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 la lettre de Jacques

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MessageSujet: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 21 Jan 2009, 16:37

Quand j'étais TJ, j'avais beaucoup apprecié l'étude du livre " commentaire sur la lettre de Jacques" écrit par Ed Dunlap compagnon d'infortune de Raymond Franzt.

L’Épître de Jacques figure dans le Nouveau Testament, mais elle y entre timidement au ive siècle et depuis lors c’est un écrit mineur, qui ne vaut que par quelques détails (comme l’onction donnée aux malades). D’ailleurs, Eusèbe de Césarée (vers 330) doute lui-même qu’elle soit de Jacques, comme elle le prétend, et tout est dit. On convient aujourd’hui qu’elle a été écrite vers 80 et qu’elle n’est donc pas de Jacques, mort en 62-63.Mais la question n’est pas tranchée. L’analyse de la lettre révèle une organisation soignée, un deuxième niveau de sens, probablement destiné à des chefs de communauté, et le souci de faire la synthèse de plusieurs courants, dans lesquels on reconnaît ceux des apôtres (2,1-13), de Paul (2,14-26) et des Hellénistes (3,1-18) : tout cela fait penser à une œuvre qui pourrait bien, à l’origine, être de Jacques et avoir été écrite vers 60, au moment de la deuxième révision de la collection des paroles de Jésus. On peut, du moins, en faire l’hypothèse ; et cette hypothèse est recevable, pour l’histoire.

http://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/193/article6.html
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 21 Jan 2009, 17:00

Bonjour free,
Moi aussi j'avais beaucoup apprécié ce commentaire.
Et plus tard celui de François Vouga dans la collection CNT chez Labor et Fides.
Je dois encore avoir un texte introductif (dans une toute autre perspective que celle d'Amphoux) dans mes archives (publié dans la revue Foi & Vie, http://www.protestants.org/fpf/biblique/cahier_biblique/42_2003.htm), mais il n'est pas en ligne et je ne crois pas qu'il soit possible de mettre des fichiers dans ce forum (?). Mais si ça t'intéresse je peux t'en envoyer une copie.
En deux mots, je vois plutôt dans l'épître de Jacques une critique interne, à la fois théologique et sociale, des Eglises post-pauliniennes.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 21 Jan 2009, 18:11

20 Pauvre homme, veux-tu une preuve que la foi sans les oeuvres ne sert à rien ?
21 Regarde Abraham notre père : Dieu a fait de lui un juste à cause de ses actes, quand il a offert sur l'autel son fils Isaac.
22 Tu vois bien que sa foi était à l'oeuvre avec ses actes, et ses actes ont rendu sa foi parfaite.
23 Ainsi s'est accomplie la parole de l'Écriture : Abraham eut foi en Dieu,et de ce fait Dieu estima qu'il était juste,
24 Vous le constatez : l'homme devient juste à cause de ses actes, et pas seulement par sa foi.

Le rédacteur de la lettre de Jacques contredit-il volontairement la théologie Paulienne ???

Paul, dans l’épître aux Romains, chap. 3, verset 28, : « Nous concluons que l’homme est justifié par la foi, sans œuvres de loi ».

L’épître aux Éphésiens, chap. 2, versets 8 et 9 : « Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ; non pas sur le principe des œuvres, afin que personne ne se glorifie ».
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 22 Jan 2009, 16:57

Jc 3:1-Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le savez, nous n'en recevrons qu'un jugement plus sévère,
Le grec didaskal recouvre l'hébreu rabbi , un titre communément donné à Jésus par ceux qui l'abordaient, mais non par ses disciples.
L'auteur ne s'adressait visiblement pas à l'ensemble des fidèles, mais à ceux qui avaient déjà un certain engagement au sein des assemblées et qui cherchaient la reconnaissance à travers l'enseignement. Il devait sentir le déséquilibre s'installer entre “le corps et l'esprit” pour reprendre la comparaison ultime du chapitre précédent.
Les Apôres avaient demandé à être déchargés des services liés aux nécessités quotidiennes qu'ils déléguèrent à des diacres (Actes ch 6), inscrivant une hiérarchie à l'intérieur de la communauté naissante. La lettre de Jacques en serait un écho.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 22 Jan 2009, 17:20

Bonjour free,

la remarque que tu fais, je cite:

Les Apôres avaient demandé à être déchargés des services liés aux nécessités quotidiennes qu'ils déléguèrent à des diacres (Actes ch 6), inscrivant une hiérarchie à l'intérieur de la communauté naissante. La lettre de Jacques en serait un écho.

montre en effet le danger de cette séparation pouvant instaurer une hiérarchie au sein du corps de christ. Cet désir de continuer de s'occuper des tâches spirituelles uniquement a été expliqué chez les TdJ par la nécessité de combattre un enseignement qui prendra de l'importance à savoir la grande apostasie.
En faisant ainsi les Apôtres auraient montré le chemin dans la façon de s'organiser et de disposer dans chaque congrégation d'anciens et d'assistants ministériels (ce ne sont pas les termes exacts mais le sens donné par l'organisation).
Un autre commentaire cherchait à expliquer une querelle survenue entre les juifs (les apôtres) et les non juifs. Les non juifs avaient semblent-ils critiqués les juifs qui délaissaient les veuves. Ac. 6:1-6. Cette partie des Actes me paraît un peu sujette à caution. Ne fournirait-elle pas le terreau aux diverses hierarchies qui vont se créer dans les diverses religions au cours des siècles?

Avec mes fraternelles salutations.
Jean-Pierre
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 21 Nov 2013, 17:23

Quel est, d’après son écrit même, l’univers littéraire de cet « intellectuel » ? Il faut d’abord remarquer que, comme la quasi-totalité de ses contemporains, il n’a certainement pas à sa disposition une vraie bibliothèque – tout au plus des notes sur des textes qu’il a pu lire ou plus souvent entendre, tirés exceptionnellement d’ouvrages originaux, plus couramment de florilèges comme il en circulait dans toutes sortes de milieux[22].
De par son contenu, essentiellement parénétique (exhortation à la fois morale et spirituelle)[23], l’épître offre des similitudes avec un vaste corpus littéraire : le genre est en effet très répandu dans le monde hellénistique et romain, à l’intérieur comme à l’extérieur du judaïsme[24]. Le trait caractéristique de Jc dans cet ensemble est sans doute sa dimension communautaire[25] : il ne s’adresse pas, comme les moralistes grecs, à l’individu dans une société ouverte, mais à une collectivité déterminée.
Sa référence majeure est constituée par les textes sacrés du judaïsme, dans leur version grecque (Septante) ; ceux-ci ne forment peut-être pas encore une « Bible », c’est-à-dire une autorité religieuse aux contours clairement définis, mais ils sont parfois cités formellement comme Ecriture[26], ou par une formule ambiguë comme « il (= Dieu ?) ou elle (l’Ecriture) dit »[27]. Ils font en outre l’objet de multiples allusions, notamment aux récits évoqués par le simple nom de leurs personnages[28]. Pour autant que puisse le laisser percevoir un texte aussi court, les références s’étendent à l’ensemble des textes recueillis par la tradition grecque, avec sans doute une relative prédilection pour la tradition sapientiale[29].
Mais l’auteur est aussi un familier des traditions, sans doute en partie écrites, du christianisme primitif, notamment parmi celles qui fournissent la matière des Evangiles synoptiques : on a souvent noté la proximité thématique et formelle entre Jc et l’enseignement de Jésus dans Matthieu, en particulier le Sermon sur la montagne[30]. En puisant aux mêmes sources sans prétendre qu’il s’agisse de paroles de Jésus, Jc suggère que cet enseignement, qui présente de nombreux points communs avec la tradition sapientiale du judaïsme, n’est pas le bien d’un seul individu et que sa vérité ne réside pas dans l’identité de celui qui la profère[31].
 
http://oudenologia.over-blog.com/pages/Lepitre_de_Jacques_derniere_sortie_avant_la_grande_Eglise_-8826007.html

http://oudenologia.over-blog.com/pages/Lepitre_de_Jacques_notes-8826015.html  (notes)
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 28 Sep 2021, 12:31

"Ne pensez pas que ce soit pour rien que l'Écriture déclare : « Dieu réclame avec ardeur l'Esprit qu'il a mis en nous" (Jacques 4,5) NBS. 


