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| allongement de l'espérance | |
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Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mar 13 Aoû 2019, 16:54 | |
| Merci Narkissos pour ta réponse. Que penses-tu de la formule "temps opportuns" que l'on retrouve en 1 Tim 6, 14-15 ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mar 13 Aoû 2019, 17:15 | |
| C'est une formule extrêmement banale et vague, kairois idiois, aux temps-moments propres, comme qui dirait "en son temps", "au bon moment", "le moment venu", et ainsi de suite. Idem 2,6; Tite 1,3 et, au singulier, Galates 6,9. (Pour des aspects un peu plus "originaux" du rapport du christianisme au temps, voir ici.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 14 Aoû 2019, 10:16 | |
| J'ai beaucoup apprécié cette partie de l'article que j'ai trouvé très instructive :
"Ainsi Paul s’attache-t-il déjà à montrer la nouveauté eschatologique chrétienne maintenant à l’œuvre dans la vie du croyant. L’Esprit vit en lui, et le salut est une réalité actuelle. Plus encore, dans la Seconde Lettre aux Corinthiens, l’Apôtre parle de la « transformation » chrétienne, au sens précis donné plus haut à ce mot : « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire. » (2 Co 3, 18). Le chrétien, comme Moïse autrefois et comme Jésus lors de sa Transfiguration, a lui aussi anticipé d’une certaine manière la transformation finale. L’Esprit situe déjà le croyant au sommet du Sinaï. Une telle transformation proleptique est ici d’autant plus remarquable à relever que l’Apôtre voudra exprimer peu après la réalité de la résurrection du croyant, mais justement sans utiliser le vocabulaire résurrectionnel hérité de la tradition judéo-chrétienne : dans 2 Co 5, 1-10, il n’est plus question que de « revêtir le Christ ». Paul cherche à l’évidence un vocabulaire nouveau susceptible de faire passer le message de la tradition dans la langue des Nations."
Il est surement pas anodin que 2 Cor 3,18, souligne que les croyants sont "transfigurés", nous y trouvons une allusion directe à la transfiguration du Christ. La formule «revêtir le Christ» est une autre façon de vivre la présence Christ par anticipation. Je n'avais jamais perçu cette expression de la sorte. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 14 Aoû 2019, 10:49 | |
| C'est en effet le même verbe ( meta-morphoô, proprement trans-former ou trans-figurer, d'où "métamorphose") en 2 Corinthiens 3,18 (et Romains 12,2, cf. notamment 15.1.2019) et Marc 9,2 (// Matthieu 17,2). Et c'est tout sauf un hasard puisque 2 Corinthiens 3 produit précisément une interprétation (allégorico-typologique, ou midrashique) de l'Exode, Moïse au Sinaï, et que le récit évangélique de la transfiguration rassemble aussi les motifs sinaïtiques (la montagne, la nuée, Moïse et Elie). Mais si au lecteur du NT qui a lu les évangiles avant les épîtres Paul "rappelle" le récit évangélique, il est fort peu probable qu'il y fasse "allusion" puisque, selon toute vraisemblance, il n'y a pas d'"évangile(s)" (au sens de "biographie de Jésus") quand il écrit; ce sont bien plutôt les énoncés pauliniens qui vont "inspirer" le récit synoptique auquel seule la Seconde épître (dite) de Pierre, très tardive, se référera effectivement. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 14 Aoû 2019, 11:55 | |
| "Il est impossible, en effet, que des hommes qui un jour ont reçu la lumière, ont goûté au don céleste, ont eu part à l’Esprit Saint, ont savouré la parole excellente de Dieu et les forces du monde à venir" Hé 6,4-5
J'ai également trouvé intéressant l'analyse de l'article cité ci-dessus concernant ce texte de l'épître aux hébreux 6 :
"L’eschatologie juive et judéo-chrétienne, dominée par les antithèses temporelles « monde présent » et « siècle à venir », laisse la place à l’opposition entre la terre et le ciel (He 3, 1 ; 6, 4 ; 8, 4-5 ; etc.). L’attente du temps à venir cède le pas à l’attente du ciel (cf. He 11, 16 : « C’est à une meilleure patrie qu’ils aspirent »), ce qui n’empêche pas « les forces du monde à venir » d’être déjà à l’œuvre parmi les croyants (He 6, 5). Comme l’écrit C. Spicq, en ramassant la théologie de l’Epître aux Hébreux : « Dès maintenant l’accès à Dieu est réalisé ; l’avoir tend à l’emporter sur l’espoir ou plutôt l’objet de celui-ci n’est plus tant dans l’avenir que dans l’invisible, le monde céleste supratemporel »"
Les croyants peuvent gouter d'une manière anticipé à la manifestation future du Christ (qui est peut-être déjà une réalité). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 14 Aoû 2019, 12:18 | |
