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 Jésus-Christ holographe

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Narkissos

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MessageSujet: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeLun 24 Oct 2022, 14:27

On a tellement découpé "Jésus-Christ" dans tous les sens, et pour toute sorte de bonnes raisons (théologiques et orthodoxes, par la distinction d'un Fils de Dieu ou d'un logos préexistant, d'un Jésus terrestre et/ou "incarné", puis d'un Christ ressuscité et glorifié, ou spiritualisé, divinisé, etc.; rationalistes et critiques, par l'opposition d'un "Jésus de l'histoire" et d'un "Christ de la foi" ou, comme on disait naguère plus diplomatiquement dans le vocabulaire du catéchisme, "pré-" et "post-pascal"; exégétiques et littéraires, par la nécessité qu'imposent les textes eux-mêmes de différencier le Jésus ou le Christ de Paul, de Marc, de Matthieu, de Luc ou de Jean, de tel ou tel écrit, corpus, couche rédactionnelle ou logion, dans ou hors le "canon"), qu'on n'en fera sans doute jamais assez dans le sens contraire et complémentaire, du mouvement qui rapporte toutes ces différences à une seule et même référence, personne ou persona, figure ou visage -- référence qu'elles suffiraient à construire quand même le référent ne serait pas autrement accessible (ce qui est le cas jusqu'à preuve du contraire). Il m'est déjà arrivé de parler à ce propos d'effet "holographique", d'après la technique consistant à produire une image en "trois dimensions" (ou quatre, si elle est mobile ou changeante "dans le temps", ne serait-ce que par le déplacement du spectateur) à partir de plusieurs sources différentes et suffisamment éloignées les unes des autres. Mais l'intérêt porté aux textes conduit le plus souvent à souligner ce qui les différencie et les caractérise, non la référence commune au "même Jésus-Christ" qu'ils produisent les uns avec et contre les autres, et qui est aussi décisive pour comprendre leurs divergences et leurs oppositions, ainsi que ce qui est plus ou moins "propre" à chacun -- même la christologie la plus "originale" ne s'entend comme telle que dans la mesure où elle se détache sur un "fond(s)" commun.

Ce qui a émergé vers la fin de l'Antiquité avec "le christianisme", aux confins d'un "judaïsme" polymorphe et de "paganismes" qui l'étaient encore plus, de la "religion" et de la "philosophie", des "mystères" et de la "gnose" -- sans préjudice de la diversité, de la complexité et de l'obscurité de ce processus d'émergence et de ses multiples provenances, qui nous échappent en grande partie -- c'est un nouveau nom et un nouveau visage, humain, de dieu (j'emploie délibérément la minuscule) qui va devenir peu à peu incontournable pour une bonne partie de l'humanité, si différemment qu'on l'interprète.

C'est, si l'on veut, le côté éminemment positif ou constructif du "mythe" (terme que l'usage vulgaire a rendu péjoratif, comme si c'était "moins bien" que "l'histoire" entendue au sens d'"histoire vraie"): la naissance tardive d'un dieu homme et ce qui à son époque (au sens large, disons les trois ou quatre premiers siècles de l'ère dite chrétienne) l'a rendu crédible, aimable, désirable, au point d'éclipser peu à peu tous les autres, par le jeu de toute sorte de parole, de tradition et d'écriture (graphè) -- épistolaire, rhétorique, didactique, poétique, hymnique, liturgique, apocalyptique, narrative, quasi-romanesque...

"Bien que vous ne l'ayez jamais vu, vous l'aimez", dit candidement la Première épître de Pierre (1,8 ): ce ne serait pas le moindre exploit du christianisme que d'avoir formé une image humaine du divin telle que deux millénaires plus tard, même ses pires ennemis (je veux dire ceux du christianisme historique, qui ont eu toutes les raisons de lui en vouloir, de Marx à Nietzsche p. ex.) n'arrivent pas à la détester... y compris lorsque cette image se réduit à celle d'un "brave type", humain et seulement humain, sans la moindre conscience de toute la théologie (ou mythologie) qui y est impliquée.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMar 25 Oct 2022, 10:32

Merci Narkissos.  Ce qui est fascinant ce sont ces "différents" Christ voire Jésus que l'on rencontre dans la littérature, biblique ou commentaires de la bible. L'on trouve même des histoires de Jésus dans littérature courante.

De nombreuses personnes ont voulu voir, retrouver dans le Bouddha des traits communs avec ceux de Jésus (mais lequel?) dans une vaine tentative cherchant à prouver qu'il pourrait s'agir du même personnage observé sous une lumière particulière, celle de l'Asie.

Pendant quelques années dans la période post 1968 certains ont vu en lui le personnage le plus inspirant concernant la contre-culture qu'ils prônaient sans trouver de satisfaction dans cette recherche identitaire.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMar 25 Oct 2022, 14:11

Merci chapelier.

Le Bouddha me semble bien comparable, quant au résultat, même s'il y est arrivé à une autre époque, sous d'autres cieux, dans une autre culture et par des chemins différents: quoi qu'en pensent les spécialistes, de l'intérieur ou de l'extérieur, la religion populaire l'a bien accueilli comme un dieu, voire comme le seul ou le principal, et c'est en passant par le culte du dieu qu'une élite d'initiés accède à la sagesse du maître -- je ne parle pas du bouddhisme occidental et moderne, qui tend à faire l'économie du culte (time is money) pour arriver directement à la sagesse.

Dans le cas de Jésus il ne me semble pas que la figure du maître de sagesse précède celle du dieu, ni que le culte y conduise nécessairement ou en priorité (ce serait même un total contresens pour le paulinisme ou le johannisme, p. ex.): non seulement parce que les évangiles offrent aussi de tout autres images du "Jésus humain" que l'"enseignant" (p. ex.: le thaumaturge, le prophète, l'énergumène ou "possédé de l'esprit", le révolutionnaire, la victime), mais encore parce que l'"enseignement" lui-même, quand il y en a, varie du tout au tout (entre ce que "Jésus" dit dans Matthieu et Jean, p. ex., le "fonds commun" est pour le moins ténu, sinon inexistant).

Il n'en est que plus remarquable -- c'est ce que je voulais souligner ici -- qu'à partir d'un matériau aussi hétéroclite se soit construit non seulement un "objet de désir" (en hébreu ça se dirait dwd, dwyd, david, titre aussi des dieux mourants et renaissants, Dumuzi-Tammuz, Baal-Adonis, Attis, Dionysos, etc.), mais une véritable "machine désirante" (comme dirait Deleuze) qui continue de fonctionner en se modifiant de génération en génération: en effet, ce n'est pas seulement l'Antiquité tardive qui a été "séduite" par "Jésus-Christ", mais chaque époque ensuite l'a été à sa manière, y compris contre les précédentes... Jésus c'est celui qui "attire" toujours, qu'on ne peut qu'aimer et qu'on ne parvient pas à détester, quelle que soit l'idée qu'on s'en fait. En employant le verbe "attirer" je repense à Jean 12,32 qu'on a encore évoqué récemment ici, et qui aurait aussi des affinités holographiques (à supposer une Terre à peu près plate où une élévation suffisante rende possible une vision universelle -- certes c'est une "métaphore" mais il faut aussi la comprendre à partir d'un sens "concret", assez voisin d'ailleurs de celui que suppose sur un tout autre mode l'apocalyptique synoptique, avec le Fils de l'homme sur les nuées ou son signe dans le ciel, visible(s) de tous).
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 26 Oct 2022, 11:06

"Voilà pourquoi nous ne considérons plus personne d'une manière purement humaine. Même si, autrefois, nous avons considéré le Christ d'une manière humaine, maintenant nous ne le considérons plus ainsi. Ainsi, si quelqu'un est uni au Christ, il est une nouvelle création : ce qui est ancien a disparu, une réalité nouvelle est là" (2 Co 5,16-17). 

