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 brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.

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Narkissos

Narkissos


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MessageSujet: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 20 Nov 2015, 14:37

L'actualité proche -- que je ne prétends pas commenter -- m'a d'abord ramené ici; et, simultanément quoique je n'en aie rien dit, : le début du chapitre 13 de Luc se donne précisément comme un commentaire -- plutôt choquant, nos journalistes parleraient certainement de "dérapage" -- de l'actualité du moment, "massacre" et "fait divers" (comme on dit, curieusement, aussi au singulier) à la une.

Nous avons beaucoup parlé, ailleurs, des rapports profonds et complexes entre "violence" et "religion":
https://etrechretien.1fr1.net/t720-la-violence-et-la-bible
https://etrechretien.1fr1.net/t1038-violence-non-violence-non-puissance
et, un peu plus particulièrement, du rôle d'une certaine mise en scène de la cruauté, par exemple au sujet du sacrifice et de la Passion.

Je repensais ces jours-ci à un autre texte biblique qui m'avait marqué il y a fort longtemps: les malédictions du Deutéronome (28,53ss) où l'auteur, dans une description (pittoresque et humoristique au sens le plus noir du terme) des horreurs du siège (cf. Lamentations), semble prendre un malin plaisir à dépeindre sarcastiquement des personnages ultra-"civilisés", urbains, sophistiqués, délicats et raffinés, pour les plonger non seulement dans l'épouvante, mais dans l'avilissement absolu, réduits à se disputer les morceaux de leurs propres enfants pour survivre: ce genre de contraste est d'ailleurs fréquent chez les Prophètes, en particulier avec des "cibles" féminines ou "efféminées": p. ex. Isaïe 3,16ss; 47; Amos 4,1ss.

C'est un sujet de méditation difficile, mais trop important à mon sens pour qu'on ne s'y risque pas : qu'il y ait au cœur du "religieux", en un sens porteur et constructeur de "civilisation" et de "culture", d'"ordre moral" et de "règles de vie", autrement dit d'artifice symbolique et social en tout genre, un fond de haine irréductible, et à l'occasion destructeur, de tout cela; et un rapport fondamental au "brut", au "cru", au "barbare", au "sauvage", autrement dit à une "nature" définie par un moins de "culture" et d'"artifice", qui se présente le plus souvent sous le dehors paisible et même sympathique de la "simplicité" ou du "dépouillement", mais vire quelquefois à l'horreur, et à la jubilation dans l'horreur.

(On retrouvera là, si l'on veut, les "problèmes philosophiques classiques" de l'ambivalence de la "pureté", du "fondement/abîme" ontologique ou autre, du "ressentiment" nietzschéen, et ainsi de suite; mais il n'est pas indifférent qu'ils se reposent en termes et en terrain religieux, autrement dit dans un "domaine" qu'on a cru maintes fois laisser derrière soi et dont on n'est peut-être, en fin de compte, jamais sorti.)

---
Pour tâcher de montrer un peu plus précisément où je veux en venir -- surtout pas à une énième discussion sur "violence et religion" en général, encore moins sur l'islam en particulier -- j'évoquerai quelques thèmes "bibliques" que je relierais volontiers à cet aspect de la question, bien qu'ils soient a priori sans rapport direct avec la "violence humaine":
- dans les textes narratifs et/ou "prophétiques", l'idéalisation du "désert" et du "nomade" par opposition au "sédentaire" et a fortiori à la "ville", lieu de "corruption" par excellence;
- dans les textes "rituels", le "pur" opposé à l'"impur" comme le "simple" au "complexe" ou au "mixte", comme le "brut" au "travaillé/transformé", qui implique une certaine méfiance envers la "technique" et la "culture" : autel de terre ou de pierre non taillée que l'outil profanerait, refus des mélanges (agricoles, alimentaires ou textiles), a fortiori du travestissement ou de la confusion des sexes, des mariages mixtes, rejet du levain à la Pâque ou du fermenté (même "naturellement") dans le "naziréat", aversion envers les processus d'altération évolutifs (comme la "lèpre" où l'impureté cesse dès que le mal ne progresse plus, la corruption-décomposition, etc); nécessité de l'intégrité physique des prêtres (rejet des infirmes et des mutilés), etc.; rites du sang qui échappe, "cru", au processus de cuisson-consumation-consommation, avec une valeur purificatrice ou expiatoire, rites de l'eau et du feu, "élémentaires" même hors du monde grec;
- dans le NT, les "valeurs" paradoxales de la pauvreté, de l'humilité, de la simplicité, de l'enfance dont nous parlions encore il y a peu.
Dans tout cela je perçois, à tort ou à raison, une opposition radicale entre "sacré" et "civilisation", y compris (et c'est là que ça se complique) dans la "culture" qui se construit autour (et à distance) de ce "sacré"-là, celui-ci représentant toujours pour celle-là une menace potentiellement destructrice, autant qu'une source de "bénédiction" constructrice. Et il me semble que l'alliance de la "destruction" et du "sacré", contre une "civilisation" qui voudrait ignorer l'une et l'autre, n'a rien d'un hasard, et se joue dans des profondeurs insoupçonnées de ceux-là même qui en sont aujourd'hui les acteurs de part et d'autre.

