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| L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12412 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Lun 13 Avr 2020, 15:03 | |
| Bravo d'avoir retrouvé ce fil qui complète utilement la présente discussion et nous évitera peut-être de trop nous répéter (quoique ce ne soit pas bien grave).
Je ne cherche pas vraiment à convaincre de quoi que ce soit, tout au plus à suggérer une certaine méfiance à l'égard des "introductions" bibliques qui, même rédigées par d'éminents spécialistes, sont faites en majeure partie de répétitions -- très peu de questions étant vraiment examinées "à nouveaux frais", comme on dit, surtout quand il y a quasi-consensus ou disproportion flagrante entre une opinion ultra-majoritaire et des opinions ultra-minoritaires ou isolées. Il est encore beaucoup plus rare qu'on "questionne la question" au lieu d'y répondre: depuis des siècles maintenant les "études bibliques" sont obnubilées par la rubrique "auteur et date" et par le problème de l'"authenticité" (en particulier est-ce "de Paul" ou pas) alors que ça ne change rien, ou très peu, aux textes à lire et à comprendre.
Par réaction sans doute, j'ai maintenant tendance à écrire "Paul" entre guillemets même pour les textes les plus "centraux" du corpus (disons Corinthiens-Romains), parce que même là l'identité de l'"auteur" me semble secondaire, et que je ne vois aucune raison de les "privilégier" par rapport aux autres textes "pauliniens" par présomption d'"authenticité". Parler de "courant paulinien", pour 1 Thessaloniciens comme pour les autres, me semble tout à fait correct, à condition de bien comprendre qu'un tel "courant" suit des trajectoires extrêmement diverses (de Galates aux Pastorales en passant ou non par Colossiens-Ephésiens, tout est "paulinien" si l'on veut, dans la mesure où les textes se réclament effectivement de "Paul", mais le "contenu" n'en est pas moins différent et parfois contradictoire).
En ce qui concerne 1 Thessaloniciens, je réagis surtout aux "études" qui considèrent comme acquise (encore une fois, par pure répétition) sa situation présumée de "première épître", et qui en tirent tranquillement des conclusions exégétiques. Je ne veux pas pour autant promouvoir un schéma chronologique inverse (encore moins le voir répété !), j'aimerais surtout qu'on lise les textes sans trop d'a priori de ce genre, qu'on examine chacun pour lui-même sans trop les "mixer" ou les "harmoniser", et que les inévitables comparaisons intertextuelles (avec 1 Corinthiens, Romains, etc.) soient abordées de façon aussi "ouverte" que possible, au cas par cas. |
| | | free
Nombre de messages : 10055 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Mar 14 Avr 2020, 14:21 | |
| Bien évidemment, ce don de prophétie n’était pas sans poser de problème dans les Eglises. Certains prophètes, notamment à Corinthe, semblent être tombés dans des transes incontrôlées, si bien que la communauté fut encouragée, non à interdire la prophétie, mais à vérifier la véracité et la fiabilité des paroles déclarées par les prophètes, parfois devant des non-chrétiens. L’ordre dans l’Eglise devait être maintenu à tout prix, pour Paul, afin que la prophétie ne devienne pas un contre témoignage. Paul exhortera ailleurs les Thessaloniciens à aller dans le même sens : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas le message des prophètes ; examinez tout, retenez ce qui est bien ; abstenez vous du mal sous toutes ses formes » (1 Th 5.19-20). https://larevuereformee.net/articlerr/n260/lesprit-de-prophetie-dans-la-theologie-biblique |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Mar 14 Avr 2020, 14:54 | |
| Tant qu'à faire, on peut souligner aussi le v. 21 (examinez-éprouvez tout, retenez le bon/beau, to kalon), si souvent cité hors contexte, et éventuellement relié à ce qui précède (selon les manuscrits) par l'adversatif faible (de: ne méprisez pas la prophétie, mais examinez...).
Les "parallèles" sont évidents, dans l'ordre chronologique qu'on voudra (le futur de Farelly est un lapsus amusant), notamment avec 1 Corinthiens 14 (surtout v. 29ss) et Romains 12 (l'esprit au v. 11, la prophétie au v. 6, et le même style "télégraphique" de la parénèse ou exhortation). |
| | | free
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| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Mer 11 Sep 2024, 10:45 | |
| "Nous savons, frères aimés de Dieu, que vous avez été choisis, car notre bonne nouvelle ne vous est pas arrivée en parole seulement, mais aussi avec puissance, avec l'Esprit saint et avec une pleine conviction. De fait, vous savez comment nous avons été parmi vous, pour votre bien" (1,4-5).