Paul n'a pas connu et côtoyer l'homme Jésus, en un mot  il n’a pas connu Jésus de son vivant, pourtant il a développé avec Sa représentation du christ une relation quasi mystique incroyable, d'amour et d'union, cela dépasse l'entendement :

"Du reste, c'est bien dans la faiblesse qu'il a été crucifié, mais maintenant il vit par la puissance de Dieu. Dans l'union avec lui, nous sommes faibles nous aussi ; mais nous vivrons avec lui, pour vous, par cette même puissance de Dieu" (2 Co 13,4).
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 26 Oct 2022, 12:10

J'ai craint un instant que tu n'aies cité la NBS, comme tu le fais souvent, mais je me suis rassuré: celle-ci a bien traduit "littéralement" kata sarka "selon la chair", et non par cette "équivalence" que je trouve très contestable, "de manière (purement) humaine". Sans rentrer à nouveau dans des considérations sur la "chair" et l'"esprit" chez Paul et ailleurs, qui nous ont déjà pas mal occupés, il est certain que cette distinction, l'une des premières, a beaucoup compté dans le "découpage" de "Jésus-Christ", mais tout autant dans son effet "holographique" en retour: l'image "totale" (holos) du Christ qui en résulte est irréductiblement différentielle, différenciée et différée, mobile, cinématographique en somme, elle implique un mouvement qui ne saurait être arrêté ni résumé dans une image fixe (chair / esprit => descente / ascension, mort / résurrection, kénose / plérôme, humiliation / glorification, etc.).

Sur 2 Corinthiens, voir ici ou . On en a évidemment parlé aussi à propos du "Jésus historique" (9.12.2009), mais il faut être attentif à l'ambiguïté des formules: d'abord, dans le texte habituellement retenu en 5,16, il est question de "Christ", non de "Jésus", et sans article, ce qu'on peut aussi bien interpréter comme un indéfini (un "christ", un "messie", un "oint" selon la chair, même si a priori ça ne signifie pas grand-chose en grec en dehors d'une communauté juive et de son rayonnement) que comme un nom propre (Christ, avec ou sans article dans l'usage paulinien habituel); ensuite, même s'il y avait de la part des "concurrents" de Paul (qu'on ne devine qu'à travers une allusion possible du "nous") référence à un "Jésus/Christ historique", l'idée que s'en ferait Paul serait déjà fort différente: pour lui la "chair" n'est pas première, ce ne serait qu'une forme (ou une apparence) prise à un certain moment du parcours du "Fils de Dieu", parcours qui ne commence pas plus avec la "chair" qu'il ne s'y termine.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 26 Oct 2022, 13:04

Jésus est-il un surhomme nietzschéen ?

La célèbre annonce de la mort de Dieu donna le droit à beaucoup de faire de Nietzsche un opposant du Crucifié. À chacun ses caricatures. L’annonce de Zarathoustra semble être au contraire un renvoi du christianisme à ses origines, faisant de Jésus la figure renouvelée du dépassement du nihilisme.

Il y a de la fougue mystique dans celui qui s’obstine à nier l’existence de Dieu, le dos droit et les yeux bien en face du calvaire sanglant de vérité. Peut-être l’athée obstiné fait-il une preuve plus honorable de spiritualité que le catholique pétri de concessions en bravant les assignations divines. Mais Jésus est juif. Comme le disait Léon Bloy, cette simple phrase permet d’anéantir à jamais les antisémites dissimulés dans le grossier pardessus de la bourgeoisie. Il faut entendre la profondeur de cette parole de Bloy et y voir les implications les plus radicales. Celui qui s’est fait le porteur de ce message, qui voyait dans la figure du crucifié un profond symboliste et mystique, c’est évidemment Nietzsche.

Dans « Le Jésus de Nietzsche » (revue Esprit, octobre 2003), Massimo Cacciari nous dresse une vision peu partagée de l’admiration du philosophe envers la figure du Christ. Faisant la distinction stricte entre chrétienté et christianisme, Cacciari nous montre comment Nietzsche différencie l’épaisse figure du juif Jésus et la théologie politique de masse qui s’édifie par Saint-Paul, « quelque chose de complètement différent de ce que son fondateur a fait et a voulu » (Fragments Posthumes, 1887-1888). Faire de Jésus le protestataire de la métaphysique, c’est lui donner le rôle de celui qui accuse l’illusion, l’idole, le mensonge, pour en revenir à la volonté de la réalité. Il n’est pas innocent de rappeler ici que Nietzsche souhaitait voir advenir un homme supérieur aux qualités christiques, un « César avec l’âme du Christ » (Fragments Posthumes, X, 27). Cacciari, ancien maire de Venise au passé opéraïste, fait figure de philosophe-roi lorsqu’il nous partage à la manière d’un Pasolini son amour inattendu de la croix et du Fils dans les lectures retranchées qu’il fait du philosophe allemand. Suivons-le un instant.

Selon Cacciari, la formule nietzschéenne du « Dieu est mort » est en réalité le commencement du christianisme. Contenu dans l’annonce de Zarathoustra, elle est la figure incarnée d’un Dieu qui hypostasie le Verbe et qui s’accomplit dans une euthanasie, dans une mise à mort vertueuse sur la croix. Sans crucifixion, rien n’est possible. Sans souffrance, point de vie. Le philosophe soucieux de la puissance du vivant entendrait donc la souffrance d’un Christ en sang non comme un phénomène négatif, mais comme une preuve de vie manifeste. Simone Weil n’aurait pas renié le propos : l’Évangile accueille la vie non parce qu’elle est bonne mais parce qu’elle est, hors de tout ressentiment. Cacciari en revient alors au texte biblique de manière itérative et insiste : la  spiritualisation des instincts malades en œuvre humaine procède de ce constat nietzschéen et de cette même exigence : « Ne résistez pas au mal » (Mt 5 : 38-39). Le Christ, en se retirant sur la Croix, ne fait pas figure de nihilisme mais accomplit une subversion interne à l’histoire malade d’un judaïsme qui convulse dans le ressentiment. Chez lui, la négation est inexistante. Il représente dans son action le début, le déroulement, et la fin du judaïsme. Il le prolonge en l’abolissant et en ouvrant, dans la contestation la plus haute qui soit, les possibilités humaines. L’Évangile nous montrerait alors la voie : « Vous adorez ce que vous ne connaissez pas, nous adorons ce que nous connaissons,  car le salut vient des Juifs » (Jean 4 : 22). Et comme le disait Bloy : « Les Juifs ne se convertiront que lorsque Jésus sera descendu de sa Croix, et précisément Jésus ne peut en descendre que lorsque les Juifs se seront convertis » (Le Salut par les Juifs, XXIII, 1892) ...

... Le portrait de Jésus que fait Nietzsche dans L’Antéchrist (1895) est donc bien proche du surhomme : volonté, puissance, insoumission, sensation, spiritualisation, amor fati. Ce que Jésus fait sur la Croix, c’est bien ouvrir les possibles au-delà même de ce qui était envisagé dans l’histoire de la métaphysique juive – métaphysique du ressentiment et de la haine rabbinique – comme horizon indépassable des hommes fatigués et las (L’Antéchrist). Il est ce qui va au-delà de la consignation des possibilités, il est l’outre-possible. Pas ici de filiations heideggériennes ou rilkiennes qui feraient de l’ouverture, du Dasein, une critique de la modernité assise dans l’histoire originelle de la subjectivité (Maxence Caron, Heidegger : Pensée de l’être et origine de la subjectivité, 2005). Le Voile préexiste-il au Verbe ?

https://philitt.fr/2015/09/06/jesus-est-il-un-surhomme-nietzscheen/
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 26 Oct 2022, 14:18

C'est en tout cas un excellent exemple de la façon dont "le Christ" continue de fasciner, irrésistiblement dirait-on, un "Antéchrist" ou "Antichrist" moderne, du moins autoproclamé tel... même l'opposition de Dionysos au Crucifié finit par s'effondrer dans les "billets de la folie", signés alternativement de l'un ou de l'autre nom. J'ajouterais (plutôt en rapport avec la reprise récente de ce fil-là) que contrairement à ce que suggère cet article, l'antagonisme de Nietzsche (fils de pasteur luthérien) envers Paul ou Luther ne tient pas davantage, puisque dans la Généalogie de la morale c'est encore le principe de la "foi" (dans un sens tout à fait paulino-luthérien) qui sera invoqué, comme fondement et abîme des "valeurs" de la "vérité" ou de la "science"...

Pour revenir à "Jésus-Christ", ce que j'appelle "holograph(iqu)e" me semble présenter des analogies évidentes avec la première(?) théologie "paulinienne" (1 Corinthiens) du "corps" (sôma): ce n'en est au fond que l'aspect "cognitif", représentatif ou imaginaire, l'"image" ou l'"idée" du Christ constituée de toutes les images et idées, même occasionnellement contradictoires, que s'en font ceux qui *le* constituent. Ce type de représentation prendra un tour "cosmique" dans les deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens, cf. aussi le Prologue de Jean), avec l'idée d'un Christ "récapitulant" (ana-kephalaioô) l'univers, le ciel et la terre, tout ce qui est ou advient... (cf. également les dernières remarques faites ici au sujet de l'"un" et du "tout").