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Cela rejoint une réflexion à la fois plus "spéculative" (parce qu'elle ne résulte pas directement d'une induction sur interprétation d'indices, comme les traits ou traces bibliques que je viens de relever) et plus "spécifique" (parce qu'elle concerne particulièrement les monothéismes) que j'ai souvent esquissée ailleurs. A savoir que "Dieu", le Dieu unique, avec majuscule en français, occupe nécessairement, structurellement, une position symbolique opposée au "monde", "naturel" et a fortiori "culturel" pour autant que cette distinction fonctionne. Si bon, bienveillant, débonnaire, créateur, constructeur et bénisseur qu'on se l'imagine, il n'en recèle pas moins un pouvoir de destruction symétrique. Non seulement parce qu'en remplaçant tous les dieux et en assumant à lui seul le tout de la "divinité" il lui faut aussi occuper la place des divinités "mauvaises", destructrices, infernales, abyssales (comme on le voit notamment dans l'adaptation monothéiste du récit du déluge, d'Atrahasis-Gilgamesh à la Genèse), mais parce qu'il lui faut remonter encore plus "loin" ou plus "haut" (ou plutôt redescendre plus "bas") que tous les dieux, pour occuper aussi la place (la seule véritablement unificatrice) de l'indéterminé-indistinct qui les précède (le "chaos", l'"abîme", l'"océan primordial" dans les cosmogénèses bibliques et pré-bibliques) et qui est littéralement un anti-monde autant qu'un anté-monde. Que le "Dieu" caché derrière le "monde" se manifeste tant soit peu, comme dans les théophanies poétiques, prophétiques ou apocalyptiques de la Bible, et c'est aussitôt le "monde" qui tremble, s'effondre, se défait, se disloque ou se dissout comme un décor artificiel de carton-pâte: le monde "naturel" (parce que lui-même n'est jamais que créé, fabriqué, à la limite factice) et a fortiori ses "superstructures culturelles" (que "Dieu" tantôt veut et ordonne, tantôt désavoue et menace). Et ça n'a aucune importance, puisque c'est "Dieu" qui a fait tout cela, directement ou indirectement, et qu'il peut à loisir le défaire et le refaire, pareil ou autrement (raisonnement omniprésent dans le Coran, mais vers lequel toute pensée de type monothéiste tend inévitablement). On comprend l'affinité profonde entre tout désir de destruction, conscient, avoué ou non, et l'intuition monothéiste fondamentale, même quand la destruction s'inscrit à l'encontre de tous les préceptes formels du religieux (compassion, respect de la vie, etc.). Et il faut ajouter aussitôt que même une pensée athée n'y échappe pas, dans la mesure où elle aussi se met à la place de "Dieu" pour défaire et refaire le monde, comme on dit. De ce point de vue, il n'est pas si étonnant que des idéaux révolutionnaires religieux, et tout spécialement monothéistes, aient pu si facilement prendre la relève des idéaux révolutionnaires athées d'il y a seulement une quarantaine d'années -- car au fond ceux-ci étaient déjà théologiques. Avec "Dieu", ça paraît encore plus simple de "changer le monde".
http://oudenologia.over-blog.com/pages/D-une-creation-l-autre-4848623.html

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Tout cela, bien sûr, ne doit pas faire perdre de vue l'autre aspect, socialement "positif", du religieux, qui construit de la "culture" et de la "civilisation", limite ou canalise la violence, avec d'autant plus d'efficacité qu'il le fait à partir de la violence souveraine des dieux, voire de la toute-puissance arbitraire du "Dieu" créateur et potentiellement destructeur de tout. La parole sacrée, instruction ou loi divine (torah-charia) est toujours, en principe, pour la "vie" et la "paix". Mais quand d'aventure elle prescrit (ou est interprétée de telle façon qu'elle paraît prescrire) la destruction, elle le fait avec une puissance inouïe. Et celui qui se tourne (par un mouvement bien nommé "conversion" dans tous les monothéismes) vers "Dieu", origine et fin de toute "création", s'inscrit ipso facto à contresens du mouvement général de "préservation-perpétuation de la vie" et de "construction-conservation du monde", et devient particulièrement réceptif à ce qui lui paraît préconiser la destruction, de soi d'abord et éventuellement des autres (cf. Abraham et toute la mystique chrétienne de la croix, et l'éloge du martyre en général).
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VANVDA




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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeMer 25 Nov 2015, 22:45

Ça me renvoie à une récente remarque que tu faisais ailleurs, et ses courts développements : rien ne tombe jamais juste "dans la réalité".
Dans notre esprit, par contre, il est acquis que tout DEVRAIT normalement tomber juste... Même si –au risque de radoter– je me demande par ailleurs ce que peut bien vouloir dire ce "normalement" : d’où viendrait cette norme qui devrait s’imposer. "Normal" par rapport à quoi, quand TOUT est "anormal"? Néanmoins, après avoir expliqué comment tu supposais que tu aurais fait les choses, toi, si tu avais dû les faire, tu m'as demandé : "Pas toi ? ". Et la réponse, malgré ma réserve, n'en est pas moins : "Si, bien sûr !"  Rolling Eyes

Je me dis que ce que l’on appelle "barbarie" est sans doute motivée par ça : un certain mépris (qui peut se muer en haine) de la vie telle qu’elle est, parce que, à bien la regarder, "la vie" dans toute ses dimensions, c'est un gigantesque foutoir, parfaitement incompréhensible.

À nouveau, je me répète : à bien des niveaux, la vie a quelque chose de répugnant ! Quoi de plus "vivant", paradoxalement, qu'un cadavre qui grouille de vers ? Quoi de plus dégueulasse ?
La vie, dans sa définition la plus "biologique" (et la supputation –toujours plus ou moins affleurante, je crois, malgré toutes les dénégations– que la vie, ce pourrait bien n'être que ça), ce n'est pas quelque chose de "beau". Ou pour le redire autrement : lorsque l'on dit, à la Capra, que "la vie est belle", ce n'est jamais de ça que l'on parle !

"La chair est triste, hélas...."
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Narkissos

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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 26 Nov 2015, 01:37

Pour rappel, mes remarques sur le "tomber juste" se voulaient exprimer des questions d'enfant -- le genre de questions que je me posais, si je ne déforme pas trop mes souvenirs en les réinventant, à mesure que j'apprenais à penser les rythmes "naturels" des saisons et de la lune, les rythmes "artificiels" du calendrier, de ses mois et de ses semaines, l'arithmétique et la géométrie, les choses et les mots, l'orthographe et la grammaire, les différences des gens et des animaux, des sexes et des âges, le corps incompréhensible, le nom arbitraire, la naissance, la mort et la sexualité impensables, chaque fois étonné du peu de cohérence ou de correspondance, de solidarité entre toutes ces "choses" et tous ces "savoirs"; comme si mon étonnement partait d'une idéalité et d'une fiction absolues, sans cesse heurtées par le réel ("artifice" et "idéel" compris) -- la blancheur de la page vierge, dont tu parlais ailleurs, ou la surface tendre et impressionnable de la tablette d'argile encore fraîche.

[Me revient après coup une image, de ma mère m'apprenant à "retrouver" la longueur des mois sur les bosses et les creux de mon poing fermé, comme si la correspondance entre mon corps et le calendrier, en passant par l'univers, était naturelle. Pour l'enfant que j'étais la perspective de l'harmonie (micro- et macro-)cosmique, de la sympathie des choses et des mots, et des lettres (ma mère m'a aussi appris à lire), l'unité du "livre du monde" que Foucault a si bien montrée dans la pensée de la Renaissance, c'était le point de départ; la découverte du réel à partir de là, un continuel désenchantement.]