| Dans l'épître aux Hébreux, comme on l'a souvent montré ici, le schéma (médio-)platonicien tend à opposer le ciel à la terre comme un "idéal" éternel, intemporel ou transtemporel, au monde des "ombres" transitoires qui est celui de l'"histoire" et des "événements" -- y compris, donc, à une "fin du monde" pour autant que celle-ci serait conçue comme un "événement historique", fût-ce le dernier; la "fin du monde", comme la mort et spécialement celle du Christ, y apparaît plutôt comme la limite et l'éventuel passage, en fait coextensifs à l'histoire ("aujourd'hui"), du monde temporel à l'éternel. Mais même là où un tel schéma n'est pas aussi apparent, ou cohérent, comme dans les deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens), on arrive par d'autres chemins à des énoncés similaires: votre vie est cachée avec le Christ en Dieu, vous êtes déjà ressuscités et assis avec lui dans les lieux célestes, etc., i.e. l'avenir eschatologique n'est plus que la manifestation (épiphanie) terrestre, ou plutôt cosmique, de ce qui est d'ores et déjà une réalité présente, céleste, spirituelle ou intérieure. De ce que ce genre de théologie présente des avantages de plus en plus évidents à mesure que le christianisme vieillit, et qu'il devienne par là dominant, il ne s'ensuit pas qu'il soit "second", "tardif" ou "plus récent": il s'inscrit au contraire dans une parfaite continuité avec tout ce qui dans le judaïsme résistait, ou restait imperméable aux innovations eschatologiques (pharisiennes entre autres): sadducéens ou "hellénistes", notamment de tradition alexandrine comme Philon (cf. Apollos ou Etienne dans la tradition proto-chrétienne, ou les premières strates de l'Evangile selon Jean ainsi qu'un certain nombre de logia synoptiques qui prennent l'eschatologie à contrepied, sans être pour autant "tardifs", e.g. Luc 17,21). |
| | | free
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 13 Jan 2021, 12:06 | |
| Un nouveau projet de construction | VidéoDans cette vidéo, il a été annoncé que les Témoins de Jéhovah prévoient de développer davantage la production de multimédias et que pour atteindre cet objectif, la production sera transférée dans un nouveau bâtiment qui va être construit à Ramapo (État de New York). Le terrain se trouve à environ trois kilomètres du siège mondial, à Warwick. L’objectif est que la construction commence en 2022 et soit terminée en décembre 2026. Au moment le plus intense du projet, environ 1 500 volontaires par jour seront nécessaires. Une vue du nouveau projet de construction à Ramapo (État de New York). Une zone pour les studios, des bureaux, des bâtiments d’habitation et un espace « accueil des visiteurs » sont prévus. https://www.jw.org/fr/actualites/jw/region/international/R%C3%A9sum%C3%A9-de-lassembl%C3%A9e-g%C3%A9n%C3%A9rale-2019/ La Watch ne semble pas fonctionner comme si la fin était pour demain ou imminente ( le dernier des derniers jours) puisqu'elle se projette en 2026 ... Bien évidemment, je comprends la nécessité de faire des projets à moyen terme mais il est difficile de concilier une insistance permanente sur l'urgence des temps et le fonctionnement d'une société d'édition et télévisuelle qui doit prévoir l'avenir. Cela me rappelle un récit de la Tour de Garde qui montre que même les dirigeants de la Watch peuvent entrevoir un report de la fin : Nathan voyait loin et faisait sans arrêt des projets en vue d’un accroissement futur. Certains jugeaient cela inopportun, car on croyait la fin du système de choses imminente. Un jour, un frère qui avait vu le planning de Nathan lui a demandé : “ Qu’est-ce que cela veut dire, frère Knorr ? Tu n’as donc pas de foi ? ” À quoi Nathan a répondu : “ J’ai foi, mais si la fin ne vient pas aussi vite que nous l’espérons, nous serons prêts. ” https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2004485
Dernière édition par free le Mer 13 Jan 2021, 19:40, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 13 Jan 2021, 12:53 | |
| C'était avant le (ou la) Covid-19... mais ça ne change pas grand-chose à la transition générale du papier au "multimédia", qui requiert un changement considérable de "matériel" et de "personnel"; au contraire, la diminution (provisoire au départ) des réunions "physiques" ("présentielles" comme on dit maintenant) ne peut qu'accélérer ce processus, ainsi que la "valse immobilière" (très lucrative au départ, de moins en moins à mesure que le fonds des grandes villes s'épuise) qui l'accompagne depuis déjà pas mal d'années. La seule continuité (provisoire elle aussi) serait pour les équipes (et surtout pour les cadres) des chantiers de construction...
