L’intercession pour tous les hommes - 1 Timothée

C'est en effet à une "gymnastique (gumnazô + pronom réféléchi, pour "s'exercer" ou "s'entraîner") de la piété (eusebeia, là encore un terme clé des Pastorales et absolument consensuel de l'éthique des classes moyennes, juives ou païennes)", v. 7, que s'oppose rhétoriquement la sômatikè gumnasia, "gymnastique-exercice-entraînement corporel". Le sens de l'argument a fortiori n'est évidemment pas de recommander le "sport" en soi (dans sa forme gréco-romaine s'entend), mais contrairement à un certain "sectarisme" juif (depuis la crise maccabéenne qui réagit, entre autres, aux "jeux du stade" en Judée) ou chrétien ultérieur (p. ex. Tertullien) il n'y a pas non plus d'objection de principe à cet égard, notamment fondée sur l'indécence supposée de la nudité des participants (gumnos = nu). Une fois encore, cela se laisse retracer à des  arguments pauliniens antérieurs (dès 1 Corinthiens, la course et le prix).

Quant aux pistoi(s), pour les raisons exposées plus haut on peut les traduire indifféremment par "croyants" ou "fidèles": vu l'évolution de la "foi-confiance" subjective en "foi-croyance-doctrine" objective, la "foi" ne se distingue plus de la "fidélité".

Cf. aussi 2 Timothée 1,9 -- à l'aoriste comme en Tite 3,5, qui dénote normalement une action "ponctuelle" au passé (un peu comme notre passé simple); l'épître aux Ephésiens (2,5.8) employait le parfait, qui suggère plutôt le résultat permanent d'une action passée (à la limite: sauvés une fois pour toutes, mais il ne faut sans doute pas trop forcer la nuance). A comparer avec l'aspect progressif (action en cours) du "salut" au présent dans le paulinisme antérieur ("être en train d'être sauvé", voir p. ex. ici). Dire que ce "salut" équivaut (au moins en partie) au "pardon-rémission des péchés" me semble fort plausible, bien que le mot ne s'y trouve pas -- d'autant que ce dernier thème est aussi caractéristique du deutéro-paulinisme (il n'en est guère question avant Ephésiens, 1,7; 4,32).

La "grâce" (kharis) est très présente dans les Pastorales (cf. 1 Timothée 1,2.14; 6,21; 2 Timothée 1,2.9; 2,1; 4,22; Tite 1,4; 2,11; 3,7.15), encore dans la ligne de l'épître aux Ephésiens où on peut dire qu'elle "explose" (1,2.6s; 2,5.7s; 3,2.7s; 4,7.29; 6,24), dans un sens moins déterminé mais plus englobant que celui de l'épître aux Romains. Ce type de "religion" ne cherche pas du tout à "inquiéter" les croyants-fidèles, ni à les pousser au cul à l'action au-delà de "bonnes oeuvres" très ordinaires, qui n'excèdent en rien l'"aumône" de la tradition juive (cf. Matthieu 6). Le christianisme évolue vers une religion de "masse", il cherche surtout à éviter les discussions, les contestations et les divisions, nullement à "culpabiliser" ses adeptes.

Le geste de l'imposition des mains, comme le vocabulaire de la "prophétie", favorisent le rattachement formel de l'Eglise institution à ses origines "charismatiques", qui tendent elles-mêmes à se constituer en commencement absolu ou en miracle fondateur (c'est tout le programme des Actes, depuis la Pentecôte). Le "contenu", bien sûr, change du tout au tout, puisqu'on passe d'une expérience d'"inspiration" immédiate et spontanée, susceptible d'advenir n'importe quand et à n'importe qui, à des "charges" constantes et nominatives (ordination de "responsables", à vie sauf avis contraire). La chose est d'ailleurs fort bien menée dans le récit des Actes, où la même imposition des mains sert de vecteur de "l'Esprit", avec des manifestations spectaculaires (notamment la glossolalie) et aboutit aussi à des ordinations permanentes (d'"anciens") qui cristallisent l'idée, sinon le mot, de "succession apostolique".