L'idée d'un monde (bizarrement) fait était certainement tributaire d'une vague croyance (alors catholique, bien que mes parents ne fussent pas "pratiquants") en un "Dieu créateur", mais celle-ci reflétait plus profondément l'anthropomorphisme général de l'homo faber et sapiens: si c'était "étudié pour", comme disait en ce temps-là Fernand Raynaud, ça semblait avoir été à la fois mal étudié et mal réalisé.

L'étonnement réflexif ou spéculaire, l'étonnement de l'étonnement, la (mise en) question de la norme de justesse/justice imposée arbitrairement aux choses récalcitrantes, autrement dit la subversion du point de vue de "soi" et de la "conscience", cela est venu après. Et l'abandon de cette position d'idéalité absolue encore beaucoup plus tard, s'il a jamais vraiment eu lieu -- il a eu lieu, je crois, mais par instants de "lucidité nihiliste", guère tenables dans la durée (sinon comme posture nihiliste, qui dans son inauthenticité quotidienne, témoignait encore en la trahissant de l'authenticité de ces instants-là). Tout mon parcours religieux a sans doute été une tentative pour retarder cet abandon aussi longtemps que possible, comme le rêve auquel on s'accroche pour ne pas se réveiller. Tant qu'il y avait quelque part un "Dieu" et une "vérité", même infiniment paradoxale, l'idée d'un ordre et d'une harmonie profonds, fût-elle mille fois contredite par les "faits", restait en principe tenable. Sans ça c'était la dislocation sans reste, la débâcle intégrale de "soi" et du "monde", le hasard sans majuscule, l'accident sans substance, le devenir sans être, mobilis in mobile. Fascinant, vertigineux, oui, mais pas pour longtemps, puisqu'il s'agissait justement de quitter le lieu de la fascination et du vertige, le "point de vue" subjectif de "l'illusion perspectiviste" sans lequel il n'y avait plus rien à voir. Sauter dans le vide, cela peut encore paraître exaltant, tant que ce n'est pas fait.

Le désir de destruction me paraît tout aussi enfantin au fond, en dépit de ses conséquences terribles. C'est la nostalgie de la position d'irréalité qui, au lieu de se perdre dans la réalité, en triompherait en la ramenant à elle-même, comme l'Esprit dans le plérôme gnostique. La coïncidence du drapeau noir de l'anarchisme (qui s'est parfois pensé religieusement comme ordre suprême, cf. Reclus) et de celui de Da'ech me paraît tout un symbole. Je repense à cette inscription anarchiste sur un mur qui m'avait marqué (et que j'ai déjà citée plusieurs fois), "une société qui bannit l'aventure fait de sa destruction la seule aventure possible". Etrangement, ce ne sont plus ceux qui pensent la destruction "comme telle" qui l'agissent (qui "passent à l'acte", comme on dit), mais ceux qui justement ne peuvent pas la penser, qui l'agissent au nom d'idéaux "positifs" et "constructifs", révolutionnaires et/ou religieux, de préférence très superficiels. Une idéologie qui porte au "zèle" et non à la "profondeur". Les analogies formelles que tu avais relevées ailleurs entre Dabiq et La Tour de Garde (entre autres), malgré leur grande différence de contenu, me semblent également significatives à cet égard.

Nihilisme inconscient ou honteux sous le zèle destructeur pour un idéal "positif": je suis tombé aujourd'hui sur cet article qui m'a paru viser très juste (quoique la métaphore balistique soit de bien mauvais goût).
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 26 Nov 2015, 11:27

En lisant ce que Vanvda a écrit:
À nouveau, je me répète : à bien des niveaux, la vie a quelque chose de répugnant ! Quoi de plus "vivant", paradoxalement, qu'un cadavre qui grouille de vers ? Quoi de plus dégueulasse ?
je me rappelle ce que les bouddhistes proclament:" rien n'est permanent si ce n'est l'impermanence".

Narkissos
merci d'avoir signalé l'article d'Olivier Roy. Son analyse me parle mieux que celles présentées par les journalistes sur les tv d'information.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 26 Nov 2015, 14:48

le chapelier toqué a écrit:
:" rien n'est permanent si ce n'est l'impermanence".
Et encore ! Wink
Pour une pensée réflexive, il va de soi qu'on ne peut parler d'"impermanence" qu'à partir d'une "permanence" -- fictive ou inexistante peut-être, mais absolument nécessaire en tant que concept pour concevoir et nommer quelque chose comme "l'impermanence".
Au bout du compte, c'est une autre façon -- paisible et discrète, celle-là, sinon inoffensive -- de défaire, de dé(cons)truire d'un même geste et "soi" et le "monde".

---
A ce propos, une évidence à mes yeux massive, et certainement voulue par les stratèges, des "attentats de Paris", que je ne vois guère commentée si ce n'est par des fondamentalistes musulmans ou des intégristes catholiques, c'est le choix du concert du groupe EODM. Non pas pour ce qu'il était (les organisateurs des attentats l'ignoraient peut-être autant que moi), mais simplement pour le mot "Death". Une façon typiquement occidentale et moderne (et en l'occurrence plutôt ironique et distanciée, si j'ai bien compris) de jouer avec la mort, la négation, la destruction, à laquelle il s'agissait d'en opposer une tout autre, terriblement sérieuse et cruelle au premier degré: un jeu aussi pourtant, et un jeu de scène, spectaculaire, destiné au même "public".

Tout le monde joue avec la mort. Comment est la question vitale.
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 27 Nov 2015, 17:26

(Juste de façon très anecdotique, puisque les tueurs n'avaient sans aucun doute cure de ces nuances : ce groupe- ne jouait pas particulièrement avec la mort, sinon en une espèce de troisième degré, qui fait référence à ce qui est déjà le second. En effet, il jouait avec la façon dont les groupe de Death Metal, eux, jouent avec la mort. J'imagine que tu as eu l'occasion de le lire de ton côté, mais leur nom étaient "Eagles of Death Metal", parce que le groupe Eagles est celui de célèbres ballades californiennes. Il avait été baptisé ainsi comme on dirait "le Franck Capra des films d'épouvante").

