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| Le culte de YHWH au temps de Jésus | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 13:30 | |
| @ Seb:
Dans l'identité des dieux aussi il faudrait distinguer l'ipséité et la mêmeté, comme dirait Ricoeur.
Bien sûr Yhwh est considéré par l'ensemble du judaïsme (c'est même un des rares points sur lequel pratiquement tout le monde serait d'accord, parce qu'il est nominal justement) comme LE MÊME DIEU que celui de toute la tradition religieuse et littéraire d'Israël. Qu'on le nomme Yahvé, Yahô, Adonaï, Elohim, kurios, theos, cela ne change rien au fait que c'est "lui" et lui seul qu'on entend ainsi désigner et invoquer. Associer consciemment à son culte ceui de divinités étrangères, comme Antiochos IV avait semble-t-il tenté de le faire, pour l'immense majorité des juifs il n'en était pas question -- ou plutôt il n'en était plus question, car dans l'ancienne religion d'Israël (avant la réforme de Josias) il y avait bien pluralité de dieux et de cultes, et même à l'époque d'Antiochos il y avait encore un parti juif favorable à l'hellénisation avec une part plus ou moins grande de syncrétisme; mais le succès de la révolte maccabéenne avait définitivement tranché la question dans le sens de l'exclusivité du culte. Il faut lire Josèphe pour se faire une idée de la méfiance du judaïsme palestinien au Ier siècle à l'égard de tout risque de contamination "païenne" du temple. Le moindre objet suspect était de nature à déclencher l'insurrection: ni Hérode, ni Pilate ne se seraient risqués à y introduire carrément un autre culte!
Toute autre est la question de l'emploi du nom "Yhwh"; il y a une large tradition selon laquelle le nom était proclamé par le Grand Prêtre au Yom Kippour jusqu'à la Guerre juive. Elle est très vraisemblable quand on sait avec quel scrupule les sadducéens tenaient à l'application littérale des règles rituelles, et d'autre part le peu de cas qu'ils faisaient des innovations (pharisiennes notamment).
Toute autre encore est la question de l'idée que les juifs se faisaient de leur "Dieu"; là il est bien évident que cette idée avait considérablement changé, et très diversement selon les milieux, au gré des influences successives, en intégrant pas mal d'idées "étrangères" (et pas les mêmes selon les milieux). Mais si le Dieu des juifs n'était pas toujours le même (au sens de la "mêmeté"), il était bien pensé par tous comme étant le même Dieu (au sens de l'ipséité). C'est à cela que s'arrimait l'identité du judaïsme, d'une façon encore plus fondamentale qu'au temple lui-même puisque le judaïsme a survécu au temple, dans une "identité" constituée avant tout par ce lien au "même Dieu" et à l'écriture qui s'y rapportait. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 14:12 | |
| Même le grand prêtre, qui officiait dans le Temple et qui était pourtant autorisé à prononcer le Nom lors de certains sacrifices, ne le faisait alors plus qu'à voix basse de façon à ce qu'il soit inaudible : « Jadis on le prononçait à voix haute, mais quand se multiplièrent les libertins, on le prononça à voix basse. Rabbi Tarphon disait : je me tenais parmi les prêtres, mes frères, à mon rang ; je tendais l'oreille vers le grand prêtre et je l'entendais avaler le nom au milieu des chants des prêtres. Jadis il était livré à tous, depuis que se multiplièrent les libertins, il ne fut livré qu'à ceux qui étaient dignes. Samuel, en passant, entendit un père maudire son fils par ce nom : il mourut et il dit : cet homme s'en est allé et quiconque a voulu entendre a entendu. » Talmud de Jérusalem, Yoma, 40d (Voir aussi Talmud de Babylone, Quidoushin, 71a) D’après une autre tradition rabbinique, les prêtres du Temple cessèrent de le prononcer lors de la bénédiction sacerdotale à la mort de Simon le juste survenue vers 195 avant J.-C. (Talmud de Babylone, Yoma, 39b ; Tosephta, Sota, XIII, http://membres.multimania.fr/murciathierry/jesnomdiv.htm |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 15:12 | |
| Ego te absolvo, Kaczan. "je suis resté dans les clous": tu parles de ceux de ton blouson noir, voyou? Seb: L'affaire me semble un peu compliqué que ça... sous le nom Yhwh se place une identité mouvante, qui évolue. Si "à l'origine" il s'agit bien avant tout d'un dieu tribal, il devient AUSSI Dieu-majuscule sous ce nom-là (cf. le deutéro-Ésaïe par exemple). Créer une dichotomie entre "Dieu" tel qu'il est perçu par le monothéisme "pur" d'une part, et Yhwh qui ne serait QUE petit-dieu tribal-du-passé d'autre part, c'est à mon avis une erreur de perspective. Si le nom est devenu sacré (et même sur-sacré) c'est parce qu'il est toujours perçu comme "nom de Dieu". De plus le doute ne me parait pas vraiment permis quant à une vraie "continuité" entre le Dieu chrétien et le Dieu d'Israël, même si cette continuité est beaucoup moins linéaire, et est même franchement chaotique, que ce que veulent croire les lecteurs fondamentalistes. Bien sûr, on sait que ce n'était si évident que ça pour tous les chrétiens (Marcion nous répond non sans hésiter), mais il me semble que la "tendance" générale --pour autant que ça veuille dire quelque chose-- se représente assez clairement un Dieu qui reste fondamentalement "le même" dans l'esprit des chrétiens (qui ne se