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| La bonne nouvelle prêchée aux riches | |
| | Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: La bonne nouvelle prêchée aux riches Dim 27 Déc 2009, 17:26 | |
| Que le frère de basse condition mette sa fierté dans son élévation, et le riche, au contraire, dans son abaissement, car il passera comme la fleur de l'herbe. Le soleil s'est levé avec sa chaleur ardente; il a desséché l'herbe, sa fleur est tombée et la beauté de son aspect a disparu. Ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises. Jacques 1,9ss.
Je trouve depuis fort longtemps ce passage fascinant (je crois d'ailleurs que c'est le Commentaire de la lettre de Jacques, petit bijou égaré dans l'océan de nullité watchtowérien, qui me l'a le premier fait remarquer).
Autant le thème du retournement de situation entre riches et pauvres, puissants et faibles, superbes et humbles, est commun (cf. le Magnificat), autant une lecture positive du côté descendant est exceptionnelle. Celui qui doit être abaissé n'est pas "l'autre", le tiers, voire l'adversaire ou le maudit, comme dans le langage ordinaire du ressentiment, mais le destinataire au même titre que le pauvre d'une bénédiction différenciée. La chute, la déchéance, est ce qui peut lui arriver de mieux, et il doit s'en réjouir, s'en "glorifier" (reprise ironique du vocabulaire paulinien?) avec le pauvre à qui, en revanche, est annoncée non l'humiliation mais l'élévation.
Trouver sa bénédiction dans sa malédiction, telle serait la bonne nouvelle pour les riches (et il y a sans doute plus d'une façon d'être riche)... |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Ven 18 Aoû 2023, 09:34 | |
| "Au miroir de la Parole", Lecture de l’épître de Jacques (Page 28) Cuvillier Elian
v. 9-11 : Assumer les multiples épreuves de la vie ne conduit pourtant pas ˆ croire que l'existence est déterminée à l'avance par une forme de "destin" qui fait que certains naissent riches et d'autres pauvres et qu'il ne peut pas en aller autrement. Jc affirme au contraire que les choses sont mobiles, que rien n'est jamais figé. Le croyant doit d'ailleurs se réjouir de cette mobilité de l'existence : ce n'est pas sur sa richesse que le riche doit "se glorifier " (au sens de "prendre appui") mais sur le fait qu'il ne peut justement se prévaloir d'elle. A l'inverse le pauvre doit s'appuyer sur la certitude que, par la volonté bonne de Dieu, sa condition peut changer : c'est-à-dire qu'il n'est pas définitivement inscrit dans sa pauvreté. Le propos n'a d'ailleurs pas qu'une portée spirituelle ou eschatologique mais il invite sans doute concrètement le riche de la communauté à vivre une solidarité concrète qui passe, au sein de la communauté, par la perte de ses privilèges sociaux.
v. 12 : L'homme qui résiste à l'épreuve est un homme qui grandit et à qui la vie est promise. Non pas comme quelqu'un qui "se fait tout seul" mais comme quelqu'un qui vit d'une promesse et de recevoir la vie chaque jour comme un don. Le riche ne peut être "pleinement dot" tant qu'il n'a pas connu le manque. Son humiliation est la garantie qu'une place sera laissée pour que Dieu vienne le combler. Il pourra en effet demander la sagesse qui lui fait défaut. Pour l'heure, tant qu'il est dans sa richesse, il a l'impression de ne manquer de rien. Il n'a pas "traversé" l'épreuve qui ouvre à l'altérité: le jugement reste donc pour lui une menace.