J'avoue ne pas avoir pensé à associer l'imposition des mains à une "remise des péchés" en 1 Timothée 5 -- l'idée d'éviter de se rendre coupable des péchés d'autrui par une ordination hâtive me paraissait suffisante; mais il est possible en effet que la rémission des péchés fasse partie du "lot" symbolique du geste (où on peut aussi trouver des images d'exorcisme, de guérison, de purification, etc.).

"En exposant cela aux frères, tu seras un bon ministre de Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi et du bel enseignement que tu as toujours bien suivi" 1 Tm 4,6

"Ce témoignage est vrai. Aussi reprends-les sévèrement, afin qu'ils soient sains dans la foi" Ti 1,13

"Que les vieillards soient sobres, dignes, pondérés, sains dans la foi, l'amour et la persévérance." T1 2,2
 

Dans ces textes la foi n'est pas présentée comme une attitude existentielle, ni comme un acte d'adhésion mais comme la doctrine d'un enseignement. On est passé d'une foi qui croit, à la foi à laquelle on croit. Le concept de foi a pris la signification de saine doctrine. (François VOUGA).

On peut aussi noter -- bien que ce soit dans toutes les introductions aux Pastorales -- que c'est le vocabulaire de la "santé" et de la "maladie" qui distingue prioritairement le bon et le mauvais, de la "saine doctrine" (saine plutôt que sainte, le jeu de mots pourrait fonctionner aussi en grec, hugiainô, hugiès etc.,  d'où "hygiène", plutôt que hagios etc.; cf. 1 Timothée 1,10; 6,3; 2 Timothée 1,13; 4,3; Tite 1,9.13; 2,1.2.8 ) à toute l'artillerie pathologique ou clinique contre les "hérétiques" (et, dans ce registre, de la démence à la gangrène). Là encore, rien que de très socialement consensuel (mens sana in corpore sano) et rhétoriquement efficace (crainte de la souillure, de la contamination, etc.).

Pistis ici s'entendrait sans doute mieux comme "fidélité" -- mais les traductions sont toujours partagées entre les nécessités du sens micro-contextuel (en l'occurrence la liste de "vertus") et celles de la cohérence formelle du contexte moyen (ne serait-ce qu'à l'échelle des Pastorales, il y a bien une correspondance et une économie de la pistis-"foi" subjective et objective, en tant que "fidélité" à la "doctrine" -- fort différente donc de celle de Romains, "foi"-confiance en la "foi"-fidélité" de Dieu ou du Christ).

Quant à ta question, voir 2 Timothée 4,5: il est symptomatique que le seul "évangéliste" soit Timothée, autrement dit le premier "maillon" de la chaîne de succession apostolique, entre la figure de l'"apôtre" et les détenteurs effectifs de l'autorité ecclésiastique (anciens, épiscopes-évêques). Il ne s'agit en tout cas pas d'une "injonction" générale, pour tout le monde... Il en est d'ailleurs à peu près de même pour les deux autres occurrences du terme euaggelistès, toutes deux dans des textes qu'on peut aussi qualifier de "proto-catholiques", Ephésiens 4,11 et Actes 21,8.

"Mais si je tarde, tu sauras ainsi comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et l'appui de la vérité." 1 Tm 3,15 

Les épîtres Pastorales présente l'Eglise comme porteuse de la "vérité", l'Eglise n'est plus un corps constitué par les croyants mais une institution dépositaire de la "vérité" et moyen de salut pour l'humanité. D'ailleurs l'Eglise se dote de ministres rétribués qui travaillent à l'enseignement :

