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  De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22

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MessageSujet: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 10 Fév 2022, 13:10

Il me semble en effet qu'il y a une rupture majeure entre les chapitres 20 et 21: les chapitres 21 et 22 forment une conclusion, ou une série de conclusions, qui a de nombreux échos dans l'introduction du livre, y compris les "lettres aux (sept) Eglises", chapitres 1--3; c'est l'effet d'"inclusion" de la "couverture" du livre dont je parlais plus haut, le début et la fin qui se répondent étant certainement postérieurs au corps du livre (4--20) qui ne s'y réfère pas. Bien entendu, la rédaction s'efforce de ménager la transition comme elle peut, notamment par le motif de la disparition des cieux et de la terre en 20,11, qui prépare l'apparition du nouveau ciel et de la nouvelle terre en 21,1: la résurrection et le jugement des morts se situent donc hors-lieu et hors-monde, à la lettre entre deux mondes, c'est l'un des aspects les plus intéressants et les plus réussis de l'affaire à mon avis. Mais cela marque aussi une rupture nette entre les deux mondes, une "solution de continuité" comme on dit, qui interdit tout passage direct d'un monde à l'autre. En tant que monde, "ciel et terre", le monde nouveau du chapitre 21 ressemble forcément au monde ancien (il s'y trouve ainsi des "humains", des "peuples", des "nations" et même des "rois", 21,3.24.26; 22,2 -- mais non les "nations" du chap. 20 ni les "rois" déjà disparus au chap. 19); cependant le texte insiste principalement sur les différences (plus de nuit, plus de mer, plus de temple, plus de soleil et de lune, plus de mort, plus de malédiction: effet symétrique des récits de création, Genèse 1 et surtout 2 comme l'Enuma elish, qui commençaient par énumérer ce qu'il n'y avait pas encore...). C'est surtout, comme on l'a souvent souligné, un monde sans histoire et sans "accident" qui relancerait une nouvelle histoire (de même qu'à la fin des contes, "ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants" n'annonce aucune "suite", sauf pour Hollywood): tableau immobile ou mouvement cyclique, à la manière d'une liturgie immuable, image de l'éternité, temps sans temps.

On pourrait déduire, sans beaucoup d'imagination, que les "habitants" du "monde nouveau" sont tout simplement ceux dont les noms étaient écrits dans le livre de vie du chapitre 20, mais le texte même ne présente pas les choses ainsi. Le "monde nouveau" paraît absolument dépourvu de traits "personnels", les humains, les peuples, les nations et les rois sont sans visage, les fils d'Israël ou les apôtres y deviennent des noms gravés sur les portes ou les fondations de la nouvelle Jérusalem, comme dans l'introduction le "vainqueur" devenait colonne dans le temple (3,12). Cf. ici.


https://etrechretien.1fr1.net/t1386-apocalypse-20-1-15-entre-millenium-et-jugement


L'auteur veut exprimer l'idée et la conviction d’une nouveauté totale sans aucune commune mesure et sans aucun point commun avec quoi que ce soit d’existant et pourtant "le monde nouveau du chapitre 21 ressemble forcément au monde ancien (il s'y trouve ainsi des "humains", des "peuples", des "nations" et même des "rois", 21,3.24.26; 22,2 -- mais non les "nations" du chap. 20 ni les "rois" déjà disparus au chap. 19)", mais dans le même temps le texte est marqué l’accumulation de négations   :  plus de mer (21,1), plus de mort, de deuil, de cri et de souffrance (21,4), plus de Temple (21,22), ni de soleil ou de lune (21,23), les portes de la cité ne se ferment plus, plus de nuit (21,25), nulle souillure (21,27), plus de malédiction (22,3), plus de nuit, nul besoin de la lumière du soleil ou du flambeau (22,5). Cette nouveauté (nouvelle et sans précèdent) ne peut fonctionner (paradoxalement mais il ne pouvait pas faire autrement) que par une comparaison, en creux, avec la réalité de l'ancien monde.  Remarquons également que la venue de la nouvelle création est donc subordonnée à une disparition totale de l’ancienne.

Que signifie la disparition de la mer ? 

Pourquoi expurger de ce monde nouveau "les lâches, les infidèles, les êtres abominables, les meurtriers, les prostitués, les sorciers, les idolâtres et tous les menteurs" ou ils ne devraient plus être ou exister ?
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 10 Fév 2022, 14:54

Excellentes remarques (je parle des tiennes).

Le "tout-nouveau" de l'Apocalypse vient des Prophètes (deutéro- et surtout trito-Isaïe) en passant par sa reprise chrétienne (et notamment paulinienne, cf. 2 Corinthiens 5, Romains etc.; voir ici): celle-ci l'actualisait au présent du "mystère" religieux, celle-là la projette à nouveau sur l'horizon de l'avenir ultime (encore plus ultime -- proprement "eschatologique" -- qu'il ne pouvait l'être dans le trito-Isaïe, d'où l'effet de "tableau final" comparable à la fin d'un conte). Soit dit en passant, même une fiction narrative (c.-à-d. qui raconte une histoire, avant d'aboutir à une "fin de l'histoire"), si "étrange" ou "dépaysante" qu'elle soit (p. ex. science-fiction ou néo-mythologie à la Tolkien), dépend d'une analogie constante avec la "réalité" de l'auteur et des lecteurs (auditeurs, spectateurs), sans quoi non seulement elle n'aurait aucun intérêt, mais elle ne serait même pas intelligible ni concevable. Borges décrit quelque part l'angoisse qui saisit un personnage devant une construction qui ne répondrait à aucun sens "humain", dans tous les sens du "sens"; on peut toujours inventer des personnages à trois yeux ou à six oreilles, ça ne change rien au sens de la vue ni de l'ouïe qui rendent le récit et la description intelligibles; autrement dit, on peut décrire mille "autres mondes" à condition qu'ils ressemblent assez au nôtre pour s'en différencier, sinon il n'y a tout bonnement rien à décrire.

Pour rappel, la "mer" est le reste (dangereux) d'"incréé" dans la "création" de la Genèse, la réduction (par séparation de la "terre" = "terre ferme", le "sec", cf. le calembour [sans doute] involontaire de Segond "Dieu appela le sec terre") et le reliquat de l'"abîme" originel; et en-deçà de la Genèse, l'océan primordial des cosmogonies antiques, p. ex. Enuma Elish, qui ne sont pas ex nihilo, ne sortent pas de "rien" mais d'un anté- et anti-monde (ou "chaos" opposé au kosmos ordonné, encore que le "chaos" grec soit un peu différent, béance et ouverture du gouffre; mais il y a aussi Okeanos, l'Océan chez Hésiode, d'origine probablement orientale mais à une place moins "originelle"): Tiamat à Babylone (cf. tehom pour "abîme"), Yamm (= "mer") et Lôtan (Leviathan) à Ougarit...

L""exclusion" des indignes en tout genre est ambiguë comme tout le rapport de ces tableaux finals (ou finaux) à ce qui les précède: on peut comprendre qu'ils sont exclus d'office en tant qu'ils restent dans le "monde d'avant" et n'ont pas part au "monde nouveau", mais l'expression ne peut que réintroduire dans celui-ci, fût-ce à rebours de son intention, les distinctions et les oppositions de celui-là. Pour dire que "tout est saint" ou "sacré" (cf. déjà Zacharie 14), il faut encore penser la différence du "saint" et du "profane" (impur, immonde, etc.) et donc l'introduire même là où elle n'aurait plus lieu, ne serait-ce que pour l'"exclure"...