https://www.academia.edu/13204704/_Au_miroir_de_la_Parole_Lecture_de_l_%C3%A9p%C3%AEtre_de_Jacques |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Ven 18 Aoû 2023, 10:54 | |
| Vieux motard que jamais ! Sur cet article et d'autres de Cuvillier avec ou sans Assaël, voir ici (notamment 11.7.2019) et suivre les liens (quand ils fonctionnent encore). A mon sens, ce commentaire passe à côté du point précis que j'essayais de souligner: il ne s'agit pas seulement de dire que les riches peuvent devenir pauvres et les pauvres devenir riches, ni qu'un abaissement, une humiliation, une chute, un mal peut entraîner plus tard ou ailleurs un bien, une élévation, etc., et inversement, toutes banalités qu'on retrouve à peu de choses près dans toutes les "sagesses", "bibliques" ou "des nations". La leçon est beaucoup plus paradoxale et plus profonde, si c'est le même "évangile", la même "bénédiction", le même "bien", le même "salut", qui se traduit simultanément pour les uns par l'abaissement et l'humiliation et pour les autres par l'élévation et la glorification, et que les uns et les autres doivent s'en réjouir ensemble... Cela aussi peut rappeler la " justice" d'Anaximandre... Sur le vocabulaire de la "fierté" traditionnellement rendu par "se glorifier" ( kaukhaomai etc., à ne pas confondre avec doxa, doxazô pour "gloire" et "glorifier"), qui là encore est imité de "Paul" et particulièrement de l'épître aux Romains dont "Jacques" renverse régulièrement les énoncés, voir ici (où l'on trouvera aussi dès le premier post des liens aux discussions des notions "contraires", honte, humiliation ou humilité p. ex.). |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Ven 18 Aoû 2023, 11:20 | |
| - Citation :
- La leçon est beaucoup plus paradoxale et plus profonde, si c'est le même "évangile", la même "bénédiction", le même "bien", qui se traduit simultanément pour les uns par l'abaissement et l'humiliation et pour les autres par l'élévation et la glorification, et que les uns et les autres doivent s'en réjouir ensemble...
Merci de rappeler cette idée profonde. Je trouve que cette pensée, aussi belle soit-elle, est irréaliste et utopique. Un extrait que nous avions déjà cité qui traite du "pauvre" et du "riche" dans l'épître de Jacques :En fait, Jc 2,1 s’insère dans un contexte très cohérent, dont tous les détails précisent la signification et soulignent la portée théologique d’un raisonnement rigoureusement établi : 2 1 Mes frères, ne trouvez pas dans des masques la preuve de la gloire accordée par notre Seigneur Jésus-Christ. 2 En effet, si un homme entre dans votre assemblée, avec bague d’or et un habit rutilant et si entre aussi un pauvre couvert de hardes, 3 si vous contemplez celui qui porte le costume rutilant et dites : « Toi, assieds-toi ici confortablement » et si au pauvre vous dites : « Toi, reste là-bas debout ou assieds-toi sous mon marchepied », 4 en vous-même, n’est-il pas vrai que vous doutez quand vous discriminez en jugeant d’après les critères d’une logique douteuse ? 5 Écoutez mes frères bien-aimés, Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres dans ce monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume promis à ceux qui L’aiment ? 6 Or, vous, vous méprisez le pauvre. Ne subissez-vous pas là la tyrannie des riches ? Ne sont-ce pas eux qui vous traînent en jugement ? 7 Ne sont ce pas eux qui blasphèment le beau Nom invoqué sur vous ? L’auteur met en garde les destinataires de son épître contre l’idée que les « signes extérieurs de richesse » affichés par un individu, c’est-à-dire son apparence sociale, seraient un signe de faveur divine. Tout le vocabulaire qui se rapporte à la théâtralité des comportements (le mot προσωπολημψία suggérant l’image des masques de théâtre, l’évocation des costumes et des accessoires représentant la richesse) indique l’idée d’une tromperie, d’une duperie, qui s’exerce d’ailleurs aussi vis-à-vis de soi-même (cf. 1,26 : ἀπατῶν καρδίαν αὐτοῦ). La superficialité en question s’interpose alors comme un écran et gêne la perception de la δόξα véritable. Prétendant à la légitimité, cette superficialité se présente comme une réalité significative et comme « preuve » (πίστιν, 2,1) d’une élection. L’Épître de Jacques invite alors ses lecteurs à dépasser ce registre des apparences et elle propose à cette fin un autre modèle et une voie pour l’atteindre. Fondamentalement, elle oppose à la réputation que les hommes se fabriquent eux-mêmes une δόξα singulière, la gloire paradoxale de la pauvreté, telle qu’elle est garantie par l’exemple et l’autorité du Christ 6. Mais l’argument opposé aux riches qui se convainquent eux-mêmes de leur faveur auprès de Dieu par les marques de leur réussite