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 dehors

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Narkissos

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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeSam 2 Sep 2023 - 10:53

Nous pensons comme nous parlons, en métaphores, comparaisons, paraboles, allégories et autres figures ou tropes, spatio-temporels par définition (méta-phore = trans-port, trans-fert, trans-lation, tra-duction, tra-dition, etc., tout cela requiert de l'espace et du temps dans toute leur métonymie); tous ces "véhicules tropiques", en faisant de notre langage et de notre pensée un continuel déplacement -- des choses aux mots, des mots aux images, des images aux idées et d'une idée à l'autre, mais aussi d'une chose et d'un mot à l'autre -- nous égarent ou nous font tourner en rond (c'est le sens du "trope", "tour" de langage comme un tour de passe-passe), nous le savons mais nous ne pouvons pas penser sans eux: ainsi exemplairement pour le dehors et le dedans, entrer, sortir, etc.

C'est une affaire "technique" de part en part, du transport à la communication (signe, dessin, langage, écriture, etc., signifiant d'un signifié et d'un référent toujours autres, d'un destinateur lui-même précédé d'influences innombrables à son destinataire et à cent autres, lecteurs, auditeurs et spectateurs imprévus, d'un contexte à mille autres); par là aussi soumise à changements au gré d'innovations techniques qui nous font sentir ou pressentir, percevoir ou apercevoir par moments de quoi il y va et de quoi il retourne tout le temps.

Quand j'étais petit le savoir, la connaissance, l'intelligence étaient "dedans": on savait "dans sa tête" ou "par coeur", apprendre c'était absorber, ingurgiter, assimiler d'un dehors quelconque à un dedans particulier, individuel, personnel, moi ou un autre, toujours un; lecture, observation, écoute, compréhension, mémoire, tout cela se prêtait aux métaphores alimentaires et conservatrices, boire, manger, faim, soif, boulimie ou indigestion, et retenir en soi ce qui y était entré, capacité, continence, constipation plutôt que diarrhée ou vomissement.

L'informatique et Internet ont en quelques années mis presque tout le savoir disponible "dehors", à portée de clic; le savoir "dedans" ne servait plus à rien, si ce n'est à savoir chercher et trouver "dehors", à s'y retrouver ou à trouver son chemin dans une forêt (mot et métaphore du dehors, for et fors, forum, fuera, forastero, foreign; cf. les "langues forestières" = "étrangères" de Zazie dans le métro) d'"informations" vraies ou fausses, plus ou moins exactes, intéressantes, importantes ou utiles.

"Révolution" technique, artificielle, superficielle, contingente, anecdotique mais aussi sans précédent et pourtant dans le prolongement de beaucoup d'autres: invention de l'écriture (excriture, écrivait Nancy) qui plus de 5000 ans plus tôt mettait déjà le savoir dehors, et pour une proportion croissante de certaines populations au fil des millénaires et des années (dans cet ordre d'accélération) avec la tablette d'argile, l'alphabet, le parchemin, le papyrus, le codex, la poste, l'imprimerie, l'instruction obligatoire, le télégraphe, le téléphone, la télévision, et ainsi de suite. Tout cela ne peut pas ne pas changer notre "dedans" comme notre "dehors": la pensée, l'intelligence, la sagesse ou le logos, les émotions et les sentiments se jouent autant "dehors" que "dedans", "entre" les individus ou sujets -- la bêtise ou la cruauté aussi, bien sûr; cf. les "réseaux sociaux" dont les mouvements, "buzz" ou "lynchages", sont à la fois aléatoires et prévisibles, comme ceux d'une tempête, d'un banc de sardines ou d'un vol d'étourneaux. Bien sûr cela a toujours été la logique sans logique du langage: une langue (language, Sprache) ne naît dans la tête de personne, pas plus d'un dieu que d'un homme, mais par le jeu a priori sans règle ni loi d'une "société", entre des "individus" comme au-dedans d'eux, le jeu lui-même finissant par fixer ses propres règles.

Au fil de ces comparaisons ou métaphores, toujours trompeuses mais incontournables, ce sont beaucoup de "dualismes" métaphysiques qui s'effondrent comme ils se sont construits, toujours sur le modèle du "dedans / dehors": entre la "pensée" et l'"être" (on retrouverait Parménide), l'"âme" et le "corps", la "forme", l'"idée" ou l'"esprit" et la "matière", la "puissance" et l'"acte", le "virtuel" et le "réel", la "cause" et l'"effet", la "chose pensante" et la "chose étendue" (Descartes), et du même coup entre l'homme, l'animal, le végétal, le minéral, le naturel et l'artificiel, l'instrument, l'outil, la prothèse, le mécanique ou le machinal. Concepts qui perdent leurs définitions successives en même temps que leurs oppositions mais avec lesquels nous nous imaginons encore penser, la pensée théologique ayant particulièrement du mal à suivre le mouvement: il lui faudrait inventer de nouvelles métaphores ou en ressusciter d'anciennes, sans doute non moins trompeuses d'ailleurs.

Il faudrait aussi bien revisiter des énoncés traditionnels, sur le rapport d'extériorité et/ou d'intériorité d'une "sagesse" (hokhma, sophia, sapientia) ou d'un logos (verbum, ratio) par rapport non seulement au "dieu" (theos, deus) mais au "monde" (kosmos, mundus), qui lui-même ne s'oppose plus comme "ordre" à un "chaos". C'est dans le même temps, le même devenir, le même "événement" singulier qu'il y a désormais des effets d'ordre et de chaos, de hasard et de nécessité, d'énergie et de matière, de pensée et d'être. Dedans et dehors encore, sans doute, mais toujours autrement.

---

Dedans et dehors tendent à se subsumer, sinon à se confondre, leur opposition en tout cas à s'effondrer,  dans la métaphore ou la métonymie du pli qu'on retrouve en particulier, quoique différemment, chez Deleuze et Derrida: figure mathématique de l'anneau de Möbius chez l'un, image anatomique de l'invagination chez l'autre, qui vaut d'ailleurs pour tous les orifices, les lieux de passage, portes et fenêtres en tout genre, qui font d'un dehors un dedans et du dedans un dehors, laissent passer du dedans dehors ou du dehors dedans, ou empêchent le passage par une multiplicité ou une complication de plis et de replis, chicane discriminante, tantôt accueillant tantôt repoussant, tantôt retenant tantôt évacuant, hospitalière et hostile, avec de la pathologie métaphorique dans tous les sens, infection, infestation, possession, aliénation, (auto-)immunité, allergie...
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeLun 4 Sep 2023 - 18:43

Le dehors du dedans

Le paradoxe phénoménologique

3La phénoménologie tente de penser une nouvelle façon d’articu1er intérieur et extérieur. Dans son dernier livre, publié en 1964, Merleau-Ponty s’attache à une réflexion sur l’œil, la vision et la peinture. On trouve ainsi la formule qui me sert de titre, page 23 :

Le mot d’image est mal famé parce qu’on a cru étourdiment qu’un dessin était un décalque, une copie, une seconde chose, et l’image mentale un dessin de ce genre dans notre bric-à-brac privé. Mais si en effet elle n’est rien de pareil, le dessin et le tableau n’appartiennent pas plus qu’elle à l’en soi. Ils sont le dedans du dehors et le dehors du dedans (je souligne).

