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| le bouddhisme zen | |
| | Auteur | Message |
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le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: le bouddhisme zen Ven 26 Juil 2019, 11:46 | |
| Zen est un terme japonais qui provient du chinois 禅 qui se prononce chan en mandarin. Contrairement à la branche Theravada (l’école des anciens) pratiquant la méditation et l’étude minutieuse des sutras, le bouddhisme Zen attache une plus grande importance à la méditation.
Ainsi s’est développé avec le temps une pratique très structurée de l’assise, soit la posture à tenir lors de la méditation. Le méditant s’installe sur son coussin en position du lotus, c’est-à-dire les jambes croisées le pied gauche reposant sur le genoux droit et le pied droit posé sur le genoux gauche ou bien en demi-lotus les jambes repliées, dans le même sens, le pied gauche posé sur le genoux droit. Lors d’une méditation pratiquée en groupe les participants sont alignés, tournés face à un mur.
Certains maîtres zen encouragent les néophytes à compter leur respiration dans le but d’acquérir une bonne concentration. Le méditant, expérimenté, doit atteindre un état lui permettant d’accepter toutes les réactions qu’il peu ressentir en lui et tous les bruits, sensations extérieures. L’apprentissage de la méditation passe par l’apaisement de tout son organisme. L’exercice est complexe car il convient de ne pas rechercher ou du moins de ne pas faire d’effort particulier pour atteindre cette paix. Cette dernière advient lorsque le pratiquant s’est libéré de tous « les parasites » internes ou externes par la méditation ou concentration totale. Pendant l’espace de la méditation il est hors du temps. Les maîtres préconisent de se laisser aller, de ne pas retenir son esprit, de lâcher prise.
Nous sommes loin de l’approche occidentale qu’évoque le mot zen : une attitude cool, sans réaction, sans effort. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Dim 28 Juil 2019, 14:05 | |
| Chan, zen, thien en vietnamien, seon en coréen, semblent tous être des dérivés du sanskrit dhyâna = "méditation". Si l'Occident a surtout retenu le mot japonais, c'est évidemment à cause de l'occupation américaine du Japon débouchant sur la "contre-culture" des années 1950-60 ( beat generation etc.), mais peut-être aussi pour des raisons plus profondes: en Chine le bouddhisme avait rencontré le tao (ou dao) avec lequel il avait beaucoup d'affinités et qui lui a donné un tour plus "sapiential" (ou "philosophique" au sens très large, je ne reviens pas sur la distinction de ces termes puisque nous venons d'en parler ailleurs), notamment avec la tradition verbale du koan, expérience de pensée à partir d'une parole énigmatique, paradoxale ou aporétique, qui se rapproche du sens occidental de la "méditation" dans la tradition spirituelle, mystique ou apophatique du christianisme (laquelle a pu se comprendre comme hyper- ou archi-rationnelle au moyen-âge, avant que la réduction de la "raison" moderne la repousse comme anti- ou ir-rationnelle). Sans préjudice des innombrables abus populaires et publicitaires du mot qui sont la rançon de son succès, le "zen" donne à penser pour questionner et transformer une "façon de penser" commune (dualiste, exclusive, etc.): c'est aussi cela qui pouvait intéresser l'Occident, parce que celui-ci faisait des expériences de pensée similaires aux limites de sa théologie ou de sa philosophie (paradoxe, coïncidence des opposés, etc.). Il y a aussi, je pense, un tout autre rapport de l'extrême-Orient et du Japon en particulier au "syncrétisme" ou à la combinaison de traditions religieuses et/ou sapientiales de provenances diverses qui ne forment pas des "identités" exclusives: il n'y a pas d'incompatibilité dans la participation à des rites bouddhistes, shintô, ou même chrétiens par exemple. Quand Kurosawa adapte Shakespeare ou Dostoïevski, le Bouddha "traduit" le Christ et cela fonctionne à merveille. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Lun 29 Juil 2019, 12:58 | |
| Actuellement quelques salles de bouddhisme Zen disparaissent. Celles qui semblent perdurer sont regroupées autour de maîtres asiatiques. Ce que le message de Narkissos faisait entre autre : - Citation :
- Sans préjudice des innombrables abus populaires et publicitaires du mot qui sont la rançon de son succès, le "zen" donne à penser pour questionner et transformer une "façon de penser" commune (dualiste, exclusive, etc.): c'est aussi cela qui pouvait intéresser l'Occident, parce que celui-ci faisait des expériences de pensée similaires aux limites de sa théologie ou de sa philosophie (paradoxe, coïncidence des opposés, etc.).