Sur les négations en série, voir aussi ici.
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 15 Fév 2022, 10:33

"La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu" (21,3).

Le chapitre 21 propose un universalisme "sélectif" dans la pensée qui est développée en (5,9 et 7,9) : "Dieu a racheté des hommes de toutes tribus, langues ou nations", ces "rachetés" sont opposés aux impies (21,7 et 8 ; 21,27) mais d'un autre côté, il est question plus globalement des "humains", des "peuples" et même des  "nations" qui marcheront à sa lumière (21,24 + 22,2 : la guérison des nations). Il y a une tension dans le texte entre des humains approuvés, sélectionnés présents sur la nouvelle terre et l'emploi plus générale et globale (universaliste) de termes comme "humains" et "peuples". Notons l'absence de référence au peuple d’Israël. 

Un autre aspect interpelle, Dieu qui fait sa demeure avec les "humains" abolit-il toutes différences entre la terre et le ciel ?
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 15 Fév 2022, 11:14

S'il y a ressemblance entre le "monde d'avant" et le "monde d'après", comme on le soulignait précédemment, c'est parce qu'il y a entre eux une différence radicale de nature: le second est une transfiguration du premier, transparente ou translucide, purifiée de toute contradiction, évacuée de toute opposition, apaisée de tout conflit; les différences n'y sont plus que des formes, vestiges désertés des forces qui les ont formées; tableau non pas tout à fait fixe mais dont la mobilité est réduite au cycle de type mythique et rituel: ce n'est plus le théâtre d'une histoire qui supposerait de nouveaux conflits, ce n'est surtout pas une suite de l'histoire, pas non plus une autre histoire mais plutôt l'autre (côté ?) de l'histoire.

Israël est bien re-présenté dans le tableau, explicitement (21,12) et encore plus implicitement (correspondance des douze apôtres aux douze tribus, des 144 coudées aux 144.000 associés aux "douze tribus d'Israël" au chap. 7, etc.).

Quant à l'habitation de Dieu avec les hommes, elle "accomplit" (sur le même mode de transfiguration et de relève de l'"histoire" dans l'"éternel-sans-histoire") un thème qui vient au moins autant de l'AT (la tente-demeure pré-figurant le temple dans le désert, mishkan d'où la shekina rabbinique, et qui peut aussi se passer de temple en se fondant dans la "communauté", pour Ezéchiel en exil comme plus tard à Qoumrân ou dans le judaïsme phariséo-rabbinique d'après 70) que du NT (notamment le Prologue johannique, Jean 1,14 avec un jeu d'assonance -- et d'étymologie -- trans-linguistique, skèn de la skènè qui signifie tente et a donné notre mot "scène", car c'est aussi le dispositif du "théâtre" grec). Au fond c'est le mouvement même de la religion (cf. encore le Notre Père, "sur la terre comme au ciel" qui embrasse tout ce qui a été invoqué depuis le "Père dans les cieux", le "nom", le "règne", la "volonté", comme "inaccompli" à "accomplir") qui est là présenté sous sa forme "accomplie".
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 15 Fév 2022, 14:22

(21,5) peut se traduire comme suit : "voici je fais toutes choses nouvelles" mais une autre traduction propose "de tout, je fais du nouveau" donnant l'impression que Dieu fait du neuf à partir de l'ancien, sans impliquer une nouveauté radicale issue de "rien" ou du néant.
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 15 Fév 2022, 15:09

C'est une ambiguïté de la syntaxe, à peu près la même en grec et en français: on peut analyser l'adjectif "nouveau" (kaina, au neutre pluriel qui s'accorde au singulier) comme épithète OU attribut du complément d'objet (panta, neutre pluriel, "toutes choses = tout"). Dans le premier cas on comprend "je fais (poieô) des choses (qui sont) nouvelles", dans le second "je fais (= je rends) les choses (existantes, ou précédentes) nouvelles" (comme on dit "je te fais chevalier", ou "roi", ça ne veut pas dire je te crée ex nihilo mais je te déclare au sens "performatif", je te fais devenir ceci ou cela). L'ordre des mots varie dans les manuscrits, ce qui contribue (un peu) à faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre, on trouve même parfois un seul verbe composé kaino-poi[e]ô qui signifierait de façon plus claire "je renouvelle tout". Cf. Isaïe 43,19 (LXX idou poiô kaina, voici, je fais des choses nouvelles = du nouveau) et 2 Corinthiens 5,17 (gegonen kaina, du nouveau est advenu, ou gegonen kaina ta panta, tout est devenu nouveau).

Ce n'est toutefois pas la grammaire qui décide le sens, mais plutôt le contexte (narratif et descriptif) de l'Apocalypse qui implique à la fois la rupture avec le "monde ancien" (dans le récit du chap. 20) et la ressemblance différenciée du "nouveau" avec l'"ancien" (dans les descriptions des chap. 21--22).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMer 16 Fév 2022, 14:03

L’emploi du terme κοινόν en Ap 21,27 comme critère d’exclusion de la Jérusalem nouvelle donne à croire que le visionnaire de Patmos considère la pureté rituelle telle que définie par le judaïsme de son temps comme un élément constitutif de l’identité chrétienne. Il semble donc avoir de celle-ci une conception analogue à celle des adversaires de Paul en Galatie, tenants du respect des observances juives (Ga 3,1-4 ; 4,10 ; 5,1-6). D’autre part, l’adhésion aux règles juives de pureté pourrait peut-être expliquer la fameuse expression « synagogue de Satan » appliquée à certains qui, à Smyrne (2,9) et à Philadelphie (3,9), se prétendent juifs et ne le sont pas, du moins aux yeux de Jean. Ce sont sans doute non pas des communautés juives dont les membres persécutaient les chrétiens, comme on l’a souvent proposé, mais des juifs que l’on qualifierait aujourd’hui de libéraux ou même séculiers, et qui étaient, aux yeux de l’auteur de l’Apocalypse, trop compromis avec les institutions et les cultes civiques et impériaux, c’est-à-dire avec Satan (Ap 12,9), situation bien attestée par les sources épigraphiques[24].

En outre, puisque dans le grec courant, le mot κοινόν renvoie à ce qui est commun, partagé, et désigne en particulier les guildes et associations de toutes sortes, dont on sait qu’elles jouaient un rôle considérable dans la vie de la Cité[25], dire que rien de κοινόν n’entrera dans la Jérusalem nouvelle renvoie au refus de l’auteur de l’Apocalypse de participer à la vie de la cité : « Sortez (de cette cité) ô mon peuple, de peur de participer à ses péchés […] » (Ap 18,4), c’est-à-dire refuser ce que les disciples de ceux qu’il appelle Balaam et Jézabel, et sans doute aussi les nicolaïtes, considéraient sans doute, pour employer une expression d’actualité, comme un accommodement raisonnable : participer à la vie civique sans renier pour autant sa foi. Les tenants d’une telle position sont pour lui des menteurs, des faux chrétiens.