4Le renversement et la corrélation des deux expressions rendent les deux termes problématiques — selon une proximité avec le questionnement de Wittgenstein que Sandra Laugier rappelle justement. Cette réversibilité est bée à l’idée centrale de la phénoménologie : « L’énigme tient en ceci que mon corps est à la fois voyant et visible » ; « Il se voit voyant, il se touche touchant, il est visible et sensible pour soi-même » (page 18). La philosophie moderne accomplit, par là, un de ses efforts majeurs pour penser en d’autres termes le sujet (cartésien), ou la conscience, c’est-à-dire : les rapports entre un dedans (une intériorité) et son dehors. Il s’agit bien de penser la conscience comme intentionnalité, remplisse ment, comme conscience-de. Le dehors me remplit, ou je vise du dedans le dehors dans une dynamique d’interpénétration. On sait la fortune des formules de la phénoménologie et combien elles scintillent aux yeux des écrivains de notre siècle qui entreprennent aussi, de leur côté, de décrire autrement cette saisie du monde. Je me contenterai, pour ma part, de noter surtout cette incitation à penser autrement des rapports, hors de tout cadre stable, selon une logique du mouvement de l’un à l’autre.

La cloison, le tympan

7Comment décrire le lieu de la différenciation ininterrompue, l'instance séparatrice qui articulerait les frontières mouvantes de dedans et de dehors pluralisés ? Avant d’envisager certaines tentatives freudiennes de topologie et les questions qu’elles soulèvent, je voudrais placer mon propos sous un deuxième exergue général, emprunté à L’Innommable de Beckett :

... et c’est peut-être ça que je sens, qu’il y a un dehors et un dedans et moi au milieu, et c’est peut-être ça que je suis, la chose qui divise le monde en deux, d’une part le dehors, de l’autre le dedans, ça peut être mince comme une lame, je ne suis ni d’un côté ni de l’autre, je suis au milieu, je suis la cloison, j’ai deux faces et pas d’épaisseur, c’est peut-être ça que je sens, je me sens qui vibre, je suis le tympan, d’un côté c’est le crâne, de l’autre le monde, je ne suis ni de l’un ni de l’autre...4.

Ce passage dit admirablement, sous le signe de l’hésitation et du neutre, que le sujet est devenu sujet de l’énonciation, et non plus sujet de la conscience classique, c’est-à-dire un « tympan » qui articule un dedans et un dehors sans être ni l’un ni l’autre. Une membrane mobile, sur le fil du déplacement infinie de sa parole. Le livre de Samuel Beckett est, sans doute, l’un des essais les plus radicaux pour faire parler ce qui ne peut plus s’entendre comme une intériorité mais qui continue de poser la lancinante question de savoir comment, pour nous autres contemporains, se figurer ce que Michaux a magnifiquement appelé « l’espace du dedans » ?

https://books.openedition.org/pub/5178?lang=fr
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeLun 4 Sep 2023 - 21:58

Merci pour cet article, qui se situe tout à fait dans la direction (vague) que je tentais d'indiquer -- ni dehors ni dedans, et dehors et dedans, jeu-de-hors-et-de-dans, double scène et dédoublement sans fin, écho et miroir, requis par toute pensée, imagination, re-présentation, conscience et subjectivité, relation et communication... L'article de Sandra Laugier sur Wittgenstein, mentionné dans ton extrait, est disponible sur le même site (lien à la fin de la page) et vaut également le détour. "Tympan" est aussi le titre d'un texte (presque) "classique" de Derrida, en avant-propos du recueil Marges -- de la philosophie (1972).

D'une vibration l'autre (mais est-ce une autre ?), on ne peut pas séparer les tympans des cordes vocales, ni le son de la voix perçue ou émise (qol, phônè; un des premiers textes de Derrida s'intitulait La voix et le phénomène), ce qui "entre" (sans que rien n'entre) et ce qui "sort" (bien que ce soit toujours le "corps" qui parle, et la voix même un phénomène de surface). Nul ne s'entend comme il entend les autres ni comme les autres l'entendent, chacun s'entend par la gorge plu(s)tôt que par les oreilles, d'où la surprise que lui réserve un enregistrement de sa "propre" voix, qu'en fait il ne (re-)connaît pas. Dans l'hébreu biblique la "pensée" ne se distingue guère du soliloque et du murmure: on (qui, ou quoi ?)  parle à / vers son coeur, qui est aussi "récepteur" qu'"émetteur"...
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeMar 5 Sep 2023 - 15:16

Le dedans et le dehors : une exploration de la dynamique pré-réfléchie de l’expérience corporelle

3.2. Perméabilité des frontières et transformation du sentiment d’identité

Le plus souvent, la transmodalité de cette strate d’expérience s’accompagne d’une certaine perméabilité de la frontière habituellement perçue entre espace intérieur et espace extérieur. Nous faisons parfois cette expérience lorsque nous contemplons un tableau, qui soulève en nous un monde d’impressions fugitives d’intensité, de contraste, de résonance, ni objectives ni subjectives. Cette expérience se produit aussi à l’écoute d’une musique, ou même comme nous l’avons vu d’un simple son. Un tel sentiment de perméabilité des frontières entre mondes intérieur et extérieur, lié semble-t-il à une sorte d’accord rythmique entre les deux, semble se retrouver dans nos relations intersubjectives. Par exemple, il nous a été décrit par différents psychothérapeutes comme caractéristique de certains moments privilégiés de la cure thérapeutique.

Ce sentiment de dissolution des frontières est souvent associé à une transformation du sentiment d’identité individuelle : le sentiment d’être un “moi” solide et distinct du monde, devient plus “léger” et même disparaît. Par exemple, toutes les descriptions que j’ai recueillies de l’émergence d’une idée qu’on a coutume d’appeler une “intuition” (Petitmengin, 2001) - solution d’un problème, idée scientifique nouvelle, insight psychothérapeutique, intuition créatrice - mentionnent un sentiment d’absence de contrôle : “Ça m’échappe”, “Ça m’arrive”, “Ça ne dépend pas de moi”, “Ça m’est donné”. En cet instant, le sentiment dit “d’agentivité” (sense of agency), c’est-à-dire “le sentiment que c’est moi qui génère l’idée dans mon courant de conscience” (Gallagher, 2000) est altéré, comme le confirme l’analyse des structures linguistiques utilisées pour décrire l’expérience. La forme active est en effet fréquemment remplacée par une forme plus passive : la personne décrivant l’expérience ne dit pas “j’ai une idée, je vois une image”, mais “une idée me vient, une image m’apparaît”. Rappelez-vous la célèbre conférence de Poincaré à l’Institut de Psychologie de Paris : “Au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l’idée me vint” (Poincaré, 1908). Il semble que le “sentiment d’appartenance” (sense of ownership), c’est-à-dire “le sentiment que cette idée est mon idée” (Gallagher, 2000), soit aussi altéré, comme le suggère l’absence du pronom personnel “Je” dans beaucoup de descriptions. La personne décrivant l’expérience ne dit même plus “une idée me vient”, “une image m’apparaît”, mais “il y a une idée, il y a une image”. L’expérience n’est pas ressentie comme étant la mienne, elle n’est pas vécue comme personnelle.

