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| La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. | |
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Auteur | Message |
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Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Lun 16 Mar 2020, 16:19 | |
| En regardant cette vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=gYDtMQnKTHU&t=4279s ), j'ai découvert ceci, concernant Adam dans le Coran, ce qui m'a fait penser à Hé 1,3ss ("Que tous les anges de Dieu se prosternent devant lui !") :
Le Jésus du Coran, par contre, n’a pas de père à repousser. Il se distingue de Moïse et Noé – et de tous les autres protagonistes du Coran sauf Adam – par sa naissance miraculeuse sans père. Pour Adam et Jésus, l’Esprit de Dieu prend la place du père. Notamment en deux occasions l’annonce de la création d’Adam est suivie par un ordre divin aux anges de se prosterner devant lui : « Quand ton Seigneur dit aux Anges : “Je vais créer d’argile un être humain”. Quand Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de Mon Esprit, jetez-vous devant lui, prosternés » (38,71-72 ; cf. 15 :,28-29 ; Gn 2,7). On soupçonne que la logique de cet ordre – qui pourrait sembler un blasphème (comment se prosterner devant quelque chose outre Dieu ?) – est liée à la présence de l’esprit divin en Adam. C’est cette présence en lui qui justifie l’adoration angélique. Ce parallèle entre Adam et Jésus dans le Coran – évoqué d’une façon explicite en 3,59 – développe, ou bien réinterprète, le parallèle entre les deux mêmes figures dans la tradition chrétienne. Pour les chrétiens, l’histoire de la prosternation angélique devant Adam (une histoire qui se trouve dans les textes comme La vie d’Adam et ève et La caverne de trésors5) a un sens christologique. L’adoration d’Adam par les anges – avant son péché et sa chute – anticipe l’adoration de Jésus par les anges. On trouve ce parallèle dans le Nouveau Testament, dans la belle hymne de saint Paul, qui fait un contraste implicite entre Adam et Jésus et fait référence à l’adoration angélique de Jésus (Phil 2,6-11). https://journals.openedition.org/asr/1455 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Lun 16 Mar 2020, 19:47 | |
| Excellente, la conférence, merci ! [Les études (franchement) critiques (au sens académique du terme) du Coran arrivent certes bien tard, mais cela leur vaut de bénéficier d'emblée de plusieurs siècles d'expérimentation méthodologique des "sciences bibliques" et de ne pas avoir à en répéter les errements passés -- quant aux errements présents et futurs, c'est une autre affaire, mais il faut bien commencer quelque part.] Sur Adam-Christ et les anges, revoir éventuellement ici (et suivre les liens).Soit dit en passant, le "souffle" donné à l'homme dans le second récit de la Genèse (2,4b--3, en l'occurrence 2,7) n'est pas rwh-rouah, le mot habituel pour l'"esprit" divin, humain et animal habituellement traduit pneuma dans la Septante, mais nšmh-neshama, à l'état construit nishmat, qui s'applique aussi aux animaux en 7,22 ( LXX pnoè dans les deux cas), etc. Il est vrai que dans la tradition juive ultérieure (post-biblique) il devient parfois distinctif de l'homme et de son rapport particulier à Dieu (voire à "l'image de Dieu" qui appartient pourtant à l'autre récit), et que certains textes "bibliques" peuvent déjà être tirés dans ce sens-là, même s'il n'est le plus souvent qu'un "synonyme poétique" de rwh (cf. p. ex. Job 4,9; 26,4; 27,32; 32,8; 33,4; 34,14; 37,10; Proverbes 20,27). En tout cas cette distinction ne vaudrait guère pour l'opposition "âme/esprit" ( psukhè = npš-nephesh / pneuma = rwh-rouah) du premier paulinisme, puisqu'en 1 Corinthiens 15,45 c'est le premier Adam "âme vivante" (donc neshama-pnoè incluse, selon la Genèse) qui est opposé au dernier Adam "esprit" ( pneuma). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 11:17 | |
| - Citation :
- Sur Adam-Christ et les anges, revoir éventuellement ici (et suivre les liens).