En ce sens, le texte de l’Apocalypse fait écho ici, en utilisant un terme propre au judaïsme palestinien de la période hellénistique, au passage d’Is 52,1 lxx : « Éveille-toi, éveille-toi ô Sion, revêts ta puissance, ô Sion, et revêts ta gloire, Jérusalem, ville sainte, désormais l’incirconcis et l’impur (ἀκάθαρτος) n’entreront plus chez toi » (cf. aussi Es 35,Cool ; et Ez 44,9 lxx : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : “Aucun étranger, incirconcis de coeur et incirconcis de chair, n’entrera dans mon sanctuaire, aucun étranger qui demeure au milieu des fils d’Israël” ».

https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2006-v62-n2-ltp1452/014285ar/
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMer 16 Fév 2022, 14:27

Sur cet article, voir ici 26.10.2020 (et de là un autre lien vers une discussion antérieure).

Outre le problème dont nous avons déjà parlé dans ces discussions (l'interprétation de l'"impur", plutôt rituelle ou plutôt morale, a pu changer au cours même du processus de rédaction et/ou de compilation de l'Apocalypse), il reste celui que nous évoquions plus haut, à savoir le rapport imaginé entre le "monde nouveau" et le "monde ancien": ce qui est "exclu" de la Nouvelle Jérusalem l'est-il en tant qu'exclu du "monde nouveau" dans son ensemble, ou bien seulement de la Nouvelle Jérusalem, ce qui supposerait encore un "mal" dans le "monde nouveau" ? Ou -- questions subsidiaires ou autres formulations de la même question -- à quel(s) "monde(s)" appartient le "lac de feu", est-il d'avant, d'après, des deux ou d'entre-deux (c.-à-d. d'aucun) ? Faudrait-il encore imaginer une gradation intermédiaire, pour un relativement "impur" entre la "Nouvelle Jérusalem" et le "lac de feu" ? A ce genre de questions (qu'on pourrait multiplier à loisir) le texte ne me semble pas du tout répondre, peut-être simplement parce que le ou les auteurs ne se les sont même pas posées... mais peut-être plus profondément parce que le "monde nouveau" n'est pas du tout un "monde", ni un "monde possible" ni un "monde compossible" au sens de Leibniz, autrement dit une "structure" qui supposerait encore la possibilité d'un "fonctionnement" quasi mécanique, sinon la "scène" ou le "décor" d'une "histoire", mais la transfiguration du seul "monde", réel et historique, achevé et accompli.
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 13:20

"A celui qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement. Tel sera l'héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils" (21,6_7).

Nous retrouvons le thème du vainqueur qui  renvoie aux finales des lettres aux églises où, une promesse est faite au vainqueur, promesse toujours au futur et renvoyant à une réalité liée à la nouvelle création ( 2,7 : "manger de l'arbre de la vie qui est dans le paradis" ; .11 : "rien à craindre de la seconde mort" ; 17 : "la manne cachée et un caillou blanc" ; 26-28 : "pouvoir sur les nations" ; 3,5 : "vêtements blancs ; je n'effacerai jamais son nom du livre de la vie" ; 12 : "une colonne dans le sanctuaire de mon Dieu" et 21 : "de s'asseoir avec moi sur mon trône" ).

Cette constatation me rappelle cette analyse de Narkissos :

Il me semble en effet qu'il y a une rupture majeure entre les chapitres 20 et 21: les chapitres 21 et 22 forment une conclusion, ou une série de conclusions, qui a de nombreux échos dans l'introduction du livre, y compris les "lettres aux (sept) Eglises", chapitres 1--3; c'est l'effet d'"inclusion" de la "couverture" du livre dont je parlais plus haut, le début et la fin qui se répondent étant certainement postérieurs au corps du livre (4--20) qui ne s'y réfère pas.

https://etrechretien.1fr1.net/t1386-apocalypse-20-1-15-entre-millenium-et-jugement


Un autre point, la nouvelle Jérusalem est la demeure de Dieu, avec l’agneau, (21,9, 14, 22, 23, 27; 22,1 et 3),  l’agneau reçoit les prérogatives de Dieu ; il règne avec lui sur le trône, comme lui il est adoré et, avec lui, il est le temple de la nouvelle création :

"Je n'y vis pas de sanctuaire, car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, est son sanctuaire, ainsi que l'agneau. La ville n'a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l'éclaire, et sa lampe, c'est l'agneau. Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire. Ses portes ne se fermeront jamais pendant le jour — or là il n'y aura pas de nuit. On y apportera la gloire et l'honneur des nations. Il n'y entrera jamais rien de souillé, ni faiseur d'abomination ou de mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de la vie de l'agneau" (21,22-27).

"Il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'agneau. Au milieu de la grande rue de la ville et sur les deux bords du fleuve, un arbre de vie produisant douze récoltes et donnant son fruit chaque mois. Les feuilles de l'arbre sont pour la guérison des nations. Il n'y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville. Ses esclaves lui rendront un culte" (22,1-3)
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 14:23

Contrairement à de nombreux traits qui ne se trouvent que dans la "couverture" ou l'"enveloppe" du livre (chap. 1--3 / 21--22), le motif du trône (un seul trône pour "Dieu" et "l'agneau", celui-ci étant même dit "au milieu du trône", ana meson tou thronou, 7,17: c'est spatial, visuel, mais peu représentable) est bien aussi dans le corps du livre, mis en scène par l'introduction de l'agneau au chapitre 5 suivant la présentation du trône sans "agneau" (mais aussi à la lettre sans "Dieu", theos n'intervenant que dans les commentaires et les louanges, non dans la description de "celui qui est assis sur le trône") au chapitre 4. Cf. aussi 12,5 (l'enfant et non l'agneau pros ton theon kai ton thronon autou, vers/devant le dieu et son trône, même préposition que Jean 1,1b p. ex., pour le logos vers/devant le dieu, avec cette différence que la construction dépend ici d'un verbe de mouvement, harpazô enlever, et non d'un verbe d'état comme eimi-einai = être).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 14:48

 De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Jerusalem-celeste

Est-ce une représentation fidèle de la description de la nouvelle Jérusalem ?

En 21,9-27 fait allusion à quelques prophéties : Is 60, Ez 48,30-35 qui donne les mesures de la ville, et Es 54,11-12 pour les pierres précieuses, voir aussi Za 14,7.

Notes : Apocalypse 21:16
carré Ez 43.16. – Il mesura Ez 48.16ss ; Za 2.6. – douze mille (cf. 7.5ss) stades : environ 2 000 km ; voir mesures, poids et monnaies. – hauteur : on peut l’imaginer comme un cube ou comme une pyramide.

L’absence de Temple (21,22) souligne-telle la non-différenciation sacré/profane ?
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 15:11

L'Apocalypse est littéralement tissée (textile textuel) de références (allusions, réminiscences) "bibliques" (AT): on peut en dire autant d'une bonne partie de la production littéraire juive et chrétienne de son époque, même en dehors de l'"apocalyptique" (p. ex. les évangiles), mais la concentration des références atteint ici un niveau de densité exceptionnel... Ainsi l'abolition de la distinction sacré-profane dans le sens du tout-sacré, c'était déjà Zacharie 14.