https://www.cairn.info/revue-travail-et-apprentissages-2011-1-page-105.htm
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeMar 5 Sep 2023 - 16:59

Ma première réaction devant ce genre de texte, que je trouve assez symptomatique de l'auto-dé-(con-)struction générale et plus ou moins réfléchie de la rationalité occidentale, avec ou sans prétexte de méditation orientale, est d'osciller, indécidablement, entre adhésion (ou reddition) et sarcasme -- que ce genre de philosophie s'adresse d'abord, comme j'ai cru comprendre, à de futurs techniciens ou technocrates, mettrait encore la chose en abyme. Cette indécision même n'est d'ailleurs que le corollaire du mouvement d'une "logique" autodestructrice qui pousse l'empirisme jusqu'au solipsisme (il n'y a d'expérience que de l'expérience elle-même, autrement dit il n'y a d'expérience de rien et pas d'expérience du tout -- oubliant au passage l'axiome husserlien selon lequel toute conscience est conscience de quelque chose) et le retourne en son revers quasi heideggerien, il n'y a que de l'être, de l'événement, du phénomène apparaissant mais n'apparaissant en définitive à personne -- soit dit en passant Heidegger, qui ne connaissait pas notre "ressenti", ironisait déjà sur l'Erlebnis ou "expérience vécue" au temps de l'exploitation nazie du vitalisme nietzschéen... Dans ce double réductionnisme alternatif, "objectivité" et "subjectivité" se neutralisent mutuellement en captant tour à tour la totalité du phénomène, sans négociation ni transaction possible(s).

Sans le jeu et l'artifice d'un "dedans" et d'un "dehors", si factices soient-ils, il n'y aurait absolument rien à dire ni à penser, ni à percevoir ni à sentir, ni à vivre; il nous faut donc bon gré mal gré jouer le jeu, et partiellement au moins en être dupe (comme disait Lacan, les non-dupes errent: signature en creux de l'ineffable).

On pourrait revenir à la notion de "corps", dont on a davantage parlé au début de ce fil (en particulier autour de la formule de 2 Corinthiens 12, "dans le corps / hors du corps"); à condition de ne pas limiter le "corps" au "vivant": on parle encore de "corps" en physique, qu'il s'agisse d'un caillou, d'un grain de sable ou d'une étoile, et c'est aussi le cas du sôma grec (cf. p. ex. 1 Corinthiens 15 où les astres sont aussi des "corps"). Partout où il y a corps il y aura du "dedans" et du "dehors" correspondant à un "soi" supposé un et indivisible (identité, ipséité) et à de l'"autre" infiniment divers (hostile, hospitalier, nuisible, utile, etc.). A vrai dire tout ce que je nomme, n'importe quelle "chose", "concrète", "matérielle" ou même "abstraite" comme une "idée" ou un "concept", dès que je la nomme je l'isole absolument du reste, je lui fais un "dedans" et un "dehors", un "soi" et de l'"autre". Et chez "moi" c'est délimité par une peau et des orifices, quand bien même les échanges entre le "dehors" et le "dedans" sont permanents (à commencer par la respiration), mais ça ne s'y arrête pas, puisque le dedans et le dehors se propagent du corps "proprement dit" à l'habitat et à l'habitude qui rendent la "vie" possible (au sens de zôè et de bios): terrier, nid, arbre, forêt, rocher, grotte, montagne, maison, ville, nation, espèce, toujours à différents niveaux de l'unité et de l'altérité, du dedans et du dehors.
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 10:15

Citation :
Au-delà de ce lexique particulier, on songera à l'antithèse formelle entre "introspection" et "extase" qui traverse tout le discours religieux, mystique, ascétique, moral ou psychologique: "rentrer en soi-même" (cf. Luc 15,17, admirablement parodié par Lacenaire-Herrand-Prévert-Carné dans Les enfants du paradis: "je suis rentré en moi-même, je n'ai jamais pu en sortir ! Les imprudents... me laisser tout seul avec moi-même... et ils me défendaient les mauvaises fréquentations !") ou bien en "sortir" (dans une tradition qui condamne le repli sur soi, l'égocentrisme, le péché luthérien incurvatus in se), c'est apparemment le contraire et pourtant ça reviendrait au même, si l'un ou l'autre, ou l'un sans l'autre, était possible.


1. Si on compare cette parabole à d'autres, par exemple aux deux qui la précèdent ou à celle du semeur, on constate qu'elle donne beaucoup de place et accorde une grande attention à la personnalité des différents acteurs. Elle parle de leurs réflexions, de leurs sentiments. Elle explique les motifs très pesés et calculés du cadet; quand il se décide à retourner chez son père, ce n'est ni l'affection ni le repentir qui le font revenir, mais la misère et la faim. Son retour n'a rien de désintéressé et ne s'apparente nullement à une conversion. Elle mentionne l'émotion et le comportement du Père quand son cadet revient. Elle souligne la colère de l'aîné.

La parole ne circule pas, les relations se nouent mal parce que chacun donne trop de place et d'importance à ce qu'il pense et à ce qu'il sent. La parole vivifie quand elle s'accompagne d'une sorte de mort du soi, de mort à soi. Lorsque le souci de soi prédomine et encombre, la parole se fige, nous immobilise, elle entrave communication et mouvement. Pour dire les choses autrement, nous sommes invités à exister. Exister vient de deux mots latins ex et sistere, se tenir hors de soi, le contraire d'insister, in sistere, se tenir en soi, rentrer en soi-même. "Rentrer en lui-même", c'est ce que fait le cadet, quand la misère l'atteint. N'avait-il pas plus raison quand il était parti de chez lui, pour rencontrer des gens douteux, de mauvaise vie (ceux que l'on reproche précisément à Jésus de fréquenter au début du chapitre 15) et quand il dilapidait ses biens (comme le semeur d'une autre parabole qui sort de chez lui et jette ses graines n'importe où, à tous vents et dans les terrains)? La foi nous fait ex-sister, sortir de nous-mêmes, non pas in-sister, entrer et nous enfermer en nous-mêmes.

http://andregounelle.fr/bible/parabole-du-fils-prodigue-luc-15.php
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 10:54

Lecture originale, audacieuse, intelligente, sensible de cette parabole -- Gounelle s'est ici surpassé. Il faut vraiment tout lire, c'est court et captivant comme un (bon) sermon (c'en était peut-être un).

Sur le fameux "rentré en soi-même", on s'est expliqué(s) un peu plus bas (que le post initial que tu cites), 7.6.2021.