"Ou bien pensez-vous que ce soit pour rien que l’Ecriture dit : Dieu désire jalousement l’esprit qu’il a fait habiter en nous" (TOB) 


Notes : Jacques 4:5
l’Ecriture : cf. 2.23 ; il peut s’agir d’une combinaison de plusieurs textes (Gn 6.3 ; Ex 20.5 ; Jb 14.15 ?), d’un résumé libre de l’ensemble de l’Ecriture (cf. Jn 7.38n ; 1Co 2.9 ; Ep 5.14), ou encore d’une citation dont on a perdu la source (Apocalypse de Moïse ?). – en vain : cf. Dt 32.47 ; Es 55.11. – Il (Dieu ?) désire… : traduction très incertaine ; on a aussi compris que l’Ecriture dise… contre l’envie : Il (Dieu) est attaché à l’esprit… ; ou bien que l’Ecriture dise : face à l’envie, Dieu désire l’Esprit… ; ou est-ce à l’envie qu’aspire l’Esprit… ? (même verbe pour soupirer, avec pour sujet l’esprit, en Ps 42.2 ; 84.3 ; 119.131 LXX ; il est traduit par avoir une vive affection en Ph 1.Cool ou encore l’esprit que Dieu a fait habiter en nous désire jusqu’à l’envie (cf. Rm 8.11,26s ; 1Co 3.16 ; Ga 5.17) ; l’Esprit désire avec envie ce qu’il a fait habiter en nous ; au lieu de qu’il a fait habiter certains mss portent qui habite. Cf. Ex 20.5 ; 34.14 ; Dt 4.24+ ; Es 9.6 ; 37.32 ; Ez 5.13 ; 16.38 ; Za 1.14 ; 8.2. – l’Esprit (saint), ou l’esprit de l’homme Gn 2.7 ; 6.3ss,17 ; 7.15 ; Es 2.22 ; 63.10ss ; Ez 36.27 ; Jb 27.3 ; 33.4 ; 34.14s ; Ec 12.7.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 28 Sep 2021, 15:20

En somme, moins on en sait et moins on en comprend, plus c'est long et difficile à expliquer...

On ne connaît pas la source de la citation; on n'est même pas sûr de son contenu, non seulement parce que les manuscrits varient, mais parce qu'on ne sait pas au juste où elle commence ni où elle finit; on ne peut que deviner les sujets et les objets des verbes, soit parce qu'ils sont sous-entendus, soit parce que la déclinaison ne permet pas de les distinguer (pneuma neutre, donc identique au nominatif et à l'accusatif). Bref, on est en pleine conjecture, pas même aidés par le "contexte" rhétorique et le style (diatribe) qui fait feu de tout bois. Tout au plus peut-on subodorer, d'après l'introduction en forme de question dite "rhétorique", impliquant sans vraiment l'appeler une réponse négative qui irait de soi (pensez-vous que ce soit en vain que l'écriture dit... [? -- Non, bien sûr]), un sens globalement "menaçant", contrebalancé par la citation suivante (v. 6, Proverbes 3,34 LXX). Même si l'on a compris que dans l'ensemble l'épître de Jacques "répond" ou "réplique" à l'épître aux Romains, on ne peut pas en déduire grand-chose, puisque le vocabulaire de la citation, en tant que telle, n'est pas nécessairement paulinien (chez Paul l'"envie", phthonos, serait nettement négative, et le verbe pour "désirer", epipotheô, plutôt positif -- à la différence d'epithumeô, v. 2, et d'epithumia 1,14.15, négatifs aussi chez Paul, notamment dans Romains 7, quoiqu'ils puissent parfois être pris en bonne part dans des passages moins "théologiques"). Avec l'"esprit" on peut toujours imaginer une pique contre un "spiritualisme" paulinien ou post-paulinien, mais la seule autre occurrence de pneuma chez Jacques (2,26) ne nous avance pas beaucoup...

Ce qui me paraît à tout prendre le plus vraisemblable, et c'est bien peu dire dans ce cas, c'est que le texte cité (et inconnu de nous) soit l'un des innombrables développements (amplifications, paraphrases de type narratif ou commentaires explicatifs) de Genèse 6, en particulier du v. 3, qui ont fleuri dans le judaïsme des derniers siècles du Second Temple, autant en grec qu'en hébreu ou en araméen (cf. Hénoch, Jubilés, etc.); plutôt hellénistique, vu les affinités littéraires de l'épître de Jacques. Cf. p. ex. le traité de Philon "Sur les Géants" (Peri Gigantôn, De Gigantibus, dont je ne trouve plus en ligne, hélas, qu'une vieille traduction anglaise ici (toute la section antique du site de Remacle semble avoir disparu, c'est bien dommage); voir aussi éventuellement, sur le même site, le premier livre des "Questions et réponses sur la Genèse". Philon, naturellement, tire l'interprétation allégorique dans un sens (médio-)platonicien, influencé par le stoïcisme quant au rôle du pneuma: l'"esprit" ne demeure avec la "chair" que provisoirement et sous conditions "philosophiques", entendues à la fois comme intellectuelles et morales. A peu de choses près, la "religion" essentiellement morale et sociale de Jacques pourrait l'entendre de façon similaire.

Soit dit en passant, le texte hébreu de Genèse 6,3 n'est pas très clair, puisqu'il emploie le verbe dyn qui signifie normalement "juger, gouverner",  auquel on a aussi prêté des sens marginaux comme "disputer" ou "s'abaisser"; c'est la Septante qui le traduit par kata-menô, avec le sens de "demeurer" ou "s'installer", et éventuellement un mouvement du haut vers le bas à cause du préfixe (kata -- comme dans l'image du "sédentaire" qui s'assoit ou s'installe quelque part, cf. l'hébreu yšb). Ce n'est pas le verbe de Jacques 4,5, kat-oikeô, bien qu'il soit à peu près synonyme et de construction similaire. Bien entendu, l'idée de "l'esprit qui habite en/parmi nous/vous" est aussi paulinienne (Romains 8,9ss; 1 Corinthiens 3,16, oikeô).
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 30 Sep 2021, 10:57

"Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste ; il ne vous résiste pas" (jacques 5,6)

Notes : Jacques 5:6
Cf. 2.6s. – assassiné : le même verbe (également en 4.2) a été traduit par commettre un meurtre en 2.11. – le juste : cf. Am 2.6 ; 5.12 ; 8.4ss ; Ps 9.19 ; 10.8ss ; 37.14,32 ; Sagesse 2.10,12,19s : « Opprimons le pauvre, qui pourtant est juste… Traquons le juste : il nous gêne, s’oppose à nos actions… Mettons-le à l’épreuve par l’outrage et la torture pour juger de sa sérénité et apprécier son endurance. Condamnons-le à une mort honteuse, puisque, selon ses dires, une intervention divine aura lieu en sa faveur. » 1 Hénoch 96.8 : « Malheur à vous, puissants, qui de votre force écrasez le juste, car il vient sur vous le jour de votre perte. » – il ne vous résiste pas : autres traductions possibles ne vous résiste-t-il pas ? ne vous résistera-t-il pas ? (le sujet pouvant être le juste, ou peut-être Dieu) ; voir aussi Ps 37.1,7 ; Mt 5.39 ; Rm 12.19 ; 1P 2.23.