Comme je le disais précédemment à propos du trône, ce n'est pas parce que c'est visuel que c'est représentable, ou plutôt ça peut être représenté de nombreuses façons. L'Apocalypse a sans doute inspiré les arts (sculptures, reliefs, tympans, vitraux, tapisseries, fresques, toiles) plus que tout autre livre biblique, mais les représentations sont très variables, bien que chaque art ait tendance à fixer ses propres traditions et les interprétations correspondantes. Quand on revient au texte, l'ambiguïté paraît bien plus grande encore, comme dans le cas ci-dessus: l'indication d'un carré au sol et d'une hauteur égale à son côté, cela convient aussi bien à une pyramide qu'à un cube...

Le travail d'imagin(aris)ation est toujours intéressant, bien que ça ne soit pas mon fort... ainsi dans ton image, l'idée d'un bout de ciel sur la terre et l'aspect néanmoins "hors-sol" de l'ensemble me semblent bien correspondre à certains éléments du texte (la nouvelle Jérusalem descend du ciel, a priori sur terre mais sans être de la terre), bien qu'à partir du même texte on puisse aboutir à de tout autres représentations; et ça peut générer bien des réflexions, par exemple: où commence ou finit "le ciel"? Je ne me sens jamais aussi "au ciel" que couché dans une prairie ou une clairière, je suis peut-être toujours "au ciel" mais paradoxalement j'y pense moins quand je suis debout... Je me souviens aussi d'un gamin qui m'avait demandé un jour "les villes sont-elles profondes ?" "est-ce que sous la ville c'est encore la ville ?" etc. La question était embarrassée mais visiblement elle le tracassait, probablement inspirée par l'expérience du métro et des fictions de villes souterraines (p. ex. Metropolis). La représentation du "monde" entre construction superficielle et espace absolu génère en tout cas ce genre de questions qui sont tout sauf idiotes, si on sait les écouter.

(Accessoirement, bien sûr, les "visions" de l'Apocalypse restent tributaires d'une terre plate et d'un ciel verticalement au-dessus; même si ces représentations sont "dépassées" depuis longtemps dans la cosmologie savante de l'hellénisme, elles fonctionnent toujours ainsi ailleurs et jusqu'à présent -- rien de pire pour l'Apocalypse que de vouloir en combiner les descriptions avec une cosmologie "scientifique", terre sphérique perdue quelque part, même pas au centre, dans l'"univers"... Sans doute pourrait-on toutefois écrire à partir de là d'autres apocalypses...)


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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 16:11

« Épouse de l'agneau » : voilà une dénomination bien étonnante !

Parmi les caractéristiques de la figure de l'otpviov tel que l'indique pour la première fois l'auteur lors de sa présentation en 5,6, aucune n'a trait à la nuptialité. Nous la découvrons pour la première fois dans la grande doxologie de l'alleluia :

«Alléluia car (ότι) il a pris possession de son règne le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant. Soyons dans l'allégresse et réjouissons-nous et rendons-lui gloire, car (ότι) voici les noces (ό γάμοί) de l'agneau et son épouse s'est préparée (19,7). »

Les noces de l'agneau sont mises en parallèle avec l'accomplisse¬ ment définitif du règne (ότι... οτι...). Et c'est au niveau de règne accompli que devient effective la réciprocité nuptiale entre le Christ et son peuple dans la situation définitive de la Jérusalem nouvelle proprement dite.

Pour atteindre ce niveau, le peuple s'y est préparé. Tout comme le Christ-άρνίον dans un certain sens : en effet c'est en surmontant tous les éléments antagonistes qui se sont concrétisés dans l'histoire et en remplissant tout de ses valeurs, de sa «nouveauté », qu'il a accompli et instauré son règne. L'explosion de la nuptialité, joyeuse et inattendue, qui imprègne la conclusion, nous révèle que cette nuptialité constitue la pointe plus avancée du règne accompli, un point d'arrivée qui ne se manifeste qu'à la fin.

Que comportera la réciprocité nuptiale partagée, entre le Christ et la Jérusalem nouvelle ? Que fera le Christ-agneau pour son épouse et que s'efforcera de faire l'épouse pour Lui ?

Que le niveau soit élevé, l'auteur s'applique à le faire percevoir, à le faire presque palper des mains quand l'ange promet : «Viens que je te montre (δείξω σοι5) la fiancée, l'épouse de l'agneau » (21,9). Une rencontre renouvelée par l'Esprit, intense au point de déterminer -comme toujours symboliquement6 -un déplacement spatial «vers une montagne de grande hauteur » (21,10), souligne l'importance de la présentation de l'épouse : pour pouvoir accueillir cette présentation il faut une action particulière de l'Esprit qui transporte vers le haut, en direction de la transcendance.

Il faut noter que l'objet de la présentation de l'ange est, spécifiquement, cette nuptialité accomplie, basée sur un amour réciproque suprême. Tant et si bien qu'à chaque trait qui lui sera présenté, le sujet interprétant (cf. Ap 1 ,3) devra, en revivant de façon créative le symbole qui le lui transmet, dilater, multiplier quasiment à l'infini ce qu'il réussit à percevoir. Tout comme l'exige la logique de cet amour.

Dans la présentation, la cité-épouse se trouve à l'état d'une réciprocité intercommunicante avec le Christ άρνίον déjà accomplie. Parmi les aspects qui sont censés qualifier Jérusalem et qui ont été présentés en 21,2 on redécouvre : la sainteté, son origine transcendante (έκ του ουρανού, «du ciel »), la touche directe de Dieu en ce qui concerne la capacité d'amour dont elle est porteuse (άπό του θεού). On ne dit plus qu'elle est «nouvelle ». La participation de la vitalité du Christ ressuscité a déterminé un renouvellement d'ores et déjà accompli parce que le Christ a communiqué ce qu'il a de mieux à son épouse :

« Il me montra la Cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, touchée par Dieu » (21-10)

La nuptialité comporte une dimension interpersonnelle. En conséquence de quoi la cité-épouse ne saurait être un ensemble d'édifices, mais de personnes qui vivent ensemble. Si l'auteur insiste sur les aspects typiques et même architectoniques de la ville c'est que la situation d' intercommunication nuptiale d'amour avec le Christ sera celle dans laquelle se trouveront les hommes.

