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 L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question

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MessageSujet: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 11:31

"Tu as dédaigné l'alliance de ton serviteur ; tu as profané à terre son diadème" Ps 89,40

"Où est ta fidélité d'autrefois, Seigneur, celle que, dans ta constance, tu as jurée à David ?" Ps 49,50 

"Quant à moi, c'est toi, SEIGNEUR, que j'ai appelé au secours ; au matin ma prière va au-devant de toi. Pourquoi, SEIGNEUR, me repousses-tu, te détournes-tu de moi ?" Ps 88, 14-15


Ces textes sont audacieux, ils remettent en cause la constance, la fidélité et l'amour de Dieu.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 12:21

Cette "audace" (du désespoir), individuelle ou collective, est au fond très fréquente, malgré d'importantes variations de forme et de ton, non seulement dans les Psaumes, mais chez Job, dans les Lamentations et chez bien des "Prophètes", en particulier dans leurs prières (Jérémie, Habacuc, Jonas, etc.; ou même Moïse dans les récits de la Torah). Ou, du côté du NT, le fameux cri d'abandon ou de déréliction de Jésus sur la croix, son unique "dernier mot" selon Marc et Matthieu.

La faute de frappe du titre me semble d'ailleurs propice à la méditation: re-mettre, re-miser, en question ou en cause, c'est aussi relancer (donc aussi suspendre ou différer) un jeu qui tend à se gripper (!) dans des certitudes, qu'il s'agisse de l'amour, de la fidélité ou de l'alliance, pour retrouver toute l'ambiguïté d'une "grâce" qui n'est pas plus un acquis qu'un dû, et qui ne serait pas rassurante si elle n'était pas aussi terrifiante.

Il y aurait de quoi faire réfléchir profondément la théologie chrétienne: le "bon Dieu", le Dieu-"amour", "humain" voire "humaniste", "philanthrope" osent dire les Pastorales, plutôt grand-père que père comme disait Nietzsche, n'a (Dieu merci) rien perdu de sa misanthropie sans laquelle il ne serait, du reste, ni dieu ni homme; ce n'est pas faute de l'avoir dit et répété, de la Genèse à l'Apocalypse, mais nous avons toujours préféré voir dans l'"amour" la dénégation, l'annulation ou la neutralisation de ses nombreux "contraires" (la haine, l'indifférence, la colère, la crainte) plutôt que de les penser ensemble. Alors que toute observation du "réel", de la "nature" comme de l'"histoire", nous oblige à les rapporter les uns aux autres -- ou à ne rien penser du tout.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 12:57

Est-ce pour les morts que tu feras des choses étonnantes ? Les ombres se lèveront-elles pour te célébrer ?
Dira-t-on ta fidélité dans la tombe, ta constance dans le monde des disparus ?
es actes étonnants sont-ils connus dans les ténèbres, et ta justice au pays de l'oubli ?" (88,11-13)

 Quand l'homme meurt, il est séparé de Dieu. Être mort, c'est être coupé de Dieu.  Le croyant n'a caché son dégoût pour la mort. Si Dieu est le Dieu des vivants, comment peut-il laisser ceux qui croient en lui descendre dans la tombe ? Même les croyants manifestent une certaine incompréhension de Dieu et de son dessein.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 14:51

S'il y a une idée commune à toutes les "sagesses" antiques, de Mésopotamie en Egypte et d'Athènes à Jérusalem (exemplairement Qohéleth), c'est bien que le "divin" est foncièrement inconnaissable; la "religion" consiste avant tout à le "craindre" -- avant même de le "servir". Ce n'est pas que toute "révélation" ou toute "connaissance" soient impossibles, mais elles sont forcément limitées, finies, et elles ne se détachent (se dé-limitent ou se dé-finissent) que sur ce fond sans fond d'inconnaissance.

Du côté que nous appellerions volontiers "subjectif" (mais ce terme appellerait à son tour bien des explications), du point de vue du "sujet" de la connaissance ou du "récepteur" de la révélation, qu'il soit collectif ou individuel (et il n'est jamais l'un sans l'autre), "la mort" reste, quoi qu'on en dise, la figure essentielle de cette limite infranchissable.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 15:24

Une parenthèse, si de nombreux auteurs de l'AT ont manifesté leur incompréhension de la mort, c'est qu'il n'avait pas une réponse satisfaisante, comme le péché d'Adam et Eve, que nombreuses religions invoquent.


Les  Ps 88 et 89 se situent dans la problématique de Ps 77, 9 : "Sa fidélité est-elle à jamais épuisée ? Ce qu'il dit est-il anéanti de génération en génération ?"