tend à se modifier me semble-t-il. La recherche est différente, peut-être plus "sérieuse" d'où la disparition de certains "dojo" zen. Je me pose quand même les questions suivantes : ces salles se sont-elles fermées par manque de participant ou pour de banales questions financières ?n'ont-elles plus trouvé de maître ? Il arrive fréquemment que des associations bouddhistes zen sont dirigées par des enseignants bouddhistes occidentaux, cependant il n'y a plus de maître selon les critères asiatiques. Soit quelqu'un prônant un enseignement collectif et privé non seulement par le biais de cours mais aussi par son mode de vie. A trop s'occidentaliser le bouddhisme perd une partie de l'aura qu'elle a acquise au cours du 20e siècle lors de sa découverte hors de ses lieux de "naissance". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mar 30 Juil 2019, 01:00 | |
| Je ne faisais que relever un point de contact possible entre une caractéristique du "zen" (le koan) et un trait mineur, mais décisif, de la pensée occidentale (le goût de l'énigme, du paradoxe, de l'aporie, qui court depuis les présocratiques à la "dialectique" moderne, en passant aussi bien par les "paraboles" évangéliques que par la haggada rabbinique). Je serais mal placé pour me prononcer sur son "attractivité" effective auprès d'un public occidental et a fortiori sur l'évolution récente de cette dernière -- le fait est que je l'ai surtout vue appréciée par des Américains fort ignorants des traditions européennes, même si celles-ci faisaient théoriquement partie de leur "culture" ancestrale. Une religion "universelle" qui est née quelque part, qui a donc une histoire et une géographie historique, une langue et une culture d'origine, est peut-être toujours partagée entre une volonté de traduction et d'adaptation qui ne va pas sans modification de son "contenu" et un souci d'authenticité ou de fidélité qui s'y oppose -- mais qui lui aussi exerce un pouvoir d'attraction ambigu, sous forme d'"exotisme" notamment. Qu'on songe à ce que le christianisme hellénophone a soigneusement conservé d'hébreu ou d'araméen pour lui incompréhensibles ( amen, alléluia, hosanna, maranatha), le christianisme latin de grec ( kyrie eleison), le catholicisme roman et autre de latin "langue morte", le judaïsme ou l'islam "universels" d'hébreu ou d'arabe classiques peu compris par la grande majorité des "pratiquants". Tout cela fonctionne comme autant d'"abracadabra" et autres formules magiques, à l'encontre de la pensée intelligible (fût-elle intelligible comme inintelligible, autrement dit comme paradoxe) mais tout aussi importants qu'elle, ne serait-ce qu'à titre de "contrepoint" ou de "contrepoids". Il n'empêche que la logique même d'une "mission étrangère", pour une religion à prétention "universelle", vise à la formation non seulement de "disciples" mais de "maîtres" étrangers: si après n générations un "maître bouddhiste occidental" demeure suspect auprès des pratiquants (orientaux et occidentaux !) parce qu'occidental, il y a quelque chose qui cloche dans la (trans-)mission, et/ou dans l'universalité prétendue. Réciproquement, d'un point de vue occidental, on peut aussi s'interroger sur la part d'"exotisme" dans l'attractivité de la religion -- qui devrait à tout prix rester "étrangère" aux Occidentaux pour garder son attrait à leurs yeux... --- P.S.: L'un des koan les plus célèbres (en Occident) est celui de Jo-shu (Zho-shou, etc.): "Un chien a-t-il la nature de Bouddha ? -- Wou !" ( Wou = Mou en prononciation japonaise, c'est aussi bien l'onomatopée qui imite l'aboiement du chien que le mot qui signifie "rien" et la notion bouddhique d'"impermanence", celui dont Ozu a fait inscrire l'idéogramme sur sa tombe, cf. l'avatar de mon blog.) P.P.S.: Je n'ai pas fait exprès de poster à 00h00 mais c'est une heureuse coïncidence... |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mar 30 Juil 2019, 21:46 | |
| - Narkissos a écrit:
- Il n'empêche que la logique même d'une "mission étrangère", pour une religion à prétention "universelle", vise à la formation non seulement de "disciples" mais de "maîtres" étrangers: si après n générations un "maître bouddhiste occidental" demeure suspect auprès des pratiquants (orientaux et occidentaux !) parce qu'occidental, il y a quelque chose qui cloche dans la (trans-)mission, et/ou dans l'universalité prétendue. Réciproquement, d'un point de vue occidental, on peut aussi s'interroger sur la part d'"exotisme" dans l'attractivité de la religion -- qui devrait à tout prix rester "étrangère" aux Occidentaux pour garder son attrait à leurs yeux...