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1999_num_79_1_5544
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 17 Fév 2022, 17:01

Plutôt que de "méta-conceptuel" (qui finit toujours par retomber sur du concept) je parlerais de télescopage d'images, qui se rentrent les unes dans les autres par accident, sans vraiment se viser ni s'emboîter exactement, mais en arrivant ici et là à produire des effets de sens, intentionnels ou non. Comme il y a dans le langage courant des télescopages de métaphores et autres figures de style, rarement pensés ni voulus comme tels mais souvent plaisants quand on y réfléchit ou qu'on le fait exprès (du genre: là où la main de l'homme n'a jamais mis le pied, le type qui te passe la main dans le dos par-devant et te crache à la figure par-derrière, nous étions au bord du gouffre mais nous avons fait un grand pas en avant...). Dans l'Apocalypse il s'agit d'images, visuelles en principe mais non représentables en fait, le télescopage y étant pour quelque chose: avec "l'agneau" (même si c'est un arnion et non un amnos comme en Jean 1,29, un "bélier" dans le genre de 1 Hénoch, guerrier plutôt que victime, quoique les deux images se mêlent dès le chapitre 5, où l'agneau égorgé a des cornes et est aussi un lion) on n'attend pas un "mariage", d'autant que la "fiancée" ou la "mariée" n'est ni une brebis ni une femme mais une "ville" (bien sûr la "ville" est "femme", "fille" ou "vierge" depuis les Prophètes), qui descend du ciel à l'encontre de tout ce qu'on entend ordinairement par ville (au moins depuis Babel)... Télescop(ag)e et kaléidoscope où les mots et les formes se fondent les uns dans les autres de façon saugrenue en apparence (marabout, bout de ficelle), créant toutefois des associations d'idées (et/ou de concepts) suggestives autour d'une chaîne logico-narrative qui tient grâce au décodage implicite des principaux codes (quand on entend "l'agneau" on pense "Jésus", c'est moins évident avec des codes périphériques comme la "mariée" ou la "ville", ici on se pose la question alors que là on ne se la pose même pas). C'est comme ça que ça fonctionne et ça fonctionne plutôt bien, jusqu'au moment où on essaie de représenter le tout dans une image-illustration cohérente, fût-elle mobile (et là ça ne marche plus, ou ça marche par l'arbitraire et à marche forcée, il faut privilégier certaines images au détriment des autres pour retrouver un fil narratif, qui reste plein d'accrocs ou de ce qu'on appelle en langage cinématographique des "faux raccords").

On pourrait aussi voir une correspondance (en sautant d'un "monde" à l'autre) entre la ville du chapitre 21 et celle de 20,9, associée au camp des saints pour la dernière attaque de Satan après le millénium, et même avec celle du chapitre 11, pour autant que son "foulage" est provisoire et sa destruction partielle. Ce sont toujours des figures de "Jérusalem" (plus ou moins opposées à "Babylone" dans l'économie générale du livre: la ville du chap. 11 n'est pas toute "bonne", c'est aussi "Sodome et Egypte", mais ce n'est pas "Babylone"-Rome; celle du chap. 20 paraît en revanche impeccable, et celle des chap. 21-22 absolument parfaite).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 11:50

"Il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'agneau. Au milieu de la grande rue de la ville et sur les deux bords du fleuve, un arbre de vie produisant douze récoltes et donnant son fruit chaque mois. Les feuilles de l'arbre sont pour la guérison des nations. Il n'y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville. Ses esclaves lui rendront un culte ; ils verront son visage, et son nom sera sur leur front. La nuit ne sera plus, et ils n'auront besoin ni de la lumière d'une lampe, ni de la lumière du soleil, car c'est le Seigneur Dieu qui les éclairera. Et ils régneront à tout jamais" (22,1-5).

Le texte se focalise sur le fleuve d’eau vive et l’arbre de vie qui sont au centre de la ville. Il n’est pas question ici d’un retour au paradis perdu et originel. Point important, le paradis n’est d’ailleurs pas un jardin mais une ville. L’arbre de vie qui sert à la guérison des nations souligne l'idée que l'homme n'est pas immortel, dans la nouvelle Jérusalem, la guérison/vie continuelle est soumise à la consommation régulière des fruits de l'arbre de vie. Autre particularité, le v 3 précise une nouvelle, au futur, qu'il n'y aura plus de malédiction (d'une manière absolue et définitive). Enfin, le texte établit une distinction entre le règne éternel ("ils régneront à tout jamais") et la période intermédiaire du règne de mille ans (même si l'auteur de ce chapitre ne cherche pas intentionnellement à la faire).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 12:39

Sans revenir sur ce que j'ai déjà dit (le "monde nouveau" d'Apocalypse 21--22 n'est pas un "monde possible" en tant que "théâtre d'histoire", mais un tableau idéal dont la mobilité même est cyclique, elle tourne en rond comme la répétition d'un mythe et d'un rite), la comparaison (qui n'a rien d'arbitraire, elle est visiblement voulue et produite par le texte) avec la Genèse mériterait d'être nuancée: le "jardin" d'Eden (gan en hébreu, paradeisos en grec d'après un mot perse) n'est ni la "campagne" ni la "nature sauvage", c'est un enclos implicitement associé à une habitation (ville, temple, palais; cf. les usages de gan en 1 Rois 21,2; 2 Rois 9,27; 21,18.26; 25,4; Jérémie 39,4; 52,7; Cantiques 4,12.15; 5,1; 6,2; 8,13; Lamentations 2,6; Néhémie 3,15), c'est le "jardin des dieux" dont l'homme est le jardinier ou le keroub le gardien (cf. Ezéchiel 28,13; 31,8s; 36,25 et Genèse 13,10; Isaïe 51,3;  58,11; Jérémie 31,12; Joël 2,3 etc.). De ce point de vue l'opposition entre le jardin d'Eden de la Genèse et la ville-jardin de l'Apocalypse est beaucoup moins nette qu'on pourrait le croire.

De même la question du nombre des arbres: xulon est un singulier, mais ce singulier peut être collectif et surtout la description, de part et d'autre du fleuve, suggère au moins deux; mais dans Genèse 2--3 aussi il y a hésitation sur au moins deux arbres, l'arbre de la connaissance du bon et du mauvais et l'arbre de vie étant également appelés "l'arbre au milieu du jardin"; et dans les deux textes peut-être autant de hasard et d'accident "rédactionnels" que d'ambiguïté intentionnelle, outre qu'Apocalypse 22 dépend au moins autant d'Ezéchiel 47 où les arbres sont nombreux... Là encore, correspondance flottante entre l'introduction et la fin de l'Apocalypse (2,7 // 22,2.14.19).

La non-malédiction fonctionne clairement comme antithèse à Genèse 3 (ce qui dit tout aussi clairement que "l'histoire" ne va pas recommencer ni se poursuivre), mais elle fait également écho au "jamais plus" post-diluvien (dont on ne sait pas trop, en lisant la Genèse, s'il se rapporte au seul déluge ou annule aussi les malédictions du chap. 3). Le "fleuve" est également dans l'Eden de la Genèse, mais la description de l'Apocalypse est encore plus influencée par Ezéchiel 47 et Zacharie 14 (entre autres).


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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 13:14

Le temps de la ville

La Jérusalem céleste ne connaît plus la dictature du temps : « il n’y a plus de nuit, nul n’aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur répandra sur eux sa lumière et ils règneront aux siècles des siècles » (Ap. 22, 5). Le soleil et la lune, créés pour mesurer le temps, sont désormais inutiles. Or, la ville moderne aspire elle aussi à dominer le temps. Jamais son activité ne s’arrête, et les flots de lumière électrique établissent un temps propre à la ville. Jour ou nuit, la lumière du soleil et sa chaleur comme la lumière des étoiles et le froid de la nuit ne pénètrent plus dans les grands centres urbains climatisés ou chauffés, éclairés d’un jour apparemment perpétuel.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2012-4-page-505.htm
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 14:32

Je trouve quand même formidable qu'en 2012 on puisse opposer la ville et la campagne sans dire un mot d'Internet -- et de toutes les "télécommunications" qui depuis deux siècles rebattent régulièrement et profondément les cartes des villes et des campagnes, et la distribution des concepts d'urbanisme et de ruralité... Dans les années 1930, Heidegger pestait déjà contre la radio qui arrachait le paysan dans sa ferme à son espace réel pour en faire un citadin malgré lui, avec toutes les connotations "fascisantes" qu'on voudra (le "pétainisme" français a été à cet égard un sommet, de valorisation artificielle de la campagne contre la ville). Il ne s'agit pas d'être pour ou contre, mais de constater le fait qu'un paysan devant un écran est tout aussi citadin qu'un Parisien, du moins pour le "pire" ("concerné" par l'islamisme quand même il n'a jamais rencontré un musulman en chair et en os, etc.).