La question d'interprétation décisive mais indécidable de la parabole, qui deviendrait d'ailleurs une allégorie si l'on y répondait de manière univoque, c'est en effet celle de l'identité du père, "Dieu" ou un autre, le doute à ce sujet étant convoqué dans le texte même, comme l'a bien vu Gounelle (contre le ciel et contre toi). On trouverait à coup sûr le même flottement référentiel dans nombre de paraboles: le maître, le seigneur, le semeur, le berger, le roi, le père, le fils de l'homme ou de Dieu, on les identifie toujours trop vite à ce qu'on croit connaître, un bloc signifiant-signifié-référent comme "Dieu" qui de fait arrête la pensée -- on ne se demande pas, quand on a dit "c'est Dieu", ce que "Dieu" signifie, désigne ou représente. Pourtant rien n'oblige à exclure ou exempter le signifiant "Dieu" de la question. Car dès qu'il est nommé, "Dieu" aussi devient quelqu'un ou quelque chose, avec un "dedans" et un "dehors", un "soi" et de l'"autre" ou des "autres", et il est pris comme n'importe qui dans les embarras et les contradictions qui en découlent, il aurait lui aussi besoin de "sortir de lui-même" ou d'y "rentrer", de se perdre pour se trouver, de mourir pour vivre... ce que "lui-même" ne saurait faire, comme nous d'ailleurs, qu'"en parabole(s)".
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 11:20

La pesanteur et la grâce

DÉSIRER SANS OBJET

La purification est la séparation du bien et de la convoitise.
Descendre à la source des désirs pour arracher l'énergie à son objet. C'est là que les désirs sont vrais en tant qu'énergie. C'est l'objet qui est faux. Mais arrachement indicible dans l'âme à la séparation d'un désir et de son objet.

Si l'on descend en soi-même, on trouve qu'on possède exactement ce qu'on désire.

Si l’on désire tel être (mort), on désire un être particulier, limité ; c'est donc nécessairement un mortel, et on désire cet être-là, cet être qui... que... etc., bref, cet être qui est mort, tel jour, à telle heure. Et on l'a — mort.

Si on désire de l'argent, on désire une monnaie (institution), quelque chose qui ne peut être acquis que dans telle ou telle condition, donc on ne le désire que dans la mesure où... Or, dans cette mesure, on l'a.

La souffrance, le vide sont en de tels cas le mode d'existence des objets du désir. Qu'on écarte le voile d'irréalité et on verra qu'ils nous sont donnés ainsi.

Quand on le voit, on souffre encore, mais on est heureux.

Arriver à savoir exactement ce qu'a perdu l'avare à qui on a volé son trésor ; on apprendrait beaucoup.

Lauzun et la charge de capitaine de mousquetaires. Il aimait mieux être prisonnier et capitaine de mousquetaires que libre et non capitaine.
Ce sont des vêtements. « Ils eurent honte d'être nus. »

Perdre quelqu'un : on souffre que le mort, l'absent soit devenu de l'imaginaire, du faux. Mais le désir qu'on a de lui n'est pas imaginaire.
Descendre en soi-même, où réside le désir qui n'est pas imaginaire. Faim : on imagine des nourritures, mais la faim elle-même est réelle :se saisir de la faim. La présence du mort est imaginaire mais son absence est bien réelle; elle est désormais sa manière d'apparaître.

Il ne faut pas chercher le vide, car ce serait tenter Dieu que de compter sur le pain surnaturel pour le combler.
Il ne faut pas non plus le fuir. Le vide est la plénitude suprême, mais l'homme n'a pas le droit de le savoir. La preuve est que le Christ lui-même l'a ignoré complètement, un moment. Une partie de moi doit le savoir, mais les autres non, car si elles le savaient à leur basse manière, il n'y aurait plus de vide.

http://palimpsestes.fr/textes_philo/weil/pesanteur_et_grace.pdf
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 13:24

Texte à lire et à relire...

Mais avec lequel on peut aussi jouer, avec des moyens techniques dont l'auteur(e) ne disposait pas, telle la recherche automatique sur un fichier comme celui-ci: j'ai fait l'expérience avec "dehors", "dedans", "exter*", "intéri*", et en quelques secondes c'est instructif. Si le "dedans" est le plus souvent valorisé aux dépens du "dehors", le rapport s'inverse quand c'est du "dehors" que vient la "grâce", le "don", etc. Ce genre de jeu "transversal", inter- ou intra-textuel, ne remplace pas la lecture suivie mais l'enrichit.


Dernière édition par Narkissos le Ven 15 Sep 2023 - 17:34, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 15:28

MAURICE ZUNDEL ET L’ÉMERVEILLEMENT

Son séjour à Rome pour ses études va lui donner l’occasion de développer son goût pour l’art et la beauté : paysages, lumières, architecture, sculpture, peinture. Maurice Zundel nous fait la confidence d’une expérience forte qu’il fit à Florence devant la tombe des Médicis : « Et je sais parfaitement bien, je le revivrai jusqu’à la fin de mes jours comme une découverte unique, je sais très bien qu’en regardant les œuvres de Michel-Ange… en me laissant parfaitement faire par elles, je sais bien qu’à un moment donné j’étais pris. J’étais pris par quelqu’un. Je me perdais dans un je-ne-sais-quoi auquel je n’aurais pas pu donner un nom, ce n’était plus l’œuvre de Michel-Ange que je voyais, c’était à travers l’œuvre de Michel-Ange une présence. Cette présence dont, si vous voulez, Platon parle dans Le Banquet. Cette Beauté qui n’a plus de figure, qui n’a plus de visage, qui n’a plus de mains, qui n’a plus de nom, qui est l’horizon de toutes les œuvres d’art, qui est le désir de tous les poètes, qui est la joie de tous les musiciens, cette présence qu’il est impossible de nommer, qui nous envahit tout entier et que je sentais maintenant prendre possession de moi. » Et Zundel poursuit en essayant de décrire ce qui se passe en lui : « Et je me souviens avec une parfaite netteté que l’impression que j’ai eue ce matin-là était une impression d’une immense liberté, la liberté d’un homme qui prend des vacances de lui-même, qui ne se souvient plus qu’il est là, qui ne se voit plus, qui ne se regarde plus, qui ne s’écoute plus, qui est perdu, perdu dans cette présence qui l’aspire, qui l’appelle, qui le remplit, qui le comble et qui devient vraiment pour lui une respiration… Je sentais que j’étais pris dans un dialogue et que c’était ça la vie. Il y avait là quelqu’un qui m’envahissait tout entier, qui me libérait de moi-même, et qui, en même temps, me faisait entrer dans ma véritable intimité. »

https://fraternite-franciscaine.fr/wp-content/uploads/sites/16/2020/01/333-b7-p-mnf-maurice-zundel-et-lmerveillement-1.pdf
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023 - 16:17

Je crois bien que tu nous avais déjà apporté ce petit texte franciscain il y a quelque temps, mais je suis incapable de me rappeler où et/ou à quel propos...

