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 Le culte de YHWH au temps de Jésus

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Narkissos
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 10 Jan 2022, 17:38

UN NOUVEAU PEUPLE APPELÉ DU NOM DE DIEU

12 Par Jérémie, Jéhovah avait révélé son intention de conclure « une alliance nouvelle » avec une nation nouvelle, l’Israël spirituel. « Eux tous [les membres de cette nation] me connaîtront, du plus petit d’entre eux au plus grand d’entre eux », avait-​il précisé (Jér. 31:31, 33, 34). Cette prophétie a commencé à s’accomplir à la Pentecôte 33 de n. è., quand Dieu a conclu la nouvelle alliance. La nouvelle nation, l’« Israël de Dieu », composée de Juifs et de non-Juifs, est devenue « un peuple pour [le] nom [de Dieu] » ou, comme le dit Jéhovah, des « gens qui sont appelés de mon nom » (Gal. 6:16 ; lire Actes 15:14-17 ; Mat. 21:43).

13 En tant que « gens qui sont appelés [du] nom [de Dieu] », les membres de cette nation spirituelle employaient le nom divin, et ce très certainement lorsqu’ils citaient les Écritures hébraïques*. Donc, quand l’apôtre Pierre s’est adressé à un auditoire cosmopolite de Juifs et de prosélytes à la Pentecôte 33, il a utilisé le nom de Dieu de nombreuses fois (Actes 2:14, 20, 21, 25, 34). Les premiers chrétiens honoraient Jéhovah qui, en retour, bénissait leurs efforts dans la prédication. Pareillement aujourd’hui, Jéhovah bénit notre ministère quand nous proclamons fièrement son nom et le montrons à ceux qui nous écoutent, si possible dans leur propre bible. Ainsi, nous leur « présentons » le vrai Dieu. Quel privilège, pour eux et pour nous ! Ces présentations peuvent être le début d’une magnifique amitié avec Jéhovah qui se renforcera toujours et durera pour l’éternité.

14 L’apostasie a plus tard contaminé la congrégation primitive, surtout après la mort des apôtres (2 Thess. 2:3-7). De faux enseignants ont même adopté la tradition juive consistant à ne pas employer le nom divin. Mais Jéhovah allait-​il permettre qu’on efface son nom-mémorial ? Jamais ! Il est vrai que la prononciation exacte s’est perdue, mais le nom est resté. Au fil du temps, il a été employé dans différentes traductions de la Bible, ainsi que dans les écrits de biblistes. Par exemple, en 1757 Charles Peters a écrit que, contrairement aux nombreux titres de Dieu, « Jéhovah » « semble exprimer le mieux son essence ». En 1797, Hopton Haynes a introduit ainsi le chapitre 7 d’un livre sur le culte de Dieu : « JÉHOVAH le nom propre de DIEU chez les Juifs ; qu’ils adoraient lui seul ; ce qu’ont fait aussi Christ et ses Apôtres. » Henry Grew (1781-​1862) a non seulement utilisé le nom de Dieu, mais aussi affirmé qu’il avait été sali et devait être sanctifié. George Storrs (1796-​1879), proche collaborateur de Charles Russell, se servait du nom divin, ce que faisait aussi Russell lui-​même.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2013206
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 10 Jan 2022, 18:14

Le seul "nom" (propre, personnel, "divin" au moins au sens de non simplement "humain" ou de "plus qu'humain") mentionné en Actes 15 -- comme dans l'ensemble du livre et du NT -- ce serait "Jésus" (v. 26)...

Non que les Actes identifient formellement "Dieu" et "Jésus" (si ça arrive, c'est plutôt par lapsus, exemplairement 20,28), mais ils ne font assurément rien pour les distinguer; en tout cas le seul "nom" (onoma) de type "divin" qu'ils emploient, suivant toutes les formules appliquées au nom de Yahvé dans l'AT (en hébreu ou en grec dans la Septante: au nom de, pour le nom de, invoquer le nom, etc.), c'est bien "Jésus" (cf. 2,21.38; 3,6.16; 4,7.10.12 [noter l'insistance sur le seul nom, "il n'y en a pas d'autre"], 17s.30; 5,28.40s; 8,12.16; 9,14ss.21.27.29; 10,43.48; 16,18; 19,5.13.17; 21,13; 22,16; 26,9; voir aussi 18,15 qui pourrait suggérer que ce qui oppose les "chrétiens" aux juifs est entre autres une affaire de noms).

Mais la Watch a tellement bien verrouillé les esprits (par la substitution de Jéhovah à kurios dans la TMN, seule bible utilisée ou presque par les TdJ, par les annotations qui mettent des traductions tardives du NT en hébreu, les références en "J", sur le même plan que les plus anciens manuscrits grecs du NT lui-même, par l'idée des "premiers chrétiens lisant l'hébreu" et par les allégations sur le tétragramme dans la "Septante originale", plus profondément encore par la construction quotidienne et bientôt centenaire d'une habitude et d'une affectivité religieuses autour du nom de "Jéhovah" plutôt que de "Jésus") qu'il est quasiment impossible à un TdJ de s'en rendre compte, à moins de faire sauter d'un coup tout cet échafaudage (ce qu'il peut certes être amené à faire, mais généralement pour de tout autres raisons qu'un simple doute sur cette question-là).
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 12 Jan 2022, 12:46

Narkissos,

Un grand MERCI pour cette explication limpide et éclairante. 


Ce que j’ai, je te le donne

Ce miracle s’accomplit par la vertu du nom de Jésus-Christ. Il s’agit clairement du Christ ressuscité, tout le contexte le montre. Quand Pierre dit : « Par le Nom de Jésus-Christ, je te le dis : lève-toi et marche  », il ne pose pas un acte magique, mais un acte de foi. Il ne demande pas la foi du malade, mais il exprime la sienne dans la puissance de salut du Christ ressuscité. Pour bien comprendre ce qu’il dit et ce qu’il fait, il faut se rappeler la place du nom divin dans la foi et la religion d’Israël. Le nom est le substitut de la personne. En le prononçant, en l’invoquant, on ne met pas la main sur Dieu, mais on fait le mémorial, on se souvient de ce qu’il a voulu révéler de lui-même et de son dessein de salut dans l’histoire son peuple. Il adonné son Nom comme le signe de sa présence et de son alliance ; tel est le sens mystérieux de son Nom révélé à Moïse (Ex 3, 15) : YHWH : « Je suis avec toi ; je serai qui je serai, libre et fidèle ».

Or, Pierre transpose maintenant sur le nom du Seigneur Jésus-Christ ce que sa foi d’Israélite croyait et vivait quand il invoquait le nom du Seigneur Dieu. Il est convaincu que Jésus ressuscité nous est révélé par Dieu comme celui en qui se réalise tout ce que son Nom divin promettait de présence, tout ce qu’il signifiait de sa volonté de salut, tout ce qu’il appelait de foi, d’obéissance et de service. « Le salut ne se trouve en aucun autre, car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les humains par lequel nous devions être sauvés  » (Ac 4,12). Le nom divin, transcendant et sauveur, reçoit maintenant la figure de Jésus ressuscité. Invoquer le nom de Jésus-Christ, agir en son nom, équivaut à invoquer le nom de Dieu, à se placer dans la même mouvance de sanctification et de salut que lui. C’est une affirmation implicite de la divinité de Jésus. Désormais Pierre et les apôtres sont prêts non seulement à parler et agir « dans le Nom  » du Seigneur Jésus, mais aussi à « souffrir pour le Nom  » (5, 41). C’est là leur grande et leur seule richesse : «  De l’argent et de l’or, je n’en dispose pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : dans le Nom de Jésus-Christ, le Nazôréen, lève-toi et marche » (3, 6).

https://www.academia.edu/31962197/ONOMASTIQUE_ET_POUVOIR_%C3%80_PROPOS_DES_ACTES_3_1_16
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 12 Jan 2022, 15:14

Etude très intéressante (il n'est pas courant de voir un mariage aussi réussi entre des méthodes "académiques" traditionnellement "blanches" -- pour ne pas dire "occidentales" ou "européennes", car ce n'est pas une affaire de géographie -- et une perspective authentiquement africaine).

Parler du "nom" comme "substitut de la personne", ça peut être relativement juste selon la façon dont on l'entend (sauf qu'on ne trouvera pas ce genre d'énoncé dans la Bible, ni dans une culture traditionnelle qui utilise les noms sans théoriser leur "essence", leur fonction ni leur usage), mais ça peut aussi conduire à des aberrations, notamment quand les traducteurs se croient autorisés à (ou en devoir de) remplacer un nom donné par un autre, un nom propre par un nom commun, un substantif ou une périphrase, et même le mot "nom" par autre chose. Le "nom" peut "représenter" la "personne" (l'homme, la femme ou l'enfant, le dieu, l'esprit, mais aussi l'animal ou la chose, le lieu p. ex.) comme moyen d'appel ou d'interpellation, d'appellation ou de désignation, d'invocation ou de convocation, il n'EST pas la "personne", encore moins la "personnalité", l'"identité" ou autres abstractions (typiquement "blanches") de ce genre...