Bien entendu, la dogmatique éprouvera le besoin de "découper" à nouveau ce que le concept de "corps" unissait (un seul corps, de 1 Corinthiens à Ephésiens !), en distinguant entre le corps ressuscité ou glorifié du Christ et le corps ecclésial, ou encore sacramentel... outre la distinction entre Fils et Esprit qui se confondaient souvent dans les premières épîtres pauliniennes.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 11:25

Mais ce que Jacques Ellul reproche aussi au marxisme, c’est qu’il est devenu une véritable religion. Cette religion séculière a une théologie, une sotériologie, une eschatologie et une éthique. Elle a remplacé le Jardin d’Eden par le communisme primitif, la Chute par le régime capitaliste, le péché par l’aliénation économique, le Messie par le prolétariat, la Rédemption par la révolution, la Parousie par la société communiste à venir. Et les marxistes chrétiens ont donc adopté l’idéologie marxiste chrétienne comme une théologie horizontale qui, à l’instar de Feuerbach, ne fait que remplacer Dieu par l’humanité, et qui réduit Jésus à un leader de la lutte des classes. L’idéologie marxiste chrétienne est une réponse polémique et argumentée, adressée à deux livres qui connaissent alors un succès foudroyant : Lecture matérialiste de l’Évangile de Marc, de Fernando Belo, et Les idées justes ne tombent pas du ciel, de Georges Casalis.

Fernando Belo voulait « faire lire Marc par Marx ». La critique que Jacques Ellul adresse à son exégèse matérialiste s’avère très fouillée et extrêmement sévère. Il inventorie tout d’abord les innombrables erreurs d’ordre historique qui lui ont permis de faire rentrer l’Évangile dans le schéma marxiste, et il fustige même sa mauvaise compréhension des textes de Marx, que Belo ne connaît en réalité qu’à travers Althusser. Il lui reproche surtout d’avoir analysé le milieu socio-économique de Jésus et non pas celui de Marc ; d’avoir vu les publicains et les prostituées comme des pauvres, et les pharisiens comme des riches (alors que c’était plutôt l’inverse) ; d’avoir négligé le fait que le groupe des disciples rassemblait de manière significative riches et pauvres, zélotes et collaborateurs ; d’avoir opéré une réduction politique et matérialiste d’un Évangile qui récuse justement toute interprétation matérialiste de la vie ; et enfin de se présenter comme la seule lecture vraie et scientifique, ce qui est une manœuvre d’ordre idéologique.

https://www.jacques-ellul.org/influences/karl-marx
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 12:19

Je suis ravi de découvrir ce site consacré à Jacques Ellul, penseur extrêmement stimulant même si ce n'est pas le plus nuancé...

A propos d'"holo-cinémato-graphie" christique, il serait difficile de ne pas évoquer Pasolini, qui se tient dans un rapport tout aussi complexe au marxisme et au christianisme (catholique), avec l'homosexualité en plus... Et bien qu'on pense aussitôt à l'Evangile selon saint Matthieu, c'est à mon avis Théorème qui est le plus explicitement "christo-logique" (à mi-chemin entre théo-logie et démono-logie) -- avec le visiteur qui arrive on ne sait d'où, mais d'ailleurs, et repart juste au milieu du film, pour être re-constitué en somme autant par les effets de sa rencontre avec chacun des autres personnages (le père, la mère, le fils, la fille, la bonne) que par l'"événement" même. C'est (à mon avis) génial et implacable (mais la figure du Christ est omniprésente, quoique plus ou moins manifeste, dans toute l'oeuvre de Pasolini, d'Accatone à Salò pour en rester à la filmographie).
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 12:39

Jésus au cinéma  ou  Le défi de la Parole à l’écran

Quel Jésus représenter?   

Chaque lecture, prise isolément, est  donc vouée à être partielle. Est-ce une surprise ? Sur  la  base  du  Nouveau  Testament,  Anselm  Grün21  dénombre  une  cinquantaine de  types d’images de Jésus possibles : depuis les plus connues (comme le Rédempteur, le Bon Berger, la Lumière) jusqu’aux moins  connues (par exemple le  non-violent, le buveur et  mangeur ou même  le  thérapeute  familial).  Si  l’on  pense  à  l’histoire  de  la  peinture, on  peut  trouver  une confirmation  de  l’étendue de cette palette. Avec  le film,  on  peut  considérer  qu’il  en  va  de même, mais avec  la  difficulté  supplémentaire  que  Jésus n’y est  pas fixé, immobile dans  le temps, qu’il évolue, donc que plusieurs images se succèdent. Il s’agira en conséquence pour le cinéaste de pondérer, mais au bénéfice d’une approche générale à privilégier. Par exemple, en rapport avec  la question  de la  double nature  de Jésus,  certains réalisateurs  insisteront sur  la dimension humaine de Jésus (Pasolini, Arcand,  Rossellini), alors  que d’autres  chercheront à mettre surtout en lumière sa filiation divine (DeMille, Zeffirelli, Gibson).

https://www.researchgate.net/publication/331439279_Jesus_au_cinema_ou_Le_defi_de_la_Parole_a_l'ecran


Citation :
A propos d'"holo-cinémato-graphie" christique, il serait difficile de ne pas évoquer Pasolini, qui se tient dans un rapport tout aussi complexe entre marxisme et christianisme (catholique), avec l'homosexualité en plus... 

L’Évangile selon Pasolini

Votre Christ est plutôt antipathique. Il est prêcheur, impitoyable, fanatique. Il fait penser à certains prêtres (espagnols, par exemple), mais aussi à un Lénine mystique qui n’aurait eu que douze disciples…



Pasolini : Vous êtes tombé juste : j’ai effectivement pensé à Lénine. Certains laïcs m’ont même dit que mon Christ est stalinien. Mais c’est que ces laïcs ne tiennent pas assez compte du fait que le Christ se pose comme le fils de Dieu ; et le culte de la personnalité, c’est un peu cela : diviniser un homme. Cela dit, le doute qui vous a saisi, l’ambiguïté que vous dénotez dans ma représentation du Christ, c’est exactement ce que je recherchais. Les intellectuels laïcs français ne voient peut-être pas que mon film se déroule à plusieurs niveaux. Et il y a deux raisons à cela : la culture nationale française a radicalement évincé la religiosité ; d’autre part, les Français connaissent très mal le sous-prolétariat. Pour un Italien, il est immédiatement évident que j’ai tourné mon film en Calabre et dans les Pouilles. Jérusalem, c’est Matera. Les disciples sont des sous-prolétaires calabrais et le Christ est l’un d’eux. Si j’avais tourné en Algérie, avec des sous-prolétaires algériens, il ne vous viendrait pas à l’idée de me reprocher une transcription pure et simple de l’Évangile. Le seul mélange des styles d’ailleurs révélera au spectateur un peu averti qu’il ne s’agit pas simplement d’un film religieux. Mon problème, en effet, était fort ardu : je suis athée et je voulais raconter l’histoire du fils de Dieu. Je ne voulais trahir ni la manière de voir du croyant, ni la mienne propre, qui est historiciste. j’ai donc employé l’équivalent de ce que les romanciers appellent le « discours libre indirect » : il consiste à se mettre à la place d’un autre et à voir le monde par ses yeux sans se quitter soi – même.

De cette gageure, je me suis tiré par un mélange de styles et de techniques (cinéma-vérité, par exemple, puis style sacral) qui font la tension interne du film ; une tension qui se recoupe avec la contradiction théologique du Christ, homme et Dieu à la fois. En même temps, j’ai voulu faire ce que Gramsci appelait une « œuvre nationale-populaire » : j’ai voulu voir le Christ par les yeux d’un Italien simple et fruste d’aujourd’hui. Tous mes romans, précédemment, ont été écrits ainsi, et pas les miens seulement. C’est pourquoi vous trouvez successivement dans mon film du cinémavérité et des références à Giotto, au Greco, aux primitifs, aux Byzantins et à Carlo Levi. Ce qui unit tous ces peintres, c’est leur réalisme populaire. Moravia a dit que le protagoniste de mon film est le sous-prolétariat italien et que le marxisme m’a donné l’idée d’un film religieux dans la mesure même où il est hors de l’histoire. Mais je ne suis pas d’accord. Les protagonistes de mon film sont le Christ et le sous-prolétariat à la fois dans leur rapport historique : le Christ n’était rien s’il n’était suivi par les sous-prolétaires. Et ceux-ci seraient restés prostrés dans leur impuissance sans la sollicitation révolutionnaire du Christ. À mon avis, il n’est pas vrai que le sous-prolétariat est hors de l’histoire : il y agit de manière peu consciente, mais pesante. Sans lui, le fascisme était inconcevable. Sans lui, Staline – chef d’une nation de fils de serfs – serait inexplicable.


https://croire.la-croix.com/Abonnes/Theologie/LEvangile-selon-Pasolini-2018-06-01-1700943655
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 14:43

Merci de ces deux textes très intéressants.