La religion "organisée" a toujours été une affaire citadine (ce sont les villes qui construisent des temples et qui se construisent autour), mais la différence des cultes multiples et en particulier des "mystères" (y compris le christianisme) dans les villes "cosmopolites" d'un empire, c'est qu'ils peuvent aussi se construire dans la ville contre la ville (Tertullien serait peut-être le meilleur exemple de cette hosti-hospitalité citadine allergique à tout ce qui est citadin, notamment aux "spectacles", mais il en reste quelque chose dans l'opposition des Cités chez le nettement plus "urbain" saint Augustin). Et bien sûr on retrouve la même ambivalence dans l'Apocalypse, dans le cas des villes-symboles -- opposition radicale à la lointaine "Babylone"-Rome, plus complexe pour "Jérusalem" coupable mais sauvable et idéalisable -- ou des villes "réelles" d'Asie Mineure évoquées dans les lettres du début (du "trône de Satan" en probable rapport avec le culte impérial à un cadre de vie parfaitement indifférent).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 15:40

Les descriptions sont ici, plus qu’ailleurs encore dans l’Apocalypse, pétries de réminiscences bibliques. Tout se passe comme si l’auteur disait: «la tradition biblique m’a légué une espérance dernière qui peut s’exprimer» sous deux formes (le monde nouveau, la nouvelle Jérusalem), «mais comprenez bien que cette espérance est une, comme le Dieu qui la donne». Par ailleurs, même si de nombreuses images sont empruntées au début de la Genèse, la perspective n’est pas celle – cyclique – d’un retour au paradis perdu. Si le jardin d’Eden – image qui évoque la nature – était le symbole fondamental de la première création, c’est d’une ville – ce qui porte l’empreinte humaine, celle de l’architecte – qu’il s’agit à la fin de l’Apocalypse… et de la Bible pour les chrétiens. Or, où se conservent mieux que dans une ville les strates successives de l’histoire et de la culture des hommes ? Cela suggère sans doute une certaine reprise des inventions et des constructions humaines qui ne sont pas négligées dans la nouvelle création offerte par Dieu. La ville qui descend du ciel, offerte par Dieu, est l’antithèse par ce mouvement même de l’effort prométhéen symbolisé dans la Bible par la tour de Babel élevée de la terre pour atteindre le ciel. Elle est évidemment aussi dans l’Apocalypse l’antithèse de Babylone, ville des puissances, des richesses, de la violence et de l’esclavage.

https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2013_num_44_4_4168

La finale de l'Apocalypse recèle un paradoxe, la nouvelle ville est une création nouvel qui ne ressemble à rien qui ait existé ; mais d'un d’autre côté, une ville a toujours été ce que l’homme a pu vouloir dans son histoire. La ville, la nouvelle Jérusalem incarne la ville idéale que l'homme aurait voulu faire. Ainsi Dieu réalise ce désir inaccompli de l’homme. D'une part nous avons une destruction totale et d'autre, Dieu qui sauvegarde l’œuvre de l’homme. les croyants ne sont plus invités à fuir les réalités de la ville ("Sortez de cette cité, ô mon peuple" - 18,4) mais de l'habiter comme une manifestation d’une autre réalité.

"Les symboles du jardin et de la ville nous indiquent que toute la civilisation pastorale et urbaine se trouve récapitulée dans le royaume de Dieu" (Théologie symbolique De Charles André Bernard).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 16:53

Il ne fau(drai)t surtout pas perdre de vue le point de vue du lecteur-auditeur de l'Apocalypse, qu'il s'agisse des "destinataires", d'une "communauté" ultérieure à qui le livre est prescrit par un canon et une liturgie, ou des lecteurs individuels et non autorisés (voire clandestins) que nous sommes: même lorsqu'on lui décrit un "monde nouveau", ce lecteur-là se situe toujours dans le "monde ancien". Par exemple, quand on lui dit ce qui est "exclu" de la "Jérusalem" ou de la "terre" nouvelles, il s'agit avant tout pour lui de ce qu'il doit être ou ne pas être, faire ou ne pas faire, dans le "monde ancien", pour avoir part au "monde nouveau". La "performativité" ou l'effet même du texte en dépend, tout cela est perdu quand le lecteur-auditeur devient un "interprète objectif", qui spécule de nulle part sur ce qu'il y aura ou n'y aura pas dans le "monde nouveau", sans se sentir effectivement concerné de son propre point de vue.

Sur les contresens de l'opposition du "jardin" à la "ville" je ne reviens pas, mais je constate quand même que toutes les lectures "progressistes" et plus ou moins "enthousiastes" de la cité finale non seulement en méconnaissent le caractère de tableau(x) final(s), cyclique(s) sinon fixe(s): ce n'est plus un "monde possible" et encore moins un "théâtre d'histoire future". Mais plus gravement elles en tirent prétexte pour annuler les oppositions claires et immédiates à la ville (Babylone des chap. 17--18 dont il faut sortir, Jérusalem du chap. 11 où l'on peut à la rigueur témoigner mais dont on ne peut attendre que le martyre, ce qui est une autre façon d'en "sortir"). Et cela est évidemment lié à la perte du "point de vue" dont je viens de parler (le lecteur-auditeur se situe dans le "monde ancien" avec toute l'étrangeté et l'hosti-hospitalité que cette situation implique pour qui veut, de là, un "monde nouveau").

Sur l'article de Focant, voir ici 10.2.2022 etc.

L'autre (semi-)citation vient peut-être d'ici. A lire ce texte, il me semble qu'il a déjà été évoqué précédemment, et qu'un certain nombre d'objections que j'ai déjà formulées s'y rapportent: sur l'absence d'Israël (cf. 21,12) ou de la "Jérusalem terrestre" (si la "Jérusalem nouvelle" descend du ciel, rien n'indique qu'elle descende ailleurs qu'à Jérusalem, dans le tableau bien entendu), sur le contresens de la "désacralisation" (l'abolition de la différence sacré-profane résulte au contraire d'une sacralisation générale, comme en Zacharie 14), outre l'opposition jardin-ville et la neutralisation abusive des oppositions présentes à la ville (cf. ici même l'avant-dernier paragraphe). Pour ne rien dire du "Jésus historique" (si le Jésus de l'Apocalypse est en rapport direct avec "l'histoire" en général, il n'a [plus] rien à voir avec un "personnage historique", comme en témoignent la diversité de ses figurations et la facilité avec laquelle on le fait parler au présent du texte ou de la vision).
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 22 Fév 2022, 12:45

Citation :
Sur l'article de Focant, voir ici 10.2.2022 etc.
Retour à l'article de FOCANT, il mérite le détour :

3. 21,1 – 22,5: l’instauration d’un monde nouveau, d’une ville nouvelle Cette dernière vision constitue indéniablement le sommet de l’Apocalypse et la fin absolue dans son cadre. On peut la diviser en trois parties:

– vision d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle (21,1-Cool;
– monstration de la Jérusalem nouvelle (21,9-27);
– monstration du paradis (22,1-5).