1. 1 Th 1,4-5
6 Dans 1 Th se trouve l’adresse la plus brève de toutes les lettres de Paul, et l’Apôtre la fait suivre immédiatement par l’action de grâce et l’encouragement. S’il est juste de penser que dans la préface épistolaire d’autres lettres se reflètent des problèmes de fond, comme la détresse de l’Apôtre6 ou même la controverse qui porte sur le contenu de l’Évangile (voir Ga 1,1.6), alors la préface épistolaire de 1 Th permet de conclure que la relation de l’Apôtre avec la communauté de Macédoine n’était guère marquée par des difficultés.
7nPaul développe son action de grâce en trois étapes. La première est la mention dans ses prières (1,2), la deuxième est la référence à la triade foi, amour et espérance qui est la marque de l’identité de la communauté (1,3), un thème qu’il reprend à la fin de la lettre (5,9s) ; la troisième enfin – le point culminant en quelque sorte – est l’assurance de sa conviction que les destinataires font partie de ceux qui ont été élus par Dieu : « Nous savons, frères aimés de Dieu, qu’il vous a élus. En effet, notre Évangile n’a pas été pour vous en parole seulement, mais en puissance… » (1,4s). Cette affirmation est une étape nouvelle dans la structure de la pensée : après le rappel de sa propre relation avec la communauté exprimé dans la prière (1,2), et l’éloge de la manière dont les destinataires orientent leur vie dans la foi, l’amour et l’espérance (1,3), Paul porte son regard en arrière sur sa mission apostolique couronnée de succès et en trouve la raison dans le lien entre élection et Évangile. Il en vient ainsi à une affirmation résolument théologique.
8 L’importance de ce thème pour la conception de la lettre devient particulièrement claire si on la dispose selon le modèle de la rhétorique de l’Antiquité7. Il s’agit alors dans 1 Th 1,1-10 de l’exordium qui vise à gagner les auditeurs de la lettre au contenu qui suivra. Cet exordium lui-même a comme éléments essentiels [1] la triade foi, amour et espérance (1,3), [2] le lien entre élection et Évangile, [3] la promesse du salut faite à la communauté pagano-chrétienne, dans la perspective de la nouvelle venue, imminente, du Fils de Dieu (1,9s)8. De façon délibérément concentrée, 1,2-10 présente les thèmes déterminants de la lettre (foi, amour, espérance élection, salut) à la manière d’une ouverture.
9 Qu’est-ce qui rend l’affirmation relative à l’élection, dès le début de la lettre, aussi importante ? Avant tout, ceci : Paul va ici jusqu’à affirmer qu’il croit que les Macédoniens qui se sont tournés vers le Dieu de Jésus sont inclus dans l’élection opérée par Dieu. On ne peut pas dire avec certitude si les chrétiens de Thessalonique, avant de se tourner explicitement vers la foi en Christ, ont fait partie de ceux qu’on appelle les « craignant Dieu » (sebomenoi), c’est-à-dire s’ils étaient déjà en lien avec la synagogue juive, ou s’il s’agissait de Grecs que Paul a rencontrés dans leurs maisons ou ailleurs9. Quoi qu’il en soit, une promesse leur est faite, qu’Israël et le judaïsme référaient jusque là exclusivement à eux-mêmes. Parler d’élection revient donc à utiliser une catégorie du langage juif que Paul a élargie aux païens. L’idée d’élection a une préhistoire biblique surtout depuis l’époque de l’exil. Dt 7,6-8 exprime la revendication de Yahweh vis-à-vis d’Israël. En Dt 10,12 la référence à l’élection sert à « fonder l’exigence par Yahweh d’une obéissance totale ». La formule « choisi entre tous les peuples » donne à entendre que « l’utilisation théologique de l’hébreu bwr dans ce domaine provient de la controverse avec Canaan10 ».