En lisant l'interview de Pasolini en 1965, j'ai le sentiment, comme souvent chez lui, que son côté "marxiste", qui pouvait passer alors pour le plus "contemporain", a beaucoup plus vite vieilli que ses références chrétiennes et plus généralement antiques (païennes, mythologiques, tragiques, etc.); et, ce qui est moins banal, qu'il avait déjà parfaitement compris que ce serait le cas: la combinaison chez lui de la lucidité analytique et de la créativité esthétique (cf. les deux centaures de Médée) n'en finira pas de m'étonner.

Un personnage réduit à une idée simple et cohérente est sans doute plus facile à comprendre, mais il perd aussi tout intérêt descriptif, narratif, romanesque, psychologique. "Jésus-Christ" pose à peu près le problème contraire, d'une trop grande diversité pour faire un personnage, même complexe et contradictoire... Le génie de Pasolini a été de s'en tenir à un texte (Matthieu), mais le texte était lui-même assez hétérogène (base hellénistique et antinomienne de Marc et réactions, anti-pauliniennes en particulier) pour qu'il faille encore y faire des choix, forcément influencés par la situation contemporaine (du Parti communiste italien s'affranchissant péniblement de la tutelle soviétique, et de l'Eglise catholique se libérant en partie de sa tradition avec Jean XXIII et Vatican II). Le résultat est une image, toujours partielle (holographique n'est pas panoramique) mais assez multiple pour ne pas être simpliste, tout en restant lisible...

Par coïncidence, j'ai encore revu Il Vangelo secondo Matteo il y a quelques jours, et ce qui m'a frappé, entre autres, c'est la transposition du "Sermon sur la montagne" (texte évidemment décisif pour Pasolini) d'un cadre statique à un cadre dynamique: Jésus parle, non plus à la foule rassemblée pour l'écouter, mais en marchant (vite), aux seuls disciples qui le suivent, à son rythme...
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 15:57

Il vangelo secondo Matteo à la Bahktine

2.1 Le contexte de production

La question religieuse est très importante dans l’œuvre de Pasolini. S’il critique l’Église autoritaire et rigide du XXe  siècle, il oriente ses spectateurs vers le christianisme primitif et vers la religion populaire comme une force démobilisation et de changement social. Pour la professeure de philosophie Julie Paquette, « la dimension critique de son œuvre apparaît donc comme étant intrinsèquement liée à la question religieuse ». Plus largement, son rapport au passé stimule son regard sur le monde. Il écrit dans une rubrique de l’hebdomadaire Vie Nuove  : « C’est une idée fausse […] de croire que je suis un… ‘moderniste’. […] Il faut arracher aux traditionalistes le monopole de la Tradition, vous ne croyez-pas? Seule la révolution peut sauver la tradition ».

Scène 1 : sourires et renversements

La scène de l’arrivée des mages se fait en présence du peuple de Jérusalem avec des images des marchands et du faste de la nourriture qu’on y retrouve. Il ne s’agit pas d’un carnaval médiéval, mais ces images peuvent être associées à cette thématique. Pasolini prend le temps de montrer les visages des personnages dans des cadres rapprochés dans un silence prolongé. Ici, le sourire des mages joue le rôle du rire carnavalesque. Ces sourires montrent que les mages ne font pas partie du système de pouvoir autoritaire. Leurs sourires subtils contrastent avec le sérieux d’Hérode et de ses prêtres. Le regard inquisiteur d’un de ces prêtres suggère qu’ils suspectent déjà ces étrangers qui pourraient déstabiliser le système.

Les grands chapeaux des prêtres ont quelque chose de complètement loufoque. Alors que ces prêtres sont les garants officiels de la sagesse, les chapeaux qu’ils portent permettent aux cinéphiles modernes de les regarder comme des caricatures. Il s’agit d’une parodie des représentants de l’institution religieuse et politique hérodienne. Ce n’est certainement pas par hasard que certains de ces prêtres portent un chapeau similaire aux mitres des évêques catholiques actuels. En transformant les prêtres d’Hérode en bouffons, Pasolini permet aussi un regard moqueur sur les représentants du pouvoir religieux de son époque. Cette scène illustre le renversement des catégories sociales par le rire du carnaval dès le début du film.

Les grands chapeaux des prêtres ont quelque chose de complètement loufoque. Alors que ces prêtres sont les garants officiels de la sagesse, les chapeaux qu’ils portent permettent aux cinéphiles modernes de les regarder comme des caricatures. Il s’agit d’une parodie des représentants de l’institution religieuse et politique hérodienne. Ce n’est certainement pas par hasard que certains de ces prêtres portent un chapeau similaire aux mitres des évêques catholiques actuels. En transformant les prêtres d’Hérode en bouffons, Pasolini permet aussi un regard moqueur sur les représentants du pouvoir religieux de son époque. Cette scène illustre le renversement des catégories sociales par le rire du carnaval dès le début du film.

Le seul sourire d’Hérode se voit lorsqu’il affirme vouloir rendre lui-même hommage à l’enfant à la suite des mages. Ce visage crispé montre un faux sourire ironique d’un personnage qui veut convaincre ses interlocuteurs d’un mensonge. En Mt 2,7-8, Hérode affirme vouloir se prosterner devant l’enfant. Or, quelques indices du texte laissent croire qu’il est peut-être de mauvaise foi. Premièrement, cette rencontre avec les mages se fait en secret. Deuxièmement, Hérode ne part pas avec les mages à Bethléem. Troisièmement, Hérode a été troublé par l’annonce de la naissance du roi des Judéens. Ce verbe laisse entendre que cette annonce de la naissance d’un roi le bouleverse puisqu’elle a une portée négative de son point de vue, car il est le roi des Judéens. Enfin, l’emploi du verbe se prosterner dans la bouche du roi illustre qu’il dit le contraire de ce qu’il pense. Si Hérode réalisait ce geste, celui-ci aurait une portée politique importante. Hérode ne serait plus le roi de la Judée, puisqu’il se soumettrait à un autre personnage reconnu comme roi des Judéens. Or, rien ne laisse entendre qu’Hérode veut renoncer à sa couronne. La suite du récit montre qu’Hérode dissimulait ses vraies pensées en disant une chose et en pensant le contraire. Le sourire que Pasolini donne à Hérode aide les spectateurs à comprendre la disjonction possible entre les paroles et les pensées du roi.

https://www.academia.edu/44287564/La_subversion_du_pouvoir_en_Mt_2_par_le_regard_carnavalesque_de_Pasolini
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeJeu 27 Oct 2022, 17:18

N.B.: Dans le lien (YouTube) que je viens de donner la scène des mages peut être suivie à partir de 6'40".

Cette analyse carnavalesque et polyphonique (Doane / Bakhtine / Pasolini / Matthieu) est intéressante aussi parce que l'épisode des mages est de ceux qu'une lecture "classique", théiste, supposant un "Dieu" tout-puissant, surplombant et téléguidant toute l'action, pourrait juger le plus scandaleux, puisqu'en somme ce "Dieu" sauverait son "Fils" au prix du massacre des "innocents", parfaitement évitable par ailleurs (il eût suffi qu'Hérode ne fût jamais informé de quoi que ce soit); ou alors on a affaire à une divinité inférieure, plus "tacticienne" de terrain que "stratège" d'état-major, qui réagit au coup par coup, sans anticiper quoi que ce soit -- alors que la citation des "prophéties", peu importe comment on l'interprète, produit l'effet inverse: il fallait qu'on pleurât des enfants. En écrivant ça je repense qu'en Espagne le "jour des Innocents", día de los Inocentes, 28 décembre, est à peu près l'équivalent de notre 1er avril, April Fools' Day, les "inocentes" étant justement les fools, ceux qui se laissent facilement tromper (are fooled easily) et à qui on fait des blagues ou des farces plus ou moins "innocentes" ou "cruelles": on n'en finirait pas de décrire les variations de l'humour d'une culture à l'autre...

Le sourire revient dans le film de Pasolini -- on a souvent dit que son Christ ne souriait jamais -- notamment lors de l'entrée à Jérusalem, avec les enfants, 1h20'-22'.