Mais une division bipartite se justifie tout autant:
– vision d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, et de la Jérusalem
nouvelle descendant du ciel (21,1-Cool;
– interprétation de la vision par un ange (21,9 – 22,5).

Il ne s’agit pas d’étapes successives, mais, toujours selon une certaine forme de récapitulation, de deux ou trois présentations successives de la même réalité eschatologique, celle de la présence définitive de Dieu avec les hommes. Cette présence est affirmée au cœur de chacune des sections avec des formulations un peu différentes (21,3.22; 22,3). Le passage le plus important de ce point de vue, c’est 21,3-4 où la Jérusalem nouvelle est présentée comme la skjnß, la tente, la shekinah de Dieu parmi les hommes: celui-ci y habite non pas avec son peuple, mais avec «ses peuples» (v. 4). La différence entre les peuples et les langues (symbole d’altérité) n’est pas abolie, mais elle n’empêche pas la paix vécue dans l’alliance avec Dieu. Et il découle de cette merveilleuse alliance que les séquelles du péché – la souffrance et la mort – ne peuvent pas coexister avec cette création transfigurée par la sainteté divine. En revanche, Dieu y donne «de la source d’eau vive gratuitement» à tout qui a soif (21,6; voir aussi 22,17), et de son trône – qui est aussi celui de l’Agneau – sort un fleuve d’eau vive qui abreuve l’arbre de vie et permet de merveilleuses récoltes, les feuilles de cet arbre servant à la guérison des nations (22,1-2). À propos de ces scènes finales, on peut, avec Pierre Prigent, parler de deux aspects, de deux «éclairages prophétiques de la Fin». C’est un peu comme un retable qui permet de voir ensemble plusieurs aspects. Et c’est aussi une façon de limiter la tentation de la lecture objectivante. L’évocation de la Fin ne peut évidemment se faire que dans un langage mythique dont les représentations spatiotemporelles sont symboliques et ne peuvent sans dommage être objectivées. En effet, pour parler comme Paul Ricœur, une telle objectivation où le mythe serait pris comme une «explication» de la destinée l’empêcherait de déployer ses virtualités et de donner à penser. Alors qu’en fait, le mythe «exprime, en termes de monde, voire d’outre monde ou de second monde, la compréhension que l’homme prend de lui-même par rapport au fondement et à la limite de son existence». 

Les descriptions sont ici, plus qu’ailleurs encore dans l’Apocalypse, pétries de réminiscences bibliques. Tout se passe comme si l’auteur disait: «la tradition biblique m’a légué une espérance dernière qui peut s’exprimer» sous deux formes (le monde nouveau, la nouvelle Jérusalem), «mais comprenez bien que cette espérance est une, comme le Dieu qui la donne». Par ailleurs, même si de nombreuses images sont empruntées au début de la Genèse, la perspective n’est pas celle – cyclique – d’un retour au paradis perdu. Si le jardin d’Eden – image qui évoque la nature – était le symbole fondamental de la première création, c’est d’une ville – ce qui porte l’empreinte humaine, celle de l’architecte – qu’il s’agit à la fin de l’Apocalypse… et de la Bible pour les chrétiens. Or, où se conservent mieux que dans une ville les strates successives de l’histoire et de la culture des hommes ? Cela suggère sans doute une certaine reprise des inventions et des constructions humaines qui ne sont pas négligées dans la nouvelle création offerte par Dieu. La ville qui descend du ciel, offerte par Dieu, est l’antithèse par ce mouvement même de l’effort prométhéen symbolisé dans la Bible par la tour de Babel élevée de la terre pour atteindre le ciel40. Elle est évidemment aussi dans l’Apocalypse l’antithèse de Babylone, ville des puissances, des richesses, de la violence et de l’esclavage.

https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2013_num_44_4_4168

Question : La partie 22,6-21 ; est-elle ajout, elle détonne avec ce qui précède OU est-ce un moyen de renforcer la foi des croyants qui ont été transportés dans la nouvelle terre ?
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 22 Fév 2022, 14:27

Si différents que soient les commentaires, les analogies picturales paraissent inévitables.

Pour répondre à ta question, il y a certainement plusieurs couches d'additions successives, comme souvent en fin de livre, et même en l'occurrence après (dans l'ordre du texte et/ou du temps de la rédaction) la mise en garde traditionnelle contre les ajouts (v. 18s).

Par là même ce que j'appelle "couverture" ou "enveloppe" (ajouts au début ET à la fin du livre) aboutit à une structure complexe, plus ou moins symétrique ou concentrique (inclusio, chiasme): {{}}, AB-B'A' etc., que cela corresponde ou non à une "intention": il y a une correspondance globale des chapitres 21--22 avec les chapitres 1--3, mais aussi une plus particulière et encore plus visible (enveloppe extérieure si l'on veut) entre 22,6ss et le chapitre 1, introduction-conclusion, prologue-épilogue, lever et baisser de rideau, générique de début et de fin, la vision se referme comme elle s'est ouverte, le spectacle se décadre comme il s'est cadré, on revient des figures à "Jésus" et "Jean", au livre à écrire et à lire, comme de la scène ou de l'écran à la salle et à la rue, autrement dit à la "réalité"...
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 22 Fév 2022, 16:19

Citation :
Toujours est-il que si l'on s'en tient à l'Apocalypse, c'est la vacuité descriptive et l'inutilité narrative du millénium qui sont frappantes... ce délai supplémentaire ne sert à rien (mais on peut en dire à peu près autant de tous les "cycles" précédents), et les images paradisiaques habituellement associées au millénium dans la littérature chrétienne ultérieure (mais provenant en tout état de cause des textes de l'AT, avec ou sans médiation de la littérature intertestamentaire) sont cantonnées au "monde nouveau" d'après le millénium, la fin des cieux et de la terre et le "jugement dernier", tout en étant fortement "spiritualisées" ou "éternisées" (monde nouveau sans histoire, temps sans temps, etc.). Le scénario tel qu'il se présente traduit en fait un pessimisme historique absolu: mille ans de règne du Christ et des saints, sans entrave de l'empire (la bête) et du diable (le dragon), ne changeraient rien à la tendance de fond -- à la première manifestation diabolique le monde entier serait à nouveau séduit, il faut en finir avec ce monde-là et cette histoire-là.  


https://etrechretien.1fr1.net/t1386p25-apocalypse-20-1-15-entre-millenium-et-jugemen



