'est que ce sont aussi, à divers degrés, des textes "sectaires", produits d'un "point de vue" extrêmement situé et limité sur le "monde" et l'"histoire" de leurs temps respectifs.

Réflexion très pertinente et qui souligne le ridicule de la Watch, qui, des siècles après la rédaction du livre de Daniel et dans un contexte totalement différent, tente de se placer au centre du jeu :

 Daniel 11:41 a prédit que le roi du Nord pénétrerait dans le « pays de la Parure ». De quel pays s’agit-​il ? Autrefois, Israël était considéré comme « le plus beau de tous les pays » (Ézéch. 20:6). Mais s’il était considéré ainsi, c’est parce que le vrai culte y était pratiqué. Depuis la Pentecôte 33 de notre ère, le « pays de la Parure » n’est plus un lieu géographique. C’est impossible qu’il le soit puisque les serviteurs de Jéhovah vivent un peu partout sur la terre. Aujourd’hui, le « pays de la Parure » est le domaine d’activité des adorateurs de Dieu ; ce domaine comprend le culte qu’ils lui rendent aux réunions et par leur prédication. https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/revues/tour-de-garde-etude-mai-2020/Qui-est-le-roi-du-Nord-aujourdhui/

Le texte ne s'analyse pas à partir de son contenu, de son sens et des termes employés mais en fonction de l'histoire de la situation de la Watch. Ainsi le « pays de la Parure » n’est plus un lieu géographique, comme son sens l'indique mais un "domaine d’activité", argument totalement gratuit, arbitraire et qui n'a plus rien à voir avec le texte.

Corollaire paradoxal (réciproque ou contraposée): ce sont précisément les interprétations eschatologiques et sectaires, si arbitraires, farfelues, contradictoires et anachroniques soient-elles, qui sont aussi les plus proches de "l'esprit" de ces textes. Alors que le point de vue de la critique "scientifique", historique et littéraire, qui les analyse "objectivement" en les replaçant dans leur contexte original en est, au contraire, très éloigné.

Argument évidemment difficile à manier: mieux vaut continuer de faire parler ces textes en leur faisant dire n'importe quoi d'un siècle et d'un millénaire à l'autre, plutôt que d'y renoncer et de les condamner à un passé révolu et à un échec définitif, voilà ce qui ne peut pas se dire trop franchement; mais la Watch n'en est pas loin quand elle présente ses propres scénarios eschatologiques successifs comme des signes de "vigilance".

https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/videos/#fr/mediaitems/StudioFeatured/pub-jwb-080_1_VIDEO

Voir de la minute 6,20 jusqu'à la minute 19.

Dommage qu'on ne puisse pas accélérer la vitesse de lecture...

Evidemment l'histoire des TdJ russes n'a rien de drôle, mais rien d'original non plus -- la médiatisation récente de l'affaire Navalny la met en perspective, y compris aux yeux des TdJ occidentaux.

Quant à l'utilisation des textes bibliques en général et de Daniel 11 en particulier, tout a été dit: la circularité du raisonnement est visible de tous, mais il peut continuer de fonctionner indéfiniment, et plutôt mieux que d'autres, parce que le texte "central" est relativement obscur (du fait du style "apocalyptique" et des références historiques, qui demandent des explications "extra-bibliques", lesquelles peuvent être remplacées par n'importe quoi pour un public qui les ignore). Le grand mystère, comme toujours, c'est la "conscience" des orateurs et des rédacteurs, que doit bien effleurer de temps à autre un sentiment vertigineux de malhonnêteté intellectuelle. D'autant que ses effets ne sont pas qu'"intellectuels" (et là je ne pense pas seulement aux Russes, mais aussi à ces jeunes TdJ de partout qu'on encourage toujours à la précarité sous prétexte d'eschatologie à la con, et qui le paieront encore cinquante ans plus tard: cf. la suite de la vidéo).

P.S. J'ai laissé la vidéo courir jusqu'à la fin sans la regarder, mais le dernier clip musical m'a rappelé à l'image, qui mérite à mon avis d'être vue: la nouvelle "persécution russe" est quand même pour la Watch une occasion inespérée de réintroduire un peu d'émotion dans un machin qui en manquait depuis longtemps, et elle l'utilise sans aucun scrupule, en ne faisant rien pour arrondir les angles en Russie. Le policier converti par la honte de sa mission est une excellente histoire pour faire pleurer dans les chaumières, mais ça ne peut que confirmer aux yeux de l'Etat russe, sinon le danger des TdJ auquel il ne croit pas lui-même, du moins leur collusion de fait avec un jugement "occidental" de sa politique. Accessoirement, il viendra peut-être à l'esprit de quelques TdJ que les anges et/ou oints exécuteurs d'Harmaguédon auraient, en pire, les mêmes raisons de déserter...