L'aspect "marxiste" revient aussi avec la musique, quand on saute de Bach, de Mozart ou de Vivaldi à Prokofiev, notamment dans les derniers discours contre les pharisiens (1h31'30"), ce qui suffit à mettre en valeur le côté "révolutionnaire" et "prolétaire" du propos (de même, avec un tout autre "mythe", dans Edipo Re, où l'Oedipe aveugle, avec la flûte de Tirésias qui chante "au-delà du destin", transporté dans le monde moderne, change d'air en passant du parvis d'une église à une banlieue industrielle, cf. ici à partir de 1h35').

---

Chacun, chrétien ou non sauf à n'avoir jamais entendu parler de "Jésus-Christ", a son image de "Jésus-Christ", plus ou moins importante à ses yeux, plus ou moins riche ou complexe, variable aussi d'un moment à l'autre; mais cette image n'est jamais totalement simple, homogène, cohérente, ni déconnectée des autres même quand elle en diverge ou s'y oppose. Différence infinie d'une référence commune, dès le "Nouveau Testament", qui n'a fait que s'enrichir et se complexifier ensuite de son propre jeu -- c'est à peu près ce que j'entends, ici, par "holographie", aussi pour suggérer qu'elle appelle une réponse non moins complexe, qui ne peut pas être simplement "critique" (dans le sens du découpage et du jugement: distinguer, évaluer, apprécier tel ou tel "Jésus-Christ" par rapport aux autres, quel que soit le critère, théologique, historique, rationnel, esthétique, moral, intellectuel, affectif) ni "totalisant" (intégriste, etc.). Laisser en quelque sorte "son Jésus-Christ" (ou son dieu, ou toute autre référence significative pour chacun) jouer et bouger en soi comme hors de soi, et avec d'autres...
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 11:28

"Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l'homme ? 14Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, Jérémie, ou l'un des prophètes" (Mt 16,13-14).

La Croix : Que signifie prendre Jésus pour personnage de roman ?

P. Patrick Goujon : Entrer dans la vérité du personnage du Christ, dans son intériorité, est une problématique littéraire pour un romancier, mais c’est aussi une question pour un théologien et au fond pour tout croyant. On est là au cœur des questions spirituelles : est-il possible de connaître intérieurement Jésus-Christ ? La réponse est oui : c’est ce dont traite la spiritualité chrétienne. C’est vrai pour les mystiques, mais aussi pour tous les croyants, qui ont une expérience de ce qui conduit le Christ, de ce qu’est sa dynamique, de ce qui le meut. Certains écrivains vont être capables de retranscrire cela, ou de jouer avec.

P. Patrick Goujon : Oui, et c’est même au cœur de l’Évangile de Matthieu (16, 13). Quand Jésus interroge les douze sur son identité, il ne corrige pas les propositions qui lui sont faites (« pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes »). Jésus accepte que l’on ait des images diverses de lui. Il laisse advenir ce jeu des facettes. Il ne réduit pas son identité à un nom. Il laisse se multiplier autour de lui ce que Joseph Moingt a appelé « la rumeur » : les multiples noms possibles. Le seul qu’il va refuser c’est d’être un envoyé du Diable, car cela serait aller contre ce qui intérieurement le conduit, c’est-à-dire l’Esprit de son Père.

La perception individuelle compterait-elle plus que l’identité révélée de « Christ, fils du Dieu vivant » ?

P. Patrick Goujon : C’est un jeu d’accords. Ce qui est fondamental, c’est comment chacun reconnaît Jésus. Mais cela ne s’oppose pas. L’aventure individuelle de la reconnaissance du Christ se combine avec la reconnaissance mutuelle de tous ceux qui le considèrent comme le fils de Dieu, c’est-à-dire les chrétiens. Or les chrétiens ne sont pas propriétaires de la figure de Jésus-Christ. On le voit avec nos deux religions sœurs, le judaïsme et l’islam, qui lui attribuent d’autres identités. Ce libre jeu fait partie du mouvement de la révélation de Jésus-Christ. Cela touche à des raisons théologiques de fond : Dieu, le Dieu trinité, se fait connaître mais il échappe aux catégories, il est plus grand que ce que les croyants pourront toujours en dire. Le Credo est ce qui permet cette reconnaissance mutuelle qui converge vers l’identité de Jésus-Christ, fils de Dieu.

Si des œuvres anecdotiques prennent Jésus pour faire valoir, il ne faut pas que les chrétiens s’en offusquent. Le Christ lui-même a été bafoué, il l’a vécu comme tel, et il ne s’est pas retourné contre ses persécuteurs. Si on veut être fidèle au Christ c’est par là qu’il faut aller. Une autre attitude nous ferait sortir de la foi chrétienne.

Très peu de romanciers y parviennent avec génie…

P. Patrick Goujon : En effet si les questions qu’on fait porter à un personnage historique sont les nôtres et sans rapport avec lui alors cela ne fonctionne pas. Marguerite Yourcenar parlait de la nécessité « d’une participation constante, et la plus clairvoyante possible, à ce qui fut. Un pied dans l’érudition, l’autre dans la magie, ou plus exactement et sans métaphore, dans cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un ». Quand Ignace de Loyola, dans Les Exercices spirituels, disait : « Demandez la grâce de la connaissance intérieure de Jésus-Christ afin de pouvoir l’aimer et le suivre davantage », c’était cela aussi.

Quelles sont les démarches littéraires qui selon vous fonctionnent ?

P. Patrick Goujon : Je pense au livre de Michel Tournier sur Les rois mages. Le Christ n’apparaît pas comme personnage, ce qui est montré est simplement son pouvoir d’attraction. On est là au cœur de ce qui m’intéresse. De même la bande dessinée Le Voyage des pères, de David Ratte : les pères des apôtres de Jésus se mettent à la recherche de leurs fils partis suivre le Christ. On est dans le sillage, on découvre là aussi la force d’attraction, le pouvoir socialement bouleversant de la présence du Christ.

Ce qu’ils illustrent est la question croyante au sens d’un attachement à la personne du Christ et non d’une adhésion à un contenu. Ce mouvement peut donner un autre relief à des livres qui sont des œuvres de réactions, comme L’Évangile de Jésus de José Saramago, qui pose une question fondamentale à laquelle les théologiens n’ont cessé de réfléchir : qu’est-ce que c’est que ce Dieu qui sacrifie son fils ? Saramago pousse la question jusqu’au bout. Mikhaïl Boulgakov est un peu dans la même tension avec son face-à-face de Ponce Pilate et de Jésus dans Le Maître et Marguerite. Il est intéressant de voir comment des écrivains s’approprient la figure du Christ pour traiter littérairement une question théologique.

Est-ce que la littérature peut apprendre aux théologiens ?

P. Patrick Goujon : Oui vraiment. Et à de grands théologiens, à commencer par Hans Urs von Balthazar, dont une grande partie de l’œuvre se nourrit du travail des écrivains – ce qu’il a écrit sur Bernanos en particulier est très puissant. Adolphe Gesché a beaucoup travaillé à partir de la littérature. Anne-Marie Pelletier, comme bibliste, a intégré les réécritures littéraires, par exemple celles du Cantique des Cantiques. François Varillon était un lecteur et un ami de Paul Claudel… Un certain nombre de théologiens, après le Concile, a découvert qu’une richesse d’expression poétique et une richesse symbolique permettent de penser, de voir des aspects de la personne du Christ qu’une approche dogmatique ou spéculative avait occultés.

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Jesus-assume-risque-detre-mal-interprete-2019-10-03-1201051743
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 12:01

J'ai rajouté à mon post précédent un dernier paragraphe, qui n'est d'ailleurs pas sans analogie avec ce nouveau texte.

La notion de "style" -- que P. Goujon évoque aussi dans cette interview -- me paraît importante, quoique ambiguë: dans un sens, les quatre évangiles canoniques ont des styles littéraires extrêmement différents; même quand ils ont un matériau narratif ou discursif commun (surtout les trois "synoptiques", Marc-Matthieu-Luc), ils en modifient précisément ce qu'on appelle en général le "style" (pour schématiser, brutalité ou barbari[sm]e de Marc, correction ou prudence de Matthieu, préciosité ou maniérisme de Luc, sans même rentrer dans les différences "idéologiques"). Pourtant la référence au même "personnage" produit à sa façon un effet de style intertextuel: par ce qu'il dit, le Jésus de Matthieu n'a pas grand-chose à voir avec celui de Jean, mais on reconnaît "Jésus" dans Matthieu comme dans Jean; évidemment parce qu'on a lu ou entendu "Jésus" dans les quatre évangiles, successivement et dans des mélanges de citations, au point d'oublier dix fois quel "Jésus" dit quoi avant d'éventuellement s'en ressouvenir.