Je remarque quand même que dans ces expressions religieuses le "dedans", fût-ce dans le double sens antithétique d'in-clusion réciproque (X = Dieu, le Christ ou l'Esprit EN moi et moi EN X -- structure paradoxale particulièrement soulignée dans les textes "johanniques" mais qui ne s'y limite pas, le corpus paulinien aussi oscille entre un "en X" et un "X en moi/nous/vous"), l'emporte sur le "dehors", autrement dit le moment de la clôture sur celui de l'ouverture, celui de l'entrée (dans un sens ou dans l'autre) sur celui de la sortie. Ce qui ouvre sans re(n)fermer, ce qui déclot sans se soucier de clore ou d'enclore ailleurs, qui délie sans re-lier, c'est plus rare. Je repense, au hasard, à ou aux "Isaïe", par exemple 32,20 ou 58,6.

Beaucoup d'images, de métaphores ou de paraboles du "salut" sont intérieures: refuge, citadelle, forteresse, arche, coffre, trésor, maison du père, palais du roi, temple du dieu, salle du banquet et/ou des noces, jardin ou paradis comme enclos, royaume comme territoire, opposés parfois aux "ténèbres du dehors". Mais le "salut", c'est aussi "échapper", "être délivré", s'évader ou fuir, être mis au large (p. ex. 2 Samuel 22,34 // Habacuc 3,19 // Psaumes 18,34.37; 25,15; 31,9; 40,3; 102,21; 105,20; 124,7; 144,7; 146,7; Cantiques 8,14). "Entrer et sortir" (Jean 10,9), ce serait décidément l'idéal...

Nous avons tendance à associer les idées de "finitude" ou d'"immanence", qui ont été particulièrement valorisées dans la pensée du XXe siècle, à celles de clôture ou de totalité -- comme un "dedans" sans "dehors", même si nous sommes incapables d'imaginer, donc de vraiment "penser" une telle chose; pas davantage son ou ses "contraires" d'ailleurs, ainsi un "infini" temporel ou spatial: c'est facile à dire et à écrire, à signifier ou à symboliser mathématiquement, mais non à (se) représenter et par conséquent à vraiment "concevoir". Un "fini ouvert", tel est le défi que tout réel, toute "chose" à la fois spatiale et temporelle, en relation avec d'autres, lance à la pensée et que celle-ci tente de relever comme elle peut (cf. l'"être fini" mais inépuisable de Heidegger, l'in-fini opposé à la totalité chez Levinas, les transcendances de l'immanence chez Deleuze, la différance et sa khôra chez Derrida, la déclosion de Nancy, etc.). Mais dans la rencontre, ou l'expérience, tous les concepts s'effondrent: rien n'est jamais fini, le passé a de l'avenir comme le présent a du passé, l'immanence se transcende toute seule dans tous les sens, le tout rien qu'à se nommer se dépasse, chaque limite se passe, rien ne tient dans la pure identité à soi ni dans l'opposition à quoi que ce soit. Tout ce qui respire a l'âge de l'air, écrivait Jabès; tout est moins et plus qu'il n'est, écrivait Celan. La pensée ne se relève, et ne relève son défi, qu'avec la poésie.

Je repense à tous les mots, symboles et métaphores, de "choses" qui sont surtout des "événements" et des "mouvements": "esprit" (souffle, vent, respiration), eau (vive, c.-à-d. courante), lumière, vie... toutes "choses" qui ne "sont" qu'en "passant", qui viennent ou arrivent d'ailleurs et qui vont plus loin, phénomènes qu'on ferait aussitôt disparaître à vouloir les enfermer, les isoler, les circonscrire pour les dé-finir. Qui déclosent ou dissolvent toute "identité" et où pourtant tout "soi" peut "se" retrouver, à condition de s'y retrouver "ouvert", de la fêlure à la brisure...
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 22 Sep 2023 - 13:49

L’EXPÉRIENCE DU BONHEUR
DANS LES RÊVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE

Le sentiment actuel de l’existence peut donc être éprouvé de deux manières différentes, au moyen d’une expansion hors de soi, d’une fusion cosmique avec l’extériorité, ou par un resserrement, une rétraction, une concentration en soi-même. C’est en ce sens que Michel Delon fait référence à « la tension chez Rousseau, solitaire et solidaire, entre l’élan communautaire et le repli sur soi ». Il y a en effet tension entre deux formes du bonheur, entre deux formes inverses de l’existence, entre la rétraction en soi et l’expansion hors de soi, ce qui révèle chez Rousseau la présence d’une certaine dualité. C’est pourquoi Georges Poulet déclarait : « Si un des traits essentiels de la pensée de Rousseau est un mouvement centrifuge, d’expansion au-dehors et vers l’avenir, il existe aussi chez lui, […] un mouvement inverse, centripète, orienté vers le dedans ».

Dans les deux textes précités, le rêveur revient à lui : il est alors dans un état de conscience transitoire. À chaque fois, Rousseau éprouve une sorte de naissance au monde, aussi déclare-t-il dans la Deuxième promenade : « Je naissais dans cet instant à la vie ». En cet « instant », il éprouve immédiatement un bonheur émanant de la saturation sensitive : « J’aperçus le ciel, quelques étoiles, et un peu de verdure. Cette première sensation fut un moment délicieux. Je ne me sentais encore que par là ». Dans la Cinquième promenade, il naît aussi en quelque sorte à la vie car, ayant oublié le monde à la suite d’une « longue et douce rêverie », ce sont ses sens qui le mettent en contact, là encore, avec l’extériorité. C’est au moment où « se trouvant ramené par degré à [lui]-même », vivant le réel comme une fiction, qu’il éprouve un bonheur conjoint de la saturation des sens et de l’existence fictive : 

En me voyant entouré de verdure, de fleurs, d’oiseaux, et laissant errer mes yeux au loin sur les romanesques rivages, [...] j’assimilais à mes fictions tous ces aimables objets.

 Les extases du solitaire sont donc amorcées par les élans d’une âme qui n’existe plus dans le réel, mais dans le monde fictif qu’elle s’invente. Il s’agit là d’un bonheur conjoint de la saturation sensitive et de la fiction, qui est relaté dans la seconde et la cinquième promenade, ce qui révèle à nouveau la nécessité de mettre ces deux textes en rapport pour faire surgir la cohérence de la conception du bonheur chez Rousseau. Le parallèle est d’autant plus flagrant qu’il affirme dans la Deuxième promenade être enivré du « délire de la rêverie », et être brusquement extrait d’un monde dans lequel il est plongé intégralement. Si dans les Confessions, il assure avoir été « retiré » de son exaltation par un événement, il affirmera dans la seconde promenade des Rêveries en « être tiré par l’événement » de Ménilmontant.