Merci Narkissos de nous avoir rappelé cet article que j'vais beaucoup apprécié : Mais parce qu'il est monolingue, justement, notre monolingue ne fera pas le tour de ré-flexion supplémentaire qui lui révélerait que l'apparente "pluralité des sens" est (ici au moins) pur effet de traduction, c.-à-d. d'interface entre deux langues. Quand on "pense en français", comme on dit, "se prosterner", "rendre hommage" et "adorer" apparaissent comme des "choses" absolument distinctes. Mais les "choses" ne sont distinctes, et pensables distinctement, que dans l'exacte mesure où les "mots" sont -- en français -- distincts. A re-présente un geste, une posture du corps, qui se différencie d'autant plus des B qu'il est pour nous exotique, qu'il n'appartient plus à notre code social ni même religieux. B et B' en revanche ne se distinguent guère entre eux que par leur objet, illimité pour le premier, limité pour le second au registre "religieux": on adore des "dieux", des "idoles" -- quoiqu'on puisse aussi et par extension adorer Wagner ou la choucroute garnie. Et ni l'un ni l'autre n' impliquent -- pour nous -- le geste concret A. ( Suggestion d'exercice pour le monolingue: que le francophone essaie de penser ou de définir la différence entre B et B' sans référence à l'objet, ou sans différence d'objet: qu'il dise ce qu'on fait de plus, au juste, quand on "adore" Dieu que quand on lui "rend hommage", par exemple.) Quel dommage toutefois que ce genre de question détourne précisément du texte, où le connaisseur des traditions juives et même musulmanes reconnaîtrait sans peine dans le "Fils" offert à la prosternation (hommage, culte) des anges non pas "Dieu" mais "l'Homme", cet Adam premier-et-dernier évoqué (quelle coïncidence !) à l'article précédent, cette "image-de-Dieu" devant laquelle le "Satan", précisément, aurait refusé de s'incliner... (cf. Vie ["latine", mais aussi arménienne ou géorgienne] d'Adam et Eve, xiiss; Sourate xii, 4ss etc.). Ce qui est opposé aux "anges" dans cette enfilade de citations n'est pas la supériorité pour ainsi dire "naturelle" de "Dieu", mais bien celle, paradoxale, de "l'homme" -- ce qui devient tout à fait explicite dans la dernière de la série (ii, 5ss):Car ce n'est pas à des anges qu'il a soumis le monde à venir dont nous parlons. Mais quelqu'un a rendu quelque part ce témoignage: "Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui? Qu'est-ce que le fils d'homme, pour que tu t'occupes de lui? Tu l'as fait un peu inférieur aux anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur, tu as tout mis sous ses pieds." |
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Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 11:52 | |
| "C'est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit : Tu n'as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m'as formé un corps ; tu n'as agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors j'ai dit : Je viens — dans le livre-rouleau c'est écrit à mon sujet — pour faire, ô Dieu, ta volonté. Il dit d'abord : Tu n'as voulu et tu n'as agréé ni sacrifices, ni offrandes, ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché qui pourtant sont offerts selon la loi. Puis il dit : Je viens pour faire ta volonté. Il supprime donc le premier pour établir le second. C'est en vertu de cette volonté que nous sommes consacrés par l'offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes." (10,5-10)
Narkissos, veuilles m'excuser d'oublier des points que tu avais déjà expliqué mais je constate que je comprends mieux, aujourd'hui ce que tu avais écris hier.
Ce texte recèle des expressions mystérieuses : 1) "en entrant dans le monde", cela fait allusion à quel évènement ? 2) "tu m'as formé un corps" ?
L'auteur cite le Ps 40,7-9 : "Tu n'as pas pris plaisir au sacrifice ni à l'offrande : tu m'as ouvert les oreilles ; tu n'as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j'ai dit : Je viens avec le livre-rouleau écrit pour moi. Je désire faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mes entrailles".
Ce texte semble indiquer que lorsque le Fils s'est incarné homme dans le monde, il a nié l’idée que Dieu cherche un quelconque sacrifice physique mais qu'au lieu de cela, le Fils s’engage à faire la volonté divine, donc une offrande d'existence dans l'obéissance. Il me semble que cette idée est révolutionnaire, puisque le sacrifice est annulé par l'obéissance. La conclusion du passage affirme que "C'est en vertu de cette volonté que nous sommes consacrés par l'offrande du corps de Jésus-Christ" (10,10), ainsi la fait que Fils qui s’engage à obéir au Père, voilà ce qui constitue le sacrifice (même s'il est question l'offrande du corps de Jésus-Christ). |
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Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 14:48 | |
| Pour faire suite à mon dernier message sur Hé 10, je fournie ce lien concernant la différence entre Hé 10,5 et Ps 40,7 : : "tu m'as ouvert les oreilles" (Ps 40,7 - NBS) ["tu m’as creusé des oreilles pour entendre" - TOB] ET "tu m'as formé un corps" (Hé 10,5) : https://www.persee.fr/doc/mom_0151-7015_2006_mel_35_1_2442 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 15:35 | |
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Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 16:24 | |
| - Narkissos a écrit:
- Voir aussi ici.
Merci Narkissos pour ce lien, encore très instructif et que je ne retrouvais pas.
"Tout prêtre se tient à son poste chaque jour pour faire son service et offrir maintes fois les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais ôter les péchés. Mais lui, après avoir présenté un seul sacrifice pour les péchés, il s'est assis pour rester à perpétuité à la droite de Dieu, et il attend désormais que ses ennemis lui soient donnés pour marchepied. Par une seule offrande, en effet, il a porté à leur accomplissement, à perpétuité, ceux qui sont consacrés. C'est ce que l'Esprit saint nous atteste également. Car après avoir dit : Voici l'alliance que j'établirai avec eux après ces jours-là, dit le Seigneur : je mettrai mes lois dans leur cœur et je les inscrirai dans leur intelligence ; je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs désordres. Or là où il y a pardon des péchés, il n'y a plus d'offrande pour le péché." (10,11-18)
Le texte met en évidence l'aspect répétitif et inachevé du service des prêtres israélites et l'oppose au fait que Jésus a présenté un seul sacrifice et ensuite il s'est assis pour rester à perpétuité à la droite de Dieu. Que signifie le fait que Jésus soit à la droite de Dieu, dans ce texte ?