La fidélité de Dieu est comme une rivière, elle peut tarir.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeMer 15 Avr 2020, 16:06

- Les premières pages de la Genèse sont (souvent) les premières que nous lisons dans la Bible, et de ce fait nous les supposons connues, comme nous les connaissons, quand nous lisons d'autres textes bibliques; elles ne sont pourtant pas les premières à avoir été écrites, d'où la rareté ou l'absence de(s) références à ces textes ailleurs dans l'AT. Il n'y a en fait aucune raison de présumer qu'un "auteur" quelconque connaît la Genèse ou même un récit similaire, si lui-même n'y fait aucune référence.

- L'"incompréhension de la mort" n'a généralement rien à voir avec la recherche d'une "cause" -- surtout d'une cause de la-mort-en-général (comme "Dieu", "la création", "le diable" ou "le péché"); d'ailleurs les morts sont très inégales devant l'incompréhension, puisque -- jusqu'à récemment -- celle des "vieux" n'en suscitait guère, celle des prétendus "méchants" encore moins (elle n'était que trop bien expliquée et justifiée). Ce qui provoque de l'incompréhension c'est sa propre mort, quand elle arrive, surtout "prématurément" (par une inconséquence du fatalisme qui veut qu'on puisse mourir "avant son temps" même si on ne meurt jamais qu'"à son heure"), ou celle des gens qu'on aime, ou des présumés "justes" victimes de persécution (encore que là on tienne une "explication"), ou des "innocents", surtout les enfants, frappés par la maladie, la guerre, un accident, etc. Là-dessus "Adam et Eve" (ou leurs ancêtres et homologues mythologiques) sont un cataplasme sur une jambe de bois, ils n'"expliquent" rien du tout.

- Ce qu'on recherche quand on recherche une "explication" à la mort (et à vrai dire on n'en a guère cherché, tout au moins pour le commun des mortels, avant l'époque perse puis hellénistique) c'est moins une "cause" qu'une "interprétation" imaginaire ouvrant sur une certaine idée de l'au-delà, survie de "l'âme", paradis, enfer, résurrection, réincarnation, jugement, récompense, châtiment, qui d'une façon ou d'une autre font de "la mort" autre chose que ce qu'elle est (c.-à-d. "rien", du moins rien de dicible, de descriptible ou d'imaginable)...

---

La rivière qui tarit peut se remettre à couler -- c'est une image encore plus "naturelle" dans des régions arides aux cours d'eau intermittents (nhl, oued)... Je repense, parmi beaucoup d'autres textes, à Lamentations 3,21ss ou au Psaume 126,4ss.

---

A la relecture des psaumes que tu nous proposes (88--89; 49 est sans doute une erreur, quoiqu'il soit intéressant aussi), ce qui me frappe surtout ce sont les sauts (accidentels ou non) de la complainte individuelle à la complainte collective ou "nationale" (et inversement). Il me semble que "nous" avons plus de mal à nous "approprier" affectivement les plaintes collectives, peut-être moins parce qu'il s'agit d'une autre "nation" que parce que "nous" sommes héritiers d'une longue tradition individualiste, déjà bien plus vieille que "nous", de sorte que pour "nous" le "nous" même ne signifie plus grand-chose (ni "nation", ni "Eglise", encore moins "espèce"). Avec le "je" et le "moi" par contre "nous" sommes de plain-pied, mais nous imaginons mal que le rapport affectif ait pu être inverse (qu'on ait pu être plus touché par un malheur "collectif" que par un malheur "individuel", en un temps où celui-ci était plus fréquent et plus banal). Ce sont des différences qu'aucune "traduction" ne peut vraiment combler.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeJeu 16 Avr 2020, 10:06

Citation :
Ce qui provoque de l'incompréhension c'est sa propre mort, quand elle arrive, surtout "prématurément" (par une inconséquence du fatalisme qui veut qu'on puisse mourir "avant son temps" même si on ne meurt jamais qu'"à son heure"), ou celle des gens qu'on aime, ou des présumés "justes" victimes de persécution (encore que là on tienne une "explication"), ou des "innocents", surtout les enfants, frappés par la maladie, la guerre, un accident, etc. Là-dessus "Adam et Eve" (ou leurs ancêtres et homologues mythologiques) sont un cataplasme sur une jambe de bois, ils n'"expliquent" rien du tout.

Effectivement, Job, lui le juste, ne comprend pas, pourquoi il est poussé vers 1a mort,  le croyant ne cache pas son dégoût pour la mort :

"Souviens-toi, je te prie : quel est l'innocent qui a disparu ? Où les gens droits ont-ils péri ?" Job 4,7

Pour le croyant, Dieu est le Dieu des vivants :

"Seigneur, c'est par tes bontés que l'on vit, c'est par elles que je respire encore ;  tu me rétablis, tu me rends à la vie. Mon amertume s'est changée en paix. Toi, tu t'es épris de moi au point de me retirer de la fosse du néant, car tu as rejeté derrière ton dos tous mes péchés. Car ce n'est pas le séjour des morts qui te célébrera, ce n'est pas la mort qui te louera ;  ceux qui descendent dans le gouffre n'espèrent plus rien de ta loyauté. Le vivant, le vivant, c'est celui-là qui te célèbre, comme moi aujourd'hui ;    
le père fait connaître aux fils ta loyauté" Es 38,16-19
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeJeu 16 Avr 2020, 11:21

N.B.: Job 4, c'est Eliphaz, donc le représentant principal (mais aussi le plus modéré dans l'expression) de la thèse de la rétribution individuelle -- pour lui en effet, pas de mort, ni de souffrance, ni de malheur, qui ne s'explique par une faute; ce que Job passe son temps à démentir, sinon à réfuter.