Quant au mystère (aussi au sens théâtral du mot) du "croire et/ou ne pas croire à la fin (proche)", il se joue sans doute un peu différemment dans chaque tête, et ce depuis toujours ou presque, comme dans toute eschatologie doublée d'une "organisation" viable... |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mer 13 Jan 2021, 15:15 | |
| Merci Free pour cette information qui m'avait échappée. C'est comme sur la devanture des bistrots belges : Demain bière gratuite
Il suffit de ne pas enlever l'écriteau |
| | | free
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Lun 04 Oct 2021, 11:53 | |
| "Tenez-vous prêts, la ceinture aux reins et les lampes allumées. Vous aussi, soyez semblables à ces hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin de lui ouvrir sitôt qu'il arrivera et frappera. Heureux ces esclaves que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller ! Amen, je vous le dis, il se mettra à son tour en tenue de travail, il les installera à table et il viendra les servir. Qu'il arrive à la deuxième ou à la troisième veille, s'il les trouve ainsi, heureux sont-ils !" (Luc 12,35-38).
La conception lucanienne du retard de la parousie a probablement influencé la rédaction du v 38 : "Qu'il arrive à la deuxième ou à la troisième veille". Un parallèle avec marc 13,35 laisse suppose une division de la nuit sur le modèle de 4 "veilles" :
"Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de maison : le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou au matin ; craignez qu'il n'arrive à l'improviste et ne vous trouve endormis. Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez" (Marc 13,35-37).
Un aspect (un scénario assez surréaliste comme s’il était naturel) de Luc 12 sans lien avec le thème de ce fil, retient mon attention : le maître en revenant de voyage se met a servir ses serviteurs ... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Lun 04 Oct 2021, 13:01 | |
| C'est aussi une amplification de Matthieu 24,43s, assortie à un changement de contexte (comme pour une bonne partie de Marc 13//, "démembré" par Luc et réparti à plusieurs endroits du récit, aussi chap. 17 et 21; qu'on suppose ou non une "source Q" derrière Matthieu et Luc). En effet, le thème du retard est sensible, comme dans plusieurs paraboles lucaniennes (longs voyages, etc.; mais à tout prendre il y en a presque autant chez Matthieu, le maître tarde, les vierges s'endorment, et ainsi de suite).
L'image du maître qui sert les esclaves est d'autant plus remarquable qu'elle est formellement contredite en 17,7ss... |
| | | free
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mar 26 Oct 2021, 16:05 | |
| La question de l’accomplissement est à bien différencier de celle de fin du monde au sens de la fin de l’histoire. De même qu’il faut distinguer origine et commencement, il est important de ne pas confondre accomplissement et fin des temps. L’accomplissement parachève un projet, réalise la nature profonde des choses. Cette réalisation peut commencer au sein même de l’histoire du monde, sans attendre la fin des temps. C’est la vision chrétienne des choses, le « déjà-là » du Royaume à venir. Le parti pris philosophique suscité par la vision évolutive du monde est ainsi que « l’être essentiel est l’être accompli ». Autrement dit, la nature profonde de l’être ne se situe pas en amont de son histoire, comme un donné préalable à son existence mais au terme de son existence, du côté de l’avenir et non du passé, du côté de l’accomplissement et non de l’origine. D’où la pertinence d’une « métaphysique de l’avenir » ou, plus précisément encore, d’une « métaphysique de l’accomplissement » qui situerait l’essence de la réalité en avant de l’histoire et non dans le passé ou dans l’éternel présent. Ce que nous sommes vraiment, au plus intime du projet de Dieu, est ce que nous sommes appelés à être, c’est-à-dire ce que nous serons vraiment dans le Royaume à venir, où « Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 28).