Ainsi, dans cette logique et sur la base de cette tonalité d’ouverture, il se confirme que l’épître de Jacques est bien un document chrétien à la christologie déjà formée et profilée, plus élaborée qu’on ne le pense habituellement. Il reste qu’à la différence de Paul et de la tradition paulinienne, la dimension salvifique de la Croix n’est jamais mentionnée, non plus qu’une référence à la mort de Jésus, à moins d’en lire une en Jc 5,6 : « Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste. Il ne vous résiste pas ». Sur ce plan, la théologie de Jacques reste de toute manière trop allusive pour qu’il semble possible d’en donner une interprétation christologique. Plutôt que le rédempteur crucifié, le Christ est pour lui un maître dont il faut entendre la Parole et qui a donné un visage à Dieu. https://www.eruditio-antiqua.mom.fr/vol2/EA2h.Assael-Cuvillier.pdf
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 30 Sep 2021, 11:34

Rien n'oblige en effet à voir une allusion à "Jésus" dans cet énoncé, puisque "le juste" se comprend plus naturellement comme une appellation générique ou typique, ainsi que dans les textes de l'AT, de la Sagesse ou d'Hénoch indiqués en note. Du reste, si l'on voulait y voir un individu particulier, ce pourrait aussi bien être "Jacques" lui-même, le personnage couramment appelé "Jacques le Juste" dans les traditions juives et chrétiennes et qui y meurt en martyr (Josèphe, Hégésippe/Eusèbe), référence (pseudépigraphique) de "l'épître de Jacques" et d'au moins une partie des "Jacques" du NT (1 Corinthiens, Galates, Synoptiques, Jude, Actes).

D'autre part, l'hésitation sur le sujet sous-entendu du dernier verbe (qui ne résiste ou ne s'oppose pas, "le juste" ou "Dieu" ?) n'implique aucune équivalence entre "le juste" et "Dieu", qui sont simplement ici des hypothèses de lecture concurrentes.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 30 Sep 2021, 11:46

On connaît les propos de Luther qualifiant la lettre de Jacques d’« épître de paille » parce qu’il n’y décelait que très peu d’allusions au Christ et qu’il n’y trouvait pas l’affirmation de la justification Sola Fide. Pourtant le nom de Jésus-Christ ou ses attributs figurent à plusieurs reprises dans cet écrit, dans des expressions qui ne sont pas anodines. Ainsi, en Jc 1,1a (Ἰάκωβος θεοῦ καὶ κυρίου Ἰησοῦ Χριστοῦ δοῦλος), il est possible de comprendre la référence à Dieu dès le second mot de l’épître comme désignant la personne du Christ lui-même. On traduira alors le prescript : « Jacques, esclave de Jésus-Christ, Dieu et Seigneur ». La seconde et seule autre référence explicite au Christ, en 2,1 (μὴ ἐν προσωπολημψίαις ἔχετε τὴν πίστιν τοῦ κυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ τῆς δόξης) est le plus souvent interprétée comme la célébration de la « gloire propre à Jésus-Christ ». Une autre construction grammaticale de la phrase, qui force moins le sens des mots, permet d’intégrer cette mention du Christ dans tout un développement évoquant le rôle qui lui est conféré dans la définition et l’attribution de la gloire des élus : « Ne trouvez pas dans des masques (i.e. des signes extérieurs, ἐν ροσωπολημψίαις) la preuve (τὴν πίστιν) de la gloire (τῆς δόξης) accordée par notre Seigneur Jésus-Christ ». Cette interprétation met en valeur la personne du Fils sur un point où, par ailleurs dans le Nouveau Testament, l’autorité est toujours rapportée au Père ; elle permet donc de repérer à travers ce passage, comme en Jc 1,1 selon la traduction que nous en proposons, un élément de haute christologie. Mais surtout, cette lecture permet de dégager une logique fondée, dans tout le contexte, sur la notion de gloire paradoxale de la pauvreté incarnée par le Christ. Ainsi, l’Épître de Jacques ne cite pas seulement le nom du Christ à travers une brève mention, mais elle propose, avec plus d’extension, une image de son action et du mode de vie qu’il préconise. Elle esquisse ainsi une christologie qui ne se réduit pas à l’explicitation des termes synthétiques d’une confession de foi, mais qui ouvre la lecture de son propos sur une dimension plus existentielle.


https://www.persee.fr/docAsPDF/rhpr_0035-2403_2010_num_90_3_1495.pdf
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeJeu 30 Sep 2021, 12:34

Nous avons déjà vu ailleurs ces deux articles de Cuvillier et Assaël, mais je ne sais plus où...

Je ne vois aucun inconvénient à interpréter la formule d'introduction telle qu'elle est généralement retenue (il y a aussi une variante avec "dieu père", mais elle est clairement secondaire) comme "esclave du dieu et seigneur Jésus-Christ": même si en l'occurrence la syntaxe ne l'impose pas vraiment, cela ne ferait que refléter la phraséologie liturgique et épistolaire des textes les plus tardifs du NT où, souvent, aucune différence n'est pensée entre "Dieu", "Seigneur", "Christ" et "Jésus" (notamment à la faveur du titre également tardif de "sauveur" qui s'applique indifféremment à tous les référents, cf. p. ex. Tite 2,13 et 2 Pierre 1,1; le cas de 2 Thessaloniciens 1,12, sans "sauveur" et où un possessif sépare le "dieu" du "seigneur", est moins évident).