"Que les anciens qui dirigent bien soient jugés dignes d'un double honneur, surtout ceux qui se donnent de la peine dans la Parole et l'enseignement. Car l'Ecriture dit : Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain, et : L'ouvrier mérite son salaire." 1 Tm 5,17-18 

 un double honneur : peut-être au sens de double rémunération, cf. v. 3n,18 ; 6.1,5s ; 1Co 16.18 ; Ph 2.29 ; 1Th 5.9 ; Siracide 7.31 : « Crains le Seigneur et honore le prêtre, donne-lui sa part comme il t’a été prescrit. » https://lire.la-bible.net/verset/1+Timothée/5/17/NBS



Ainsi la "vérité" devient l'équivalent de "l'enseignement sain" dispensées par les anciens, eux-mêmes fidèles dépositaires de l'enseignement des apôtres, la "vérité" correspond à un système doctrinal :

"Car il viendra un temps où ils ne supporteront plus l'enseignement sain ; mais au gré de leurs propres désirs, avec une démangeaison d'entendre, ils se donneront maîtres sur maîtres ; ils détourneront leurs oreilles de la vérité et dévieront vers les fables." 2 Tm 4,3-4

La système doctrinal n'est pas clairement défini, ou il se définit par opposition aux fables juives ou ceux qui disent que la résurrection a déjà eu lieu ...

"La doctrine" (c.-à-d. l'enseignement, didaskalia, 1 Timothée 1,10; 4,6.13.16; 5,17; 6,1ss; 2 Timothée 1,13; 3,10.16; 4,2; Tite 1,9; 2,7), équivalente dans ce sens à "la foi" (1 Timothée 1,2.4s.14.19; 2,7.15; 3,9.13; 4,1.6.12; 5,8; 6,10ss.21; 2 Timothée 1,5.13; 2,18.22; 3,8.10.15; 4,7; Tite 1,1.4.13; 2,2; 3,15) ET à "la vérité" (1 Timothée 2,4; 3,15; 4,3.6; 6,15; 2 Timothée 2,15.18.25; 3,7s; 4,4; Tite 1,1.14), est surtout exposée sous forme poétique, et très probablement à usage liturgique (destinée à être récitée ou chantée): cf. supra 18.10.2019.

Pour les destinataires de 1 Corinthiens, les "charismes" n'étaient probablement pas du tout des "ministères", au sens de fonctions permanentes attitrées à tel ou tel -- c'est "Paul" qui mêle délibérément les deux notions en 1 Corinthiens 12, de façon à pondérer, si l'on peut dire, le spontanéisme pneumatique par une idée de structure (corps-organisme, sinon organisation) -- trait qui ne fera que s'accentuer par la suite, notamment dans Ephésiens (où, pour rappel, le Christ devient la tête du corps dont toutes les fonctions dérivent, et là il n'y aura plus rien de "spontané").

De même le thème de la manifestation (epiphaneia, épiphanie) domine dès les deutéro-pauliniennes (p. ex. Colossiens 3), et peut se retracer encore plus tôt, par exemple dans la "révélation" (apokalupsis, apocalypse) cosmique de la liberté des enfants de Dieu en Romains 8: c'est la même logique, de l'expression ultime et universelle de ce qui est déjà, mais de façon cachée, secrète ou mystérieuse... (soit "Dieu tout en tous", dès 1 Corinthiens).

Citation :

De même le thème de la manifestation (epiphaneia, épiphanie) domine dès les deutéro-pauliniennes (p. ex. Colossiens 3), et peut se retracer encore plus tôt, par exemple dans la "révélation" (apokalupsis, apocalypse) cosmique de la liberté des enfants de Dieu en Romains 8: c'est la même logique, de l'expression ultime et universelle de ce qui est déjà, mais de façon cachée, secrète ou mystérieuse... (soit "Dieu tout en tous", dès 1 Corinthiens).