Le poème ("écrit") attribué à Ezéchias en Isaïe 38 (absent de 2 Rois 20 et de 2 Chroniques 32, où l'on voit au contraire sa "culpabilité" aggravée puis compensée par le repentir, selon la logique de la rétribution stricte qui doit "expliquer" et la maladie et la guérison) est en effet très touchant. On remarque au passage que des expressions comme "remonter du séjour des morts" (etc.) s'appliquent couramment à une guérison ou à une délivrance (de celui qui avait, comme on dit, un pied dans la tombe) avant d'être interprétées au sens "littéral" de résurrection d'un mort (ce à quoi les mêmes textes, bien sûr, se prêteront aussi)...


Dernière édition par Narkissos le Jeu 16 Avr 2020, 11:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeJeu 16 Avr 2020, 11:51

"Le juste disparaît, et personne ne réfléchit ; les hommes fidèles sont ensevelis, et personne ne comprend que le juste est enseveli pour échapper au malheur. Il entrera dans la paix, il reposera sur son lit, celui qui suit le droit chemin" Es 57,1-2

Dans ces conditions, le rédacteur Is., 57, 1-2, aurait lu dans cet oracle prophétique concernant Josias, le cas type du juste disparu prématurément et y aurait vu la clé de ce scandale. Il faut donc donner raison à ceux qui voient dans hârâ'âh le malheur imminent. Dès lors, si l'on se fie à ce rapprochement, le texte d'Isaïe n'envisagerait aucunement le sort du juste après la mort, mais la mort elle-même perçue comme un fruit de la prévenance divine. (Dans une ligne un peu différente, cf. Job, 3, 13-14).
https://www.persee.fr/docAsPDF/rscir_0035-2217_1977_num_51_1_2779.pdf
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeJeu 16 Avr 2020, 16:43

Excellente étude (qu'il vaut la peine de suivre jusqu'au bout, quitte à sauter les passages les plus difficiles d'accès pour un non-hébraïsant).

Il y a en effet quelque chose d'assez remarquable dans la continuité formelle de cette béatitude mortelle ("heureux les morts", en somme) qui peut être comprise de façon totalement différente d'une époque et d'un milieu à l'autre -- dans le monde de la "sagesse" antique et classique, même tardive (Job, Qohéleth, Sagesse), dans celui des "Prophètes" (fût-ce dans les ultimes rédactions du Trito-Isaïe) et de l'"apocalyptique" (jusqu'à l'Apocalypse de Jean). Entre l'idée d'une mort de plus en plus purement "négative" (du she'ol au "néant"), mais préférable quand même, comme telle, aux malheurs des vivants, de la vie et de l'histoire qui continuent, et celle d'un au-delà "positif" (survie de l'âme, résurrection, vie éternelle des "justes"), une communauté d'énoncés contresigne et dénonce l'opposition des significations apparentes: rien ne ressemble plus à la mort que la vie éternelle, à la paix des cimetières (comme dirait Kant) que la béatitude des croyants. Les figures contradictoires de l'"autre de la (même) vie" ne peuvent pas manquer d'avoir un air de famille.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 10:05

Ces deux textes du Qohélet montrent clairement que la mort est plus qu'un phénomène naturel inévitable (voir 2,14-16; 3,19-22; 9,11-12); elle est aussi un phénomène désirable. Il y a un temps pour tout, dit·on très souvent en invoquant à tort Qohélet 3,1-9. Or le temps de la remise en question du Qohélet n'a pas à être escamoté. On ne doit pas occulter le fait qu'il y a des situations où la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Qohélet partage en quelque sorte l'opinion de Zarathoustra: «Beaucoup meurent trop tard, et quelques-uns meurent trop tôt. Elle semble encore étrange la doctrine qui dit: 'Meurs à temps!' Meurs à temps; c'est ce qu'enseigne Zarathoustra»(16). Ceux qui décident de mourir alors qu'ils sont encore au printemps de leur vie ont entendu, sans les avoir jamais lues peut-être, les paroles de Qohélet - cette parole de Dieu, faut-il le rappeler! - et de [url=javascript:Document('Friedrich_Nietzsche')]Nietzsche[/url].* Ils nous retirent le droit d'argumenter et gardent le dernier mot en nous rappelant, à la suite de Qohélet 6,3-6, qu'il n'y a pas, trop souvent, de différence entre mourir vieux ou mourir jeune. l'existence n'est-elle pas un suicide différé (17)?

http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/peut_on_parler_dune_obligation_absolue_de_vivre
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 11:06

Bel article.