Par contre, la traduction proposée pour (Jacques) 2,1 me paraît intenable, pour des raisons lexicales et contextuelles qui méritent une tentative d'explication: même si la construction complexe de la phrase (là encore, dans la leçon généralement retenue: je n'entre pas ici dans la critique textuelle) rend en principe possibles plusieurs analyses, les termes principaux conservent leur sens habituel, qui est précisément en jeu dans le contexte (relire la suite):
1. C'est bien de prosôpo-lè(m)psia (littéralement "prise ou réception de visage", néologisme formé sur un hébraïsme régulièrement calqué en grec par la Septante, ns' pnym -> prosôpon lambanein) au sens habituel de partialité ou de favoritisme (cf. l'expression classique "acception de personnes", d'après le latin; Assaël et Cuvillier lui reconnaissent d'ailleurs ce sens obvie à la note 5) qu'il va être question dans les versets suivants; assurément, cette notion même comporte l'idée d'un jeu sur l'apparence et le statut social, mais elle est essentiellement judiciaire (d'où encore notre représentation de la justice aux yeux bandés, censée juger indépendamment de l'identité, de la richesse ou du pouvoir de tel ou tel; remarquer tous les termes judiciaires dans la suite, p. ex. "juges" = kritai  v. 4, "tribunaux" = kritèria v. 6, "juger/jugement" = krinô/krisis v. 12s). D'un point de vue hellénistique ou moderne, on peut trouver un rapport étroit entre les scènes judiciaire et théâtrale, mais c'est bien la première qui est en vue, et totalement perdue de vue si l'on parle de "masque(s)" (terme qui correspondrait plutôt à prosôpon tout seul = persona).
2. La pistis est bien comprise dans la suite au sens de "foi", opposée a priori aux "oeuvres / actes" (v. 5, 14ss), selon le modèle paulinien ostensiblement renversé: sans doute le renversement l'entraîne-t-il vers le sens complémentaire de "fidélité" ou de "fiabilité", mais la référence à la "foi" paulinienne demeure fondamentale, justement comme la position à partir de laquelle le renversement s'opère. D'autant que la phrase, dans sa lecture naturelle, reprend une autre formule paulinienne dont nous avons parlé encore récemment, et que Cuvillier reconnaît très bien quand ça l'arrange, celle de la "foi de Jésus-Christ" (cf. p. ex. ici, à partir du 10.10.2019).
3. La doxa garde également son sens ordinaire de "gloire", qu'elle a presque toujours dans la Septante et le NT. C'est une autre référence paulinienne, cf. p. ex le "Seigneur de gloire" en 1 Corinthiens 2, même si un jeu secondaire est possible avec son sens classique d'"opinion", en rapport avec les "jugements" fondés sur l'apparence et des "critères" douteux (cf. les mauvais "raisonnements", dialogismoi, des "juges" au v. 4).
A défaut de traduction idéale, on pourrait imaginer une paraphrase extensive, explicitant l'implicite au-delà de ce qui est généralement admis en traduction: ne prenez pas, ne retenez pas dans/par des jugements partiaux, fondés sur l'apparence, la foi-fidélité de Jésus-Christ, notre Seigneur dont la gloire ne relève pas de l'opinion commune. L'analyse logique de la série de génitifs ne changerait d'ailleurs pas grand-chose au sens général, mot-à-mot "foi-fidélité de notre seigneur Jésus-Christ de la gloire-opinion", OU "foi-fidélité de la gloire-opinion de notre Seigneur Jésus-Christ".
En tout état de cause, l'incidence du propos et de son interprétation sur la "christologie" au sens "dogmatique" du mot est nulle.

Il faut bien comprendre en effet que pour une doctrine "pratique" ou "pragmatique", "morale" ou "éthique" dans un sens "social" et "économique" comme celle de Jacques, c'est toute la "théorie" qui passe à l'arrière-plan, non telle "théorie" plutôt qu'une autre. A la limite, peu lui importent la théologie et la christologie, et que celle-ci soit "haute" ou "basse": c'est de toute façon un contresens que de tirer ses énoncés dans un sens ou dans l'autre. Si l'épître de Jacques s'oppose à la théorie paulinienne de la foi et des oeuvres (Romains), c'est parce que cette théorie, non la christologie, rend possible, et effective dans l'Eglise post-paulinienne, une indifférence pratique à l'égard des comportements économiques et sociaux, même si ce n'est pas son intention -- moyennant quoi "Jacques" produit bien lui-même à cet endroit une théorie, ou plutôt une contre-théorie, mais c'est une théorie de la pratique (ce qui est largement vrai aussi pour Matthieu).
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeLun 04 Oct 2021, 14:40

Haro sur les riches

La condamnation des riches et l’exaltation des pauvres et des humbles est un des traits les plus caractéristiques de l’épître. L’auteur reproche aux assemblées de croyants d’accorder aux riches un traitement de faveur malgré tous leurs méfaits :

"N’est-ce pas les riches qui vous oppriment ? N’est-ce pas eux qui vous traînent devant les tribunaux ? N’est-ce pas eux qui blasphèment le beau Nom qu’on a invoqué sur vous ?"
Jacques 2, 6-7

Les riches seront sévèrement condamnés lors du Jugement Dernier :

"Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. Votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille témoignera contre vous. Elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours !"
Jacques 5, 1

Dans le même esprit les pauvres sont valorisés, voire même exaltés

"Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment".
Jacques 2, 5
https://www.cairn.info/revue-pardes-2001-1-page-27.htm
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeLun 04 Oct 2021, 15:35

Sur cet article, voir ici 22.7.2021.

Je ne comprends pas tout à fait le "judéo-christianisme" de l'épître de Jacques de la même façon que Bernheim: c'est bien à la figure "judéo-chrétienne" de "Jacques le Juste" (judéo-chrétienne au sens inclusif, puisqu'elle se retrouve aussi bien chez Josèphe que dans le NT) que la pseudépigraphie recourt, dans sa stratégie formellement anti-paulinienne; mais la problématique du texte n'a rien de rituel, ni d'ethnique ni de confessionnel: il ne s'intéresse ni à la circoncision (contrairement au "Jacques" de Galates, de façon moins nette celui des Actes), ni au sabbat, ni aux règles alimentaires ou vestimentaires, autrement dit à rien de ce qui oppose d'ordinaire, même artificiellement, un "judaïsme" à un "christianisme" ou des "judaïsants" à "Paul": le débat est intégralement interne à un "pagano-christianisme" post-paulinien qui peut faire appel à une figure "judéo-chrétienne" précisément parce que ni un judaïsme, ni un judéo-christianisme ne constituent pour lui une menace et un enjeu.

Sous cette réserve, on peut (re-)lire l'article avec profit, surtout ce qui suit immédiatement ta citation, sur la "spiritualisation" ambiguë de la pauvreté dans le judaïsme tardif ET les différents christianismes -- ambiguë parce que le qualificatif de "pauvres" (ou "humbles") peut y désigner des "fidèles" ou des "élus", indépendamment de leur statut économique et social, mais aussi valoriser "spirituellement", et paradoxalement, une pauvreté réelle.

Sur ce point il serait dommage d'oublier le remarquable énoncé de 1,9ss, qui joue sur la "fierté" paulinienne dont nous venons de parler: le même "évangile" qui élève le pauvre et abaisse le riche doit procurer à tous deux de la "fierté", dans un mouvement pourtant opposé et complémentaire.