Plus dans le sujet, lorsque j'ai commencé mercredi soir à rédiger mon commentaire, j'avais en tête la notion de "pureté", que tu avais déjà évoquée plus haut, mais je l'ai un peu perdu en chemin (ce qui est une démonstration rigolote du propos, d'ailleurs : une idée qui, parce qu'elle se met à être exprimée, formulée, "concrétisée"... se trahit irrémédiablement).
L'idée que j'avais, c'est que de "pur", en ce monde, il n'y a rien. Ou plutôt il y a : rien.
Toutes les choses les plus "pures" auxquelles on peut se référer sont irrémédiablement liées à de "l'impur". L'image pure de l'amour d'une mère pour son bébé est lié à un coït qui a eu lieu quelques mois plus tôt, avec sécrétions vaginales, sperme, orgasme(s)...

Les "solutions" à ce "problème" passe par l'imaginaire de l'homme, des récits ("religieux", bien sûr, mais aussi beaucoup plus simplement "fabuleux" : "Ils vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants", sans qu'on prenne la peine de préciser si le prince charmant était dessus ou dessous, pour en revenir à mon exemple ci-dessus...), et parmi tous ces récits, le "récit théologique" est bien sûr le plus significatif.
Malgré toute la meilleure volonté du monde, toutefois, chaque récit, parce qu'il est récit, porte en lui sa propre "impureté" : il est le reflet de l'homme qui le rapporte. Le lecteur moderne de la Bible éprouvera toujours un malaise (qu'il soit dicible ou pas) à la lecture de certains de ces récits "à-propos-de-Dieu" (inutile d'y revenir une énième fois, en effet).
D'où l'évolution du discours sur Dieu vers toujours plus de "rien", jusqu'à la théologie négative... où "Dieu" et "Néant", s'ils ne sont évidemment pas synonymes dans l'esprit du "théologien apophatique", ne s'en mettent pas moins à correspondre à la même (non)définition. Parce qu'il n'y a que ça qui puisse au final être pur : Rien.

L'appel du Néant et la volonté de pureté sont condamnés à se croiser, et à ne jamais être accomplis : il n'y avait pas de Néant après le passage des "barbares nihilistes", il y a encore "quelque chose", qui se met même à prendre bien plus d'importance que ce qui l'a précédé (le "Bataclan" se met à être bien plus qu'une salle de concert), ni quoi que ce soit qui s'en soit trouve "purifié" (même pas dans leur esprit à eux, je suppose, puisqu'ils avaient l'intention de recommencer sitôt qu'ils avaient fini).
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 27 Nov 2015, 20:00

Ouk esti mè einai, eût dit Parménide : il n'y a pas de "ne pas être". Et pas non plus d'"être", d'ailleurs, si on entend par là l'"être pur", l'être-en-tant-que-tel, l'être qui ne serait qu'être. Rien de pur, et pas même de rien pur.
Mais si les pôles idéaux sont également fictifs -- double face de la même fiction -- les directions qu'ils indiquent n'en donnent pas moins, c'est le cas de le dire, du sens au mo(uve)ment: il y a des mouvements et des moments constructeurs et destructeurs, par exemple. Tout le monde ne va pas et ne peut pas aller, toujours et partout, dans le même sens. (Ce qui me rappelle que j'avais terminé mon article sur la violence par Qohéleth 3.)
[En passant tout à l'heure près d'une radio, j'ai entendu la formule de Hollande sur "l'initiation d'une génération à la dureté du monde" (ou quelque chose dans ce genre), qui m'a paru très juste.]

---

Une chose me semble en tout cas évidente: c'est qu'une société, même "laïque", ne peut pas faire l'économie du religieux. Qu'elle s'en tienne à une position de neutralité ou d'indifférence à l'égard des diverses "réponses" (= doctrines et pratiques) religieuses ou anti-religieuses, qu'elle se borne à en contrôler ou à en contenir l'expression publique par un dispositif juridico-répressif, soit. Mais l'ignorance ou la dénégation des questions et des problèmes religieux (le "nihilisme" étant à mes yeux une posture essentiellement religieuse, si ce n'est l'essence ou l'inessence même du "religieux" sous son nom le plus "honnête") n'est pas tenable, s'il se trouve que "la religion" (indépendamment, ou non, des religions particulières) est coextensive à "l'homme".
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 03 Nov 2023, 11:42

Citation :
C'est un sujet de méditation difficile, mais trop important à mon sens pour qu'on ne s'y risque pas : qu'il y ait au cœur du "religieux", en un sens porteur et constructeur de "civilisation" et de "culture", d'"ordre moral" et de "règles de vie", autrement dit d'artifice symbolique et social en tout genre, un fond de haine irréductible, et à l'occasion destructeur, de tout cela; et un rapport fondamental au "brut", au "cru", au "barbare", au "sauvage", autrement dit à une "nature" définie par un moins de "culture" et d'"artifice", qui se présente le plus souvent sous le dehors paisible et même sympathique de la "simplicité" ou du "dépouillement", mais vire quelquefois à l'horreur, et à la jubilation dans l'horreur.


Violence et religions
Anatomie d’un lien maudit
Dominique Greiner

Mais le déni d’un lien entre religion et violence peut prendre une forme plus subtile. Un article de Mathias Nebel publié dans cette même revue fournit quelques indications intéressantes à ce sujet. Le théologien analyse d’une manière critique le rapport thématique présenté au Conseil des droits de l’homme par le rapporteur spécial sur la liberté de religion et de croyance. Il indique la position délicate du rapporteur, qui du fait même de son statut, « doit respecter d’une part, l’impartialité qui doit être la sienne envers toutes les religions – et donc ne pas en incriminer une plus qu’une autre – et d’autre part, s’attacher aux faits réels de violence commis au nom d’une conviction religieuse particulière ». Cela conduit le rapporteur à dédouaner les religions d’être violentes : les religions ne sont pas violentes per se. « En soi, c’est-à-dire comme ensemble de croyances cohérentes et rationnelles », précise Nebel. Mais elles peuvent toutefois le devenir dans certaines circonstances (sociales, culturelles, politiques, économiques) et sous l’effet de différents facteurs qui retiennent l’attention du rapporteur. « L’essentiel de son rapport porte sur l’identification de ces circonstances qui transforment une communauté religieuse en un véhicule de guerre, de barbarie et de violences », écrit Nebel.