On pourrait y ajouter l'épître aux Hébreux -- notamment 2,15, non comme un verset isolé mais comme l'expression la plus claire, et aussi la plus consensuellement philosophique en son temps, de sa logique profonde qui fait coïncider la mort même avec la perfection-accomplissement et le passage du temporel à l'éternel. Entre liberté et mort -- non seulement savoir, acceptation ou désir de la mort mais pouvoir et droit de la donner ou de se la donner -- l'alliance est complexe mais imprescriptible. C'est bien l'oubli de cela qui est aujourd'hui le plus criant, quand on peut enfermer du jour au lendemain des milliards d'humains terrorisés par le nom et les chiffres de la mort, et l'impératif de "sauver des vies" toujours mortelles et promises de surcroît à la captivité générale: l'idée même qu'on puisse vouloir mourir et ne pas vouloir être "sauvé", surtout à un tel prix, effleure sans doute ici et là quelques esprits, mais elle est rigoureusement interdite, exclue, forclose de tout discours public, qu'il soit scientifique, médical, politique ou médiatique.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 12:47

Dans le Ps 88 ; les morts sont perçus comme radicalement séparés de Dieu, au verset 6 (traduction NBS) : "Je suis étendu  parmi les morts, semblable à ceux qui sont transpercés et couchés dans une tombe, à ceux dont tu n’as plus le souvenir et qui sont séparés de ta main".

Ce qui pose la question de la mort du juste, pourquoi Dieu permet-il cette séparation ?

A contrario, le Ps 139,8 affirme : "Si je monte au ciel, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, tu es encore là" et Am 9,2 : "S'ils pénètrent dans le séjour des morts, ma main les en arrachera ; s'ils montent au ciel, je les en ferai redescendre".



L'AT propose de nombreuses présentation de Dieu et de la mort :


"Le SEIGNEUR fait mourir et il fait vivre, il fait descendre au séjour des morts et il en fait remonter" (1 Sa 2,6)

"c'est moi qui fais mourir et qui fais vivre" (Dt 32,39)
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 16:05

S'il est souvent intéressant de comparer les textes, il est plus hasardeux de les mixer: d'autant que la sélection thématique transforme d'elle-même en énoncés théoriques, par exemple "sur la mort", des phrases qui dans leur propre contexte ont une tout autre fonction. L'idée fréquente d'une séparation entre Yahvé et le séjour des morts peut être exploitée très différemment -- rien que dans le psaume 88, on peut l'entendre sur le ton de la plainte et de l'urgence (sauve-moi avant qu'il ne soit trop tard), du défi (peux-tu encore faire quelque chose pour moi au point ou j'en suis ?), voire du chantage (si je meurs -- plus efficacement encore au pluriel national: si nous mourons -- plus personne ne te louera, n'assurera ton service ou ton culte, etc.; cf., en version moins "liturgique" et plus "prophétique", Ezéchiel ou l'Exode: qu'adviendra-t-il de ton nom, de ta renommée, que dira-t-on de toi si tu ne sauves pas les tiens, ou ton peuple ?). Il en va de même pour l'idée contraire, aux époques et dans les milieux où Yahvé cesse d'être un dieu secondaire ou régional pour devenir suprême ou universel: que le séjour des morts ne lui échappe plus, est-ce rassurant ou inquiétant ? C'est pour le moins ambigu dans le psaume 139, clairement menaçant en Amos 9.

Mais quand ces textes différents et parfois contradictoires se retrouvent rassemblés dans un même "canon", on ne peut pas les empêcher de jouer ensemble, ni que leurs contradictions "objectives" se transforment en paradoxes, de façon particulièrement féconde dans les lectures mystiques -- je lisais encore hier Jakob Boehme: c'est dans l'expérience même de l'abandon de Dieu et de soi que se révèle sa présence, etc.

