|
| aurore | |
| | |
Auteur | Message |
---|
Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 18.12.18 18:53 | |
| @ free: L'histoire de Tiridate(s) (qui serait bien roi et mage, pour le coup, mais au sens premier du mot "mage" = prêtre zoroastrien) ressemble un peu moins au récit de Matthieu que ne le laisse entendre Gounelle; cf. ici Pline, Histoire naturelle XXX,vi; et là Suétone, Vie des Douze Césars, Néron xiii. Les nombreux parallélismes avec l'histoire de Moïse (voir la suite de l'article) pour l'ensemble de la Nativité selon Matthieu sont plus convaincants (mais l'un n'empêche pas l'autre !).
@ lct: La séquence Noël-Epiphanie s'est imposée comme solution liturgique et narrative au problème d'incohérence qui résultait de la réunion des récits indépendants et strictement incompatibles de Matthieu et de Luc dans le même canon. Il n'y avait pas d'autre choix que de fusionner les deux histoires en une seule, en les "tricotant" (ou "montant") scène par scène (ou plan par plan): en faisant venir, par exemple, les bergers de Luc avant les mages de Matthieu. La chose a si bien réussi qu'il devient très difficile de lire un des deux textes pour ce qu'il dit vraiment sans suppléer mentalement l'autre (on commence à Bethléem OU à Nazareth, l'annonciation est à Marie OU à Joseph, il y a ou non recensement, crèche OU maison, bergers OU mages, fuite en Egypte OU non, retour OU déménagement à Nazareth, etc.). |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 19.12.18 10:10 | |
| L'ange du Seigneur survint devant eux, et la gloire du Seigneur se mit à briller tout autour d'eux. Ils furent saisis d'une grande crainte." Luc 2,9 Ce texte décrit (déjà et peut-être) la victoire de la lumière sur l'obscurité, en effet les bergers veillant auprès de leurs bêtes dans les champs, pour la nuit la plus longue de l'année, sont informés les premiers, par les anges dans le ciel, de la venue du Sauveur, à cette occasion le texte précise que "la gloire du Seigneur se mit à briller tout autour d'eux". On imagine sans peine la clarté que l'auteur a voulu dépeindre dans cette obscurité épaisse. Le phénomène a dû s'amplifier quand "se joignit à l'ange une multitude de l'armée céleste, qui louait Dieu et disait :Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et, sur la terre, paix parmi les humains en qui il prend plaisir !""La transcendance qui fait irruption dans la matérialité quotidienne : Le sacré, c'est le sentiment mystérieux d'une transcendance éclatant dans l'ordre naturel du monde, dans le quotidien." ... Jean Bazaine, Notes sur la peinture d'aujourd'hui, p. 66. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 19.12.18 11:26 | |
| Je ne jurerais pas que le récit de Luc présuppose le solstice d'hiver, dont l'importance augmente d'ailleurs à mesure qu'on se déplace vers le nord (dans l'hémisphère Nord); mais comme il fait visiblement partie des derniers développements d'un ensemble Luc-Actes orienté vers Rome (où le rapprochement aura effectivement lieu au IVe siècle), ce n'est pas non plus impossible. (A contrario, les bergers donneraient plutôt à la scène un caractère estival, mais là encore tout dépend de la latitude et de l'altitude du lecteur.) |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2606 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: aurore 19.12.18 20:12 | |
| - Free a écrit:
- Ce texte décrit (déjà et peut-être) la victoire de la lumière sur l'obscurité, en effet les bergers veillant auprès de leurs bêtes dans les champs, pour la nuit la plus longue de l'année, sont informés les premiers, par les anges dans le ciel, de la venue du Sauveur, à cette occasion le texte précise que "la gloire du Seigneur se mit à briller tout autour d'eux".
Peut-être l'auteur a-t-il présent à l'esprit la puissance de Rome occupant cette partie du monde, faisant tomber des ténèbres sur la population et le système religieux. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 19.12.18 21:12 | |
| Et pourtant l'ensemble Luc-Actes est pro-romain jusqu'à l'obséquiosité ! Ici même le recensement de Quirinius (6 après J.-C. ! Cf. Actes 5,37) paraît providentiel, et les protagonistes s'y soumettent de bonne grâce (malgré l'anachronisme historique et le contresens géopolitique)...
Le "monde" (ou la "terre habitée", oikoumènè, 2,1; cf. 4,5; 21,26; Actes 11,28; 17,6.31; 19,27; 24,5) se confond avec l'empire romain; il n'y a guère que l'Apocalypse, très anti-romaine au contraire, pour penser au-delà (du côté de l'empire parthe concurrent, à l'est: les rois du soleil levant, et probablement le premier cavalier au cheval blanc et à l'arc, cf. la "flèche du Parthe"); et éventuellement le "Scythe" de Colossiens 3,11.
Plus largement, il est certain que tous les symboles du christianisme sont affectés par son extension au-delà de sa zone géographique de référence initiale (l'empire romain essentiellement): ils y gagnent parfois vers le nord (ainsi Noël chez les Germains et au-delà, où le solstice est plus sensible), mais ils y perdent vers le sud, jusqu'à se renverser complètement dans l'hémisphère Sud (Noël au solstice d'été, Pâques en automne)... |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 20.12.18 13:27 | |
| Je serais absent du forum pendant les fêtes : Joyeux Noël à toutes et à tous |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 20.12.18 14:52 | |
| Joyeux Noël !
(Texte et traduction: 1, 2, 3, 4, 5, 6: le commentaire "intérieur" ou "communautaire" des solistes ou du chœur alternant avec les lectures bibliques -- récitatifs -- gagne à être lu au fil de l'écoute. L'épisode des mages, dont nous avons beaucoup parlé ces jours-ci, commence à la partie 5 = 1h41' -- pour l'Epiphanie -- et culmine avec le choral Ich steh an deiner Krippen hier, "je me tiens ici devant ta crèche", 6/6 = 2h17'45".) |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 28.12.18 12:46 | |
| - Citation :
- Joyeux Noël !