Soit dit en passant, l'effet "synoptique" (qu'on peut étendre au quatrième évangile comme le font la plupart des "synopses", à la faveur d'une trame narrative en partie commune, de Jean-Baptiste à la Passion / résurrection) est assez voisin du concept d'"holographie"...
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 12:52

Ces romanciers qui font parler Jésus

Le « style » du Christ

Le théologien jésuite Patrick Goujon rappelle qu’il y a « une vérité du style de Jésus, comme l’a théorisé Christoph Theobald. De même que l’on reconnaît quelqu’un à son allure, on reconnaît le Christ à son style ». La restitution de cette dynamique est bien la clé de la réussite ou de l’échec d’un roman. « Jésus a assumé le risque d’être mal interprété, rassure Patrick Goujon. Ou plutôt d’être interprété autrement qu’il n’est : c’est la condition humaine, la conséquence de l’incarnation. »

Pour l’exégète suisse Daniel Marguerat, auteur de la récente biographie Vie et destin de Jésus de Nazareth (Seuil), il n’y a rien de sacrilège à faire parler Jésus dans un roman. « L’écrivain qui recompose Jésus tente de redire son humanité et son intériorité. Or les évangélistes, à part Marc à certains moments, ont maintenu le voile sur les émotions de Jésus. Cela était en réalité conforme à ce que faisaient les biographes dans l’Antiquité, qui n’avaient pas les outils psychologiques dont nous disposons, ni notre intérêt pour l’intériorité. Toutefois projeter son imaginaire sur Jésus sans s’être documenté, comme le font certains auteurs actuels, peut s’avérer périlleux. Cela me pose problème pour Jésus comme pour tout autre personnage historique. »

À cet égard, les plus iconoclastes ne sont pas les moins sérieux. Ainsi le Grec Nikos Kazan­tzaki a évité bien des écueils avec La Dernière Tentation (1954), où il imagine ce qu’elle aurait pu être, au moment de la crucifixion, comme une immense parenthèse au conditionnel. « Kazantzaki était un très bon lecteur des Évangiles et s’est documenté, note Daniel Marguerat. Il suit une indication donnée par Luc, qui dit qu’après la troisième tentation de Jésus, au désert, le Diable se retire jusqu’au moment favorable pour le tenter à nouveau, qui est la Croix. Kazan­tzaki travaille dans la limite d’une interprétation que Luc a déjà tracée. De même le bibliste allemand Gerd Theissen et son génial L’Ombre du Galiléen (1986), qui ne s’autorise pas à prendre le “je” de Jésus, précisément parce que comme exégète il en connaît le risque. »

Faire parler Jésus à la première personne

Devant le tollé que son roman avait soulevé, Kazantzaki précisa : « C’est pour donner un exemple suprême à l’homme qui lutte, pour lui montrer qu’il ne faut pas qu’il redoute la souffrance, la tentation et la mort, parce que tout cela peut être vaincu et a déjà été vaincu, que ce livre a été écrit. »

De même, face aux critiques sur sa « téméraire » (le qualificatif est de lui) Vie de Jésus (1936), François Mauriac justifia avoir « traité du seul sujet qui importe, du seul aussi qu’on ne puisse pas ne pas trahir (…). Le Nouveau Testament tel qu’il s’offre aujourd’hui à nous est l’histoire d’un homme aux traits définis, et dont il appartient à chacun de tenter le portrait psychologique. J’ai voulu montrer que “ce document respire”, comme dit Claudel, et que dans aucune autre histoire, nous n’entendons respirer quelqu’un comme dans cette histoire ».

Que signifie faire parler Jésus dans une fiction ? « Entrer dans l’intériorité du Christ est une problématique littéraire pour un romancier, mais c’est aussi une question pour un théologien et au fond pour tout croyant,souligne Patrick Goujon. On est là au cœur des questions spirituelles : est-il possible de connaître intérieurement Jésus-Christ ? La réponse est oui : c’est ce dont traite la spiritualité chrétienne. C’est vrai pour quiconque a une expérience de ce qui conduit le Christ, de ce qu’est sa dynamique. Certains écrivains vont être capables de la retranscrire, ou de jouer avec. »

Au cœur de ces projets romanesques : la question de l’incarnation. Le Nobel portugais José Saramago n’y allait pas par quatre chemins, commençant son Évangile selon Jésus-Christ (1991) par la conception, dans leur lit matrimonial, de l’enfant par Marie et… Joseph. Son personnage : un Jésus qui ne comprend pas son destin et s’en ouvre à Dieu dans un long face-à-face dont le Diable est le témoin amusé.

Il faut une bonne dose d’audace, voire de prétention, pour faire parler Jésus à la première personne. Éric-Emmanuel Schmitt, auteur d’un Évangile selon Pilate (2000), s’en défendait, avec un constat qui n’engage que lui, par la volonté de « rendre vivant, proche, intime ce Jésus dont la figure est délavée par des siècles d’imagerie, dont la parole ne résonne plus que comme un refrain éculé ».

JM Coetzee, José Saramago, Jean Grosjean...

La démarche du Nobel sud-africain J. M. Coetzee n’était-elle pas plus percutante, qui proposait, avec Une enfance de Jésus (2013), la trajectoire intemporelle d’un enfant réfugié, sans rapport avec le Christ sinon qu’elle magnifiait les paroles de l’Évangile de Luc (9, 48) : « Celui qui accueille en mon nom cet enfant, il m’accueille, moi. Et celui qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. En effet, le plus petit d’entre vous tous, c’est celui-là qui est grand. »

Que cherchent ces romanciers ? À « troubler heureusement des consciences endormies », avançait Mauriac… Pour Bertrand Deschamps, libraire à La Procure de Paris, bon conseiller dans ce domaine entre littérature et religion, « l’engouement pour les romans religieux en général procède du même intérêt que pour les Évangiles apocryphes : une autre manière de découvrir ce qu’on ne connaît que par quatre textes officiels ».

Dans son panthéon, le superbe Messie de Jean Grosjean (1974). Le roman sur Jésus peut-être le plus poétiquement habité. L’une des très belles scènes, telle une métaphore de notre sujet, décrit l’apparition du Christ aux disciples après sa résurrection, se mettant au service des hommes : « On le reconnaissait bien et pourtant il avait un drôle d’air, comme s’il était quelqu’un d’autre. Mais personne n’osait lui poser de questions de peur de rompre le charme. Ce fut la plus belle heure de toute l’histoire humaine. Le temps s’était comme suspendu dans une ambiguïté intime. Le Verbe qui avait ordonné travaillait en silence et les travailleurs qui avaient obéi déjeunaient dans une confiante incertitude. »

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/romanciers-font-parler-Jesus-2019-10-02-1201051538
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 13:41

Article heureusement complémentaire.

Le roman moderne, au sens le plus large du mot, n'a aucune raison de se borner à l'"historique", puisqu'il joue aussi bien, sinon mieux, du personnage légendaire, fictif, fantastique, mythique, divin, démoniaque, extra-terrestre, supra- ou infra-humain, animal, végétal, minéral, artificiel... en quoi il rejoint aussi la littérature antique, poétique et dramaturgique, mythologique, épique, tragique, comique, déjà "romanesque" à sa façon...

Bien entendu, les auteurs des évangiles (canoniques) ont été les premiers (connus ou inconnus) à "faire parler Jésus", mais ni plus ni moins que les auteurs des textes de l'AT (entre autres) avaient "fait parler" Yahvé, David, Moïse, Abraham, etc.; ce genre d'"audace" peut toujours se retracer plus loin, jusqu'aux plus "primitives" divinations ou prophéties.

