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 Une pensée du langage dans la Bible?

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le chapelier toqué
Narkissos
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeMar 28 Déc 2021 - 16:05

Cet article est un vrai "serpent de mer" dans ce forum, il ressort plus ou moins régulièrement à toute sorte d'occasion et de propos (p. ex. ici 24.2.2020, mais ce n'était probablement pas la dernière fois et assurément pas la première) -- il est vrai que l'étendue de son thème s'y prête, et que la matière en est très riche, surtout dans les notes.

Chez Philon en effet il y a une vraie réflexion (médio-platonicienne) sur le langage, notamment dans De Migratione Abrahami 76ss (dont je ne trouve malheureusement plus de traduction française en ligne; voir éventuellement la vieille traduction anglaise de Yonge ici): en résumé trop rapide, Moïse (d'après Exode 3ss) est du côté de la contemplation divine, idéale, intelligible selon une représentation essentiellement optique de l'intellect (lumière, image, forme, vision, "idée"); Aaron figure le pouvoir de la parole et du raisonnement articulé, nécessaire face à l'Egypte matérielle, sensible et sensuelle, et à ses mages assimilés aux "sophistes", donc à une parole présumée "folle" ou délirante, livrée à elle-même, déconnectée de tout concept-idée intelligible. Dans Quod Deterius... 75ss (ici, toujours en anglais), à propos de Caïn et Abel, les idées, concepts ou vertus inscrits ou "imprimés" (sceau et empreinte, type et antitype, paradigme et hypodigme, modèle et copie, corps et ombre, bref toute la série platonicienne dont nous avons souvent parlé au sujet de l'épître aux Hébreux) dans les noms ou enfouis dans les choses ne sont pas perdus à la mort de leurs interprètes (Abel), mais peuvent toujours être retrouvés par un intellect adéquat; en 126ss c'est encore Moïse et Aaron, avec l'idée très belle (à mon goût) que le langage est un fardeau pour l'esprit contemplatif (Moïse), qui pour communiquer a besoin d'un autre (Aaron) qui vienne à sa rencontre et se fasse son interprète verbal. Par ailleurs, la distinction des "genres" et des "espèces" (Legum Allegoriae, II, 9) suppose la combinaison des deux récits de création (Genèse 1--2,4a / 2,4b--3): c'est dans le premier que Dieu créerait et nommerait les "genres", et dans le second qu'Adam nommerait les "espèces" (même si ça ne correspond pas aux traductions usuelles en français, qui parlent d'"espèces" en Genèse 1).

En Jubilés 12,25s (ici en anglais, traduction française téléchargeable là) l'hébreu comme "langue originelle", disparu à Babel, est miraculeusement révélé à Abraham (cf. aussi chap. 43, pour le dialogue de Joseph et de ses frères en hébreu).

Voir également la note 50 de Bovon sur le point que j'évoquais précédemment, les "noms de baptême".

Je pense qu'il faudrait nuancer ce qui est dit du stoïcisme: si les stoïciens insistaient sur le rapport essentiel du logos ("rationnel") au kosmos, ils insistaient tout autant sur le caractère "artificiel" ou "irréel" (au sens de non-chose, res), plus exactement "incorporel" du langage -- qui précisément se rapporte aux "choses" ou aux "corps" parce qu'il n'est pas une "chose" ou un "corps" comme ou parmi les autres (voir là-dessus Deleuze, Logique du sens, d'après Bréhier, Les stoïciens). Le débat ressortira sous une tout autre forme au moyen-âge, avec la fameuse "Querelle des universaux" opposant les "réalistes" aux "nominalistes": pour reprendre des exemples classiques, "l'homme" ou "le cheval" (nom commun, signifiant-signifié générique, "idée" ou "essence" du "genre" ou de l'"espèce") est-il ou existe-t-il, comme tel homme ("être humain") ou tel cheval concret, celui-ci ? Evidemment non (si l'on prend en considération la dernière précision, comme....), mais puisqu'il n'est pas tout à fait "rien" il faut bien lui accorder une sorte d'"être", autre, supérieur ou inférieur pour une pensée hiérarchisée. Les conséquences de cette question élémentaire ou enfantine sont incalculables, aussi bien en "philosophie" (pour la pensée de l'"être" comme univoque, plurivoque ou analogique) qu'en "théologie" ("Dieu" est-il ou non, et comment ? est--il ou non comme "genre", in genere, et "cas" unique du "genre", ou ni comme l'un ni comme l'autre ?), et il y va toujours du rapport du "langage" à la "réalité", ou des "mots" aux "choses" (verbum / res).
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeMar 26 Déc 2023 - 13:55

Revenant à ce fil d'une conversation avec cabri, je m'étonne que nous n'y ayons pas (sauf erreur de ma part) cité le célébrissime psaume 19:

Citation :
Les cieux racontent (spr, conter, compter, mais aussi écrire, d'où le "livre" et le "scribe", sepher, sopher; et, en passant par l'arabe sifr = 0, notre mot "chiffre") la gloire d'El (ou du dieu, de Dieu),
le firmament annonce l'oeuvre de ses mains;
le jour au jour fait jaillir le dit,
la nuit à la nuit souffle le savoir;
il n'y a pas de dit, il n'y a pas de mots,
sans entente (de) leur voix;
sur toute la terre sort leur ordre,
jusqu'aux confins du monde leurs paroles
-- en eux la tente du soleil,
comme un marié sortant de sa chambre nuptiale,
joyeux comme un héros de courir son chemin;
d'une extrémité des cieux sa sortie,
jusqu'à l'extrémité des cieux son parcours,
rien n'est caché à sa chaleur.
---
La loi (torah, nomos) de Yahvé est parfaite, etc.

Au-delà des ambiguïtés du texte et de sa "préhistoire" incertaine (collage de deux poèmes originellement indépendants, ajout d'un développement sur la Torah à un psaume "cosmique", ou contraste intentionnel dès le départ ?), l'opposition forte, quoique bancale, entre un "univers" qui parle sans parler et une Torah intégralement verbale, mais décrite métaphoriquement dans ses effets matériels et corporels, physiques et physiologiques (elle ranime l'âme, fait briller les yeux, douce comme le miel etc.) me paraît tout à fait pertinente à cette discussion (qui mérite d'être relue; d'ailleurs en la relisant je m'aperçois que ce psaume a bien été évoqué mais à peine, au détour d'une phrase, 21.1.2011...).
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeJeu 4 Jan 2024 - 11:55

"Les cieux racontent la gloire de Dieu" : sur l'unité et la théologie du Ps 19

Le Psaume 19 se présente, dans la tradition de l'hébreu aussi bien que dans celle des versions, comme un seul poème. Toutefois, la critique biblique moderne a proposé d'y voir deux pièces distinctes (v. 1-7 et v. 8-15), que les éditeurs du Psautier auraient mises bout à bout. L'absence de titre en tête du Ps 19B expliquerait que celui-ci a été compté pour un seul avec le Ps 19A. En fait, le Psaume 19 met en parallèle deux modes de la révélation divine: d'une part, la révélation naturelle dans l'ordre cosmique et, d'autre part, la révélation dans la Torah. Par rapport aux cieux et au cosmos, la Torah possède donc cette double supériorité de parler le langage des hommes et de révéler le nom de Dieu: le tétragramme sacré, YHWH, n'apparaît que dans la deuxième partie du psaume, où il est répété jusqu'à sept fois. La liturgie cosmique est célébration de la gloire d'un dieu anonyme; grâce à la Torah, le croyant connaît le Nom de Dieu; grâce à elle, la créature peut entrer en dialogue avec le Créateur et lui adresser en retour des mots qui puissent lui plaire (v. 15). C'est pourquoi, dans l'économie actuelle du poème, la première partie — quelle qu'en soit l'origine — n'a de raison d'être qu'en fonction de la suite: la pointe du poème est de valoriser la Torah dans une comparaison avec les cieux, comparaison qui est tout entière à l'avantage de la Torah.

https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:92645
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeJeu 4 Jan 2024 - 12:14

La conférence d'Auwers était sûrement intéressante, mais son texte ne semble pas disponible...

Au passage, je rappelle que le sens du mot tora(h) a lui-même beaucoup changé, de l'instruction divine et particulièrement sacerdotale, orale et ponctuelle quoique traditionnelle, à "la Torah" identifiée à la totalité du Pentateuque, traduite en grec par nomos et en latin par lex, "loi" ou "Loi" écrite bien que le contenu de "la Torah"-livre(s) ne soit que très partiellement "législatif" -- en passant naturellement par beaucoup d'acceptions intermédiaires, différant non seulement selon les époques mais aussi et surtout selon les milieux, ici ou là plutôt rituelle, morale, sapientiale... La lecture de la deuxième partie du Psaume (19B) varie considérablement selon la façon dont on entend "torah" (de Yahvé, effectivement distinct de l'El de 19A comme on l'a déjà remarqué).
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeVen 5 Jan 2024 - 10:34

Peut-on parler de l'origine du langage ?

Dans le texte biblique, la création du langage se trouve partagée entre Dieu et sa création, l’homme. C’est naturellement Dieu qui a le premier
mot :

« Dieu dit : “ Que la lumière soit ! ” Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le premier jour » (Genèse, chapitre I, 3-5).

Texte complexe, on le voit. La profération du nom lumière dans un contexte performatif suffit pour créer la lumière, et la séparer des ténèbres, qui, elles, existaient sans avoir à être nommées. Mais, sitôt créée, la lumière reçoit de Dieu un autre nom, jour, ainsi que les ténèbres, qui reçoivent le nom de nuit. Ces nouveaux noms n’éliminent pas les anciens. Ils les complètent en instituant l’opposition périodique du jour et de la nuit.

Cependant, ce n’est pas Dieu qui a le dernier mot. Une fois la création terminée, c’est à l’homme tout frais créé que revient la tâche de la dénomination des êtres vivants, qui restent encore dépourvus de noms :

« L’Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme. Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais pour l’homme, il ne se trouvait point d’aide qui fût semblable à lui » (Genèse, II, 19-20)

S’ensuit la création de la femme à partir d’une côte d’Adam préalablement endormi. Et c’est de nouveau Adam qui se charge de donner à la femme son nom :

« celle-ci s’appellera d’un nom qui marque l’homme, parce qu’elle a été prise de l’homme » (Genèse, II, 23).

Deux traits à remarquer particulièrement dans cette belle mise en scène de l’origine du langage. D’une part la création du langage se fait en deux temps. Elle est d’abord contemporaine de la création de l’Univers par Dieu. Les deux créations en viennent même à se confondre : il est difficile de décider si Dieu nomme en créant ou crée en nommant. Mais il ne prend pas la peine de nommer les êtres vivants : il laisse ce soin à l’homme, Adam. Les mots se répartissent donc en deux classes, selon leur origine, divine ou humaine. Second trait important : le texte de la Genèse ne parle que d'une classe de mots. Qu’ils soient créés par Dieu ou par Adam, ce sont exclusivement des noms, au sens « sémantique » du terme, c’est-à-dire des désignations d’objets. Renan en 1849 puis en 1858, dans son De l’origine du langage, en fera la remarque d'une façon extrêmement lucide :

« Il n'est question dans le passage de la Genèse que d'une certaine classe de mots et non du langage en général ; on expliquerait tout au plus par ce passage la formation du dictionnaire, mais non celle de la grammaire » (1858: 84).

(...)

Mais il n’est pas nécessaire d’interdire ou d’écarter l’examen d’un problème pour ne pas avoir à le traiter. Il suffit de dire qu’il ne se pose pas. C’est à ce traitement qu’est soumis le problème de l’origine du langage chez certains linguistes ou philosophes du langage. En dépit du titre qu’il donne à son ouvrage – De l’origine du langage, que j’ai déjà cité – c’est ce que fait Renan :

« C’est donc un rêve d’imaginer un premier état où l’homme ne parla pas, suivi d’un autre état où il conquit l’usage de la parole. L’homme est naturellement parlant, comme il est naturellement pensant, et il est aussi peu philosophique d’assigner un commencement voulu au langage qu’à la pensée » (1858 : 91-92).

https://shs.hal.science/halshs-00820598/file/Peut-on_parler_dA_f.pdf
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitimeVen 5 Jan 2024 - 12:32

Bible à part, je ne saurais trop recommander la lecture intégrale et attentive de cet article qui expose avec une clarté exceptionnelle, et un humour bienvenu, l'aspect contemporain de la question -- depuis l'avènement d'une linguistique autoréférentielle, structurale et synchronique par définition (exemplairement saussurienne), qui s'interdit méthodologiquement toute réflexion ou spéculation sur l'origine, et par là même sur l'essence, de son "objet". La chose est d'importance puisque la méthode a largement débordé de son champ initial, à l'époque dite structuraliste, au point d'aboutir à une sorte de paralysie générale ou d'auto-immunité de la pensée, d'un langage en définitive incapable de parler de lui-même comme d'autre chose que de lui-même, sinon dans l'illusion d'une réflexivité métalinguistique à laquelle il ne peut même plus croire (il n'y a pas de métalangage, disait Lacan). Toute la pensée du XXe siècle est, de plus en plus consciemment, aux prises avec cette aporie -- on en retrouvera quelques échos à notre modeste échelle dans cette discussion récente, là où elle s'efforce (vainement à mon sens) de démêler "pensée" et "langage".

Pour revenir à la Bible, et spécialement à la nomination dans le second récit de la Genèse, on se rappellera aussi les références à Walter Benjamin à la reprise du présent fil en août 2015 (p. 3 chez moi). Bien entendu, j'insisterais davantage sur les différences entre les deux récits, mais leur juxtaposition oblige bien à les comparer et à confronter la nomination divine du premier (nomination en deux temps comme nous l'avons déjà remarqué, implicite dans le discours direct et explicite dans la narration, "qu'il y ait A" -> "et Dieu appela A A'") et la nomination humaine du second (non seulement des animaux mais de la femme, "femme" d'abord et "Eve" ensuite, nom commun et nom propre si l'on veut; la question de savoir si les noms des animaux sont des noms communs ou propres, d'"espèces" ou d'"individus", restant d'ailleurs ouverte).
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MessageSujet: Re: Une pensée du langage dans la Bible?   Une pensée du langage dans la Bible? - Page 4 Icon_minitime

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