Exemple:
Citation :
Also würde er auch von aller Welt Spott und Angst in sich selber in die grosse Liebe Gottes eindringen und durch den allersüssesten Namen Jesus erquicket und erhalten werden und in sich eine neue Welt sehen und empfinden, welche durch Gottes Zorn durchdringe, darein wûrde er seine Seele wickeln und alles gleich achten, der Leib sei gleich in der Hölle oder auf Erden, so sei sein Gemüt doch in der grössten Liebe Gottes.
"Lui aussi (le disciple souffrant, comme et dans le Christ), laissant la dérision et l'angoisse du monde, il pénétrerait en lui-même dans le grand amour de Dieu, et il serait fortifié et maintenu par le très-doux Nom de Jésus. Il verrait et sentirait en lui un monde nouveau pénétrer à travers la colère de Dieu. Il en envelopperait son âme et tiendrait toutes choses pour indifférentes: que le corps soit dans l'enfer ou sur la terre, pourvu que son coeur soit dans le plus grand amour de Dieu."
(Vom übersinnlichen Leben, "De la vie au-delà des sens", § 18, trad. G. Pfister.)
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 18:24

"SEIGNEUR, tu m'as fait remonter du séjour des morts, tu m'as fait revivre loin de ceux qui descendent dans le gouffre" Ps 30,4


"Car ta fidélité est grande envers moi, et tu me délivres des profondeurs du séjour des morts" Ps 86,13



Je suppose que ces textes ne font allusion à une mort véritable, mais utilisent une métaphore mais nous y trouvons une notion de survie dans le  séjour des morts, l'identité du juste qui survit, son "âme" qui vit dans l’au-delà, son double. l'auteur souligne la  fidélité  de Dieu.  A la lecture de ces textes nous avons le sentiment que les justes ne sont pas uniquement de simples dépouilles, mais reste encore des êtres dans la tombe, des êtres que dieu n'oublie pas.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 18:56

A mon avis il s'agit plutôt d'un jeu d'hyperboles, au sens où celui qui se sent perdu, condamné, mourant, etc., partageant ainsi déjà par anticipation le sort des morts, se voit tout à coup arraché à cette destination-là (plus marquée spatialement dans les cosmologies antiques: on descend aux enfers, dans le séjour des morts, donc on en remonte, le mouvement s'inverse) et rétabli alors qu'il ne s'y attendait pas et ne l'espérait plus. La "métaphore" de la résurrection est alors la plus naturelle, qui s'impose à chaque expérience de guérison, de victoire ou de grâce improbable ou inattendue -- chaque fois en somme qu'on a l'impression d'avoir échappé de justesse à un malheur (chose "objectivement" banale chez les "survivants" en général, mais toujours extraordinaire du point de vue "subjectif" de chacun). Mais à mon sens ces textes ne disent absolument rien de la "condition des morts" ("justes" ou pas, plus ou moins) au sens propre, puisque c'est justement celle à laquelle le locuteur échappe. Les morts, eux, n'ont jamais la parole -- même quand ils ressuscitent, ce n'est pas en tant que morts qu'ils parlent...
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 20:26

"Comme le moment de sa mort approchait, David donna ses ordres à Salomon, son fils ; il lui dit : Moi, je m'en vais selon le sort commun à tous. Sois fort et sois un homme !" 1 R 2,1-2

Notes : 1 Rois 2:2 :
selon le sort commun à tous : litt. dans la voie (ou par le chemin) de toute la terre ; cette expression est employée pour parler de la mort inévitable ; cf. Jos 23.14 ; voir aussi Gn 19.31n.

Le mort rejoint ses ancêtres, il est réuni à son peuple, il emprunt une voie ou un chemin qui le mène à la tombe.  

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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 20:53

Je me souviens qu'au début des années 1970 cette expression hébraïque, décalquée en français dans la bible Segond 1910 (il n'y avait pas encore de TMN, tout au moins pour l'AT), m'avait déjà marqué par son air mystérieux -- "voie" ou "chemin" se prêtant moins en français à un usage "figuré" que drk en hébreu ou way en anglais. "Je m'en vais par le chemin de toute la terre", cela donnait à la mort un côté "tour du monde", linguistiquement fortuit, mais attrayant.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 21:26

« Je remets mon esprit entre tes mains », Ps 31, 6.

En Lc 23,46, à la neuvième heure, Jésus crie fortement : « Père, dans tes mains je remets mon esprit ». De nouveau un verset de psaume (Ps 31,6; Septante 30,5) où pneuma recouvre donc l'hébreu rouah. Quel esprit Jésus remet-il en mourant? L'Esprit saint, son esprit ou son âme, son souffle d'être vivant ? La suite de Luc et les parallèles parlent de souffle : « ayant dit cela, il expira »; « Jésus ayant jeté un grand cri expira » (Mc); « ayant clamé à grand cri, il laissa partir son esprit (son souffle?) » (Mt); « penchant la tête, il rendit l'esprit » (]n). Sauf en Lc et Mc qui emploient « expirer », les verbes choisis par Mt et Jn, réciproquement délivrer
{aphièmi) et livre (paradidômi) l'esprit, ouvrent cependant la porte à tous les commentaires qui souhaiteraient trouver ici le moment du don de l'Esprit à l'humanité et vérifier cette hypothèse.
https://www.erudit.org/en/journals/theologi/1900-v1-n1-theologi1871/024948ar.pdf
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeDim 19 Avr 2020, 02:16

Article stimulant, comme on dit...

