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 "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"

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MessageSujet: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeJeu 31 Jan 2019, 16:32

"C'est lui aussi qui nous a rendus capables d'être ministres d'une alliance nouvelle, non pas de la lettre, mais de l'Esprit ; car la lettre tue, mais l'Esprit fait vivre." 2 Co 3,6

Chaque fois que je lis ce texte, je pense systématiquement au concept "L'esprit et la lettre de la loi", qui exprime l'idée qu'il ne faut pas suivre la loi à la lettre quand son observance s'oppose à l'esprit de la loi, qui vise à protéger les individus. Le Code publié par Justinien en 529 : « Il n’y a pas de doute qu’on pèche contre la loi si, en s’attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ». Pourtant le texte 2 Cor 3,6, n'a pas un rapport direct avec cette maxime, puisque qu'à priori, la "lettre" semble correspondre à la "loi"  impossible a observé, donc qui condamne et l'"Esprit" est celui de Dieu qui vivifie.

Ce texte doit être resitué dans son contexte (2 Co 3-4 "vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère") et confronté aux deux autres textes pauliniens qui traitent de la "lettre et de l'esprit", Rm 2,29 et Rm 7,6.

 "Est vraiment juif celui qui l'est dans le secret ; sa circoncision, c'est celle du cœur, qui relève, non pas de la lettre, mais de l'Esprit ; celui-là ne reçoit pas sa louange des humains, mais de Dieu. " Rm 2,29

"Mais maintenant, nous sommes dégagés de la loi, car nous sommes morts à ce qui nous tenait captifs, de sorte que si nous sommes esclaves, ce n'est plus sous le régime ancien de la lettre, mais sous le régime nouveau de l'Esprit. " Rm 7,6
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeJeu 31 Jan 2019, 17:01

Les jeux d'antithèse verbale et conceptuelle ont toujours du jeu: ils ne tombent jamais juste, ils ne sont pas parfaitement symétriques, leurs termes ne sont pas diamétralement opposables, ni tout à fait contraires ni tout à fait complémentaires, leur rapport est approximatif, en porte-à-faux, faussé, voilé, désajointé, déhiscent, dérivant dès le départ. Ce qui rend impossible, en principe, l'opposition ou la délimitation d'un sens "légitime" ou "illégitime", même si l'on constate un écart, une dérive plus ou moins grande au cas par cas.

Ex.: en Romains 2,27 c'est la lettre (gramma) de la loi qui est inscrite dans le cœur (des "païens" en général), là où sera aussi l'esprit (pneuma) ou la foi des croyants (ils ne sont donc peut-être pas si "contraires" qu'ils en ont l'air)... Par ailleurs l'esprit qui s'oppose à la lettre s'oppose aussi (bien plus souvent, et différemment dans chaque cas) au "corps", aux "membres", à la "chair", au "péché", à la "loi", à l'"âme"-psukhè (notamment en 1 Corinthiens 15,45, âme vivante vs. esprit qui fait vivre, zôopoieô comme en 2 Corinthiens 3,6)...

Il est certain que l'opposition courante, en français, de "l'esprit" et de la "lettre" en contexte juridique ou assimilé (l'esprit des lois chez Montesquieu, d'Eloi chez Achille Talon ou Greg !) n'est pas directement visée par les textes pauliniens; il est tout aussi certain qu'elle en dérive, directement et indirectement, légitimement ou illégitimement.