(Texte et traduction: 1, 2, 3, 4, 5, 6: le commentaire "intérieur" ou "communautaire" des solistes ou du chœur alternant avec les lectures bibliques -- récitatifs -- gagne à être lu au fil de l'écoute. L'épisode des mages, dont nous avons beaucoup parlé ces jours-ci, commence à la partie 5 = 1h41' -- pour l'Epiphanie -- et culmine avec le choral Ich steh an deiner Krippen hier, "je me tiens ici devant ta crèche", 6/6 = 2h17'45".) Merci pour cette découverte ... Emouvant, sublimement beau et grandiose !!! L'Épiphanie est une fête chrétienne qui célèbre le Messie venu et incarné dans le monde et qui reçoit la visite et l'hommage des rois mages. Elle a lieu le 6 janvier1. Depuis 1971, dans les pays où l'Épiphanie n'est pas un jour férié, elle peut se fêter le deuxième dimanche après Noël, c'est-à-dire le premier dimanche qui suit le 1er janvier.2 En France, c'est le cas depuis 1802, règle qui a été instaurée par un décret du cardinal Caprara3, légat du pape Pie VII.La fête s'appelle aussi « Théophanie », qui signifie également la « manifestation de Dieu ».Diverses coutumes sont observées à cette occasion. En France, depuis le Moyen Âge, une « galette des rois » ou un « gâteau des rois », pâtisseries contenant une fève, sont partagées ce jour-là ; celui qui trouve la fève dans sa part est surnommé « roi ».À l'origine, une fête de la LumièreÀ l'origine, l'Épiphanie fait partie du cycle de Noël et tire son fond et son sens des célébrations païennes de la Lumière. En effet, Noël, avant d'être un jour, est d'abord un cycle qui atteint son apogée au jour marquant le solstice d'hiver, le 22 décembre. Cette nuit du solstice — la plus longue de l'année — annonce le rallongement des jours et — par extension — la renaissance de la Lumière censée être à l'origine de toutes choses. Puis la célébration se prolonge après le 25 décembre durant un nombre de jours hautement symbolique : 12 jours et 12 nuits. Le nombre 12 représentant entre autres la Totalité (12 mois, 12 heures, 12 dieux olympiens, 12 tribus d'Israël, 12 apôtres, etc.) Le cycle prend fin le 6 janvier. C'est à ce moment que les jours commencent à s'allonger de façon sensible, que la promesse de la nuit solsticiale est tenue, et c'est cette date que choisit le Père de l'Église Épiphane de Salamine, dans son Panarion, comme date de naissance de Jésus, afin de réfuter une date concurrente proposée par la secte gnostique des Alogoi8. On célèbre alors l'Épiphanie, la manifestation de la Lumière. Par sa forme ronde et sa couleur dorée, la galette symbolise le soleil. Il est à noter également que c'est ce jour (en tout cas son équivalent, car le calendrier alors en vigueur — le calendrier julien — diffère du nôtre) qu'avait lieu sous la Rome antique la fête des 12 Dieux épiphanes (autrement dit les 12 Olympiens).Une fête chrétienneJusqu'à la fin du IVe siècle, l'Épiphanie est la grande et unique fête chrétienne « de la manifestation du Christ dans le monde » (manifestation exprimée, d'abord, par la venue des mages puis par différents épisodes : la Nativité, la voix du Père et la présence d'une colombe lors du baptême sur le Jourdain, le miracle de Cana, etc.). Des pères de l'Église comme Jean Chrysostome ont fixé des traditions pour commémorer le même jour trois événements lors de la fête de la théophanie : l'adoration des mages, le baptême dans le Jourdain situé trente ans plus tard et les noces de Cana trente-et-un ans plus tard. Dès le Moyen Âge, la liturgie chrétienne a rassemblé ces trois événements11 mais la piété et l'art chrétiens ont privilégié l'adoration des mages.Depuis l'introduction d'une fête de la Nativité (Noël) le 25 décembre, la liturgie actuelle de l'Épiphanie met l'accent sur des sens spécifiques selon les confessions et les cultures12.Depuis le XIXe siècle on l'appelle aussi le « jour des rois » en référence directe à la venue et à l'adoration des rois mages.https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89piphanie
Dernière édition par free le 28.12.18 15:01, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 28.12.18 14:32 | |
| Ravi que tu aies écouté et apprécié (Bach) ! Je l'avais certainement déjà évoqué les années précédentes (de même que les "Passions", de Matthieu ou de Jean, de l'autre côté du "cycle"). L'"épiphanie" ( epiphaneia, non au sens de la fête ni de l'épisode des mages mais de "manifestation" ou d'"apparition", substantif et nom commun) fait partie du vocabulaire tardif du NT (2 Thessaloniciens 2,8; 1 Timothée 6,14; 2 Timothée 1,10; 4,1.8; Tite 2,13). C'est un terme "eschatologique", quasi-synonyme de "révélation-dévoilement" ( apokalupsis = apocalypse) mais sans l'image du "voile", et équivalent de "parousie" = "avènement". Le rapport à Cana tient à l'usage du verbe apparenté phaneroô en Jean 2,11 (il manifesta sa gloire); également apparentés à ce langage " photologique", de manifestation de et par la lumière ( phôs), nos mots de phénomène (ou d'épiphénomène), mais aussi de fantôme et de fantasme (apparitions). (Cf. p. ex. Colossiens 3,3s). |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 02.12.19 10:22 | |