sociale demeurerait obscur s’il n’était pas commenté dans la suite du texte. Précisément, le verset 2,5 reprend la substance de quelques-unes des béatitudes formulées dans le Sermon sur la Montagne 7. De fait, l’Épître de Jacques annonce solennellement un enseignement par excellence, avec cette formule qui résonne comme l’avertissement lancé dans la tradition juive au peuple des croyants : « Écoute, Israël » (Dt 6,3 LXX : ἄκουσον, Ἰσραήλ), devenu ici : « Écoutez, mes frères bien-aimés » (ἀκούσατε, ἀδελφοί μου ἀγαπητοί). Et l’unique phrase qui délivre le message fondamental est constituée par un réseau très dense de notions qui représentent autant d’allusions faites aux expressions marquantes de la prédication de Jésus telle qu’elle est condensée dans le Sermon sur la Montagne : élection (ὁθεὸς ἐξελέξατο, cf. Mt 5,13 et 14 : « C’est vous qui êtes… »), pauvreté (τοὺς πτωχοὺς τῷ κόσμῳ, cf. Mt 5,3), richesse, (πλουσίους ἐν πίστει, cf. Mt 6,19-23), héritage (καὶ κληρονόμους, cf. Mt 5,5), Royaume des cieux (τῆς βασιλείας, cf. Mt 5,3.10.19.20 ; 6,10.33 ; 7,21), promesse (ἧς ἐπηγγείλατο τοῖς ἀγαπῶσιν αὐτόν, cf. Mt 5,12). Son fonctionnement logique est construit, de même, sur le modèle des renversements paradoxaux caractéristiques du Sermon sur la Montagne, avec notamment l’identification de la pauvreté aux yeux du monde comme richesse devant Dieu. Le texte de l’épître conteste alors une image des élus qui transposerait dans l’ordre du Royaume des cieux les catégories de la hiérarchie sociale dont se réclament les partisans d’une vie religieuse fondée sur une reconnaissance publique (cf. Mt 6,1-18). L’auteur de l’Épître de Jacques définit ainsi le sens qu’il donne à la notion de gloire, à la suite du Christ. Il campe donc en filigrane la silhouette d’un Christ enseignant qui n’est pas sans se rapprocher de celui du Sermon sur la Montagne. Il rappelle aussi les axes fondamentaux de son message. La référence au Christ devient ainsi essentielle dans l’épître, de multiples manières. Elle sous-tend le propos. https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2010_num_90_3_1495Les pauvres sont valorisés, voire même exaltés :"Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment"Jacques 2, 5
Dernière édition par free le Ven 17 Mai 2024, 13:59, édité 2 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Ven 18 Aoû 2023, 12:17 | |
| Sur cet article, voir ici 30.9.2021, où un certain nombre d'affirmations de ce passage, notamment sur les "masques", ont été amplement discutées (je n'y reviens donc pas). Est-ce "irréaliste et utopique" ? Dans un sens, cela rejoint une question très "pratique", "éthique" et "politique", qui est aussi vieille que le monde: si la "justice" paraît d'un côté liée à l'"équité" ou à l'"égalité", il semble a priori juste de traiter tout le monde également, de la même manière, sans "faire de différence", comme on dit; et pourtant il n'y a rien de plus injuste que de traiter également des inégaux, des riches et des pauvres, des forts et des faibles, etc. D'où la nécessité inépuisable de correctifs à l'égalité en vue de l'égalité même, d'injustices pour la justice: de l'impôt "progressif" qui ne demande pas la même somme aux riches et aux pauvres, pas même la même proportion de leur revenu, aux "discriminations positives" en tout genre... Dans le cadre qui nous intéresse, "Jacques" répond à un paulinisme qui est "égalitaire" en ce sens qu'il propose le même "salut", la même "justification", la même "glorification" pour tout le monde, indépendamment des critères de sexe ou de genre (hommes ou femmes), d'ethnicité ou d'origine (juifs ou autres), de statut social (libres ou esclaves) et économique (riche ou pauvre)*. Mais cela se traduit dans les "églises" par une suprématie concrète des riches, dont les "maisons" accueillent les assemblées et qui sont de fait les "patrons" ou protecteurs de la communauté dans le cadre quasi ou para-juridique du "clientélisme" gréco-romain. C'est contre ça que "Jacques" s'élève en pointant le traitement, discriminatoire de fait, du riche et du pauvre, et en proposant un "évangile" non plus égalitaire mais différencié dans la forme. Ce n'est pas seulement théorique ou théologique mais pratique: selon lui "l'Eglise" devrait plutôt être un "laboratoire social", comme on disait naguère, qui ne réplique pas les valeurs du "monde" mais représente effectivement une "humiliation" pour les riches et une "élévation" pour les pauvres... ce qui est probablement très irréaliste et utopique en effet, mais précisément parce que ça se veut réel, pratique, concret, effectif: cela peut toujours se produire ponctuellement, marginalement, provisoirement, dans de petites communautés pendant un certain