Le bonheur décrit dans la Deuxième promenade à l’occasion de la chute de Ménilmontant, expérience certes extrême, mais à ce titre précisément prototypique de l’extase dans l’extériorité, est à rapprocher de celui qui sera évoqué dans la Cinquième promenade, emblème de l’extase dans l’intériorité. Tous deux ont en commun de produire la jouissance du sentiment de l’existence actuelle, en lequel consiste le bonheur d’exister. Dans les deux cas, Rousseau jouit du présent, et perd en quelque sorte la mémoire : « Tout entier au moment présent je ne me souvenais de rien », déclarera-t-il dans la Deuxième promenade. Dans ces extases, le sentiment de plénitude envahit son âme, et le rêveur se donne « tout entier » au moment présent : le moi se fond intégralement dans l’intériorité ou dans l’extériorité d’un bloc. Cette manière de se remplir soi-même ou de remplir le monde correspond à ce qu’il nomme le sentiment de « plénitude ». En perdant conscience à Ménilmontant, Rousseau expérimente de manière extrême la « plénitude expansive » et occupe un « espace » extérieur, de la même manière qu’il s’installe dans l’espace du moi lorsqu’il décide de se concentrer en lui-même, en remplissant son âme du sentiment actuel de l’existence.

https://hal.science/hal-02610553/document
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeVen 22 Sep 2023 - 15:11

Je n'ai pas assez lu Rousseau...

Mais en lisant cette étude, avec grand plaisir, je me suis dit que ce qu'on appelle paresseusement "les Lumières" en français est décidément bien différent de l'Aufklärung allemande et de son antithèse dite "romantique" (Kant vs. Goethe, p. ex.): chez un Rousseau ça fait un tout, la "Raison" elle-même semble plus ouverte, elle est peut-être moins "pure" mais elle respire, elle se déborde vers une "nature" qui n'est pas pour autant son contraire (dé-raison, comme dirait Foucault), pas même vraiment son "autre" puisque aussi bien elle en provient.

C'est presque un lieu commun que de rattacher l'origine d'une pensée "originale" à un événement marquant, heureux ou malheureux, physique ou moral, spectaculaire ou discret, fortuit ou providentiel, qui aurait littéralement é-tonné, é-mu, fait sortir de lui-même le (futur) penseur -- Pascal aussi aurait eu son accident de la route, Luther son coup de foudre... Même si c'est un schéma archi-classique (biblique entre autres, des vocations de prophètes à la conversion de Saul/Paul) que la légende se charge de reproduire quand l'histoire ne le fournit pas, ça dit toujours une part de vérité: il faudrait un choc (trauma) pour sortir de certaines ornières, de ce qu'"on" ou "tout le monde" dit et pense -- quitte à retomber dans d'autres...

A toutes fins utiles, la notion d'"expansion" m'a rappelé ce billet, en passant par le souvenir du film qui l'avait motivé...
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeLun 25 Sep 2023 - 10:54

L'extase chez les prophètes d'Israël d'après les travaux de Hölscher et Gunkel 

Loin d'être un état d'âme simple, l'extase peut résulter de 4 causes très variées. Une joie délirante, une frayeur subite, le sentiment prolongé de la peur ou une violente colère peuvent aboutir à un état extatique. De manière générale, on distingue l'extase exaltée et l'extase apathique. Dans V extase exaltée le sujet est en proie à la plus violente des émotions ; l a perdu le contrôle de lui-même; il n'est plus maître ni de ses paroles ni de ses mouvements; il s'abandonne au gré de son excitation. A différentes reprises, nous rencontrons des scènes de ce genre dans les récits bibliques. Que ce soit Saül qui cède au délire des prophètes de Rama, jusqu'à se dévêtir, se jeter par terre et rester étendu tout le jour et toute la nuit, que ce soient les prêtres de Baal qui au Carmel exécutent leurs danses autour de l'autel, en se faisant des incisions avec des épées et des lances, que ce soit Elie qui, après la victoire, court devant le char d'Achab jusqu'à l'entrée de Jizréel dehors - Page 2 Icon_cool, chez eux tous l'extase se traduit par des mouvements brusques, irréfléchis, sur lesquels la volonté n'a pas de prise. Cependant ce ne sont pas les prophètes à l'état primitif seulement — ceux dont Arnos tenait à se différencier en répliquant au prêtre de Béthel: «Je ne suis ni prophète ni fils de prophète » — qui étaient sujets à une pareille agitation. Nous en retrouvons des traces chez Ezéchiel qui reçoit l'ordre de frapper de la main et du pied et qui sans doute exécute ces mouvements, tout en fulminant «contre les abominations de la maison d'Israël ». Et Jérémie de même a connu des bouleversements qui l'empêchent de dominer ses membres: «Mon cœur, s'écrie-t-il, est brisé au-dedans de moi, tous mes os tremblent; je suis comme un homme ivre, comme un homme pris de vin ».

Les manifestations de l'extase apathique sont différentes. Un événement inattendu, en face duquel le sujet éprouve une violente frayeur, peut amener une paralysie et réduire le corps à l'immobilité. A l'instant de saisissement succède un état d'indolence ou de relâchement qui parfois se prolonge. Nous observons ces faits, en particulier, chez Ezéchiel, Après avoir eu sa première vision et entendu l'appel qui le destinait à être le prophète des exilés, il resta — raconte-t-il — sept jours stupéfait au milieu de son entourage (III, 5). Ezéchiel décrit ces états de paralysie dans ces termes: «on mettra sur toi des cordes, avec lesquelles on te liera... j'attacherai ta langue à ton palais pour que tu sois muet » (III 25-26).

D'habitude l'état de paralysie se réduit à quelques instants; surpris par une vision, le visionnaire tombe à terre, mais se relève bientôt après. C'est encore Ezéchiel qui raconte: «A cette vue, je tombai sur ma face et j'entendis la voix de quelqu'un qui parlait. Il me dit: fils de l'homme, tiens-toi sur tes pieds, et je te parlerai. Dès qu'il m'eut adressé ces mots, l'esprit entra dans moi et me fit tenir sur mes pieds » (I, 28; II, 1-2).

A ces changements d'attitude, provoqués par l'extase, soit exaltée soit apathique, correspondent des modifications dans la conscience. Le sujet, en proie à une exaltation intense, concentre son attention sur une seule préoccupation; en dehors d'elle, il n'existe plus rien pour lui. Au moment où Jérusalem tout entière est en liesse, fêtant peut-être le départ des Assyriens en 701, Esaïe s'écrie: «Détournez de moi les regards, laissezt moi pleurer amèrement; n'insistez pas, pour me consoler du désastre de la fille de mon peuple, car c'est un jour de trouble, d'écrasement et de confusion » (XXII 4-5). En pleine fête une vision s'est emparée de lui, elle l'empêclie de se mêler à la foule, elle l'absorbe à tel point qu'il n'est accessible à aucun autre raisonnement. Est-il étonnant, dans ces conditions, que le discours prophétique présente une certaine mono¬ tonie et qu'il ne progresse que lentement? M D'autre part, l'attention se fixant sur un seul objet, les visions ont souvent des contours précis; rappelons la vision d'Esaïe au chapitre VI, ou bien celle de Jérémie où le prophète se voit lui-même offrir à toutes les nations la coupe de colère qu'il a reçue des mains de l'Eternel 2). Ce n'est pas un rêve aux formes flottantes et incohérentes qui passe sous nos yeux, mais une scène vivante et qui donne l'illusion d'avoir été vécue.