| De nombreux textes de l'AT expriment un espoir incarné par la naissance d'un enfant, ces textes se recyclent facilement dans le contexte de la nativité. Is 9, 1-6, fait parti de ces références qui annoncent la naissance d'un enfant royal libérateur et qui associe cet avenir radieux à une lumière qui resplendit :Le peuple qui marche dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur ceux qui habitent le pays de l'ombre de mort une lumière a brillé.Tu as rendu la nation nombreuse, tu l'as comblée de joie. Ils se réjouissent devant toi de la joie des moissons, de l'allégresse qui règne au partage du butin.Car le joug qui pesait sur elle, la trique qui frappait son dos, le bâton de son oppresseur, tu les as brisés comme au jour de Madiân.Toutes les bottes qui piétinaient dans la bataille et tous les manteaux roulés dans le sang seront livrés aux flammes, pour être dévorés par le feu.Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. Il a la souveraineté sur son épaule ; on l'appelle du nom de Conseiller étonnant, Dieu-Héros, Père éternel, Prince de paix. Etendre la souveraineté, accorder une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par l'équité et par la justice, dès maintenant et pour toujours : voilà ce que fera la passion jalouse du SEIGNEUR (YHWH) des Armées.Esaïe fait le constat qu'Israël a le sentiment d’une existence vouée à l’obscurité de la nuit et aux ténèbres de la mort :"Puis il regardera vers la terre : ce sera la détresse, l'obscurité et de sombres angoisses ; il sera repoussé dans d'épaisses ténèbres" (8,22)"Nous tâtonnons comme des aveugles le long d'un mur, nous tâtonnons comme des gens sans yeux ; nous trébuchons à midi comme au crépuscule, au milieu de l'abondance nous sommes comme les morts." (59,10)La nuit peut se révéler percée par de lueurs d'espoir qui laissent apparaitre une promesse de libération : "une lumière a resplendi " (Notons qu' Ésaïe 9, 1, est repris en Lc 1, 79 : "pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort et pour diriger nos pas vers le chemin de la paix")Aspect plus technique :Le passage est célèbre, ne serait-ce que parce que, dans l’hébreu, puis dans la Vulgate, il donne le nom ou, plus précisément, les noms d’un enfant messianique. On s’est naturellement étonné de voir la réduction sévère de ces titres, accordés à l’enfant prophétique, dans la Septante, qui passe pour être plus « messianique » que la Bible hébraïque. Force est de constater qu’ici la Septante ne donne qu’un seul nom messianique, tripartite, au lieu des quatre noms bipartites du texte massorétique. En prenant en considération et ce nom tripartite et la fin du verset, on peut tenter d’établir une synopse, c’est-à-dire une série d’hypothèses sur la correspondance de tel terme du grec avec tel terme de l’hébreu.Nous pourrions ainsi proposer les équivalences suivantes :texte massorétique | Septante | conseiller | conseil | prince | chefs | de la paix | paix | Dieu | ?? moi ?? |
L’idée qui se dégage pourrait être un refus de l’attribution des noms divins au fils de la promesse. Nous remarquerons que cette théologie est celle du Targum par exemple (celui-ci étant par ailleurs explicitement messianique), qui transfère une partie de ces noms à Dieu : 13IX, 5 (6) Le prophète dit la maison de David : « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné ; il prendra la loi sur lui pour la garder, et son nom sera, devant le Conseiller merveilleux, le Dieu Puissant, qui existe à jamais : Le Messie aux jours desquels notre paix grandira . »Effrayés, je pense, par la majesté de ces noms, ils [les Septante] n’ont pas osé dire, à propos de l’enfant, qu’il ne devait pas recevoir ouvertement l’appellation de « Dieu » ni une autre (parmi celles que présente le texte hébreu) ; à la place de ses six noms, ils ont utilisé une formulation qui n’a aucun correspondant dans l’hébreu : messager du grand conseil, et je conduirai la paix sur les princes, et sa santé. https://journals.openedition.org/cerri/190 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 02.12.19 13:14 | |
| Cf. supra 20.12.2015 et 22.12.2017.
En ce qui concerne Isaïe 9, le texte hébreu massorétique lui-même est loin d'être assuré et clair. P. ex., ce qu'on traduit tranquillement par "père éternel" ou "père à jamais" s'écrit en un seul mot, 'by`d, qu'il faut décomposer artificiellement pour lui trouver ce sens. Plus généralement, ce qui se présente comme une liste de titres juxtaposés peut fort bien être la corruption accidentelle d'une phrase à jamais disparue (cf. Immanou-El 7,14; Maher-Shalal-Hash-Baz 8,3). |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 9:18 | |
| L’enfance est ce qui en l’homme rapproche de la beauté et de la vérité. Il y a en l’enfant un accueil du mystère dans la clarté des commencements. « Et la voix des enfants est plus pure que la voix du vent dans le calme de la vallée. » — « Et le regard des enfants est plus pur que le bleu du ciel […]». À travers cette pureté, c’est notre enfance spirituelle qu’il faut retrouver, une enfance qui sait humblement écouter, questionner et transformer l’existence en poème. L’enfance spirituelle se laisse aimanter par la présence. L’enfant apparaît à l’intérieur de l’homme comme le poète et l’ami de la sagesse. Il aime intuitionner la présence ineffable, en une immédiateté incandescente. Poésie et philosophie sur le chemin de l’enfance mènent au mystère. La présence se donne à découvrir en un embrasement. Au feu de la présence, le poème et le philosophème s’unissent. La poésie et la philosophie entrent en dialogue dans l’horizon d’une mystique. Explorer, de manière diachronique mais aussi synchronique, les voisinages entre poésie, philosophie et mystique, sans rechercher l’exhaustivité mais en jetant quelques éclairages qui nous paraissent significatifs, tel sera l’axe essentiel de cette étude.