rendaient sans doute pas compte de l'évolution de leur Dieu). Pour essayer d'illustrer ça, je prends l'exemple des TdJ et des "premiers chrétiens". Les TdJ se voient sans aucun doute comme les continuateurs des "premiers chrétiens", leur "héritiers directs", ils s'en revendiquent en permanence. Au point de dessiner les réunions du premier siècle avec un ancien debout devant une table et des "frères et sœurs" assis face à lui et qui lèvent la main pour répondre (authentique!!!). Dans l'esprit des TdJ, il ne fait pas le moindre doute qu'ils sont "les mêmes" que les premiers chrétiens. C'est évidemment absurde d'un point de vue historique, mais ça ne fait pas un pli pour eux. De même, je ne doute pas que l'essentiel du "mouvement chrétien" se percevait comme le "prolongement" du culte du Dieu de l'AT, même si, historiquement, c'est bien sûr beaucoup plus compliqué que ça. Même si on ne l'appelle plus guère comme ça, c'est "toujours" Yhwh... PS: en postant je me rend compte que je n'avais pas vu la réponse de Didier. Quand je vois qu'elle date de 11:30, je me dis que la fonction "rafraichissement de la page" fonctionne un peu bizarrement... re-PS: maintenant que j'ai vraiment posté, je comprends mieux: on avait tout simplement changé de page. Les mystères du forum ne sont pas comme les voies du Seigneur. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 15:59 | |
| - Citation :
- Bien sûr, on sait que ce n'était si évident que ça pour tous les chrétiens (Marcion nous répond non sans hésiter), mais il me semble que la "tendance" générale --pour autant que ça veuille dire quelque chose-- se représente assez clairement un Dieu qui reste fondamentalement "le même" dans l'esprit des chrétiens (qui ne se rendaient sans doute pas compte de l'évolution de leur Dieu).
Je pense que même là où il y a rupture il y a aussi continuité: on distingue, on fait le tri dans "l'héritage" juif et c'est toujours une partie de celui-ci qu'on joue contre l'autre. Marcion s'inscrit dans le prolongement de Paul qui joue le Dieu de la promesse contre le Dieu de la Loi, mais les deux appartiennent à la Torah comme Ecriture. Le quatrième évangile peut faire des "Juifs" les "fils du diable" mais il ne s'en réclame pas moin du témoignage de l'Ecriture. Même dans les textes gnostiques les plus tardifs et les plus "excentriques" (par rapport au centre de gravité de la grande Eglise) on retrouve du Yhwh dans le Yaldabaoth honni, le "créateur" ou démiurge plus bête que méchant auquel il faut échapper, mais aussi tout en haut de la chaîne des émanations divines, dans les invocations vocaliques ou le nom Barbelo (de `rb', "quatre" en hébreu ou en araméen) qui proviennent aussi du Tétragramme... @ free, sur les sources talmudiques, voir ici |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 16:09 | |
| - Citation :
- @ free, sur les sources talmudiques, voir ici
Merci beaucoup Didier |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 04 Fév 2011, 16:26 | |
| Ne te réjouis pas trop vite, c'est en anglais! Mais même avec une lecture approximative, ça te donnera une idée du poids relatif des traditions que tu opposais précédemment comme si elles étaient à 50/50. Le témoignage en faveur d'une utilisation rituelle du nom Yhwh au temple jusqu'à la toute fin est massif. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 00:43 | |
| Sans vouloir entrer dans le débat, je vous soumet cette réflexion.
http://www.tetragrammaton.org/tetra5french.html
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 01:33 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 11:02 | |
| merci de l'info. mais comme je l'ai déjà dit: je ne rentre pas dans le débat. je voulais vous signaler cette réflexion.
sans plus... |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 11:38 | |
| Bonjour Agecanonix, J'avoue ne pas vraiment comprendre ce qui te motive pour poster ici un lien qui est "plutôt défavorable" (pour le dire poliment) à la théorie de la WT sur son introduction du nom divin dans le NT. Mais merci tout de même. (Au passage, je te réponds ce que je disais à Free: il y a des moyens bien plus efficaces de ne pas entrer dans un débat que de venir y poster un message qui y est directement lié. Je constate que tu n'as toujours pas perçu ce qu'il peut y avoir de "malhonnête" là-dedans: je vous dis ce que j'ai envie de vous dire, mais je ne veux participer à aucun échange... Peut-être un jour tu le comprendras!) Au passage, je rappelle ce lien, qui est déjà donné par Spermologos sur le fil de discussion qu'il a mis en lien: http://rosetta.reltech.org/TC/vol03/Petersen1998a.html Ainsi que: http://rosetta.reltech.org/TC/vol04/Howard1999.html Ceci Tetragrammaton.org est un site très documenté, qui peut faire beaucoup de mal aux spéculations des TdJ sur la question par cette somme de documentation qu'il produit (c'est pourquoi je ne comprends pas bien pourquoi un TdJ "militant" le poste comme pièce intéressante), mais il n'échappe pas en retour à un certain dogmatisme. Quand on y lit des choses comme: - Citation :
- "Il ne devrait pas y avoir de débat pour savoir si Matthieu a écrit un Évangile en langue hébraïque. Des écrivains anciens, tels que Jérôme, Irénée, Origène et Eusèbe ont laissé de nombreux témoignages au sujet de cet œuvre."