La difficulté pour le bouddhisme Zen comme pour toutes les autres écoles bouddhiques d'ailleurs provient du fait que les moines, les maîtres n'ayant pas été formés dans les pays asiatiques sont parfois regardés comme des maîtres, des moines de moins bonne facture par les occidentaux et paradoxalement comme d'excellents continuateurs par les asiatiques pour leur part. Nous sommes, nous occidentaux, un peu méfiants alors que nous ne sommes pas asiatiques, pour la plupart d'entre nous. De nombreux maîtres japonais sont venus en France dans les années 1980 pour partager l'enseignement de Bouddha et ont formé de très bons disciples qui pour certains d'entre eux sont devenus à leur tour enseignants voire maîtres. Je te remercie, Narkissos, d'avoir jeté un pont (relevé un point de contact possible [comme tu le déclares]) entre le christianisme et le bouddhisme, la discussion est ainsi ouverte et permet d'avoir un meilleur regard sur le domaine spirituel. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mar 30 Juil 2019, 23:30 | |
| Intéressant.
A ce que j'appelais l'"exotisme" (au fond une sorte de racisme, sûrement pas la plus méchante mais peut-être l'une des plus retorses et tenaces, sous couvert de bons sentiments, d'ouverture au vaste monde et d'intérêt pour le prochain, d'autant plus qu'il est lointain) se mêle aussi un goût de l'"authenticité" qui reste foncièrement consumériste et égo-centré (on veut son bouddhisme asiatique comme d'autres, sinon les mêmes, leur whisky écossais).
Dans les Cahiers noirs de Heidegger que je lisais ces jours-ci, il y a une critique récurrente de la dégradation de l'"expérience", de l'Erfahrung qui implique (comme l'étymologie grecque d'"expérience" ou d'"empirisme" d'ailleurs, cf. peirô etc.) voyage, parcours, errance, épreuve et danger (Fahrt, Gefahr) à l'Erlebnis où on retrouve à peu près tout ce qui s'est encore plus banalisé depuis dans le verbiage psychologisant du "vécu" et du "ressenti"; l'exemple également récurrent est celui du premier "tourisme populaire" organisé avant la guerre par le Reich nazi à des fins de propagande, qui permettait à l'Allemand moyen (ou presque) de "vivre" (comme on disait naguère "faire") la côte norvégienne ou la Grèce avec l'illusion d'une "expérience authentique" -- évidemment la guerre allait bientôt donner aux expéditions allemandes un sens beaucoup plus violent, aléatoire et périlleux, et l'après-guerre en rajouter au contraire dans le sens de la consommation et du spectacle de masse, sans risque et à bon marché... Toujours est-il que le concept d'"expérience", y compris "spirituelle", mérite d'être... médité.
Pour en revenir au zen, il se peut que la popularisation extrême du mot -- depuis qu'on en parle, je l'ai vu au moins une dizaine de fois sur les devantures des boutiques les plus diverses et les plus ringardes, de la compagnie d'assurances au toilettage canin -- ait fini par le desservir auprès de ceux qui cherchaient précisément du "spirituel". |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mer 31 Juil 2019, 11:07 | |
| - Narkissos a écrit:
- Pour en revenir au zen, il se peut que la popularisation extrême du mot -- depuis qu'on en parle, je l'ai vu au moins une dizaine de fois sur les devantures des boutiques les plus diverses et les plus ringardes, de la compagnie d'assurances au toilettage canin -- ait fini par le desservir auprès de ceux qui cherchaient précisément du "spirituel".