Cithare de l’aurore
Au long des nuits de l’existence, le poète guettera la venue du Jour. Le Dieu qu’il cherche parmi les figures, les images, est un Dieu de beauté, source de toute beauté. À la beauté voilée du mystère répondra la beauté voilée du chant. La Grandeur qui s’incarne inspirera un souffle musical au langage. « Heureux celui qui est devenu source de mélodies, / Qui pour Toi tout entier n’est plus que “Merci !” » Le chant se déclinera comme chant de louange, de reconnaissance. Servir la beauté sera d’un même mouvement servir la vérité. Le poète aspire à devenir « une cithare de la Vérité ». Le lyrisme des Hymnes où les comparaisons jaillissent sans cesse, les mots touchent par une vive sensibilité, s’enracine dans la Révélation. Le chant du veilleur oriente le regard vers Celui qui par sa croix annonce l’aurore du Paradis. La poésie biblique du diacre Éphrem, mort en l’an 373 tel un martyr en soignant les pestiférés, est une poésie de témoignage, ce témoignage qui rapproche de la Présence, la Shekhinah. https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2005-v61-n3-ltp1093/012580ar/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 10:24 | |
| Bien que je n'aie rien vu qui l'indiquât expressément, le style, puis le nom de l'auteur (qui m'évoque spontanément le célèbre éditeur, mais qui pourrait à la rigueur être un homonyme ou un pseudonyme) me font penser à un texte de la première moitié du XXe siècle plutôt que du XXIe -- le cas échéant ou non, cela permettrait de prendre la mesure de ce qui a changé dans nos habitudes d'écriture et de lecture. Malgré le surcroît de patience qu'un tel texte exige d'un lecteur contemporain (de nous), il y a là beaucoup de choses fort belles et profondes, en rapport direct avec notre sujet (si c'en est un).
S'il fallait le définir d'un mot (et d'un autre mot qu'"aurore"), ce sujet (si c'en est un), ce serait peut-être le rythme, qui scande le jeu du jour et de la nuit, de l'été et de l'hiver, de la vie et de la mort, de l'apparaître et du disparaître, et tous les jeux du monde, du temps et de tous les temps. Comme ce Fort/Da (il ou elle est parti(e) / il ou elle est là, s'agissant d'une bobine attachée à un fil, du père, de la mère ou du grand-père) que Freud observait chez son petit-fils dans Au-delà du principe de plaisir et dont il déduisait, sans le déduire, le couplage d'une "pulsion de mort" (Todestrieb) au "principe de plaisir" (Lustprinzip) qui a fait tant parler et écrire depuis (Lacan, Derrida et d'autres). |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 12:16 | |
| "Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l'entremise du prophète : La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous." Mt 1, 22-23
Alors à quoi renvoie Isaïe quand il transmet un message concernant un enfant qui vient de naître et qui semble s’appeler « Dieu puissant » ? Il fait sûrement référence à un événement survenu à son époque et celle de ses auditeurs, qui les réconfortera et leur révélera Dieu. Cet enfant, comme celui d’une jeune femme au verset 7,14, proclame que « Dieu est avec nous » dans nos tourments et qu’Il finira par vaincre. C’est ce qu’on appelle la Shekhina, la Présence divine au milieu des hommes dans ce monde, qui intervient de manière non spectaculaire et en dehors de tout phénomène extraordinaire ou miraculeux. http://www.garriguesetsentiers.org/2017/12/un-enfant-nous-est-ne-un-fils-nous-est-donne-qui-est-vise-par-ce-verset-d-isaie.html
La messe de l’aurore, la plus intime des trois messes de Noël
Si la messe de minuit est bien connue, on oublie parfois qu’elles sont trois messes à célébrer la naissance du Christ. Celle dite de l’aurore, aux premières lueurs du jour, est certainement la plus tangible pour un chrétien.
La messe de minuit est terminée. Les portes de l’Église sont refermées et les nefs plongées dans la pénombre, éclairées par les quelques cierges laissés allumés sur le grand autel. Mais dans l’église une poignée de fidèles est restée pour assister à une autre messe, la messe de l’aurore, qui est probablement la célébration la plus intime et la plus familiale pour le croyant. Illustrant déjà le mystère de « la vie donnée », elle fait la jonction entre le passé, le présent et l’avenir.
Le passage des ténèbres à la lumière [size=13]Célébrée avant le lever du soleil, cette messe est la troisième des quatre messes célébrant chacune un mystère de la Nativité, entre le 24 au soir et le 25 au matin : la messe dite de « l’Emmanuel » ou messe « de la Vigile », le 24 au soir, dernière cérémonie du temps de l’avent, célébrée au coucher du soleil ; la messe de la nuit célébrant le Christ engendré par le Père depuis le commencement du monde ; la messe de l’aurore célébrant le Christ comme lumière naissante ; et la messe du jour célébrant la naissance du Christ fait homme. Mais de ces quatre messes, seules les trois dernières sont les plus connues. D’où l’appellation un peu générique des « Trois messes de Noël » que l’on appelait jadis « la messe de l’ange », « la messe des bergers » et « la messe du Verbe », symbolisant les trois naissances du Christ : sa naissance éternelle invisible et cachée, sa naissance dans l’âme des fidèles et sa naissance temporelle et corporelle, visible à tous. https://fr.aleteia.org/2018/12/24/la-messe-de-laurore-la-plus-intime-des-trois-messes-de-noel/ [/size] |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 13:51 | |
| Articles intéressants -- le second particulièrement instructif pour moi qui connais mal la liturgie catholique.