temps, mais ce n'est ni durable ni généralisable dans la perspective d'une "grande Eglise" appelée à englober une vaste société et à (se) survivre de siècle en siècle. Pour moi qui me suis peu intéressé à la "politique", et encore moins aux aspects "sociaux" et "communautaires" de la "religion", j'en retiens surtout une sorte d'herméneutique existentielle, une lecture ou une interprétation de la "vie" ou du "destin": il faut (aussi) que ça descende, qu'il y ait de la chute, du déclin, de la décadence, de la déchéance, de la dégradation, de la décrépitude, comme aussi bien "ça monte" ailleurs. Les deux mouvements sont liés et solidaires, ils sont au fond le même, bien que ça ne se réduise pas à des relations de causalité ou de finalité (ça monte là parce que ça descend ici, ça descend ici pour que ça monte là). Dans la mesure où ça n'est pas récupéré par quelque "logique", utilitaire par exemple, ça reste de la "grâce". --- * Pour rappel, le "premier paulinisme", celui de la correspondance corinthienne, présentait bien une certaine différenciation, sur le mode du "nous" / "vous", "les apôtres" (au sens paulinien) / les destinataires, les chrétiens en général: nous mourons pour que vous viviez, nous souffrons pour que vous vous réjouissiez, nous sommes humiliés pour que vous soyez glorifiés -- prolongement du mystère christique pour autant qu'il était lui-même interprété dans un sens utilitaire: il est mort, il a souffert pour vous, pour quelqu'un et pour quelque chose. Mais cette différence ne jouait pas entre les destinataires, les chrétiens en général, et elle s'effacerait dès qu'il n'y aurait plus d'"apôtres"; de fait elle disparaît dans les épîtres suivantes, notamment Romains où le "nous" et le "vous" deviennent équivalents, le mystère, le jugement et le salut étant désormais les mêmes indifféremment pour tous. De même, de ce qui pouvait passer pour une hiérarchie des récompenses concernant les "apôtres" (Paul, Apollos, Céphas) en 1 Corinthiens 3, il ne sera plus question ensuite. |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Mar 16 Juil 2024, 14:48 | |
| La spiritualité et la pastorale du pauvre dans l’Épître de Jacques
L’Épître de Jacques est bien connue pour ses enseignements imagés et toujours pratiques. La question de la pauvreté (et de la richesse) est traitée dans l’ensemble de la lettre. Qu’est-ce qui a amené Jacques à évoquer si longuement ces sujets ? Quel message voulait-il faire passer à ses destinataires, eux-mêmes globalement pauvres ? Quelle spiritualité voulait-il communiquer ? Quel soin pastoral désirait-il prodiguer ? Ce sont ces questions que nous poserons à ce texte. Les réponses autoriseront certaines pistes d’applications pastorales pour nos Églises d’aujourd’hui.
Introduction
Les questions liées à la pauvreté et à la richesse sont clairement centrales dans l’Épître de Jacques, même s’il faut bien reconnaître que l’auteur en parle de façon étonnante, voire dérangeante. Dès le début de sa lettre, il propose un contraste très fort entre les deux :
Que le frère de basse condition mette sa fierté dans son élévation, et le riche, au contraire, dans son abaissement, car il passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente ; il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée et la beauté de son aspect a disparu. Ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises (Jacques 1.9-11).
Plus loin, Jacques avance également que Dieu “a choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour les rendre riches en foi et héritiers du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment” (Jacques 2.5) ; et il interpelle les riches en leur disant : “Pleurez à grand bruit sur les malheurs qui vous attendent !” (Jacques 5.1).
Comment comprendre ces textes ? Ceux-ci ne reflètent-ils pas des préjugés trop positifs vis-à-vis des pauvres, et inversement trop négatifs à l’égard des riches ? Les riches seraient-ils à ce point hors de portée de la grâce divine ? Ces questions méritent d’être posées, tant certains théologiens n’ont pas hésité à s’appuyer sur cette Épître pour avancer que Dieu avait une préférence pour les pauvres (les théologiens de la libération parlent de “l’option divine préférentielle pour les pauvres 1”). D’autres ont même argumenté que l’Épître de Jacques n’envisageait pas que l’on puisse être à la fois riche et chrétien 2. À première vue, il serait effectivement tentant de donner raison à ces interprétations. Il est vrai, par exemple, que dans cette Épître le terme “pauvres” est pratiquement synonyme de “chrétiens”3. Pourtant, une lecture attentive révèle une vision plus nuancée, sinon complexe, de la perspective théologique et pastorale de Jacques sur ces questions.