10 Le Second Isaïe combine l’idée de l’élection avec celle du « serviteur de Dieu ». Le serviteur élu est équipé de l’esprit de Yahweh (Is 42,1-4 ; voir 1 S 16,13 ; Is 11,2). Il est envoyé vers les peuples afin d’être pour eux lumière et lieu de la glorification de Yahweh. Dans le Second Isaïe le fait d’être élu trouve son accomplissement dans la souffrance substitutive. C’est pourquoi ni dans le Deutéronome ni dans le Second Isaïe le fait d’être élu n’est une possession : il est acceptation d’une responsabilité vis-à-vis des peuples, qui n’oblige pas seulement à l’obéissance à Yahweh mais également au témoignage face à l’échec, à la souffrance et à la mort.
11 Dans la ligne du Second Isaïe, Zacharie élargit l’idée d’élection à une dimension universelle (de façon similaire également le Ps 33, postexilique) : Israël appartient à Yahweh, c’est pourquoi il peut vivre sans crainte. Cela présuppose que Yahweh est le roi de la terre entière, et conduit à l’idée que les princes des peuples sont rassemblés en peuple du Dieu d’Abraham (voir Ps 47,10). Ici l’élection d’Israël est combinée avec la seigneurie universelle de Dieu. Le Troisième Isaïe fait encore un pas de plus :
Les élus ne sont plus l’Israël empirique mais le peuple de Dieu du temps du salut à venir qui doit tout d’abord être créé. L’Israël empirique a choisi ce qui est mal aux yeux de Yahweh (Is 65,12 ; voir 66,3s). L’Israël véritable, Yahweh doit tout d’abord le créer. « Je ferai sortir de Jacob une descendance » (65,9), et cette descendance sera « mon peuple qui m’aura recherché » (v. 10)11.
12 Les quelques indications tirées de l’AT montrent clairement à quoi Paul pouvait se référer avec la promesse de l’élection. Cela s’exprime clairement aussi dans la tournure « frères aimés de Dieu » (1,4a)12. La communauté de Thessalonique est la communauté du salut eschatologique, comme telle elle peut attendre l’intervention salvifique de Yahweh dans l’histoire, qui se produira immédiatement avant la fin.
13 Il est clair que « élection » et « aimés de Dieu » sont des catégories du langage juif, que Paul cependant a appliquées à d’anciens païens. Mais l’origine de cette théologie de l’élection remonte sans doute déjà à des réflexions plus anciennes. Il y a en effet de bonnes raisons de penser que la promesse de l’élection faite à ces chrétiens, qui jadis étaient des païens, combine le concept de la mission auprès des païens, qui est celui de la communauté d’Antioche (Ac 11,20), et l’idée de l’annonce de l’Évangile aux païens née chez Paul lors de la rencontre de Damas (Ga 2,14s). Appliquée à la communauté de Thessalonique, cette conception signifie : ceux qui croient au Christ et « qui étaient voués à la colère de la fin des temps (1,10 ; 5,9 ; cf. 5,3) sont appelés maintenant, de façon nouvelle, à l’attente du salut de la fin des temps (1,10 ; 5,9)13 ». L’élection des Thessaloniciens signifie pour Paul le commencement de la réalisation de ce processus.
14 Manifestement les Thessaloniciens eux-mêmes ont compris cela de la même manière ; c’est ce que donne à penser leur question concernant le destin de ceux qui sont morts avant la parousie (1 Th 4,13). En effet, elle découle précisément de l’idée que le salut touche ceux qui seront en vie lors de la parousie. Timothée aura transmis leur question à Paul lors de son retour de la capitale de la Macédoine14. Parce que la communauté s’identifie avec cette façon de comprendre l’élection, cette question posée à Paul par la suite, et manifestement pressante, en est une conséquence logique.
https://journals.openedition.org/rsr/1856 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12412 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Mer 11 Sep 2024, 11:51 | |
| Comme je l'ai déjà dit dans ce fil et ailleurs, je ne suis plus du tout convaincu par la datation classique, consensuelle à force de répétition, des épîtres pauliniennes -- échafaudage chronologique, historique et biographique qui repose toujours essentiellement sur les Actes des Apôtres, malgré les innombrables contradictions formelles entre les épîtres et les Actes -- y compris selon une méthode "moderne" qui se montre d'autant plus arbitraire qu'elle se veut aussi "critique", retenant pour "historique" dans les Actes exactement ce qu'elle veut. Cela n'a d'ailleurs à mes yeux aucune importance, pas plus que les questions d'"authenticité" ou de "pseudépigraphie", puisque les textes que nous lisons sous le nom de "Paul" ont tous été fixés au cours du IIe siècle, autour de la crise "marcionite", ce qui a sans doute modifié mais nullement neutralisé leurs différences "internes". Sur le thème de l'"élection" ou du "choix" (compliqué en français par le choix entre ces deux mots et leurs familles respectives, qui dans la langue courante n'ont plus du tout le même sens), au-delà de 1 Thessaloniciens et du "paulinisme", voir ici. Hoppe (2006) souligne avec raison, surtout à partir de 1 Corinthiens et de Romains, que l'"élection" a un rapport direct au "rien" (§ 31, 37s, à comparer avec ce fil inspiré des mêmes textes): si elle est dite "libre", "souveraine", autrement dit "arbitraire" ou "gratuite", c'est précisément parce qu'elle est sans raison, sans justification, sans fondement, sinon tautologique: elle est ce qu'elle est, comme le Yahvé d'Exode 3 et 33, qui est (qui et ce) qu'il est et qui fait grâce ou miséricorde à qui il veut. Une telle logique en rupture avec toute logique passe logiquement par la négation, le non-être, le rien qui est aussi la mort, la croix, le néant absolu d'avant toute "création" prise dans un sens strictement "monothéiste" ( ex nihilo), sans plus rien qui la précède comme un "océan primordial" qui serait quand même quelque chose. C'est en effet le coeur du problème qui se retrouve devant chaque choix, chaque décision, dans ce qu'on appelle l'indécidable qui est en fait le seul décidable, d'une décision impossible qui est la seule décision possible. Quand une décision s'impose, comme on dit, il n'y a, de fait, aucune décision à prendre, rien qui mérite le nom de décision, simple exécution d'un programme casuistique, "si... alors..."; mais chaque fois qu'il y a décision nul ne sait d'où elle vient ni où elle va, pas même le prétendu décideur, d'où la sensation de vertige et de saut dans le vide (Kierkegaard, exemplairement)... On peut, certes, retracer le passage "régional", historique, littéraire et religieux d'un concept d'"élection" spécifiquement "juif" étendu paradoxalement aux "non-juifs" (païens, Gentils), mais on n'atteindra pas par là le fond sans fond de la question qui ne se limite ni à 1 Thessaloniciens, ni à "Paul", ni au "Nouveau Testament", ni au "christianisme", ni à la "religion", théiste ou autre: l'aporie même d'un "choix", d'une "élection", d'une "décision", d'une " volonté" quelconque, qui ne se laisse pas penser, sous la forme d'une "essence", d'une "quiddité" ou d'une "qualité", d'un "qu'est-ce que c'est", mais qui arrive toujours comme un événement, autant passion qu'action, échappant comme il arrive à tout "sujet", fût-ce "Dieu". |
| | | free
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| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Jeu 12 Sep 2024, 10:42 | |
| À la venue du Seigneur (1 Th 4, 13-18) Claude Coulot
Le scénario de la parousie en 1 Th 4,15-17
15La brève description par Paul du scénario de la parousie est reliée à ce qui précède par la particule gar qui marque un nouveau développement. Celui-ci est introduit par une déclaration de l’apôtre qui a suscité de nombreuses interprétations : « Ceci, je vous le dis, en effet, grâce (ou d’après) une parole du Seigneur... ». Certes, dans la phrase, le substantif Kuriou doit être compris de Jésus, mais il est beaucoup plus difficile de percevoir à quoi Paul se réfère lorsqu’il précise qu’il communique une information aux Thessaloniciens « selon (ou d’après) une parole du Seigneur... ».
16On pourrait penser à une parole du Seigneur, comme celles de Mt 24,3011, de Jn 6,39 ou de Mc 9,112, mais les passages allégués restent approximatifs. Peu d’entre eux traitent de la résurrection et, s’ils le font, ils ne la mettent pas en rapport avec la parousie. De toute façon, avec le pronom « nous » au v. 15 et l’expression « le Seigneur lui-même » au v. 16, il ne peut s’agir d’une sentence de Jésus13.
17Paul pourrait faire allusion à un agraphon14, mais il est malaisé de le recomposer15, et s’il a eu connaissance, par la tradition, d’une telle parole, comment celle-ci, qui répondait à une question importante pour les chrétiens d’alors, n’aurait-elle pas trouvé place dans les évangiles16 ?
18On a aussi renoncé à identifier ici une parole particulière de Jésus et perçu dans l’expression « une parole du seigneur » une référence à l’enseignement eschatologique de Jésus, en particulier au message apocalyptique, dans le genre de celui rapporté en Mc 1317. Il faut toutefois reconnaître que le contact avec cet enseignement, tel qu’il est rapporté dans les évangiles, est trop vague pour qu’on puisse interpréter de la sorte la pensée de Paul18.
19En outre, la parole à laquelle Paul se référerait pourrait être une citation, littérale ou altérée, d’un apocryphe judéo-chrétien19, ou bien une parole communautaire20. Cependant on peut se demander si le texte laisse entendre que Paul cite quoi que ce soit.
20En référence à la déclaration de 1 Co 15,51 - « Voici que je vais vous dire un mystère... » -, introduisant un enseignement sur le sort eschatologique des croyants morts ou vivants, on a encore supposé qu’en 1 Th 4,15-17, Paul renvoie à une révélation qui lui aurait été faite par le Seigneur21 ainsi qu’en témoignent plusieurs passages des épîtres et des Actes (Ga 2,2 ; Ac 18,9 ; 22,18 s. ; 27,23-24). Cette interprétation pourrait être plausible dans la mesure où Paul révélerait explicitement qu’il a eu une révélation, comme en Ga 2,2. Il ne le déclare pas clairement en 1 Th 4,15.
21Par ailleurs, on remarquera qu’à l’exemple de 1 Co 7,10.12, Paul sait distinguer entre une parole du Seigneur et ses propres consignes.
22De plus, en 1 Th 4,15, la préposition en peut aussi signifier « d’après », ou « selon »22. Si Paul dit quelque chose d’après une parole du Seigneur, cela ne signifie en rien qu’il reproduit la parole elle-même. Son propos peut découler d’une parole du Seigneur qui a été transmise par les communautés chrétiennes et qu’il est malaisé de déceler ou de caractériser comme le montrent les lignes précédentes. Il fait alors référence à cette parole pour esquisser son scénario sur la venue du Seigneur.
23En citant une confession de foi en 1Th 4,14, Paul rappelle aux Thessaloniciens que la foi en la résurrection de Jésus impliquait aussi le fait de croire en la résurrection des morts. En fondant sur une parole du Seigneur son ébauche de la venue du Seigneur, il étaye sa pensée sur un autre élément de la tradition chrétienne. Quelle que soit la nature de la parole invoquée, en se référant au Seigneur lui-même, il donne plus de force à sa catéchèse. Désormais celle-ci s’appuie non seulement sur une confession de foi, mais encore sur un enseignement du Seigneur.
https://journals.openedition.org/rsr/2074#ftn15 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Jeu 12 Sep 2024, 11:38 | |
| Exemple type (2006, par un spécialiste catholique en fin de parcours) d'une exégèse classique au ras du texte: irréprochable, attentive, appliquée, laborieuse, scolaire, répétitive, exhaustive, assommante... Nous avons abordé maintes fois ce texte dans d'autres fils thématiques, p. ex. sur la résurrection ou la parousie... Il ne faut évidemment aller chercher dans les "paroles du Seigneur" des épîtres pauliniennes (du moins des "premières", même si 1 Thessaloniciens n'est pas LA première) des citations des évangiles, certainement ultérieurs. Ce sont plutôt des paroles "prophétiques", au sens de la "prophétie" charismatique ou pneumatique (= spirituelle, de l'esprit- pneuma) de 1 Corinthiens, qui deviennent dans les évangiles des logia attribués à "Jésus" (plutôt) que le contraire; fruit en principe d'une "inspiration", mais imitable à loisir par n'importe quel discours ou écriture. Contrairement à Coulot qui ne se donne pas la peine de l'argumenter (puisque c'est consensuel, il suffit de le répéter, ça ne le sera que davantage), je ne suis pas du tout certain que le kurios sans article au v. 15 ( en logô kuriou) se réfère nécessairement à "Jésus" ou au "Christ", à la différence de la parousia tou kuriou dans la suite de la phrase: kurios = "Seigneur" tout seul, sans article, employé comme un nom propre (bien que le nom propre puisse aussi avoir l'article en grec), c'est la substitution "par défaut" de Yahvé dans la Septante, de sorte que la formule peut parfaitement être comprise au sens général de "parole divine", sans distinction entre "Dieu" et "Christ"... (assez logiquement dans sa logique tordue, la NWT/TMN y a d'ailleurs collé un "Jéhovah", avec l'effet contraire de distinguer ostensiblement un "Dieu" du "Christ" là où le texte ne distingue rien du tout). |
| | | free
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| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Ven 13 Sep 2024, 12:17 | |
| Paul et Israël, du retranchement à la greffe Par Rivon Krygier
Le retranchement et la greffe
Tentons une approche attentive et comparative des propos du premier Paul afin de faire place au troisième par la relecture de thèmes problématiques à la lumière de parallèles rabbiniques. Commençons par le propos le plus scabreux tenu en 1 Thessaloniciens qui, pour avoir été considéré par certains modernes comme un « coup de gueule [16] », n’en ressemble pas moins à une condamnation sans appel :
Ces gens-là ont mis à mort Jésus le Seigneur et les prophètes, ils nous ont persécutés, ils ne plaisent pas à Dieu, ils sont ennemis de tous les hommes quand ils nous empêchent de prêcher aux païens pour leur salut, remplissant complètement la mesure de leur péché ; et elle est tombée sur eux, la colère, pour en finir. (1 Th 2,15-16)
À travers les juifs thessaloniciens, c’est bien l’ensemble du peuple juif qui est visé. Toutefois, l’analyse contextuelle de ce propos montre que Paul n’accable pas Israël pour être foncièrement misanthrope, mais « ennemi » en ce sens précis qu’il fait obstacle au kérygme (prédication de la bonne nouvelle). Or, c’est précisément ce sur quoi Paul, en Rm 11, se montre plus nuancé et bienveillant. Il reprend la désignation d’ennemi clairement appliquée à l’ensemble du peuple juif mais pour la contrebalancer aussitôt :
En ce qui concerne l’évangile, ils sont ennemis à cause de vous ; mais en ce qui concerne l’élection, ils sont bien-aimés à cause des pères. Car les dons de grâce et l’appel de Dieu sont irrévocables. (Rm 11,28-29)
Que signifie cette ambivalence ? Selon Rm 11,7-10 et 25, hormis un petit nombre d’entre les juifs, qualifié dans le jargon prophétique de « reste » (ici : les juifs ayant reconnu Jésus), l’ensemble du peuple est devenu obtus, aveugle à la rédemption. Toutefois, cet « esprit de torpeur » fait partie d’un vaste plan divin qui veut que « Dieu a enfermé tous les humains dans leur refus d’obéir – jadis les païens par leur inconduite, et maintenant les juifs par leur déficit de foi révélé devant le Christ – pour obtenir au bout du compte miséricorde pour tous » (Rm 11,32). Les enfants d’Israël sont comme les branches retranchées d’un olivier franc qui un beau jour toutefois retrouveront leur souche aux côtés des branches nouvelles provenant d’un olivier sauvage, les pagano-chrétiens, désormais greffées sur elle. Tout cela est pensé comme une compétition émulative, l’obstruction menée par les uns exacerbant la détermination des autres. Maintenant le rejet obstiné de Jésus par les juifs permet d’évangéliser les non-juifs [17]. Et ceux-là, nouvellement élus, de susciter à leur tour jalousie et frustration, de sorte que – grâce aux nouveaux bien-aimés de Dieu mais aussi grâce au « reste » d’élus juifs dont Paul est évidemment l’éminent représentant – Israël en viendra à désirer recouvrer la vue. Au final, avec la totalité des humains, « tout Israël sera sauvé » (Rm 11,25-26) ! Sauvé, oui, tout Israël, et ce n’est pas rien. Si le peuple juif était pour lui foncièrement misanthrope, il n’aurait sans doute pas mérité une telle fin [18]. Mais on imagine difficilement dans la logique de Paul que cela advienne autrement que par la reconnaissance du Christ…
https://shs.cairn.info/revue-le-genre-humain-2016-1-page-163?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12412 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'élection - Dieu vous a choisi - 1 Thessaloniciens Ven 13 Sep 2024, 14:21 | |
| Merci pour ce texte excellent, qui a été pour moi une surprenante expérience de lecture, et des présupposés ou préjugés inhérents à la lecture: en parcourant l'introduction sans savoir qui était l'auteur, j'ai cru y voir une sorte d'exposé caricatural d'une "méthode de la bonne conscience morale de la mauvaise foi exégétique" (c'est l'expression qui m'est venue à l'esprit), en l'imaginant chrétienne, catholique, et "politiquement correcte" jusqu'à la nausée, et je m'attendais au pire; la suite m'a fait comprendre, progressivement, d'une part que l'auteur était juif, d'autre part qu'il ne cherchait nullement, contrairement à tant d'auteurs chrétiens de ces dernières décennies, à "judaïser" Paul, ni d'ailleurs à l'"anti-judaïser" outre mesure... Je n'adhère pas à toutes ses thèses (le rapport Paul ou plutôt Romains / Jacques me semble plus complexe, le rapport Paul / Luther aussi), mais c'est un texte qui mérite d'être lu, en particulier pour ses nombreux apports rabbiniques qui sortent un peu des références habituelles, et qui donnent à penser même si l'argument ne convainc pas (p. ex. le rapprochement "bénédiction / greffe", improbable linguistiquement et chronologiquement pour l'exégèse des textes pauliniens, mais qui a fort bien pu fonctionner en sens contraire: la "bénédiction d'Abraham", telle que thématisée par "Paul" et ses suites, n'a pas pu manquer de relancer les interprétations rabbiniques). Tout cela, bien sûr, qui intéresserait aussi ce fil-ci, déborde largement le présent sujet et le contexte de 1 Thessaloniciens; mais sur celui-ci on peut lire aussi avec profit le paragraphe qui suit ton extrait et les notes correspondantes (18s), sur les parallèles bibliques (vétérotestamentaires), rabbiniques et coraniques du "coup de gueule" paulinien... Pour rappel, ce texte a souvent été lu, à tort ou à raison, comme une allusion historique à la destruction de Jérusalem lors de la première guerre judéo-romaine (au moins), ce qui retarderait de beaucoup la datation traditionnelle de l'épître (d'environ + 50 à > + 70), à moins d'y voir un ajout secondaire... quoi qu'il en soit il ne pouvait pas manquer d'être lu ainsi après 70... P.S.: Je découvre après coup que Krygier est un représentant du judaïsme "masorti" (où je crois deviner une variante de "massorète"), équivalent selon Wikipedia de ce qu'on appelle conservative Judaism en Amérique, sorte de voie moyenne entre "orthodoxes" et "libéraux", dont nous avons déjà eu l'occasion de voir qu'il produit souvent une pensée intéressante, souple, fine et nuancée, de la "tradition" (qu'on peut appeler, entre autres, massora). Avec probablement l'inconvénient de tous les "centres" (voie du milieu, moyenne, modérée, mediocritas au sens positif du terme), que nous avons vu s'illustrer récemment en politique française: à vouloir réunir un centre droit et un centre gauche en rejetant les extrêmes, on espère rassembler, tout en divisant les camps opposés, et on finit par rassembler (presque) tout le monde contre soi... Dans le cas précité, on voit bien comment la thèse de Krygier séduirait un catholicisme modéré -- à condition de l'éloigner, non seulement de sa frange intégriste, mais aussi des luthériens et d'une bonne partie du protestantisme fondé sur l'opposition principielle de la foi et de la grâce à la loi et aux oeuvres; au-delà de la diplomatie oecuménique, interconfessionnelle ou interreligieuse, la question est de savoir s'il faut entendre ou censurer les voix radicales, extrêmes si l'on veut, qui ne peuvent être portées que par elles-mêmes et les unes contre les autres, quand même ces voix sont attribuées à un même "sujet", individuel ou collectif: le discours radical de "Paul" contre la loi, non seulement la Torah mais le principe même de loi ( nomos), doit-il être annulé ou neutralisé par le fait que le même "Paul", y compris dans les mêmes textes, reproduit consciemment ou non de la "loi" ? On peut observer la chose, l'analyser et l'interpréter comme on voudra, à condition d'entendre la dissonance et de ne pas se hâter de l'harmoniser ou de la réduire à une "moyenne"... |
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