Quant au premier, je dirais qu'après avoir longtemps méprisé outrageusement les traditions juives, la lecture chrétienne a tendance à tomber dans un autre travers, pas tout à fait contraire mais différent, qui consiste non pas à les survaloriser mais les valoriser comme plus anciennes et plus "authentiques", ce qu'elles ne sont généralement pas. Les interprétations juives (c.-à-d. phariséo-rabbiniques) telles que nous les connaissons sont le plus souvent "cousines" des interprétations chrétiennes; tout en étant différentes, voire opposées entre elles, elles ont par rapport aux textes "bibliques" (de la "Bible juive" dite Tanakh ou Ancien Testament) le même type de décalage temporel et herméneutique. La "shekinah" rabbinique, par exemple, est un concept tout aussi anachronique par rapport aux textes "bibliques" (et au sens qu'y recherche l'exégèse moderne et "scientifique") que le "Christ" chrétien. Ils peuvent sans doute s'"éclairer" mutuellement, et "éclairer" une lecture "spirituelle", juive ou chrétienne, des textes bibliques (à ce titre, la théologie islamique de la "parole" divine aussi !), mais on se tromperait à y voir une sorte de parenté ou d'héritage en ligne directe -- il s'agit plutôt d'une triangulation multiple, d'un "delta" d'interprétations qui reflète d'ailleurs, mais encore autrement, la diversité des textes mêmes. |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 15:36 | |
| L’expérience spirituelle ne va pas sans combat entre lumière et ténèbres, elle affronte inévitablement ce que l’on peut appeler « l’autre côté » de la réalité, soit un « réservoir de forces sombres, désordonnées et destructrices, rebelles à la parole qui appelle la lumière à l’être et qui nomme “nuit” la part de ténèbres destinée à relayer le jour ». Pour que la création ne s’abandonne pas au chaos de la dispersion, il lui faut demeurer attentive à cette parole qui la suscite et qui l’invite à n’aller de l’avant qu’en se ressourçant constamment au foyer d’intimité d’où jaillit la vérité lumineuse de la vie. L’écoute, autrement dit, est inséparable d’une radicale conversion éthique de l’existence : il n’est que l’altérité de la parole qui décentre et envoie pour « changer les ténèbres en lumière » (Es 42, 16) ou permettre à la lumière de « se lever dans les ténèbres » (Es 58, 10). https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-4-page-421.htm#re26no26 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 03.12.19 18:03 | |
| Cf. ici -- et pour l'article de Francis Guibal qui y est également cité, et pour le texte d'Isaïe 21 qui lui sert de titre ou d'exergue, sinon de pré-texte; tout cela faisant en effet de multiples échos à la présente discussion. Je reviens un peu sur la notion de rythme que j'ai évoquée trop vite, et qui était déjà venue d'elle-même dans ce fil (c'est le cas de le dire): ruthmos, de rhein "couler" (comme une rivière ou un fleuve), cf. le panta rhei, panta khôrei "tout coule, tout cède ou fait place", d'Héraclite. Le rythme c'est ce qui marque, de différences remarquables, le cours autrement indistinct des différences indifférentes et y produit des effets de forme, de répétition, de cycle et de retour, de mémoire et d'anticipation, de connaissance et de maîtrise -- le jour et la nuit, les saisons, la naissance et la mort, l'apparition et la disparition des "phénomènes". On a beaucoup répété que le sens de l'"histoire" ou du "devenir", en tant que ce qui précisément ne se répète jamais, ne revient pas, ni au même, ni à rien ni à personne, était second, qu'il s'était tardivement dégagé de l'illusion cyclique "primitive"; on pourrait aussi bien dire que le sens du rythme a d'abord dû se dégager du flux indifférencié des perceptions, avec la re-connaissance du même, fût-il toujours illusoire, à même le cours indifférent des choses. En fait nous nous construisons (et détruisons) d'osciller continuellement d'un aspect à l'autre, du continu au discontinu, de la quantité à la qualité, etc. -- encore un rythme, du rythmique et de l'a-rythmique mêmes... |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 10:08 | |
| - Citation :
- Je reviens un peu sur la notion de rythme que j'ai évoquée trop vite, et qui était déjà venue d'elle-même dans ce fil (c'est le cas de le dire): ruthmos, de rhein "couler" (comme une rivière ou un fleuve), cf. le panta rhei, panta khôrei "tout coule, tout cède ou fait place", d'Héraclite. Le rythme c'est ce qui marque, de différences remarquables, le cours autrement indistinct des différences indifférentes et y produit des effets de forme, de répétition, de cycle et de retour, de mémoire et d'anticipation, de connaissance et de maîtrise -- le jour et la nuit, les saisons, la naissance et la mort, l'apparition et la disparition des "phénomènes".
La création des astresAprès la mention de la maîtrise divine des eaux du chaos, le Ps 74 introduit une évocation de la création des astres : À toi le jour, à toi aussi la nuit ; toi, tu as fixé un luminaire et le soleil. Toi, tu as posé toutes les limites de la terre. Été et hiver, toi tu les as formés (v. 16-17).Alors que Gn 1 décrit la création des astres en usant du mot luminaire (ma’ôr) et non des termes soleil et lune, des divinités importantes au sein des panthéons ougaritiques et babyloniens, le psaume combine curieusement luminaire et soleil. Le premier de ces termes (ma’ôr) sert à désigner les lampes de la Tente de la rencontre (Ex 35,8.14 ; Lv 24,2 ; Nb 4,9.16). Dans le psaume, comme en Genèse, il pourrait indiquer que l’univers créé est la maison de Dieu, ce qui prolongerait l’écho au cycle de Baal où la construction du palais est symbole de la stabilité du cosmos. Ceci étant, la divinité solaire ougaritique a pour principale fonction de rechercher Baal dans le royaume des morts pour le conduire à Anat qui le rétablit sur son trône (KTU 1.6). Le soleil, auxiliaire d’Anat aux ordres de qui il obéit, préside à l’alternance des saisons. Il est possible que l’intention du psaume soit à la fois d’affirmer que l’univers est la demeure de la divinité et le soleil sa créature, au service de l’alternance des saisons que Dieu instaure (v. 17b). Le verbe utilisé pour dire que Dieu fixe (kûn) le luminaire et le soleil contient une nuance de stabilité comme le suggère son emploi en Ps 8,4 ; 24,2 ; 65,7 ; 87,5 ; 89,38 ; 96,10 ; 93,1 ; 119,90 que son objet soit les astres, la terre ou le monde. Quant au verbe former (y?r), par ailleurs utilisé en Gn 2,7.8.19, il accentue l’idée que Dieu est seul le grand artisan de l’alternance des saisons.Une dimension temporelle est également présente dans le Ps 104 : Dieu règle l’alternance de la nuit et du jour, de la lune qui fixe les temps (mo‘?d) et du soleil qui sait l’heure de son coucher. L’ordre de la séquence lune-soleil (v. 19), ténèbres de la nuit-lever du jour (v. 20. 22) est unique. Si le v. 19 a pu être interprété comme une affirmation de l’exclusivité du calendrier lunaire pour fixer les fêtes religieuses, J. Ben-Dov a montré que le terme mo‘?d est ici à comprendre dans le sens d’intervalles de temps. Comme Aton a créé les saisons et plonge la terre dans les ténèbres lorsqu’il se couche, Yhwh fait la lune qui marque des intervalles de temps et le soleil qui se couche, lune et soleil fonctionnant harmonieusement . Les v. 20.22 posent l’alternance de la nuit et du jour. Alors qu’en Genèse la ténèbre à la surface de l’abîme est séparée de la lumière par Dieu pour que soient créés le jour et la nuit, dans le psaume Yhwh pose les ténèbres et il se fait nuit, ce qui accentue l’idée d’une maîtrise divine sur l’univers créé. Les ténèbres sont par ailleurs présentées comme ayant leur utilité puisque c’est le temps où les bêtes des bois partent à la recherche de la proie que Dieu leur offre (v. 20-21). Le jour, en revanche, est le temps de l’action humaine (v. 22-23). En somme, les éléments célestes sont créés dans un but précis et l’univers et les créatures qui l’habitent fonctionnent harmonieusement. C’est pourquoi, la description de l’agir divin peut s’interrompre pour laisser place à un cri d’admiration louant la sagesse divine à l’œuvre dans sa création (v. 24). https://www.cairn.info/revue-transversalites-2014-1-page-45.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 11:39 | |
| Merci encore pour cet article de grande qualité.