https://www.researchgate.net/publication/281285852_Creation_et_fin_du_monde_Penser_theologiquement_l'accomplissement_du_cosmos
Dernière édition par free le Mer 27 Oct 2021, 10:13, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: allongement de l'espérance Mar 26 Oct 2021, 17:39 | |
| Le contact de la technoscience et de la théologie dans un vide sidéral de pensée produit décidément des choses curieuses -- mais ici rien de très original depuis Teilhard de Chardin, Tillich (qui était meilleur philosophe), Pannenberg ou Moltmann, bref toutes les récitations "progressistes" à divers titres des années 1950 aux années 1970.
Distinguer un "accomplissement" (sur le mode de l'"achèvement" ou de la "plénitude", teleioô ou plèroô) d'une "fin" (telos pourtant), pourquoi pas ? C'est après tout ce que ferait la "nature", qui ne semble pas se soucier davantage de la fin des "systèmes" ou des "relations" que des "espèces" ou des "individus". Mais alors, pourquoi privilégier une "fin" par rapport à un "commencement", et surtout un "avenir" par rapport à un "passé" (ceux-ci n'ayant de sens que par rapport à un "présent" situé, à la fois dans l'"espace" et dans le "temps", l'ici et maintenant de quelqu'un ou de quelque chose, quelque part) ? L'"accomplissement" de l'humanité (et de la divinité par la même occasion) pourrait bien être, de "notre point de vue", passé et dépassé depuis des millénaires, c'est aussi une lecture possible et plausible du "christianisme", surtout en "son" XXIe siècle... Il n'y aurait certes aucun "sens" à plaquer ce qui nous reste de l'eschatologie judéo-chrétienne sur la "fin" du système solaire ou de l'univers (pour autant qu'on puisse s'en faire une idée), mais il n'y en aurait guère plus à le projeter sur l'histoire humaine (ou transhumaine) du prochain siècle ou du prochain millénaire (le cas échéant) que sur l'agenda de la semaine prochaine. Cette eschatologie, à mon sens, ne nous est plus accessible que comme fiction po(ï)étique, dramaturgique ou cinématographique, une scène hors espace-et-temps ordinaire(s), comparable à celle des mythes antiques ou de l'éternité classique, sans préjudice de la qualité, difficilement appréciable, de la "croyance" -- comment les Anciens ont-ils cru à leurs mythes, comment le moyen-âge chrétien a-t-il cru à son éternité, comment croyons-nous à nos fictions ou à nos "idéaux", c'est peut-être trois fois la même question en dépit de toutes les différences, qui sait ? Toujours est-il que nous ne pourrions répondre, si encore nous le pouvons, qu'à la dernière: le sentiment d'"accomplissement", nous l'éprouvons (parfois) dans le cours même d'une vie, d'une aventure, d'un amour ou d'une relation, et alors c'est une "fin" qui n'empêche nullement toute sorte de "suites" mais nous les rend indifférentes. Ce genre de chose s'exprime par la poésie, le roman, le théâtre, le cinéma, un monde de "fiction" qui n'existe pas et n'est pas "réel" comme le monde ou l'histoire ordinaires, mais dit bien une "vérité" qui s'y rapporte, et qui nous importe davantage que toute "réalité".