Il me paraît en outre délicat (mais ce n'est qu'un autre aspect du même problème) de distinguer quelque usage du nom de la "magie" -- ce qui serait d'ailleurs une forme de "magie", un geste "apotropaïque": surtout pas la magie, Dieu nous en garde !): le "nom" implique au contraire une évidente continuité d'usage entre les rituels secrets et "exotériques", licites et illicites, religieux ou profanes (car il y va aussi du "rituel" dans n'importe quelle mention ou écriture de n'importe quel nom) -- bien sûr il y a des différences, on n'invoque pas un dieu comme on interpelle un subalterne ou comme on appelle son chien, mais le nom c'est toujours le nom -- et même le mot "nom" quand il se substitue à un "nom" effectif (exemplairement dans le Notre Père) se charge dans une certaine mesure de son "essence", de sa "nature" ou de sa "fonction".

Par rapport à la fin de l'article, je serais peut-être plus attentif à la différence des langues: les textes du NT sont grecs (pour les Actes en tout cas ça ne fait aucun doute), et on n'y trouve pas de Yeshoua`, seulement un Ièsous; si on y met de l'hébreu ou de l'araméen on quitte le texte pour reconstruire une "histoire", qu'on imagine celle-ci derrière le texte grec ou produite par celui-ci. Je ne suggère évidemment pas qu'il faudrait transcrire Ièsous dans toutes les langues, mais au contraire que c'est le nom de référence dans la communauté lectrice-auditrice (donc en français "Jésus") qui compte (comme la Septante était naturellement passée de Yeshoua` à Ièsous). Quand au contraire on réintroduit artificiellement de l'exotisme linguistique dans un discours religieux (Yeshoua plutôt que Jésus) -- ce que fait parfois le NT avec ses transcriptions de l'hébreu ou de l'araméen dans le texte, Amen, Alleluia, Hosanna, Maranatha etc., mais justement pas pour "Jésus" et dans Luc-Actes nettement moins qu'ailleurs -- on renforce intentionnellement ou non son aspect "magique".
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeJeu 13 Jan 2022, 17:26

II. QUESTIONNEMENT

La cause est-elle entendue pour les deux premiers textes ? L’énigme est-elle résolue ? Avons-nous, après des énoncés semblant exclure toute précision, deux noms du Christ exalté clairement proposés : « Seigneur » dans l’Épître aux Philippiens et « Fils » dans l’Épître aux Hébreux ? Pour ce qui concerne Philippiens 2,9-11, une lecture attentive fait naître une gêne et ressentir une difficulté, bien que, apparemment, elles ne s’imposent pas à tous. Si l’on prend le temps de considérer posément ces versets, des questions surgissent. Si l’hymne s’arrêtait au v. 10, la pensée serait étonnante mais claire : on conclurait vraisemblablement que le nom « Jésus » serait ce nom unique devant lequel tous les êtres devront se courber. Pensée étonnante, car il est curieux que ce soit le nom « humain », le « nom d’humiliation » qui soit ainsi sélectionné, mais on ne pourrait guère échapper à cette déduction. Quelques auteurs se sont inclinés devant cette logique qu’induit la séquence des v. 9-10, discernant une volonté de construire un contraste saisissant : l’élévation de l’humilié. Mais le paradoxe a paru trop violent et, surtout, l’adjonction du v. 11 relance la question, la compliquant en un sens. Ce verset a l’air de redire en d’autres termes la supériorité du Christ Jésus et sa domination énoncées au v. 9 puis au v. 10, et il fait intervenir trois termes qui sont autant de noms et de titres connus : « Seigneur », « Jésus », « Christ ». Plusieurs ont ressenti la complexité des relations entre ces trois versets et ont mis en question l’assurance avec laquelle la plupart opte en faveur de κύριος. L. Cerfaux l’exprime ainsi : « Ce nom au-dessus de tout nom est-ce vraiment ou est-ce tout à fait Kyrios ? On peut au moins en douter ». Pour lui, le nom, c’est la dignité du Christ, et, au v. 11, κύριος est un attribut qui appartient à « une acclamation » : et « pour que l’acclamation finale ne soit pas une pure tautologie, il faut que le nom de Jésus exprime une dignité qui sera source de l’adoration et de la confession de sa souveraineté ; il ne peut être κύριος qui exprime précisément cette souveraineté ; on cherchera plutôt, bien au-delà du titre κύριος, une réalité plus profonde, un “Nom” inaccessible, indicible ». Un autre exégète de renom partageait ce sentiment, J.-B. Lightfoot : « Mais ici […] nous devrions probablement prendre en considération un sens hébreu très commun de “nom”, n’impliquant pas une appellation précise mais signalant un office, un rang, une dignité ». L’arrière-plan vétérotestamentaire en suggérerait la portée. On enregistre un écho de ces interrogations chez quelques auteurs récents. F. Bovon, dans un article « Des noms et des nombres dans le christianisme primitif », écrit à propos de Philippiens 2,9-11 : « À mon avis, le nom donné à l’envoyé divin lors de la résurrection n’est ni “Seigneur”, ni “Jésus”, mais un nom ineffable ». M. Silva note plusieurs difficultés soulevées par la solution κύριος et se rallie en définitive à l’interprétation de C. F. D. Moule, celle d’une signification nouvelle donnée au nom Jésus en rapport avec son exaltation 17. I. H. Marshall juge qu’il faut probablement retenir κύριος, mais, il le reconnaît, une incertitude demeure.

(...)

III. LES NOMS SECRETS

(...)

Les noms divins soulèvent un problème particulier et délicat. Peut-on connaître les dieux à partir de leurs noms ? Les dieux cachent-ils leur mystère en se faisant connaître sous des noms qui ne sont pas leur nom véritable, si tant est qu’ils en ont un ? D. Aune, dans son commentaire sur l’Apocalypse de Jean, à propos du nom inaccessible mentionné en Apocalypse 19,12, fournit une longue liste de textes très divers qui témoignent de l’importance des spéculations sur les noms divins. Déjà dans la littérature grecque la plus ancienne (l’Iliade, l’Odyssée, Hésiode, Pindare), on  constate une interrogation sur la valeur des noms des dieux utilisés par les hommes. La période intertestamentaire et les premiers siècles de l’ère chrétienne poursuivent le questionnement. En 1 Hénoch 69,14, on demande à Michael de révéler le Nom caché pour l’utiliser dans un serment. Le Livre des Jubilés (36,7) exalte « le Nom glorieux, honoré, grand, illustre, merveilleux et puissant qui a créé les cieux et la terre tout ensemble ». Dans Joseph et Aséneth 14,7, on connaît le rôle, mais pas le nom du messager céleste. Les Paralipomènes de Jérémie (6, 9) énoncent cette prière de Baruch : « J’implore ta bonté, toi, le grand Nom que nul ne peut connaître ». Les textes apocalyptiques et gnostiques ne sont pas en reste. La sagesse de Jésus Christ magnifie le Nom : « Je vous ai enseigné le nom de celui qui est parfait ». Dans la Pistis Sophia, le nom est un des mystères : « Nous sommes tous avec toi, nous sommes un et tu es un. C’est le premier mystère qui a existé dès le commencement dans l’Ineffable avant qu’il ne fût sorti, et le nom de celui-ci, c’est nous tous » (I, 10). Le nom des douze Éons des Archontes, « avec leurs sceaux, leurs chiffres, la manière d’invoquer pour entrer dans leurs Lieux » (IV, 138), fait également partie des mystères. L’Apocalypse d’Abraham (10,4) s’intéresse aussi au « Nom » : « j’entendis la voix du Saint qui disait : “Va, Jaoel, toi qui portes Mon nom, par le moyen de Mon nom ineffable relève cet homme et fortifie-le en chassant son effroi !” ». D. W. Parry a attiré l’attention sur un fait significatif. Alors que le Tétragramme sacré est si fréquent dans les textes législatifs du Pentateuque, le nom divin est totalement absent des textes du même genre à Qumran. Il est exclu même des citations de l’Ancien Testament. Diverses techniques (l’auteur en compte jusqu’à neuf !) sont utilisées dans ce but, substitutions, coupures, etc. 

https://www.persee.fr/docAsPDF/rhpr_0035-2403_2009_num_89_3_1417.pdf
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeJeu 13 Jan 2022, 20:42

Bénétreau toujours sagace, subtil et prudent.

Au-delà de l'exégèse de Philippiens 2, le paradoxe est à tous les étages: un nom ineffable, imprononçable, inarticulable, inutilisable, innommable, ce n'est pas du tout un nom, et pourtant c'est ce qui exprime le mieux l'essence du nom (propre ou même commun) qui est de ne pas coïncider avec lui-même, de désigner ou de signifier un autre ou autre chose que lui-même. Le nom transcende le nom, une "transcendance" du nom est aussi une transcendance au nom et inversement, le nom est le nom de la transcendance même et le nom même de la transcendance, dans le nom (et) hors le nom, comme le dit la formule strictement contradictoire du nom non nommé (Ephésiens). Cet inexprimable ne peut s'exprimer (encore une contradiction, toujours la même) que par un jeu (au sens ludique, théâtral, musical ou mécanique) sur une pluralité de noms qui dépend d'un manque essentiel (comme dans la tradition islamique des 99 noms de Dieu: c'est l'essentiel qui manque et ce manque est l'essentiel). Ce que le judaïsme finit par produire avec le nom interdit et ses multiples substitutions, le christianisme le reproduit à sa façon avec ses multiples appellations du Christ (Jésus, Seigneur, Fils de Dieu, Fils de l'homme, logos etc.) qui réservent encore du nom inconnu ou caché, autant que par ce qui tantôt l'identifie à "Dieu" et tantôt l'en distingue.