La notion générale d'intertextualité a le défaut de niveler des rapports intertextuels qui sont, en fait, très différents selon les cas: la relation d'un texte "biblique", ou plus largement hébreu ou judéo-araméen, à des textes ougaritiques, mésopotamiens ou égyptiens n'est jamais directe, elle passe forcément par des traductions et des traditions écrites ou orales auxquelles nous n'avons pas accès -- en revanche, le sens ou la direction de l'influence ou de la réminiscence ne fait généralement aucun doute, du fait d'un décalage temporel marqué (de plusieurs siècles le plus souvent). Entre les textes "bibliques" (etc.) par contre, les relations peuvent être beaucoup plus littérales parce qu'il s'agit de la ou des mêmes langues, de la même "culture" et globalement de la même époque, mais c'est le "sens" des influences, des réminiscences et de leurs modifications qui fait question, d'autant que chaque texte est le résultat d'un processus rédactionnel relativement long où l'intertextualité a pu jouer dans un sens ou dans l'autre à chaque étape. La facilité que nous avons aujourd'hui à comparer sur le même écran des textes "finis" est à cet égard aussi trompeuse qu'éclairante. Enfin toute intertextualité spécifique peut en cacher d'autres -- le rapport de la littérature "biblique" à la phraséologie perse contemporaine (p. ex. pour "dieu des dieux, roi des rois, seigneur des seigneurs"), ignorée dans cet article, compte peut-être davantage que son rapport aux textes ougaritiques antérieurs de près d'un millénaire...
On ne répétera sans doute jamais assez que la "création" biblique et antique, contrairement à ce qu'on entend habituellement par là dans le judaïsme ultérieur et surtout dans le christianisme, n'est pas seulement ni essentiellement "initiale" et opposable à l'"histoire"; c'est au contraire une création "continue" et coextensive à l'histoire, qui dès lors englobe toutes les "interventions" divines et à la limite l'ensemble des événements passés, présents ou futurs, comme une autre lecture du réel à même son devenir. Dans un sens qui est précisément le leur, les dieux font tout ce qui arrive, ils ne créent pas le monde comme un décor et des personnages dont l'histoire serait dès lors "autonome". Sur ce fond-là, c'est plutôt l'absence divine et la responsabilité humaine qui apparaîtraient comme un nouveau mystère.
Détail: je trouvais assez jolie l'idée que le dieu se fasse nuit dans le psaume 104,20, mais ce n'est pas tout à fait ce que dit le texte (malgré une certaine hésitation de la ponctuation massorétique à cet endroit). |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 11:59 | |
| - Citation :
- A un autre bout (d'un ou de plusieurs cycles qui n'en ont pas, de bout), ce célèbre texte "de Noël", ou de "l'Avent" -- fin du poème de Zacharie dans les Nativités de Luc (où la Sainte-Famille trinitaire, Joseph-Marie-Jésus, s'est dédoublée en une seconde qui la précède, Zacharie-Elisabeth-Jean, les deux se confondant ici et là au gré des variantes textuelles):
Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu iras devant le Seigneur pour préparer ses voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut en/par la rémission de leurs péchés -- grâce à la tendre compassion de notre Dieu, en/par laquelle nous visitera une aurore d'en-haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort, et diriger nos pas vers la voie de la paix. ANATOLE Le Messie est également représenté par un astre levant. Ainsi, dans l’Ancien Testament : " Un astre issu de Jacob devient chef " (Nb 24,17) " Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison sous ses ailes " (Ml 3,20) " Par les matrices du secours de notre Elohîm, il nous visitera, soleil levant venu d’en haut, pour apparaître à ceux qui gisent dans la ténèbre et l’ombre de la mort " (Lc 1,78-79). En Grec, anatolè, astre levant, provient du verbe anatelo, anatelein qui signifie " se lever " en parlant d’un astre. C’est l’astre qui apporte sa lumière en se levant. Mais ce mot grec désigne aussi une plante qui croît, qui pousse. Dans le contexte du Benedictus (Lc 1,78-79), c’est un astre qui germe, qui se lève dans les entrailles de Marie. De même, et dans ces quelques mots se situe la clef du christianisme, cet astre doit germer et se lever en nous : " Ainsi nous tenons plus ferme la parole prophétique : vous faites bien de la regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l’astre du matin se lève dans vos coeurs. " (2 P 1,19). Si cette phrase demeure mystérieuse tant que nous n’en avons pas fait l’expérience, l’Apocalypse confirme que Jésus est cet astre lumineux : " Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Eglises. Je suis le rejeton de la race de David, l’Etoile radieuse du matin " (Ap 22,16). Paul confirme l’objectif : " En effet le Dieu qui a dit : Que des ténèbres resplendissent la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs... " (2 Co 4,6). Syméon le Nouveau Théologien commente cette expérience : " Examinons bien si l’astre levant a illuminé notre cœur ou si nous sommes toujours dans les ténèbres de l’ignorance. Luttons pour accroître ce feu divin en nous. ". Dans la personne du chrétien, c’est le Christ lui-même qui vit et agit. Syméon décrit la désolation de ceux qui ne possèdent pas le Christ en eux et qui sont habités par les rêves illusoires de ce bas-monde : " Voyons donc, frères, examinons-nous exactement et instruisons-nous de l’état de nos âmes. Le sceau est-il bien en nous ? Reconnaissons si le Christ est en nous aux marques que nous avons dites. Ecoutez, je vous prie, frères chrétiens, réveillez-vous et observez si la lumière a illuminé vos cœurs. Si vous avez contemplé la grande lumière de la connaissance, si l’astre levant vous a visité venu d’en haut, se manifestant à nous qui étions assis dans les ténèbres de la mort. Et rendons gloire et actions de grâce ininterrompues à la bonté du maître qui nous a fait ce don et luttons pour nourrir et accroître en nous-mêmes par la pratique des commandements le feu divin grâce auquel la lumière divine prend toujours plus d’éclat et de force. " http://ecolesagesse.free.fr/Anatole.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 12:53 | |
| Sur l'anatolè, cf. supra la suite du post que tu cites (20.12.2015).