(Au passage, je signale que j'ai réécrit en bonne partie mon post précédent, surtout sur l'analyse de 2,1: j'avais répondu trop vite la première fois.)
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 11:24

La familiarité de Jacques avec des traditions chrétiennes transparaît tout au long de l’épître, mais en dehors de toute référence explicite. Ce dernier trait est particulièrement accusé à l’occasion de nombreuses réminiscences de paroles de Jésus. P.Hartin12 identifie ainsi 26 points de contact entre Jacques et la tradition synoptique, dont le plus prégnant est sans doute Jc 5,12: «Ne jurez pas, ni par le ciel, ni par la terre, ni par quelque autre serment; que votre oui (soit) oui votre non, non», passage effectivement très proche du logion rapporté en Mt 5,34-37. Pourtant à aucun moment ces réminiscences de sentences de Jésus ne sont identifiées comme telles, alors qu’elles imprègnent pour une bonne part le langage et la pensée de l’épître. La même remarque peut être faite à propos des rapprochements entre Jc 2,14-26 et certains passages pauliniens, notamment Rm 3,28 et 4,2-3 ou Ga 2,16 et 3,6. Même si, en ce cas précis, les proximités verbales sont au service de deux argumentations distinctes, il reste difficile de ne pas supposer une dépendance, au moins indirecte, entre les rédactions de Paul et de Jacques; d’autant plus que d’autres points de contact existent par exemple entre Jc 1,2-4 et Rm 5,3-5 ou Jc 2,8-9 et Rm 13,8-1013. La première épître de Pierre présente également des rapprochements avec Jacques en des passages similaires en termes et en pensée14, comme entre Jc 1,2-4 et 1P 1,6-7 ou Jc 4,6-10 et 1P 5,5-9. D’autres rapprochements s’offrent encore avec Jude ou l’épître aux Hébreux ou avec des écrits patristiques comme le Pasteur d’Hermas, la Didachè, 1 Clément, ou l’Épître de Barnabé15.On constate donc que Jacques s’inscrit dans le mouvement large du christianisme primitif, sans que l’on puisse toujours déduire de ces contacts, directs ou non, des dépendances ou des filiations fermes ni, surtout, dans quel sens elles se sont opérées ...

... L’anonymat des références implicites aux paroles de Jésus paraît, quant à lui, déroutant pour qui est habitué à l’insistance des évangiles synoptiques sur le locuteur de ces mêmes sentences. Paul également, pour ses rares citations de paroles de Jésus, n’oublie pas de mentionner leur rapport au «Seigneur» (cf. 1Co 7,10; 11,23). Le lien entre Jacques et la tradition des écrits de Paul est par ailleurs très discuté, notamment parce que, là aussi, Jacques, tout en révélant des tournures et un vocabulaire que l’on peut qualifier de pauliniens, ne se réfère jamais, même indirectement, à l’apôtre des nations. Ce mutisme sur l’identification précise de traditions littéraires chrétiennes va de pair avec l’absence de toute référence explicite au baptême ou à la pratique du repas du Seigneur, mais aussi avec le silence de Jacques sur un aspect central du kérygme. En effet, la passion et la résurrection de Jésus ne sont pas évoquées, à moins que l’on considère l’assassinat du «juste» par les riches en Jc 5,6 et la «fin du Seigneur» en 5,11 comme des allusions à la crucifixion. L’argument du silence n’a certes qu’une valeur secondaire, mais en ce cas il contribue singulièrement à la suspension d’une identification définitive de l’épître.

http://docplayer.fr/210460518-La-suspension-de-l-identite-dans-l-epitre-de-jacques.html
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 12:35

Merci encore pour cet article fort intéressant.

A mon avis, le rapport de l'épître de Jacques à "Jésus" et à "Paul", ou, ce qui n'est déjà pas la même chose, aux évangiles synoptiques (surtout Matthieu) et aux épîtres pauliniennes, est complètement différent. "Jacques" réplique littéralement aux formules de l'épître aux Romains, avec laquelle il a donc une relation littéraire, tout en laissant son "auteur" hors champ (contrairement p. ex. à l'antipaulinisme des pseudo-Clémentines qui s'en prend à la personne de "Paul", fût-ce sous un autre nom). En revanche, rien n'indique que les énoncés similaires à ceux des Synoptiques soient connus de lui comme des "paroles de Jésus" -- ils le sont a priori pour nous, parce qu'en général nous avons lu Matthieu avant Jacques, mais si peu qu'on se dégage de ce préjugé il apparaît bien plus probable qu'on ait affaire à un vaste fonds judéo-chrétien (toujours au sens inclusif, "juif" et/ou "chrétien") de maximes sapientiales et morales, dont les évangiles, surtout Matthieu et Luc (avec ou sans "Q"), ont tiré aussi des "paroles de Jésus", tout comme "Jacques" ses propres expressions. Quoi qu'il en soit, il est de la nature même de la "sagesse" de ne pas dépendre, en principe, de l'autorité ni donc de l'identité de celui qui l'énonce, mais de se faire reconnaître par elle-même à la "sagesse" présumée de l'auditeur -- ce sont plutôt des paroles de sagesse qui justifient leur locuteur, le cas échéant, que le contraire...

Sur la question bien plus importante, au regard au contenu de l'épître, de l'"identité sociale", il me semble clair que celle des destinataires (réels ou imaginaires) est hybride: Jacques s'adresse à une Eglise (post-paulinienne et proto-catholique à mon sens) où, de fait, il y a des riches et des pauvres, relativement bien sûr (témoin déjà 1,9ss sur lequel j'essayais d'attirer l'attention dans mon post précédent, mais aussi 2,1ss; 4,6.10.13ss; 5,1ss), et où les riches tendent naturellement à prendre l'ascendant, également sur le plan "spirituel" ou "religieux" -- résultat inévitable de la sociologie des Eglises pauliniennes, qui dépendaient pour se réunir comme pour disposer d'un certain statut social des "patrons" relativement aisés qui les accueillaient dans leurs "maisons"; Eglises dès lors quasiment incluses dans leur "maisonnée" ou "famille" au sens large, selon les critères du clientélisme gréco-romain (cf. là-dessus Theissen); ce sont forcément les riches, de surcroît instruits, qui deviennent en priorité "anciens", "enseignants-docteurs", "épiscopes-évêques". Cela tend à valider et à confirmer dans "l'Eglise" les rapports et les critères socio-économiques et culturels du "monde" (cf. 1,27), ce que Jacques conteste avec une vivacité exceptionnelle.

Le thème de la "pauvreté" se retrouve dans bien des textes, semblables en surface, mais il peut recouvrir des attitudes foncièrement différentes. Il y a par exemple une "pauvreté idéale" où les riches se complaisent volontiers (c'est dans le christianisme "bourgeois" qu'on parle le plus de "dépouillement" ou de "sobriété"), sans jamais remettre en cause leurs avantages concrets -- la chose a souvent été repérée dans Luc-Actes (p. ex. par Conzelmann); à l'inverse, on peut vouloir et choisir une "pauvreté" réelle, moins pour aider les pauvres que comme une expérience "religieuse" ou "spirituelle", individuelle ou communautaire (ce serait plutôt la tendance de Matthieu). Tout autrement, on peut vouloir aider réellement les pauvres et entretenir à cette fin une disparité socio-économique fonctionnelle (les pauvres n'ont que faire qu'un riche devienne un pauvre de plus, cf. Brecht dans Sainte Jeanne des Abattoirs; ce serait la logique de "Paul" à propos de la collecte, quoique celle-ci ait aussi des motivations plus "diplomatiques"). "Jacques" cherche à renverser les "valeurs" dans l'Eglise, ce qui implique précisément l'élévation du pauvre et l'abaissement du riche, et passe sans doute par une "identification idéale" de tous à une certaine pauvreté, mais non sans conséquences pratiques.