ou: - Citation :
- "La preuve présentée par George Howard indique que le Matthieu de Shem-Tob n’était pas une traduction de sources grecques. Plutôt, celui-ci contient un style d’écriture hébreu qui l’identifie en tant que document qui a été composé au premier siècle en employant l’hébreu biblique et qu’il a été ultérieurement édité au cours des siècles suivants."
ça laisse songeur.... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 12:59 | |
| Je me demande si le style sirupeux et la traduction approximative ne donnent pas à certains TdJ (francophones au moins) l'impression que l'auteur leur est favorable. Les pages suivantes sont plus explicites, mais dans celle-ci sa position est loin d'être claire, je trouve. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 14:00 | |
| Oui c'est vrai qu'en relisant rapidement cette page seule, et ne en m'intéressant qu'aux déclarations concernant la WT, je ne note qu'un "désaccord" qui reste somme toute assez léger d'avec la théorie jéhoviste.
L'essentiel de la doctrine soutenue par l'auteur de Tetragrammaton.org sur Shem-Tob pourrait paraitre à peu près watchtowero-compatible, en tout cas beaucoup plus que les autres chapitres.
( Remarque que pour un TdJ, ça peut être une bonne expérience de sa propre subjectivité: on cite ce travail comme une "réflexion intéressante", à soumettre, quand on croit qu'il va plus ou moins dans le sens de la WT, par une première lecture trop superficielle, mais il est fort probable qu'on lui retirera tout le crédit qu'on lui a accordé dès qu'on réalisera que ce n'est pas du tout le cas. Bref c'est seulement en fonction de sa position relative par rapport à son dogme téji qu'on définit si une réflexion est pertinente ou pas... Autrement dit, ce ne sont pas nos conclusions qui sont appuyés par les preuves, mais nos "preuves" qui sont soigneusement sélectionnées par nos conclusions. Cette mécanique n'a décidément pas fini de me fasciner. ) |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 05 Fév 2011, 16:01 | |
| BB Je ne me suis pas encore remis du débat très limite qui nous a opposé ailleurs. Les choses sont allées trop loin. Je suis TJ et vous pour la plupart ex-TJ. Cela crée un malaise qui s'est pleinement concrétisé avec Pooper au point qu'il en pète les plombs. Nous ne pouvons pas avoir un débat dépassionné..
mais je réponds à ta question. Pourquoi poster une adresse que tu définies comme défavorable à la WT. Dans un texte ou une analyse, il y a l'avis de l'auteur, et il y a les faits et les documents. Or les faits et éléments sont beaucoup plus parlant que l'avis de l'auteur qui a un but: contredire la WT. Or il s'y trouve des éléments capables de le rendre favorable à la WT. Et je voulais voir votre capacité à les découvrir, ce qui m'aurait, je l'avoue, épaté. Mais bon, ce n'est pas grave.. Je vous laisse .
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| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Dim 06 Fév 2011, 11:15 | |
| La discussion avec agecanonix devenant vraiment très générale, j'ai préféré créer un nouveau fil: https://etrechretien.1fr1.net/t496-quelle-discussion-possibleJe précise que j'ai écrit ce titre " quelle discussion possible?" sans aucune arrière-pensée, il fallait trouver un titre et c'est le thème qui m'est venu à la tête au vu du dernier message d'agecanonix, mais je réalise en le voyant le résultat que ça pourrait être lu dans un sens ironique (du genre: " vraiment, on s'demande quelle discussion serait possible..."). Ce n'était pas ça l'idée, donc, c'est une vraie question...