L'exaltation dans l'extase est parfois si intense que le sujet est non pas seulement indifférent à l'égard de ce qui se passe autour de lui, mais insensible à la douleur. Nous avons rappelé tout à l'heure la scène du Carmel dehors - Page 2 Icon_cool. Le premier livre des Rois relate encore la rencontre entre Achab et le prophète qui porte une blessure au front. C'est dans l'exaltation, sans doute, que le prophète demande à un passant de le frapper; il se trouve, probablement, dans un état d'insensibilité.

Dans l'extase, de façon générale, le sujet croit entrer en contact avec la divinité. Sa propre personnalité se dissout, elle est — dirait-on — comme absorbée par la personnalité divine. Dans les cultes phrygiens l'extase est cultivée, parce que cette prise de possession de l'individu par la divinité est considérée comme le comble de la félicité. Cet hédonisme est étranger au prophète hébreu. Mais il admet — et c'est une conviction inébranlable — que Dieu, pour communiquer ses volontés à son peuple, use de la bouche du prophète. C'est dans l'extase que Dieu et le prophète se rencontrent, que le prophète croit pénétrer les desseins de Dieu et assister lui-même au conseil de l'Eternel. Les prophètes ne parlent pas seulement au nom de Yahvé, c'est Yahvé qui parle par eux. Ils font fréquemment allusion au contact qui s'établit entre Yahvé et eux-mêmes. Us comparent la sensation qu'ils éprouvent à la pression d'une main qui s'abat sur eux; ils sont prisonniers du dieu qui les saisit. Esaïe et Ezéchiel emploient cette image de la main qui s'empare d'eux. La main qui s'abat, c'est la commotion qui précède ou accompagne la vision. La prédominance de l'élément divin dans la conscience du prophète est telle que sa personnalité s'efface. Ezéchiel est censé manger un rouleau qui contient les déclarations divines, il s'entend adresser ces mots: «fils de l'homme, va vers la maison d'Israël et dis leur mes paroles . Jérémie déclare : «je suis plein de la terreur de l'Eternel, je ne peux la contenir » (v'I. 11).

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1922_num_2_4_2383
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeLun 25 Sep 2023 - 11:40

Merci pour cette curiosité historique (étude de 1922 sur deux ouvrages, de 1914 et 1915), qui montre par contraste à quel point les "sciences bibliques" ont, depuis, déserté la "psychologie" -- du moins telle qu'on l'entendait il y a un siècle; car sous forme de psychanalyse, spécialement lacanienne, elle a fait un certain retour, notamment en France, depuis les années 1970...

En ce qui concerne notre "sujet" (topic), il est clair que l'auteur parle d'"extase" dans un sens à peu près équivalent à celui de "transe" (qu'il n'emploie pas), sans se soucier de la "topique" qui nous intéresse (?), dedans/dehors, intérieur/extérieur: son "extase", contrairement à l'étymologie (ek-stasis, cf. post initial) est aussi bien "intérieure", ce qui est formellement une contradiction ou un oxymore (comme dans le "for intérieur") mais n'en est pas moins significatif: il y a du dehors dedans et du dedans dehors, et jamais l'un sans l'autre, comme nous le remarquons depuis le début (ça me rappelle soudain la figuration classique du yin et du yang taoïstes).

Quant à son "sujet" à lui, le "prophétisme", Horst ne tient à mon avis pas assez compte des différences entre les "Premiers Prophètes" (Josué-Rois: Samuel, Elie-Elisée, etc.) et les "Derniers" (Isaïe etc.), ou entre les prophètes racontés et les prophètes-écrivains et/ou poètes qui s'entremêlent souvent dans les mêmes livres; encore que la continuité du mot (nabi') ne soit pas un hasard et marque (mais de façon beaucoup plus subtile et complexe à mon sens) une certaine parenté entre des figures, des activités et des textes si divers. Il peut rester dans l'acte d'écriture (ex-criture) le plus élaboré, le plus calculé, le plus "technique", le plus "froid" en apparence, quelque chose de l'ouverture fondamentale, et souvent violente, de l'in-spiré: irruption / éruption initiale ou originaire, si formée, transformée, déformée, formatée, canalisée, domestiquée, répliquée, imitée, contrefaite qu'elle soit par la suite...

---

P.S.: je suis tombé un peu plus tard sur ce passage de Bernardo Soares, un des "hétéronymes" de Pessoa, dans une anthologie trouvée par hasard, opposant la "réalité" et la "vie" dans un sens inhabituel:

Citation :
... Sim, a vida a que eu também pertenço, e que também me pertence a mim; nâo já a Realidade, que é só de Deus, ou de si mesma, que não contém mistério nem verdade, que, pois que é real ou o finge ser, algures existe fixa, livre de ser temporal ou eterna, imagem absoluta, ideia de uma alma que fosse exterior.

Soit, à peu près: "Oui, la vie à laquelle j'appartiens, et qui m'appartient aussi; non plus la Réalité, qui n'est qu'à Dieu, ou à elle-même, qui ne contient ni mystère ni vérité, qui, dès lors qu'elle est réelle ou feint de l'être, existe peut-être fixe, libre d'être temporelle ou éternelle, image absolue, idée d'une âme qui serait extérieure."

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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Sep 2023 - 14:33

Dans le livre « Les confessions de saint Augustin » , au Livre X, l’auteur met des mots sublimes sur une expérience et une prise de conscience merveilleuses qu’il a recherchée et vécue.
Tout d’abord des extraits en prologue.

Tu nous a créé pour toi, et notre cœur est sans repos (ou inquiet, sans quiétude) jusqu’à ce qu’il repose en toi. (Livre I.I)
Augustin ici parle du véritable repos du cœur. Il parle par expérience, son cœur n’a pas de repos.
Tu étais au-dedans de moi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même (Livre III.VI.)
…je marchais dans une voie ténébreuse et glissante, je te cherchais en dehors de moi et je ne trouvais pas le dieu de mon cœur…j’étais sans confiance et je désespérais de découvrir la vérité. (Livre VI.I)

Augustin se remémore sa vie, l’objet de sa quête était dans ses profondeurs, au-dedans de lui mais lui cherchais au dehors (des maîtres, des pratiques…). Sa recherche constante n’apaisait pas sa soif et il désespérait d’aboutir dans sa quête et de découvrir enfin la vérité.