LE MÉPRISÉ SE LÈVE ’

7 L’ange poursuivit la prophétie en ces termes : “ Dans sa position [celle d’Auguste] doit se lever quelqu’un de méprisable, et à coup sûr on ne mettra pas sur lui la dignité du royaume ; oui, il viendra en un temps où l’on vivra sans souci et s’emparera du royaume au moyen d’une douceur feinte. Pour ce qui est des bras de l’inondation, ils seront inondés à cause de lui, et ils seront brisés ; comme le sera également le Guide de l’alliance. ” — Daniel 11:21, 22.

8 Ce “ quelqu’un de méprisable ” fut Tibère César, le fils de Livie, la troisième femme d’Auguste (voir “ L’un honoré, l’autre méprisé ”, page 248). Auguste détestait ce beau-fils à cause de ses mauvais traits de caractère et il ne voulait pas qu’il soit le César suivant. “ La dignité du royaume ” ne lui fut accordée, à contrecœur, qu’une fois que tous les autres successeurs possibles furent morts. Auguste adopta Tibère en 4 de notre ère et l’établit héritier du trône. Après la mort d’Auguste, Tibère, le méprisé, âgé de 54 ans, ‘ se leva ’ en ce sens qu’il se mit à exercer le pouvoir, devenant l’empereur romain et le roi du Nord.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999034


Naissance de la Bible - La réécriture de l’histoire et la fin de l’histoire : Esdras-Néhémie, Chroniques, Daniel - Thomas Römer - COLLEGE DE FRANCE.

Daniel 11 :

Les Ptoléméens (rois du Sud) et les Séleucides (rois du Nord) : « v.5-20 : 5 Le roi du sud deviendra fort. Mais un de ses princes sera plus fort que lui et dominera ; sa domination sera puissante. 6 Au bout de quelques années ils deviendront alliés, et la fille du roi du sud viendra vers le roi du nord pour établir la concorde … 11 Le roi du Sud se mettra en rage. Il sortira pour combattre contre lui, contre le roi du Nord … » jusqu’à Antiochos III (v.10-19) et Séleucos IV (v.20)

Antiochos IV Épiphane : « 21 Un homme méprisable se dressera à sa place, sans être investi de la dignité royale … 31 Des forces venues de sa part prendront position ; elles profaneront le sanctuaire, la forteresse, feront cesser le sacrifice perpétuel et placeront l’abomination dévastatrice … 35 Parmi les gens réfléchis, il en est qui tomberont, afin d’être affinés, purifiés et blanchis jusqu’au temps de la fin… »

À partir de 11,40 la récapitulation de l’histoire cesse. On arrive au « vrai » temps de l’auteur. Le règne de Antiochos IV est compris comme annonçant un combat final, le temps de la Fin, dans lequel interviendra l’ange Micaël.

https://www.college-de-france.fr/media/thomas-romer/UPL3295434454613471944_Naissance_III_8_Reecriture_de_l_histoire.pdf

Römer toujours intéressant, même quand il faut "relier les points" (connect the dots) du PowerPoint télégraphique...

Le livre de Daniel, en tant que "prophétie ratée" (dans la mesure où pour lui la crise maccabéenne aurait dû déboucher sur "le règne de Dieu" et non sur celui, historique, politique et critiquable à de nombreux points de vue, des hasmonéens; autrement dit sur une "fin" et non une "suite" de l'"histoire") et néanmoins "(pré-)canonisée", reçue comme divine et sacrée par plusieurs milieux juifs par ailleurs opposés les uns aux autres (p. ex. Qoumrân ou les pharisiens), était d'emblée ouvert à la réinterprétation tous azimuts (comme le montrent aussi bien les conclusions chronologiques successives de son texte hébreu et araméen, délais supplémentaires pour une eschatologie en souffrance, que les additions narratives et moralisantes des textes grecs). La "bête noire" pouvait glisser d'Antiochos à n'importe quel personnage de l'empire dominant, sa position passant tout naturellement de la Syrie ou de l'Egypte hellénistiques à Rome dès que celle-ci eut pris le pouvoir sur la Judée. La référence à l'"abomination de la désolation" dans Marc et Matthieu (quoique pas exactement sous la même forme), même si ce n'était qu'un exemple parmi beaucoup d'autres dans une longue série de réinterprétations de Daniel, allait acquérir un statut "canonique" pour les chrétiens: il deviendrait évident que "Daniel" avait parlé de "Rome", et ainsi la prophétie ratée redevenait vraie prophétie, qu'on pourrait à nouveau réinterpréter à d'autres époques.