B- Jacques face aux circonstances de ses destinataires
Que se passait-il chez les destinataires de Jacques pour qu’il évoque si fréquemment les questions de pauvreté et de richesse ? Quelles pouvaient être les épreuves qu’ils enduraient ?
En rassemblant les indices laissés ici et là dans l’Épître, il semblerait que les destinataires de cette Épître vivaient effectivement des temps de (grande) pauvreté et d’oppression. Par exemple, Jacques 5.1-6 montre que certains riches propriétaires terriens étaient malhonnêtes à leur égard et qu’ils les opprimaient, notamment en ne les payant pas :
À vous maintenant, les riches : pleurez, hurlez à cause des misères qui viennent sur vous ! Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont mités, votre or et votre argent sont rouillés ; leur rouille sera pour vous un témoignage, elle dévorera votre chair comme un feu. Dans les derniers jours, vous avez amassé des trésors ! Il crie, le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs ; et les clameurs des moissonneurs seront parvenues jusqu’aux oreilles du Seigneur Sabaoth. Vous avez vécu sur la terre dans le confort et le luxe. Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste ; il ne vous résiste pas.
À travers ces accusations très sévères à l’égard des riches propriétaires terriens (assez semblables aux reproches que l’on retrouve chez certains prophètes vétérotestamentaires), nous découvrons que ceux-ci étaient prêts à tout pour s’enrichir et que les “justes” (verset 6, les chrétiens à qui Jacques s’adresse) pâtissaient grandement de cette situation.
Jacques identifie donc clairement la communauté à laquelle il s’adresse, aux pauvres et aux opprimés. Par contre, les riches (plousioi) sont dans sa lettre les persécuteurs de l’Église. Ils y sont mentionnés explicitement à trois reprises :
• Dans la diatribe citée ci-dessus, • Dans le retournement de situation de 1.10-11 évoqué en introduction (le pauvre est appelé à mettre sa fierté dans son élévation ; le riche, lui, va “périr”, desséché comme une fleur au soleil), • En 2.6-7, où Jacques rappelle que les riches oppriment les chrétiens en les traînant devant les tribunaux et en calomniant le beau nom de Christ.
Ces riches-là ne sont pas des chrétiens mais des ennemis de l’Église, toujours mis en opposition aux membres de la communauté et voués selon lui à la destruction. Dans Jacques, il semble donc que nous retrouvions le fort contraste, émanant de la tradition et des Écritures juives, entre riches/oppresseurs d’une part, et pauvres/chrétiens d’autre part.
Pourtant, les choses se complexifient quelque peu dans cette Épître. Il apparaît, par exemple, que la communauté destinataire pouvait avoir en son sein des personnes plus ou moins aisées (des “businessmen” – e.g. 4.13-17 – qui faisaient des projets financiers en y omettant Dieu). Tous, donc, ne se trouvaient pas dans une extrême pauvreté et tous n’étaient as “sans domicile fixe”. La communauté chrétienne est ainsi encouragée à donner, à mettre en pratique sa foi, pour de plus pauvres qu’elle. En 2.14-17, nous lisons, par exemple, ce texte bien connu :
Mes frères, à quoi servirait-il que quelqu’un dise avoir de la foi, s’il n'a pas d'œuvres ? La foi pourrait-elle le sauver ? Si un frère ou une sœur n’avaient pas de quoi se vêtir et manquaient de la nourriture de chaque jour, et que l’un de vous leur dise : “Allez en paix, tenez-vous au chaud et mangez à votre faim !” sans leur donner ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela servirait-il ? Il en est ainsi de la foi : si elle n’a pas d’œuvres, elle est morte en elle-même.