Je repense toujours à ce sujet à l'épilogue de Casque d'or, de Jacques Becker, dont ma fille disait, quand elle voyait le film petite, qu'il "finit bien", à cause de la valse finale qui suit l'épisode de la guillotine et rappelle, tout en l'éternisant et en l'absolutisant (solitude des danseurs dans une scène vidée de tout le reste), un moment passé de l'histoire: quel est le statut de ce "final", après la fin du récit et avant le mot "fin", rêve, vision mais de qui et pour qui, fiction poétique à l'intérieur et à l'extérieur de la fiction poétique ? Le lieu sans lieu du "mythe" ou de "l'éternité", qui transcende (ici de façon fort peu "religieuse" au sens classique et pourtant profondément "religieuse") toute "histoire" à même l'"histoire". |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Ven 21 Jan 2022, 13:13 | |
| L’in-accompli messianique
Reconnaître Jésus de Nazareth comme « Messie » – « ce qui signifie le Christ » (Jn 1, 41 ; 4, 25) – est au centre de la confession de foi chrétienne. Mais le christianisme n’est pas le seul à se réclamer du messianisme biblique. Il partage avec le judaïsme un socle en partie commun, tout en ayant une vision divergente de l’accomplissement messianique. Pourtant, celui-ci, qui doit se produire dans l’histoire et par un jugement sur celle-ci, concerne bien Juifs et nations. Le christianisme, devenu co-destinataire des mêmes promesses, se retrouve ainsi solidaire des espérances messianiques. Dans sa reconnaissance de Jésus comme Messie, il doit donc faire droit aussi à l’insistance du judaïsme sur l’inaccompli : les boiteux continuent de claudiquer et les aveugles d’espérer la lumière, tandis que les pauvres sont toujours laissés pour compte (cf. Mt 11, 6). Si le messianisme est cette formidable espérance d’un Royaume de justice et de paix parce que Dieu sera enfin entendu et glorifié par l’intermédiaire d’une figure charismatique, nous devons à la fois reconnaître que Jésus représente bien pour les chrétiens cet accomplissement mais que celui-ci est extrêmement paradoxal en regard des attentes soulevées. Jésus est certes reconnu comme Messie mais crucifié, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens ». Cette folie, en effet, en est bien une aussi pour les « païens » : on se souvient des sarcasmes de Celse, des réserves du bouddhisme devant cette souffrance et l’évitement de la crucifixion par l’islam. De ce point de vue, le dialogue privilégié entre chrétiens et juifs ouvre aussi la discussion avec d’autres religions.
Nous ne discuterons pas ici les nombreuses représentations du Messie dans la Bible ou celles du messianisme dans d’autres horizons religieux, sociologiques ou philosophiques. Pour les chrétiens, c’est la Pâque de Jésus – croix, résurrection et pentecôte – qui est au cœur de la foi messianique. Et si la résurrection n’est pas un deus ex machina offrant un happy end à nos rêves, mais la confirmation du messianisme du Crucifié, il faut rendre compte d’une logique messianique qui n’est pas celle d’un progrès indéfini ni d’un accomplissement qui resterait en contradiction avec notre expérience du monde réel, mais bien d’un in-accompli : un accomplissement marqué par un manque et une attente. C’est cette différence qu’il s’agit d’approcher ; nous devrions même parler de « différance », en reprenant le néologisme créé par Derrida en écho d’ailleurs à la dimension messianique d’une parole différée, de traces et de scansions. C’est en effet dans ce vide ou cet espace subsistant entre un accomplissement une fois pour toutes en Un Seul et son extension à l’ensemble de l’histoire que se joue la fondation messianique de la christologie chrétienne dans un dialogue nécessaire entre Juifs et chrétiens, tous deux ayant leur conception de l’in-accompli. C’est dans cet entre-deux – entre peuples, entre-temps, entre nous – que se joue pour les chrétiens – car on ne peut parler ici pour les Juifs – la confession de foi de Jésus comme « Christ, Fils de Dieu » (Mc 1, 1) dans notre histoire.