Syméon le Nouveau Théologien est un moine byzantin du Xe-XIe siècle -- remarquable retour de "gnose" dans l'Eglise d'Orient, qui du reste en est toujours restée plus proche que celle(s) d'Occident. |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 14:21 | |
| La lumière (et en particulier le soleil) est l'image-archétype du processus individuationis, de l'émergence d'un niveau supérieur de conscience hors de l'obscurité et de l'abîme de l'inconscient. C'est le symbole de l'aube d'un ordre nouveau, le symbole de l'avènement d'un principe spirituel qui cherche à surmonter les forces de la nuit et du chaos, forces qui par une sorte d'attraction mystérieuse tendent toujours à faire sombrer et à submerger à nouveau cela même auquel elles ont permis de naître. (...) Mythologiquement parlant, nous pourrions donc dire qu'à des moments de croissance spirituelle décisifs, un nouveau principe mâle ou patriarcal (c'est-à-dire céleste) fait son apparition. Ce principe, dont le porteur est « le héos », a encore àse déendre contre la menace (c'est-à-dire psychologiquement l'attraction) du principe maternel. L'image approprié du principe maternel est celle d'une magna maler ou d'un symbole chtonique (comme à l'opposé du symbole mâle-céleste) similaire. Dans la mesure où fonctionne l'image-mère —à ce niveau —comme un danger et une réliténéative, elle apparaî comme une femelle hostile, souvent comme la forme maternelle contre laquelle le héos doit lutter. Elle est fréquemment représenté par un serpent ou un monstre déorant dont le meurtre est l'acte libérateur central de la vie du héros.
Le symbolisme de lumière doit donc être aussi interprété comme exprimant la réalité héroïque. Chaque héros, en tant que tel, est un héros-soleil, un porteur de lumière qui a dû passer à travers l'enfer souterrain ou qui a dû tuer le dragon. A minuit, ou à la mi- hiver, au point le plus bas du jour ou de l'année, la montée commence : le nouveau soleil est allumé, le héros a vaincu les puissances des ténèbres, la lumière de l'année ou la lumière du monde est née. Jugé par son contenu archétypal, Noël n'est-il pas un dies natalis solis invicli ?. Car le Christ est le sol verus (Cyprien) et le sol novus noster (Ambroise) ; et dans sa bouche ont été mis ces mots : « Je suis la lumièe du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les téères, mais il aura la lumièe de la vie » (Jean, 8, 12). https://www.persee.fr/docAsPDF/rhr_0035-1423_1954_num_145_1_6960.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 04.12.19 21:03 | |
| Les modes exégétiques, théologiques, philosophiques et psychologiques ont (encore) pas mal changé en 65 ans, on le mesure à la lecture de cet article. Reste le symbole, ou le jeu même (de la lumière et des ténèbres, par exemple exemplaire, de la variation lumineuse aussi insaisissable et pourtant remarquable que sa métonymie), en deçà de ses interprétations, explications, thématisations et schématisations autrement fluctuantes...
L'opposition théorique entre myth(olog)isation de l'histoire (Hanoukka) et historicisation du mythe (Noël) me semble, sinon neutralisée, du moins relativisée par leur calendarisation commune; de fait, ce qui revient chaque année, ce n'est ni un événement passé, historique ou légendaire mais supposé unique, ni une vérité éternelle qui n'aurait pas besoin de revenir, mais un présent ouvert sur l'avenir par son rapport ritualisé à l'un et à l'autre.