J'insiste, car je ne me suis pas sûr de m'être fait comprendre, sur ce qui est à mes yeux les "coup de génie" majeur de l'épître de Jacques, et qui trouve justement sa meilleure expression en 1,9ss: là où le paulinisme, et le christianisme en général, promettent indifféremment le salut, la résurrection, la gloire, voire la divinisation à tous, c'est une élévation pour tout le monde, y compris pour ceux qui n'en ont nullement besoin; là où au contraire ils prêchent l'humilité, l'abaissement, ils le prêchent indifféremment à tous, y compris aux pauvres en tout genre qui ne sont déjà que trop humiliés. "Jacques" différencie socialement le propos: la même "religion" doit élever l'un et abaisser l'autre, et tous devraient s'en réjouir (en être "fiers", le riche de son abaissement comme le pauvre de son élévation). Là encore, résurgence lointaine d'une différenciation paulinienne (entre les "apôtres" et les autres, le "nous" et le "vous" de 2 Corinthiens notamment, les uns souffrants et humiliés pour le salut et la gloire des autres), mais sur un tout autre terrain.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 14:59

Jacques identifie donc clairement la communauté à laquelle il s’adresse, aux pauvres et aux opprimés. Par contre, les riches (plousioi) sont dans sa lettre les persécuteurs de l’Église. Ils y sont mentionnés explicitement à trois reprises :

• Dans la diatribe citée ci-dessus,
• Dans le retournement de situation de 1.10-11 évoqué en introduction(le pauvre est appelé à mettre sa fierté dans son élévation ; le riche, lui, va “périr”, desséché comme une fleur au soleil),
• En 2.6-7, où Jacques rappelle que les riches oppriment les chrétiens en les traînant devant les tribunaux et en calomniant le beau nom de Christ.

Ces riches-là ne sont pas des chrétiens mais des ennemis de l’Église, toujours mis en opposition aux membres de la communauté et voués selon lui à la destruction. Dans Jacques, il semble donc que nous retrouvions le fort contraste, émanant de la tradition et des Écritures juives, entre riches/oppresseurs d’une part, et pauvres/chrétiens d’autre part.

Pourtant, les choses se complexifient quelque peu dans cette Épître. Il apparaît, par exemple, que la communauté destinataire pouvait avoir en son sein des personnes plus ou moins aisées (des “businessmen”). 4.13-17 – qui faisaient des projets financiers en y omettant Dieu). Tous, donc, ne se trouvaient pas dans une extrême pauvreté et tous n’étaient pas “sans domicile fixe”. La communauté chrétienne est ainsi encouragée à donner, à mettre en pratique sa foi, pour de plus pauvres qu’elle. En 2.14-17, nous lisons, par exemple, ce texte bien connu :

"Mes frères, à quoi servirait-il que quelqu’un dise avoir de la foi, s’il n'a pas d'œuvres ? La foi pourrait-elle le sauver ? Si un frère ou une sœur n’avaient pas de quoi se vêtir et manquaient de la nourriture de chaque jour, et que l’un de vous leur dise : “Allez en paix, tenez-vous au chaud et mangez à votre faim !”sans leur donner ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela servirait-il ? Il en est ainsi de la foi : si elle n’a pas d’œuvres, elle est morte en elle-même".

(...)

La réaction des chrétiens face à l’épreuve est une thématique très importante pour Jacques. Dans son premier chapitre (1.13-15), il avait déjà donné le ton :

"Que personne, lorsqu’il est mis à l'épreuve, ne dise C’est Dieu qui me tente. ”Car Dieu ne peut pas être tenté par le mal, et lui-même ne tente personne. Mais chacun est tenté par son propre désir, qui l’attire et le séduit. Puis le désir, lorsqu’il a conçu, met au monde le péché ; et le péché, parvenu à son terme, fait naître la mort" (notre traduction).

Ainsi, dans l’ensemble de son Épître, Jacques questionne pastoralement la spiritualité du pauvre : toi qui es pauvre, comment réagis-tu face à l’épreuve de ta pauvreté ? Comment vis-tu cette épreuve ? T’éloigne-t-elle de Dieu ou te rapproche-t-elle de lui ? Ton cœur est-il tout entier dirigé vers lui, même dans l’épreuve, ou est-il partagé ? Ces chrétiens n’avaient manifestement pas toujours fait preuve de beaucoup de maturité dans leurs épreuves, ni de beaucoup d’amour. Jacques les critique ouvertement sans pour autant les enfoncer car il leur présente une solution magnifique : son évangile (Jacques 3.6-10) :

"Cependant, la grâce que Dieu nous accorde est supérieure, car il est dit aussi : “Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il traite les humbles avec bonté”. Soumettez-vous donc à Dieu ; résistez au diable et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs ; purifiez vos cœurs, gens indécis ! Soyez conscients de votre misère, pleurez et lamentez-vous ; que votre rire se change en pleurs, et votre joie en tristesse. Abaissez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera".

https://www.academia.edu/33522827/_La_spiritualit%C3%A9_et_la_pastorale_du_pauvre_dans_l%C3%89p%C3%AEtre_de_Jacques_Cahiers_de_l%C3%89cole_Pastorale_93_2014_p_25_38
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 15:33

En voilà un qui -- à mon sens, bien sûr -- n'a vraiment rien compris... (ça ne m'étonne guère d'ailleurs, je l'ai rencontré une fois et je m'en souviens encore).

Il n'y a qu'en 2,6s que les "riches" soient "non-chrétiens", voire "anti-chrétiens", et ce n'est évidemment pas un hasard, puisqu'il s'agit précisément de souligner la "solidarité de classe objective" (si je puis employer anachroniquement ce vocabulaire d'allure marxiste) entre les "riches chrétiens" ou les "chrétiens riches", catégorie qui peut aisément s'étendre aux catéchumènes ou sympathisants (riches), dont il est question partout ailleurs, y compris dans les versets précédents, et les ennemis réels ou imaginaires du "christianisme" (relire, relire)... l'idée, en bref, c'est qu'en accordant un honneur particulier et une suprématie effective aux "riches" dans l'Eglise (comment faire autrement s'ils en sont non seulement les "protecteurs" économiques et sociaux, mais aussi les "enseignants", chap. 3 ?), on a déjà renié le "christianisme" ou ce qui devrait faire sa spécificité (selon "Jacques", bien entendu), on est objectivement solidaire de ses persécuteurs.

Moyennant quoi l'interprétation "pastorale" de Farelly illustre parfaitement ce que je viens de dire dans le post précédent: en refusant de différencier le "riche" et le "pauvre" dans l'Eglise (à l'avantage du "pauvre", s'entend), en les traitant également ou indifféremment, en laissant en somme le riche tranquille dans sa richesse et en lui octroyant de surcroît une bonne conscience, parce qu'il est aussi "chrétien", on aboutit forcément à le confirmer dans sa supériorité habituelle et à humilier davantage le pauvre en l'exhortant sans vergogne, lui, à l'humilité...

Au passage, si l'on a du mal à comprendre comment le protestantisme ultra-paulinien a pu donner naissance au "capitalisme", comme on le récite plus ou moins intelligemment depuis Weber, sans même parler des caricatures "évangéliques" d'un "évangile de la prospérité" qui sanctifie et glorifie la richesse en exploitant jusqu'à la corde des milieux majoritairement pauvres, on a ici un excellent exemple de la "logique" sous-jacente à ce processus.