Averti par ces livres de revenir à moi-même, j’entrai dans l’intimité de mon être sous ta conduite : je l’ai pu parce que tu t’es fait mon soutien. J’entrais et je vis avec l’œil de mon âme…  (Livre VII.X)
Augustin témoigne que la lecture de certains livres a réorienté sa recherche et qu’il a entamé un « voyage intérieur »
Et maintenant le livre X qui, en quelques phrases, nous révèle ce qu’il a saisi (et aussi ce qui l’a saisi)
Livre X
Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi…
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.
Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même
nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur
et vivante sera ma vie toute pleine de toi.
Mais maintenant, puisque tu allèges celui que tu remplis,
n’étant pas rempli de toi je suis un poids pour moi.
Quelques « pépites » sorties de ce texte
Bien tard je t’ai aimé
C’est un autre regard sur le temps, quand on découvre l’intériorité, souvent il nous semble que c’est bien tard, nous aurions préféré plus tôt mais il fallait pour certains perdre nos illusions sur l’extériorité.
Beauté si ancienne et si nouvelle.
Si ancienne parce que là depuis toujours !
Si nouvelle parce que nouvelle pour celui qui la découvre. 
Tu étais en dedans et moi au dehors.
Ce qu’il cherchait était déjà là, au-dedans de lui ; et lui était au-dehors. Quelle image, en peu de mots, une description de quelqu’un qui vit en dehors de lui-même, de quelqu’un qui ne tourne pas autour du bon axe et, enfin, de quelqu’un qui  « subit » et interagit avec l’extériorité.
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi.
Un autre constat. Tu étais déjà avec moi, c’est moi qui n’étais pas avec toi. Être « avec » ne dépendait que d’Augustin, comme ça ne dépend que de nous.  Là encore, il a manqué encore la cible.
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.
Même s’il reconnait que, par le biais de lectures, sa quête a été réorientée, il reconnait aussi que l’acte initial n’est pas de lui, il a été attiré.  Ses sens intérieurs ont été stimulés et sont sortis de leur torpeur. Il reconnait qu’avant il était sourd et aveugle intérieurement (ce qui n’empêche pas de pressentir des choses).
Il témoigne aussi qu’Il a pu sentir et goûter, sa faim et sa soif ont été aiguisé, Son être intérieur étant touché il s’est embrasé.
Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même
Avec beaucoup d’humilité, il reconnait qu’il n’est qu’au début d’un chemin. Il est déterminé à amener, tous les bouts de lui-même à adhérer à ce qu’il a découvert.
Nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur
Il peut se projeter, ça ne peut signifier qu’il n’y aura plus de souffrance ni de chose à faire, mais ces choses auront perdus leur « puissance »  à nuire.
Et vivante sera ma vie toute pleine de toi.
Vivante sera ma vie ! Quelle conscience d’avoir une vie non vivante ! et quelle espérance de s’élancer vers une vie vivante et remplie !
Mais maintenant, puisque tu allèges celui que tu remplis
Encore un paradoxe, tu allèges celui que tu remplis, plus nous sommes remplis, plus nous sommes sommes légers.
N’étant pas rempli de toi je suis un poids pour moi.
Encore un bilan honnête, Pourquoi est-ce pesant ? Parce que « pas remplis ».
Qui est le poids ? personne d’autre que soi-même.
Ça ne tient qu’à nous !

https://paddyfontaine.fr/tu-etais-au-dedans-et-moi-au-dehors
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Sep 2023 - 15:17

Saint Augustin, dans les textes cités ici, semble choisir résolument le dedans contre le dehors, l'intériorité contre l'extériorité. Mais l'opposition même trouve sa limite, non seulement parce qu'il n'y aurait pas de dedans sans dehors, mais parce que quiconque choisit de nommer un "principe universel" (Dieu, l'Être, l'Un, le Tout, le Logos, etc.) se trouve aussitôt confronté à la question de son "autre", de son "contraire" ou de sa "négation" sans quoi ledit "principe universel" n'aurait aucun sens, en tant que principe, ne nommerait même rien en tant que nom; et avec quoi il ne serait pas non plus universel, puisqu'il cesserait ipso facto d'être tout. Aporie dont Augustin est tout à fait conscient et qu'il exprime ailleurs, dans les mêmes Confessions, par exemple V, ii:

Augustin a écrit:
Où vont, où fuient loin de vous ces hommes sans repos et sans équité? Vous les voyez; votre regard perce leurs ténèbres; laideur obscure qui fait ressortir la beauté de l’ensemble. Quel mal ont-ils pu vous faire? Quelle atteinte porter à votre empire qui demeure dans sa justice et son inviolabilité du plus haut des cieux au plus profond des abîmes? Où ont-ils fui, en fuyant votre face? Où pouvaient-ils vous échapper? Ils ont fui, pour ne pas voir Celui qui les voit; pour ne vous rencontrer qu’étant aveugles. Mais « vous n’abandonnez rien de ce que vous avez fait (Sag. XI, 25) ». Les injustes vous ont rencontré, pour leur juste supplice; ils se sont dérobés à votre douceur, pour trouver votre rectitude et tomber dans votre âpreté. Ils ignorent que vous êtes partout, vous, que le lieu ne comprend pas, et que seul vous êtes présent même à ceux qui vous fuient.

Qu’ils se retournent donc et qu’ils vous cherchent; car pour être abandonné de ses créatures, le Créateur ne les abandonne pas. Qu’ils se retournent, et qu’ils vous cherchent! Mais vous êtes dans leur coeur; dans le coeur de ceux qui vous confessent, qui ‘se jettent dans vos bras, qui pleurent dans votre sein au retour de leurs pénibles voies. Père tendre, vous essuyez leurs larmes, et ils pleurent encore, et ils trouvent leur joie dans ces pleurs; car, ce n’est pas un homme de chair et de sang, mais vous-même, Seigneur, qui les consolez, vous, leur Créateur, qui les créez une seconde fois! Et où étais-je, quand je vous cherchais? Et vous étiez devant moi; mais absent de moi-même, et ne me trouvant pas, que j’étais loin de vous trouver!

Autrement dit, le "péché originel" comme cause d'altérité et d'extériorité impossibles est tout aussi essentiel à la pensée de saint Augustin que "Dieu", le "Bien" ou l'"Un" lui-même: c'est à partir de celui-là que celui-ci peut être nommé et avoir un sens; et dans cette fonction ledit "péché" est parfaitement indiscernable de la "création" et de toute "différenciation", fût-ce en "Dieu" lui-même (p. ex. sous la forme trinitaire). Le dualisme (manichéen dans le cas d'Augustin) n'est "surmonté" qu'en apparence, sous sa forme la plus caricaturale, il n'est peut-être pas surmontable en profondeur...

Il m'est arrivé de penser que le premier chapitre de la Genèse, qu'on lit habituellement comme le récit solennel d'une création voulue et maîtrisée du début à la fin par un Dieu tout-puissant (on sait l'importance de la "volonté" chez saint Augustin), pourrait aussi bien être lu sur un mode comique, d'un dieu à qui dès le "commencement", dès le premier mot prononcé et son effet d'"être" inattendu, tout échapperait (dans la lecture habituelle, c'est seulement dans le second récit que les choses échappent à Yahvé-dieu); contraint ensuite de réagir à ce qui se produit en nommant, en séparant, en jugeant, en comblant les "manques" ou en remplissant les vides, finalement en bénissant, avant de trouver enfin le repos en lâchant l'affaire... Ce serait une autre vision du "dehors".
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitimeDim 1 Oct 2023 - 18:35

Belle discussion rafraichissante qui nous donne encore plus l'envie de lire voire de relire son/ses textes. Merci pour cet encouragement.
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MessageSujet: Re: dehors   dehors - Page 2 Icon_minitime

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