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 soul-sitting

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Sherlock
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Narkissos
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Narkissos

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MessageSujet: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime06.01.10 22:16

Ô Yhwh, mon coeur ne s'exalte pas,
mes yeux ne s'élèvent pas;
je ne vais pas vers des choses trop grandes
et trop merveilleuses pour moi.
Au contraire, j'ai apaisé et calmé mon âme,
comme un enfant sevré sur sa mère;
mon âme est sur moi comme un enfant sevré.


Ce psaume (131) m'a toujours semblé un objet insolite dans l'Ancien Testament. A telle enseigne que je me suis longtemps demandé si son sens apparent n'était pas dû à un texte obscur et à une traduction trop imaginative, comme cela arrive souvent; il ne semble pas que ce soit le cas.
Par un côté il me rappelle l'oracle à Baruch que j'ai évoqué précédemment dans cette rubrique ("Dieu solidaire"), en particulier à cause de l'expression "chercher de grandes choses".
C'est surtout son attitude religieuse qui me paraît assez exceptionnelle (non pas unique; le psaume 139 est assez proche quant au fond; une certaine lecture de la conclusion de Job aussi).
J'y vois notamment l'idée que l'expérience de l'incompréhension puisse nous conduire, plutôt qu'à des affirmations obstinées ou à des négations rageuses, à un travail sur nous-mêmes; l'insatisfaction, la frustration, le manque, les questions sans réponses, à un apaisement et à une croissance.
Je trouve que c'est un contrepoint intéressant à beaucoup de nos discussions.
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime07.01.10 9:58

Merci Didier de nous avoir fait découvrir ce psaume.

Aprés avoir connu et vécu dans la "Vérité"; les épreuves et les experiences de la vie m'ont appris (j'ai encore beaucoup de travail à faire) l'humilité, la modération, à ne plus être dans une revendication excessive (de recherche de la vérité ou de reveler la fausseté de la WT par exemple), j'ai sevré mon âme de ces recherches.
Je m'efforce de ne plus être comme le nourrisson que décrit ce psaume, qui réclame avec avidité de sa mère qu'elle l'allaite.
Sevré, je ne désire plus rien (et tout à la fois), j'apprends à m'apprivoiser, à gagné en sérénité et en paix.
N'est ce pas le travail de toute une vie !
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Sherlock

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime07.01.10 9:59

A mettre en correspondance avec le Siracide chapitre 6 ?

2. Ne t'exalte pas dans l'excès de ta passion, de peur que ta force ne soit déchirée comme un taureau ,
3. que tu ne dévores ton feuillage et que tu ne perdes tes fruits, que tu ne te retrouves comme du bois sec.
4. Une âme passionnée est la perte d'un homme, elle fait de lui la risée de ses ennemis.
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Patoune

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime11.03.11 20:43

Le doute est relié à du négatif, à de la négation mais on peut inverser la tendance, à garder l'espoir dans le doute, comme le verre à moitié vide et celui qui est à moitié plein.

Dans ce psaume, le calme, la sérénité, le contentement et l'apaisement est lié à YHWH.
Un autre texte peut peut-être y ressembler est celui de Michée 6:8 avec l'idée de marcher modestement avec son Dieu.

Bonne soirée à vous.
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Anagnoste

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime12.03.11 18:01

Chère Patoune,

j'aime beaucoup ton verre à moitié vide et à moitié plein.

j'aime beaucoup Michée 6,8 : "il t'as fait connaître, ô humain, ce qui est bon ; et qu'est-ce que le Seigneur réclame de toi, si ce n'est que tu agisses selon l'équité, que tu aimes la fidélité, et que tu marches modestement avec ton Dieu ?" (selon la Nouvelle Bible Segond).

C'est sans doute ce genre de versets que le Coran (3,7) appelle un verset "clair"; de ces versets clairs dont l'ensemble constitue "la Mère de tout le Livre".

L'équité, on en trouve le chemin en écoutant son coeur. La fidélité, elle peut coûter : il y a l'usure, l'habitude, qui peuvent éroder l'amour.

Pour revenir au psaume, je crois aussi que le calme, etc., sont liés à YHWH. Ils sont liés à l'observance de sa volonté. Le pape Jean XXIII disait : "il la sua volontate e nostre pace" (c'est dans sa volonté qu'est notre paix).

Bonne fin de semaine.
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VANVDA




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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime12.03.11 20:03

Ce Psaume est vraiment très beau, en effet.

"Je suis avec moi-même comme un enfant sevré": cela m'évoque ces moments de bonheur, de vrai bonheur très fugace, où l'on parvient, enfin!, à ne penser à RIEN. Quand je me laisse doucement submerger et engourdir par le bruit de la pluie, quand je me laisse hypnotiser par les milliers de lignes que dessinent l'écume des vagues de la mer, et qui ne signifient rien.
Enfin, dans ces moments là on se vide de soi, on est parfaitement vivant parce qu'on ne ressent plus le besoin de (se) penser.

Et d'ailleurs, dès qu'on reprend conscience de ce doux plaisir qu'il y a à oublier de penser, dès qu'on commence à se dire "qu'est-ce que je suis bien, là"... c'est qu'on a commencer à repenser: et c'est foutu!

C'est comme ça que j'imagine l'enfant sevré: il a encore la capacité de vraiment vivre sans penser qu'il vit. C'est d'ailleurs aussi comme ça que je lis le second récit de la Genèse (je crois l'avoir évoqué déjà): depuis qu'il "sait", depuis qu'il a la "connaissance", l'homme a perdu définitivement ce privilège de sa toute première enfance, celui d'être nu, de vivre et de ne pas penser!

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime01.03.21 11:33

Psaumes 131TM et 130LXX - La valeur d'une image : l'âme "enfant sevré‪"‬

Le Ps 131TM ne comporte que trois versets, dont le second énonce, à deux reprises, la comparaison, unique, de l'âme avec un enfant sevré. Si cette comparaison met en relief la qualité de paix, elle évoque, dans la version de la Septante (Ps 130LXX), une agitation incontrôlée, et représente un châtiment. Nous postulons qu'il n'y a pas contradiction entre 131TM et 130LXX, mais révélation des deux aspects complémentaires d'une vérité insaisissable autrement : la nécessité de la prise en charge, par chaque vivant, de la part invisible de lui même, son âme. L'enfant sevré rend perceptible les deux aspects de ce phénomène à partir de la chair. Nous découvrirons la vérité diffuse de cette image dans les textes bibliques et évangéliques, Jésus lui-même rendant visible l'âme, immatérielle, par l'opposition des figures corporelles de Lazare et du mauvais riche, morts (Lc 16, 19-25). Ainsi la comparaison du poète hébreu a fécondé l'imaginaire du poète juif hellénophone ; les liens fondés sur la famille en révèlent les ramifications bibliques, et l'irradient du monde des vivants à celui des morts ; l'art figuratif chrétien en développe l'ambivalence de manière incomparable, en proclamant que la filiation enracine le salut dans l'humilité de l'incarnation.

Lien.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime01.03.21 12:51

Belle prise !

Dommage seulement qu'il manque trop de pages pour suivre le raisonnement exégétique de l'auteur(e), car sur un point au moins je comprends la relation TM/LXX à l'opposé.

Pour mémoire, nous venons d'ici (27.2.2021) où j'avais écrit ceci:
Citation :
Comme en français on passe naturellement du (dé-)poser au re-poser dans tous les sens du terme, jusque dans le jeu de leurs op-positions (p. ex. laisser une question, un problème, se reposer pour la/le re-poser autrement), je repense au Psaume 131, et au non moins polysémique registre de l'"abandon" (abandonner, être abandonné, s'abandonner, en bonne ou en mauvaise part, comme on s'adonne à un vice ou comme on renonce à une résistance, là encore bonne ou mauvaise, de la résignation à la résilience en passant ou non par la consolation) -- "abandon" qui vient de la "bande", comme "débandade", et non du "don". Par curiosité je regarde la Septante du v. 2 (130): "... si je n'ai pas (la formule de serment hébraïque, où la négation hypothétique renforce l'affirmation, n'est peut-être plus comprise par le traducteur) humilié mais élevé ma psukhè, comme l'enfant sevré sur/contre sa mère, comme une rétribution-contrepartie (contre-don ant-apo-dôsis) sur/contre ma psukhè)."

La question principale porte sur les deux premiers mots du v. 2, en hébreu 'im-lô', en grec ei mè, en français "si()non". En hébreu, c'est une forme d'affirmation paradoxale assez courante, qui s'explique généralement par l'ellipse d'une formule de serment ou d'auto-malédiction conditionnelle: (malheur à moi, que je sois maudit) SI je N'ai PAS fait ceci ou cela, ce qui revient à dire: oui, je l'ai fait, bien sûr que je l'ai fait. (Cf. "la vérité si je mens", double ellipse de: c'est la vérité, malheur à moi, que je sois maudit si je mens.) Naturellement, plus la tournure est courante dans un milieu donné et moins l'ellipse et le sous-entendu y sont sensibles, autrement dit moins on pense concrètement à un serment ou à une malédiction conditionnelle quand on dit ça: la locution ne remplit plus qu'une fonction de renforcement (= vraiment, assurément), en dépit de sa forme hypothético-négative (sinon) qui lui donne l'allure d'une antiphrase (cf. p. ex. en français l'évolution de "marrir" à "se marrer" via "marrant"). Elle a plus de chances d'être comprise de travers (c.-à-d. à la lettre, comme signifiant effectivement "sinon") par un étranger (à la langue ou au milieu). Ou bien le traducteur de la Septante est déjà dans ce cas quand il traduit littéralement ei mè, quitte à produire une phrase obscure à ses propres yeux, ou bien il faut supposer dans la communauté judéo-hellénistique d'Alexandrie un usage du ei mè calqué sur l'usage hébreu de 'im-lô' (hébraïsme), qui sera aussi compris comme affirmation (mais non plus forcément comme ellipse de quoi que ce soit). Dans tous les cas le texte sera obscur pour la "deuxième génération" de lecteurs-auditeurs, grecs ou hellénophones qui comprendront ei mè comme "sinon", en ne pensant ni à un serment ni à une affirmation... A moins qu'il ne prenne un autre sens, d'hypothèse négative réelle, opposé à celui de l'hébreu, entraînant une autre malédiction conditionnelle: SI je N'ai PAS humilié, mais élevé mon âme, (SI ELLE EST / ALORS QU'ELLE SOIT) comme un enfant sevré sur/contre sa mère, (ALORS QU'ELLE SOIT) comme une rétribution sur/contre mon âme" -- mais c'est loin d'être clair, d'autant qu'on hésiterait à ranger la quasi-proposition intermédiaire ("comme un enfant sevré sur/contre sa mère") du côté de la protase-condition (SI) ou de l'apodose-conséquence (ALORS). Il faut préciser de surcroît que la LXX choisit de traduire le même gml-gamoul de deux façons différentes, comme "enfant sevré", apo-gegalaktismenon, littéralement "dé(sal)laité" et ant-apo-dôsis, "contre-don" ou "rétribution" (ce qui correspond bien à la polysémie-homonymie de gml; il suffit de penser à la vieille notion de "satisfaction", pour un "besoin" comme pour une "offense", pour faire mentalement le pont entre les deux).

(Même une image de "simplicité" peut générer des problèmes "techniques" extrêmement complexes, mais il ne faudrait pas que ceux-ci occultent celle-là.)
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime01.03.21 17:43

Merci Narkissospour cette explication technique mais passionnante, sans doute par la façon de la présenter.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime01.03.21 20:21

Merci à toi de me rassurer... Smile

Au-delà de l'exégèse précise des textes massorétique et septuagintique, qui reste délicate, ou de la reconstitution conjecturale d'un texte hébreu "original", qui le serait encore davantage, le détour par le grec a le mérite de faire ressortir l'ambivalence foncière de l'image de l'enfant sevré, satisfait-insatisfait, qui dans un sens a eu son content de lait, a mené à terme cette étape de sa vie et se trouve "mûr" pour passer à autre chose, mais dans un autre sens peut éprouver cela même comme une frustration et une punition de son désir, justes et nécessaires néanmoins (tout ce qu'on peut entendre avec la racine gml, qui par son côté "rétributif" au moins n'est pas très loin de la nemesis grecque, celle qui de tout excès ou défaut rétablit la mesure).
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime02.03.21 10:16

L'esprit d'enfance : le Psaume 131 (130)

Seul poème, dans le livre des Psaumes, attribué à une femme. Il comporte en effet le verset « comme un petit enfant contre sa mère ». Cette image viendrait plus facilement sous la plume d'une femme qui a fait l'expérience de la maternité ou qui s'est occupé d'êtres humains dans la petite enfance. Toutes les personnes de la terre ont ressenti un jour le bien-être de l'enfant encore bébé et qui a reposé contre sa mère. Le poupon jouit alors d'un calme et d'une tranquilité qu'il ne retrouvera probablement jamais plus.

Lisons le Psaume dans toute sa longueur (il est parmi les plus brefs de tout le livre):

Yahvé, je n'ai pas le coeur fier, ni le regard hautain.Je n'ai pas pris un chemin de grandeurs ni de prodiges qui me dépassent.Non, je tiens mon âme en paix et silence;comme un petit enfant contre sa mère,comme un petit enfant, telle est mon âme en moi.Mets ton espoir, Israël, en Yahvé,dès maintenant et à jamais !

     Le titre proposé par la Bible de Jérusalem, « L'esprit d'enfance », place le Psaume à l'origine d'un grand courant de la spiritualité chrétienne. Il recèle une valorisation de l'enfant telle que Jésus l'a faite dans les évangiles. À l'époque, l'être humain, tant qu'il n'avait pas atteint l'âge d'agent productif, le service de la maison ou le travail aux champs, n'était pas digne d'intérêt. Jésus a changé cela en disant: « Si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » (Mt 18,3) Il y a là une invitation à reconnaître que Dieu agit envers nous à la façon d'un père qui a la tendresse d'une mère.

     Thérèse de l'Enfant Jésus en a fait l'expérience, elle qui est connue pour avoir emprunté la Petite Voie : « Rester petit, c'est reconnaître son néant, attendre tout du Bon Dieu, ne pas trop s'affliger de ses fautes, ne point gagner de fortune, ne s'inquiéter de rien,... vouloir ne pas se suffire à soi-même,... se sentir incapable de gagner sa vie, la Vie éternelle... » Le psaume a de l'actualité chez les couples qui ne veulent pas d'enfant. Les époux manquent alors de confiance en l'avenir qui appartient à Dieu. L'élaboration de grands projets du lendemain qui sont exagérés et chimériques ne rend pas heureux. La confiance en Dieu, si! http://www.interbible.org/interBible/cithare/psaumes/2004/psa_040109.htm
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Narkissos

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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime02.03.21 10:38

La Bible de Jérusalem (si c'est bien elle qui est citée) escamote complètement la notion de sevrage et les autres sens de gml (l'hébreu ne manque pourtant pas de mots bien plus courants pour enfant, nourrisson, etc.): c'est d'autant plus étonnant dans une tradition catholique qui a conservé, pour les Psaumes, la double traduction latine (Vulgate de saint Jérôme d'après l'hebraica veritas, Vetus latina d'après la Septante): si non proposui et silere feci animam meam sicut ablactatus ad matrem suam ita ablactata ad me anima mea / si non humiliter sentiebam sed exaltavi animam meam sicut ablactatum super matrem suam ita retributio in anima mea). En tout cas elle ouvre ici la porte à tout ce qu'un commentaire catholique contemporain peut déverser de niaiserie en matière d'enfance et de maternité, du (pseudo-)féminisme de circonstance à la vieille propagande nataliste...

Sur l'enfance-en-général, voir plutôt ici.

---

Qu'on la tranche ou non et le cas échéant dans n'importe quel sens, l'hésitation du texte et de la lecture finit par s'annuler au point où tout s'annule, au sens indifférent du nul et de l'anneau: tout excès de lui-même se reconduit à la mesure, la recherche de "grandes choses" à la simplicité de l'"âme" (cf. encore Jérémie 45), le débat (aussi au sens de se débattre), la contradiction, la protestation, la revendication, la fureur ou la rage du désir frustré à l'apaisement et à l'abandon, là encore en plus d'un sens. Dans la météorologie de l'âme, la tempête annonce aussi le calme.
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime14.05.22 10:43

En relisant ce psaume et ce fil (ancien mais pas très long, commencé en 2010, repris l'année dernière) je remarque que nous y avons à peine évoqué le silence, dont nous avons en revanche abondamment parlé (!) entre-temps, par exemple ici et . Cela tient à la traduction que j'avais initialement proposée des deux verbes du v. 2a, "apaiser" et "calmer" pour šwh et dmm; mais cette dernière racine est bien la même qu'on a traduite ailleurs par "(faire) silence" (etc.; voir le premier des deux liens que je viens d'indiquer; l'ambiguïté est à peu près celle qu'on retrouve en anglais avec des mots comme quiet ou still, qui peuvent dénoter, dans un sens phonique ou acoustique, un silence absolu ou relatif -- moins fort, moins de bruit, piano, pianissimo -- ou plus généralement le calme, la tranquillité, la paix, etc., même sonores; cf. la Vulgate d'après l'hébreu, si non proposui et silere feci animam meam..., supra 1-2.3.2021).

Dans le même ordre d'idées, le premier verbe (šwh) s'entend habituellement à partir du sens "concret" de "niveler, égaliser, aplanir", etc., ce qui contraste bien avec l'"élévation" ou l'"exaltation" évoquée, ou plutôt déniée, au verset précédent; en dérive aussi un usage "abstrait", "comparer" ou "assimiler" (c.-à-d. rendre ou déclarer x pareil ou semblable à x' ou y). S'agissant d'"âme" (npš-nephesh / psukhè / anima), on peut penser au joli mot désuet d'équanimité, égalité d'âme, mais encore à l'indifférence triviale d'un "ça m'est égal"... Ce verbe a cependant au moins un homonyme (šwh II chez HAL ou BDB) avec le sens apparemment distinct de poser, placer, établir, installer, etc. (comme sy/wm ou šy/wt, d'où sans doute la Vulgate proposuit > pro-ponere, où le propos confine au repos, pose et pause); d'autre part il reste phonétiquement et graphiquement proche de šw' qui rassemble un immense lexique du néant ou quasi-néant, nul ou quasi-nul, rien ou presque rien, mais aussi de l'anéantissement, annihilation, destruction, ravage, catastrophe, etc., oscillant ainsi entre le futile, l'insignifiant et le terrible (du "shewa'", voyelle quasi muette bien connue des hébraïsants, au "chouïa" arabe ou à la "Shoah").

Derrière la douceur apparente de la "paix" et/ou du "silence" en tout genre, il y a toujours une certaine violence -- faire silence, imposer le silence, fût-ce à son âme ou à soi-même -- ce qui convient aussi bien à l'image du sevrage qu'à celle du règlement d'un litige, "satisfaction" ou "pacification": les deux sont associé(e)s dans les usages de la racine gml, comme on l'a vu plus haut; on observerait d'ailleurs quelque chose d'assez semblable avec une autre racine plus connue, šlm < shalom, salam etc., qui autant que la "paix", santé, prospérité, et ainsi de suite, dit les "règlements" (de comptes) préalables: "rétribution" qui comble un manque, répare un dommage ou paie une dette, retour d'une injustice à une justice, d'un déséquilibre à un équilibre, d'une démesure à une mesure, comme la dikè ou la nemesis grecques. Curieusement (ou pas), on appelle pacifier (prononcer pacifaïeur) en anglais la sucette ou tétine (en plastique, caoutchouc, etc.) des nourrissons, celle qui les fait taire entre deux tétées ou biberons; avec la même ambivalence que son doublon peacemaker, qui suggère autant l'"artisan de paix" du Sermon sur la montagne que l'euphémisme militaire de sinistre mémoire et toujours d'actualité, le "pacificateur" qui fait la guerre pour faire la paix (faut pacifier, faut pas s'y fier, comme dirait l'autre...), rôle que Yahvé endosse volontiers dans l'AT (p. ex. psaume 46).
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime17.05.22 10:49

Citation :
Curieusement (ou pas), on appelle pacifier (prononcer pacifaïeur) en anglais la sucette ou tétine (en plastique, caoutchouc, etc.) des nourrissons, celle qui les fait taire entre deux tétées ou biberons; avec la même ambivalence que son doublon peacemaker, qui suggère autant l'"artisan de paix" du Sermon sur la montagne que l'euphémisme militaire de sinistre mémoire et toujours d'actualité, le "pacificateur" qui fait la guerre pour faire la paix (faut pacifier, faut pas s'y fier, comme dirait l'autre...), rôle que Yahvé endosse volontiers dans l'AT (p. ex. psaume 46).

Merci Narkissos pour cette belle découverte, effectivement la "paix" est précédée par la "dévastation" :

"Venez, regardez les œuvres du SEIGNEUR, la dévastation qu'il a semée sur la terre ! Il fait cesser les guerres jusqu'aux extrémités de la terre ; il brise l'arc, il rompt la lance, il met le feu aux chars" (Ps 46,9-10).

Le Ps 131 avec son idée de ne pas s'engager  "dans des questions trop grandes et trop difficiles pour moi", me fait penser à la non-pensée :

Hishiryō (非思量?) est un terme utilisé dans le bouddhisme zen qui signifie « non-pensée », « au-delà de la pensée ». C'est l'un des concepts les plus importants de l’école Sōtō pour décrire l’état de conscience samadhi qui peut survenir durant la pratique de zazen. Cet état d’esprit ne consiste pas à couper les pensées mais à les laisser passer sans les qualifier : « Ne pensez pas à ce qui est "bien" ou "mal". Ne jugez pas de ce qui est vrai ou ce qui ne l'est pas. Interrompez tous les mouvements de l'esprit, de l'intellect et de la conscience ; cessez de juger avec des pensées, des idées ou des opinions. N'ayez aucun désir de devenir Bouddha. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hishiry%C5%8D
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime17.05.22 11:21

Cf. aussi le v. 11 (du psaume 46) où l'impératif hiphil du verbe rph, habituellement traduit par "arrêtez, cessez", etc., pourrait signifier assez littéralement "laissez tomber", avec l'image des bras qui retombent...

Bien entendu, on n'échappe pas à la contradiction formelle autour d'une aporie comme "pensée sans pensée" -- qu'on y "pense" ou qu'on en "parle" comme on parle du "silence", pour dire que c'est "bon" ou "pas bon", qu'"il faut" ou "ne faut pas"...
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime17.05.22 11:55

L’ignorance : une passion qui peut nous orienter ?

L’ignorance comme passion, Lacan n’a jamais parlé que de ça ! Il est donc difficile, voire impossible de partir d’un seul point. Pourtant, comme sujet, et psychiatre, je choisirai le moment où Lacan évoque le souvenir de l’ignorance de ses collègues internes en psychiatrie, le 4 novembre 1971 : « pour ce qui est de l’ignorance, ils étaient un peu là ». Lacan, dans cette conférence faite à Sainte-Anne pour les jeunes psychiatres, précise : « L’ignorance, je viens de dire que c’est une passion. Ce n’est pas pour moi une moins-value, ce n’est pas non plus un déficit. C’est autre chose. L’ignorance est liée au savoir. C’est une façon d’établir le savoir, d’en faire un savoir établi. »

On remarque ici que Lacan, fidèle depuis longtemps, comme nous le verrons plus loin, à une lecture bouddhique de la question, renverse les choses et montre que l’ignorance n’est pas un manque à savoir, mais un savoir clos sur lui-même, un savoir qui se sait, fixe, aussi établi que ceux qui le représentent. Il fut un temps où les médecins étaient au contraire dans l’ignorance docte, soit l’inverse de ce savoir établi. Lacan a pu faire l’éloge de cette Docte ignorance telle qu’elle fut définie par Nicolas de Cues en 1440. La Docte ignorance est un autre nom du mathème, puisque le Cusain a voulu traiter la théologie par les mathématiques de l’infini : « Où qu’il soit situé, chacun croit être au centre. Enveloppe ensemble ces diverses imaginations, de sorte que le centre soit zénith et inversement, et alors par l’intellect, servi seulement par la docte ignorance, tu vois qu’il est impossible de saisir le monde, son mouvement et sa figure puisqu’il apparaîtra comme une roue dans une roue et comme une sphère dans une sphère, n’ayant nulle part ni centre ni circonférence. »

https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2016-2-page-46.htm
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime17.05.22 14:16

Excellente lecture.

La fonction du langage dans cette perspective n'a plus grand-chose à voir avec la constitution et la communication codées d'un "message", d'une "information" ou d'un savoir -- a fortiori d'un non-savoir (inconnaissance, nescience, etc.). Elle reste "performative" ou "po(ï)étique" en ce sens qu'elle peut porter un "sujet" à une "expérience", sauf qu'à une telle "expérience" tout "sujet" se perd. On pourrait parler de sigétique, de sigégogie (de sigè, silence), ou d'oudénagogie (de ouden, rien) sur le mode de la pédagogie ou de la mystagogie (agô, conduire, l'enfant ou l'initié), à condition de ne pas perdre de vue (ce qui est justement impossible) qu'elle ne vise rien de "positif", ni verbal ni conceptuel ni réel -- ce que fait sans doute un certain type de psychanalyse, de prière ou de "méditation", bien éloigné de ce qu'on se représente a priori par tous ces termes et des "disciplines" auxquelles ils se réfèrent...
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime18.05.22 8:37

Némésis (en grec ancien : Νέμεσις / Némesis) est une déesse de la mythologie grecque mais aussi un concept : celui de la juste colère (des dieux) et du châtiment céleste. Elle est également la déesse de la vengeance. Son courroux s'abat en particulier sur les humains coupables d’hybris (démesure, mégalomanie). Elle est ainsi parfois assimilée, à la fois, à la vengeance et à l'équilibre. La Némésis est aussi interprétée comme étant un message de mort envoyé par les dieux comme punition.
Le nom némésis dérive du verbe grec νέμειν / némein), signifiant « répartir équitablement, distribuer ce qui est dû », que l'on peut rapprocher de moïra qui signifie à la fois destin et partage. La mythologie romaine en reprend un aspect sous la forme d'Invidia, soit « l'indignation devant un avantage injuste ». Le substantif « némésis » est employé par antonomase pour désigner la colère ou la vengeance divine.

https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9m%C3%A9sis



Les mains d'Elsa

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots



Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu



Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

Louis Aragon
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime18.05.22 10:19

Dans le cas de la nemesis comme de nombreux "principes" ou "vertus" du même genre (destin, justice, ordre, équilibre, sagesse, vérité, bien, etc.), il me semble clair que la "divinisation" (avec ce qu'elle implique de "personnification", et de mythes narratifs qui assignent à tel dieu ou déesse une "histoire", une "généalogie" et une place dans un "panthéon") est secondaire par rapport à la "notion", qui est pour ainsi dire indépendante des dieux, préséante et transcendante même à ces derniers (on pourrait en dire autant de la ma'at égyptienne). En traduction "philosophique", platonicienne et néo-platonicienne, c'est un "au-delà de l'être" (plus précisément de l'"étant" ou de l'"étantité", epekeina tès ousias) qui est aussi bien un "en-deçà" puisque tout être ou étant, fût-il dieu, trouve toujours ledit "principe" ou "archi-principe" comme étant "déjà là" et doit composer avec lui. En contexte "biblique" nous avons souvent rencontré le même phénomène, par exemple pour la "justice" ou la "sagesse", voire pour une certaine "colère" impersonnelle et quasi automatique qui ressemble beaucoup à la nemesis grecque, en-deçà de toute "personnification". Soit dit en passant c'est aussi un problème "logique": dire qu'un dieu est bon, juste, sage, etc., n'a de sens que dans la mesure où le prédicat ou attribut est logiquement indépendant du sujet, sans quoi c'est une pure et simple tautologie qui ne veut rien dire au plan de la "logique" (ce qui arrive justement dans un monothéisme strict, où dire que "Dieu est bon" ne signifie rien d'autre que "Dieu est Dieu", puisqu'il a toutes les "vertus" par définition et que celles-ci dépendent de lui, ce ne sont plus des "principes" indépendants auxquels on pourrait le rapporter pour l'"évaluer"; bien entendu, le langage de la prière, de la louange ou de la "doxologie" ne relève plus de la "logique", comme Aristote l'avait déjà remarqué).

Pour revenir au psaume 131 (v. 2), on peut noter que l'"apaisement", le "nivellement", l'"égalisation" ou le "silence" sont imposés par le "sujet" (je) à son "âme" ou à "lui-même", par une sorte de "travail sur soi" semblable à la fois au "travail de deuil" et au "travail du négatif", travail décrit ou raconté comme accompli (j'ai apaisé, fait taire mon âme, c'est fait, c'est dit comme si c'était fait...). Par comparaison, la dernière strophe du poème d'Aragon reste à sa façon sur le mode de la prière ou du désir (impératif + subordonnée consécutive OU jussif, donne-moi [pour / et] que).
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime19.05.22 10:11

Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Selon cette phrase de l’Évangile de Jean reprise par la liturgie, le Christ serait la source d’une paix spécifique, sa paix – la paix authentiquement chrétienne. C’est pourquoi le Christ précise, immédiatement après, le point sur lequel porte la différence : « Je ne vous la donne pas comme le monde la donne ». La différence entre la paix chrétienne et la paix des païens ne tient pas à une différence intrinsèque, mais à une différence dans la manière de se donner. La paix chrétienne est apparemment semblable à la paix du monde, mais elle ne se donne pas comme elle. Semblable dans sa définition, différente dans sa donation. Il faut donc dire d’abord en quoi elle est comme la paix du monde. D’abord elle est, comme la paix païenne, une certaine tranquillité. Être apaisé signifie être tranquille, sans tourment. La paix serait ainsi l’état où rien ne trouble l’âme ni la cité, un état où la guerre est absente. Mais la pacification ne suffit pas à définir la paix, tant on connaît ces pacifications qui cachent le jeu de la force et de la domination. La paix est indissociable de la justice. Être en paix signifie être réconcilié ; la paix serait ainsi un état où la faute est dépassée par une harmonie retrouvée.

La justa pax : pas de justice, pas de paix

Ainsi posée dans les termes de la justa pax, la question de la paix reste compréhensible par les païens, à commencer par un philosophe grec comme Aristote. Cependant la paix du Christ, elle, est folie pour les païens car elle suppose et provoque un trouble dans les définitions rationnelles de la paix et de la guerre. Ce trouble est particulièrement visible aujourd’hui, où il est commun de dire que l’indistinction entre la paix et son contraire classique, la guerre, est croissante. Comment dans ce contexte penser, d’abord théologiquement, la paix du Christ ? Après avoir exploré rapidement l’ampleur de l’indistinction entre la guerre et la paix, je voudrais proposer une hypothèse : la paix du Christ ne se pense pas comme un rétablissement des frontières classiques, mais comme une indistinction supplémentaire, qui rend indistincte l’indistinction elle-même, manifestant toute paix terrestre comme un certain niveau de guerre. La paix du Christ relève l’indistinction entre la guerre et la paix, c’est-à-dire à la fois la reprend, en en montrant toute l’ampleur, et la suspend en faisant surgir une nouvelle distinction. Comme Dieu qui introduit la confusion sur la tour de Babel, le Christ vient « confondre » de surcroit l’indistinction entre guerre et paix, et fait surgir une paix nouvelle à partir d’une nouvelle division.

De l’indistinction à la division

Enfin la paix du Christ elle-même se manifeste dans une certaine indistinction avec la guerre. Ces mots du Christ sont célèbres :

"Pensez-vous que je sois venu pour donner la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, [je suis venu pour donner] la division"

La paix dont il est question ici est la paix des païens, la paix comme complétude. Précisément parce que le Christ n’apporte pas la paix comme le monde, il suscite une division. Le monde apporte la paix en confortant l’être à qui il apporte la paix dans son être, alors que le Christ l’apporte en le destituant de sa prétention à l’autosuffisance. C’est la raison pour laquelle il « divise». Ce partage ou cette division est bel et bien le contraire de la paix, mais de la définition païenne de la donation de la paix par complétude, autosuffisance, et sécurité. La paix du Christ se donne par une certaine incomplétude, insuffisance, et insécurité. De ce point de vue-là, le Christ vient clarifier une ambivalence qu’on trouve dans l’étymologie du mot hébreu shalom, qui vient d’un verbe (shalam) qui signifie restituer, rendre. Autrement dit, la paix en hébreu – ce qui ne veut pas dire pour l’Ancien testament – signifie le fait d’être complet, préservé de la perte, ce qui est proche de la définition païenne de la paix comme l’accomplissement de soi en étant préservé du mal, donc de la paix comme immunité. Le Christ, en mourant sur la Croix, porte une nouvelle manière de donner la paix – radicalement différente de la simple restitution – une paix qui advient par la charité, qui suppose la conscience de son insuffisance structurelle et sa dépendance à l’égard de la source infinie de l’amour – une paix par la destitution de la prétention à l’autosuffisance. La « division » serait ainsi le contraire de l’unification grâce à laquelle un être pourrait se suffire à lui-même. La paix du Christ ne relève pas de la logique de la complétude, mais de celle de l’amour, c’est-à-dire de l’incomplétude et de l’abaissement. Cela signifie qu’on ne tient pas la paix d’un retour à soi, d’une préservation de soi qui assure une immunité, mais qu’on ne la tient que d’en dehors de soi ; la paix n’est pas une préservation du mal, mais elle passe par le « partage » introduit par la Croix. Ce partage est le geste d’ouverture de l’être à son incomplétude.

https://www.cairn.info/revue-communio-2018-3-page-8.htm
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime19.05.22 11:28

Le problème politique, militaire, diplomatique, etc., de la paix et de la guerre internationales ou civiles, et par extension économiques et techniques, n'a pas grand-chose à voir avec le psaume 131, il suffirait de relire celui-ci pour s'en assurer si besoin était; mais à mon avis il est aussi hors champ de la quasi-totalité des références à la "paix" citées du NT, pour une raison obvie que nous avons soulignée à peu près chaque fois qu'il a été question du (non-)rapport entre christianisme et politique (etc.): au temps du NT la paix politique est assurée tant bien que mal par l'empire romain (pax romana), ni les auteurs ni les lecteurs-auditeurs ne disposent du moindre pouvoir en la matière, ce qui leur permet de développer et d'approfondir le thème de la "paix" dans de tout autres directions (morale individuelle et communautaire, "mystique" ou "spiritualité", à la rigueur "psychologie sociale" si l'on ne rechigne pas à l'anachronisme des appellations). Ce n'est pas seulement le cas du christianisme, mais de toutes les "religions" nées ou transformées dans le même contexte historique ("mystères" païens ou judaïsme synagogal pharisien, du moins après les guerres juives), ainsi que des "philosophies" contemporaines (stoïcisme, épicurisme, médio- et néo-platonisme d'"empire"). A contrario l'islam n'aura pas ce loisir, puisqu'il sera d'entrée de jeu une religion politique et militaire. Mais déjà le christianisme devenu majoritaire, d'abord localement puis globalement au point d'assumer la relève de l'empire romain, aura dû devenir politique et militaire, sans rien de spécifiquement "chrétien" dans ce domaine puisque ses textes fondateurs ne l'y préparaient nullement -- avant que la "chrétienté", beaucoup plus tard, cède la place aux Etats-nations modernes. Tout cela rend le discours théologique du christianisme contemporain sur la politique (inter-nationale le cas échéant) doublement décalé, et par rapport à ses propres "sources" (NT) qui n'ont aucune pertinence en la matière, et par rapport à la situation présente, où "l'Eglise" compte le plus souvent pour du beurre...