Une nouveauté absolue

Pour l’apocalypticien, le renouvellement de toutes choses qui est un renouvellement absolu passe par le jugement et la destruction du monde actuel. En tant qu’il est au pouvoir des puissances, le monde doit être jugé, comme elles il doit être détruit. Il n’y a aucune continuité. La cité de Dieu ne se trouve pas au bout du progrès des hommes. Les actions humaines ne sont même pas une préparation à la nouvelle création. « Je fais toutes choses nouvelles » : c’est Dieu seul qui fait. Cette création nouvelle est de l’ordre du don. La nouvelle création ne monte pas des efforts de l’homme, elle descend d’auprès de Dieu. Rien n’est plus étranger à la pensée de Jean que la notion de progrès humain vers le bien et vers le Royaume. Le visionnaire s’élève ainsi contre tout ce qui tend à diviniser l’homme, le monde, l’histoire ou la création : l’homme ne se sauve pas lui-même, il ne crée pas le bien ultime. Non pas vision tragique du futur, mais optimisme conséquent en l’intervention première et dernière de Dieu en Jésus-Christ. Et Jean pose, à travers les siècles, une question qui mérite de retenir l’attention : que signifie, aujourd’hui plus que jamais sans doute, l’attachement sans limite des hommes à la création ? Pouvons-nous avoir quelque espoir à son sujet ? Cette création a-t-elle un avenir ? Comment articuler un temps de responsabilité dans l’histoire (cf. notre lecture d’Ap 20) et l’attente d’un nouveau radical « hors histoire » ? Jean nous interroge et nous donne peut-être quelques éléments de réponse. ici


Dernière édition par free le Jeu 24 Nov 2022, 16:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeMar 22 Fév 2022, 16:48

Apparemment le lien (à la conférence de Cuvillier à Auteuil, en 2013) que j'ai indiqué ci-dessus (18.2.2022) ne fonctionne plus (c'était une "archive", instable comme son nom ne l'indique pas). Je vois aujourd'hui une autre édition du même (?) texte ici.

Qu'est-ce qui reste(ra) (?), c'était aussi la question, lancinante, de Qohéleth (ma yitrôn, quel avantage, quel profit, à quoi bon etc.); et sa réponse à lui, aux antipodes de toute eschatologie et de toute apocalyptique, ce serait indifféremment "rien", "tout" ou "le dieu". Mais à bien y regarder la réponse de l'Apocalypse (du moins celle-là), quoique diamétralement opposée à première vue (rien de nouveau / tout nouveau), reviendrait à peu près au même, si son monde nouveau est le monde ancien "accompli" ou transfiguré, autrement dit une certaine idée, image purifiée, immobilisée et quasi vitrifiée, sublimée, enrichie dans un sens et terriblement appauvrie dans un autre, du (seul) "monde", tel qu'il aura été (notre futur antérieur reproduisant assez exactement l'aspect de l'"accompli"). Monde sans histoire et hors histoire, qui n'en conserve pas moins les formes ou les structures produites par l'histoire.

Je repense au fragment 7 d'Héraclite (d'après Aristote): εἰ πάντα τὰ ὄντα καπνὸς γένοιτο, ῥῖνες ἂν διαγνοῖεν. "Si tout ce qui est devenait fumée, des narines le reconnaîtraient (discerneraient)."
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MessageSujet: Re: De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22    De tout je fais du nouveau - Apocalypse 21-22 Icon_minitimeJeu 24 Fév 2022, 15:54

La lecture sémiotique

Si la narratologie reste à mi-chemin devant le langage, la sémiotique « cherche le comment de la signification quel qu’en soit le canal (langage, mime, image…), mais d’abord et surtout par le langage ». Au lieu de développer ici la théorie sémiotique dont nous reparlerons plus tard, notons quelques traits de la lecture sémiotique de l’Apocalypse.

Jean Delorme remarque que la forme de « Je vis » « J’entendis » est introduit souvent dans le texte de l’Apocalypse. Le visionnaire Jean « entend une voix » derrière lui ; il « se retourne » pour « regarder », il « voit » et il « tombe à terre » ; il « est touché par la droite » de celui qui parle et qu’il a vu. Le statut de témoin est transformé et la condition de la parole est changée. Le rôle des signes est important, parce que la révélation est un dévoilement à travers des signes. Ce qui est dévoilé, ce qui est révélé, c’est que les signes ne sont que les signes. Autrement dit, il y a quelque chose à voir à travers et derrière des signes.

Jean Calloud souligne aussi la révélation, mais qui est comme un livre, une œuvre, un dévoilement. Il rappelle que le mot « révélation » connote souvent la médiation de la parole articulée. L’action est pour Calloud comme concentrée en sa phase finale et décisive : les événements se précipitent et le voile enfin tombe, nous laissant devant l’œuvre accomplie. Il n’y a rien à ajouter ni à retrancher. Le livre de l’Apocalypse est entièrement occupé à l’accomplissement des écritures, de la « chose révélée ».

Le lecteur est donc devant ce livre accompli à la fois descriptif et prospectif. Dans ce livre, il y a de réel et de définitif. Il énonce les conditions d’articulation du monde réel sur le monde de représentations et d’organisations symboliques. En sa structure et en son propos, l’Apocalypse est en effet le récit de la création. Il faut donc rendre compte que la création soit reconnue dans la confirmation de son effet et de son objet textuel.

La lecture de François Martin n’est pas loin de celles de Delorme et de Calloud. François Martin est attentif au parcours des figures et au fait qu’il s’agit de la « re-présentation de la Chose » :

‘Or la vision apocalyptique est contemplée en Esprit (1, 10), elle n’est pas la mise en présence immédiate et directe avec la Chose vue, elle est une représentation de la Chose à voir, figuration aux multiples déploiements qui diffère la présence de Cela qu’est tout à la fois Dieu venu dans la chair de l’homme et l’aventure humaine prise depuis son origine dans le mystère même de Dieu. 

Ainsi, la vision et l’écriture sont liées dans l’expérience de Jean comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. La vision est « la présence différée de la Chose », et l’écriture, « transcrivant sur le parchemin les traits de la vision, fait tenir le sujet dans l’amour patient de Cela qui a déjà inscrit en lui les traces de la Présence et vient de suite à sa rencontre (22, 7.12.20). Au temps de la différance, l’écriture est la sûre demeure où le sujet est gardé pour l’amour et dans l’amour ». C’est enfin un sujet qui est surgi dans l’articulation de la vision et de l’écriture :

‘« Viens Seigneur Jésus » (22, 20). C’est le mot de l’amour, celui de l’Épouse, c’est-à-dire non pas celui de Dieu mais celui des hommes.

Ces interprétations (ou lectures) de Delorme, Calloud et Martin sont caractéristiques du même traitement sémiotique du texte. Elles s’intéressent en particulier à la dimension référentielle des figures, qui représente leur attachement au monde réel. Dans cette épistémologie, le texte n’est pas le document à interpréter immédiatement, mais le monument à visiter lentement tout le long du parcours des figures, qui renvoie à la variété des événements racontés et à la richesse du discours poétique. Pour les sémioticiens, le texte est centré sur le statut des grandeurs figuratives et de leur mise en discours où peuvent être reconnues et éprouvées les catégories opératoires d’une description de la signification.

C’est à partir de ces présupposés sémiotiques que nous pouvons redéfinir la notion de révélation, qui est définie autrefois comme la communication de Dieu. Dans l’Apocalypse, cette communication de Dieu est proposée à l’homme dans des signes. Comme Augustin dit que « tout signe est une chose », il y a non seulement renvoi entre les signes, mais renvoi et relation d’ordre parmi les « choses ». Il y a là la place du sujet-lecteur, parce que la révélation doit être interprétée.

http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2008.lee_h&part=150062
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