Impossible aujourd'hui d'aborder ce sujet sans évoquer Jacques Derrida, pour qui la question de l'écriture (par rapport à Platon plu[s]tôt qu'à Paul) fut à plus d'un titre le point de départ (depuis La pharmacie de Platon ou De la grammatologie) de et dans la "philosophie". Entre la tradition grecque qui subordonne et dévalue l'écriture par rapport au logos, sens intelligible d'une parole-pensée vivante, présente et maîtrisée par son sujet roi et père, et la tradition biblique qui la rapporte à la "parole" vivante et à l'"esprit"-souffle du dieu vivant, la confluence est non seulement thématique mais historique, et d'autant plus inévitable pour nous que toute notre culture provient effectivement de ces deux "sources" (sans préjudice de motifs plus anciens dont elles sont elles-mêmes résurgence, à perte de vue: ainsi le Phèdre de Platon inscrit déjà l'invention du "supplément dangereux" de l'écriture dans un contexte mythologique égyptien, avec le dieu Thot). Paradoxe constant dans tous les cas: c'est par l'écriture qu'advient la critique de l'écriture (Platon écrit, Paul écrit, Jérémie ou Ezéchiel écrivent aussi quand ils proposent comme contre-modèle ou anti-type de l'écriture sur pierre une écriture de la loi ou de l'esprit dans les cœurs; tout en se référant à des modèles supposés purs de toute écriture, Socrate ou Jésus réputés n'avoir rien écrit, ou le prophétisme originel tout en esprit, en parole, en geste ou en acte qui reste la référence du "prophète-écrivain", de son "inspiration" ou de sa "révélation").

Paul n'avait peut-être jamais lu Platon, mais son idée d'un dépassement de la "lettre" avait des précédents illustres des deux côtés de sa culture judéo-hellénistique et pouvait être sûre de susciter des échos chez ses destinataires également héritiers de la culture hellénistique (qu'ils fussent Grecs, Juifs, Romains ou autre chose n'avait à cet égard que peu d'importance). N'empêche que le christianisme qui se constitue en grande partie, théoriquement, contre la "lettre" (que ce soit au profit de l'"esprit" ou du "logos") devra à son tour en passer par la lettre -- à vrai dire, il y est depuis toujours et n'en est jamais sorti: le "Nouveau Testament" en est la preuve éclatante, "alliance-testament" censément écrite (métaphoriquement, métonymiquement, toujours l'écriture même quand il s'agit d'esprit) dans des cœurs et qui finira quand même sur papyrus ou parchemin, en attendant le papier, l'imprimerie, l'ordinateur et le smartphone; et dès le départ "inspirée" d'écritures anciennes (citations, allusions, interprétations, imitations, parodies, de l'"Ancien Testament" entre autres).

--

Pour revenir à la "lettre", ou à la lettre de la lettre: gramma ce n'est pas graphè (l'écriture, au sens d'action d'écrire et par extension de chose écrite) mais ça y ressemble et c'en est a priori l'aspect le plus matériel, le plus concret, le plus élémentaire -- quoique, comme pour "lettre" en français, son usage se redéploie à partir du sens élémentaire (trait, trace, lettre d'alphabet pour une écriture alphabétique, caractère, empreinte, "type" de "typographie" avant la lettre de l'imprimerie) à tout le champ sémantique de l'écriture: lettre = note, billet, "mot" ou "acte" juridique écrit (Luc 16,7s), écriture ou autographe de quelqu'un (Galates 6,11), inscription quelconque (Luc 23,38 ), épître (Actes 28,21), et même "littérature", cf. les "saintes lettres" ou "écrits sacrés" (2 Timothée 3,15s, cf. Jean 5,47), "avoir des lettres" = "être instruit", à tout le moins "savoir lire et écrire" et parfois beaucoup plus (Jean 7,15; Actes 26,24), etc. Graphè et gramma sont bien synonymes, si l'on veut, mais à partir de positions (à peu près) contraires: de l'acte au résultat, de la cause à l'effet et inversement.

Il faut noter que l'opposition "lettre/esprit" chez Paul apparaît d'abord très "construite", dans une sorte d'exégèse semi-allégorique ou midrash de l'Exode (relire 2 Corinthiens 3 et la suite): la lettre correspond à Moïse voilé face aux Israélites, l'esprit à Moïse dévoilé face au Seigneur, et c'est aussi l'"ancien" contre le "nouveau"; dans l'épître aux Romains, en revanche, ce n'est plus qu'une formule qui "sonne bien" (encore mieux en grec, gramma/pneuma) et qui s'insère accessoirement dans une théologie autrement construite (où, comme je disais ci-dessus, "l'esprit" s'oppose de préférence à d'autres choses qu'à "la lettre"). Et rappeler que, comme d'habitude mais encore plus précisément, Matthieu (5,18 ) oppose à cette opposition paulinienne son attachement au moindre iota ou keraia de la loi, non seulement la lettre mais le trait, l'accent, le signe diacritique, le "point sur le i" comme on dit...
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeVen 01 Fév 2019, 12:33

Or si le ministère de la mort, gravé avec des lettres sur des pierres, s'est trouvé entouré de gloire, au point que les Israélites ne pouvaient pas fixer le visage de Moïse, à cause de la gloire, pourtant passagère, de son visage, comment le ministère de l'Esprit ne le sera-t-il pas à plus forte raison ? Si le ministère de la condamnation a eu de la gloire, à bien plus forte raison le ministère de la justice abonde-t-il en gloire. — Et, sous ce rapport, ce qui a été glorifié n'a pas été glorifié, à cause de cette gloire plus éminente. — En effet, si ce qui était passager a été marqué par la gloire, à bien plus forte raison ce qui demeure est-il entouré de gloire. Ayant donc une telle espérance, nous montrons d'autant plus d'assurance. Nous ne faisons pas comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les Israélites ne voient pas la fin de ce qui était passager. Mais leur intelligence est devenue obtuse. En effet, jusqu'à ce jour, quand ils font la lecture publique de l'ancienne alliance, le même voile demeure ; il n'est pas enlevé, parce qu'il ne disparaît que dans le Christ. Jusqu'à ce jour, quand on lit Moïse, il y a un voile sur leur cœur ; mais lorsqu'on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé ."  2 Cor 3, 7 ss      

Je trouve que Paul est à la limite de la "mauvaise foi", même si son raisonnement est brillant, en effet, il donne un sens négatif au voile de Moïse, qui cachait son visage pour ne pas effrayer le peuple par un éclat insupportable, or Paul feint de croire que cette gloire ne devait pas durer, qu'elle était passagère, Moïse se voilait pour que le peuple ne puisse pas constater l'extinction de la gloire divine. Enfin je trouve Paul, audacieux et hardi, quand il affirme que la loi divine, TUE ... ou peut-être pour lui, la loi d'un autre Dieu.



  L’opposition de la lettre et de l’esprit procède d’une christianisation du texte, elle traduit une caducité de la Torah dont la visée est une destitution énonciatrice « car la lettre tue, l’esprit vivifie ». Cette distinction de l’esprit et la lettre méconnaît que la lettre c’est l’esprit, qu’il n’y a pas d’esprit qui se donnerait hors de la lettre, sinon à la réduire, à l’annuler, et à la rendre caduque, ancienne, révolue. L’anti judaïsme théologique est là. En ne laissant subsister que l’esprit on escamotait la lettre, de fait l’intraduisible était d’emblée là mais sous la forme de l’omission, de soustraction, ou du forçage. Un sens nouveau s’impose qui réduit le premier à une lettre morte d’où son nom d’Ancien Testament. L’intraduisible souligne à la fois la résistance de la langue à se laisser réduire, mais aussi la violence qui lui est faite pour tenter de la réduire. Cette violence n’est autre que la haine que l’on voue au symbolique, c’est-à-dire à la volonté de réduire la question de l’origine et de l’oublié à celle d’un commencement et d’un inaugural. Il y a un irréductible de la langue, qui refuse de se laisser adapter, circonscrire, transposer, traduire. Chaque traduction révèle tout autant le sens qu’on a voulu voiler, et celui qu’on prétend dévoiler. Opposer le nouveau à l’ancien, la lettre à l’esprit, l’esprit à la chair, c’est produire une opération d’enfermement, de réduction, de fossilisation d’un Texte en faisant de l’origine ce qui annonce le commencement. Le Texte ancien ne constitue pas un corpus achevé et caduque, il continue au travers du Nouveau testament, d’habiter le Texte, de le transformer, de le prolonger, de le hanter. Le Texte juif acquiert pour la chrétienté, un statut d’archive, de texte témoin, d’arbre généalogique du Christ. Il est ce qui contient et entrave la promesse messianique, ce qui la réalise et en suspend l’accomplissement. La source d’inépuisables querelles sur le statut de la vérité des Écritures, de l’inspiration divine qui les anime, de la raison qui les habite.  https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2006-1-page-153.htm
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeVen 01 Fév 2019, 14:56

Article brouillon mais instructif -- sous toutes réserves, car je le trouve surtout instructif sur ce que je connais le moins, comme l'islam médiéval, et très approximatif sur ce que je connais mieux... "l'opposition de la lettre et de l'esprit" ne date pas d'Origène, elle y culminerait plutôt; elle est chez Paul, comme nous le voyons ici; et déjà chez Philon qu'on ne peut pas taxer d'anti-judaïsme, si par là on entend "l'exégèse allégorique" qui avant tout christianisme est commune aux juifs et aux "païens" de l'époque hellénistique (sur les textes d'Homère p. ex., mais aussi sur la mythologie égyptienne à Alexandrie, comme sur les textes juifs); et qui atteint tout aussi bien le judaïsme palestinien ou oriental le plus récalcitrant à l'hellénisme, comme en témoigne la tradition phariséo-rabbinique-qabbalistique subséquente du "pardès" (quatre "niveaux" de lecture, autrement définis mais analogues dans leur distribution même à la tradition de lecture à plusieurs niveaux du christianisme médiéval, occidental ou oriental, et de l'islam).

La "mauvaise foi" dont tu parles nous apparaît surtout telle par rapport à l'exégèse moderne (d'abord occidentale), qui a réduit toute lecture "sérieuse" (grammaticale, logique, rationnelle, critique, scientifique) au sens littéral (on peut parler ici de retour de la "lettre" dans "l'esprit" de l'Occident). Dès la fin du moyen-âge, la redécouverte d'Aristote via les savants musulmans et juifs contraint la scolastique à se méfier de tout sens "allégorique" au sens large (c.-à-d. autre que "littéral"). Thomas d'Aquin constate d'abord que seul le sens "littéral" est probant (capable de "prouver") alors que tous les autres sens (allégorique au sens restreint, anagogique, tropologique), toujours légitimes en principe du fait de la tradition, ont le grave défaut de ne rien prouver puisqu'ils ne sont pas exclusifs d'autres sens (ils ne répondent donc pas au critère aristotélicien de l'alternative binaire stricte entre vrai et faux, tout tiers étant exclu, tertium non datur). Ce qui aboutit très vite, au temps des Réformes et des débats exégétiques probants qu'elles exigent, à l'abandon pur et simple de tout autre sens que "littéral" (notamment chez Calvin). Petit problème: on se condamne ainsi à ne rien comprendre des textes sacrés eux-mêmes, qui fonctionnent tout autrement. A un esprit "moderne", les citations et interprétations de l'Ancien Testament dans le Nouveau sont tout sauf "sérieuses", quoiqu'elles continuent d'être disséquées avec un sérieux imperturbable... "Paul", comme "exégète" de l'Ancien Testament, se ferait instantanément virer d'un cours d'exégèse moderne. Son exégèse à lui, comme celle de la plupart de ses contemporains, à Alexandrie, à Antioche ou à Jérusalem, c'est un jeu avec l'Ecriture. Sérieux aussi, mais d'un tout autre genre de sérieux.

La question de la "lettre qui tue" est reprise autrement dans l'épître aux Romains, rapportée non plus à la "lettre" (gramma) mais à la "loi" (nomos), et avec de nouvelles nuances -- la loi ne "tue" pas directement et toute seule, mais c'est son interaction perverse avec la "chair" et le "péché" qui "tue" (cf. notamment chap. 7--8 ). Dans l'épître aux Galates, par contre, la loi "tue" (à nouveau ?) beaucoup plus directement (cf. 2,19; 3,10ss). Mais tout autrement que dans 2 Corinthiens où le thème de la "condamnation" était à peine évoqué (3,9): c'était surtout en tant que provisoire que l'"ancienne alliance" (plutôt que "loi", nomos n'apparaît même pas en 2 Corinthiens) était dévalorisée par rapport à la nouvelle. La pensée "paulinienne" est évolutive, quoi qu'il en soit de ses "auteurs", ce qui devrait dissuader de toute "synthèse".
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeVen 01 Fév 2019, 16:03

Citation :
La question de la "lettre qui tue" est reprise autrement dans l'épître aux Romains, rapportée non plus à la "lettre" (gramma) mais à la "loi" (nomos), et avec de nouvelles nuances -- la loi ne "tue" pas directement et toute seule, mais c'est son interaction perverse avec la "chair" et le "péché" qui "tue" (cf. notamment chap. 7--Cool. Dans l'épître aux Galates, par contre, la loi "tue" (à nouveau ?) beaucoup plus directement (cf. 2,19; 3,10ss).

"Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? Jamais de la vie ! Mais je n'ai connu le péché que par la loi. Ainsi, je n'aurais pas su ce qu'était le désir si la loi n'avait pas dit : Tu ne désireras pas. 8.Alors le péché, profitant de l'occasion, a produit en moi, par le commandement, toutes sortes de désirs ; en effet, en dehors de la loi, le péché est mort. Moi, autrefois, en dehors de la loi, je vivais ; mais quand le commandement est venu, le péché a pris vie, .et moi, je suis mort. Ainsi, le commandement qui mène à la vie s'est trouvé, pour moi, mener à la mort. .Car le péché, profitant de l'occasion, m'a trompé par le commandement et, par lui, il m'a tué. Certes, donc, la loi est sainte ; le commandement est saint, juste et bon. (...) Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle ; mais moi, je suis un être de chair, vendu au péché." Rm 7,7 ss

L'Epître aux Romains affirme que "la Loi est spirituelle" (Rm 7,14) et ailleurs Paul l'a appelée 'sainte, juste et bonne' (Rm 7,12). C'est seulement en tant qu'elle condamne les pécheurs que  "la lettre tue" mais pour les spirituels,  "la Loi est spirituelle". Lire aussi : https://etrechretien.1fr1.net/t1228-jeux-de-loi


Citation :
La pensée "paulinienne" est évolutive, quoi qu'il en soit de ses "auteurs", ce qui devrait dissuader de toute "synthèse".


Merci Narkissos de cette précision.






Dans la deuxième lettre aux Corinthiens, 3, 6, saint Paul dit que la lettre tue mais que l'esprit vivifie.
Saint Thomas dans La somme théologique, seconde partie, I, Quest. 106, art. 1 et 2 ajoute:

              "Ce qu'Augustin commente: par lettre, il s'agit de tout texte écrit, existant objectivement hors de nous, même les préceptes moraux contenus dans l'évangile; aussi la lettre de l'évangile elle-même tuerait, si n'était intérieurement présente la grâce de la foi."
- Il doit être possible d'opposer la loi écrite et l'inspiration qui l'anime. L'inspiration qui l'anime c'est la grâce de l'esprit qui libère de la lettre.
Il s'agit de dépasser la lettre, ce qui est écrit objectivement, pour retrouver la signification inscrite dans les cœurs. Cela ouvre la voie à l'interprétation, à la vie d'un texte.
- C'est une manière de remettre à sa place le formalisme de toute religion pour laisser une place à la contemplation et à l'action bien unies, c'est à dire à la foi dans laquelle s'enracine la transmission (on peut soigneusement distinguer communication par la lettre et transmission par l'esprit
Vous pourriez peut-être partir de l'analyse de l'obéissance qui soumission à la lettre selon l'esprit
en effet cette soumission prend sa valeur et sa raison d'être de la réalisation d'un bien commun. Ce bien commun fonde la vertu. Cette soumission exige le soin de juger selon l'esprit: de ce devoir aucun supérieur ne peut me dispenser. http://www.philagora.net/corrige3/lettre-esprit.php


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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeVen 01 Fév 2019, 17:07

Autre exemple d'"évolution paulinienne": dans l'épître aux Romains, "Paul" semble avoir abandonné l'opposition "psychique-animal/pneumatique-spirituel" de 1 Corinthiens 2 et 15; dès lors c'est bien pour le même (ce "moi" ou "je" inassignable ou indéfiniment assignable, qui est tout aussi bien "Paul" qu'"Adam", l'"homme" générique, le lecteur-auditeur ou n'importe qui, juif, païen, chrétien, en Romains 7) que la "loi" est "spirituelle" ou "pneumatique" (dans son rapport avec "l'homme intérieur" et le noûs, l'"intellect") ET "mortelle" (dans son rapport à la "chair" et au "péché"). Il ne s'agit plus (du moins ici) de distinguer entre tel ou tel type ou catégorie de personnes. La différence, pour ainsi dire, traverse ou transit chacun, comme elle traverse ou transit la "loi" même.

___

L'idée est probablement un peu décalée par rapport à "Paul", mais elle est intéressante: l'opposition "lettre / esprit" peut en effet s'entendre, non entre "écriture" et autre chose, mais comme traversant l'écriture même, sur le mode passif/actif, "écrit/écrivant". Entre la lettre ou l'écrit comme simple produit, résultat ou reliquat de l'écriture et l'acte ou l'opération d'écrire qui est aussi intention, désir, décision, inspiration, création, don, adresse et envoi -- "esprit" vivant et faisant vivre, y compris (dans et par) l'écriture. A ce titre, la seule réplique à l'écriture (subie, passivement, comme "condamnation" par exemple) serait encore l'écriture (active): on ne se défendrait de l'écrit qu'en écrivant -- d'où commentaire, interprétation, traduction, correspondance, publication et littérature à perte de vue (je repense au titre de Gracq, En lisant en écrivant) -- c'est en tout cas ce que fait "Paul", qui réagit à la "lettre" (de la loi) par l'"épître" (de l'esprit), même si ce n'est pas exactement ce qu'il dit ni ce qu'il pense; mais qu'il dise et pense, cela passe bel et bien par l'écriture...
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeMar 05 Fév 2019, 11:09

Les concepts que manie Paul se prêtent facilement à des renversements, ainsi on retrouve des formules ou Paul redistribue la rôle des mots, comme en (8,2) : " la loi de l'Esprit de la vie", le terme "loi" se retrouve associé à l'Esprit et à la vie (et non plus à la mort). Paul aurait pu dire que le plus important est "l'esprit de la loi" ("l'amour est donc l'accomplissement de la loi" - 13,10), les possibilités sont infinies. L'expression, "la lettre tue" pourrait s'interpréter comme une condamnation de la connaissance intellectuelle ("La connaissance gonfle d'orgueil" - 1 Cor 8,1).
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MessageSujet: Re: "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"    esprit - "La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"   Icon_minitimeMar 05 Fév 2019, 12:55

Cf. aussi 3,27ss (la "loi de la foi" prépare habilement le passage à l'exemple d'Abraham au chapitre suivant -- puisque la Genèse, beaucoup plus narrative que législative, fait quand même partie de la "Torah" = nomos = "Loi", selon la nomenclature d'usage: Torah-livre contre Torah-loi, livre de la loi contre loi du livre, loi du livre encore en un autre sens -- le livre fait loi qui contient de la loi et tout autre chose que [de] la loi). Et Galates 6,2 (la loi du Christ).

En Romains 7 et 8 la "loi" se dédouble autrement, et encore autrement d'un chapitre à l'autre ou des deux côtés du "mystère" (2 x 2): "loi spirituelle" ("pneumatique") déjà pour "l'homme intérieur" et l'"intellect" même non chrétiens au chap. 7, "loi de l'esprit" (pneuma) pour le chrétien participant au mystère de la résurrection du Christ au chap. 8, VS. "loi des œuvres, de la chair, du péché, de la mort", qui constitue l'expérience de n'importe qui (chap. 7) et prend fin -- au moins en droit -- avec la mort du Christ et la participation du chrétien à celle-ci (chap. 8 ). C'est un jeu (de loi) sur la frontière du mystère, de l'extérieur (chap. 7) à l'intérieur (chap 8 ), la dualité de la "loi" étant différemment décrite de ces deux points de vue qui pourtant se correspondent. Au fond un "mystère" ne peut s'exprimer que par un tel jeu, en se rapportant constamment à ce que les choses seraient sans lui, étaient avant lui ou sont encore hors de lui, même si en définitive il n'y a pas de dehors, ni d'avant ni d'après puisqu'il remplit tout.

"L'amour 'esprit' de la loi" ferait une excellente expression idiomatique, en français, d'une idée générale d'ailleurs commune à de nombreux milieux juifs ou chrétiens (puisque en substance on la retrouve chez "Matthieu" ou "Jacques" comme chez "Paul", malgré leur opposition frontale sur le statut de la "loi", et aussi bien dans le Talmud). Mais on ne dit justement pas ça en grec avec pneuma (ni en hébreu ou en araméen avec rwh): on parle, par exemple, d'"accomplissement" (plèrôma = "plénitude", Romains 13,10; cf. v. 8 plèroô, "remplir" ou "accomplir" la loi, de même Galates 5,14; ou le quasi-synonyme teleô, finir, achever, parfaire, d'où aussi "accomplir", p. ex. Jacques 2,8, qui parle aussi pour l'amour de "loi royale"); ou de "premier", de "second", de "plus grand" commandement (Marc 12,31ss// etc.); cf. aussi les barutèra, les choses les plus "lourdes" ou les plus "importantes" de la loi en Matthieu 23,23. Pour toutes ces façons d'interpréter et de hiérarchiser (dans) la "loi" le français parlerait naturellement d'"esprit", là où le grec ne dit pas pneuma.

La "connaissance" en 1 Corinthiens (que "Paul" en dise du bien ou du mal, il passe constamment dun registre à l'autre à ce sujet depuis le début de l'épître) me semble plus "myst(ér)ique", "gnostique" et "charismatique" qu'"intellectuelle" -- aussi éloignée que possible de toute "lettre", de la loi ou de l'écrit en général (ni légale, ni littérale, ni littéraire, ni scripturaire, ni livresque). En 2 Corinthiens par contre, la "lettre qui tue" peut tout à fait viser, outre la Torah proprement dite (plutôt désignée comme "alliance" ou "testament" que comme "loi", cf. supra), l'exégèse de type pharisien ou judéo-chrétien (cf. Matthieu 5) attachée à la lettre du texte (même pour en faire tout autre chose que ce nous appellerions une lecture "littérale"; mais de ce point de vue l'exégèse paulinienne qui joue "l'esprit" contre la "lettre" en 2 Corinthiens n'est pas moins un jeu sur la "lettre" de l'Exode: interprétation ou surinterprétation des mots comme "voile", "esprit", "seigneur", "alliance", etc.).
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"La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre"
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