Il n'y a pas d'anthropologie "biblique" ou "hébraïque", il n'y a pas une (et une seule) anthropologie biblique ni hébraïque; l'auteur(e) s'en montre par moments conscient(e) et pourtant dans la plus grande partie de son argumentation tout se passe comme s'il y en avait une, sinon exclusive, du moins dominante et la seule valable au fond, moniste ou unitaire, opposable globalement à une anthropologie grecque et dualiste qui serait elle-même une et cohérente, quand on sait pertinemment qu'il n'en est rien. Il ne suffit pas de s'inscrire "contre" une anthropologie dogmatique ou fondamentaliste pour s'affranchir de ses structures et de ses méthodes, artificiellement unifiantes.

En ce qui concerne le récit de la Passion, il n'y a aucun sens à traiter les quatre évangiles ensemble -- surtout en partant de Luc qui n'est manifestement pas le premier. Du mot et de la notion d'"esprit" (indissociable du "souffle" en grec, comme en hébreu d'ailleurs), chaque texte joue différemment et il ne s'agit pas seulement de comparer des passages "parallèles", mais de considérer comment chacun d'eux fonctionne dans l'économie de l'ensemble de son livre. Ainsi l'"expiration" ou "ek-spiration" de Marc 15,37 (ek-pneô) peut sembler très banale, mais elle se détache sur un récit où l'"esprit" (pneuma) a joué un rôle spécifique: pas dans une "Nativité" puisqu'il n'y en a aucune, encore moins dans une in-carnation, mais par une in-spiration unique au baptême qui entraîne "aussitôt" Jésus au désert, puis dans un rapport complexe avec les "esprits impurs", et ainsi de suite. Chez Luc en revanche, le seul à intégrer "l'esprit" dans une parole sur la croix avec la citation du psaume, l'"esprit" est déjà acteur et locuteur avant Jésus, chez Marie, Elisabeth, Zacharie, Jean, Siméon. Dans Jean l'économie de l'"esprit" est encore différente, puisqu'il intervient sans baptême, puis de multiples façons originales dans les discours de Jésus (naître d'eau et d'esprit, Dieu est esprit, esprit et vie, etc.), avant d'être donné (de nouveau) par Jésus qui souffle sur les siens le jour de la résurrection. La première chose nécessaire à une analyse (sémiotique ou autre, mais sémiotique surtout), c'est un texte défini.

Plus près peut-être de notre sujet initial, on peut néanmoins remarquer que cette "parole de la croix" selon Luc accomplit par rapport à Marc et Matthieu un total retournement de l'"abandon" (du moins cela peut-il se dire ainsi en français): du Christ abandonné de son dieu au Christ s'y abandonnant.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeDim 19 Avr 2020, 10:44

Citation :
Plus près peut-être de notre sujet initial, on peut néanmoins remarquer que cette "parole de la croix" selon Luc accomplit par rapport à Marc et Matthieu un total retournement de l'"abandon" (du moins cela peut-il se dire ainsi en français): du Christ abandonné de son dieu au Christ s'y abandonnant.


Merci Narkissos, pour cette découverte.

La mort et la résurrection de Yahvé (68). — G. Widengreu, professeur à PUniversité d'Uppsala, dans sa contribution au troisième recueil, adopte une position très nette. Plusieurs passages de l'A. T., des psaumes en particulier, attesteraient l'existence, en certains cercles israélites, d'un culte de Yahvé considéré comme un dieu qui meurt et ressuscite. La Bible évoquerait ce mythe à l'aide d'une phraséologie et de termes techniques apparentés au vocabulaire de Ras Shamra.

Un psalmiste, dans un poème riche en réminiscences cananéennes (« one of the 'Ganaanizing' psalms »), s'écrie : Hay Yhwh, Yahvé est vivant! (Ps., 18, 47). Cette formule correspond exactement à l'acclamation rituelle qui, dans le culte de Baal, saluait le retour du dieu à la vie : 'Al'iyan Ba'al vit (69). Elle ressemble aussi à la proclamation pascale de la liturgie chrétienne : «Le Christ est vivant!».

L'expression biblique, prégnante, impliquerait dans sa plénitude l'idée d'une mort préalable. Mais rien ne justifie ce sous-entendu. Dans son contexte immédiat, ce cri enthousiaste est associé à une bénédiction, d'où la traduction du P. Tournay : Vive Yàhvé, et béni soit mon rocher ! En réalité, le premier terme traduit, ici, plus qu'un souhait ou un voeu. L'hommage consiste dans la reconnaissance d'un fait : Yahvé, par son intervention libératrice en faveur du psalmiste, prouve d'une manière éclatante sa vitalité souveraine. L'auteur, un roi, après avoir invoqué le Seigneur (vv. 4-7) — on ne lance pas un appel au secours à un dieu mort — échappe de justesse, grâce au secours d'en haut (vv. 8-20), aux périls mortels qui le guettent (w. 5-7). En conséquence, il clame sa gratitude à l'égard de son sauveur (vv. 47-49). Par son aide toute-puissante, Yahvé montre qu'il est actif, un être vivant (v. 47). A supposer que la formule retienne une allusion aux mythes cananéens, cette réminiscence insinue plutôt le contraire de ce qu'on prétend y déceler.