La question de la provenance temporelle, autrement dit du "sens" du temps aussi entendu au sens "directionnel" du mot "sens", ce "sens" qu'on dit unique, unidirectionnel et irréversible sans pouvoir dire au juste dans quel sens il va -- je la retrouve encore ces jours-ci lancinante, notion rythmique s'il en est, dans les "Pensées directrices" ou Leitgedanken de Heidegger -- appelle toutes les réponses formellement contradictoires: l'avenir vient du passé et du présent, le passé du présent et de l'avenir, le présent du passé et de l'avenir à la fois, tout cela est vrai, évident, trivial (c'est le cas de le dire), incroyablement simple, même si ça n'en n'a pas l'air quand on essaie de s'en expliquer. |
| | | free
Nombre de messages : 10063 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: aurore 05.12.19 12:03 | |
| Comment ! Tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l'aurore ! Tu as été abattu, toi qui domptais des nations !" - Is 14,12
astre brillant : le terme hébreu, qui n’apparaît qu’ici, est proche d’un mot arabe qui désigne la nouvelle lune ; LXX étoile du matin, cf. Ap 22.16 ; Vg Lucifer, c.-à-d. le porte-lumière (cf. Ez 28.2-12 ; Lc 10.18). Il s’agit peut-être d’une étoile particulière (probablement Vénus, étoile du matin) auquel le roi de Babylone était assimilé. – Voir fils. https://lire.la-bible.net/verset/Ésaïe/14/12/NBS
Dans son Cathemerinon liber, le poète espagnol Prudence consacre un hymne à l'Epiphanie. Il y chante l'étoile miraculeuse qui a guidé les Mages vers Jésus. Dès que l'étoile de la Nativité se mit à briller :
«... les autres astres Lui cédèrent, et Lucifer, Malgré sa beauté, n'osa pas Comparer à elle son éclat »
Ces quelques vers suggèrent la réputation de Lucifer comme étoile très lumineuse et introduisent d'emblée l'idée d'une rivalité entre deux astres, d'un côté Lucifer, première lueur du jour, et de l'autre, l'Étoile de la Nativité qui annonce Jésus. Lucifer - littéralement le « porte-lumière » - désigne précisément la planète Vénus (2) dont la caractéristique est de briller d'un éclat tout particulier ce qui a conduit les Anciens à lui donner le nom de la déesse de la beauté (stella Veneris) (3). Pline est le premier à indiquer que ses rayons sont tels qu'ils produisent de l'ombre . Les Grecs l'appelaient « celle qui amène l'aurore ». C'est notre « étoile du matin » ou encore notre « étoile du berger ». https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2001_num_75_2_ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12420 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: aurore 05.12.19 13:12 | |
| Lien corrigé. Cet article passionnant et très complet dans son domaine ( histoire de l'exégèse et de la théologie -- ou plutôt, en l'espèce, de la démonologie ou de la "diabologie" -- patristiques) laisse nécessairement de côté d'autres aspects des textes bibliques concernés auxquels s'intéresse en priorité l'exégèse habituelle (moderne, critique, scientifique; voir quand même à ce sujet les p. 149ss et surtout leurs notes bibliographiques): non seulement le "sens originel" des "oracles" sur le roi de Babylone ou de Tyr DANS les livres d'Isaïe ou d'Ezéchiel, mais encore la "préhistoire" de ces textes, en particulier des fragments poétiques et manifestement mythologiques recyclés dans ces "oracles" -- chute d'un dieu, d'un astre, d'un keroub divin qui n'est pas encore un "roi" et encore moins "le diable". Là encore, on peut parler d'un double mouvement d'historicisation du mythe (dans les Prophètes) et de re-mythisation de l'histoire, ou plutôt du texte (dans les interprétations juives ou chrétiennes ultérieures), qui ne revient pourtant pas aux premier mythes -- pour cause de changements successifs ou simultanés de paradigme, selon les divers arrangements entre monothéisme et dualisme (Dieu et diable). Et il faut à nouveau (cf. supra 4.11.2019) se méfier de l'"intertextualité biblique", qui nous renvoie spontanément d'Isaïe ou d'Ezéchiel à la Genèse, que les auteurs des Prophètes ne pouvaient justement pas lire telle que nous la lisons... Au centre des préoccupations des Pères (orthodoxes et/ou catholiques), on reconnaîtra sans peine la polémique contre la gnose et sa vaste postérité (y compris manichéenne), sur la question de l'origine ou de l'originarité du "diable" (originellement menteur, son propre père selon Jean 8 ) dont nous avons parlé il y a peu au détour d'un autre fil (14.11.2019). Du côté astronomique, il n'est peut-être pas superflu de rappeler que la planète Vénus, l'astre le plus brillant du point de vue de la Terre après le Soleil et la Lune, apparaît tantôt comme "étoile du matin" qui se lève à l'est avant le soleil, tantôt (ainsi en ce moment) comme "étoile du soir" qui se couche à l'ouest après le soleil, ce qui se prête à un riche jeu symbolique: parce qu'on y voit d'abord DEUX astres ou divinités en alternance, exclusifs l'un de l'autre et opposés avant de découvrir ou de redécouvrir (depuis l'Antiquité, en Asie comme en Grèce ou à Rome, cf. Eosphôros-Phôsphorôs / Hesperos, Lucifer / Vesper) qu'ils n'en font qu'UN, dans un cycle d'apparition et de disparition qui peut se lire comme "chute" ou "descente" et "lever" ou "relèvement", "résurrection", "élévation", "ascension" etc. ( anatolè, anastasis, anabasis...). A ce propos, ce qui frappe peut-être le plus c'est la fragilité de la distinction, pourtant décisive dans la tradition judéo-chrétienne dominante, entre "chute" (connotée négativement dans le cas du diable, des anges déchus ou d'Adam et Eve) et "descente" (connotée positivement dans le cas des interventions de Dieu ou des bons anges, de l'incarnation du Christ ou de l'effusion de l'Esprit). Ambivalence tout autrement travaillée dans la gnose ancienne et dans la philosophie allemande moderne, avec le concept d' Untergang (de Hegel à Heidegger en passant ou non par Nietzsche: ainsi commença la descente de Zarathoustra -- voir éventuellement ici ou là). Chute, descente, déclin, obscurcissement, crépuscule, disparition, désertion, retrait(e), cèlement, absence, tout cela fait pourtant partie intégrante du "retour" dont il est question depuis le début de ce fil, et de son rythme -- sans quoi il n'est point d'"aurore", ni d'avent ni d'avant, ni d'attente ni d'espérance d'une venue, d'un avènement ou d'un événement quelconque. |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: aurore | |
| |
| | | | aurore | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |