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| Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah | |
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Auteur | Message |
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VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 14:18 | |
| - free a écrit:
- Je trouve qu'il faut beaucoup de courage pour se "livrer", exposer sa vie et se mettre à nu ... Je suis admiratif. Le fait de se raconter est peut-être une thérapeutique du soi, une façon de mieux se comprendre et de panser ses "plaises". Je suis admiratif car l'acte de se souvenir peut être un acte de douleur, même si à longue cela apporte soulagement. Se raconter c'est à la fois une introspection et une manière de se regarder de l'extérieur .... Pas facile. Bertrand, as-tu écrit ton texte, donc fait (en quelque sorte) une autobiographie ?
Salut free, Je ne saurais dire, arrivé au terme de ce récit, si ça m'a fait du bien ou pas ! Je n'assume pas forcément très bien le manque de pudeur qu'il m'a fallu mobiliser (mobiliser un manque : quelle aventure !), et il m'a fallu "lutter" contre ma tendance à vouloir m'excuser à longueur du récit de raconter ainsi ma vie. J'ai en même temps bien conscience que ce sentiment n'est pas bien rationnel, puisque 1) j'ai surtout des retours positifs, de gens que ce récit entrecoupé de réflexions parallèles a intéressé, 2) JE SUIS moi-même souvent très intéressé par le récit que peuvent faire d'autres de leur(s) histoire(s) ("la vie des autres" est souvent plus intéressante que la sienne propre, parce qu'on y a accès que sous la forme réduite d'une mise en récit, dégraissée de ce fait de toute la médiocrité du quotidien qui constitue l'essentiel de NOTRE "vraie" vie à nous, celle qu'on vit et qui ne se raconte jamais). Je suis donc, en théorie, bien placé pour comprendre comment ma vie peut être entendue avec intérêt par les autres quand bien même je la vis, moi, comme tout le monde vit la sienne : très banale, et parfaitement "normale", par définition, puisque c'est la seule que je vive et la seule qui me serve de ce fait de "mètre-étalon" de ce qu'est une vie normale... On a toujours un peu de mal, même quand on le sait parfaitement, à réaliser pleinement que pour les autres, c'est nous qui sommes l'autre. 3) je me dis que si je l'ai fait tout de même (même si ça a été à chaque fois à l'initiative d'autres qui m'ont sollicité, ils n'ont pas eu à me supplier, et je m'y suis prêté d'assez bonne grâce), c'est que j'en éprouvais "en même temps" le désir tout de même. Comme l'explique Narkissos, il y a bien eu une tentative d'écrire cette autobiographie "pour de vrai", comme dit mon fils, qui a été mise en stand-by et y reste pour l'heure malgré un volume de pages qui pourrait bien faire déjà un vrai bouquin, quantitativement parlant. C'est donc que l'envie est bien là, même si elle cohabite avec la réticence (qui pour l'heure est la plus forte, donc). Ne jouons toutefois pas les mijaurés : ceux qui m'ont sollicité (ça a commencé avec une association sceptique de Lyon, qui a amené d'autres à me contacter) l'ont fait parce que c'est moi qui avait commencé à raconter ma vie sur des forums et autres rézosocios. Mais bon, une fois que c'est fait, il faut bien dire que le résultat m'est assez insupportable, à moi. Comme toujours, je trouve que tout ce que je fais, dis ou écris, c'est de la m..., que c'est très verbeux, ampoulé, donneur de leçons, je me fais penser à Otis (Édouard Baer) dans le "Astérix et Cléopâtre" de Chabat, mais en pas drôle. Bon, je commence à bien connaître et reconnaître ce sentiment qui me hante dans des proportions très gênantes (ça évolue selon les périodes), ce "syndrome de l'imposteur" masochiste que je déploie avec un raffinement rare, dans tous les domaines (dans mon boulot, c'est encore pire, ça fait dix ans sur je vis avec l'angoisse au ventre qu'on découvre à quel point je suis nul), et j'arrive désormais un peu à ne plus le prendre trop au sérieux : je sais que c'est un problème, et j'arrive à en faire suffisamment fi, pour, par exemple, avoir enregistré tout de même ce récit. Je n'arrive pas à en faire suffisamment fi pour assumer à 100% le résultat, par contre Donc, la mise par écrit : oui et non. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 14:46 | |
| (Dans le genre "introspection en abyme", le post précédent fait assez fort . Quelle sera la prochaine étape ? Une "méta-méta-introspection", comme ce post-ci l'initierait presque ? Je vais arrêter de descendre de tortue en tortue, on n'arrivera jamais en bas...) https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Des_tortues_jusqu'en_bas |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 16:13 | |
| - Citation :
- Mais bon, une fois que c'est fait, il faut bien dire que le résultat m'est assez insupportable, à moi. Comme toujours, je trouve que tout ce que je fais, dis ou écris, c'est de la m..., que c'est très verbeux, ampoulé, donneur de leçons, je me fais penser à Otis (Édouard Baer) dans le "Astérix et Cléopâtre" de Chabat, mais en pas drôle.
En ce qui me concerne, j'ai trouvé ta prestation excellente. Tu nous offres un récit authentique, sincère, équilibré (pas de haine pour la Watch) et surtout avec une volonté d'analyse qui pousse à la réflexion. J'ai beaucoup aimé. Je pense que ton récit aidera beaucoup de TdJ en cours de désaffiliation qui seraient désorientés et ceux qui ont déjà quitté le mouvement mais qui cherchent à y voir plus clair en eux. Les question qui m'ont taraudé sont celle qui me demandaient : "pourquoi es-tu devenu TdJ ? ET Pourquoi avoir persévéré dans ce mouvement pendant 30 ans alors que toutes les incohérences du mouvement étaient sous mes yeux ? Ta vidéo qui oriente notre réflexion sur la double pensée (entre autre) est une piste intéressante. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 17:05 | |
| - free a écrit:
-
- Citation :
- Mais bon, une fois que c'est fait, il faut bien dire que le résultat m'est assez insupportable, à moi. Comme toujours, je trouve que tout ce que je fais, dis ou écris, c'est de la m..., que c'est très verbeux, ampoulé, donneur de leçons, je me fais penser à Otis (Édouard Baer) dans le "Astérix et Cléopâtre" de Chabat, mais en pas drôle.
En ce qui me concerne, j'ai trouvé ta prestation excellente. Tu nous offres un récit authentique, sincère, équilibré (pas de haine pour la Watch) et surtout avec une volonté d'analyse qui pousse à la réflexion. J'ai beaucoup aimé. Je pense que ton récit aidera beaucoup de TdJ en cours de désaffiliation qui seraient désorientés et ceux qui ont déjà quitté le mouvement mais qui cherchent à y voir plus clair en eux. Les question qui m'ont taraudé sont celle qui me demandaient : "pourquoi es-tu devenu TdJ ? ET Pourquoi avoir persévéré dans ce mouvement pendant 30 ans alors que toutes les incohérences du mouvement étaient sous mes yeux ? Ta vidéo qui oriente notre réflexion sur la double pensée (entre autre) est une piste intéressante. Merci free. C'est sympa de me le dire ainsi, vraiment !, même si tu te doutes que ça ne réduira pas beaucoup la fracture entre ce que je constate "objectivement" (ça peut sincèrement intéresser des lecteurs/auditeurs, y compris des gens que je trouve moi-même fort intéressants), et ce que je ressens intimement. (Les masochistes ont au moins l'avantage de ne pas être trop dangereux pour les autres !) |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 20:20 | |
| A la dernière parenthèse, on pourrait objecter qu'il faut compter avec le pouvoir d'attraction paradoxal, mais réel, d'un certain "masochisme", bien avant la lettre (de Sacher-Masoch): c'est peut-être toute l'histoire du christianisme (entre autres, mais exemplaire aussi des autres).
Maurizio Manco avait trouvé une bonne formule: "L'écriture est (un acharnement) thérapeutique."
Raconter sa vie et sa pensée, c'est sans doute tromper l'une avec l'autre, mais aussi le seul moyen de les réconcilier a posteriori; ce n'est jamais original et ça l'est toujours, l'auteur et le lecteur (ou l'auditeur) s'y perdent comme ils s'y retrouvent, dans l'exappropriation générale de la singularité... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 20:52 | |
| Je me réjoui d'écouter cette nouvelle partie du récit de ta vie d'avant.
L'écriture comme le dessin et la peinture peut avoir un effet thérapeutique bénéfique non seulement pour celui qui lit. découvre une œuvre, c'est également valable pour un témoignage audio-visuel, mais également pour celui qui s'adonne à un tel passe-temps/effort. Cela permet de refermer en partie des blessures qui sont toujours présentes pendant bien des années.
Ne te juges pas trop sévèrement inutilement. En effet si la nouvelle partie est aussi bien que la première, tu peux être fier de ce que tu as le courage de dire. Tu n'as pas, comme le fait remarquer free, pris plaisir à démolir l'organisation. Tu as simplement fait part de tes constatations. C'est déjà beaucoup.
Merci pour ce bel exemple. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 23:01 | |
| @Narkissos, c'est vrai, mais j'ai pour ma part trop conscience de ce que ça a d'un peu ridicule pour le prêcher comme un idéal ! Ce qui m'amène à : @Chapelier toqué, "tu peux être fier de ce que tu as le courage de dire." Eh, eh. Tout mon problème est bien là : je ne PEUX PAS être fier, au sens premier du verbe pouvoir. Et je penserais encore moins à prétendre donner un exemple. Mais je suis toujours heureux de lire que ça peut donner à penser à d'autres. Donc : merci !
Dernière édition par VANVDA le Mer 16 Déc 2020, 00:09, édité 1 fois |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mar 15 Déc 2020, 23:11 | |
| - Citation :
- Mais je suis toujours heureux de lire que ça peut donner à penser à d'autres
J'ai recommandé l'écoute de tes vidéos à des TdJ (qui se posent des questions) et à des ex-TdJ récemment désaffiliés, le sentiment est unanime, tes récits les ont beaucoup aidé. Sur le forum nous avons suivi tes récits avec grand intérêt en attendant avec impatience la suite. Nous avons la chance d'avoir en exclusivité l'auteur de ces vidéos sur notre forum … Merci Bertrand. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 00:51 | |
| Les échanges de commentaires (sur la page YouTube) sont aussi intéressants (par moments).
Je me suis demandé, en les parcourant, où en est la "socialisation virtuelle" des ex-TdJ -- du moins francophones et qui s'intéressent toujours au "sujet", mais cela doit tout de même représenter pas mal de monde: je présume que cette liste YouTube est plus ou moins couplée à des pages "dédiées" de Facebook ou autres "rézosocios", comme écrit VANVDA, mais dans ce cas le nombre des commentateurs me paraît plutôt faible par rapport à l'intérêt du document... |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 08:34 | |
| J'ai décroché des rézosocios depuis quelques temps, je ne sais donc pas trop ce qui aura pu être dit sur Facebook, où Solal Invictus a très probablement fait la "promotion" de ses podcasts. Mais mes quelques années de fréquentation de la "communauté" ex-téjie me laisse assez peu d'illusions sur l'audience somme toute restreinte qu'un texte comme le mien suscitera. Une approche qui essaie d'être dépassionnée, qui essaie de se maintenir dans une certaine sobriété (d'un certain point de vue....), ça n'intéressera qu'une minorité des gens concernés, si l'on doit la comparer avec un texte qui évoquerait les liens occultes de la WT avec la Franc-maçonnerie, par exemple. Ce sera quelques milliers de personnes tout de même, ça pourrait effectivement susciter un peu plus de discussions sous les vidéos, mais ça ne fera pas un volume important au final. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 11:36 | |
| - VANVDA a écrit:
- J'ai décroché des rézosocios depuis quelques temps, je ne sais donc pas trop ce qui aura pu être dit sur Facebook, où Solal Invictus a très probablement fait la "promotion" de ses podcasts. Mais mes quelques années de fréquentation de la "communauté" ex-téjie me laisse assez peu d'illusions sur l'audience somme toute restreinte qu'un texte comme le mien suscitera. Une approche qui essaie d'être dépassionnée, qui essaie de se maintenir dans une certaine sobriété (d'un certain point de vue....), ça n'intéressera qu'une minorité des gens concernés, si l'on doit la comparer avec un texte qui évoquerait les liens occultes de la WT avec la Franc-maçonnerie, par exemple. Ce sera quelques milliers de personnes tout de même, ça pourrait effectivement susciter un peu plus de discussions sous les vidéos, mais ça ne fera pas un volume important au final.
Ton récit se caractérise (effectivement) par la "sobriété" et une approche "dépassionnée" qui ne vise pas a diaboliser la Watch d'une manière primaire mais qui essaie de saisir les mécanismes qui se jouent dans une adhésion à un mouvement sectaire. Pourquoi face au doute et aux faits, un TdJ refuse de voir la réalité qui pourrait remettre en cause ses convictions ? Comment des individus instruits et équilibrés (en apparence en tout cas) font-ils pour adopter des croyances sans fondement et persistent malgré les faits ? Pourquoi même quand on a acquis la conviction de la fausseté de la Watch, il est encore difficile de quitter le mouvement et que cela demande un processus long et douloureux ? Quels sont les failles et les fragilités psychologiques en jeu ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 15:11 | |
| "Quelques milliers de personnes" (et non de "vues" de la page plusieurs fois par les mêmes), c'est beaucoup plus que je n'imaginais...
Quand je suis sorti des TdJ, il n'y avait pas d'Internet et j'ai rencontré très peu d'ex-TdJ, d'ailleurs je n'y tenais pas du tout: j'avais envie de tourner la page, tout en restant dans une certaine continuité puisque pour moi la suite "naturelle" restait religieuse, théologique et biblique. Mais c'était bien ma provenance jéhoviste qui faisait de moi une curiosité dans les milieux évangéliques que je fréquentais alors, et de fait j'étais toujours ramené à ce sujet; j'ai cependant fait tout mon possible pour sortir de ce "tiroir" et j'y ai plutôt bien réussi pendant une quinzaine d'années, avant d'y replonger moi-même avec l'arrivée d'Internet et la découverte des forums.
Tout se présente sans doute autrement pour chacun, ou du moins dans un ordre différent; je crois pouvoir comprendre une bonne partie des sentiments qui suivent le départ d'une "secte" et qui peuvent aller d'un extrême à l'autre, par exemple le rejet total de tout ce qui s'y rapporte et le besoin compulsif et addictif de régler des comptes. Quelle qu'en soit la forme, il me semble plutôt sain qu'il y ait des lieux où ces différentes attitudes puissent s'exprimer et s'entendre mutuellement, à défaut de se comprendre -- même s'il n'est pas nécessaire que ça vire à la "communauté" à l'américaine. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 16:17 | |
| J'ai beaucoup apprécié le récit de Karim avec qui je partage de nombreux points communs et dont le parcours est similaire au mien. Les témoignages collectés par Solal invictus expriment de nombreux sentiments mais rarement la haine et la rancœur. Dans le cas de Karim, nous comprenons que la vie d'un TdJ est comme château de carte qui parait solide mais qui peut s'effondre en un instant et à tout moment ou jamais (même si je pense que cet effondrement doit travailler l'individu inconsciemment). Il a suffit à Karim de réaliser qu'il était tellement investi dans les activités "théocratiques", qu'il n'avait pas perçu la souffrance de son fils qui ne supportait plus la prédication, pour faire sa "crise de conscience". Je trouve le titre de sa vidéo très positif et encourageant : «Il y a une vie après les Témoins de Jéhovah». Je pense avoir aperçu Karim dans une des vidéos : Direct ex Témoins de Jéhovah.
Pour rappel : Témoignage d'un ex-Témoin de Jéhovah | Karim, 50 ans : «Il y a une vie après les Témoins de Jéhovah» https://www.youtube.com/watch?v=UgPO7-OLTWg&t=278s
Je me demande si je faisait parti des individus à fort besoin d’acceptation et d’appartenance, pour adhérer aux TdJ à l'âge de 14/15 ans ?
Bertrand ... Je constate que de nombreux TdJ ou ex-TdJ ont été les souffres douleurs de leurs classes ... Je pense que l'on ne peut pas dissocier cette situation de l'identité de TdJ, même si ce n'est surement pas la seule cause. Je fréquente (toujours) un couple de TdJ dont le mari a été un très bon ami pendant ma période TdJ (il est toujours), son épouse m'avait confié qu'elle gardait un très mauvais souvenir de sa scolarité. Elle n'arrivait pas à assumer la "différence", le fait de ne pas célébrer les anniversaires, les fêtes et donc de se sentir marginalisée. Elle reconnait aujourd'hui que cette situation était en partie provoquée par sa position religieuse et le fait qu'elle s'isolait. Le traumatisme est tellement profond qu'elle a décidé que son fils célèbrera les anniversaires des camarades de classes et qu'il participera à toutes les activités scolaires (préparations des décorations de noël comprises) afin de ne pas vivre le même isolement. J'ai entendu de nombreux récits de TdJ qui rapportent de telles situations. Dans ma région on n'emploie pas le terme "bolos" : "une personne naïve ou peu courageuse, ou complètement ridicule, voire stupide".
Milieu scolaire L'école est un lieu ambivalent pour les Témoins de Jéhovah: c'est un lieu de contact avec "le monde", à la fois source de danger pour la spiritualité, et lieu de champ de mission utile pour apprendre (rapidement) un métier et ainsi être un bon prédicateur (lecture, écriture). Ces différents thèmes opposés se trouvent dans les revues jéhovistes au fil du temps.
Les différentes consignes de la Société Watchtower en rapport avec l'école (renoncement aux amitiés avec les camarades de classe, rejet des études supérieures, etc) peuvent être considérées comme des freins à l'intégration dans la société des enfants de Témoins de Jéhovah, qui sont privés d'une partie de ce qui constitue la vie sociale des autres enfants. Néanmoins, certains d'entre eux semblent ne pas trop souffrir de leur différence et se sentent bien dans le mouvement; alors que d'autres enfants éprouvent un sentiment de frustration refoulé, assorti de la culpabilité de ne pas être assez forts spirituellement face à tous ces interdits, surtout si leurs parents se montrent exigeants quant aux respect des règles de l'organisation. Ce décalage entre leurs aspirations réelles et leur vie peut en partie expliquer le fait que de nombreux enfants élevés dans le mouvement des Témoins de Jéhovah le quittent un jour, mais gardent souvent très longtemps des séquelles psychologiques plus ou moins graves de cette enfance "volée". http://www.tj-encyclopedie.org/Enfance_dans_le_j%C3%A9hovisme#Int.C3.A9gration_sociale |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Mer 16 Déc 2020, 22:24 | |
| Y a-t-il une enfance qui ne puisse pas être dite "volée" ? Quand ce n'est pas par une religion c'est par une famille, un milieu socio-économique, un Etat (l'école obligatoire pour tous, depuis l'âge de trois ans désormais, à ceux à qui ça ne réussit pas comme à ceux à qui ça réussit), une technique (de quelle planète faudrait-il regarder des corps d'enfants paralysés devant des écrans pour y voir une "aliénation" ?), presque toujours avec les meilleures intentions (titre du scénario de Bergman sur son enfance, tourné par Bille August)...
Mes pires souvenirs scolaires datent de l'école primaire, privée et catholique, bien avant que je devienne TdJ avec une partie de ma famille séparée et recomposée entre-temps: le mot "bolos(s)(e)" était encore bien loin d'être inventé (il date des années 2000, à ce que je vois), mais la chose était déjà là. Souffre-douleur des cours de récréation parce que j'étais plus jeune que les autres et que je ne savais pas me battre (je n'ai d'ailleurs jamais appris), parfaitement adapté par contre au système scolaire proprement dit. De l'époque TdJ par contre qui correspondait pour moi à la fin du collège et au lycée, je n'ai que de bons souvenirs, aussi bien quand j'étais "militant" et "prêcheur" que dans la brève période où, oubliant tout cela, je m'étais assez bien fondu dans ma génération contestataire -- à l'époque je redoutais plutôt les vacances et le carcan familial que l'école. Mais je comprends bien que pour d'autres il en soit allé tout autrement, parce que ce qui me convenait ne leur convenait pas et inversement.
J'ai déjà raconté ce qui a déclenché ma rupture avec toute pratique religieuse, plus de 10 ans après ma sortie des TdJ: j'étais alors depuis peu dans une Eglise réformée très éloignée de tout "fondamentalisme", ma fille n'était pas encore née mais s'annonçait déjà, et je me trouvais dans une réunion de préparation du catéchisme ou "école du dimanche", où je devais enseigner comme je l'avais fait précédemment dans une Eglise évangélique très "raisonnable", sinon libérale. Il m'est soudain apparu, comme une évidence fulgurante, que je ne voudrais en aucun cas enseigner à ma propre fille un "imaginaire religieux" dont j'avais souffert, plus dans l'adolescence que dans l'enfance, même s'il était très éloigné de l'imaginaire jéhoviste que j'avais connu. Et par conséquent que je n'avais rien à faire là, à enseigner à d'autres enfants ce dont je ne voudrais surtout pas pour le mien. J'ai aussitôt démissionné, à la grande surprise du pasteur local. Cela n'a malheureusement pas empêché ma fille de connaître aussi son lot de problèmes à l'adolescence et au-delà, bien qu'elle n'ait pas eu la moindre éducation religieuse... |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Jeu 17 Déc 2020, 07:39 | |
| En théorie (toujours relativisée par le concret, ici les éventuelles ruses des internautes pour ne pas être systématiquement identifiés : VPN, IP dynamiques, etc.) le nombre de vues sur Youtube comptabilise bien les utilisateurs différents, et ne prend pas en compte les visionnages multiples par un même utilisateur (ni même les visionnages enchaînés automatiquement par l'application). Ceci dit, les algorithmes youtubesques sont notoirement opaques, on est obligé d'en rester à ce qu'affirme les responsables de la firme. Peut-être les chiffres ne sont-ils pas fiables à la centaine près, mais qu'on a tout de même accès avec eux à un certain ordre de grandeur ? Toujours est-il que les ex-TdJ, ne serait-ce que pour la seule France, se comptent par dizaines de milliers. Et si bon nombre d'entre eux n'iront jamais visionner ou lire une publication "apostate" (comme ma propre soeur, par exemple), le public potentiel de ce genre de choses est tout de même conséquent. Pour partie, ce qui m'a motivé à accepter de mêler ma voix au bruit ambiant, c'est surtout que je trouve que l'approche du phénomène "sectaire" qui fait un effort de rationalité reste beaucoup trop rare. Peut-être est-ce une conséquence de la logique totalitaire de l'offre et de la demande de tout ce qui peut être transformé en "marché"... Le public de ce genre d'approche (dont j'étais) semble bien minoritaire, si l'on s'en tient à ce qui semble rencontrer le plus de succès. Mais je continue de penser qu'il reste fort utile à ce public de trouver un peu de matière à réflexion sur sa route, comme ça m'a été utile à moi lors de ma sortie, au milieu des innombrables démonstrations anti-jéhovistes à coup d'images subliminales, de crypto-maçonnerie, ou de prédications évangéliques plus ou moins illuminées (catégories qui peuvent du reste très largement s'entrecroiser). Qu'il reste un peu de ça pour les Bertrand qui sortiront demain, même perdu au milieu du reste... Rien ne se fait sans un peu de foi. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Jeu 17 Déc 2020, 11:03 | |
| Les paroles des sages se font mieux entendre dans le calme que les cris du chef parmi les imbéciles (du roi des cons ?), comme disait à peu près Qohéleth (9,17).
Même au temps des forums florissants je m'étonnais de cette disproportion entre un "public" potentiellement considérable selon toutes les statistiques et la participation effective -- JWD donnait le change avec ses dizaines de milliers de membres, mais à l'échelle de l'anglophonie internationale ce n'était sans doute pas si différent. J'étais pourtant bien placé pour savoir qu'à la sortie de la Watch on peut surtout avoir envie de parler d'autre chose (même si dans mon cas ce n'était pas très éloigné).
Cela dit le "divertissement", l'intérêt positif pour autre chose (qu'il soit intellectuel ou sentimental, religieux ou philosophique, scientifique ou artistique, sérieux ou frivole), reste probablement pour chacun le principal moteur de changement, en-deçà comme au-delà des crises de conscience. Mais les crises, décisives comme leur nom l'indique, ont besoin de mots et de pensée, et c'est bien là que des témoignages comme le tien sont irremplaçables. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Jeu 17 Déc 2020, 15:33 | |
| La vidéo numéro 2 met en évidence 2 points intéressants, 1) La difficulté à perdre ses illusions ("on savait que c'était une illusion") et 2) Le décalage qu'il existe entre le personnage du TdJ qu'il faut incarner, jouer (La Watch ayant défini la psychologie, les dialogues, le décor et l'histoire de ce personnage) et la personne que sommes réellement ou intérieurement. La distorsion qui se manifeste dans notre vie entre ce personnage que nous essayons de faire apparaitre en nous et notre "moi" profond. En fait le TdJ joue un rôle en oubliant que ce n'est pas lui.
Il est difficile de perdre ses illusions et de vivre donc la désillusion. Perdre ses illusions suppose une entrepris volontaire, solitaire, radicale et courageuse ... Souvent on préfère rebrousser chemin. Perdre ses illusions, c'est renoncer à une forme de toute puissance, celle de croire que l'on connait l'avenir et que l'on a une prise sur notre vie. Nous ne pouvons pas vivre sans illusions mais le désir d'illusion peut se manifester sous la forme d'un "espoir négocié rationnellement" (Jankélévitch).
Même si nous avons vu que "Vivre c'est être un autre" (Fernando Pessoa), la Watch nous propose une caricature destructrice d'une forme de schizophrénie qui verse dans le dédoublement de la personnalité (pour certains). J'ai le souvenir dans mon adolescence d'avoir été désespéré parce que je n'arrivais pas à être celui que je voulais être, c'est à dire un TdJ modèle et conforme au profil que définissait la Watch. J'avais le sentiment de dissimuler autres TdJ celui que j'étais en réalité et de sombrer dans le double jeu ou double personnalité (si chère à la Watch). La culpabilité me tenaillait et j'avais honte me sentant indigne et torturé par l'idée d'être découvert. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Jeu 17 Déc 2020, 17:18 | |
| Ce serait un autre et vaste débat, que nous avons sans doute déjà eu sous d'autres formes, mais pour ma part (?) j'(?)aurais tendance à me (?) méfier autant d'un prétendu "moi" intérieur, secret, profond, naturel, vrai, réel, authentique ou honteux, que d'un "moi" extérieur, manifeste, factice, artificiel, apparent, construit, etc., pour la bonne raison qu'il n'y a pas de "moi" qui tienne sans un je(u) de dissimulation et de simulacre, de nature et d'artifice, de singularité et de mimétisme (linguistique, social, culturel etc.). Untel n'est pas plus "vrai" à poil dans son lit, sous la douche ou dans ses chiottes qu'habillé dans la rue, à son travail ou déguisé sur une scène de théâtre, sa "vérité" s'il y en a une est partout ou nulle part (à cet égard la dénonciation de l'hypocrisie peut être le comble de l'hypocrisie). Reste, bien sûr, que ce "je(u)" peut être plus ou moins harmonieux ou discordant, heureux ou pénible, selon les cas, les moments et les circonstances...
Tout le problème du témoignage, et de l'autobiographie en général, c'est que le "je" qui raconte est et n'est pas le "moi" raconté, il l'est d'autant moins qu'un temps long et des changements importants les séparent. L'unité formelle de la première personne qui rend le récit possible est une pure fiction, qui ne correspond exactement ni à l'un ni à l'autre, à supposer qu'aucun pronom coïncide jamais exactement avec "lui-même"; ce qui rend encore plus problématique toute tentative de rendre compte du processus qu'on raconte, dans le genre "avant je n'étais pas moi-même mais je le suis devenu"... ;) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Ven 18 Déc 2020, 09:41 | |
| Nous sommes tous en représentation dans la vie, en fonction des interactions sociales, des attentes de notre entourage, de nos peurs, de nos désirs … nous nous créons des personnages et nous nous mettons en scène mais chacun des personnages trouve son origine en nous, il est une partie de nous, une facette de notre identité sans vraiment nous définir. Dans le système jéhoviste, la Watch définit un "profil" précis et chaque TdJ doit coller à ce "profil" pour espérer bénéficier du salut et de l'approbation de la communauté, ce "cadre" dans lequel doit rentrer chaque TdJ leur est totalement extérieur (pour la plupart), il n'est pas le fruit du "négociation interne". Si nous réfléchissons bien, la Watch définit les sentiments que l'adepte doit éprouver, ce qu'il devrait aimer et haïr (dans tous les domaines), en fait, elle met au point une "identité" universelle du bon TdJ et chacun doit y correspondre. Cette "identité" est totalement extérieure à ce que pourrions être et aimerions devenir et ce qui implique que les TdJ joue un rôle qui n'est pas dans leur répertoire et totalement déconnecté de toutes les facettes de sa personnalités. N'oublions pas le regard du groupe, le poids de la communauté (que nous ne voulons pas décevoir et dont nous recherchons l'acceptation) qui sont très lourd chez les TdJ, au point que de nombreux TdJ ont le sentiment d'être une personne à la salle du royaume et un autre à l'extérieur.
Le première question que je me suis posé quand j'ai fais ma crise de conscience a été : Qui je suis ? (Je crois que c'était la première fois que je m'interrogé de la sorte, à 45 ans) J'avais le sentiment d'avoir vécu mes années TdJ déconnecté de mes réalités et sans jamais osé de me demander qui j'étais car la Watch avait prévu pour moi, ce que je devais être et moi, j'avais accepté de rentrer dans le cadre. Je n'ai jamais trouvé vraiment la réponse à la question que je m'étais posé mais j'avais la sensation de me regarder et de ne plus être projeté (uniquement) vers l'extérieur. Quand nous sommes TdJ, il y a les figures imposés (selon l'image du patinage artistique) et dehors de ce mouvement, nous pouvons (dans une certaine mesure) choisir nos chorégraphies. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Ven 18 Déc 2020, 11:32 | |
| L'employé de banque, la caissière de supermarché, l'agent de sécurité ou l'hôtesse de l'air ne choisissent pas non plus leur tenue et leur comportement, tout ça leur est imposé: c'est plus qu'une comparaison car Rutherford a délibérément donné au mouvement religieux dont il avait hérité (ou dont il s'était emparé) un caractère d'entreprise et transformé ses adeptes en représentants simili-"professionnels": colporteurs, publishers, advertising, etc., c'est le vocabulaire de la pub et des techniques commerciales américaines des années 1920-30, parodiées par Chaplin ou Lubitsch, qui a formé le look "technico-commercial" du TdJ moyen. (Question uniformité vestimentaire, il y a pire, même si par ailleurs c'est moins pire ou franchement mieux, qu'on pense aux missionnaires mormons ou à l'Armée du salut.) Depuis l'informatique on parlerait plutôt de "programmation", ce qui est moins visible mais parfois plus dangereux (cf. la scientologie et les innombrables rejetons du "New Age" aux confins troubles de la psychothérapie).
Que ce type de socialisation (quasi universel dans les sociétés modernes mais plus ou moins typé, typique ou caractérisé) aboutisse à des "crises d'identité" et à la question "qui ou que suis-je ?" (où cours-je, etc.), ça n'a rien d'étonnant mais c'est à tranchant multiple: car ce genre de question qui en fait éventuellement sortir est aussi bien celle qui y fait (r)entrer -- les "sectes" ont justement une réponse toute prête et plus définie que la moyenne à la question "qui suis-je", c'est ce qui les rend tantôt attractives et tantôt répulsives, selon les individus qui s'y rapportent et les moments de leur vie. Au début d'une vie, un "qui suis-je" peut paraître aussi vital qu'énigmatique et enthousiasmant qu'angoissant, à la mesure de l'indigence d'un "moi" encore largement indéfini qui attend tout, le meilleur et le pire, du devenir ou de l'avenir: à ce moment-là des réponses extérieures peuvent paraître crédibles et attrayantes, y compris dans leur diversité, parce qu'on peut toujours s'imaginer échapper aux unes par les autres; à la fin au contraire, la question ne fait plus mystère mais elle perd tout enjeu et tout intérêt -- et pourtant il y a aussi des conversions ou des apostasies tardives, de nostalgie ou de regret, qui ressemblent plus à des noyades qu'à des engagements. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Ven 18 Déc 2020, 20:23 | |
| Comme d'hab, le problème soulevé me semble surtout lié à une question d'échelle, et pas à une question de nature (quoique cette dichotomie elle aussi pose problème : à partir de quand le quantitatif a-t-il commencé à transformer le qualitatif ? Typiquement, le problème évoqué ici est l'illustration type de cette difficulté....). Car, effectivement, il y a un continuum entre ce que nous demande une société (une entreprise), LA société (celle où l'on vit tous), et ce que nous demandait "la Société" (Watchtower).
On repensera au garçon de café qui est contraint par son boulot à ÊTRE garçon de café dans son habit, sa gestuelle, le choix convenu de ses mots et le ton sur lesquels ils les prononcent (cette dernière caractéristique est devenue encore plus choquante avec le démarchage téléphonique...). Beaucoup de points commun avec le TdJ en prédication ou à l'assemblée. Mais la différence ("d'échelle" ou/et/donc "de nature"), c'est que le garçon de café, une fois fini son service, cesse d'être garçon de café : il range son costume noir et son noeud pap', et laisse avec au vestiaire l'air guindé qu'il revêt en même temps. Il peut mettre un jogging, fumer sa clope, et parler vert... Et surtout, ça n'a rien d'anormal : il ne va pas avoir mauvaise conscience de ne plus être garçon de café en dehors de ses heures salariées. Le costume du TdJ, on le porte lui aussi aux heures que l'on pointe au patron, et le TdJ peut lui aussi avoir envie de se reposer de temps à autre de son identité, le costume rangé dans sa penderie, et le fait effectivement de temps à autre.... Sauf que la norme officielle, dans son cas, et à laquelle il est obligé d'adhérer au moins en théorie, c'est d'être aussi obligé de continuer de porter le costume intérieur, "à la Superman" : à la moindre occasion, Tatataaataaaaaa, tu es censé déchirer ton tee-shirt, et pouvoir redevenir à tout instant SuperTJ, à la demande (avec la question Gotlibienne : où diable Superman planque-t-il sa cape quand il est Clark Kent ?) Il n'est censé y avoir aucun instant, aucun domaine, aucun lieu, où tu es libre d'abandonner complètement ce qui va avec le costume. Tu n'as tout simplement rien qui ait droit d'y échapper. Bien sûr, je ne connais personne qui y parvienne à 100%, mais c'est alors toi qui est en défaut. Et effectivement, je crois que si ça peut devenir littéralement insupportable, ça n'empêche pas que c'est aussi très probablement AUSSI un peu pour ça qu'on a adhéré à un moment : ça répondait à la question "qui suis-je?" de façon efficace à un moment de notre vie.
(Au passage, puisque l'on dérive un peu sur le thème, je signale ces quelques vidéos de l'excellent vulgarisateur de philosophie Thibault Giraud, alias Monsieur Phi, qui a abordé plusieurs fois ce thème de l'identité et du je/moi d'une façon ludique mais pas sans profondeur :
https://youtu.be/EZmvdkNjev8
https://youtu.be/HPWQufM2sAg
ou encore : https://youtu.be/XeZDt43Pij8 ) |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Ven 18 Déc 2020, 22:47 | |
| Excellentes, les vidéos ! -- la dernière au moins devrait plaire aussi à notre chapelier toqué.
J'apprécie tes remarques, et je partage ta perplexité quant au sempiternel problème du "saut qualitatif" déterminé par la quantité, quand plus ou moins de x fait autre chose que x... j'aurais tendance, comme souvent, à prendre la question par le bout linguistique: dès qu'on nomme quelque chose comme une chose, "x" ou "moi" par exemple, nom, prénom, pronom ou qualité, on lui confère artificiellement une essence fixe et on crée tout aussi artificiellement des problèmes de frontières, d'altérité et d'oppositions là où il n'y a, à d'autres points de vue, qu'un jeu de différence continu, ou des effets de pli et de repli du même. Ainsi dans le spectre chromatique on passe du "jaune" au "vert" et au "bleu" là où il n'y a qu'un continuum différenciel de fréquences, alors qu'on serait bien en peine de dire exactement où une "couleur" (nommée) commence et finit... c'est toute la problématique des espaces "lisses" ou "striés" chez Deleuze: le jéhovisme représenterait un espace hyper-strié, quantitativement différent de beaucoup d'autres qui sont aussi striés: un catholique, un juif, un musulman, un bouddhiste, un communiste, un syndicaliste, un humaniste, un brave homme ou une chic fille peuvent aussi se sentir coupables de n'être pas toujours à la hauteur de la morale ou des idéaux qu'ils affichent, ou simplement de l'image qu'ils donnent d'eux (et qui n'est d'ailleurs pas plus fausse pour autant, ni moins vraie que leurs "failles" éventuelles*). Quant à la "vie privée", elle est d'autant plus compromise qu'un employeur ou un recruteur ne se prive pas, désormais, de contrôler ce que tu as pu dire et montrer sur Internet, mais bien avant cela un instituteur ou un policier pouvaient difficilement faire n'importe quoi dans la ville ou le quartier où ils exerçaient, même quand ils n'étaient pas en service... En tout cas cela n'enlève rien aux difficultés particulières du jéhovisme, qu'on les apprécie quantitativement ou qualitativement.
---
* Je reviens un peu sur cette question de la "culpabilité", de la "mauvaise conscience" ou de l'"hypocrisie" qui me semble importante, dans le jéhovisme et ailleurs: l'impression de (devoir) cacher quelque chose confère à la chose en question une présomption de "vérité" supérieure à l'apparence, qui peut être tout aussi trompeuse que l'apparence même: il se donnait des airs de saint, de juste, mais en fait c'était un salaud, un tricheur, etc. "En fait" ce n'était peut-être ni l'un ni l'autre, ou l'un autant que l'autre, c'était seulement un peu plus compliqué que l'apparence et que ce qu'elle cachait... Mais ce genre de jugement a un effet pervers, bien connu des pédagogues et même de certains juges: celui qui n'a pas réussi à réaliser son unité ou sa cohérence, même apparente, autour de la "bonne" image, risque fort de chercher à la réaliser autour de la "mauvaise"; puisque je suis au fond un salaud, autant l'être pour de bon et jusqu'au bout... on n'y réussira sans doute pas davantage, mais en attendant on peut (se) faire beaucoup de "mal" pour rien. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Sam 19 Déc 2020, 08:01 | |
| - Citation :
- Il n'est censé y avoir aucun instant, aucun domaine, aucun lieu, où tu es libre d'abandonner complètement ce qui va avec le costume. Tu n'as tout simplement rien qui ait droit d'y échapper. Bien sûr, je ne connais personne qui y parvienne à 100%, mais c'est alors toi qui est en défaut.
Excellent résumé de ce que je tentais d'expliquer … Il n'y a aucun répit, aucun refuge, au fil du temps cela peut-être épuisant de se sentir en permanence en lutte pour correspondre au profil du témoin de Jéhovah modèle, sans vraiment y parvenir. C'est un questionnement quasi permanent. Il faut y ajouter la notion d'"exemplarité" qui devrait caractériser ceux qui assument des responsabilités au sein de la communauté. Dans un premier temps cela semble valorisant et contribue a forger une identité du TdJ exemplaire mais à la longue, cela finit par devenir insupportable de se sentir évalué par sa conscience et les autres membres de la communauté pour on devrait une "référence", un exemple à suivre. Rappelons également que la vie d'un TdJ doit constituer un "bon témoignage" pour ses voisons, ses collègues d'école et de travail, sous peine de jeter l'opprobre sur Dieu. Le mensonge devient inévitable, on se ment à soi-même et aux autres, c'est jeu de dupes. La Watch demande à ses membres d'agir d'une façon " irréprochable comme si un projecteur était dirigé sur nous" (rien que ça) : Tous les chrétiens, qu’ils soient jeunes ou âgés, doivent également veiller à ne pas mener une double vie. Jean a dit clairement qu’on ne peut pas vivre selon la vérité et en même temps avoir une conduite sexuelle immorale ( 1 Jean 1:6). Si nous voulons avoir l’approbation de Dieu maintenant et dans l’avenir, nous devons toujours agir de façon irréprochable, comme si un projecteur était dirigé sur nous. En réalité, il n’existe pas de « péchés secrets », car Jéhovah voit tout ce que nous faisons ( Héb. 4:13). https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2020486?q=double+vie&p=par |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Sam 19 Déc 2020, 11:41 | |
| J'y pensais avant de te lire, mais la comparaison de ta dernière citation me conforte dans cette idée: le modèle du système est médiatique; au panoptique de Bentham, mieux connu par l'usage qu'en a fait Foucault, qui devait rendre possible la surveillance de tous du point de vue d'un seul, répond symétriquement la surveillance d'un seul -- idéalement de chacun -- par tous. La destruction de toute "vie privée" atteint son paroxysme dans la situation des "célébrités" et singulièrement des hommes (ou des femmes) de pouvoir dont le moindre geste (quinte de toux ou dîner de travail, dans l'actualité récente du président de la République française) est aussitôt rapporté, commenté et jugé par des millions de gens qui estiment à tort ou à raison que ça les regarde, dès lors qu'ils le regardent. Paradoxalement l'appropriation, à la fois réelle et imaginaire, de ce modèle par le quidam qui se croit observé en permanence par Dieu et le diable, les anges et les démons, ses "frères" ou ses "ennemis", ou par n'importe qui (de l'oeil de Caïn aux caméras de télésurveillance pour la police et aux i-phones contre la police, en passant par la "conscience" classique aussi bien que par Orwell), est aussi valorisante qu'oppressante: je suis quelqu'un d'important, si je ne le suis pas je peux (ou je risque de) le devenir, et je ne peux jamais faire n'importe quoi pour la seule raison que je le veux ou que j'en suis capable.
["Pour vivre heureux vivons cachés" (Florian), c'est une pensée de la Terreur (1793).] |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Mon expérience chez les Témoins de Jéhovah Dim 20 Déc 2020, 10:49 | |
| - Citation :
- Si nous voulons avoir l’approbation de Dieu maintenant et dans l’avenir, nous devons toujours agir de façon irréprochable, comme si un projecteur était dirigé sur nous.
La Watch assume et revendique l'idée que les fidèles TdJ sont en permanence sur la "scène" en représentation, sous le feu des projecteurs et au regard de tous, il n'y a pas de pause, pas de jardin secret et aucun refuge qui nous garderait à l'abri du sentiment (ou da la réalité) de se croit observé en permanence par Dieu et le diable, les anges et les démons, ses "frères" ou ses "ennemis", ou par n'importe qui.Ce système fonctionne car il repose sur la mauvaise conscience de jeter l’opprobre sur Jéhovah, de flétrir la réputation de ses parents et d'attirer l'ostracisme sur la congrégation : Vous parviendrez plus facilement à ne pas mener une double vie si vous réfléchissez aux conséquences qu’une telle conduite aurait sur le nom de Jéhovah. Le jeune homme mentionné au début de cet article a raconté qu’un jour quelqu’un l’a vu prendre une cigarette et lui a dit: “Je ne savais pas que les Témoins de Jéhovah pouvaient fumer. N’es-tu pas Témoin de Jéhovah?” Il a avoué par la suite que cette question l’avait profondément troublé, car elle lui avait fait prendre conscience du fait que sa conduite jetait l’opprobre sur Jéhovah. Est-ce là ce que vous désirez? Comme les Israélites infidèles du passé, faites-vous peu de cas de notre Dieu au point de salir son nom?Pensez également à la réputation et aux sentiments de vos parents. “Un jour, mes parents ont appris qui j’étais réellement, poursuit le jeune homme mentionné plus haut. Cela les a abattus. Et pour la première fois de ma vie j’ai vu ma mère et mon père pleurer. Ils étaient terriblement peinés par ce que j’avais fait.” Vos parents pleureraient probablement, eux aussi, s’ils apprenaient un jour que vous menez une double vie. Est-ce ce que vous désirez? “Mieux vaut avoir une bonne réputation que de grandes richesses”, dit la Bible (Proverbes 22:1, Français courant). En menant une double vie, vous flétrissez non seulement votre réputation, mais aussi celle de vos parents. Vous la traînez dans la boue, leur causant de l’humiliation et de la gêne. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1988564#h=7:0-11:998La Watch confie à chaque témoin de Jéhovah " la responsabilité d’être son propre gendarme" en oubliant pas l'avertissement : “Il n’est pas de création qui ne soit manifeste aux regards de Dieu, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre des comptes.” ( https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1993084?q=nu+et+d%C3%A9couvert+aux+yeux&p=par ) L'individu est totalement nié, il doit vivre et agir uniquement en fonction des sentiments de Dieu, de sa famille, de sa congrégation, de ses voisins … Lui il n'existe pas (en théorie). |
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