A une époque déjà plus tardive, les auteurs des Pastorales préfèrent le mot épiphanie, ou le verbe correspondant, pour dire aussi l’avènement dernier du Seigneur (1 Tm 6, 15 ; 2 Tm 4, 1.18 ; Tt 2, 13 ; cf. aussi 2 Th 2, 3). Là encore, le mot est largement connu dans le monde hellénistique pour signifier la joyeuse manifestation (épiphanie) d’un roi ou la manifestation divine. Lors de sa parousie le roi fait son épiphanie : il se manifeste à tous durant sa visite. Toutefois, le mot épiphanie tend moins la pensée vers l’avenir que le mot parousie. A l’époque des Pastorales, disons en l’an 85-90, un certain déplacement de l’espérance chrétienne s’est déjà effectué, comme nous le verrons. La fièvre d’une attente, d’une venue immédiate du Seigneur, est pour une part tombée.

Certains milieux chrétiens en arrivèrent même à éliminer, ou presque, tout regard tendu vers l’avenir. L’auteur de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens se plaint de ceux qui croient sur de fausses révélations que « le jour du Seigneur est là, (déjà) arrivé » (2 Th 2, 2). Au fait, l’évangéliste Jean le laisserait facilement croire quand il rappelle la parole de Jésus : « L’heure (finale) vient et maintenant elle est là » (Jn 5, 25) ; elle est là, comme absorbée en quelque sorte par la vie ecclésiale (voir cependant 5, 27-28). Ou encore, d’après 2 Tm 2, 17-18, rappelons les noms de ces « Hyménée et Philetos (qui) se sont écartés de la vérité en prétendant que la résurrection (des chrétiens) a déjà eu lieu », une résurrection « spirituelle » évidemment et purement intérieure, d’un type quasi gnostique.

Rendus sans doute prudents avant de désigner à nouveau une échéance précise, les chrétiens en appellent maintenant à des motifs plus larges, connus aussi dans le Judaïsme et susceptibles d’expliquer en partie le retard de la Parousie. Des désordres surviendront avant l’avènement du Seigneur (Mc 13, 14s) ; les « derniers temps » seront difficiles, pleins de séducteurs et de faux-prophètes (1 Tm 4, 1-3 ; 2 Tm 3, 1s ; Jude 17-18).

Dans le cercle paulinien, l’auteur de Colossiens maintient assurément l’attente du Seigneur (Col 3, 4), mais cette attente est pour une part absorbée par la résurrection déjà consommée : « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite de Dieu. C’est en haut qu’est votre but, non sur la terre « (Col 3, 1). Cette fois, le regard se déplace vers le ciel, et l’on attend moins la Venue (la parousie) du Seigneur que sa manifestation (épiphanie). La tension vers l’avenir s’amenuise et disparaît presque ; car il importe désormais de « conquérir la vie éternelle » (1 Tm 6, 14).
https://books.openedition.org/pusl/7473?lang=fr

L'erreur fondamentale, à mon sens (je l'ai tellement répété que j'hésite à le faire une fois de plus !), consiste à s'imaginer que chaque fois que l'eschatologie est inexistante, faible ou vague, c'est qu'elle s'est perdue -- toujours l'illusion d'une origine unique et d'une trajectoire linéaire du "christianisme", tout "eschatologique" au départ, de moins en moins (mais "très vite" !) ensuite.

Dans les textes du NT, la résistance ou l'indifférence à l'eschatologie sont aussi anciennes que celle-ci, ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où ces différentes attitudes précèdent le christianisme lui-même, dans le judaïsme du Ier siècle.

Il faut donc que l'épiscope soit irrépréhensible, qu'il soit l'homme d'une seule femme, qu'il soit sobre, pondéré, décent, hospitalier, apte à l'enseignement" 1 Tm 3,2

"Il faut en effet que l'épiscope soit sans reproche, puisqu'il est un intendant de Dieu ; qu'il ne soit ni arrogant, ni coléreux, ni adonné au vin, ni violent, ni porté aux gains honteux" Tt 1,7

"Si je t'ai laissé en Crète, c'est pour que tu mettes bon ordre à ce qui restait à régler et que tu nommes des anciens dans chaque ville, selon ce que je t'ai moi-même prescrit " Tt 1,5

"Que les anciens qui dirigent bien soient jugés dignes d'un double honneur, surtout ceux qui se donnent de la peine dans la Parole et l'enseignement." 1 Tm 5,17

Nous pouvons noter que la mention de l'"épiscope" est au singulier, alors que celle qui se référé aux "anciens" est au pluriel. Tite semble assimiler les fonction d'épiscope et celle d'ancien, par contre Timothée n'établit pas de lien entre ces deux responsabilités. Certains biblistes affirment que l'épiscope préside le collège des anciens (1 Tm 4,14). D'autres interprètent le singulier d'épiscope comme ayant un sens général.