Yahvé se distingue des dieux des païens : eux, ils recouvrent périodiquement la vie ; Lui, il vit sans cesse, toujours prêt à arracher aux filets du shéol le fidèle qui le prie. Il mérite vraiment le titre de Dieu vivant ( Ps., 42, 3 ; 84, 3 ; cf. Jos., 3, 10 ; Os., 1, 10) ; il donne la vie et la retire à son gré (Gen., 16, 14 ; Dt., 5, 26 ; 4 Rois, 19, 4); il n'a rien à voir avec le shéol (Ps., 6, 6 ; 30, 10 ; 88, 11-13 ; 115, 17). En fait, jamais la Bible ne suggère la mort de Yahvé. L'affirmation d'Habacuc : Tu ne mourras point, lô tâmût (Hab., 1, 12 b) exprime une conception qui traverse toute l'Ecriture (70).

On insiste. La Bible utilise des termes techniques, en particulier l'image du sommeil qui rappelle la torpeur et l'engourdissement du trépas. Voici quelques citations :
Eveille-toi et lève-toi!... (Ps., 35, 23).

Eveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ?
Lève-toi... (Ps., 44, 24).
Eveille-toi... Lève-tot! (Ps., 59, 5b, 6b).

Ces passages visent, dit-on, une situation cultuelle et présupposent le mythe de la mort. Ceux qui participaient à l'action liturgique s'imaginaient leur dieu englouti dans le monde souterrain. Une coïncidence curieuse confirmerait l'hypothèse. Dans la célèbre compétition qui oppose Elie aux prophètes de Baal, le nabi émet cette supposition ironique : Peut-être Baal dort; et il se réveillera (2 Rois, 18, 27)
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1960_num_34_1_2244
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeDim 19 Avr 2020, 13:32

L'exégèse vétérotestamentaire des années 1950-60 est dans un état de guerre ouverte, entre 1) une "histoire des religions" dont le principe remonte au moins au XIXe siècle mais qui a été récemment requinquée, en particulier dans "l'école scandinave", par une masse sans précédent de découvertes archéologiques et d'études de textes du Proche-Orient ancien, au point de monter des reconstitutions beaucoup trop précises pour être convaincantes, et 2) une dénégation réflexe des "conservateurs" qui tendent à évacuer ou à minimiser toute ressemblance entre la "religion d'Israël" et ses voisines (ce qui aboutit, notamment d'un point de vue "chrétien", à des choses très curieuses: il faudrait nier tout rapport du Dieu de l'AT à un cycle de mort et de résurrection pour l'affirmer, tout neuf et sortant de nulle part, dans le NT -- sans voir que ce cycle de négation et d'affirmation ressemble comme deux gouttes d'eau au schème qu'il nie et affirme successivement). La réalité était évidemment plus complexe et les propositions se sont considérablement nuancées depuis (comme le montrent p. ex. les travaux de T. Römer que nous avons souvent cités). Reste derrière tout cela un préjugé théologique fondamental, qui traverse les lignes de front entre "critiques" et "apologistes" -- à savoir qu'une "révélation" ou une "vraie religion" vaudrait essentiellement par ses différences, non par ce qu'elle a de commun avec les autres. Une fois surmonté ou du moins questionné ce préjugé, on peut aborder les données, divergentes ou convergentes, de façon beaucoup plus sereine. (Cf., p. ex., ici.)

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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeDim 19 Avr 2020, 18:59

En quel sens ‘ la mort des fidèles de Jéhovah ’ est-​elle précieuse à ses yeux ?

Sous l’inspiration divine, un psalmiste a chanté : “ Elle est précieuse aux yeux de Jéhovah, la mort de ses fidèles. ” (
Ps. 116:15). Jéhovah attache beaucoup de valeur à la vie de chacun de ses adorateurs. Toutefois, le verset précité ne parle pas de personnes prises individuellement.
Lorsqu’un discours funèbre est prononcé, il ne convient pas d’appliquer
Psaume 116:15 au défunt, bien qu’il soit mort fidèle. Pourquoi ? Parce que la déclaration du psalmiste a une portée bien plus large. Elle signifie que les adorateurs de Dieu en tant que groupe lui sont si précieux qu’il considère leur mort comme trop coûteuse pour qu’il la tolère. — Voir Psaume 72:14 ; 116:8.
Psaume 116:15 offre la garantie que Jéhovah ne permettra pas que l’ensemble de ses serviteurs soit éliminé. D’ailleurs, l’histoire moderne des Témoins de Jéhovah, qui atteste leur endurance face à toutes sortes d’épreuves cruelles et de persécutions, apporte la preuve évidente qu’il ne tolérera jamais leur extermination.