https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2011-1-page-91.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Ven 21 Jan 2022, 17:05 | |
| A mon goût cet article commence aussi bien (toute la partie "philosophique", notamment sur Rosenzweig, mérite d'être lue très attentivement) qu'il finit mal et qu'il a du mal à finir, en péroraison interminable qui enfile les banalités dogmatiques et édifiantes (d'un point de vue catholique en l'occurrence) en faisant d'autant plus désirer l' amen final qu'il le retarde (pour le coup, ce serait plutôt l'allongement du sermon)... Je ne reviens pas sur l'abus général du concept de "messianisme" (surtout "biblique", si l'on entend par là la Bible juive ou l'AT chrétien) dont nous avons encore parlé tout récemment dans un autre fil (revoir si besoin est l'article de Mireille Hadas-Lebel cité le 19.1.2022): il se justifie ici dans la mesure où c'est le mot et le concept de Rosenzweig et du judaïsme de son temps, mais il ne faudrait pas perdre de vue son décalage avec ses propres "sources". Je ne reviens pas non plus sur le problème philosophique plus essentiel de l'"inaccompli", que nous avons évoqué ailleurs aujourd'hui même, à propos de l'"histoire" et de l'"irréel". Le trait d'union à "in-accompli" veut évidemment jouer, de façon banalisée en théologie comme en philosophie, du double sens du préfixe " in-" en français: négatif (= non-accompli) ET spatial ou local, fût-ce dans une métaphore temporelle ( dans ou à l'intérieur de l'accompli, "aspect du temps" traité comme un "espace"): l'inaccompli dans l'accompli en somme, soit une mise en scène de la bonne vieille dialectique du "déjà" et du "pas encore" qui, dans la tradition chrétienne, combine tant bien que mal eschatologie et christologie -- tout est accompli "dans" le Christ qui est "dans" l'histoire, mais le Christ dans un sens "déborde" l'histoire qui dans un autre sens le "contient"; et le "tout", le même pourtant que l'"accompli-dans-l'histoire", reste "inaccompli-dans-l'histoire", en souffrance d'accomplissement, ménageant un "reste à accomplir" dans la suite ou la totalité finie de l'"histoire". Soit dit en passant, même si l'on récuse les termes de "métaphysique" ou de "transcendance" parce qu'ils sont passés de mode, c'est bien "métaphysiquement" qu'un événement de "l'histoire" peut être compris comme débordant (ou transcendant) "l'histoire", par un "excès" sur "l'histoire" qui est aussi un "défaut" par rapport à celle-ci, un "manque d'accomplissement" ou un "reste à accomplir" du (néanmoins) "tout-accompli": avec ce tour de passe-passe on serait plutôt chez Kierkegaard ou chez Barth, sans avoir foncièrement quitté Hegel quoi qu'on en dise... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Ven 18 Oct 2024, 15:21 | |
| JW Télédiffusion : octobre 2024
https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/videos/#fr/mediaitems/StudioFeatured/pub-jwb-117_1_VIDEO
De la minute 26,45 à 32,30. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: allongement de l'espérance Ven 18 Oct 2024, 17:00 | |
| Ce qui rend paradoxalement une eschatologie viable et durable, sinon perpétuelle, en dépit et au moyen même de ses changements -- que ce soit celle(s) de la Watchtower depuis un siècle et demi, du christianisme en général depuis deux millénaires, du judaïsme du Second Temple qui le précède, de l'islam qui le suit, du zoroastrisme perse peut-être encore en amont de toute cette tradition-là -- c'est de disposer et d'user d'un frein et d'un accélérateur, les mêmes "raisons" servant tantôt à dire "bientôt" et tantôt "pas encore"...
Mais ce qui me frappe dans ce dont j'ai une certaine expérience personnelle, à un demi-siècle d'intervalle, du jéhovisme du début des années 1970 à celui-ci des années 2020, c'est que tout cela tourne à vide, d'un vide qui se creuserait de son propre vide si cette expression avait le moindre sens. Les raisons qu'on pouvait avoir d'attendre ou de ne pas attendre une "fin du monde" pour "bientôt" dans les années 1970 sont les mêmes qu'on aurait de l'attendre aujourd'hui, a fortiori pourrait-on dire si cet a fortiori ne reposait pas sur rien -- a contrario, l'eschatologie particulière de la Watch est devenue beaucoup moins crédible qu'elle n'a pu le paraitre jusqu'au début des années 1970, tandis qu'à l'extérieur la situation (écologique, biologique, démographique) s'est aggravée d'une façon parfaitement prévisible, que l'idée d'une "fin du monde" s'est largement répandue et banalisée, les TdJ qui restent (ou ceux qui y retournent) continuent de tourner en rond sur le même modèle.
A sa façon le jéhovisme apprend la "grâce": pas plus de raison d'y venir, d'y rester, d'en partir ou d'y revenir... alors même, comble d'ironie, qu'il n'y aurait plus guère de "moqueurs" à l'intérieur ou à l'extérieur pour dire que tout demeure comme depuis le commencement de la création (2 Pierre 3,4). |
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