Le rapporteur ne nie pas l’existence d’un lien entre violence et religions, mais il n’établit pas de relation directe entre les deux phénomènes. Cette position peut sembler équilibrée dans la mesure où elle ne blesse le sentiment religieux de personne, sans passer sous silence des actes de violence entre les hommes exercés au nom d’une conviction religieuse. Mais elle repose sur un postulat discutable : « Peut-on affirmer que ce sont des facteurs sociaux – un ensemble d’événements qu’on suppose donc extérieurs aux religions – qui les font basculer dans la violence ? », interroge Matthias Nebel. En mettant l’insistance sur les facteurs sociaux qui interviennent dans la fomentation et la propagation d’une violence qui se réclame de Dieu et des écrits sacrés, on passe sous silence ce qui, dans une tradition religieuse donnée, permet ou refrène son déclenchement. Et de ce point de vue, toutes les religions – que le rapport aborde comme des entités abstraites, éthérées, sans véritable différence substantielle en ce qui concerne leur rapport à la violence –, ne sont pas sur un pied d’égalité. Nebel constate en effet que toute religion n’a pas nécessairement :

développé une doctrine de la non-violence, notamment envers ceux qui rejettent cette foi ou s’en séparent. Qui plus est, la prétention à la vérité présente au cœur de toute religion implique une hiérarchisation des « visions du monde » qu’elles commandent. Cette prééminence se convertit aisément en prédominance sociale, laquelle tend à son tour à se confondre, avec le temps ou par volonté délibérée, avec la puissance militaire, le pouvoir politique et l’état de droit.
Il faut donc affirmer que le pouvoir et l’usage de la force ne sont nullement étrangers aux religions. Comme chaque religion forme également une communauté sociale, elle assigne également un sens et une place à l’usage du pouvoir et de la force ; chacune prévoit le refus de croire ou l’abandon de la foi, précisent les mœurs et les lois qui régissent la coexistence des croyants ainsi que le rapport aux non-croyants ; chacune prévoit la légitimité du pouvoir religieux, politique ou militaire ainsi que leurs limites respectives ; toutes ont un discours sur la violence et réglementent les cas où elle pourrait être légitime et là où elle sera illégitime.

https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2018-3-page-61.htm
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 03 Nov 2023, 13:29

Je relis avec intérêt cette discussion, commencée dans le sillage des attentats de 2015, et que j'avais totalement oubliée. (Entre-temps et sur des sujets connexes, il y a eu aussi celle-ci et celle-là).

L'article de D. Greiner (2018) est intelligent et équilibré, mais à mon avis il n'affronte pas (évite, escamote, esquive ?) l'ambivalence essentielle qui ne se limite à aucune "religion" particulière ni à aucun type de "religion" (p. ex. monothéiste), ni même à "la religion" en général opposée à une absence de "religion" dans une société moderne, laïque ou multiculturelle. On n'éliminera jamais la "violence" (hamas en hébreu, cf. d'autres discussions de ces jours-ci), ni le rêve de l'éliminer qui ne fait que la relancer... La "civilisation", quelle qu'elle soit, n'est jamais qu'une économie de la "violence", qui reflète l'évolution des rapports de force en les stabilisant provisoirement par des négociations et des compromis. Ce que nous appelons "religion", comme si c'était toujours la même chose, y jouait un rôle différent dans des cités, des tribus, des royaumes suffisamment homogènes pour rassembler leur société autour d'un même rituel; elle ne peut pas jouer le même rôle dans une société "multiculturelle" -- chose qui n'est pas nouvelle non plus du fait des empires, des déplacements de population, des exils et des diaspora(i/s) qui brassent les peuples et leurs "religions" depuis au moins 2600 ans (si on prend pour référence l'empire assyrien parce que c'est l'une des sources les plus lointaines de "la Bible", mais on peut certainement remonter plus haut). A vrai dire toutes les "religions" auxquelles nous avons affaire sont le produit d'un tel brassage, et les "cultures" post-religieuses ou areligieuses aussi...


Dernière édition par Narkissos le Ven 03 Nov 2023, 13:56, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 03 Nov 2023, 13:55

Violence sacrée
André Gounelle

Gérer la violence

« Nous aimerions tous, écrit Thomas Römer, exclure la violence […] mais elle fait partie de la nature humaine […]. Dès lors il convient d’apprendre à la gérer. » Plutôt que de « la nature humaine », je dirais, en élargissant le propos, que la violence fait partie de la vie, de l’humaine comme de la divine, de la terrestre aussi bien que de l’éternelle, de la cosmique tout autant que de la spirituelle. Dans le domaine religieux, je crois que les apologies unilatérales qui entendent la nier (même s’il importe de défendre la religion contre des accusations excessives) se fourvoient. Il me paraît utopique de croire que des exhortations pieuses ou un idéalisme humaniste pourront l’extirper. Par contre, à mon sens, on doit s’interroger sur sa « bonne gestion ». Dans cette perspective, j’ai suggéré trois pistes. D’abord, au niveau du croyant, consentir à la fragilité d’une foi qui renonce à tout orgueil pour assumer tranquillement son humble condition. Ensuite, veiller à ne pas accorder une importance exagérée à ce qui a une valeur réelle mais limitée, ne pas confondre l’ultime avec ce qui en témoigne. Enfin, fondamentalement, prendre conscience que la vie comporte intrinsèquement une dialectique de l’être et du non-être (c’est ainsi que j’interprète le thème de la violence divine dans la Bible). Cette dialectique tournerait au tragique si le non-être l’emportait et supprimait l’être, mais si le non-être était éliminé, l’être serait fade, inerte, stagnant, dépourvu de mouvement, sans élan ni espérance ; il ignorerait l’amour. Le négatif à la fois menace de tuer et vivifie le positif qui l’affronte. Le dynamisme du positif vient de ce qu’il porte en lui un négatif qu’il défie, endigue et domine. En disant cela, je ne prétends nullement que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » (je dis même, en un sens, le contraire : l’imbrication de l’être et du non-être signifie qu’il n’y a pas de meilleur ni de pire des mondes, autrement dit, de monde qu’on ne pourrait ni améliorer ni détériorer). Je ne justifie nullement le négatif ni ne l’explique ; je ne le rends pas moins inacceptable et énigmatique. Je souligne simplement que sa réalité ne relève pas de l’accidentel ; elle appartient à la structure même de la vie. On ne peut donc pas se permettre de l’ignorer ou de la négliger. La paix et l’harmonie sont toujours à inventer, à construire, à cultiver. Elles demandent effort, combat, engagement. Elles n’arrivent pas parce qu’on a supprimé les motifs de désaccord, mais parce qu’on a appris à les gérer autrement que par la violence. Leurs brouilles doctrinales et ecclésiales ont longtemps conduit les chrétiens à se massacrer et à se persécuter mutuellement. Aujourd’hui, avec l’entreprise œcuménique, qui a créé un climat souvent d’amitié, en tout cas de respect mutuel, les divergences n’ont pas disparu mais on a su en faire des objets de débats où les échanges permettent de réfléchir et d’approfondir ; de destructrices, les confrontations sont devenues stimulantes  Le même processus s’esquisse, encore timidement, dans les dialogues interreligieux. Ainsi, la violence latente ou ouverte se canalise et se dompte.

https://www.cairn.info/agir-contre-soi--9782738119650-page-11.htm
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 03 Nov 2023, 14:47

Le lien serait plutôt [https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-4-page-445.htm]celui-ci[/url].