Certains commentateurs y voient le repos christique, le repos en tant qu'achèvement de l'œuvre sacerdotale : "Car celui qui est entré dans son repos se repose aussi de ses œuvres, comme Dieu des siennes" (4,10). Rappelons qu'en tant qu'héritiers de toutes choses que le Christ "s'est assis à la droite de la majesté dans les hauteurs" (1,3).
Le v14 indique que "Par une seule offrande, en effet, il a porté à leur accomplissement, à perpétuité, ceux qui sont consacrés", soulignant que le processus de perfection est déjà entamé. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mar 17 Mar 2020, 17:01 | |
| Le thème de la "session" (le fait d'être assis) à la droite de Dieu (aussi 1,3.13; 8,1; 10,12) vient évidemment du Psaume 110, qui fournit aussi la référence à Melchisédek; il suggère habituellement la position du roi (qui "trône") et/ou celle du juge (qui "siège"), lesquelles sont souvent réunies dans la tradition biblique, contrairement à celle du prêtre qui leur est exceptionnellement associée dans ce psaume. Mais dans l'épître aux Hébreux tout cela peut parfaitement se combiner avec la notion du "repos", puisque la "perfection-accomplissement" (motif également tiré du vocabulaire sacerdotal de la Septante, pour l'"ordination" ou consécration des prêtres) ne consiste en rien d'autre que dans le passage, par la mort (le "voile" de la chair) à la sphère de l'éternité, où il n'y a pas plus d'"événement" que d'"action" au sens du transitoire. Le roi règne, le juge juge, le prêtre officie à la lettre en ne faisant rien, puisque tout ce qui devait être fait dans le temps de l'action a été fait " une fois pour toutes". En somme, l'"intronisation" du grand prêtre, du roi et du juge coïncide avec l'achèvement de son "oeuvre". |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mer 18 Mar 2020, 11:31 | |
| - Citation :
- Mais dans l'épître aux Hébreux tout cela peut parfaitement se combiner avec la notion du "repos", puisque la "perfection-accomplissement" (motif également tiré du vocabulaire sacerdotal de la Septante, pour l'"ordination" ou consécration des prêtres) ne consiste en rien d'autre que dans le passage, par la mort (le "voile" de la chair) à la sphère de l'éternité, où il n'y a pas plus d'"événement" que d'"action" au sens du transitoire. Le roi règne, le juge juge, le prêtre officie à la lettre en ne faisant rien, puisque tout ce qui devait être fait dans le temps de l'action a été fait "une fois pour toutes". En somme, l'"intronisation" du grand prêtre, du roi et du juge coïncide avec l'achèvement de son "œuvre".
"Puisque nous avons un grand prêtre qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, restons attachés à ce que nous reconnaissons publiquement." (4,14) La notion de "traversé les cieux" renvoie à l'entrée du Christ dans son repos relatée en 4,10 et se retrouve en Hé 10,19-21 :
"Ainsi donc, frères, nous avons l'assurance d'un libre accès au sanctuaire par le sang de Jésus, accès qu'il a inauguré pour nous comme un chemin nouveau et vivant au travers du voile, c'est-à-dire de sa chair, et nous avons un grand prêtre institué sur la maison de Dieu."
L'affirmation : "nous avons l'assurance d'un libre accès au sanctuaire", indique que les croyants doivent eux aussi prendre part au repos du Christ : "Car nous avons part au Christ, si du moins nous restons fermement attachés, jusqu'à la fin, à la réalité du commencement" (3,14), ainsi les croyants concrétisent leur participation à la vocation céleste ("frères saints qui avez part à un appel céleste" 3,1).