Dernière édition par BB le Lun 07 Fév 2011, 14:22, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Dim 06 Fév 2011, 15:28 | |
| A ce point du fil j'avais écrit hier une assez longue réponse à ce qui est à nouveau le dernier post d'Agecanonix, mais elle s'est (providentiellement?) perdue. Puis une autre sur l'évolution de la discussion, que j'ai finalement renoncé à poster, à cause... de l'évolution de la discussion. Donc, je reviens à la première, mais en beaucoup plus bref: Si Agecanonix a lu le fil dont j'ai indiqué plus haut le lien, il sait que nous ne l'avons pas attendu pour "découvrir" "faits" et "documents". Les données sont les mêmes pour tout le monde, c'est leur appréciation qui diffère. Je comprends que de là où il se trouve l'accord (très) partiel d'une souce "critique" de la Watchtower avec celle-ci lui apparaisse comme une confirmation. Mais d'une part c'est un effet de perspective, d'autre part l'accord en question est de l'ordre de l'appréciation ("l'avis de l'auteur") et non des "faits". Même quand quelqu'un est d'accord avec moi, son avis n'est "que" son avis, mais curieusement ce n'est pas ce qui me vient spontanément à l'esprit à ce moment-là. ;) D'un autre "point de vue" -- de quelqu'un qui a tant soit peu étudié le problème synoptique, par exemple, qui par la pratique des textes a pu observer la dépendance littéraire constante (narrative, idéologique, phraséologique, lexicale, syntaxique) de Matthieu (grec) par rapport à Marc (grec) -- la démonstration est beaucoup moins impressionnante, pour ne pas dire dérisoire. Ce qui de ce point de vue semble tout à fait sûr, c'est que le texte grec de Matthieu (celui que la TMN traduit comme tout le monde, à l'exception des "Jéhovah") n'est pas la TRADUCTION d'un texte hébreu (ou même araméen). Et que le Matthieu de Shem-Tob, malgré ses divergences (dont la TMN ne tient d'ailleurs aucun compte, à part -- et encore -- pour ce qui se rapporte au "nom divin"), est beaucoup trop dépendant de ce texte-là (le texte grec de Matthieu), ou de quelque chose qui en dérive (traduction latine p. ex.), pour ne pas dériver lui-même d'une TRADUCTION (du grec ou du latin en hébreu). La question de savoir QUAND la traduction a été faite (avant d'évoluer de manière autonome en hébreu, comme toute traduction) reste ouverte: du IIe siècle au moyen-âge, on n'a en principe que l'embarras du choix. Ce qui ne veut pas dire que toutes les options se vaillent: avant de se précipiter vers l'Antiquité il faut méthodologiquement comparer la version de Shem-Tob avec les recensions médiévales, grecques ou latines, de Matthieu qui en sont beaucoup plus proches -- histoire de mettre un peu de raison dans l'appréciation des hypothèses.
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 07 Fév 2011, 12:48 | |
| - Citation :
- Comment apprécier la façon dont une expression étrangère (une formule hébraïque ou araméenne dans un texte ou un discours grec) est comprise par ceux qui l'entendent ou l'emploient, surtout dans un contexte liturgique plus ou moins stéréotypé? Ça peut varier considérablement selon les groupes et les individus; je ne suis pas sûr que Alléluia ait été compris très différemment par un chrétien hellénophone moyen qu'il ne l'est aujourd'hui par un francophone moyen
C'est peu comme un chrétien hellénophone qui lisaient une version des Septantes qui contenait la Tétragramme, le fait Tétragramme ne soit pas traduit en grec mais apparaisse en caractère paléo-hébreux utilisant un alphabet archaïque, inconnu des lecteurs hellénisants auxquels s’adressait la LXX, mais même aussi devenu obsolète chez les hébraïsants rendait la lecture du Tétragramme difficile. Pour reprendre un article de BB dans TJ Revelation : Pour en revenir à notre sujet (la LXX et ses transcriptions du Nom divin), nous pouvons dire des lecteurs grecs de cette époque qu’ils avaient exactement le même problème que nous en lisant leur “Bible” : ils ignoraient comment se prononçait ce « mot », qui n’était pas traduit, et pas même retranscrit dans leur alphabet ! En fait, il n’était même pas écrit dans le “bon sens” (puisque l’hébreu se lit de droite à gauche, à l’inverse du grec). Ils étaient dans une situation comparable à la vôtre, lecteur francophone, qui rencontrez soudain 不能发音 dans cet article. Qu’est-il écrit ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment lit-on ce mot chinois ? Même si je vous dit que ce mot signifie tout simplement “ imprononçable”, vous ne savez toujours pas lire ce mot ! Vous en connaissez maintenant le sens, mais vous ne savez pas le lire pour autant. Moi-même, qui ai pourtant rédigé cet article et y ai fait paraitre ce mot, je ne sais pas plus que vous le lire : je me suis contenté de le copier, sans être capable de le lire ! http://www.tj-revelation.org/YHWH-et-Nouveau-Testament-de-Nom,557 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 07 Fév 2011, 13:46 | |
| Et en plus -- je me répète, je sais, mais il n'est pas facile d'intégrer cette différence toute simple et pourtant fondamentale -- les lecteurs au sens strict d'un texte religieux ancien, ceux qui le lisent avec leurs yeux, ne sont qu'une toute petite partie de ses récepteurs! Ce qui compte pour plus de 90 % des "destinataires" qui n'ont accès au texte que par leurs oreilles, c'est ce que le lecteur (public) va dire lorsqu'il tombe sur le "machin". C'est ça qui sera mémorisé, récité, copié dans des florilèges, c'est ça qui sera cité et reconnu par ceux qui l'ont entendu. Et tout à fait indépendamment du contenu graphique du texte de départ. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 07 Fév 2011, 16:26 | |
| - Citation :
- les lecteurs au sens strict d'un texte religieux ancien, ceux qui le lisent avec leurs yeux, ne sont qu'une toute petite partie de ses récepteurs! Ce qui compte pour plus de 90 % des "destinataires" qui n'ont accès au texte que par leurs oreilles, c'est ce que le lecteur (public) va dire lorsqu'il tombe sur le "machin".