J'ai trouvé particulièrement intéressante, dans cet article, la section qui précède ta citation, sous l'intertitre "La violence de Dieu" (§ 19ss, mais surtout 21ss, à partir des références à Luther). Il me semble une fois de plus que la théologie du Process, dont Gounelle se fait l'écho (écho souvent meilleur que ses déclinaisons anglophones), tend à "re-myth(olog)iser" son "Dieu" (par opposition à la "dé-mythologisation" de Bultmann), et ainsi à le "psychologiser" et à le "dramatiser" en le faisant "sujet" et "acteur" d'un combat, fût-ce contre "lui-même". C'est peut-être indispensable à l'idée d'un "Dieu" à la fois "personnel" (ce qui serait un pléonasme pour un "dieu" sans majuscule en français, qui n'est pas une "idée" ni un "principe") et "moral", autrement dit "à l'image de l'homme".

Au passage, il y aurait un débat intéressant à mener, même s'il ne doit mener nulle part, sur l'étymologie de l'"absolu": Gounelle (§ 24) le rapporte à solus (d'où seul mais aussi sol, solide, solidaire, etc.), je le rapporterais plutôt à solvo, donc au luo latin qui recouvre le luô et le louô grecs: d'une part détruire au sens de délier, défaire (cf. analyse, catalyse, dialyse, autolyse etc.; solution, résolution, absolution, dissolution), d'autre part laver; solide contre liquide, c'est déjà une scène de cosmogénèse, la chose ek-sistante, sub-sistante et per-sistante contre l'océan liquide et labile, ou l'étant et son illusion de permanence contre l'être fluide et insaisissable: comme souvent la pensée la plus profonde est à la faveur et à la merci de la langue...
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 09 Nov 2023, 16:10

4. Violence ou cruauté?


Dans la dernière partie de sa vie, Jacques Derrida a préféré le mot cruauté (en allemand Grausamkeit) à d'autres mots comme violence, haine ou sadisme. C'est celui qu'il utilise en 2000, dans Etats d'âme de la psychanalyse, le dernier grand texte qu'il consacre à la pulsion de mort freudienne. La cruauté mobilise un "Qui" et pas seulement un "Quoi". Freud parle de cruauté psychique quand il évoque le "plaisir pris à l'agression et à la destruction". Ce mot difficile à délimiter, déterminer ou définir est énigmatique. Chaque fois qu'on veut dire le plaisir dans la souffrance, il revient. Son obscurité tient notamment au fait qu'aucun terme ne lui est clairement opposable. Si l'on tente de limiter la cruauté, d'autres cruautés seront inventées, toujours et encore, elle reviendra sous d'autres formes. C'est une particularité de l'humain, qui dépasse tout ce que peuvent faire les animaux. Freud (et seulement lui) a reconnu cette irréductibilité, il l'a repérée comme principe qui vient au commencement, et que rien dans la culture ne suffit à contrebalancer. Mais Freud n'a pas analysé les nouvelles formes de la cruauté qui se déchaînent aujourd'hui. Elles aussi irréductibles à la logique du conscient, elles s'en prennent à tout ce qui fait monde : territoires, limites, fondements. C'est un principe de ruine qui allie la calculabilité technoscientifique la plus avancée à la sauvagerie la plus archaïque.


https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-2002200902.html
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 09 Nov 2023, 17:27

Cruor, c'est en latin le sang qui coule ou qui jaillit, et la chair sanglante ou saignante, cf. Le cru et le cuit de Lévi-Strauss... assez proche du damim hébreu (pluriel abstrait ou partitif, comme pour mayim, l'eau ou les eaux): le sang versé ou répandu, l'effusion de sang, la dette de sang, le vengeur-rédempteur (go'el) du sang, le sang de X sur la tête de X ou Y...

Il est vrai que la technoscience distancie la cause de l'effet, le sujet de l'objet ou l'actif du passif, mais ça commence très tôt, dès que la pierre est lancée ou que le couteau devient glaive, épée, lance ou arc. Aujourd'hui la "cruauté" est du côté de celui qui égorge un enfant (p. ex.), non de celui qui en pulvérise des milliers en appuyant sur un bouton et en regardant de loin ce que ça donne sur un écran. (Je repense à Tavernier qui avait fort bien illustré cela, au stade de la Première Guerre mondiale, dans Capitaine Conan.)
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 09 Nov 2023, 17:33

Citation :
Il est vrai que la technoscience distancie la cause de l'effet, le sujet de l'objet ou l'actif du passif, mais ça commence très tôt, dès que le couteau devient glaive, épée, lance ou arc. Aujourd'hui la "cruauté" est du côté de celui qui égorge un enfant (p. ex.), non de celui qui en tue des milliers en appuyant sur un bouton et en regardant de loin ce que ça donne sur un écran. (Je repense à Tavernier qui avait fort bien illustré cela, au stade de la Première Guerre mondiale, dans Capitaine Conan.)

Il y a quelque de chose de "propre" et de "moral" à tuer des dizaines de personnes depuis son pays à l'aide d'un drone, c'est moins cruel.  Laughing

Film : Good Kill

Pilote de chasse, le commandant Tommy Egan ne fait plus voler que des drones, enfermé dans un conteneur banalisé, sur une base militaire près de Las Vegas. Son écran de contrôle lui montre la Terre, quelque part au Moyen-Orient, filmée de si haut qu’elle en devient presque abstraite. Mais pas pour lui. On lui désigne des cibles à bombarder, il voit des humains qu’il doit détruire. Et ça le détruit, comme l’alcool, dont il abuse…