Sur l'Evangile de Philippe ([re-]découvert en copte à Nag Hammadi en 1945) qui offre une coïncidence formelle remarquable avec Philippiens 2 (le premier "nom" qui vient au v. 10 après la mention du "nom au-dessus de tout nom", c'est "Jésus", non "Christ" ni "Seigneur" qui sont pourtant au v. 11), il vaut la peine de lire la suite qui lie le "caché" au caractère intraduisible du nom propre (je traduis provisoirement d'après une traduction anglaise, mais on peut retrouver une traduction française autorisée dans les Ecrits apocryphes chrétiens de La Pléiade): ""Jésus" est un nom caché, "Christ" est un nom révélé. C'est pourquoi "Jésus" n'est propre à aucune langue, on l'appelle toujours du nom de "Jésus". Tandis que "Christ", en syriaque c'est "Messie", en grec c'est "Christ", tous les autres l'ont sans doute dans leur propre langue. "Le Naza/ôréen" est celui qui révèle ce qui est caché: (le) Christ a tout en lui, l'homme, l'ange ou le mystère, et le Père." Ce qui n'empêche pas "Jésus" d'être "expliqué" plus loin comme "rédemption" (variante du "salut" de l'étymologie hébraïque, relayée notamment par Matthieu), "Messie" comme "Christ" (j'ignore si le sens grec d'onction est encore perceptible en copte: l'Evangile de Philippe parle beaucoup d'onction mais ne rattache pas directement cette notion au "Christ") et "mesure" (peut-être par assonance gréco-latine, sinon copte), "Naza/ôréen" comme "vérité"...
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeVen 14 Jan 2022, 14:09

Narkissos a écrit:
Au-delà de l'exégèse de Philippiens 2, le paradoxe est à tous les étages: un nom ineffable, imprononçable, inarticulable, inutilisable, innommable, ce n'est pas du tout un nom, et pourtant c'est ce qui exprime le mieux l'essence du nom (propre ou même commun) qui est de ne pas coïncider avec lui-même, de désigner ou de signifier un autre ou autre chose que lui-même. Le nom transcende le nom, une "transcendance" du nom est aussi une transcendance au nom et inversement, le nom est le nom de la transcendance même et le nom même de la transcendance, dans le nom (et) hors le nom, comme le dit la formule strictement contradictoire du nom non nommé (Ephésiens).

Je te remercie Narkissos pour ton commentaire comme toujours très pointu. Malheureusement il s'avère pour moi un peut trop pointu et c'est pourquoi je me permets de te demander de m'expliquer cette notion de transcendance, car j'avoue ne pas comprendre parfaitement ce point. Merci également à Free d'avoir cité le commentaire de Bénétreau. Même s'il convient, je parle pour moi, de relire plusieurs fois ce texte il a le mérite d'apporter quelque chose de solide et de spirituel. Cela fait du bien par les temps qui courent.
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeVen 14 Jan 2022, 17:29

J'ai parlé de "transcendance" parce que le terme était dans le titre de Bénétreau, ce n'est pas un mot ni un concept que j'affectionne particulièrement. Chaque penseur qui parle de "transcendance" la comprend différemment (même ceux qui sont "contre la transcendance", comme Deleuze, doivent en principe la définir pour "la" récuser); mais la référence "classique", toujours surplombante (sinon "transcendante"), c'est l'opposition de la "transcendance" et de l'"immanence" dans la théologie scolastique et tout ce qui en découle dans la philosophie moderne, tributaire de l'opposition chrétienne, dogmatique, orthodoxe (depuis le IIe siècle et les débats [anti-]"gnostiques"), de "Dieu" et du "monde": est "transcendant" ce qui relève de "Dieu" (grâce, surnature) et non du "monde" (création, nature); par extension (ou régression) platonicienne, ça peut être aussi l'"intelligible" (idées, etc.) opposé au "sensible" (ou "esthétique", au sens de perceptible par les sens), etc. Cette transcendance-là, toujours plus ou moins pensée comme "supériorité" dans un sens spatial et axiologique, suivant un axe vertical (supérieur ce qui est "au-dessus", en "valeur" comme dans l'espace, selon la métaphore de l'"échelle de valeurs"), aussi comme une antériorité temporelle et une primauté logique (arkhè, commencement-commandement, principe premier qui ordonne et surplombe la suite), est analogue au rapport intuitif et traditionnel du "ciel" à la "terre" -- quoique dans les textes étudiés par Bénétreau ce ne soit pas si simple, puisque le nom "au-dessus" de tout nom est aussi "au-dessus" du "céleste".

Pour ma part je ramène la "transcendance" à son sens élémentaire de dépassement -- même pas forcément "vertical": le verbe latin scando signifie certes monter (d'où ascension, ascendance, mais aussi descente ou descendance), mais le préfixe trans- signifie simplement "au-delà", "plus loin"  dans un sens horizontal, que celui-ci passe ou non "par/au-dessus" (cf. transalpin, transatlantique, mais aussi transe, transit, transition, translation, transport, transfert; ou l'emploi de l'anglais over dans over the seas comme dans over the rainbow, de l'autre côté, comme on dit outre-mer ou ultramarin; over there est simplement "là-bas"). Ce mouvement de dépassement, qui surmonte, déborde ou franchit une limite, je le retrouve dans les fonctions les plus ordinaires du langage, notamment la nomination: le nom propre ou commun se dépasse (se transcende) par définition, il désigne ou signifie, appelle ou invoque quelqu'un ou quelque chose d'autre que lui-même, au-delà de lui-même, en sautant en quelque sorte par-dessus et par-delà lui-même. Un nom au-dessus ou au-delà de tout nom n'est sans doute plus un nom, un nom imprononçable, interdit, caché, inconnu, manquant, ne peut plus fonctionner comme un nom; et pourtant c'est ce cas-limite du nom, nom et non nom, à la fois dans et hors de la catégorie nominale, qui exprime le mieux l'essence, la structure et la fonction mêmes du nom qui n'est ce qu'il est et ce qu'il dit être qu'en n'étant pas ce qu'il dit, en pointant toujours vers un autre que lui. Cette déhiscence ou ce désajointement fondamental et abyssal du nom qui l'empêche de coïncider avec lui-même comme avec ce qu'il nomme, cet effet de bougé originaire qui fait que ce(lui) dont on parle ou que l'on nomme n'est jamais simplement ce(lui) dont on parle ou que l'on nomme, c'est précisément ce qui permet le jeu du langage dans toutes les langues. On peut bien l'appeler "transcendance", en tout cas on le retrouvera, pour ainsi dire traduit, dans toutes les formes philosophiques de "transcendance": dans le "sujet transcendantal" de Kant, dans l'Aufhebung (suppression, dépassement, enlèvement et relève) de Hegel, dans l'Uebermensch (sur-homme ou ultra-homme, trans-humain) de Nietzsche, dans la "différence onto-logique" de Heidegger entre "être" et "étant", dans la "coupure symbolique" de Lacan; malgré tout ce qui différencie les concepts et les oppositions, il y va toujours du même flottement, de la même indécision décisive qui complique toute "identité" et toute "altérité", tout "propre", tout "même" et tout "autre": non seulement le nom n'est pas la chose (la personne, l'animal, le lieu, le concept), mais rien, ni nom ni chose, ne coïncide jamais exactement et sans reste avec "soi-même" (à mon avis l'"impermanence", l'"essence" ou "inessence" foncièrement transitoire du bouddhisme, ne dit pas foncièrement autre chose). On n'a pas besoin du mot "transcendance" pour le comprendre, mais aucune "transcendance" ne saurait être pensée sans l'intuition de quelque chose de ce genre.

Pour revenir un peu plus près du thème de ce fil, l'"explication" du nom divin Yahvé en Exode 3, 'ehyeh 'asher 'ehyeh, "je-suis-serai qui-quoi-que je-suis-serai", illustre remarquablement ce qu'il en est aussi bien de la "transcendance" au sens théologique ou philosophique que de la "transitivité générale" dont je parle: c'est à la fois l'affirmation et la négation d'une "identité", une pure "tautologie" mais une tautologie dynamique, en puissance et en mouvement par son ambiguïté même. Ce qu'en un sens "Dieu" seul peut dire, mais qu'aussi bien tout "sujet", tout "je", pourrait et devrait dire, ce que dit un "nom" singulier et n'importe quel "nom".
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeSam 15 Jan 2022, 15:41

Merci Narkissos pour ce développement extrêmement bien détaillé et malgré tout compréhensible. J'en veux pour preuve le fait que le verset du livre de l'Exode chapitre 3, que tu cites, m'était venu à l'esprit alors que je n'avais pas encore lu le dernier paragraphe. Cela prouve bien que tu avais bien amené tes explications sur la transcendance en utilisant l'exemple du nom.
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeSam 15 Jan 2022, 20:29

Tu me rassures, je craignais plutôt d'avoir (encore) fait trop compliqué...

Pour moi le nom c'est plus qu'un exemple parmi d'autres, c'est comme qui dirait l'exemple exemplaire, parce qu'il est impliqué dans tout exemple, dès qu'on le nomme (y compris "nom" ou "exemple"); exemplairement quand l'exemple qu'on nomme est celui d'un "Dieu" qui par sa façon d'"être" serait lui-même impliqué dans tout "être" et devrait cependant être nommé comme un autre -- le nom qui le nomme, ne fût-ce que "Dieu", ne pouvant strictement être ni lui ni autre chose que lui. Cette nomination nécessaire et impossible se traduit par une multiplication infinie des noms divins et de leurs substitutions, jusqu'au nom "nom" (ha-shem) à la place du "nom". Le nom de "Yahvé" s'"explique" déjà en Exode 3,14 par un autre "nom" que Yahvé, 'ehyeh 'asher 'ehyeh (14a) ou 'ehyeh tout court (14b), tout en mobilisant d'autres noms ou pronoms qui renvoient à d'autres "sujets" que "Dieu" ou "Yahvé" ('ehyeh `immakh, "je-suis-serai avec toi = Moïse", v. 12, "dieu d'Abraham, dieu d'Isaac et dieu de Jacob" v. 15). Il en résulte un jeu de relations dont aucune référence ou partie n'est simple, fixe, autonome et séparable des autres, pas même le "nom" (shem ou zeker, "souvenir", "mémorial", "invocation", v. 15b) qui implique plus d'un nom et autre chose que des noms pour être ce qu'il est, dire ce qu'il dit et faire ce qu'il fait.
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeDim 16 Jan 2022, 19:29

J'ai toujours pensé que ce verset :

"Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël: Celui qui s’appelle “je suis” m’a envoyé vers vous."

pouvait être compris de la façon suivante : Je suis ce que je suis [et il ne vous appartient pas de chercher à me donner un nom]
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeDim 16 Jan 2022, 20:47

S'il n'y avait que la première phrase ('ehyeh 'asher 'ehyeh), on pourrait tout à fait la comprendre comme ça (je suis qui / ce que je suis <=> ça ne te/vous regarde pas); mais ça se complique avec la suite, puisque 'ehyeh tout seul fonctionne comme un nom propre régissant un verbe à la troisième personne ("'ehyeh m'a envoyé vers vous": il n'y a rien dans le texte qui corresponde au "celui qui s'appelle" de ta traduction), outre la reprise de "Yahvé" au v. 15.

On ne peut donc pas, à mon avis, réduire le texte tel qu'il est à un refus de réponse (comme en Genèse 32 p. ex.), même s'il y a bien du refus dans la réponse parce que celle-ci est formellement tautologique (je suis qui / ce que je suis, je serai qui / ce que je serai, l'auditeur n'est pas plus avancé): si l'on joue le jeu d'une lecture naïve, en oubliant toutes les mentions antérieures de "Yahvé" (cf. Exode 6,3), on aurait plutôt l'impression que ce nom ("Yahvé") est concédé à l'usage d'Israël comme un troisième choix (après 1. 'ehyeh 'asher 'ehyeh et 2. 'ehyeh tout court): après deux formules à la première personne ('ehyeh, JE suis-serai), dont "Dieu" seul serait le locuteur adéquat, enfin un nom d'usage, susceptible d'être employé à la deuxième et à la troisième personne (pour parler à ou de Yahvé). Bien sûr, l'ensemble est à entendre comme une "explication" approximative (jeu de mots, hwh / hyh) sur le nom de Yahvé, mais l'explication se donne pour une révélation du nom même où celui-ci n'arrive qu'en dernier lieu, et pas tout seul (avec "Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob").
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 11:36

En lisant cet article (très complexe), je me suis demandé si Olivier BOULNOUS n'était pas un pseudo qui caché la personne de Narkissos, tant le style d'écriture et la pensée sont identiques ... Bien sûr c'est un compliment  Very Happy  

LES NOMS DIVINS
Négation ou transcendance ?
OLIVIER BOULNOIS

La tâche de l’homme est de sauver la vérité par la parole. Mais comment peut-il nommer Dieu ? A-t-il le droit de nommer le Dieu de la Bible, Dieu vivant et aimant, en utilisant les outils de Plotin et Proclus, pour qui l’Un est transcendant, inconnaissable et ineffable ? N’est-ce pas trahir la foi au nom de la métaphysique ? Mais la doctrine des noms divins (dite « théologie négative ») n’implique pas un autre concept de Dieu. Elle n’est pas une machine à produire de nouveaux noms applicables à Dieu, mais une manière de méditer le sens de ceux que nous connaissons déjà. Selon Denys, la réflexion sur les Noms divins est d’abord une méditation sur les noms que nous dévoile la Bible (même s’il n’y a pas de raison d’exclure les noms obtenus par la raison). C’est le sens premier du mot theologia :
parole divine ; les noms sont divins parce qu’ils sont inspirés par Dieu pour désigner Dieu lui-même 5. Ainsi, originellement, la théologie ne consiste pas à partir de la Bible, mais simplement à l’habiter, à la ressasser, en l’élargissant pour y demeurer, à l’ouvrir par notre intelligence. Lire la Bible est une expérience esthétique de la réception. Comme dans l’expérience esthétique, unique, intraduisible, irremplaçable, ce qui nous est dévoilé ne fait qu’un avec ce que nous percevons.

(...)

Proclus systématisait ensuite cette méthode : il identifiait le Principe à l’Un du Parménide de Platon, et interprétait chaque hypothèse du Parménide comme une voie vers Dieu. Que se passe-t-il si l’Un est ? Et si l’Un n’est pas ? – Si l’Un est, plusieurs cas sont possibles. 1. Il n’a ni commencement, ni fin, ni limite, ni figure, il n’a pas de nom, et on n’en peut avoir ni science, ni sensation. 2. Il est un tout, il a un commencement, une fin, une figure et un lieu, et on peut le sentir, le connaître et le nommer. 3. Il est un et multiple, et ni un ni multiple, il passe du semblable au dissemblable dans l’instant. – Si l’Un n’est pas : 1. soit il est sous un rapport et non sous un autre ; et alors il n’est pas dans les étants, et seule existe la sensation ; 2. soit il n’est absolument pas, et toute connaissance est anéantie. Or Dieu est à la fois l’Un qui est et l’Un qui n’est pas ; il est donc atteint par l’affirmation comme par la négation. Ainsi, « tous les instruments de connaissance restent loin
derrière la supériorité de l’Un, et il [Platon] achève de belle façon sur l’ineffabilité du dieu qui est au-delà de tout (tôn pantôn epekeina theou) ».

(...)

Derrida a-t-il raison de suivre Hyppolite, de réintégrer la négation dans l’affirmation, d’en faire une « dénégation » ? D’une part, Derrida entrevoit quelque chose d’essentiel : la théologie des noms divins parcourt les figures du désir humain. Dépasser le langage dans la recherche de Dieu, c’est en même temps descendre en soi-même. C’est chercher une parole essentielle qui touche à l’épure. Mais d’autre part, Derrida manque un aspect essentiel de la démarche : réduire la négation à une affirmation, c’est précisément manquer la transcendance de Dieu. Chez Denys, le troisième moment d’accès à Dieu n’est pas la négation de la négation (qui revient logiquement à une affirmation), mais le dépassement simultané de l’affirmation et de la négation dans la transcendance. Le mouvement des noms divins n’est pas l’autoengendrement de Dieu, compris comme conscience élevée à l’absolu. Nommer Dieu, c’est au contraire prendre la mesure de la distance infinie qui sépare le désir et le langage humains de leur objet. Traverser le langage, se dépouiller sans réserve, voilà la grande affaire.

(...) 

La réflexion méthodologique sur les noms divins va de pair avec la « sanctification du Nom ». Elle a pour but de rendre la plus grande gloire à Dieu, que ce soit dans la pensée, la prière ou la liturgie. Ainsi l’usage de chacun des noms de Dieu doit être mesuré à cette exigence : pouvons nous cesser de mesurer la sagesse divine à l’aune de notre connaissance humaine ? pouvons-nous penser la toute-puissance divine autrement que la puissance humaine élevée à l’infini ? pouvons-nous concevoir la justice divine en cessant de l’opposer à sa miséricorde ?
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 13:34

Lien de téléchargement vers cet article d'Olivier Boulnois, excellent en effet (je n'y suis pour rien): il complétera aussi utilement ce qui a été dit ce week-end autour de la notion de "transcendance".

Il me semble que ce type de pensée, si sérieuse et rigoureuse qu'elle se veuille, côtoie toujours d'un autre côté la légèreté (en bonne et en mauvaise part) du sophisme, l'artifice du jeu de mots ou du tour de passe-passe. Pour prendre les choses par un autre bout (linguistique), on pourrait dire que le mot ou nom (signifiant ou désignant) "dieu", avec ou sans majuscule en français, est un vaisseau ou un véhicule qui traverse des mers, des terres ou des espaces extrêmement différents (de la mythologie polythéiste à la monolâtrie et au monothéisme, de la théologie païenne, juive, chrétienne ou islamique à la philosophie ancienne, médiévale ou moderne), en donnant l'illusion d'une communication entre elles alors que son "contenu" (signifié-référent, concept, désigné) change continuellement, et que rien ne passe effectivement d'un lieu ou d'un contexte à l'autre, sauf le nom ("d-Dieu"). En ce sens la protestation de Pascal, qui est aussi une (dé-)négation (Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, Dieu de Jésus-Christ, non des philosophes et des savants) me semble conserver toute sa pertinence, en dépit des (dé-)négations (qui sont précisément le fait de théologiens qui sont aussi philosophes et savants, à commencer par Pascal lui-même en bien d'autres contextes). La Bible (juive ou chrétienne) ou le Coran deviennent tout simplement illisibles si l'on essaie de substituer le concept (le défaut ou l'excès de concept) philosophique de "Dieu" aux occurrences des mots Yahvé, Elohim, kurios, theos, patèr, Allah dans les textes "sacrés", bien que ces textes puissent toujours être le point de départ d'un cheminement vers ce concept, auquel on aboutirait aussi bien à partir d'autres points (et éventuellement sans rien qui ressemble à un "dieu" personnel).

Tout cela peut paraître très éloigné du sujet de ce fil et pourtant ça l'est moins qu'on pourrait le croire: je relisais les passages de Philon (un des rares auteurs pertinents à ce sujet qu'on puisse situer "au temps de Jésus", c.-à-d. à l'époque habituellement attribuée à "Jésus") consacrés à Exode 3, passages que nous avons souvent évoqués (y compris dans ce fil, 18.6.2015; 27.5.2019; 16.1.2020), et qui luttait déjà pour faire communiquer un texte (la Septante de l'Exode en l'occurrence) avec une pensée ([médio-]platonicienne, qui intègre aussi une dose d'aristotélisme et de stoïcisme), un concept de "Dieu principe et/ou cause" auquel, par définition, aucun nom n'est adéquat -- mais tous les noms deviennent par la méthode allégorique (qui est déjà de "dépassement") des chemins de pensée possibles vers ce "Dieu"-là.
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 14:26

Le baptisant invoque simultanément le nom de Jésus le Seigneur (Act 8, 16 ; 19, 5) ou le nom de Jésus Christ (Act 2, 38 ; 10, 48 ; I Cor 1, 13). La différence entre les deux formules grecques eis to onoma et en tôi onomati semble négligeable. On sait combien le nom était, aux yeux des anciens, étroitement lié à la réalité qu’il indiquait ou, mieux, la manifestait ; il fait intervenir l’énergie de celui qu'il désigne. On sait l’importance de la capacité (qui est de l’ordre du don) de nommer et d’invoquer le nom divin et désormais le nom du Seigneur Jésus en qui se manifeste la puissance de salut eschatologique. L’évangile proclamait que Dieu avait ressuscité son fils Jésus, crucifié pour nous les hommes, et qu’il l’avait établi Seigneur et Sauveur de tous ceux qui croiraient. En invoquant le nom du Seigneur Jésus sur le croyant le célébrant appelait sur lui la puissance de salut annoncée par l’Evangile.


La formule longue « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » que nous avons rencontrée dans Did. 7, 1 et que l’on trouve dans bien des manuscrits de Mt 28, 19, semble être apparue assez tôt dans divers milieux chrétiens issus du paganisme (cf. Justin, Apol., 1, 61, 3-10, 13 ; Dial., 39, 2).


Il est très probable, mais moins bien attesté, que simultanément le baptisé invoquait lui aussi le nom du Seigneur Jésus. Le livre des Actes le suggère à maintes reprises. Le discours de Pierre le jour de Pentecôte s’ouvre par une citation du prophète Joël qui s’achève par ces mots : « Et quiconque invoquera (épikalèsetai) le nom du Seigneur sera sauvé » (Act 2, 21). Et Pierre de proclamer que « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié » (2, 30). Celui qui croit que Dieu en ressuscitant Jésus l’a constitué Seigneur et porteur de la puissance du salut, doit donc invoquer son Nom.


En Act 22, 16, Ananie invite Saul qui vient d’arriver à Damas après la révélation sur le chemin : « Reçois le baptême et la purification de tes péchés en invoquant son nom ». Dans le récit du baptême du ministre éthiopien, les témoins occidentaux (D, syr, vulg) évoquent l’interrogation préalable au rite : « En découvrant le point d’eau, le dignitaire éthiopien dit : « Qu’est-ce qui empêche que je reçoive le baptême ? » et Philippe répondit : « Si tu crois de tout ton cœur, c’est permis ». L’eunuque répondit : « Je crois que Jésus Christ est le Fils de Dieu » (8, 37). Même s’il s’agit de l’ajout d’un copiste, il reflète certainement une tradition fort ancienne. Plusieurs critiques récents la considèrent même comme authentique.


Ainsi donc le baptême implique un acte de foi explicite en Jésus reconnu comme Christ (et Fils de Dieu) et source de la puissance messianique de purification et de salut. Cette invocation du nom de Jésus est confession de foi et engagement sans réserve à son service ; elle est aussi une prière.


https://books.openedition.org/pusl/7649?lang=fr
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 15:48

Par-delà les problèmes habituels de méthode (personnellement ce n'est pas dans les Actes, texte tardif, que j'irais chercher des indices sur un "proto-christianisme pré-paulinien", quoiqu'on puisse aussi en trouver, mais plutôt dans les [premières] épîtres pauliniennes, plus précisément dans le "fonds commun" qu'elles présupposent entre l'auteur et les destinataires, fonds qui n'est donc pas spécifiquement "paulinien"), il est clair que l'association du "baptême" à un "nom" (variable) est caractéristique du "christianisme" en général: à ma connaissance on ne trouve rien de tel à Qoumrân, et pas non plus dans les descriptions évangéliques du "baptême de Jean". A la limite l'invocation du nom rapprocherait plus le "baptême" des "exorcismes" ou autres récits de miracles.

Je ne serais pas trop pressé non plus de "négliger" la différence entre eis to onoma et en tô(i) onomati, même si les formules sont ici et là interchangeables: si la seconde se prête bien à l'invocation (comme dans un exorcisme ou autre miracle, "dans = par le nom de" la divinité), la première en revanche implique un mouvement d'identification ou d'assimilation du "baptisé" au Christ (eis + accusatif comparable à l'anglais into), qui va justement être surinterprété par "Paul", notamment dans Romains 6, par omission (ellipse, syncope ou apocope) du "nom", au sens d'une "incorporation myst(ér)ique": on passe de "baptisé dans le nom (eis to onoma) du Christ" à "baptisé en Christ", dans sa mort et sa résurrection.

La formule "trinitaire" de la Didachè ou de Matthieu 28,19 est à coup sûr secondaire par rapport aux formules "simples" (dans le / au nom du Seigneur / Jésus / Christ), quoi qu'il en soit de son attestation manuscrite en Matthieu: c'est toute la "conclusion" (28,18ss) qui est secondaire, formant "inclusion" (effet d'"enveloppe" ou de "couverture", on ajoute surtout au début et à la fin d'un "livre") avec l'introduction (Nativité: Emmanuel = Dieu avec nous // je suis avec vous tous les jours).

---

A propos d'Exode 3, je voulais aussi faire remarquer ceci: la mise en scène de l'"explication" comme révélation du nom Yahvé arrive assez tard dans le texte, puisque ce nom est encore employé sans réserve dans le début du chapitre (v. 2, 4, 7); en revanche il est évité à partir du v. 11 où "Dieu" n'est plus appelé qu''elohim, pour préparer la "révélation" (par étapes: 'ehyeh 'asher 'ehyeh, 'ehyeh tout court, enfin Yhwh v. 15): on a là une série d'ajouts successifs qui se poursuit jusqu'au chap. 4, correspondant dans le récit à une série d'objections de Moïse (qui suis-je, qui es-tu = quel est ton nom, comment me croira-t-on, je ne sais pas parler): le moins qu'on puisse dire c'est que la rédaction "finale" n'a pas fait grand-chose pour donner à l'ensemble une apparence de cohérence narrative (qui aurait au moins voulu qu'on n'emploie pas le nom Yahvé dans les dialogues avant 3,15).
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 17:08

Or, la Torah est un texte qui existe et le judaïsme, un système cohérent dans toutes ses manifestations (y compris extra-normatives comme le christianisme et l’islam, nés de ses entrailles). Le modèle de cette cohérence est justement cette dualité qui s’inscrit dans la logique de l’idée de création. Dieu est en effet dénommé dans la Torah L’Être (Hahavaya). YHVH signifie (approximativement car c’est une forme atypique) : « Il sera (Yhye) – au présent (hoveh) » (Hoveh signifie le présent mais dans la grammaire hébraïque le verbe « être » ne peut se conjuguer au présent). Or, si Dieu est tout l’être, la place de l’homme ne peut se concevoir que sur le mode du retrait (voilement) de l’Être qui fasse lieu à un second être (l’adam pour Dieu, Ève pour Adam, Israël pour l’humanité, les Lévites pour Israël, les cohanim / prêtres pour les lévites, le grand prêtre pour les cohanim). Ainsi Dieu cesse-t-il de créer (« fait shabbat ») dès qu’il crée l’homme au 6e jour. C’est là le germe de l’idée de retrait (qui se dit Tsimtsum dans la pensée kabbalistique).


Le Dieu qui se retire diffracte son nom : dans le retrait, il se nomme Élohim, le Dieu qui régit le monde selon la loi stricte. Au delà du retrait se tient le nom de YHVH, véhiculant la grâce matricielle propre au retrait qui fait place à un autre être, un être en surcroît au sein de l’être, un nom en lequel convergent – sans jamais se confondre – la rigueur et la grâce. Tout l’enjeu pour l’homme visera à sauvegarder la place vacante dans l’être qui est la source de la vie, pour ne pas l’occuper ni la saturer.


https://www.cairn.info/revue-pardes-2011-2-page-173.htm
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeLun 17 Jan 2022, 21:30

On peut facilement comprendre, sinon mesurer, le "ressentiment juif" devant vingt siècles de "captation d'héritage" (successivement chrétienne, musulmane, moderne, académique, littéraire ou philosophique), sans parler de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme qui s'en sont suivis et qui ont culminé à l'époque moderne... La seule question, fragile et insaisissable comme un irréel du passé, qui me semble de nature à modérer ce ressentiment, ou du moins à y instiller un doute ou un scrupule, c'est: qu'en serait-il de cet héritage sans la captation ? Sans le passage de l'hébreu au grec (Septante intégralement juive, sinon judéenne) bien avant le christianisme, sans l'appropriation chrétienne de l'"Ancien Testament" grec qui en Occident a fini par constituer le texte hébreu et son interprétation en enjeu majeur avec l'hebraïca veritas de Jérôme, sans l'islam qui à défaut des textes a propagé et renouvelé une grande partie des traditions juives et chrétiennes, sans la Renaissance et les Réformes qui ont fait de "la Bible" un livre universellement révéré sinon lu, ouvert à toutes les études "critiques" et à toutes les inspirations littéraires, d'abord surtout protestantes puis "laïques", que resterait-il aujourd'hui du "judaïsme" et de "ses" textes ? Peut-être tout, probablement rien, sûrement pas la même chose, nul ne saurait le dire avec certitude puisque de fait les choses se sont passées comme elles se sont passées et pas autrement (encore l'histoire, contingente, arbitraire, injuste, cruelle, bête et méchante souvent, mais ainsi aussi irréversible et souveraine). Toujours est-il qu'un judaïsme contemporain ne saurait se comprendre qu'avec et dans cette série d'oppositions et en aucun cas sans elle(s).

Point n'est besoin de rappeler ici que la "théorie documentaire" façon Wellhausen n'est plus enseignée telle quelle par personne depuis fort longtemps, même si elle trouve encore quelques continuateurs ou refondateurs isolés (surtout en Amérique), ce qui fait que l'essentiel de la "charge" de Trigano atteindrait au mieux un adversaire défunt ou son fantôme. Le triomphe n'en serait que plus facile, sinon glorieux, mais je crains surtout qu'il soit un prétexte pour justifier globalement une sorte d'"intégrisme judaïque" transhistorique, en dégageant un "système" de lecture de la lignée historiquement dominante de sa propre tradition (pharisienne, rabbinique, qabbalistique, hassidique) et en évacuant à bon compte tout ce qui en diverge et n'en est pourtant pas moins "juif" (sadducéens, qoumraniens, hénochiens, judéo-hellénistes comme Philon dès l'époque du Second Temple, qaraïtes du moyen-âge, spinozistes, etc.).

Ce qui me semble indéniable toutefois, c'est que l'attention portée aux "noms divins" du point de vue de la "théorie documentaire" (Yhwh comme indice du "Yahviste" J, 'elohim de l'"elohiste" E) a longtemps occulté un sens beaucoup plus profond et intéressant de l'alternance des noms dans les textes (p. ex. Exode 3, comme on vient de le voir, ou Genèse 22). Ce "sens" ne se laisse pas pour autant réduire à une "clé" ou à une "grille" de lecture constante comme celles de Philon ou du Talmud (ce ne sont déjà pas les mêmes) qui pourrait s'appliquer indifféremment à tous les textes: il est à apprécier au cas par cas et à la discrétion du lecteur, juif, chrétien, païen ou athée, hébraïsant ou pas, pourvu qu'il ait au moins affaire à une traduction qui respecte les différences "formelles".
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMar 18 Jan 2022, 15:18

Dieu, l'éternel sans temps

https://www.unige.ch/theologie/files/9915/8929/4374/focus_reforme.pdf
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMar 18 Jan 2022, 15:56

Ni Dieu, ni l'éternité, ni le temps ni la philologie n'échappent au journalisme... Rolling Eyes

Yhwh/Yahvé est bien un nom, ce que nous appelons un "nom propre", un théonyme (nom de dieu) tout ce qu'il y a de plus banal dans le cadre général du polythéisme ancien (cf. p. ex. Juges 11,24, où il est ostensiblement mis sur le même plan que Kamosh, malgré la majuscule d'usage pour un "dieu" sur deux dans les traductions françaises): l'"explication" unique et tardive d'Exode 3 passe par un "jeu de mots" sur un verbe ressemblant (hyh N'EST PAS hwh et yhwh n'appartient pas à sa conjugaison; si yhwh dérive d'une racine sémitique hwh comme il est probable, ce n'est pas en hébreu classique = "biblique", quoique la dérivation ait pu se produire dans une langue voisine, édomite ou madianite p. ex., araméen à la rigueur, mais on ne risque pas de le savoir faute de corpus dans ces langues-là pour les époques concernées, c.-à-d. antérieures à la majeure partie du corpus "biblique" qui emploie le nom sans s'interroger sur son "sens"; le verbe hwh lui-même n'intervient que très rarement dans le corpus "biblique", dans des textes tardifs ou de sens douteux, Genèse 27,29; Isaïe 16,4; Job 37,6; Qohéleth 2,22; 11,3; Néhémie 6,6); elle ne saurait prévaloir contre (ni se projeter sur) les milliers d'usages ordinaires du théonyme qui ne fournissent ni ne requièrent aucune "explication". L'"explication" ne recèle en outre aucune singularité temporelle propre à hyh, la forme "inaccomplie" correspond à la structure générale de la conjugaison hébraïque, valable pour les verbes dits d'"état" (être, devenir) comme pour tous les autres, verbes d'"action", de "parole" ou de "connaissance", conjugaison qui marque des aspects temporels (accompli / inaccompli) plutôt que des temps au sens passé-présent-futur. Inutile d'aller chercher du "mystère" dans la grammaire ou dans les dictionnaires, quand tout le "mystère" résulte du passage historique et conceptuel du polythéisme au monothéisme (via une étape intermédiaire de "monolâtrie" où on ne "sert" qu'un seul dieu sans nier qu'il y en ait d'autres, ainsi encore dans le Deutéronome) et de ses retombées dans le corpus "biblique" (aussi bien de l'usage nouveau de Yhwh dans des textes strictement "monothéistes", exemplairement le deutéro-Isaïe où en quelque sorte le dieu Yahvé devient "Dieu", que de la relecture "monothéiste" de textes d'abord écrits dans une perspective au moins implicitement polythéiste): comme on l'a montré maintes fois, il est tout à fait naturel que dans un contexte polythéiste un dieu ait un nom pour se distinguer des autres (dieux), puisqu'il y en a effectivement d'autres, alors que dans un contexte monothéiste ça ne va plus du tout de soi (comme l'avait fort bien compris Philon), et le cas échéant ça demande "explication".

Ce qui ne pose aucun "problème" dans la plupart des textes de la Bible hébraïque (encore qu'on puisse deviner l'apparition du "problème" dans un certain nombre de textes plus ou moins tardifs -- et "monothéistes" -- qui évitent le nom Yhwh, p. ex. Job, Esther, Qohéleth ou Daniel, ou dans la révision d'une partie du psautier qui remplace Yhwh par 'elohim) devient en revanche un "problème" central dans le judaïsme de la fin du Second Temple, et le "problème" génère alors une foule de "solutions" divergentes (interdiction de l'usage ordinaire et substitutions diverses, limitation de l'usage explicite à un cadre rituel dans le temple, "explication" du nom en "concept théologique" et méditations diverses sur le concept, usages "magiques", etc.).
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 19 Jan 2022, 11:58

Le Nom du Fils

Nous l'avons déjà laissé entendre : si personne n'a jamais vu Dieu, le Fils, par son être, ses paroles et ses actes, nous a communiqué la vérité et la plénitude de la révélation (cf. 1, 18). Connaître le Nom du Père ou le Nom du Fils, c'est adhérer à l'Envoyé de Dieu et accueillir la même révélation. C'est pourquoi on passe sans heurt du Nom du Père à celui du Fils. Les douze occurrences qui nous intéressent (1, 12 ; 2, 23 ; 3, 18 ; 14, 13. 14.26 ; 15,16.21 ; 16, 23.24.26 ; 20, 31) se laissent facilement grouper autour de quelques verbes : croire, demander, envoyer, persécuter, avoir.

Croire. À trois reprises d'abord, il est question de « croire en son Nom» (1, 12 ; 2, 23 ; 3, 18). Les lecteurs du quatrième Évangile savent que le verbe «croire» exprime synthétiquement l'attitude existentielle attendue par le Fils en réponse au témoignage qu'il rend à la vérité. En effet, Jésus opère des signes et des oeuvres. Il proclame les paroles entendues auprès du Père (cf. 15, 15). II manifeste sa propre gloire et révèle ainsi son Nom (de Fils et de Sauveur). « Croire en son Nom» (avec une préposition dynamique, eis, en grec) signifie adhérer par l'écoute obéissante, l'amour et l'imitation au destin même de l'Envoyé du Père. Le
choix existentiel que présente sans se lasser le quatrième Évangile est bien celui de croire ou ne pas croire. Celui qui croit au Nom ne passe pas par le jugement (cf. 3, 18). Celui qui ne croit pas « est déjà jugé, parce qu'il n'a pas voulu croire en le Nom de l'unique Fils de Dieu» (3, 18).

Demander. La foi introduit ainsi le croyant dans une communion de vie avec le Fils. Elle incite le disciple à manger le Pain vivant descendu du ciel et à jouir de la bouleversante promesse : «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui» (6, 56). Dès cette rencontre, l'existence du disciple et ses liens avec Dieu sont transformés. Sa prière aussi. Le croyant est alors en mesure de demander en son Nom (une formule répétée six fois : 14, 13. 14 ; 15, 16 ; 16, 23. 24. 26). Le père I. de la Potterie commente cette expression ainsi : « Le Christ annonce aux apôtres que leur prière au Père se fera sous l'impulsion de leur foi en son "Nom" à lui (Jésus) ; elle sera l'expression spontanée de leur foi profonde en Jésus, Messie et Fils de Dieu ; par là même, elle se fera nécessairement
en communion avec lui.»

Envoyer. Nous comprenons mieux encore l'efficacité de cette prière «au Nom du Fils» si nous la rattachons à la promesse de Jésus: «Le Paraclet, l'Esprit saint, qu'enverra le Père "en mon Nom" lui vous enseignera tout et il fera le mémorial de tout ce que je vous ai dit» (14, 26). En effet, la compréhension de la prière chrétienne gagne en profondeur si l'on reconnaît en elle l'occasion par excellence d'accomplir un authentique «mémorial» des paroles de Jésus sous l'impulsion et avec la puissance de l'Esprit. Comment une telle célébration ne purifierait-elle pas le cœur de celui qui prie et comment ne rejoindrait-elle pas la volonté du
Père ?

Persécuter. Le « Nom de Jésus» et la profession de foi qui l'accompagne — Jésus est Messie, Fils et Sauveur envoyé par le Père — conduisent le disciple à une communion de plus en plus profonde avec son Seigneur et son mystère pascal. «S'ils m'ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront ; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon Nom, parce qu'ils ne connaissent pas Celui qui m'a envoyé» (15, 20-21). La foi
ouvre les portes de la vie. La persécution est un signe de fermeture, mais selon saint Jean, ses responsables sont déjà jugés (cf. 3, 18).

Avoir. Une dernière occurrence nous convaincra, si besoin est, de l'importance existentielle du «Nom» de Jésus. Les signes, choisis par l'évangéliste, ont été consignés par écrit «pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son Nom» (20, 31). Ici, c'est bien la puissance et la fécondité de vie contenues dans la révélation apportée par Jésus-Christ qui sont soulignées. La foi place le disciple en situation de jouir dès maintenant de la vie qui ne passe pas.

Communio, n° XVIII, 1 — janvier - février 1993 Saint est son Nom
Michel SALES
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 19 Jan 2022, 12:11

Lien de téléchargement pour l'ensemble du numéro, en grande partie consacré au thème du "nom divin": l'article que tu cites n'est pas celui (le premier) de Michel Sales, mais le suivant (de Grégoire Rouiller). Sur les références ou allusions johanniques au "nom", celles qui jouent sur le mot "nom" (onoma) ou sur des substituts caractéristiques de Yahvé (p. ex. l'egô eimi absolu de la Septante, surtout pour le deutéro-Isaïe) -- mais qui ne comportent aucun "nom" effectif, c'est à la lettre un nom sans nom (comme dans le Notre Père, là s'arrête la comparaison) -- on pourra relire utilement ci-dessus la discussion de juin 2015 (p. 2-3 de ce fil chez moi).

C'est en tout cas bien en Jean 17 (ladite "prière sacerdotale", on peut y voir un rapport bien que ce genre de titre soit toujours discutable) qu'on trouve la réflexion la plus explicite sur l'idée d'un don du "nom" du "Père" au "Fils" (et aux disciples, ce qui n'est pas une simple "extension" puisque ceux-ci sont eux-mêmes donnés par le Père au Fils, comme le "nom", la "gloire", l'"oeuvre" ou la "parole"): elle "traduit" dans un sens un mouvement commun à la plupart des "christianismes" (au moins depuis l'usage paulinien et quasi exclusif de kurios, distinct de theos, pour le Christ), mais ce mouvement est rarement pensé et exprimé aussi clairement qu'ici (bien qu'on puisse le deviner ailleurs, p. ex. dans les expressions plus ambiguës de Philippiens 2 dont nous venons de parler, supra 13.1.2022).
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 26 Jan 2022, 17:24

16 Nous, Occidentaux des temps modernes, considérons avec condescendance les hommes d’autres époques ou d’autres cultures qui croient en la force des noms et les stratagèmes qu’ils emploient pour dissimuler le nom le plus propre d’un homme ou d’un dieu. Nous y voyons le symptôme d’une “mentalité primitive”, d’un “animisme” qui confondrait le mot et la chose ; sans nous rendre compte qu’un nom propre est, avec le pronom je, ce qui manifeste dans l’élément universel du langage la singularité radicale d’un moi humain. On s’en aperçoit lorsque sa structure subjective s’effondre : le psychotique est bien souvent incapable de dire “je” et de signer de son nom parce que, en perdant l’accès à la singularité de son moi, il a perdu en même temps son point d’ancrage dans la langue. Nous ne comprenons pas pourquoi Jacob, Moïse ou Paul tiennent tant à connaître le nom de celui qui se manifeste à eux ; et comment, en révélant son nom à Moïse, YHVH rend possible la libération des asservis. Nous ne parvenons plus à l’entendre parce que nous ne savons plus invoquer. Ce qui, dans notre monde désenchanté, s’est substitué aux dieux d’autrefois, ce sont des noms communs – l’Argent, l’Histoire, l’État, la Nation, l’Humanité… – et il nous est impossible de les invoquer, car une invocation est toujours un appel singulier qui se destine à une singularité. Il y a bien longtemps que les vocables ont commencé à se retirer de nous. Peut-être ce retrait a-t-il déjà commencé quand les philosophes grecs ont cessé d’invoquer Zeus ou Apollon pour parler de la divinité en général, en l’identifiant à l’Un, au Bien, à la Cause première. Ce retrait des vocables s’est amorcé en même temps, mais d’une autre manière, quand le nom de YHVH est devenu imprononçable, puis s’est complètement effacé en se laissant transférer dans d’autres dispositifs où il est devenu “le Seigneur”, “le Père”, ”le Créateur” ou simplement “Dieu”, c’est-à-dire autant de noms communs. En fait, ce retrait du Nom libérateur est seulement partiel, puisque les juifs ont continué de l’invoquer sans pouvoir le prononcer : en ne se transmettant que ses consonnes – “Y.H.V.H.” – et en l’appelant précisément ha-shem, “le Nom” ; tandis que les chrétiens, le plus souvent sans le savoir, l’invoquent sous le nom de Jésus, en hébreu Yehoshou’a, ce qui signifie “YHVH (est le) sauveur”.


17 On aurait tort cependant de penser qu’il suffise de prononcer un certain nom pour qu’un dieu soit invoqué. Une invocation ne se définit pas par ce qu’elle vise, mais par sa manière de le viser et par ce qu’elle veut dire, son intention signifiante. C’est elle qui donne son sens au nom “YHVH” : sans cela, il ne serait plus que lettres mortes. Les rédacteurs de la Torah le savaient, puisque le troisième commandement interdit d’invoquer le nom de YHVH “faussement”. Ils sont nombreux dans l’histoire des hommes, ceux qui prétendent invoquer un nom divin en massacrant d’autres hommes, sans s’apercevoir qu’ils défigurent leur dieu en l’invoquant ainsi, qu’ils projettent sur lui leur propre haine, leur désir de tuer, comme si c’était le désir même du dieu… S’il est possible de défigurer un dieu en l’invoquant de manière fausse, il doit être aussi possible de l’invoquer en vérité, de le viser tel qu’il se donne, sans projeter sur lui nos propres affects. En le visant de cette manière, l’invocation modifie le sens du nom qu’elle invoque. Lorsque, dans l’extrême intensité de la prière ou de la joie, de l’émerveillement ou de la jouissance, de la souffrance, de l’angoisse ou du désespoir, un homme s’écrie “oh mon Dieu !”, il invoque comme un nom divin singulier ce qui était devenu depuis longtemps un nom commun. Les linguistes appellent antonomase cette transformation d’un nom commun en nom propre (ou l’opération inverse, car il s’agit d’un processus réversible). Ici, c’est le terme générique désignant la divinité, ce vieux mot de “Dieu” qui retrouve soudain la force vive d’un vocable. Cette métamorphose s’effectue par le pouvoir de l’invocation et elle sera réitérée à chaque nouvelle invocation. On pourrait alors envisager que le dieu soit polyonyme, que tous les noms conviennent, que chacun des mots de la langue puisse être transfiguré pour devenir l’un de ses noms propres. Plus sobrement, le Talmud enseigne que les termes El et Elohim qui désignent “le dieu” en hébreu ne doivent pas être considérés comme des noms communs : « le nom de Dieu serait toujours nom propre dans les Écritures », car il « n’existe ni espèce divine, ni mot générique pour la désigner ».


https://journals.openedition.org/alter/2197#tocfrom1n3
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeMer 26 Jan 2022, 20:13

Voir ici une autre citation du même article (et une autre réponse) le même jour (26.1.2022).