Voir p. ex. ici (à partir de début août 2019).

Chacun, comme toujours, apprécie les données en fonction de ses présupposés: pour ma part il me semble assez clair que l'"épiscopat" des Pastorales est déjà "monarchique" au sens propre du terme (un seul chef), même si la chose n'est pas justifiée "théologiquement" comme chez Ignace (l'unicité de l'évêque-épiscope assimilée à celle du Christ ou de Dieu).

En ce qui concerne Tite 1,5, non seulement le pluriel des "anciens" fait partie de la mise en scène pseudépigraphique (le rapport de l'apôtre à son émissaire s'exprime ostensiblement dans la langue et selon les usages d'autrefois, comme dans les Actes, p. ex. 14,23; dans les Actes, du reste, les "anciens" servent à marquer une certaine continuité entre "Israël" et "l'Eglise", puisqu'on glisse presque insensiblement de ceux qui accompagnent les grands prêtres au sanhédrin, dans les premiers chapitres, à ceux qui accompagnent les apôtres à Jérusalem, à partir du chapitre 11, puis à des "lieu-tenants" des apôtres ailleurs, à partir d'Antioche...); mais encore son effectivité se noie dans l'ambiguïté de la formule distributive: "des anciens de ville en ville", cela peut s'entendre à la rigueur comme "un par ville", même si ce n'est pas le plus naturel. Le retour à la terminologie contemporaine (de l'auteur et des destinataires réels, qui ne sont ni "Paul" ni "Tite") est aussi un retour au singulier (l'épiscope-évêque, v. 7). De même en 1 Timothée 4,14, le presbuterion est délibérément archaïque (référé à la mission originelle de Timothée). Cela n'empêche pas qu'il y ait toujours autour de l'épiscope-évêque des "anciens" (presbuteroi, d'où notre mot "prêtre" qui n'a au départ aucun rapport avec le "sacerdoce"), qui se confondent ou non avec les "diacres" (diakonoi, "serviteurs", "assistants").

La foi chrétienne constitue un dépôt

Cette notion est caractéristique du judéo-christianisme. Dès la première génération chrétienne, l’apôtre saint Paul évoque, dans ses épîtres pastorales à ses disciples Timothée et Tite, l’existence d’un contenu doctrinal, une « saine doctrine » qu’il faut recevoir et transmettre. « Garde le bon dépôt avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous », écrit-il à Timothée (2 Tim. 1, 14). Et il met ses disciples en demeure de mener « le bon combat » (1 Tim. 1, 18) pour défendre ce dépôt, face au goût immodéré de certaines communautés pour des innovations qui mènent au naufrage de la foi (1 Tim. 1, 19) parce qu’elles consistent en des « questions oiseuses » (1 Tim. 6, 4), en « vains problèmes » (1 Tim. 1, 4) et en inutiles « polémiques au sujet de la Loi » (Tite 3, 9). https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-2001-1-page-80.htm


L'Eglise catholique va trouver dans épitres Pastorales tous les éléments à sa constitution.

On remarquera au passage comment un catholicisme instruit et (modérément ?) conservateur peut affecter une superbe ignorance de toute exégèse critique -- y compris catholique -- des textes bibliques, et en parler à peu de chose près comme le premier "fondamentaliste" venu...