Il est beau, cet oiseau blessé interprété par Ethan Hawke avec un désenchan­tement fiévreux. Pour mener la guerre d’aujourd’hui, technologique et furtive, il faudrait qu’il devienne lui-même une machine. Au lieu de quoi il résiste, pense, souffre. Et ses états d’âme viennent troubler une réalité qui semble simplifiée, géométrique, comme les maisons du lotissement où ce militaire vit avec sa famille. Les autres ­pilotes de drones, après avoir fait feu, s’exclament « Good kill ! » (« En plein dans le mille ! »), mais comment est-il possible de lier ces deux mots ? Ou alors on pourrait vraiment tuer et faire le bien ? Au-delà d’un propos moral parfaitement cadré, le réalisateur Andrew Niccol se risque à faire entrer dans son film la complexité d’un homme éclairé par la raison et peut-être aussi gagné par la folie. La mauvaise conscience pacifique du commandant Egan s’exprime avec une violence toujours plus grande. Et de cette violence-là, il ne semble pas s’inquiéter. Cette ­réflexion sur la guerre, extérieure ou intérieure, se joue toujours, et c’est sa force, en terrain miné.

https://www.telerama.fr/cinema/films/good-kill,498797.php

brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. 5b09834d58b45e496c789bcf043f732580e3f1b9_40077B0CA28A299914638C399451AEB7
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeJeu 09 Nov 2023, 18:39

Je ne connais pas ce film-ci, mais ces derniers jours j'en ai vu ou revu quelques-uns de Iosseliani -- d'abord pour le bonheur de retrouver sa période géorgienne, que j'adore, mais j'en ai découvert d'autres que je ne connaissais pas, notamment Brigands -- Chapitre VII (1995): où l'on voit entre autres un tortionnaire fonctionnaire de l'époque stalinienne emmener son fils "pionnier" sur son lieu de "travail", où tout le monde torture de façon très "professionnelle"; le fils étant lui-même délateur dans son école, et dénonçant ses propres parents, avant d'abattre toute sa famille à la kalachnikov dans la scène finale, anticipée dès l'ouverture du film par erreur du projectionniste se trompant de bobine. C'est loufoque à souhait et bien plus profond que ça n'en a l'air.

La "civilisation", c'est toujours la médiation et la médiatisation, la mécanisation et la professionnalisation de la "cruauté" par la machine et le machin, outil, instrument, arme, prothèse, organisation, institutions, lois, règlements, protocoles qui s'interposent, et que la "barbarie" ou la "sauvagerie" court-circuitent à leur façon, primaire et primitive: révélant qu'il n'y a jamais eu au monde, de A à Z ou de l'alpha à l'oméga, que complication et sophistication de la même "chose" immonde et innommable.
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 10 Nov 2023, 11:35

Derrida et la question de l'animal

« Neque enim numquam inter se leones aut inter se dracones, qualia homines, bella gesserunt. »
« Ni les lions, ni les dragons n’ont jamais déchaîné entre eux des guerres semblables à celles des hommes. »
Augustin, La Cité de Dieu, 13 . 23.

Derrida a raison de souligner la singulière cruauté du rapport de l’homme à l’animal, mais aussi sa dénégation :

« De quelque façon qu’on l’interprète, quelque conséquence pratique, technique, scientifique, juridique, éthique ou politique qu’on en tire, personne aujourd’hui ne peut nier cet événement, à savoir les proportions sans précédent de cet assujettissement de l’animal. Cet assujettissement dont nous cherchons à interpréter l’histoire, nous pouvons l’appeler violence, fût-ce au sens moralement le plus neutre de ce terme et même quand la violence interventionniste se pratique, dans certains cas, fort minoritaires et nullement dominants, ne l’oublions jamais, au service ou pour la protection de l’animal, mais le plus souvent de l’animal humain. Personne ne peut davantage dénier sérieusement la dénégation. »

Derrida ne craint pas de parler ici de « génocide » :

« Personne ne peut plus nier sérieusement et longtemps que les hommes font tout ce qu’ils peuvent pour dissimuler ou pour se dissimuler cette cruauté, pour organiser à l’échelle mondiale l’oubli ou la méconnaissance de cette violence que certains pourraient comparer aux pires génocides (il y a aussi des génocides d’animaux : le nombre des espèces en voie de disparition du fait de l’homme est à couper le souffle). De la figure du génocide il ne faudrait ni abuser ni s’acquitter trop vite. Car elle se complique ici : l’anéantissement des espèces, certes, serait à l’œuvre, mais il passerait par l’organisation et l’exploitation d’une survie artificielle, infernale, virtuellement interminable, dans des conditions que des hommes du passé auraient jugées monstrueuses, hors de toutes les normes supposées de la vie propre aux animaux ainsi exterminés dans leur survivance ou dans leur surpeuplement même. Comme si, par exemple, au lieu de jeter un peuple dans des fours crématoires et dans des chambres à gaz, des médecins ou des généticiens (par exemple, nazis) avaient décidé d’organiser par insémination artificielle la surproduction et la surgénération de Juifs, de Tziganes et d’homosexuels qui, toujours plus nombreux et plus nourris, auraient été destinés, en un nombre toujours croissant, au même enfer, celui de l’expérimentation génétique imposée, de l’extermination par le gaz ou par le feu. »

Est-il permis de parler de « génocide » dans le cas des animaux ? Le Robert dit du « génocide » qu’il s’agit de la « destruction méthodique d’un groupe ethnique » et qu’en droit un « crime de génocide » est un « acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». Les animaux constituent-ils un groupe ethnique, racial ou religieux ? Assurément non. Mais ils n’en constituent pas moins un « genre » (genos), celui des vivants animés, dont nous faisons partie. La cruauté contre les animaux est ainsi commise contre des êtres de notre propre genre, et peut à la limite être pensée, malgré nos susceptibilités humanocentristes, comme l’équivalent d’un « géno-cide », où certaines espèces sont plus maltraitées que d’autres.

https://www.cairn.info/revue-cites-2007-2-page-31.htm
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeVen 10 Nov 2023, 13:24

Là encore, mieux vaut à mon avis lire les textes et les auteurs "originaux" que leurs commentateurs, si compétents soient-ils. En l'occurrence ça commence plutôt bien et ça finit assez mal, je trouve.