Comme je le suggérais plus haut (26.10.2022), ce qui est probablement la première christologie paulinienne, celle de la correspondance corinthienne, sôma-pneuma, corps-esprit, était encore plus audacieuse, puisqu'elle professait un Christ irréductiblement ouvert, qui ne se jouait qu'à plusieurs, avec des rôles différents et des antagonismes, "fonctionnels" si l'on veut. Et cette "idée", pour "originale" qu'elle fût, n'était pas celle d'un seul, puisqu'elle résultait de l'interaction de "Paul" avec un "proto-christianisme" hellénistique, myst(ér)ique et charismatique qu'il n'avait pas inventé, et qu'il n'aurait certainement pas forgé tout seul sur ce modèle, vu les inflexions qu'il tente de lui imposer... Evidemment, avec le temps le Christ est de plus en plus "écrit" (par le Nouveau Testament pour commencer, des hymnes christologiques aux évangiles qui sont bien des sortes de "romans"), mais il n'en reste pas moins à écrire et à jouer avec une richesse grandissante de rôles possibles (y compris d'"antéchrists" à l'occasion)...
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 15:19

Lectures romantiques de la Passion du Christ et héritage des Lumières

L’épisode évangélique du Christ qui invoque le père dans le jardin du Gethsémani en déclarant que son âme est « triste jusqu’à la mort » (Matthieu, XXVI, 36-46) et en implorant que le calice « passe loin » de lui (un passage qui depuis toujours a fait l’objet de controverses interprétatives, notamment à l’époque humaniste)2, retient l’attention de nombreux romantiques, qui presque tous transforment la prière de Jésus en un cri de désespoir de l’homme face à l’absence de Dieu. Le poème de Vigny Le Mont des Oliviers, de 1843, présente un Christ abandonné par ses compagnons, mais aussi par Dieu : « Puis regarde le ciel en appelant : “Mon Père !” / – Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas »3. Jésus réagit à ce silence d’abord avec stupeur (« Il se lève étonné, marche encore à grands pas »), ensuite avec terreur (« Il recule, il descend, il crie avec effroi »), et finalement avec amertume, parvenant à une conclusion humaine et rationnelle qui exclut le divin (« Il eut froid. Vainement il appela trois fois : / Mon Père ! – Le vent seul répondit à sa voix. / Il tomba sur le sable assis et, dans sa peine, / Eut sur le monde et l’homme une pensée humaine »). La strophe finale, écrite en 1863, une vingtaine d’années après la première publication du poème, invite donc à dédaigner Dieu :

S’il est vrai qu’au Jardin sacré des Écritures,
Le fils de l’Homme ait dit ce qu’on voit rapporté ;
Muet, aveugle et sourd au cri des Créatures,
Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,
Le Juste opposera le dédain à l’absence
Et ne répondra plus que par un froid Silence
Au Silence éternel de la Divinité.


De même, Nerval dans son Christ aux Oliviers, de 1844, transforme la douleur du Christ en un cri désespéré : « Et se prit à crier : “Non, Dieu n’existe pas !” » : la « nouvelle » n’est plus bonne, mais tragique :

Ils dormaient. « Mes amis, savez-vous la nouvelle ?
J’ai touché de mon front à la voûte éternelle ;
Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !
Frères, je vous trompais : Abîme ! abîme ! abîme !
Le dieu manque à l’autel, où je suis la victime…
Dieu n’est pas ! Dieu n’est plus ! » Mais ils dormaient toujours !


https://journals.openedition.org/rief/246?lang=en
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeVen 28 Oct 2022, 16:05

Excellente étude littéraire, qui intéresserait aussi ce fil-ci.

Le Christ abandonné, comme le dieu pitoyable, ne peut être pris au sérieux que dans la mesure où l'on occulte, au moins partiellement et provisoirement, ses autres "aspects" (tout-puissant, triomphant, vainqueur, provocateur, etc.). Toute idée de modération, de balance, de pondération, de moyenne obtenue par "rationalisation" quasi arithmétique des contraires, somme et division des différences, nuit à la dramaturgie, qui exige par moments des figures aussi univoques que possible, jusqu'à la caricature, fût-ce comme facettes opposées du même personnage. Il faut que la supériorité du Christ contestataire, brillant, ironique ou sarcastique n'ôte rien à la passivité et à l'humiliation du Christ victime, et inversement. Le rôle est une multitude de rôles, qui ne se confondent pas entre eux, c'est ce qui fait toute sa richesse.

Tout se joue déjà au niveau de la lecture des quatre évangiles canoniques: pour entendre le cri sur la croix (mon dieu, mon dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?, Marc et Matthieu), il faut ignorer ceux qui l'ignorent (Luc et Jean), et réciproquement; de même, pour Gethsémani (Marc-Matthieu-Luc, surtout avec les additions de ce dernier), celui qui le rejette et le parodie (Jean 12). C'est autant la capacité d'oubli que la mémoire du lecteur "synoptique" qui sont sollicitées à chaque lecture ou à chaque récitation, dans un jeu qui requiert et produit une extraordinaire souplesse, nécessaire aussi au "jeu existentiel" selon les circonstances: être (comme) "Jésus-Christ", c'est tantôt être provocateur, contestataire, souverain, fort, faible, humilié, résigné, désespéré, etc.

---

On retrouverait de l'"holographie", ostensiblement multidimensionnelle, dans le "proto-catholicisme" (du même holos) de l'épître aux Ephésiens (deutéro-paulinienne dans la veine de Colossiens, intégrant aussi pas mal de "johannisme"), par exemple 3,14ss: "... grâce à quoi je plie mes genoux devant le père (patèr) de qui est nommée toute famille (patria) aux cieux et sur terre, afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être fortifiés de puissance par son esprit dans l'homme intérieur, que le Christ par la foi habite dans vos coeurs, enracinés et fondés dans l'amour, afin que vous soyez capables de saisir avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, de connaître l'amour du Christ qui surpasse la connaissance, et d'être remplis jusqu'à la plénitude (plèrôma) du dieu..." Christ habitant d'un espace intérieur à chacun (le coeur), et Christ espace habité de tous, que chacun ne saurait mesurer et remplir qu'avec les autres. On retrouve, dans un style plus bavard ou pompeux, la structure d'inclusion réciproque (X en Y et Y en X) chère à la deuxième partie du quatrième évangile; l'image est moins différenciée, moins mobile, plus hiératique et plus hiérarchisée que celle de 1 Corinthiens (entre autres du fait que "le Christ" a glissé de la totalité du corps et de l'esprit à la tête), peut-être aussi plus "holographique" dans la mesure où l'aspect spatial, visuel et cognitif y ressort davantage. Et encore sans rien de narratif hormis la mort et la résurrection, dans la ligne paulinienne.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 11:31

Figures de Jésus dans la littérature française

Rencontrer Jésus

À partir de la Renaissance et surtout à partir du XIXe siècle, le climat des œuvres littéraires s’est écarté d’une simple paraphrase des Écritures et a introduit des éléments personnels. La recherche tâtonnante de l’esprit humain s’est tournée vers le sens de la vie terrestre de Jésus. C’est le deuxième thème, « adorer » que nous venons de traiter.

Il y a donc Jésus dans sa vie parmi les hommes, avec ses miracles, avec ses rencontres sur les chemins de Palestine, au puits de Jacob, devant la femme adultère, à Béthanie, à Emmaüs. Là se découvre le visage de cet Autre par excellence, de cet homme qui est notre prochain et en qui nous reconnaissons le Maître que nous cherchons. Le christianisme est en effet d’abord la religion du face-à-face personnel avec Dieu.

Cette rencontre, beaucoup se mettent à la faire dans l’autre homme, celui dont la misère nous émeut. Alors nous découvrons une manière toute nouvelle de parler de Jésus, assez présente à partir du XIXe siècle. Il se trouve en effet une sorte de progression dans la façon dont nos lettres décrivent la figure de Jésus-homme. Elles disent le contenu de la foi tel qu’elles le déduisent des évangiles et non point tel que le magistère de l’Église le ressasse depuis deux mille ans.

À certains, Jésus reste lointain. C’est une « idée » au sens de Platon, ce n’est pas véritablement un être de chair et de sang. La Bible nous en a parlé si peu et, peut-on prétendre parfois, si insuffisamment. Nos lettres modernes découvrent cependant une autre épaisseur à la personne de Jésus qui la rend singulièrement plus proche, plus admirable. Dans la ligne de la parabole dite du Jugement Dernier (Mt 25), Jésus apparaît dans la figure de tout être humain rencontré, aidé, aimé, sauvé.

Cette vision de Jésus débute de façon encore balbutiante chez Chateaubriand en 1801 (Génie du Christianisme) :

Jésus-Christ apparaît au milieu des hommes, plein de grâce et de vérité, l’autorité et la douceur de sa parole entraînent. Il vient pour être le plus malheureux des mortels et tous ses prodiges sont pour les misérables... C’est en marchant dans les campagnes qu’il donne ses leçons. En voyant les fleurs d’un champ, il exhorte ses disciples à espérer dans la Providence qui supporte les faibles plantes et nourrit les petits oiseaux...