C’est à partir du constat que Jacques s’adresse à une communauté globalement pauvre, sans pour autant que tous ses membres soient “déshérités”, qu’il devient vraiment intéressant pour nous. Nous nous rendons compte que ces destinataires chrétiens, identifiés à des pauvres et des opprimés, pouvaient eux aussi agir en “riches”, c’est-à-dire en oppresseurs, en non-chrétiens. C’est ce qui se passe dans un autre texte bien connu (2.1-7), et c’est ce qui provoque une critique acerbe de Jacques : Mes frères, ne mêlez pas de partialité à la foi de notre Seigneur glorieux, Jésus-Christ. Supposons en effet qu’il entre dans votre assemblée un homme avec un anneau d’or et des habits resplendissants, et qu’il y entre aussi un pauvre avec des habits sales ; si, pleins d’attention pour celui qui porte les habits resplendissants, vous lui dites : “Toi, assieds-toi ici à cette place d’honneur !” tandis que vous dites au pauvre : “Toi, tiens-toi debout là-bas !” ou bien : “Assieds-toi au bas de mon marchepied !”, ne faites-vous pas en vous-mêmes une discrimination, et n’êtes-vous pas des juges aux raisonnements mauvais ? Écoutez, mes frères bien-aimés : Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres, du point de vue du monde, pour qu’ils soient riches de foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? Et vous, vous avez déshonoré le pauvre ! Pourtant, ce sont bien les riches qui vous oppriment et qui vous traînent devant les tribunaux, n'est-ce pas ? N’est-ce pas eux qui calomnient le beau nom qui est invoqué sur vous ?
Jacques accuse clairement ces chrétiens de se comporter comme des riches. Cette communauté majoritairement composée de pauvres et elle-même persécutée, contenait en son sein des persécuteurs de plus pauvres qu’eux, des hypocrites serviles envers leurs “supérieurs” qu’ils flattaient sans vergogne.
https://www.academia.edu/33522827/_La_spiritualit%C3%A9_et_la_pastorale_du_pauvre_dans_l%C3%89p%C3%AEtre_de_Jacques_Cahiers_de_l%C3%89cole_Pastorale_93_2014_p_25_38 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Mar 16 Juil 2024, 15:34 | |
| (Je vois que Farelly enseigne le NT à Vaux-sur-Seine, et je mesure le dénivelé depuis Bénétreau; la descente était certes déjà bien entamée avec Buchhold, et j'ai sans doute raté des marches intermédiaires... Je ne l'ai croisé qu'une fois, et il m'a laissé l'étrange impression, peut-être injuste et partagée -- l'un n'empêche pas l'autre -- d'une sottise mémorable, que ne dément pas vraiment cet article.)
Tout l'intérêt d'un critère littéralement et exclusivement socio-économique, dans sa simplicité ou son simplisme mêmes (riches / pauvres, possédants / possédés ou non-possédants, capital / travail et non-travail, donc aussi "assistés" le cas échéant: le "pauvre", ptôkhos, c'est d'abord le mendiant), c'est justement qu'il traverse la communauté (dedans) tout autant qu'il la distingue des autres (dehors). "Le monde" est dedans dès lors que là aussi il y a des riches et des pauvres, les uns estimés et les autres méprisés. Ce critère qu'on peut dire "matérialiste", voire "marxiste" depuis Marx (cf. déjà Matthieu, là où est ton trésor, là sera ton coeur, et non l'inverse), se rappelle d'ailleurs avec force hors de toute "religion", par exemple quand une "gauche" le mêle, sous prétexte d'"intersectionnalité", à toute sorte de causes morales ou "sociétales": en défendant inconditionnellement des catégories comme les femmes, les homosexuels, les transgenres, les minorités ethniques ou religieuses, on oublie que parmi ceux-là aussi il y a des riches et des pauvres, des forts et des faibles, des oppresseurs et des opprimés. A s'appeler, s'auto-nommer et s'auto-définir formellement, conventionnellement, "pauvres", une "communauté" qui de fait inclut aussi des "riches", et dépend économiquement de ces derniers (c'était déjà le cas à Qoumrân, ça l'est encore dans les "Eglises" chrétiennes, et spécialement pauliniennes, qui n'existent que dans et par les "maisons" des riches, "patrons" au sens romain), on retire aux mots leur sens propre, littéral, obvie, et aux phrases, y compris "prophétiques" ou "politiques", leur portée. |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Mer 17 Juil 2024, 12:50 | |
| Le propos de pauvreté et l'exigence évangélique J.-M.R. TILLARD (op)
On ne doit pas, par ailleurs, être dupe des mots. Et pour le jeune notable fortuné et pour les missionnaires envoyés, c'est plus d'appauvrissement volontaire que de pauvreté qu'il s'agit. Il arrive que, faute de le voir, on confonde tout. Tablant sur le danger des richesses, les récits évangéliques que nous avons scrutés ne soulignent pas la grandeur en soi de la pauvreté mais — ce qui relève d'un tout autre registre — la tension entre Royaume et biens, donc la nécessité pour le disciple de ne pas se laisser enlacer dans les rets de la possession. Impossible de mettre la main sur « le trésor qui est dans les cieux », impossible d'annoncer l'événement du Royaume en faisant corps avec lui, si le cœur est gavé du désir des biens terrestres ou empêtré dans ses bagages. La promesse à Pierre et à ses compagnons (Mt 79,28-29; Me 70,29-30; Le 18,29-30) s'articule non sur le fait qu'ils sont pauvres mais sur leur geste de tout laisser. Sans verser dans les concordismes faciles, il est essentiel de rapprocher ces textes de ce que disent du mouvement qu'ils décèlent au cœur du mystère de Jésus le vieil hymne que retransmet la lettre aux Philippiens (Ph 2,6-11) et Paul (dans sa seconde épître aux Corinthiens) : « il s'est dépouillé prenant la condition du serviteur », « de riche qu'il était il s'est [ait pauvre » (2 Co 8, 9).