L'animal que donc je suis est un petit livre relativement facile à lire, qui m'a personnellement beaucoup touché -- j'en ai souvent parlé, par exemple ici (25.10.2017). Or dans l'article ci-dessus le commentateur me semble passer à côté de l'essentiel, car pour Derrida le "génocide" (du grec genos et du latin genus, generis) commencerait précisément dans la "généralisation" d'un "genre" animal, terme générique massivement opposé au genre "homme" (lui-même du genre masculin dût-il "embrasser la femme", comme disaient les vieilles grammaires facétieuses), et embrassant lui-même pêle-mêle tous les genres et espèces d'"animaux", du corail au chimpanzé en passant par l'amibe, la méduse, le rat ou le chien... ce que justement Derrida écrit "l'animot", l'"animal" comme le plus bêtement "humain" des mots... Une "déconstruction" minimale commencerait par prendre conscience qu'il n'y a pas de "genre" animal qui engloberait ce que la zoologie et la biologie distinguent comme des "espèces", surtout si l'on en excepte "l'homme". Mais la déconstruction est une pensée de la différence infinie, autrement dit de la singularité -- tout autre est tout autre -- et c'est d'abord la différence entre les "animaux", espèces et individus, familles et sociétés, habitats et habitudes, "humanité" comprise dans toute sa diversité de genres et de "cultures", qu'une "éthique" ou une "morale" dignes de ce nom (ethos = mos, moris) auraient à penser.

En ce qui concerne la "cruauté" (etc.), je crains qu'on ne retrouve dans ce domaine, sous les bonnes intentions de "protection animale", le même dispositif technoscientifique dont on parlait précédemment. Eviter la "cruauté" (qui fait partie de la "nature", et comment !) c'est toujours pour nous multiplier les machines et les machins, y compris dans la "protection de la nature"... Je repense au Sang des bêtes, l'insoutenable documentaire de Franju (1949) sur les abattoirs de la Villette, comme j'y ai repensé en voyant les films de Jean Rouch sur certains rites africains de l'époque coloniale, tout aussi pénibles à voir -- et je ne peux pas ne pas penser que le désir d'éliminer la "cruauté" (etc.) au nom de l'humanité et de la civilisation aura contribué plus que toute "cruauté" effective à la destruction de toute "vie", sauvage, cruelle à sa manière, y compris chez l'"homme", bien avant son asphyxie générale dans un monde saturé d'humanité à force d'être construit et configuré (la fameuse Weltbildung)...
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeMar 12 Déc 2023, 15:15

Préface.
L’inhumanité de l’humanité

Il n’y a que l’homme qui peut être barbare. Au plus dira-t-on qu’un animal est cruel. Mais son comportement obéit à une nécessité naturelle. L’inhumanité de l’homme n’est pas sa naturalité. Les chiens se battent pour un os, il n’y a pas de génocide canin. Le viol, la torture ou la purification ethnique sont des spécialités humaines, impliquant à la fois la reconnaissance et la dénégation de l’humanité des autres, l’acceptation et le refus d’une société commune. Ainsi d’un mot d’ordre autoréalisant comme « choc des civilisations », qui n’accepte la réalité d’une autre culture que pour nier tout terrain commun et transformer le différend en conflit. Aussi faut-il se défier d’une étymologie qui renvoie la barbarie à l’absence de symbolisation ou à son caractère primitif. Le barbare serait celui qui bafouille. Mais c’est toujours une culture qui symbolise ainsi la barbarie pour dénier à une autre culture une véritable symbolisation.

L’incrimination en barbarie recouvre une mise en scène de celle-ci par une culture dominante, dont des exemples parfois inattendus sont analysés dans ce recueil. La barbarie est une invention européenne. Elle définit le regard de l’Europe sur les cultures jugées éloignées de la dimension universelle que revendique la culture européenne sous les espèces de la raison et le la liberté. Mais la mondialisation de la guerre à partir de 1914, la colonisation, l’histoire de grandes tyrannies du xxe siècle, ont renvoyé cette image à l’Europe elle-même, un renvoi qui remet en cause la structure hiérarchisante de la pensée européenne, ainsi que le rapport à l’universel censé définir sa spécificité. La proclamation d’un modèle universel d’humanité a pu justifier, dans les lumières européennes mêmes, l’inégalité et la mise sous tutelle d’hommes supposés incapables de parvenir à ce modèle. L’abstraction de l’universel, coupé de la particularité des cultures et des individus, produit une barbarie de l’universel. Plusieurs articles évoquent ces ambiguïtés.

Aussi convient-il peut-être de voir dans la barbarie non l’absence ou la primitivité de la symbolisation propre à une culture, mais l’enfermement de cette symbolique dans une particularité non décentrable, qui permet de comprendre qu’il y ait une rationalisation de celle-ci, un discours cohérent mais délirant d’une violence qui n’est jamais sans phrase. Un excellent exemple en serait la façon dont la confusion entre la politique et la religion instrumentalise les religions au service de la militarisation des conflits nationaux ou impériaux transformés en guerre de religion globale : rien ne vaut l’invocation de formules simplifiées sur la guerre sainte ou la bataille finale de l’Apocalypse pour mener les fils de Dieu à massacrer les fils de Dieu. L’impolitique religieux n’est plus alors une dépotentialisation du pouvoir politique, mais l’érection de ses fins en cosmologie. La cosmo-polis des religions devient le langage des antagonismes de la globalisation. Mais on le verra aussi bien dans des analyses historiques que dans des examens philosophiques, la métaphysique, la rationalité même ont pu être embrigadées au service de combats douteux, si bien que la lutte n’est pas entre la raison et son autre, mais à l’intérieur même d’une raison dont la critique doit combattre les limites de rationalités constituées et figées.

https://journals.openedition.org/noesis/1741
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MessageSujet: Re: brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc.   brutalité, cruauté, barbarie, sauvagerie, etc. Icon_minitimeMar 12 Déc 2023, 15:51

Le "barbare" c'est toujours l'autre, l'étranger, à commencer par le mot "barbare" qui depuis le grec imite par onomatopée répétitive (d'où effet de bafouillage, de bégaiement, de charabia ou de galimatias) le défaut ou l'excès supposé d'une langue qu'on ne comprend pas (cf. dans le NT Actes 28,2ss; Romains 1,14; 1 Corinthiens 14,11; Colossiens 3,11) -- mais l'hébreu biblique en fait autant (cf. p. ex. Deutéronome 28,49; Isaïe 33,19; Jérémie 5,15; Ezéchiel 3,5s; Psaume 114,1). Il n'y a pas de "barbarie" vue de l'intérieur, car toute culture ou civilisation est LA culture ou LA civilisation selon ses propres critères, du moins tant qu'elle ne rencontre pas d'autre -- et la rencontre est généralement hostile, violente, guerre, invasion, avant d'être diplomatique, commerciale ou culturelle... Quand on se veut "barbare", en revendiquant le terme et la notion comme dans le nazisme allemand, c'est par un artifice de civilisation beaucoup plus complexe et retors (cf. p. ex. ici).
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