Les croyants "s’approchent", ils sont encore en route vers la cité céleste ("vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste" 12,22), mais, dans la foi, ils ont déjà part au monde céleste (6,4 : "qui ont goûté le don céleste et ont eu part à l'Esprit saint").Ce langage de perfection ou d'accomplissement traverse toute l'épître. Sur lui, les études sont nombreuses et les opinions diverses^. Pour comprendre sa portée, il suffit, dans le contexte immédiat, de le relier au verbe apparenté teleioun en 7,19. « Mené à l'accomplissement » ou à la perfection... y signifie « s'approcher de Dieu », avoir accès à Dieu. On est « parfait », on a atteint l'accomplissement, quand on peut accéder à Dieu. Or c'est cet accès à Dieu que ne réalisait pas le système sacerdotal à la manière d'Aaron, les offrandes et les sacrifices tant « incapables de mener à l'accomplissement en sa conscience celui qui rend le culte (teleiôsai ton latreuonta » (9,9). Par contraste, l'offrande unique du Christ, offrande non rituelle, mènera « pour toujours à l'accomplissement » (le parfait du verbe : teteleiôken indique quelque chose de définitif, souligné en plus par le eis to diènekes : pour l'éternité) ceux qu'il sanctifie (10,14). L'épître ne fait pas dans le politiquement correct et son langage n'a rien d'irénique ou d'œcuménique... Elle parle sans détours de Y asthénie, affirmation de faiblesse radicale ou de maladie, et de l'inutilité {anophèles) de tout ce système de relations avec Dieu (7,18). Impuissance et inutilité, puisqu'on en reste au niveau des prescriptions « charnelles » (7,16), incapables de rendre parfait ou de donner accès à Dieu. https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/1996-v4-n1-theologi2886/602431ar.pdf
Dernière édition par free le Jeu 15 Sep 2022, 16:12, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mer 18 Mar 2020, 14:53 | |
| Dans l'épître aux Hébreux la mort, celle du Christ comme celle du croyant, constitue une sorte d'horizon absolu dont on sait seulement qu'il est ouvert, accès ou passage à l'éternel, mais dont "l'autre côté" n'est par définition pas descriptible, sinon par des "images" (types, paradigmes, etc.) célestes appelées elles-mêmes à être dépassées comme leurs "ombres" terrestres. Avec cet "au-delà" il n'y a en effet "en-deçà", "du côté" ou "de l'intérieur" du langage et de la représentation, de l'ici et du maintenant, qu'un rapport d'approche paradoxale, infinie et pourtant finie, asymptote si l'on veut, qui se vit cependant comme une "expérience" (d'où voir, entendre, goûter, tout le langage des "sens") de l'au-delà -- la seule "expérience" possible à vrai dire.
D'où l'usage très particulier de ce vocabulaire de la "perfection-accomplissement" (teleioô etc., cf. 2,10; 5,9; 6,1; 7,11.19.28; 9,9.11; 10,1.14; 11,40; 12,2.23; de telos, la "fin" dans tous les sens du terme, cf. 3,6.14; 6,8.11; 7,3) par ailleurs commun aux christianismes primitifs et à plusieurs courants du judaïsme, exploité de façon radicalement différente dans d'autres milieux: dans un sens plutôt éthique et légal chez Matthieu et les "judéo-christianismes", spirituel-pneumatique dans le corpus paulinien ou johannique, le marcionisme et les autres "gnoses" qui s'ensuivent. Perfection ou accomplissement par définition "en cours" et "en chemin", donc paradoxalement inaccompli "jusqu'à la fin", à la fois incluse et exclue, qui ne se pense toutefois qu'à partir d'une perfection accomplie mais hors expérience, quoique toute "expérience" en provienne. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mer 18 Mar 2020, 15:19 | |
| "Quand vous aurez passé le Jourdain et que vous habiterez le pays que le SEIGNEUR, votre Dieu, vous donne comme patrimoine, qu'il vous aura accordé le repos en vous délivrant de tous les ennemis qui vous entourent, et que vous habiterez en sécurité c'est au lieu que le SEIGNEUR, votre Dieu, choisira pour y faire demeurer son nom que vous apporterez tout ce que je vous ordonne, vos holocaustes, vos sacrifices, vos dîmes, vos prélèvements et les offrandes choisies dont vous ferez vœu au SEIGNEUR. Vous vous réjouirez devant le SEIGNEUR, votre Dieu, vous, vos fils et vos filles, vos serviteurs et vos servantes, et le lévite qui est dans vos villes, car il n'a aucune part à votre patrimoine." Dt 12,10-12
Ce texte du Deutéronome avec son "repos" semble être à l'origine du repos christique. En Deutéronome 12,10-12, le "repos" est associé au lieu que Dieu a choisi pour que son nom. y soit sanctifié, c'est à dire dans le sanctuaire.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Mer 18 Mar 2020, 18:31 | |
| Il y a toute une constellation (une "couronne" en langage rabbinique) de citations et de références explicites, surtout selon la Septante, sollicitées pour construire cette notion de "repos" (pauô, kata-pauô, kata-pausis) dans la section de 3,7 à 4,11: d'abord Psaume 95,7-11, puis Nombres 14,21-23 et enfin Genèse 2,2, accessoirement et négativement (en 4,7-8 ) Deutéronome 31,7 et Josué 22,4 (le repos donné par le "premier Jésus", Ièsous identique en grec, n'est pas suffisant, puisque le psaume "de David" renouvelle "plus tard" l'"aujourd'hui" du repos; "aujourd'hui" qui communique par ailleurs avec celui du psaume 2, l'"engendrement" du Fils, cité en 1,5 et 5,5). Bien sûr cela n'exclut pas d'autres correspondances dérivées, comme Deutéronome 12,10ss, mais là c'est plutôt le pays qui serait visé comme lieu de repos (katapauô LXX) que la ville ou le temple (autre verbe pour le lieu où "est invoqué" le nom, epikaleô); d'autant que l'épître aux Hébreux évite ostensiblement toute référence géographique à la ville et au temple de Jérusalem, en se concentrant sur la "tente" du désert et de la Torah. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Jeu 19 Mar 2020, 14:07 | |
| "et nous avons un grand prêtre institué sur la maison de Dieu. Approchons-nous donc d'un cœur sincère, avec une pleine foi, le cœur purifié d'une mauvaise conscience et le corps lavé d'une eau pure. Continuons à reconnaître publiquement notre espérance, sans fléchir, car celui qui a fait la promesse est digne de confiance. Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à l'amour et aux belles œuvres. N'abandonnons pas notre assemblée, comme quelques-uns en ont coutume, mais encourageons-nous mutuellement, et cela d'autant plus que vous voyez le jour s'approcher." (10,21-25)
L'auteur décrit les dispositions que doivent avoir ceux qui s'approchent de Dieu : un cœur (siège des affections morales) sincère, (grec) véritable, tel qu'il doit être (comparez, pour le sens de ce mot, Hébreux 8.2 ; 9.24), une pleine certitude de foi, la conviction personnelle que l'œuvre de Christ est efficace et suffisante pour nous ouvrir l'accès auprès de Dieu ; ayant les cœurs purifiés, (grec) arrosés, aspergés, comme le peuple l'était, avec le sang des sacrifices ; (Hébreux 9.19 ; Lévitique 8.30) en d'autres termes et sans figure, des cœurs qui se sont appropriés l'œuvre rédemptrice de Christ et sont délivrés par elle d'une mauvaise conscience (Hébreux 10.2) c'est-à-dire du sentiment du péché et de la culpabilité. Enfin, les mots : le corps lavé d'une eau pure font allusion à la fois aux ablutions de l'ancienne Alliance (Lévitique 8.6 ; 16.4) et au baptême de la nouvelle, symboles de pardon, de régénération et de sanctification. (Ezéchiel 36.25,Ephésiens 5.26) Le pardon et la réconciliation par le sang de Christ, puis la régénération et la sanctification par le Saint-Esprit sont deux choses inséparables, mais distinctes. https://theotex.org/nta/Hebreux/Hebreux_nta_20.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Jeu 19 Mar 2020, 17:16 | |
| Si j'ai bien compris l'organisation du site, c'est le commentaire de Louis Bonnet, protestant "orthodoxe" de la seconde moitié du XIXe siècle. Naturellement "harmonisant" (comme dirait Guillaume Dye dans la conférence coranique évoquée plus haut), en l'occurrence par rapport au reste du NT, mais relativement prudent et attentif au texte.
D'un autre point de vue, il me semble cependant évident que les formules "eschatologiques" de l'épître aux Hébreux, si formellement "classiques" et comparables à d'autres qu'elles paraissent (ici p. ex. le "rassemblement" et le "jour", cf. 1 Thessaloniciens 4--5 etc.; le substantif episunagôgè, pour "rassemblement", ne se retrouve qu'en 2 Thessaloniciens 2,1 avec un sens tout à fait "futuriste"), ne sortent pas indemnes de leur mise en perspective (quasi, simili-) platonicienne -- pas plus que de leur reprise "proto-gnostique" dans le quatrième évangile (p. ex. Jean 14, quand les thèmes eschatologiques du retour du Christ et du rassemblement des élus sont actualisés comme inhabitation mutuelle au présent des croyants). Quand ce qui est "à venir" n'est plus un simple futur platement temporel, mais une "éternité" à la fois transcendante et coextensive au temps, qui a toujours été là, les mêmes mots prennent un tout autre sens (qui est aussi bien un non-sens au regard du langage et de la représentation ordinaires). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Ven 20 Mar 2020, 11:49 | |
| - Citation :
- D'un autre point de vue, il me semble cependant évident que les formules "eschatologiques" de l'épître aux Hébreux, si formellement "classiques" et comparables à d'autres qu'elles paraissent (ici p. ex. le "rassemblement" et le "jour", cf. 1 Thessaloniciens 4--5 etc.; le substantif episunagôgè, pour "rassemblement", ne se retrouve qu'en 2 Thessaloniciens 2,1 avec un sens tout à fait "futuriste"), ne sortent pas indemnes de leur mise en perspective (quasi, simili-) platonicienne -- pas plus que de leur reprise "proto-gnostique" dans le quatrième évangile (p. ex. Jean 14, quand les thèmes eschatologiques du retour du Christ et du rassemblement des élus sont actualisés comme inhabitation mutuelle au présent des croyants). Quand ce qui est "à venir" n'est plus un simple futur platement temporel, mais une "éternité" à la fois transcendante et coextensive au temps, qui a toujours été là, les mêmes mots prennent un tout autre sens (qui est aussi bien un non-sens au regard du langage et de la représentation ordinaires).
Merci Narkissos pour ces explications mais comment doit-on comprendre d'une manière pratique (je n'ai pas saisi la totalité de ton explication) l'exhortation : " N'abandonnons pas notre assemblée" ? D'autre part, peut-on établir un lien entre la formule "notre assemblée" et "de la réunion et de l'assemblée des premiers-nés" d'Hé 12 ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Ven 20 Mar 2020, 12:34 | |
| Le lien avec 12,23 me paraît assez net, malgré un vocabulaire différent: panèguris (d'où "panégyrique"), assemblée générale et rituelle aussi bien dans la tradition proprement grecque (jeux, théâtre, etc.) que, dans la Septante, comme traduction occasionnelle d'une des désignations hébraïques (mo`ed, "rencontre" ou "témoignage", comme pour la "tente" du même nom) des "fêtes-pèlerinages" (hag, d'où encore le Hadj arabo-musulman) de la Torah; ekklèsia (d'où "église", aussi dans la citation de 2,12), au départ plutôt "politique" (lieu de débat et de décision collective des citoyens) mais devenu un synonyme presque parfait de sunagôgè (d'où "synagogue"), avant que l'usage juif et chrétien ne les oppose l'un à l'autre.
Donc "l'assemblée" est d'abord "céleste", "éternelle", "idéale", "typique", "paradigmatique", à ce titre elle transcende et surplombe toute "assemblée" terrestre qui n'a de sens qu'en tant qu'elle se rapporte à ce "modèle" (lequel, pour rappel, doit encore être dépassé avec tout ce qui est céleste). Tu as tout à fait raison de préciser que l'exhortation du chapitre 10 porte aussi sur des "assemblées" chrétiennes, terrestres, concrètes et habituelles (qu'il ne faut pas abandonner comme quelques-uns en ont coutume), mais dans la perspective d'Hébreux leur rapport à l'"éternel" reste leur unique raison d'être.
Que ce rapport s'exprime également selon les termes d'une "eschatologie" classique (p. ex. "d'autant plus que vous voyez approcher le jour"), c'est aussi très clair, mais celle-ci n'en est pas moins profondément bouleversée par la perspective générale du rapport du temporel à l'éternel: dans la mesure où le culte et la prière chrétiens, comme la "foi" des anciens ou même à titre d'"ombres" les sacrifices de l'"ancienne alliance", la mort du Christ, des martyrs ou des simples croyants, et même toute "fin du monde" expriment diversement le même rapport, l'eschatologie se complique et se simplifie considérablement. On n'a plus affaire, comme dans la perspective pharisienne (encore présente aussi bien dans le premier paulinisme que dans divers "judéo-christianisme"), à une "fin" relative qui débouche sur un "monde à venir" plus ou moins représentable comme une "suite", mais sur une fin absolue et par conséquent non représentable. La "suite" n'est que "l'éternité" qui par définition était aussi "avant" et "pendant" tout le temps (malgré l'inadéquation foncière de toutes ces expressions, forcément temporelles). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Ven 20 Mar 2020, 13:06 | |
| "En effet, si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrifiante du jugement, l'ardeur du feu qui va dévorer les rebelles. Si quelqu'un a violé la loi de Moïse, il est mis à mort sans pitié, sur la déposition de deux ou trois témoins.Combien pire, ne le pensez-vous pas, sera le châtiment mérité par celui qui aura piétiné le Fils de Dieu, qui aura tenu pour profane le sang de l'alliance par lequel il a été consacré, qui aura outragé l'Esprit de la grâce ! Car nous connaissons celui qui a dit : C'est moi qui fais justice ! C'est moi qui paierai de retour ! Et encore : Le Seigneur jugera son peuple. " (10,26-30) C'est sur ce point que l'incompréhension du "système" apocalyptico-platonicien de l'épître aux Hébreux s'avère particulièrement désastreux, au moins sur un plan "pastoral" ou psychologique. Dans la logique du texte, le refus d'une "seconde repentance" est un strict corollaire de l'"une fois pour toutes", c.-à-d. du rapport de "l'éternité" au "temps". Le christianisme est compris comme accès à l'éternel, non comme une "religion historique" qui prendrait simplement le relais ou la relève du judaïsme pour se prolonger dans le temps comme lui, avec ses inévitables vicissitudes morales et rituelles, succession sans fin de fautes et d'expiations. Si on rate la sortie du temps vers l'éternel, si j'ose m'exprimer ainsi, on se retrouve dans une impasse; si longue soit-elle, elle ne mène nulle part: rien n'a changé au fond, il faudrait revenir au système des sacrifices qui n'existe plus "en droit", puisque le Christ l'a accompli-aboli dans le monde transitoire des "ombres", ni "en fait" depuis qu'il n'y a plus de temple. Il n'y a d'autre issue, en somme, que l'accès à l'éternel. Mais celui-ci reste ouvert "aujourd'hui", tant qu'on peut dire "aujourd'hui" (cf. chap. 3--4). A cette "logique" de fond, spécifique de ce texte, se mêlent naturellement les réminiscences d'autres thèmes du fonds commun du christianisme, comme le "blasphème contre l'esprit" de la tradition synoptique. Mais elles sont subordonnées à la logique dominante du texte, dans la mesure où celle-ci est bien comprise. Or évidemment elle l'est très peu, hors des cercles de la tradition intellectuelle alexandrine, et elle le sera de moins en moins avec le temps. Le texte hors de ses conditions d'intelligibilité originelles est inéluctablement pris dans des problématiques étrangères (montanisme, novatisme, donatisme, notamment autour de la question des lapsi qui ont abjuré le christianisme sous les persécutions: peuvent-ils ou non "se repentir" et être à nouveau admis dans l'Eglise ?). La récupération de ce texte (mal compris comme indiquant l'impossibilité d'un "second repentir" sur un plan purement temporel) par les "hérésies" les plus intransigeantes rendra suspect toute l'épître aux Hébreux aux yeux d'une "orthodoxie catholique" qui adopte de fait une position plus conciliante (admettant une "seconde repentance") en fonction des nécessités historiques. https://etrechretien.1fr1.net/t1204-l-impossible-repentir-epitre-aux-hebreux |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Ven 20 Mar 2020, 13:46 | |
| L'ensemble de ce fil (celui que tu cites) mérite, je crois, d'être (re-)lu attentivement.
La menace du jugement, de la condamnation et du châtiment qui revient aux chapitres 6 et 10 (+ 12,16s) fait partie intégrante du jeu d'ombres et d'images temporelles de l'éternel, au même titre que ce qui lui est opposé -- repentance ou sacrifice unique, dont la répétition est impossible. Son but n'est autre que de ramener les égarés à l'unique rapport possible à l'éternel, qui est en fait toujours accessible (aussi longtemps qu'on dit "aujourd'hui"). L'auteur semble toutefois conscient du risque de malentendu, puisqu'il tente à chaque fois d'en écarter ses lecteurs (6,9ss; 10,32ss; 12,18ss). C'est toutefois peine perdue pour le lecteur étranger à sa pensée, qui n'a rien compris à la logique profonde du texte et le prendra fatalement pour une sentence de condamnation sans appel. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Ven 20 Mar 2020, 14:04 | |
| Merci infiniment Narkissos pour ces éclaircissements.
Au chapitre 10, nous trouvons, sinon développée, du moins nettement indiquée, une argumentation dogmatique qui est en relation étroite avec la thèse centrale affirmée dans l'épître, avec la théorie du sacrifice du Christ. D'après notre auteur, la rédemption est opérée par l'offrande que le Christ fait de son propre sang dans le sanctuaire céleste, sanctuaire dont le tabernacle terrestre n'est que l'image, tout comme le sacrifice offert, une fois chaque année par le souverain sacrificateur juif, n'était que l'image du sacrifice du Christ. Ce sacrifice de la nouvelle alliance est seul efficace, seul il efface les péchés et cela d'une manière si parfaite qu'il n'a pas à être répété et qu'il ne peut pas l'être. Lorsqu'un pécheur se convertit, les péchés qu'il a commis et qui le vouent à la mort sont expiés et pardonnes, il échappe aux puissances mauvaises (1) et est ainsi mis en état de réaliser sa véritable destinée qui est d'avoir accès à la vie céleste, conçue, semble-t-il, plus comme une réalité spirituelle opposée à la réalité matérielle du monde terrestre que comme une économie future opposée à l'économie actuelle. Il n'y a pas, dans l'épître aux Hébreux, de doctrine précise sur les conditions dans lesquelles le salut, réalisé en principe et d'une manière générale par le sacrifice du Christ, devient une réalité personnelle pour chaque pécheur qui se convertit et est ainsi individuellement approprié. Ce fait est extrêmement frappant quand on pense à l'importance qu'ont, dans la théologie paulinienne, la notion de la foi et de la vie en Christ dont elle est la condition el, dans la théologie johannique, celle de la nouvelle naissance; il n'est pas isolé, mais il caractérise la théologie de l'époque à laquelle appartient l'épître aux Hébreux. https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1930_num_44_40_20242 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Sam 21 Mar 2020, 23:49 | |
| L'exégèse "libérale" (protestante, ainsi Goguel après Schweitzer) ou "moderniste" (catholique marginale, p. ex. Loisy) de la première moitié du XXe siècle nous paraît aujourd'hui obnubilée par son schéma historique, linéaire et évolutionniste. En simplifiant à peine: d'abord l'eschatologie futuriste et imminente (Naherwartung) supposée aller de soi chez Jésus et les apôtres, Paul y compris; ensuite seulement, à cause du "retard de la parousie", émergence de conceptions "spiritualisées" et "actualisées" de l'eschatologie, voire franchement "intemporelles" (deutéro-pauliniennes, johannisme et épître aux Hébreux qui se trouvent mis dans le même sac sur cet unique critère). Ce genre de chose se répète encore beaucoup dans le grand public, mais ça ne tient absolument pas la route: les conceptions peu ou pas du tout eschatologiques sont aussi anciennes dans les (proto-)christianismes et les judaïsmes qui les précèdent -- aussi bien chez les sadducéens de Jérusalem que chez les judéo-hellénistes d'Alexandrie et d'ailleurs. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Dim 22 Mar 2020, 11:37 | |
| - Citation :
- D'après notre auteur, la rédemption est opérée par l'offrande que le Christ fait de son propre sang dans le sanctuaire céleste, sanctuaire dont le tabernacle terrestre n'est que l'image, tout comme le sacrifice offert, une fois chaque année par le souverain sacrificateur juif, n'était que l'image du sacrifice du Christ. Ce sacrifice de la nouvelle alliance est seul efficace, seul il efface les péchés et cela d'une manière si parfaite qu'il n'a pas à être répété et qu'il ne peut pas l'être.
Quelle signification peut-on attribuer à la partie du texte de la lettre aux Hébreux? L'auteur semble se référer aux sacrifices pratiqués dans l'antique Israël. S'agit-il d'une pure recherche épistolaire? Ou bien le rédacteur croyait-il que Jésus était vraiment le pendant moderne de sacrifices anciens? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Dim 22 Mar 2020, 13:35 | |
| Tout à son schéma historico-critique, Goguel (ta citation) ne voit pas du tout ce qui fait la particularité "philosophique" de l'épître aux Hébreux -- ce n'est pas un reproche personnel, c'est une affaire d'époque; en la matière, du reste, l'aveuglement s'est poursuivi beaucoup plus tard, relancé après la Seconde Guerre mondiale et surtout dans les années 1970 par la hantise de l'antisémitisme, qui conduisait les exégètes à écarter de l'interprétation du NT tout ce qui avait l'air "grec", en privilégiant au contraire des "sources juives", c'est-à-dire phariséo-rabbiniques (sans penser alors à la réduction absurde que cela imposait à la diversité du judaïsme antérieur, notamment hellénistique).
Dans la "typologie" de l'épître aux Hébreux (où, pour rappel, le "type", "paradigme" ou "modèle" est céleste, et l'antitype, l'hypodigme, la copie ou l'ombre, terrestre), Jésus n'est certainement pas le "pendant moderne" de quoi que ce soit. La correspondance ne s'établit pas d'un point A à un point B situés sur une même ligne temporelle, mais entre tout le temporel (le monde des "ombres") et l'éternel, provisoirement figuré comme "céleste". Réduit à un événement passé, le "sacrifice" de Jésus ne sauverait pas davantage que les sacrifices du temple; sa valeur unique est allégorique au sens le plus strict, elle consiste à indiquer le passage du temporel à l'éternel, indéfiniment accessible à l'"aujourd'hui" de la foi et qui n'a d'autre horizon temporel que la mort de chacun. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Dim 22 Mar 2020, 16:56 | |
| Si je comprends bien tes explications, Jésus ne serait que la porte menant du temporel à l'éternel ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Dim 22 Mar 2020, 23:10 | |
| C'est en tout cas (à peu près) ce que je comprends de l'épître aux Hébreux (sans préjudice, bien sûr, de toutes les autres interprétations du rôle de Jésus dans le reste du NT); j'objecterais seulement à ta tournure restrictive ("ne... que", comme si ce n'était pas grand-chose): pour l'auteur cette fonction-là est infiniment supérieure à toutes les autres (purification, expiation, rémission des péchés, régénération, justification, sanctification-consécration, salut, etc.; cf. 6,1ss) qui n'en sont que des images -- et littéralement indépassable (comme "l'éternel" même).
Si la métaphore de la "porte" n'y est pas (sauf en 13,12ss, probablement une "pièce rapportée"), elle y a beaucoup d'analogues, notamment le "chemin" (hodos, 9,8; 10,20; cf. 3,14); "entrer" (eiserkhomai, 3,11.18s; 4,1.3.5s.9s; 6,19s; 9,12s.24s), "approcher" (proserkhomai, 4,16; 7,25; 10,1.22; 11,6; 12,18-22), le "pionnier" qui ouvre la voie (arkhègos, 2,10; 12,2), etc. -- la destination étant toujours "l'éternel", ou le céleste comme figure de "l'éternel". |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: La lettre aux Hébreux son contenu et son auteur éventuel. Lun 23 Mar 2020, 16:45 | |
| Non, non je ne pense pas qu'être La Porte menant du temporel à l'éternel soit de peu de valeur, bien au contraire. Mais cela change tout ce que j'ai pu en retirer auparavant : valeur sacrificielle, exemplarité, modèle à suivre.
Cette notion de porte menant à ... me parait très gnostique. |
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