En ce sens, l'attitude que Jésus exige dans l'appel à « le suivre » devient un paradigme du comportement chrétien. C'est probablement dans cette perspective qu'il faut comprendre la façon dont Matthieu transmet les Béatitudes (Mt 5. 1-12) 10. Alors, on le sait, que pour Luc — qui semble plus proche de leur teneur originale — Jésus adresse ces paroles à des pauvres réels, hommes accablés de peine, nécessiteux manquant du nécessaire, victimes de la haine ayant des larmes dans les yeux 41, Matthieu met dans la bouche du Maître des paroles sapientielles. La disposition spirituelle, surtout, l'intéresse. Pour lui, les pauvres visés sont les « pauvres en esprit » (5, 3) ou « de cœur » 42, les persécutés sont les « persécutés pour la justice» (5, 10) et ceux qu'on calomnie à cause de Jésus (5, 11). L'accent n'est plus sur une situation objective mais sur une attitude intérieure. Sous la locution grecque ptôchos signifiant « n'ayant rien » — comme le mendiant manquant du nécessaire et blotti dans la honte de sa misère — on fait passer le sens sémite de 'ânâw, 'àni indiquant l'infériorité sociale 43, mais en l'ouvrant sur sa signification religieuse. Et ainsi le pauvre devient l'humble devant Dieu. Ici perce le courant vétéro-testamentaire des « pauvres de Yahvé », clients de Dieu auxquels s'oppose moins l'état social que l'attitude des impies persécuteurs. Héritière de maintes allusions des Psaumes canoniques et des Psaumes de Salomon, la littérature de Qumran, elle aussi, parlait des « pauvres en esprit » (anwei,'aniyyei, rûah) dans un sens où la dimension mystique de la pauvreté prend un tel relief que les conditionnements matériels perdent de l'importance45. La situation extérieure « devient l'image d'une disposition intérieure » 46. Elle renvoie à la pauvreté du coeur, dont l'attitude « sans défense » des anawim est le symbole. Alors :
La pauvreté spirituelle peut donc être appelée humilité, mais non celle qui porte à se faire tout petit, comptant pour rien, illustrée par l'image d'une plante qui, au lieu de s'élever bien haut, ne dépasserait pas le sol ; l'image ici serait plutôt celle du roseau qui ploie sous la pression du vent : le pauvre en esprit supporte tout avec une douce patience 47.
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La dépossession « à cause du Royaume » a donc un lien étroit avec l'entrée dans l'espérance messianique, celle des pauvres. Pourquoi ? Parce qu'elle traduit en réalités existentielles le mouvement profond du mystère de Jésus. Paul développe cet argument pour inciter les Corinthiens à la générosité envers d'autres églises (2 Co 5,9). Librement, leur dit-il, sondez et éprouvez la vérité de votre amour : « vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ qui, pour vous, de riche qu'il était, s'est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté ». Ce mouvement est celui que décrit l'hymne de la lettre aux Philippiens, mouvement du Serviteur et de sa kénose ". En Jésus, le don intégral de la personne et de l'existence fleurit dans cette générosité qu'est le Royaume dont il est le Seigneur ; chez les chrétiens, le don intégral s'exprime d'abord dans la koinônia, où les biens de chacun — biens matériels et biens spirituels — sont donnés à tous, puis dans la communion aux efforts des pauvres pour sortir du cercle de leur misère.