Il y même eu une chanteuse française qui a interprété un air qui disait : "Zen soyons zen…" Je me méfie de l'enthousiasme manifesté autour du bouddhisme thibétain. J'ai l'impression que le Dalaï Lama a joué un rôle important dans la défense de son peuple attirant de nombreux sympatisants à sa cause. Qu'en sera t-il après la mort de ce dernier ? A la fin du 19e siècle des cercles de l'intelligentsia parisienne ont développé un intérêt certain pour le bouddhisme toutes orientations confondues et puis les conflits sociaux, guerriers ont tempéré cet intérêt. Alexandra David-Niel a passionné des lectrices et lecteurs par ses récits racontant ses voyages au Tibet et dans les régions limitrophes. Il a fallut attendre les années 1960 pour qu'à nouveau on reparle du Bouddhisme, non comme d'une religion exotique mais comme d'un possible renouveau de la spiritualité. Avec tous les excès et dérives possibles. Je pense aux nombreux jeunes de cette époque partis pour se rendre à Katmandou voire à Goa (ancienne colonie portugaise du sud de l'Inde) afin d'y découvrir un autre mode de vie. L'usage de la drogue n'était pas la dernière tentation. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mer 31 Juil 2019, 12:46 | |
| Le Zen de Zazie remonte quand même à un quart de siècle (c'est la seule chanson d'elle dont je me souvienne, car à l'époque elle passait "en boucle"; du reste c'est plutôt la référence de son nom de scène à Queneau qui m'avait "accroché") et témoignait déjà, me semble-t-il, d'une certaine distance ironique à l'égard de la formule (alors) à la mode "être zen", sans la moindre prétention d'une référence "sérieuse" au bouddhisme. Dans le genre récupération et galvaudage, il y a sans doute eu bien pire, avant et après...
Quant au bouddhisme tibétain (on s'éloigne beaucoup du zen japonais et de ses variantes d'extrême-Orient), il est forcément pris dans la complexité de son histoire, inséparablement "religieuse" (ou "spirituelle") et "politique", et (sur-)médiatisé comme tel. Mais des rares fois où j'ai eu l'occasion d'entendre l'actuel Dalaï Lama je garde le souvenir d'un propos plutôt "intelligent" (pour un "politique" et pour un "religieux"), qui prenait souvent ses adeptes religieux et ses partisans politiques occidentaux à contrepied -- en disant par exemple que les chrétiens ou les musulmans feraient mieux d'approfondir leurs propres traditions que de se "convertir" au bouddhisme, ou qu'il y avait aussi beaucoup à apprendre et à retenir du marxisme...
Alexandra David-Néel a énormément contribué à la connaissance du bouddhisme tibétain dans la première partie du XXe siècle; l'intérêt du XIXe siècle occidental pour le bouddhisme et la pensée indienne en général dépendait évidemment d'un "orientalisme" antérieur, mais dans la limite des connaissances alors disponibles il a été parfois très profond, documenté et sérieux, notamment chez Schopenhauer (dans une moindre mesure plus tard chez Nietzsche, Jung ou Hesse). Tout cela n'a cependant qu'un lointain rapport avec l'éclectisme beatnik, hippie ou New Age de la seconde moitié du XXe siècle qui était généralement plus préoccupé de trouver des échos de ses propres "expériences" dans toutes les "cultures", pourvu qu'elles ne soient pas occidentales (exotisme s'il en est), que d'apprendre, d'étudier ou de recevoir un enseignement précis -- il y a certainement eu d'heureuses exceptions, mais ce ne sont pas elles qui ont fait la "mode". |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mer 31 Juil 2019, 13:23 | |
| Pour en revenir au bouddhisme zen, Eric Rommeluère a écrit un ouvrage bref et remarquable s’intitulant :
S’ASSEOIR TOUT SIMPLEMENT L’art de la méditation zen (éditions du Seuil [Sagesses]) 2015
Petit par son format et son nombre de page (155) mais grand par son intelligence du sujet. C’est un enseignant bouddhiste de la tradition zen (personnellement j’évoquerais plus un maître).
Voici ce qu’il déclare dans sa postface : La méditation 2.0
L’emploi devenu général et passe partout du terme « méditation » n’est pas sans créer des malentendus. Il laisse croire que chacun, pour peu qu’il « médite », pourrait réussir en quelques semaines ce que tous les moines bouddhistes ont accompli depuis des millénaires, ou tout au moins qu’il pourrait goûter à la félicité. Il laisse également entendre qu’il y aurait une méthode (ou tout au plus des variantes d’une même méthode), alors qu’il existe un grand nombre de pratiques dont les techniques et les finalités ne se recouvrent pas.
A propos de la pleine conscience, termes qui ne semblent pas le satisfaire, toujours dans le même chapitre il déclare :
Pour les pratiquants du dharma, la méditation est inséparable d’un engagement à bouleverser sa vie. Elle a ses avancées et ses reculées, que seul un guide peut accompagner. La réduire à une séance expresse de quelques minutes paraît pour le moins déplacé. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mer 31 Juil 2019, 14:48 | |
| Merci de cette référence et de ces citations. Je ne reviendrai pas ici sur les problèmes de vocabulaire dont nous avons déjà amplement parlé (pourquoi "méditation", "plein[e]", "conscience" et leurs combinaisons se prêtent en français à des contresens en cascade); je crois par contre que les concepts d'"expérience" et de "pratique" méritent d'être plus profondément "médités" (au sens français du terme). Il y a de toute façon un décalage criant entre la banalité d'une "pratique" religieuse ou "spirituelle", qui s'incrit nécessairement dans un "programme" cyclique et répétitif au même titre que n'importe quelle autre "activité", et son "sens" ou sa "finalité" qui la rapportent à une "singularité" unique et absolue. Le pratiquant catholique ou protestant qui va à la messe ou au culte le dimanche matin unir sa vie et sa mort à la croix et à la résurrection du Christ, tout en sachant que, sauf énorme surprise, il en ressortira parfaitement indemne et inchangé pour le barbecue du midi, la sieste et autres loisirs de l'après-midi, et le travail de la semaine, des mois et des années à venir, y compris des dizaines ou des centaines d'autres "offices" du même type, prête à sourire. De même le "méditant" qui va se défaire de son "moi" en comptant bien le retrouver intact et fonctionnel, si possible encore plus opérationnel, à la sortie. Ce serait à dégoûter l'adepte tant soit peu sincère de toute "pratique", si l'absence de "pratique" ne débouchait pas sur une "vie" tout aussi peu "authentique", ou tout aussi décevante. En somme, un minimum d'humour paraît indispensable, quels que soient la "pratique" ou le défaut de "pratique", et d'autant plus qu'on prend l'une ou l'autre "au sérieux"... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Mer 31 Juil 2019, 19:22 | |
| Pour l'auteur précité les termes suivants semblent plus représentatifs et rendent leur signification dans la langue pali : vigilance, attention vigilante, présence d'esprit.
Dans l'école Theravada l'établissement de l'attention vigilante est un prérequis au exercices méditatifs dits de calme mental (samatha) et de vision pénétrante (vipasana). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Jeu 01 Aoû 2019, 00:25 | |
| Par rapport au pali ou au sanskrit je ne saurais dire, mais c'est déjà beaucoup plus proche du sens de l'anglais mindfulness, malgré ce qu'il en peut paraître à ceux qui ne connaissent pas vraiment la langue et devinent le sens du mot par décomposition de sa construction apparente (revoir l'autre fil si besoin).
Dans un sens plus large et plus profond toutefois, la "traduction" et ses problèmes ne s'arrêtent pas aux mots. Il est vrai que la transmission d'une "pratique" rituelle les évite en grande partie, pour autant qu'elle s'enseigne surtout en se montrant (ce que signifie encore p. ex. l'espagnol enseñar, "montrer") comme elle s'apprend par l'imitation, avec le secours verbal minimal de consignes concrètes, du genre "mode d'emploi" (faire ceci ou cela, qu'il s'agisse de posture corporelle, de respiration ou d'attitude mentale). Mais même s'il attache plus d'importance à la "pratique" (rituelle) que le christianisme, surtout occidental, le bouddhisme, sous ses différentes formes, a aussi une doctrine (variable), un enseignement intelligible qui demande à être compris; à cet égard la "traduction" d'un lieu, d'une culture et d'une époque à l'autre est beaucoup plus délicate, et requiert un certain "risque" herméneutique, c.-à-d. d'"interprétation": risque de "trahison" sans doute, mais auquel on n'échappe pas en refusant de le courir -- bien au contraire.
Témoin les "fondamentalismes" ou "intégrismes" chrétiens, qui ont généralement une idée très précise, quoique aussi très contestable, du "message biblique" qu'ils entendent transmettre "fidèlement" sans y changer quoi que ce soit -- ce qui, face à un public "moderne", les amène paradoxalement à passer un temps considérable à argumenter sur des sujets qui ne font pas l'ombre d'un débat dans le Nouveau Testament: l'"existence" d'un Dieu personnel, créateur et juge, le péché, l'immortalité de l'âme, l'enfer, etc. Bref, il faut reconstituer artificiellement les données et les conditions du "problème" dont l'évangile est censé apporter la "solution" -- autrement dit, inoculer d'abord le "mal" authentique pour offrir le "remède" authentique. Face à quoi les "libéraux" ou "modernistes" partaient d'un postulat contraire: à partir des "problèmes" et des "questions" des contemporains, se demander en quoi "l'évangile" peut y apporter des "réponses", quitte à devoir le "réinterpréter" de fond en comble.
Or il me semble que le bouddhisme, dans sa part "doctrinale", rencontre sensiblement la même difficulté, dans sa transmission non seulement à l'Occident mais même à un Orient moderne passablement occidentalisé. S'il faut d'abord convaincre les contemporains de la réalité d'un "karma" et d'un "cycle de réincarnation" sans fin -- ce qui allait de soi dans le contexte indien originel et ne nécessitait aucune "démonstration" -- pour que la "solution" bouddhique ait un sens, on est aussi dans la logique qui consiste à (re-)créer de toutes pièces le "mal" pour vendre le "remède". Ou alors on se risque à réinterpréter le bouddhisme de telle sorte qu'il réponde à d'autres "questions" que celles qui l'a suscité à l'origine. Dans cette voie, on pourrait comprendre qu'un bouddhisme qui est déjà passé par pas mal de réinterprétations historiques (comme le mahayâna tibétain, chinois ou japonais) se prête plus aisément à ce genre d'exercice...
Mais là encore, quoique d'une autre façon, la pratique contredit la théorie: et si le theravada qui insiste sur la doctrine et la pratique rigoureuses d'un bouddhisme "originel" "marche" finalement mieux en Occident que le zen qui paraissait a priori plus disposé à l'adaptation, on peut se demander, sans poser d'équivalence hâtive, si ce n'est pas pour des raisons similaires à celles qui font que les Eglises "fondamentalistes" ou "intégristes" s'en sortent également mieux que les Eglises "libérales" qui se sont efforcées vainement d'adapter le christianisme aux conceptions modernes... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Jeu 01 Aoû 2019, 11:03 | |
| Je trouve ton analyse extrêmement intéressante dans la difficulté que le christianisme et l'enseignement de Bouddha rencontrent face à la modernité.
Etant associé à une communauté Theravada, fréquenté par quelques occidentaux, il m'est plus facile d'en connaitre et comprendre les problèmes; les Sri Lankais n'abordent pas leur spiritualité de la même façon suivant le lieu ou ils habitent. Ainsi je serais tenté de dire que la pratique sur l'île de Ceylan est proche de celle de l'origine tout en cherchant à s'adapter au monde moderne. Alors que la communauté "hors sol" cherche à garder sans oser y toucher le même enseignement. Le fait d'être déraciné semble plonger "ce peuple immigré" dans une certaine mélancolie l'obligeant à ne rien modifier de sa spiritualité. Cela est encore valable également pour les jeunes qui se marient avec une personne de la communauté.
Paradoxalement les moines cingalais produisent de grands efforts pour promouvoir un enseignement plus ouvert tenant compte des sutras de Bouddha. Cependant, l'attachement des cingalais à leur culture est très important, cela les empêche de comprendre que l'enseignement de Bouddha est utile à toutes les époques |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: le bouddhisme zen Jeu 01 Aoû 2019, 12:05 | |
| La nostalgie des exilés fait le dépaysement des autochtones, c'est un contraste cruel mais qui ne date pas d'hier (cf. Psaume 137, By the rivers of Babylon...).
Tes observations me semblent très judicieuses: le temps et le lieu de la réflexion (éventuellement créatrice) ne sont pas ceux de la précarité et de l'urgence; mais c'est bien leur différence et leur alternance qui font que la roue avance (ou recule, ou vire !) au lieu de tourner sur place... (cf. l'effet des exils sur le judaïsme ultérieur, une fois retrouvée une certaine stabilité, en Judée ou dans la diaspora). |
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