Dernière édition par Narkissos le Mar 05 Oct 2021, 16:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 16:03

En fait, si l'épître de Jacques provenait effectivement de Jacques, frère du Seigneur, chef de l'Eglise de Jérusalem, lapidé en 62 selon le témoignage de Flavius Josèphe, elle montrerait clairement qu'il existait dans toutes les Eglises de la diaspora (Je 1, 1) des «presbytres» agissant «au nom du Seigneur» (Je 5, 14), et ceci avant 62, donc avant la mort des apôtres. Cependant, il existe contre cette attribution un certain nombre d'objections bien connues, qui, prises individuellement, ne seraient pas décisives, mais qui, cumulées, ont conduit bien des critiques modérés à adopter l'hypothèse de la pseudonymie. Selon l'opinion majoritaire actuelle, l'écrit serait à situer entre 70 et 1305. Même si certains auteurs croient pouvoir préciser que Jc fut écrite vers l'an 100, «à la fin du premier siècle ou au commencement du second», le plus savant des commentaires parus dans ces dernières années préfère afficher une docte ignorance: «Où et quand l'épître fut écrite, nous ne le savons pas. A la fin d'une discussion qui s'est étendue sur un siècle, il nous faut le constater prosaïquement : l'épître de Jacques est un texte de genre sapientlel, qui ne peut être exactement ni daté, ni localisé, ni attribué à un auteur connu .»

Les rapports entre Jc et Rm ...

Les rapports entre Je et 1 Co ...

Mais l'objectif premier de notre étude était de montrer qu'au moment où Paul achevait en Asie sa grande œuvre de fondation de l'Eglise en terre païenne, les communautés pauliniennes comprenaient fort bien quels étaient les personnages que Jacques appelle «les presbytres de l'Eglise» (Je 5, 14). Certes, à Corinthe, il est question, comme à Antioche (Ac 13, 1), de «prophètes» et de «didascales» (7 Co 72, 28). Jacques s'adresse d'ailleurs lui-même aux «didascales» (Je 3, 1). Mais la fluidité des titres n'empêche pas l'identité des fonctions. On ne peut donc accuser Luc d'anachronisme quand il dit qu'à cette époque Paul a convoqué à Milet les presbytres d'Éphèse (Ac 20, 17). L'ecclésiologie des Actes, comme d'ailleurs celle des épîtres pastorales et de la première épître de Pierre, correspond à la réalité vécue aux alentours ce l'an 56. Ce sont bien les apôtres qui, dans l'Esprit Saint, ont établi des presbytres comme gardiens du troupeau (Ac 20, 28).

https://www.nrt.be/fr/articles/la-date-de-l-epitre-de-jacques-385
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMar 05 Oct 2021, 16:47

De Charybde en Scylla: Philippe Rolland, prêtre catholique ultra-réactionnaire au moins en matière d'exégèse, obsédé par la "datation haute" (c.-à-d. ancienne, ou précoce) des textes du NT, qui était venu s'encanaillerinstruire chez les évangéliques à Faculté de Vaux-sur-Seine quand j'y étais aussi, à la fin des années 1980 -- mais lui parce que l'exégèse catholique contemporaine était trop "critique" à son goût -- et dont je vois, Dieu ait son âme, qu'il est mort en 2017...

En l'occurrence il se contente de retourner le consensus général selon lequel l'épître de Jacques "répond" à l'épître aux Romains, pour affirmer que c'est l'épître aux Romains qui répond à Jacques... à mes yeux c'est ridicule, mais il faudrait des pages et des pages pour le montrer, et je doute qu'ici ça en vaille la peine. Cependant les éléments factuels de l'article, sur les correspondances verbales entre les textes notamment, restent bons à prendre, même si le raisonnement d'ensemble ne vaut pas tripette.

A vrai dire, l'épreuve ou la contre-épreuve de toute théorie de ce type consiste dans la (re)lecture des textes, même en traduction (évidemment l'"original" soulève bien d'autres questions, p. ex.: d'où le petit frère de Jésus, ou son cousin pour un catholique orthodoxe, qu'on l'imagine Galiléen et a priori peu instruit, ou même Judéen proche des esséniens-qoumrâniens qui écrivent surtout en hébreu ou en araméen, tiendrait-il la qualité littéraire de son grec, parmi les meilleurs ou les moins mauvais du NT ?): pourquoi insister sur la nécessité d'associer les "oeuvres" à la "foi", si personne n'a encore songé à les distinguer et encore moins à les opposer, ce qui est précisément l'innovation majeure de "Paul" dans Romains et Galates ? A qui "Jacques" adresserait-il son épître dans la diaspora, en l'absence de communautés façonnées par la doctrine paulinienne ou une doctrine similaire ? Si l'on suppose un "judéo-christianisme" répandu dans tout l'empire sans influence paulinienne ou paulino-compatible ("judéo-christianisme" qui n'aurait laissé aucune trace et que même les Actes ne suggèrent guère, puisque quand "Pierre" parle des "païens" son langage est quasi paulinien), qu'aurait bien pu signifier pour ce "public" un tel texte, qui ne dit pas grand-chose de spécifiquement "juif" ni "chrétien" et semble en revanche se battre contre des fantômes insaisissables, si l'on n'entend pas derrière lui l'épître aux Romains et tout ce qui s'ensuit ? A l'inverse, peut-on concevoir la rhétorique sophistiquée de l'épître aux Romains à partir des déclarations de Jacques, qui paraissent erratiques et inconsistantes si on ne leur présuppose pas en toile de fond, justement, l'épître aux Romains ? Outre l'invraisemblance générale d'épîtres envoyées à différents destinataires aux quatre coins de l'empire (Corinthe, Rome, Galatie pour "Paul") et qui se répondraient néanmoins les unes aux autres dans un délai très court (dans le schéma chronologique de Rolland tout serait concentré dans les années 50-60, et plus personne n'écrirait, sauf "Jean", jusqu'à la fin du siècle), comme si les différents "auteurs" s'envoyaient systématiquement les uns aux autres des copies de leur correspondance... Chacun pourra se faire une idée en relisant les textes avec ce genre de questions derrière la tête.
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 06 Oct 2021, 11:16

"Mes frères, à quoi servirait-il que quelqu'un dise avoir de la foi, s'il n'a pas d'œuvres ? La foi pourrait-elle le sauver" (2,14) 

Jacques et Paul ne semblent pas avoir la même conception de la foi, chez Paul, la foi est directement liée à une personne, à savoir le Christ qui en est à la fois le sujet et l'objet, alors que pour Jacques la foi correspond à un contenu (un ensemble de croyances auxquelles on se réfère et on croit) plutôt qu'à la personne même du Christ. D'un côté nous avons la foi qui croit et d'un autre côté nous avons la foi en laquelle on croit. Chez Jacques nous retrouvons la formule "avoir la foi" et chez Paul "par la foi de Jésus-Christ" (Rm 3,22 ; Ga 2,16).
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 06 Oct 2021, 11:56

Sempiternelle ambiguïté de la "foi" dite "subjective" et "objective", fides qua creditur (la foi par laquelle on croit) et fides quae creditur (la foi que l'on croit), la seconde étant équivalente à ce qu'on appelle "croyance" ou "doctrine" -- nous en avons beaucoup parlé par le passé, surtout dans les débuts de ce forum.