Sur l'"abomination de la désolation", voir surtout le paragraphe 15 et les notes correspondantes (40ss) -- le reste de l'article, comparaison détaillée du lexique de 2 Maccabées à celui du théâtre grec classique, est assez éloigné du sujet de ce fil... Ce qu'on peut retenir c'est que cette expression, énigmatique en soi, devient vite une formule stéréotypée (quoique variable dans le détail, p. ex. entre le neutre et le masculin dans Marc et Matthieu et selon les manuscrits de référence: chose ou personne abominable, désolation-dévastation ou désolateur-dévastateur, ça ne tient qu'à l'accord du participe) susceptible de s'appliquer à n'importe quel événement tout en lui conférant le caractère hyperbolique, eschatologique et apocalyptique de faute (affront, offense, transgression, provocation, sacrilège, etc.) suprême, culminante, ultime, paroxystique, le "comble" assuré de déclencher enfin le jugement divin... jusqu'à la prochaine fois, puisque ledit jugement n'arrive jamais, du moins jamais de façon aussi absolue et définitive qu'on l'attend, et qu'il faudra donc encore chercher et trouver une "abomination" plus "abominable" que les précédentes.

Pour rappel, mais on ne le rappellera jamais assez, les lectures disponibles (Daniel, Maccabées, Josèphe) de la politique judéenne d'Antiochos sont toutes tendancieuses, biaisées, partisanes: non seulement "judéennes" ou "juives" mais celles d'un parti juif qui a discrédité (comme traîtres, renégats, etc.) tous les autres, pourtant aussi juifs que lui, avant de se déchirer lui-même en partis concurrents... Antiochos n'était certainement ni assez bête ni assez fou (malgré le sobriquet d'Epimane pour Epiphane) pour "interdire le judaïsme" en Judée: il ne s'agissait vraisemblablement que d'intégrer ledit judaïsme dans un hellénisme interethnique, quasiment mondialisé, d'où, par exemple, la "traductibilité" de Yahvé en Baal-Shamem (Seigneur des cieux syro-phénicien, déformé péjorativement en "désolation" ou "dévastation" par quasi-homonymie) et en Zeus Olympien (ce qui, du point de vue de l'histoire comparative des religions, ne manquait pas de pertinence, car ces dieux avaient bien des traits communs)... Certains Judéens ou Juifs de la diaspora pouvaient accepter une telle perspective avec enthousiasme, convaincus de servir ainsi leur dieu, leur culte et leur culture en les ouvrant largement aux autres, alors que d'autres la rejetaient comme une "abomination" -- sans préjudice des autres causes non religieuses du conflit, politiques et économiques, pour des responsables judéens balançant entre la domination de la Syrie, de l'Egypte et désormais de Rome. Une des ironies de l'histoire étant que ce sont précisément les Maccabées qui ont choisi contre la Syrie l'alliance avec Rome, préparant les "abominations" à venir en luttant contre celle qui les occupait.

Les réinterprétations inévitables de la "prophétie-ratée-mais-canonisée" retombent tout aussi inévitablement dans les aberrations logiques du dispositif pseudépigraphique originel -- pour ceux qui prennent ce dispositif au pied de la lettre, ce n'est évidemment pas une rechute: un Daniel situé à l'époque néo-babylonienne ou perse qui pouvait prédire un Antiochos quatre siècles à l'avance pouvait aussi bien prédire un Tibère, un Pilate, un Titus, un Hitler, un Saddam ou un Poutine selon les besoins des lectures. Là où ça se corse c'est quand ceux qui imaginent de telles prédictions se posent en même temps en adversaires de la prédestination et défenseurs du "libre-arbitre" (c'est le cas des TdJ mais aussi de nombreux "évangéliques", plus ou moins "arminiens"): où serait la "liberté" des "méchants" dont la vie est scénarisée, voire storyboardée, des siècles ou des millénaires à l'avance (de façon paradoxalement plus détaillée que celle des "justes" ou des "élus") ?

"L’heure venue, il reviendra contre le Midi, mais il n’en sera pas de la fin comme du début. 30Des navires de Kittim viendront contre lui, et il sera découragé. De nouveau, il s’emportera et agira contre l’Alliance sainte ; de nouveau il sera d’intelligence avec ceux qui abandonnent l’Alliance sainte." (Daniel 11, 29-30).

Cette première expédition (11,25) dirigée par Antiochus contre l’Égypte (Ptolémée VI) sera suivie d’une seconde, l’année suivante (168 av. J.
-C.) : « Vers ce temps-là, Antiochus se mit à préparer sa seconde attaque contre l’Égypte. » II Maccabées V, 1

Cette seconde campagne est un succès. Antiochus Épiphane envahit l’Égypte , mais l’intervention de Rome, en la personne du général Caïus
Popilius Laenas, ne lui permet pas de l’annexer.

Kittim désigne ordinairement Chypre mais, ici, comme dans manuscrits de Qumrân , il s’agit des Romains. Furieux de son échec, Antiochus s’en retourne contre “l’Alliance Sainte” , c’est à dire “ La Loi” (I Maccabées I, 63) – qu’il va interdire et bafouer – et, par voie de conséquence, contre les enfants d’Israël. (La version des Septante, traduction grecque de la Bible (IIe siècle av. J.-C. pour ce livre) et la Vulgate, traduction latine (IVe siècle apr. J.-C.), rendent ici l’hébreu Kittim par “Romains”).

Thierry MURCIA

Un autre extrait :

1. L’identification de Rome avec Ésaü – Édom : un autre cas de syngeneia mythique ?

22Rome commence à apparaître dans les sources juives d’époque hellénistique à la suite du conflit maccabéen. Le Premier Livre des Maccabées rapporte des échanges diplomatiques entre la dynastie hasmonéenne et les Romains, désignés dans la traduction grecque par le terme Rômaioi35, tandis que le Livre de Daniel, le Rouleau de la Guerre et certains pesharim de Qumrân utilisent le terme hébraïque Kittim, qui à l’origine renvoyait aux Grecs, descendants de Japhet (Gn 10, 4), et dans certains cas, plus spécifiquement, aux Séleucides36. Ce lien entre Romains et Grecs est logique, puisque les Romains sont des “Occidentaux” relevant globalement du territoire de Japhet. La perception originelle des Romains par les Juifs n’implique par conséquent aucune parenté entre les deux peuples, sauf à remonter à Noé, père de l’humanité postdiluvienne dans son ensemble.


https://journals.openedition.org/rhr/8552

A toutes fins utiles, le texte de Murcia est là, page 41s (il faut aller chercher les notes à la fin du chapitre, p. 45; on en avait vu une autre mouture ici); en Daniel 11,30 Théodotion corrige le Rômaioi de l'ancienne version grecque (Septante si l'on veut, bien que Daniel soit postérieur au cadre de la légende d'Aristée) en Kitioi (transcription normale de Kittim = Chypre), mais ici il ne fait guère de doute que Rome est visée, et dans un sens très favorable à ce stade puisqu'elle fait obstacle à Antiochos qui est le grand méchant; l'identification est d'ailleurs facilitée parce que l'intervention romaine et le repli séleucide en Egypte concernent aussi Chypre.

Le second article est très instructif, surtout sur la désignation fréquente de Rome en "Edom" dans les textes rabbiniques, mais il concerne moins Daniel (la seule mention d'Edom parmi d'autres au v. 41 semble assez stéréotypée, pour les voisins hostiles ou "frères ennemis" d'Israël). Si l'on veut se faire une idée des (bonnes) relations des Maccabées et des hasmonéens avec Rome (et Sparte), le mieux est encore de lire 1 Maccabées, notamment les chapitres 8, 12, 14--15. Bien sûr, après les guerres judéo-romaines (66-73, 132-135) le judaïsme, désormais essentiellement phariséo-rabbinique, ne pourra plus voir Rome d'un bon oeil et tendra à effacer les traces d'une collaboration judéo-romaine au temps des Maccabées, des hasmonéens, des Hérode ou même de Josèphe: c'est alors seulement qu'on en viendra à identifier Rome à Edom, et pas du tout dans le sens d'une "fraternité" (idée qui ne pourra venir que très tard, vers le Xe siècle, une fois éloignés les souvenirs antérieurs).

On remarquera qu’il n’y a chez Daniel aucune rupture dans la succession de ces rois. Celui qui “se lèvera à sa place” fait immédiatement suite au précédent. Pourtant, si jusqu’à Daniel 11, 19, la Watchtower est d’accord avec nous et identifie bien le dernier Roi du Nord comme étant Antiochus III, et le dernier Roi du Sud comme étant Ptolémée V, à partir de Daniel 11, 20, le Roi du Nord devient successivement, selon elle, les empereurs romains Auguste, Tibère, Aurélien, puis, non plus des personnes mais des “puissances”, à savoir : l’Empire allemand, le IIIe Reich et le bloc communiste ; tandis que le Roi du Sud devient, lui : la reine Zénobie, la Grande-Bretagne puis la puissance anglo-américaine. Sans doute, en ce XXIe siècle, ces figures et ces “entités” nous parlent-elles davantage que d'obscurs rois hellénistiques. Pour autant, il n’en est pas moins clair qu'en réalité, nous avons tout naturellement affaire ici – ainsi que Daniel prend soin de le préciser – aux successeurs immédiats d’Antiochus III et de Ptolémée V , c’est-à-dire, en l’occurrence : Séleucus IV pour le Nord, Ptolémée VI pour le Sud.


 là, note 18

N.B.: C'est à la page 36 du document et ça concerne le chapitre précédent.

Bien que Murcia ait réédité son document en 2020, il ne semble pas avoir intégré la nouvelle identification watchtowérienne du "roi du Nord" à la Russie (poutinienne, non plus communiste), après une trentaine d'années de flottement consécutives au démantèlement du bloc soviétique; identification motivée par de nouvelles persécutions des TdJ en Russie, mais antérieure à la guerre d'Ukraine me semble-t-il -- chacun voit la géopolitique à sa porte... En dehors de ce rebondissement toutefois, la perspective dominante de l'interprétation jéhoviste reste celle des années 1950 en Amérique, soit celle de F.W. Franz et de son milieu, non seulement religieux mais national: Guerre froide et monde bipolaire, où le "méchant" était tout naturellement passé du "nazi" au "communiste" dans la tête de l'Américain moyen -- elle pourrait aisément repasser aujourd'hui à un axe Russie-Chine-Iran-Syrie etc. qui n'aurait plus aucune cohérence idéologique hormis un anti-américanisme ou anti-occidentalisme. Reste que même dans l'interprétation jéhoviste de Daniel 11 apparaît le déséquilibre entre la précision chiffrée, mais aisément déchiffrable, de tout ce qui concerne le IIe siècle av. J.-C. (portion réduite pour la Watch, mais toujours très détaillée: l'abondance des références aux Maccabées pour expliquer Daniel surprend sans doute toujours autant le lecteur TdJ) et le flou qui enveloppe les siècles précédents (depuis un Daniel du VIe siècle av. J.-C.), et a fortiori les millénaires suivants ("jusqu'à nos jours"). Au point que dans ce qu'on présente comme une prophétie portant sur plus de deux millénaires et demi, on ne repérerait quasiment aucun des "événements" que l'histoire sainte ou l'histoire en général jugent importants (de Jésus-Christ aux guerres mondiales du XXe siècle), pas même les dates spécifiques de la doctrine jéhoviste (p. ex. 1914)...

La chronologie de 1 M et 2 M ainsi que l'étude des données du livre de Daniel font l'objet de la troisième partie (p. 133-188: «Chronologisches und historiographisches zur Makkabâerzeit»). 1 et 2 M donnent de la révolte maccabéenne une chronologie partiellement contradictoire. Dans le premier livre, la mort d'Antiochus IV est placée après les campagnes de Lysias et de Judas; dans le second, avant ces mêmes campagnes. L'auteur propose (p. 137) une chronologie relative où la mort d'Antiochus IV (fin été 164) suit immédiatement la campagne de Lysias (été 164) et précède la consécration du Temple (début décembre 164) ainsi que les campagnes de Judas contre les voisins (fin 164 / début 163). La présentation de 2 M 10, 10 ss n'infirme en rien cette hypothèse: la campagne de Lysias, stratège de Coélé-Syrie et de Phénicie nommé par Antiochus V, peut précéder la mort d'Antiochus IV, puisque ce dernier avait nommé son fils corégent au début de 165. Les divergences chronologiques de 1 et 2 M s'expliquent par la volonté de passer cette corégence sous silence. Le livre de Daniel ira même plus loin. Les conceptions apocalyptiques du livre dont la rédaction est à situer en 160/159 expliquent pourquoi l'auteur, bien qu'il connaisse Antiochus V et Démétrius I, les retranche de son œuvre: après l'irruption de la fin des temps, caractérisée par les bouleversements de 164, les rois humains ne jouent plus aucun rôle. L'histoire est ainsi radicalement dépréciée. En ceci, le livre de Daniel peut être considéré comme la plus ancienne réflexion théologique sur la révolte maccabéenne. Toutefois Daniel se sépare de l'inspiration des Maccabées : il ne cherche en rien à réaliser la fin des temps dans l'union du peuple dispersé; pour lui, la fin des temps est déjà réalisée. Ainsi transparaît l'accentuation assidéenne du livre de Daniel. Le «léger secours » de Dn 11, 34, allusion à la révolte de Mattathias et aux premiers succès de Judas Maccabée, est peut-être un indice d'une opposition entre Assidéens et Maccabées.