Pour revenir au(x) psaume(s), on peut remarquer que le judaïsme du Second Temple et son écriture (AT etc.) se sont déjà construits en bonne partie dans des circonstances similaires, sous la domination d'"empires" successifs (assyrien, néo-babylonien, mais surtout perse et hellénistiques) qui laissait fort peu de place à une "politique juive", du moins jusqu'à la crise maccabéenne et aux dynasties hasmonéenne puis hérodienne qui s'en sont suivies... C'est bien ce qui donne aux textes de l'AT, notamment les psaumes, une dimension "religieuse" à nos yeux, "religieuse" dans la mesure même où nous (chrétiens ou post-chrétiens, juifs aussi de la tradition pharisienne et rabbinique, du moins jusqu'au "sionisme" qui raviverait plutôt un judaïsme maccabéen ou zélote) distinguons essentiellement le "religieux" du "politique".

En somme, "la Bible" a fort peu à dire sur la "politique" en tout genre, ce n'est quasiment jamais son "sujet", et quand on veut à tout prix la faire parler sur ce "sujet"-là on lui fait invariablement dire ce qu'elle ne dit pas... et par contrecoup on ne remarque pas ce qu'elle dit, par exemple l'écart entre la "paix" laissée par le Christ (en plus de celle qu'il donne) dans le quatrième évangile et l'"épée" opposée à la "paix" dans les Synoptiques (en fait seulement en Matthieu 10,34, si l'on excepte les différents traitements du rôle de l'épée dans les récits de la Passion, autour de l'épisode de l'arrestation).
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime20.05.22 10:41

Quand la Bible parle de « Dieu le Père », ce sont les expériences de sécurité absolue qui sont « codées » dans cette image. Le Psaume 131, 2 parle de ces expériences : « En vérité, mon âme est devenue calme et tranquille, comme un petit enfant auprès de sa mère ; comme un petit enfant, telle est mon âme en moi . » Les images de Dieu comme un père ou une mère sont rares dans l’Ancien Testament, vraisemblablement parce qu’on voulait proscrire l’idée d’une famille de dieux. Mais dans le Nouveau Testament, le recours à la métaphore du père devient fréquent et elle devient l’image dominante de Dieu.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2011-3-page-373.htm
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime20.05.22 14:26

Très beau texte, facile et agréable à lire, et profond -- pour ceux à qui le nom de Gerd Theissen ne dirait rien, je rappelle que c'est l'un des rares spécialistes du NT qui ait apporté quelque chose de nouveau et d'utile à sa discipline dans la seconde moitié du XXe siècle, en intégrant intelligemment une analyse socio-économique à l'exégèse des textes; et qu'en même temps il cultive depuis longtemps l'écriture grand public avec un certain bonheur (ainsi L'ombre du Galiléen, qui faisait alterner roman et vulgarisation sous forme d'une correspondance imaginaire de l'auteur avec son professeur d'exégèse, avait été un relatif succès de librairie, et pas seulement de sacristie).

En ce qui concerne le psaume 131, la traduction (révisée) de Luther telle qu'elle est ici (re-)traduite en français aurait le même défaut que la Bible de Jérusalem citée précédemment (2.3.2021): elle retiendrait l'enfance et oublierait le sevrage. Apparemment ce n'était pas le cas de la Bible de Luther originale (1545), puisque le verbe entwenen = entwöhnen signifiait bien "sevrer". Chose plus importante peut-être, ce n'est justement pas "Dieu" (ou Yahvé) qui est à la place de la mère: c'est le "sujet" ("je", le psalmiste, l'orant, le récitant, le lecteur ou l'auditeur participant) qui a sevré, calmé, apaisé, fait taire son âme et la porte (littéralement) sur lui (sur moi, non "en moi", cf. le post initial) comme un enfant sevré. L'image est tout autre, la violence et la tendresse implicites ne sont pas de "Dieu", même si elles se disent devant Yahvé à qui la prière s'adresse, en les lui racontant à l'"accompli", comme une histoire achevée, fût-elle toujours à recommencer comme un "travail sur soi", et "de deuil" et "du négatif".

Si l'on voulait traduire cela en termes "psychologiques" -- c'est anachronique, mais ça s'y prête admirablement -- on en reviendrait au jeu bien connu du "désir" et de la "jouissance": le désir ne cherche que la jouissance, mais la jouissance tue le désir (qui n'aura donc cherché dans la jouissance que sa propre mort), de sorte que le désir ne (se) survit qu'en renonçant à la jouissance que pourtant il désire, ou en la retardant indéfiniment. Toutes les différances, les diversions et les perversions, les réflexions et les spéculations (miroir, miroir) du "je" et de "son âme", dans l'image cruelle et tendre, mais toujours narcissique, du sevrage.
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime23.05.22 15:35

Petite digression :

"A qui veut-il enseigner la connaissance ? A qui veut-il faire comprendre la leçon ? Est-ce à des enfants qui viennent d'être sevrés, qui viennent de quitter le sein de leur mère ? B. a.-ba, b. a.-ba, d. a.-da, d. a.-da, un peu par-ci, un peu par-là. — Eh bien, c'est par des lèvres balbutiantes, dans une autre langue, qu'il parlera à ce peuple" (Es 28,9-11)

En tant qu'enfant sevré de sa mère - Voir Ésaïe 28:9. Il y a eu des interprétations très diverses de ce passage. Voir Rosenmuller in loc. La vraie idée est peut-être celle d'un enfant sevré, appuyé sur sa mère ou allongé sur sa poitrine. Comme un enfant sevré s'appuie sur sa mère. C'est-à-dire, comme un enfant, habitué au sein, et maintenant privé de celui-ci, pose doucement sa tête là où il avait l'habitude de tirer sa nourriture, sentant sa dépendance, espérant se nourrir à nouveau: pas en colère, mais doucement affligé et triste . Un petit enfant ainsi accroché à sa mère - posant doucement sa tête sur la poitrine - languissant - cherchant à se nourrir - serait une image très tendre de douceur et de douceur.

Mon âme est comme un enfant sevré - littéralement, "Comme un enfant sevré sur moi mon âme;" c'est-à-dire que mon âme s'appuie sur moi comme un enfant sevré. Mes pouvoirs, ma nature, mes désirs, mes passions, ainsi appuyés sur moi, sont doux, sans ambition, confiants. La Septante le rend d'une manière différente et donne une idée différente: «Si je n'avais pas été humble, mais que je m'étais exalté comme un enfant sevré contre sa mère, comment aurais-tu rétribué contre mon âme! L'hébreu, cependant, exige qu'il soit interprété autrement. L'idée est qu'il avait été doux; qu'il avait calmé ses sentiments; que quelles que soient les aspirations qu'il aurait pu avoir, il les avait maintenues sous; que s'il eût pu faire des recherches ou proposer des suggestions qui semblaient savourer d'orgueil ou d'ambition, il avait été conscient qu'il n'en était pas ainsi, mais qu'il avait su sa place et l'avait gardée. Le sentiment ici est que la religion produit un esprit enfantin; qu'elle dispose tous pour connaître et garder leur juste place; que, quelles que soient les demandes ou suggestions qu'elle peut conduire parmi les jeunes, elle tendra à les garder modestes et humbles; et que quelles que soient les suggestions qu'une personne dans sa jeunesse peut être disposée à faire, elles seront liées à un esprit humble, doux et réservé. La religion produit la maîtrise de soi et est incompatible avec un esprit fier, arrogant et ambitieux.

https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/4/commentaire-biblique-par-albert-barnes/psaume/131/2
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime23.05.22 16:31

Bien trouvé.

Les notes de Barnes (mort en 1870) sont restées très populaires en Amérique, la Watch et même Raymond Franz les citaient souvent. J'ignorais qu'il en existât une traduction française, apparemment pas automatique ni même récente, si j'en juge par le style -- vérification faite, elles ont bien été traduites par un contemporain, un certain Napoléon Roussel mort en 1878, mais ça a dû être exhumé et numérisé tant bien que mal il y a peu...

Je croyais avoir commenté quelque part Isaïe 28,9ss, j'ai sans doute confondu avec un passage du chapitre suivant qui n'est d'ailleurs pas sans analogie (apprendre à lire, savoir lire); j'avais évoqué le v. 11 ici, à propos de la "barbarie" et du "barbare", ce mot fait de l'imitation et de la déformation d'une langue étrangère (notamment celle de l'envahisseur, suzerain ou empire) qu'on ne comprend pas ou qu'on comprend de travers. Il y a peut-être dans ce texte, entre l'évocation de l'ivresse d'Ephraïm (v. 7s) et celle du châtiment barbare qui lui arriverait de l'empire assyrien (v. 11ss etc.) -- les deux aisément transposables, un siècle plus tard ou un peu plus, au rapport de Juda à Babylone -- une sorte de parodie de l'enseignement élémentaire de la lecture à des enfants sevrés, qui passent péniblement de l'évidence instinctive du corps maternel à l'arbitraire du signe (comme dirait Saussure), par une répétition laborieuse, mais aussi ludique, des phonèmes et des graphèmes: ce qui est adapté très librement sur le mode alphabétique latin (B-a-ba, etc.,), c'est (en hébreu) çav la-çav çav la-çav, qav la-qav qav la-qav, qui évoque peut-être le "commandement" (cf. miçva, mitsva) et la "règle" (ligne, cordeau, etc.) mais vaut surtout par l'assonance rythmique (on pense au rythme du talion, oeil pour oeil, dent pour dent, mais en hébreu ce sont d'autres prépositions, tht ou b-), suggérant éventuellement l'incompréhension et/ou la dérision du message prophétique (comme qui dirait -- en français -- c'est de l'hébreu, ou du chinois; en l'occurrence ce serait de l'akkadien ou de l'araméen d'empire, quand la prophétie incomprise se traduirait en invasion, en occupation et en déportation réelles).

Malgré la coïncidence du sevrage dans les deux textes (gml // `tyqy m-šdym, "arrachés aux seins"), le psaume 131 ne s'occupe pas de la suite (l'"éducation" à la lettre et au signe, plutôt masculine sinon paternelle, à laquelle le sevrage maternel est censé faire place, tout au moins dans certains milieux); il en reste, sagement, prudemment (?), au calme ou au silence de l'"âme" (ou du désir sevré de jouissance immédiate)...

Au passage, et bien que ce soit sans doute encore plus digressif, ça me rappelle à nouveau ce sublime poème de Nietzsche, qui n'aurait décidément pas voulu sevrer son âme... mais plus généralement c'est la dissociation du "sujet", "je" / "moi", "moi" / "mon âme" ou "ma vie", "mon âme" ou "mon esprit" / "mon corps", "tu" / "toi" s'adressant à "soi-même" comme à un "autre", et ainsi de suite, qui rend possible le jeu infini de l'"intériorité" ou de la "conscience", de l'intérieur à l'extérieur et inversement (cf. le fameux "for intérieur"), jeu de miroirs et d'échos toujours, qu'il faudrait "méditer", tout en sachant que ce je(u) même est impliqué dans sa "méditation".
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MessageSujet: Re: soul-sitting   soul-sitting Icon_minitime

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