Comme on l'a vu plus haut (30.9.2021), l'épître de Jacques se réfère bien aussi (2,1) à la "foi de Jésus-Christ", formule elle-même ambiguë mais d'une tout autre ambiguïté: on peut y entendre à la lettre "Jésus (comme) croyant", mais cela n'aurait guère de sens chez "Paul" qui ne s'intéresse absolument pas au "personnage" du "Jésus terrestre", avant sa mort et sa résurrection (et "Jacques" pas davantage); c'est au contraire l'ensemble du "mythe Jésus-Christ", le crucifié-ressuscité, qui est à la fois "sujet" et "objet" de "foi", qui cause, génère, appelle et détermine la "foi" paulinienne (de ça aussi nous avons parlé à maintes reprises, voir p. ex. le lien du post précité). Pourtant les épîtres aux Romains et aux Galates présentent bien la "foi" comme un "principe" général de "justification", sans rapport direct à "Jésus-Christ", notamment dans le cas d'Abraham... selon la logique paulinienne, c'est bien parce que la "foi" justifie en général (exemple d'Abraham selon Genèse 15,6) que la "foi" chrétienne particulière (en "Jésus-Christ") justifie (les chrétiens). En somme il ne me semble pas que "Paul" et "Jacques" s'opposent sur la définition de la "foi" (subjective ou objective, en "quelqu'un" ou en "quelque chose"), mais sur le principe même de la "justification" (la "foi" ne justifie que par et avec des "oeuvres", autrement dit ce sont les "oeuvres" qui justifient vs. la "foi" justifie sans ou indépendamment des "oeuvres" -- et on ne peut pas non plus atténuer cette opposition-là en jouant sur la définition des "oeuvres" concernées, elles ne sont pas plus "rituelles" pour "Paul" que pour "Jacques").
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 06 Oct 2021, 12:50

"D'où viennent les conflits, d'où viennent les querelles parmi vous, sinon de vos plaisirs qui combattent dans votre corps tout entier ? Vous désirez et vous ne possédez pas ; remplis de passion jalouse, vous assassinez, et vous ne pouvez rien obtenir ; vous multipliez les querelles et les conflits, mais vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas. Si vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de pouvoir dépenser pour vos plaisirs. Adultères ! Ne savez-vous pas que l'amour du monde est hostilité à l'égard de Dieu ? Celui qui est décidé à être ami du monde se rend donc ennemi de Dieu. Croyez-vous que l'Ecriture parle en vain lorsqu'elle dit : Il désire jusqu'à l'envie l'Esprit qu'il a fait habiter en nous. 6Mais la grâce qu'il accorde est supérieure, puisqu'elle dit : Dieu résiste aux orgueilleux, mais il accorde sa grâce aux humbles" (4,1-6).


La recherche du plaisir semble être source de tous les malheurs, puisque Jacques affirme que les conflits et les combats proviennent des "plaisirs qui combattent dans votre corps tout entier". Pourquoi la notion même de "plaisir" produit-elle violence, jalousie et mort ? Apparemment pour l'auteur, celui qui recherche les "plaisirs" espère posséder ce qui ne se possède jamais, à savoir la capacité de combler le vide existentiel :   "mais vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas. Si vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de pouvoir dépenser pour vos plaisirs". La recherche du "plaisir" crée la frustration et ne comble pas la vie d'un individu qui croit possèdera une chose qui lui échappe toujours,  ainsi il s'épuise en vain. 
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeMer 06 Oct 2021, 14:18

Par rapport à 1,14s, il y a en effet glissement, si je puis dire, du "désir" (epithumia, cf. epithumeô 4,2, et exemplairement Romains 7) au "plaisir" (hèdonè, d'où "hédonisme", 4,1.3), terme non paulinien (du moins dans la première partie du corpus), très stoïcien par contre dans un sens péjoratif (contrairement à l'épicurisme qui fait du "plaisir" l'unique critère moral, quoique dans un sens fort différent de celui où nous l'entendons couramment), et plutôt d'emploi tardif dans le NT (Luc 8,14; Tite 3,3; 2 Pierre 2,13). Rolland remarquait avec raison la proximité de la formule "guerroyer / combattre dans les membres / parties du corps" avec Romains 7,23 (strateuô / anti-strateuô + en tois melesin), sauf que là c'est la "loi de la chair" qui combat contre "la loi de l'esprit-intellect" (noûs, voir ici).

L'opposition de "Jacques" à "Paul", et surtout au "paulinisme" ultérieur tel qu'il s'intègre dans la constitution de la "grande Eglise", depuis l'épître aux Ephésiens en particulier, est essentiellement une opposition à la "foi" comprise comme "mystère", initiation quasi magique qui ferait passer "surnaturellement" le croyant de la "chair" à l'"esprit", de la "mort" à la "vie", etc. (si le mot de "mystère" n'a pas encore ce sens-là dans le corps de l'épître aux Romains, hormis peut-être dans la conclusion de 16,25, c'est bien à partir des énoncés de cette épître, notamment ceux des chapitres 5--8, qu'il va le prendre et le développer dans les deutéro-pauliniennes, Colossiens-Ephésiens, en écho de tous les "mystères" païens qui fonctionnent de façon similaire). A quoi "Jacques" oppose une version beaucoup plus "responsable" et, en un sens, "modeste", de la "religion": inutile d'invoquer des grands principes dominants et déterminants pour expliquer le "mal" comme le "bien", "chair", "péché", "tentation-épreuve", "diable" ou "esprit", au fond c'est toujours nous qui désirons et décidons, dans un rapport à "Dieu" qui n'agit qu'avec nous, nullement contre ni malgré nous...
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MessageSujet: Re: la lettre de Jacques   la lettre de Jacques Icon_minitimeVen 08 Oct 2021, 12:57

"Que personne, lorsqu'il est mis à l'épreuve, ne dise : « C'est Dieu qui me met à l'épreuve. » Car Dieu ne peut être mis à l'épreuve par le mal, et lui-même ne met personne à l'épreuve. Mais chacun est mis à l'épreuve par son propre désir, qui l'attire et le séduit. Puis le désir, lorsqu'il a conçu, met au monde le péché ; et le péché, parvenu à son terme, fait naître la mort" (1,13-15).

Lorsqu’on suit dans l’Ancien, puis le Nouveau Testament, les occurrences des mots épreuve-tentation, on constate en effet cette évolution, mais les doubles sens restent possibles comme nous le montrent ces versets de la Lettre de saint Jacques, que nous reproduisons dans la version de la TOB, complétée pour la finale du verset 13.

[Jacques 1] 2 Prenez de très bon cœur, mes frères, toutes les épreuves (peirasmois) par lesquelles vous passez, 3 sachant que le test (dokimion) auquel votre foi est soumise produit de l’endurance (hypomonèn).
13 Que nul, quand il est tenté (peiradzomenos), ne dise : « Ma tentation vient de Dieu (peiradzomai). » Car Dieu ne peut être tenté (apeirastos) de faire le mal et ne tente lui-même personne (peiradzei de autos oudena). 14 Chacun est tenté (peiradzetai) par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit.

Ces 4 versets de la Lettre de Jacques, écrit sapientiel, reflètent bien, si l’on peut dire, l’évolution de la notion de peirasmos, qui apparaît au total six fois dans ces deux passages. Les deux premiers versets reprennent clairement le sens d’épreuve, puisqu’il faut s’en réjouir et que son résultat est la persévérance, la fameuse hypomonè. Les deux derniers au contraire traitent de la tentation que Dieu ne peut ni subir ni envoyer et qui a ici sa source dans la convoitise de l’homme. Une comparaison précise de cette traduction avec celle de la Bible de Jérusalem (BJ) montrerait sans peine la perplexité des meilleurs spécialistes. La BJ maintient partout le mot français épreuve, tandis que la TOB opte la première fois pour épreuve et la seconde pour tentation.

https://www.cairn.info/revue-communio-2019-1-page-7.htm
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