Lire la suite :
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2012366



Je trouve cet article ridicule, la mort de ses adorateurs est insupportable à Dieu mais seulement au niveau collectif ou en tant que groupe, par contre, à titre individuel, la mort de ses serviteurs est acceptable. Je reste éberlué par l'allusion au discours funèbre  L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_eek L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Fresse   et par cette apologie de l'histoire moderne des TdJ et l'impossibilité de les exterminer. Il me semble que ce texte indique simplement qu’il en coûte à Dieu de voir mourir ses fidèles, sans distinguer les aspects individuel et collectif, c'est pour cela que Ps 49,16, envisage une vie rachetée du séjour des morts : "Mais Dieu me libérera du séjour des morts, car il me prendra".
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeLun 20 Avr 2020, 00:29

C'est en effet une argumentation remarquablement foireuse -- plutôt une série d'assertions péremptoires sans connexion logique entre elles. D'autant que la phrase telle qu'elle se lit dans la NWT/TMN (qui est passée en 2013/18 de precious à costly et de "précieuse" à "coûteuse") n'implique aucunement l'impossibilité de la mort des fidèles -- son usage aux enterrements (usage que j'ignorais, mais qui me paraît plutôt bien trouvé pour une appropriation spontanée) encore moins.

Exégèse et interprétation bibliques à part, il me semble que ce genre de "mise au point" trahit une certaine angoisse, de la part de la Watch, que la "religion des TdJ" lui échappe. Risque minime vu la sociopsychologie ultra-grégaire du mouvement, risque quand même dans la mesure où la Watch et ses diverses associations officielles ont tout fait, juridiquement, pour se distinguer de ladite "religion": en théorie elle a une existence autonome, les associations déclarées la servent, la représentent, mais ne la dirigent pas, donc elles ne peuvent pas être tenues, légalement et pénalement, pour responsables de ce qui s'y passe. Le risque de cette stratégie ad extra (face aux lois et aux tribunaux) est évidemment d'être pris au mot, en interne, par des TdJ qui assumeraient leur "religion" sans en référer à la Watchtower. Du coup tout geste spontané d'"appropriation" autonome de la foi ou de la piété jéhoviste par un individu, une famille ou un groupe local -- même aux enterrements --  devient menaçant pour une "institution" qui ne s'avoue même pas officiellement comme telle. C'est une expression particulièrement retorse du "double langage": face aux Etats, aux lois, aux tribunaux, on prétend que les TdJ ont leur "foi" à eux et qu'aucune institution n'y est pour rien; mais en interne on leur rappelle que leur "foi" ne leur appartient pas et qu'il n'est pas question pour eux de se l'approprier, même dans une circonstance particulièrement sensible comme la mort d'un proche.

Pour revenir à l'exégèse, le texte hébreu (massorétique) du psaume est quand même assez curieux ("précieuse aux yeux de Yhwh la mort pour ses fidèles", avec un suffixe inhabituel au mot traduit par "la-mort", h-mwth) pour susciter des interrogations, à défaut de réponse, sur la transmission du texte -- bien que la Septante l'ait déjà traduit d'une façon similaire à nos bibles.
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MessageSujet: Re: L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question   L'amour et la fidélité de Dieu remisent en question Icon_minitimeLun 20 Avr 2020, 10:05

Citation :
C'est en effet une argumentation remarquablement foireuse





Lorsque l'article indique : "il ne convient pas d’appliquer au défunt", je pense que la Watch veut éviter (au mépris du sens du texte) que les TdJ entrevoient l'idée que le croyant/défunt puisse être quelque part, conservé, précieux et en attente. Je trouve cette article pitoyable, avec la volonté d'empêcher les TdJ de ressentir un texte, de se l'approprier (comme tu l'a souligné) et de le vivre.  

"Je contemple le SEIGNEUR constamment devant moi, quand il est à ma droite, je ne vacille pas. Aussi mon cœur se réjouit, ma gloire est dans l'allégresse, ma chair même repose en sécurité. Car tu ne m'abandonneras pas au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton fidèle voie la fosse" Ps 16,8-10

Tout l’accent porte sur la relation qui est établie avec Dieu dans cette vie, l'auteur n’imagine pas que cette communion puisse un jour être brisée même par la mort : tu ne m'abandonneras pas au séjour des morts. La communion du fidèle avec Dieu ne peut pas être détruite par la mort. Dans le Psaume 22,30 :

"Tous les puissants de la terre mangeront et se prosterneront aussi ; devant lui plieront tous ceux qui descendent dans la poussière, ceux qui ne peuvent conserver leur vie"
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