Le "dépôt" (para-kata-thèkè, aussi 1 Timothée 6,20; cf. para-thèkè 2 Timothée 1,12), comme la "tradition" (para-dôsis), ne comporte pas seulement l'idée d'un "acquis" ou d'un "capital" constitué et subsistant, mais encore celle d'une charge, d'une mission ou d'un mandat confié personnellement à quelqu(es-)un(s) -- c'est aussi la logique des paraboles évangéliques, talents, mines, etc., où il n'y a pas de "responsabilité" sans "autorité", et inversement.

Citation :

On remarquera au passage comment un catholicisme instruit et (modérément ?) conservateur peut affecter une superbe ignorance de toute exégèse critique -- y compris catholique -- des textes bibliques, et en parler à peu de chose près comme le premier "fondamentaliste" venu...

L’adjectif « authentique » engendre une certaine confusion car il peut induire un jugement de valeur concernant le contenu. Certains biblistes préfèrent renoncer à ce terme. C’est le cas de François Vouga, qui opte pour une division tripartite : lettres proto-pauliniennes (les sept écrits énumérés ci-dessus) ; lettres deutéro-pauliniennes (2 Th, Ep et Col), œuvre des disciples les plus proches de l’Apôtre ; et lettres trito-pauliniennes (1 Tm ; 2 Tm ; Tt : épîtres dites « pastorales »). Il s’en explique de la manière suivante : « Nous soulignons par cette nomenclature que toutes les lettres du corpus paulinien se réclament de Paul et se situent aussi bien dans son sillage que sous son autorité. » https://www.cairn.info/revue-transversalites-2010-2-page-13.htm

Comme on l'a vu plus haut (18.10.2019), c'est un peu compliqué que ça, et chez Vouga et en général; je suis tout à fait d'accord pour dire que l'authenticité est un faux problème et un mauvais critère, mais je pense que paradoxalement ce sont les textes jugés "authentiques" qui en souffrent le plus, parce que sous prétexte qu'ils seraient du même "auteur" on ne se gêne plus pour les "mixer" ensemble, "compléter" les uns par les autres, les "synthétiser" en une "théologie paulinienne", quand on ne va pas jusqu'à les "expliquer" en les rapportant à une biographie et à une psychologie imaginaires. En fait on ne lit jamais aussi bien un texte que quand on ne croit pas savoir de qui il est.

C.q.f.d.: on constitue une "théologie paulinienne" à partir des épîtres présumées "authentiques" (en minimisant ipso facto toutes les différences "internes" de cet ensemble-là) et on lui oppose globalement "les pseudépigraphes", ou un groupe donné de "pseudépigraphes" (là encore, en méconnaissant d'avance ce qui peut les distinguer entre eux, ou entre elles -- si l'on sous-entend "épîtres"). Et peu importe si dans les Pastorales aussi Dieu se rapporte au Christ comme "Père", si la "croix-si-centrale-pour-Paul" (en 1 Corinthiens !) est presque absente de l'épître aux Romains, si la notion d'alliance est partout rare, si la justice en un sens simili-paulinien se trouve aussi dans Tite 3,5... l'énumération fait son effet tant qu'on n'y regarde pas de plus près.

Où il y a du texte -- et il y en a partout -- il n'y a plus d'"auteur", l'"auteur" est de trop, la pseudépigraphie ou l'allographie devient tautologique, elle ne s'oppose plus à rien...

C'est toujours délicat d'interpréter une absence: tout ce qu'on peut dire c'est que "l'administration des sacrements", comme telle, ne constitue pas un "problème" dans les Pastorales -- ni dans le reste du NT d'ailleurs; même là où il est question d'eucharistie (cène, etc.) il ne s'agit jamais de savoir qui la préside. Ce n'est en tout cas pas une prérogative de l'épiscope-évêque, y compris dans les traditions subséquentes -- comme on l'a rappelé plus haut, notre mot "prêtre" dérive de presbuteros = "ancien", catégorie plus large, et le concept de sacerdoce (avec ce qu'il comporte d'analogie aussi bien avec les "prêtres" juifs que "païens", kohen-hiereus-sacerdos, notamment le rapport au sacrifice) ne s'y rattache que bien plus tard.