Que comprenait le public-lecteur quand il lisait ou entendait les paroles suivantes : Quand Jésus recommande de prier ainsi "Que ton nom soit sanctifié" cela signifiait-il que 'Ton Nom - Yhwh - soit sanctifé' ? En Jean 17 lorsqu'il est dit "J’ai manifesté ton nom aux hommes", l'auteur voulait-il dire 'j'ai fait connaitre ton Nom - Yhwh - au hommes" ? Quand Jésus déclare "je veillais sur eux à cause de ton nom que tu m’as donné", avait-il à l'esprit le Tétragramme ?
Dernière édition par free le Lun 07 Fév 2011, 18:02, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 07 Fév 2011, 16:50 | |
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mer 05 Déc 2012, 17:15 | |
| Par souci de marquer la transcendance de Dieu, le judaïsme, dès avant l’ère chrétienne, mettait quelque réserve à utiliser les désignations que lui fournissait l’écriture : le tétragramme (Yahvé), le nom générique « dieu » qui, dans le cadre du monothéisme, équivalait à un nom propre, le nom de « seigneur », pour nous en tenir aux principaux. A leur place, on utilisait volontiers des désignations indirectes : le Nom, la Présence, la Gloire, le Ciel, la Puissance... On se servait du passif ou d’une expression indéfinie, ce qui permettait de présenter Dieu comme le sujet réel d’une action sans avoir à le nommer. Dans les évangiles, des faits similaires sont attestés : le passif est particulièrement bien représenté dans les paroles de Jésus (par ex. Mc 10,40 et sa « traduction » en Mt 20,23) et suffit souvent à évoquer Dieu; parfois on trouve un indéfini (comme en Lc 6,38) ou les désignations juives de Ciel (par ex. Lc 15,18-21) et de Puissance (Mc 14,62; noter la « traduction » faite en Lc 22,69). Le plus souvent, pourtant, Jésus utilise les désignations bibliques traditionnelles, non sans marquer des préférences personnelles : il ne se sert guère de l’appellation « seigneur », utilise couramment le générique « dieu » et, nous reviendrons sur ce point, privilégie la désignation de « père ».
http://www.portstnicolas.net/l-eglise/La-Trinite/Qui-est-le-Dieu-de-Jesus-Christ
Mc 10,40 : " quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder, mais c'est pour ceux à qui cela a été destiné. "
Mt 20,23 : " " Soit, leur dit-il, vous boirez ma coupe ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m'appartient pas d'accorder cela, mais c'est pour ceux à qui mon Père l'a destiné. "
Lc 6,38 : " Donnez, et l'on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu'on versera dans votre sein ; car de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour. "
Lc 15,18-21 : " Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père j'ai péché contre le Ciel et envers toi ... Le fils alors lui dit : "Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d'être appelé ton fils. "
Mc 14,62 : " Je le suis, dit Jésus, et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel. "
Lc 22,69 : " Mais désormais le Fils de l'homme siégera à la droite de la Puissance de Dieu ! " |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mer 02 Oct 2013, 17:45 | |
| Le nom d'Adonaï était encore trop précis pour exprimer l'ineffable. C'est pourquoi, par une sorte de retour au passé, on se contente souvent dans les écoles juives, d'employer ha-shêm « le Nom » pour parler du téragramme. La Bible elle-même semble témoigner de cet usage au chapitre XXIV du Lévitique, où pour éviter le contact entre le nom divin et le verbe « blasphémer », on a remplacé le tétragramme par le mot ha-shêm « le Nom » :
« Et le fils d'une femme israélite blasphéma le Nom et le maudit... » et plus loin « ... parce qu'il a blasphémé le Nom, il sera mis à mort ». (Lévitique, XXIV, 11, 16)
Aujourd'hui encore dans la lecture du texte sacré le Juif croyant hésite entre l'emploi d'Adonaï ou du Nom pour éviter de prononcer le mot devenu inexprimable.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1952_num_141_1_5846?_Prescripts_Search_isPortletOuvrage=false |
| | | free
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 28 Mai 2015, 17:16 | |
| La Septante ne se prête pas par elle-même aux interprétations messianiques chrétiennes, mais les auteurs du Nouveau Testament, composé en grec, n’ont eu que l’embarras du choix, au milieu de ces collections de « témoignages » vétérotestamentaires appelés testimonia, pour tirer d’elle le matériau linguistique et théologique voulu ; en un sens, ils ne font que commenter, à la suite de Jésus, la Bible qu’ils connaissaient dans la langue originale, mais en l’utilisant dans sa version lisible par les nations. Cette version, en effet, offrait des trésors de communication : ainsi le nom commun kurios, traduisant Adonaï (« le Seigneur »), que les Juifs disent pour éviter de prononcer le tétragramme YHWH, a été déterminant pour la fondation d’une religion universelle. En Ac 15,16-17, Jacques cite Am 9,11-12 LXX (« afin que [me] recherchent le reste des hommes et toutes les nations ») dans le sens d’un universalisme centrifuge, tandis que le TM suggère un universalisme centripète (« afin que [les Israélites] héritent du reste d’Edom et de toutes les nations ») : Edom avait tout simplement été lu adam (« homme »)... On le voit, le rôle de la Septante dans l’ouverture de l’Evangile aux païens n’est pas direct, mais il est réel.