Pour rappel (cf. supra 2.2.2011 et 14.4.2020), si le nom Yhwšw`= Yehoshoua` = "Josué" est bien "théophore", puisqu'on y retrouve selon l'usage ancien les trois premières lettres du tétragramme en préfixe (probablement prononcées Yahou ou Yaho avant la vocalisation massorétique), sa forme "postexilique" Yšw` = Yeshoua` ne l'est plus, puisqu'elle est indiscernable (au moins dans l'écriture) de la simple conjugaison du verbe yš` auquel le nom est traditionnellement associé (on passerait de "Yahvé sauve[ra]" à "il sauve[ra]", voire au substantif "salut" qui ne se distinguerait que par sa finale quasiment inaudible): comme la Septante transcrit indifféremment les deux formes hébraïques de "Josué" par Ièsous (s'agissant notamment du successeur de Moïse ou du grand prêtre du retour d'exil), la "trace" de "Yahvé" dans "Jésus" est tout au plus une trace effacée.

L'auteur pointe toutefois quelque chose de beaucoup plus important à mon avis, et de nature à contrer ou à contrebalancer tout "fétichisme du nom propre", en soulignant que dans l'appel ou l'invocation tous les mots (noms, pronoms, surnoms, titres, sobriquets, attributs, qualificatifs etc.) se valent: dès lors qu'on parle effectivement à quelqu'un, peu importe comment on l'appelle (dans les relations familiales ou amicales, l'usage des noms propres tend à se raréfier et les substitutions -- ou antonomases -- à se multiplier, papa, maman, chéri[e], trésor, mon coeur, mon amour, etc., ça dépend assurément des langues, des époques et des milieux sociaux mais ça se vérifie quand même très souvent). Dans "mon dieu" le possessif (mon) est nettement plus "déterminant" que le nom commun "dieu" (et même qu'un nom propre qui n'admet pas le possessif, comme c'est généralement le cas en hébreu où on ne dit pas "mon / notre Yahvé"; on peut à la rigueur dire "mon Jésus" -- c'est plus commun en allemand, p. ex. dans les cantates -- mais ce n'est pas le plus fréquent, surtout quand on parle à Jésus). A ce propos, on peut rappeler le "coup de génie" du ou des traducteurs de la Septante dans la Genèse et l'Exode, qui, au lieu de transcrire ou de traduire l'énigmatique Shaddaï, ont utilisé le possessif (avec l'El traduit theos), p. ex. Genèse 17,1: Je suis ton dieu, ou Exode 6,3 "Je me suis révélé (montré, fait vor) à Abraham, à Isaac et à Jacob (comme) étant leur dieu". Ce n'est pas ce que dit l'"original" hébreu (donc ce n'est pas à proprement parler une traduction), mais c'est mieux que l'original quand celui-ci ne correspond à rien dans la "langue d'arrivée"...

La dernière référence talmudique (à nuancer, car 'elohim désigne aussi d'autres dieux que Yahvé dans la Bible hébraïque) est intéressante, notamment parce qu'elle rejoint à sa façon la scolastique médiévale, deus non est in genere, Dieu n'est pas (comme / en tant que) "genre" (à replacer dans le contexte néo-aristotélicien de la "Querelle des universaux").
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MessageSujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus   Le culte de YHWH au temps de Jésus - Page 5 Icon_minitimeJeu 10 Fév 2022, 17:36

Dieu : le nom d'Un seul ? Autour de la nomination biblique de Dieu

16 Pas tous : c’est la ligne qui conduit d’Abraham à Israël, pour qui Moïse demande à Dieu, non pas « qui es-tu ? », mais « que dirai-je s’ils me disent "quel est son nom ?" » (Ex 3, 13). Le nom n’est donc pas dans la réponse sans être d’abord dans la question, et Moïse est d’abord le médiateur de la question qu’Israël lui pose. C’est à partir de là que se noue le rapport singulier entre Israël et Dieu, lequel associe son nom (zê shemy) à un mémorial (zkr) : le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob (Ex 3, 15)12. Dieu demeurerait sans nom, s’il fallait le nommer sans les noms de ceux qui l’ont nommé.

17 Pas seul : c’est la ligne suivant laquelle les rapports entre Israël et son Dieu — celui qui dit son nom, et qu’Israël nomme — se déploient à travers les rapports entre Israël et d’autres. Peut-être convient-il de corriger ici un certain défaut d’optique sur la Bible : celle-ci n’est pas le récit d’Israël et de son Dieu, comme si Israël était seul parmi d’autres ; c’est par le récit d’Israël aux prises avec d’autres — à commencer par l'Égypte — que se joue le rapport entre le Dieu unique et tous. Tous, c’est-à-dire l’un — Israël, et les autres — les Nations. Mais ce n’est pas là un dualisme d’opposition, c’est un rapport complexe. Pourquoi ? Parce que la connaissance du nom de Dieu n’est pas un acquis tel qu’Israël serait préservé de la méconnaissance de ce nom. Pour le dire d’une manière condensée : là où le nom est connu, il peut ne pas l’être ; là où il n’est pas connu, il peut ou pourra l’être. Telle est la trame paradoxale sur laquelle se tissent à la fois le conflit et la rencontre entre Israël et les Nations. Trame biblique — je ne prends ici que des exemples — aussi bien dans un récit comme celui de Rahab (Jos 2) ou celui de Jonas, que dans les écrits prophétiques dont l’horizon est l’issue à l’idolâtrie, non pas pour Israël seul, mais pour d’autres aussi. Ce qui se profile, en suivant cette trame du récit, c’est que si la nomination de Dieu était le fait d’un « seul », celui-ci ne pourrait plus discerner en quoi il est semblable aux autres vis-à-vis de ce Dieu qu’il nomme. À celui qui nomme Dieu, il est rappelé qu’il peut encore se faire une idole ; à qui se fait une idole, il est dit que le nom de Dieu ne se produit pas. Pas plus que celui de l’humain pour soi-même. Autrement dit, la nomination de Dieu emprunte la voie sur laquelle « nommer Dieu » ne se confond pas avec une exception à l’humain. La singularité d’Israël nommant son Dieu n’est donc pas l’enclos de ce Nom ; elle en est au contraire le lieu d’un passage et d’un échange avec d’autres. Cela ne va pas sans conflits, mais cette singularité est le point d’appui sur lequel le récit biblique établit sa visée : si Dieu est nommé et connu par un, il peut l’être aussi par d’autres, si l’un et les autres se reconnaissent semblables dans la nomination du Dieu unique.

(...)

Nommer n’est pas prendre

19 Le problème ne consiste donc pas à attendre qu’on en vienne enfin au Nouveau Testament pour savoir quel est le vrai nom de Dieu et comment le nommer de façon juste. Partons plutôt de ceci : le Nouveau Testament dispose la rencontre entre certains en Israël et certains parmi les Nations, grâce au nom de Jésus. Une nouvelle fois, donc : pas tous, pas seul(s). Mais parce que la rencontre est réelle, alors est non moins réelle la question du nom de celui qui la permet. Le nom de Jésus ne « fond » pas l’humanité en un tout : ce nom a pour singularité de rendre possible un rapport entre le singulier d’Israël et le pluriel des Nations. Ce nom ne décline pas la volonté que tous nomment le même Dieu ; il s’inscrit dans l’humanité comme le nom qui appelle les uns et les autres à reconnaître ce qu’ils ont en commun, c’est-à-dire ce qu’aucun ne possède en propre, leur unique origine. Appel qui ne vient pas par « en haut », comme en surplomb, mais par « en bas », dans l’épreuve de la finitude et de la mort : ainsi le comprend, par exemple, l’hymne de Philippiens 2, dont le point de départ est précisément la non-emprise sur l’origine. Jésus ne prend pas le Nom de Dieu ; c’est celui-ci qui lui donne le Nom. Par là vient alors la question : le Nom étant indivisible, le nom de Jésus est-il un autre nom que celui de Dieu ? Mais alors, « Dieu » ne serait pas le nom d’un seul ? Non, si est unique ce qui a en propre de n’être pas seul. Bien sûr, ces questions ne reçoivent pas de réponse immédiate et univoque dans le Nouveau Testament, et cela appellerait de longs prolongements. Mais que l’on veuille bien voir ceci, pour conclure : pas plus que le nom de Dieu, le nom de Jésus n’est dissociable du processus de sa nomination. Un paradigme nous en est donné en Actes 10, dans le récit très élaboré de la rencontre entre Pierre et Corneille : ce qui est accompli dans le nom de Jésus n’est dit qu’à la fin. Mais auparavant, il a fallu la rencontre elle-même, fondée sur la part égale de chacun en humanité (10, 26) : si Dieu ne fait acception de personne, alors sa nomination n’est vraie qu’en conscience de cette part, reconnue à quiconque d’autre comme à soi.

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