 https://www.persee.fr/docAsPDF/thlou_0080-2654_1981_num_12_4_1873_t1_0442_0000_2.pdf

Ce qu'il y avait de relativement original dans la thèse de Fischer (1980), et qui ne semble guère avoir été suivi depuis (mais je n'ai pas moi-même suivi tout cela de très près), c'est qu'elle datait "Daniel" un peu plus "bas" (= tard, récemment) que d'habitude; ce à quoi on arrive naturellement si l'on y intègre les toutes dernières rédactions, postérieures à la "victoire" relative des Maccabées en -164, et, à mon sens, postérieures aussi à la rédaction "principale". Cela revient à prêter à la totalité du livre (hébreu et araméen) une unité factice, et surtout un "point de vue" hautement invraisemblable, celui d'un "auteur" déjà installé dans l'idée d'une "eschatologie réalisée": la fin de l'histoire n'a pas eu lieu, mais on fait comme si elle avait eu lieu, en décrétant que la suite ne compte pas. On ne manque certes pas d'exemples de ce genre de pirouette herméneutique, notamment dans l'histoire de l'interprétation de Daniel et des textes inspirés par Daniel, mais en la prêtant déjà à l'"original" on rend incompréhensible ce qui aurait constitué en premier lieu une "eschatologie". Il faut bien qu'à un moment celle-ci ait été prise au sérieux, pour être tant de fois et hors contexte reprise au sérieux... Mais cela suppose de renoncer à l'"unité" absolue du livre (déjà bien entamée par les différences manifestes des premiers chapitres), de distinguer une "rédaction principale", même de la seconde partie, avant -164, des toutes dernières gloses et additions qui ont pu être postérieures (p. ex. 8,13s; 12,11ss).

Sinon, la plupart des commentateurs sont bien d'accord pour reconnaître dans les expressions en demi-teinte de 11,34s une appréciation mitigée de la révolte militaire des Maccabées, mais cette appréciation n'a pas besoin d'être postérieure à l'issue historique du conflit. Elle peut être aussi contemporaine et idéologique, estimant que la victoire eschatologique, en tant que purement divine, se passe de tout secours humain (comparer 11,45b, même `zr pour "aide" ou "secours" qu'au v. 34; 10,13 pour Mich[a]el comme seul "secours"; et l'insistance sur la pierre qui se détache "sans main" en 2,34.45, cf. 8,25).

Citation :

A toutes fins utiles, le texte de Murcia est là, page 41s (il faut aller chercher les notes à la fin du chapitre, p. 45; on en avait vu une autre mouture ici); en Daniel 11,30 Théodotion corrige le Rômaioi de l'ancienne version grecque (Septante si l'on veut, bien que Daniel soit postérieur au cadre de la légende d'Aristée) en Kitioi (transcription normale de Kittim = Chypre), mais ici il ne fait guère de doute que Rome est visée, et dans un sens très favorable à ce stade puisqu'elle fait obstacle à Antiochos qui est le grand méchant; l'identification est d'ailleurs facilitée parce que l'intervention romaine et le repli séleucide en Egypte concernent aussi Chypre.

https://etrechretien.1fr1.net/t1026p75-daniel-chapitre-11

KITTIM

On trouve la dernière mention de Kittim (sous ce nom) dans la prophétie de Daniel relative à la rivalité opposant le “ roi du Nord ” et le “ roi du Sud ”, où on apprend qu’une attaque menée par le “ roi du Nord ” est contrecarrée par “ les navires de Kittim ”. — Dn 11:30 ; voir CHYPRE.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1200002638

On notera la "sobriété" dont fait preuve ce fameux dictionnaire pour définir "Kittim" en Daniel 11, il se contente de décrit les actions du texte, sans se risquer à une interprétation et on comprend pourquoi en lisant la ce qui suit :


12 “ Malgré l’importance et la force des Alliés, dit une encyclopédie (The World Book Encyclopedia), l’Allemagne semblait près de gagner la guerre. ” Dans les précédents conflits entre les deux rois, l’Empire romain (le roi du Nord) avait systématiquement été victorieux. Mais cette fois, ‘ il n’en a pas été comme au début ’. Le roi du Nord a perdu la guerre. L’ange en donna les raisons dans ces paroles : “ Oui, les navires de Kittim viendront contre lui et à coup sûr il se découragera. ” (Daniel 11:30a). Qu’étaient “ les navires de Kittim ” ?