http://www.revue-resurrection.org/Et-Dieu-parla-grec-la-Bible-des-Septante |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 29 Mai 2015, 11:12 | |
| - Citation :
- les auteurs du Nouveau Testament, composé en grec, n’ont eu que l’embarras du choix, au milieu de ces collections de « témoignages » vétérotestamentaires appelés testimonia, pour tirer d’elle le matériau linguistique et théologique voulu
A vrai dire, la composition même de testimonia, collections de textes- preuves, morceaux choisis en fonction d'une certaine "idéologie", en tout cas d'un thème, d'un usage et d'une visée (théologique, homilétique, catéchétique, apologétique), pour témoigner de quelque chose, résulte déjà d'un choix, décisif et préalable à ceux des "auteurs du Nouveau Testament". - Citation :
- en un sens, ils ne font que commenter, à la suite de Jésus, la Bible qu’ils connaissaient dans la langue originale, mais en l’utilisant dans sa version lisible par les nations.
Il me paraît fort hasardeux de postuler, chez la plupart des "auteurs" du NT, une connaissance approfondie des textes qu'ils citent -- je veux dire une connaissance de ces textes dans leur contexte "original", qu'on entende par là celui de "livres" entiers de la " Septante" grecque, ou a fortiori de la "Bible hébraïque", dans un hébreu qui pour n'être pas tout à fait une "langue morte" n'était plus la "langue maternelle" de personne. Si l'analyse littéraire conclut à l'utilisation (ou à la médiation) de testimonia, c'est (positivement) parce que les mêmes "chaînes" ou "constellations" de citations se retrouvent dans différents textes du NT, mais aussi (négativement) parce que le plus souvent rien dans ceux-ci n'indique une connaissance du contexte "original" (en grec et a fortiori en hébreu) des textes cités. Les testimonia (pratiques et bon marché) reproduisent des textes relativement courts (de l'équivalent du "verset" à celui du "chapitre" au maximum), alors que la connaissance des grands ensembles repose essentiellement sur la mémoire auditive. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 09 Juin 2015, 17:17 | |
| La prononciation du Nom n'était déjà plus connue après 70 apr. J.-C. (destruction du Temple de Jérusalem) que de quelques privilégiés qui en gardaient jalousement le secret. Ce fait est illustré par plusieurs anecdotes rapportées dans le Talmud :
"Rabbi Inioné ben Soussié se rendit auprès de Rabbi Hanina à Cippori et lui dit : viens et je te livrerai le nom ineffable. Sur ce, le fils de Rabbi Hanina alla se cacher sous le lit de son père pour écouter ; mais en éternuant, il révéla sa présence. Quoi, sécria le premier, est-ce votre habitude dagir ainsi avec ruse ? Va donc, je ne te révèlerai rien, ni à toi, ni à dautres. Un médecin se trouvant à Cippori offrit de révéler le nom ineffable à Rabbi Pinhas ben Hama, qui refusa ; et pourquoi demanda le premier ? Cest que je mange de la dîme qui mest donnée de côté et dautre ; et si jétais initié à la connaissance du nom divin, je ne pourrais plus rien manger de ce qui provient des hommes." Talmud de Jérusalem, Yoma, III, 7.
Question : Existe-t-il un lien entre les nomina sacra et la pratique consistant à traduire le tétragramme par Kurios ou Théos ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 09 Juin 2015, 19:20 | |
| 1. a. L'"historicité" des histoires du Talmud (comme de celles de la Bible !) est à apprécier prudemment et au cas par cas. 1. b. Elle vaut surtout pour la tradition pharisienne dont le judaïsme rabbinique est l'héritier direct et ne permet pas trop de préjuger des autres pratiques du judaïsme du Second Temple (sadducéen, essénien, samaritain, a fortiori de la grande diversité de la diaspora hellénisante ou aramaïsante) qui ne se sont pas tout à fait évaporées du jour au lendemain avec la destruction du Temple et la "refondation" pharisienne du judaïsme.