Son caractère était aimable, ouvert et tendre ; sa charité sans bornes. L’Apôtre nous en donne une idée en deux mots : « Il allait faisant le bien. »

Trente ans plus tard (1833), Lamennais (Paroles d’un croyant) en vient à cette idée que le peuple, dont il se sentira le représentant, est la figure même de Jésus. Il l’exprime en des accents modernes qui annoncent la théologie de la libération :

Qui est-ce qui se pressait autour du Christ pour entendre sa parole ? Le peuple.

Qui est-ce qui le suivait dans les montagnes et les lieux déserts pour écouter ses enseignements ? Le peuple.
Qui voulait le choisir comme roi ? Le peuple.
Qui étendait ses vêtements et jetait devant lui des palmes en criant Hosannah, lors de son entrée à Jérusalem ? Le peuple...

Au XXe siècle, François Mauriac, avec la véhémence incisive dont il avait coutume dans ses polémiques, affirme en 1958 (Le fils de l’homme) d’une façon qui en a choqué beaucoup :

Quelles que soient nos raisons et nos excuses, après dix-neuf siècles de christianisme, le Christ n’apparaît jamais dans le supplicié aux yeux des bourreaux d’aujourd’hui, la Sainte Face ne se révèle jamais dans la figure de cet Arabe sur lequel le commissaire abat son poing. Que c’est étrange qu’ils ne pensent jamais, surtout quand il s’agit d’un de ces visages sombres aux traits sémitiques, à leur Dieu attaché à la colonne et livré à la cohorte, qu’ils n’entendent pas, à travers les cris et les gémissements de leur victime, sa voix adorée : « C’est à Moi que vous le faites ! »


https://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/204/article8.html
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 12:48

Brève mais très belle anthologie, sensible et bien raisonnée...

Dans le NT déjà le développement littéraire est remarquable -- si du moins l'on admet dans les grandes lignes la chronologie usuelle, où l'écriture des premières épîtres de Paul précède de loin celle des évangiles: on commence avec un discours (épistolaire et rhétorique) sur le dieu (à la lettre théo-logique), qui a déjà pour contexte et pré-texte un culte et ses traces poétiques (prières et "hymnes", au masculin ou au féminin, citations proto-chrétiennes dans le texte paulinien, de 1 Corinthiens à Philippiens 2 p. ex.), pour aboutir au récit d'un homme divin ou d'un dieu humain, raconté non plus seulement comme objet de passion mais comme sujet d'action et de parole, de la maxime consensuelle ou paradoxale à la parabole énigmatique, à l'allégorie ou au discours élaboré, aux controverses tranchantes, et ainsi de suite. De l'un à l'autre "Jésus-Christ" prend une dimension affective qui correspond, la contrebalançant en quelque sorte, à sa dimension théo-cosmique, les deux étant cependant "imaginaires" chacune à sa façon. Coïncidence paradoxale de l'absolument singulier et de l'absolument général, dirait Hegel, mais cela se produit dans un tout autre jeu de langage que celui de la pensée philosophique.

En tout cas c'est bien ce que j'entends par "effet holographique", qui se prolonge et se renouvelle d'époque en époque, au gré des modes et des goûts, au-delà de toute oeuvre, canon ou corpus achevé; où l'"art" (tekhnè, ars), y compris littéraire, paraît infiniment plus "religieux" que la "pensée" philosophique ou théologique, laquelle ne peut que réfléchir et commenter après coup, de manière toujours un peu décevante autant pour le "croyant" que pour l'"artiste" (qui peuvent bien être la même "personne", ainsi que le "philosophe" ou le "théologien"; n'empêche qu'il demeure à mes yeux une différence essentielle, d'orientation diamétralement opposée, entre le "contemplateur" et le "créateur", dans tous les "genres").

Quant à l'autre pôle d'identification qui permet d'assimiler "Jésus-Christ" non seulement au "dieu" mais à n'importe qui, et de préférence au petit, à l'enfant, au faible, au pauvre, au pécheur, au coupable, on peut dire qu'elle est à l'oeuvre dès le début (depuis l'idée du "corps" corinthien au "jugement dernier" de Matthieu, par exemple), que chaque génération l'exprime à sa manière (voir aussi ceci, autre exemple), mais qu'elle a quand même beaucoup plus de mal à "prendre", comme on dit de la mayonnaise. C'est assez logique aussi, car sans ça il n'y aurait jamais eu de "christianisme", historique, celui-ci ne pouvant exister et subsister dans le temps, comme "institution" surtout, qu'en assumant la responsabilité de juger, de condamner, d'exclure, de se distinguer du reste, ce qu'il fait aussi dès les premières épîtres de Paul... et dont, suprême paradoxe, même l'image contraire d'ouverture absolue du Christ dépend...


Dernière édition par Narkissos le Mer 02 Nov 2022, 14:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 14:15

Les visages de Jésus-Christ, une réflexion théologique


Nous le disions plus haut : le visage de Jésus-Christ n’est plus là pour nous donner à voir, en direct, la ressemblance du Père ; on n’a, aujourd’hui, plus guère accès qu’à la « figure » de Jésus-Christ, motif qui ressemble fortement à celle qu’ont côtoyé les disciples d’Emmaüs. Jésus a été pour eux un inconnu, ils ne l’ont pas remis, son visage était comme brouillé, mais sa présence, son Esprit avait fait brûler leur cœur, et c’est dans son corps mystique qu’ils l’ont reconnu. D’une manière au fond identique, c’est ce que dit la parabole du Jugement en Mat 25 : aux justes qu’il veut récompenser, le Roi déclare : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli… » Mais eux, ne comprenant pas : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir… ? » Il leur répond alors : « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » L’identification de Jésus, de ce même Jésus qui marchait en Galilée au bord du lac de Tibériade, qui gravissait les marches du Temple à Jérusalem, avec « les plus petits de ses frères » de tous temps et de tous lieux, se fait en apercevant les traits de son visage dans les leurs, en ne détournant pas de leur visage notre quête du sien mais au contraire en les scrutant, les accueillant et les reconnaissant comme le sien. Le visage de Jésus, si l’on veut, n’est plus en tant que personne particulière, mais il est partout dès que « ses frères » apparaissent dans notre vie et nous « font face ». Il n’a, en ce sens, jamais eu de visage que le leur.


https://bulletintheologique.wordpress.com/2021/04/08/les-visages-de-jesus-christ-une-reflexion-theologique/


Dernière édition par free le Ven 04 Nov 2022, 12:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 14:59

Petit billet très intelligent, même s'il "surjoue" par moments la naïveté dans la confusion ou la superposition du "Jésus historique" et du "Jésus des évangiles". Sans doute, d'ailleurs, ne peut-on pas être un "bon" lecteur ou auditeur des évangiles, comme on dit "bon public", sans ce jeu de naïveté qui jouxte en permanence l'hypocrisie (l'hupokritès étant précisément le porteur de persona, inséparablement masque et visage).

On sera à nouveau renvoyé ici et . En tout cas cet article montre remarquablement bien que l'antithèse entre un "dieu invisible" et un "christ visible" est très superficielle, car la "révélation" de l'un comme de l'autre implique un jeu d'invisibilité et de visibilité, cacher-montrer, Fort/Da, dont les modalités varient (des théophanies pré-monothéistes à la "synthèse" chrétienne qui réconcilie à sa façon le dieu sans et avec image, sans et avec visage, humain mais aussi animal, du taureau ou du lion à l'agneau)...

La logique technicienne de l'"holographie" veut que les textes produisent l'image, donc qu'on aille du dieu des premiers textes (pauliniens) vers l'homme des derniers (évangéliques ou post-évangéliques) -- qui le font tout de même venir du "dieu" et y retourner; mais la logique narrative des derniers textes (évangiles) inscrit son "dieu-homme" ou son "homme-dieu" en amont des premiers, dans le cours de l'histoire racontée ("Jésus" avant "Paul", Ponce Pilate avant les guerres juives et la destruction du temple par Titus, celle-ci étant cependant historiquement déterminante pour l'apparition symétrique d'un "christianisme ecclésiastique" et d'un "judaïsme rabbinique"). Dans ce chaos intermédiaire l'anachronisme est de règle.
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MessageSujet: Re: Jésus-Christ holographe   Jésus-Christ holographe Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 15:53

Merci free d'avoir partagé 2 textes si intéressant et qui m'ont beaucoup touchés. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas eu le bonheur de lire de telles déclarations.

MerciNarkissos d'avoir éclairé par ton analyse les 2 textes proposés par free
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