13 À l’époque de Daniel, Kittim était Chypre. Cette île a été annexée par la Grande-Bretagne au début de la Première Guerre mondiale. On lit, en outre, dans un ouvrage spécialisé (The Zondervan Pictorial Encyclopedia of the Bible) que ce nom de Kittim “ inclut, par extension, l’ensemble de l’O[ccident], et tout spécialement l’O[ccident] maritime ”. La Bible en français courant rend l’expression “ les navires de Kittim ” par “ des gens de l’ouest, arrivant par bateaux ”. Durant la Première Guerre mondiale, les navires de Kittim ont été principalement ceux de la Grande-Bretagne, qui mouillaient au large des côtes occidentales de l’Europe.

14 Alors que la guerre s’éternisait, la flotte britannique a reçu d’autres navires de Kittim en renfort. Le 7 mai 1915, le sous-marin allemand U-20 a coulé le Lusitania, un paquebot civil, au large de la côte sud de l’Irlande. Parmi les morts se trouvaient 128 Américains. Par la suite, l’Allemagne a étendu la guerre sous-marine à l’Atlantique, ce qui a amené, le 6 avril 1917, le président des États-Unis Woodrow Wilson à déclarer la guerre à l’Allemagne. Fort des troupes et des bateaux de guerre américains, le roi du Sud (alors la Puissance mondiale anglo-américaine) était engagé dans une guerre à outrance avec l’autre roi, son rival.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999035

Je ne sais passi mot "délire" convient à cette interprétation, totalement déconnectée du contexte historique du livre de Daniel. 

D'un autre côté, il est assez logique qu'une interprétation sectaire américaine ("états-unienne") du XXe siècle soit "américano-centrée", l'Angleterre servant de relais historique entre l'Antiquité gréco-romaine (donc européenne) et l'Amérique (du Nord). Normalement cela devrait choquer davantage les TdJ européens qu'américains, mais ce n'est vrai que chez les "intellectuels" et au prix d'une certaine ironie qui ne peut fonctionner qu'en circuit fermé -- ce que j'ai découvert au Béthel de France, notamment chez les traducteurs, rédacteurs, et quelques autres, qui prenaient ce genre d'interprétation tongue in cheek ou with a pinch of salt: avec une certaine distanciation.

Je me disais aussi (à propos d'une discussion récente sur Daniel 7, mais ça vaut ici aussi) que le livre de Daniel, tout au moins dans sa seconde partie (7--12), reste frustrant pour le lecteur "bibliciste", qu'il soit "évangélique", "fondamentaliste" ou "sectaire". Parce que contrairement au dogme protestant qui veut que "la Bible" soit "claire" et s'explique d'elle-même (scriptura sui ipsius interpres), on n'y comprend strictement rien sans une interprétation extérieure, qu'elle soit scientifique et historique ou traditionnelle, sectaire, voire délirante. Le lecteur non prévenu ne peut pas se débrouiller tout seul avec les textes, il doit de toute façon faire confiance, au "professeur" ou au "gourou"; et le grand avantage de celui-ci sur celui-là c'est qu'il peut proposer une interprétation signifiante pour le lecteur, qui concerne son avenir et non un passé dépassé. Encore perd-il cet avantage avec le temps, comme pour la Watch dont les interprétations vieillissent inexorablement -- en ce qui concerne le chapitre 11 il y a bien eu une mise à jour récente, identifiant le "roi du Nord" à la Russie post-communiste pour sa persécution des TdJ, mais même cela paraît très vite dérisoire aux TdJ qui suivent comme tout le monde l'"actualité internationale".

Désacralisation du second Temple de Jérusalem et
abolition du culte judaïque par Antiochos Épiphane en
168-67 av. J.-C. : conséquences et réactions. Une lecture
de Flavius Josèphe.