2. Nomina sacra signifie simplement "noms sacrés", mais c'est devenu chez les paléographes du XXe s. l'appellation conventionnelle d'un ensemble d'abréviations régulières typiques de nombreux manuscrits chrétiens (du NT, de la LXX ou d'autres textes non "canoniques"; contrairement à ce que pensait Traube au début du XXe s., c.-à-d. avant l'étude de nombreux papyrii et les découvertes de Qoumrân et de Nag Hammadi p. ex., les études ultérieures ont largement confirmé que cette pratique scribale est d'origine chrétienne et non juive). A partir d'une vieille suggestion de la Watch (The Watchtower, 1.7.1959 p. 394, se référant à Traube, donc à l'idée erronée d'une origine juive des nomina sacra), dont je n'ai pas trouvé de reprise officielle récente, beaucoup d'"apologistes" jéhovistes autoproclamés s'y réfèrent comme à une "trace" graphique d'un remplacement du Tétragramme (ou d'une autre forme du "nom divin") par un (autre) terme grec (notamment kurios = Seigneur abrégé en KC) -- l'abréviation étant généralement espacée et marquée d'un signe particulier (trait supralinéaire, au-dessus du mot abrégé) qui signale qu'il s'agit d'une abréviation et non d'un mot à lire tel quel, mais peut aussi rappeler les graphies particulières qui signalent parfois les noms divins (le Tétragramme Yhwh, plus rarement 'elohim ou 'el) dans certains manuscrits juifs en hébreu ou en grec. Le principal problème de cette théorie, c'est que la pratique en question ne s'applique pas seulement à des mots comme kurios = Seigneur ou theos = Dieu, qui pourraient servir de substituts à un "nom divin", mais à une quinzaine de termes qui, s'ils sont considérés comme "sacrés", le sont pour des motifs et à des degrés très divers: d'abord et systématiquement "Jésus" et "Christ", mais aussi "Fils", "Sauveur", et même "Jérusalem", "Israël", "croix", "Père" ou "ciel" quand il s'agit de Dieu, "mère" quand il s'agit de Marie, "homme" et "David" associés à "Fils"... Considéré dans son ensemble, le phénomène ne s'explique évidemment pas par le remplacement d'un terme unique, et la monomanie jéhoviste ne peut croire y retrouver son compte qu'à se cantonner arbitrairement au cas de kurios = Seigneur -- à la rigueur aussi "Dieu", "Père" et "Ciel" -- en occultant tout le reste, surtout "Jésus" et "Christ" qui font pourtant partie du plus ancien "carré" d'abréviations repérable, à la même enseigne que "Seigneur" et "Dieu". Selon Larry Hurtado, le meilleur candidat au titre de première abréviation d'un nomen sacrum (singulier de nomina sacra) serait même "Ièsous" = "Jésus": celui-ci, en effet, existe aussi sous une forme "suspensive", retenant les deux premières lettres du nom, IH = Iè, alors que la pratique s'est ensuite standardisée sous une forme "contracte", qui retient la première et la dernière lettre, IC = Is (avec l'avantage pratique de marquer les cas de la déclinaison, IC, IN, IY; dans le cas de "Jésus", les deux formes d'abréviations se combineront en une troisième, le christogramme IHC / IHS, très répandu dans l'art médiéval); or l'abréviation suspensive est présupposée par la spéculation numérologique (ou gématrique) qui associe "Jésus" au nombre 18, attestée dès le début du IIe siècle dans l'épître de Barnabé (9,7ss dans la numérotation de cette traduction française), 18 étant précisément la valeur numérique de IH; cerise sur le gâteau, le signe distinctif de l'abréviation des nomina sacra correspond exactement à celui qui marque la valeur numérique d'une séquence de lettres (à lire comme un nombre et non comme un mot ) dans la graphie ordinaire du grec, ce qui pourrait expliquer son origine première : associer une valeur numérique à "Jésus", tout en le marquant comme nomen sacrum par excellence -- ce qu'il est de toute façon dans le texte même du NT, indépendamment de sa graphie, puisqu'à l'évidence la plupart des formules vétéro-testamentaires se référant au "nom" (šm = onoma) de Yhwh ("au nom de", etc.) sont transférées au "nom" de Jésus*. Que la pratique spécifiquement chrétienne de l'abréviation des nomina sacra, qui ne s'explique guère par un motif d'économie de temps et/ou de place (parce que 1) l'abréviation est souvent espacée, donc le "gain de place" est nul ou minime, 2) il y a généralement une distinction entre un emploi "sacré" et "ordinaire" des mêmes mots, qui ne sont abrégés qu'en cas d'emploi "sacré" et 3) il y a des mots plus fréquents qui ne sont jamais abrégés), s'inspire au départ des graphies juives des "noms divins", ça reste tout à fait plausible. Mais que "Jésus" et "Christ" en bénéficient au même titre que "Seigneur" et "Dieu" (voire que de tous "Jésus" ait été le premier à être ainsi marqué, si l'on suit Hurtado), ça ne fait pas tellement l'affaire des TdJ.
* Il vaut peut-être la peine d'insister encore sur ce point, bien qu'on l'ait souvent fait ailleurs dans ce forum. La question (d'allure) jéhoviste "où est passé le nom divin YHWH dans le NT ?" est, dans un sens, tout sauf idiote: le problème, c'est l'obstination de la Watchtower et de ses apologistes à lui trouver une réponse verbale, littérale, graphique à l'identique ou presque (le mot, le même, ou à la rigueur le même sous une autre forme, c.-à-d. sous la forme d'un autre mot, y aurait été puis en aurait disparu) -- non seulement parce que ce genre de réponse entraîne aussitôt sur la voie d'un débat "scientifique", historique, textuel, paléographique et archéologique, qui dans le meilleur des cas ne sortira jamais de l'hypothétique et du conjectural, et d'une complexité technique qui n'a plus rien à voir avec quoi que ce soit de religieux; mais surtout parce qu'elle écarte d'emblée, de façon à ne plus jamais la retrouver, la réponse massive, évidente, qui s'imposerait autrement à n'importe quel lecteur de la Bible chrétienne (AT et NT): le nom divin YHWH (avec son "culte", comme dit le titre de ce fil) est bel et bien passé de l'AT au NT, mais il est passé dans les différentes constructions christologiques que les textes du NT présupposent ou effectuent. Dans l'usage charismatique ou liturgique, thaumaturgique ou rituel, du nom (onoma) de "Jésus", dans l'usage notamment paulinien du substitut "Seigneur" (kurios) appliqué au "Christ", dans la mystique johannique du "nom" du Père donné au Fils, avec ses "Je suis" (egô eimi) qui rappellent les auto-affirmations de Yahvé chez le deutéro-Isaïe, dans le Ièsous Alpha et Ôméga (IAÔ) de l'Apocalypse probablement, dans la formule "celui qui est, qui était et qui vient" qui combine une interprétation juive du nom divin en Exode 3 avec des eschatologies "messianiques" ou autres ("celui qui vient", outre Yahvé dans les textes liturgiques ou prophétiques, c'est le "messie", mais c'est aussi Elie ou le Fils de l'homme de Daniel ou d'Hénoch), et ainsi de suite. Tous les éléments d'un "culte de Yhwh" sont bien là, mais décomposés et recomposés, redistribués selon de nouvelles "économies", de nouveaux agencements.
J'écris "économies" et "agencements" au pluriel, car si l'effet d'ensemble est immanquable, pourvu qu'on l'observe à quelque distance (celle où tel ou tel arbre ne peut plus cacher la forêt), il n'en résulte pas un système unique et cohérent qui permettrait par exemple d'identifier globalement, purement et simplement LE "Yahvé de l'AT" (sans préjudice de sa propre diversité selon les textes) au "Jésus du NT" -- pas davantage d'ailleurs au "Père du Jésus du NT", et pas même (bien qu'assurément on s'en rapproche) à UNE "économie" définie des deux (dithéisme, binitarisme comme dit Hurtado). L'"idée générale" est indéniable, mais elle s'exprime sous des formes trop différentes et à la lettre contradictoires pour être ainsi systématisée. Il faut le travail ultérieur d'une théologie systématique (trinitaire ou autre) pour ramener la diversité des pensées néotestamentaires à une pensée unique et cohérente, qu'on ne pourra de toute façon pas retrouver rétrospectivement dans les textes, sauf à leur faire violence. De ce point de vue la dogmatique "orthodoxe" et les "hérésies" font le même travail, de ramener une pluralité textuelle impensable à une unité doctrinale pensable (fût-ce sous forme de "mystère"). Même le geste fondamental de l'islam, qui tranche plus radicalement dans cette complexité inextricable pour en dégager à nouveau une pure unicité divine, leur reste fondamentalement comparable: il s'agit toujours de refaire du sens unique à partir de la diversité des textes, soit en les réinterprétant, soit en les laissant carrément tomber. La Watchtower à sa manière a aussi fait quelque chose de similaire, en réduisant d'une part la pluralité non totalisable des textes à une doctrine unique et relativement cohérente, et en neutralisant pratiquement d'autre part la dualité théorique de sa doctrine ("Jéhovah et Jésus-Christ") par une piété tournée vers un unique objet ("Jéhovah"). A tout cela il n'y aurait rien à redire, comme il n'y a jamais rien à redire d'un point de vue "moderne" à aucune doctrine religieuse, sinon lorsque celle-ci s'aventure sur des terrains qui ne sont plus le sien dans la répartition moderne des "savoirs" (en l'occurrence celui des "sciences", y compris "bibliques").
Entre les multiples formes du "culte de YHWH", dans un polythéisme ou une monolâtrie pré-exiliques, dans les monothéismes absolus ou relatifs du judaïsme du Second Temple ou phariséo-rabbinique, dans les binitarismes ou trinitarismes de l'Eglise ancienne, dans la résurgence monothéiste de l'islam qui se complique elle-même selon ses propres ramifications, ou dans le "jéhovisme" moderne parmi beaucoup d'autres rejetons sectaires du christianisme (protestant < adventiste), il y a toujours un "fonds commun" et une sorte de "continuité", qui n'est cependant ni celle d'une "identité" ni celle d'une évolution linéaire -- ou alors multilinéaire, avec des bifurcations et des convergences inattendues à tous les étages, comme une arborescence sans véritable tronc commun. Si l'on peut discuter les prétentions à caractère scientifique de la Watchtower, tout procès en authenticité religieuse me semble en revanche nul et non avenu. Dans une telle configuration, ou tout doit être présumé "authentique", ou rien ne le sera jamais. |
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