Une quantité importante de manuscrits et de fragments trouvés sur le site de Qumran entre 1947 et 1956, les manuscrits de la mer Morte, apporta une contribution substantielle pour les domaines littéraires, historiques et religieux. L’analyse de ces écrits a permis d’établir qu’ils furent rédigés entre le IIe av. J.-C. et le milieu du 1er siècle de notre ère. Deux fragments de rouleaux parmi les 15 000 trouvés dans la grotte 4 concernent plus précisément l’objet de cette recherche. Le premier, étiqueté 4Q248 et intitulé Acts of a Greek King, nous offre une description précise des faits historiques de la période 170 - 168 av. J.-C. en exposant d’une manière apocalyptique le rôle d’Antiochos Épiphane; il ne reste qu’un fragment de neuf lignes de cet écrit qui ressemble de près au texte de Dn 11, 21-4518. Quant au second, le 4Q556, il est très fragmentaire et pourrait être associé à la persécution juive par Antiochos et à la révolte des Maccabées.


https://corpus.ulaval.ca/server/api/core/bitstreams/33bfa1d3-de34-48b3-8963-834e604c9ee1/content

Pouce. 1 (Les racines de la révolte hasmonéenne : le règne d'Antiochus IV) Eshel présente trois textes de Qumrân qui éclairent les racines du Révolte hasmonéenne, ainsi que règne d'Antiochus IV Epiphane. Avant le Des manuscrits de la Mer Morte ont été découverts. Les seuls textes faisant référence à ces événements étaient les suivants : 1 Macc 1 ; 2 Mac 3-7 ; Dan 7-12 ; Josèphe, J.W. 1,31-35 ; Josèphe, Ant. 12.237-64. En conséquence, toute nouvelle source historique qui pourrait améliorer notre compréhension de ces événements revêt une importance particulière (p. 13). Le premier de ces textes est un fragment de parchemin, intitulé 4Q248, qui a été découvert dans la grotte 4. Ce fragment était apparemment un vestige d'un ouvrage apocalyptique qui offre une description précise des événements historiques de au début des années soixante du IIe siècle avant notre ère. (170-168 avant notre ère) (p. 14). Ce Broshi et Esther Eshel pensent que ce fragment est « un vestige d’un composition semblable au ch. 11 dans le livre biblique de Daniel » (p. 15). Ce fragment indique qu'Antiochus IV est venu à Jérusalem entre ses deux campagnes d'Egypte. De plus, la vente de terrains en Egypte est une nouvelle détail, qui aide à comprendre un verset obscur du livre de Daniel et indique qu'Antiochus a également vendu des terres en Judée (p. 18). Eshel note en outre qu'il est possible de dater la composition du fragment peu avant la Le livre de Daniel a été achevé dans sa forme définitive. Le deuxième texte présenté est les premières lignes du War Scroll qui est interprété comme un Midrash sur le prophétie non réalisée trouvée dans Dan 11 : 41-45. Dimant, citant Flusser, suggère
que ces lignes font référence aux deux campagnes militaires d'Antiochus IV en Egypte.



https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/EJC163476

Merci pour ces textes intéressants -- la traduction automatique du second est assez confuse, mais le lien renvoie à l'original.

Les textes de Qoumrân ne sont pas plus "historiquement fiables" que les autres (Daniel, 1 et 2 Maccabées, Josèphe): 1) idéologiquement ils sont tout aussi tendancieux ou, comme on dit, "biaisés", même s'ils offrent à cet égard d'autres "angles" ou perspectives politico-religieuses que Daniel, les Maccabées ou Josèphe; le point de vue du pouvoir séleucide et de ses partisans judéens reste "aveugle", non documenté; 2) s'ils sont (ça reste une hypothèse) à peu près aussi proches chronologiquement des événements que Daniel (plus que les Maccabées et a fortiori que Josèphe), ils présentent au moins autant de difficultés d'interprétation et, surtout 3), des problèmes considérables d'établissement d'un texte archi-fragmentaire, qui relève de la devinette. En l'occurrence, 4Q248 c'est ça, dix morceaux de lignes. Les premiers chercheurs qui déchiffrent et interprètent ce genre de texte (Broshi & Eshel pour 4Q248), en conjecturant ses lacunes, ont naturellement tendance à en survaloriser l'intérêt (historique, exégétique, théologique selon le cas), et les études subséquentes font souvent retomber l'enthousiasme. Cf. p. ex. Schwartz ici (anglais, partiel ou payant !) et là (en anglais et avec des transcriptions de l'hébreu illisibles, mais l'ensemble est quand même compréhensible). Ou encore ceci (anglais, partiel) ou cela (anglais toujours, mais complet).

En tout cas les enjeux exégétiques concernant Daniel semblent assez faibles: au mieux on aurait un écho de deux visites (supposées) d'Antiochos à Jérusalem, comme chez Josèphe (les deux livres des Maccabées en mentionnent chacun une, datée différemment mais avec des événements similaires). L'affaire de la vente de terre(s) pourrait être rapportée au v. 39 (mais dans 4Q248, c'est la "poussière d'Egypte" qui serait vendue).