https://www.nrt.be/en/articles/le-propos-de-pauvrete-et-l-exigence-evangelique-1062 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Mer 17 Juil 2024, 13:39 | |
| Cet article déjà ancien (1978), déterminé par un débat essentiellement catholique ("pauvreté" pour tous ou pour certains, clercs et/ou ordres religieux, monacaux et autres) qui détermine à son tour des stratégies herméneutiques spécifiques (commandement ou conseil, littéral ou "spirituel", etc.), s'intéresse fort peu à l'épître de Jacques (seulement mentionnée note 55 si je ne m'abuse): c'est assez logique puisque celle-ci (l'épître de Jacques) ne prescrit la pauvreté à personne, mais aborde le rapport effectif entre riches et pauvres, aussi et surtout DANS l'"Eglise" (Eglise post-paulinienne, dont l'économie repose précisément sur le clientélisme romain, les plus ou moins riches "patrons" accueillant l'assemblée dans leur "maison" -- oikos, oikia, d'où "éco-nomie" -- et lui donnant par la même occasion un statut quasi juridique d'extension familiale: "clientèle" dans le prolongement de la "maisonnée" incluant les esclaves, les affranchis et autres "obligés" du paterfamilias); rapport de surcroît traité sur un mode agonistique (lutte des classes) plutôt qu'irénique, comme dans les "tables domestiques" deutéro-pauliniennes (rapport maître / esclaves dans la foulée de mari / femme et parents / enfants, Colossiens-Ephésiens: bienveillance et soumission).
Il faudrait par ailleurs distinguer entre et dans les traditions évangéliques, notamment selon le point de vue de l'auteur / rédacteur / compilateur / narrateur / locuteur / lecteur / auditeur: on ne parle pas des riches et des pauvres de la même manière selon qu'on est soi-même riche ou pauvre, dans un milieu riche ou pauvre; les mêmes énoncés peuvent s'entendre très différemment: la façon dont Luc-Actes "idéalise" les pauvres et la pauvreté, notamment, est typique d'un milieu plutôt aisé, et toujours de nature à ravir la moyenne et la haute bourgeoisie, faute d'aristocratie -- ce n'est pas forcément le cas de Matthieu, et encore moins des logia pris séparément (y compris dans Luc).
D'un point de vue utilitaire, économique et social, l'appauvrissement des riches n'arrange en rien le sort des pauvres -- je repense toujours à ce propos à Sainte Jeanne des Abattoirs, de Brecht, où tous les espoirs placés dans le patron sympathique aux ouvriers s'effondrent dès lors que celui-ci se fait pauvre et ouvrier comme les autres... Autrement dit, les "pauvres" eux-mêmes sont tout au plus accessoires au processus d'appauvrissement par lequel un riche cherche à se défaire de sa richesse (dépossession, dépouillement, etc.); voire instrumentalisés par celui-ci.
[Pour l'anecdote autobiographique, ce qui m'a rendu sensible à cette problématique autant qu'au texte de Jacques, bien avant que j'en lise des commentaires de plus en plus fins (du Dunlap anonyme de la Watch à Vouga p. ex., ou à Theissen pour l'analyse sociologique du christianisme primitif), c'est que vers l'âge de 15-16 ans je suis passé, sans transition, des cours d'économie du lycée dispensés par un prof intelligent, marxiste critique, à la "communauté jéhoviste" de la (grande) maison de mon père, où se tenait un discours "spirituel" et égalitaire, du genre "nous sommes tous frères et soeurs", et où s'éprouvaient quotidiennement les rapports patrons / domestiques. Où je me suis retrouvé spontanément, et joyeusement, traître aux "miens" et à "ma classe". Cela donnait du contexte, si anachronique, fortuit et dérisoire fût-il.] |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Jeu 18 Juil 2024, 11:32 | |
| Éthique et communauté dans l’Épître de Jacques. Réflexions sur son Sitz im Leben [article] Gerd Theissen
II - L’épître de Jacques face à l’oikos, et la critique des riches à l'intérieur de la communauté
L’épître de Jacques ne vise pas des communautés se percevant comme «maison de Dieu ». La communauté implicite de cette épître vivait probablement dans des maisons et en famille, avec une éthique familiale positive qui semblait aller de soi, mais l’auteur de l’ épître n’y attache pas d’importance.
Et pourtant, il existe un passage qui pourrait évoquer la «maison » de manière détournée, mais justement pas dans le sens d’un modèle d’organisation de la communauté. Je pense à la scène des v. 2/ Iss qui a suscité beaucoup de questions. Un homme riche entre dans l’assemblée. Or Jacques sait que, selon la tradition antique, l’entrée d’hommes riches dans la communauté en fait les patrons de la communauté, et fait des communautés la clientèle de ces patrons. De tels patrons ne sont rien d’autre que des maîtres de maison fortunés. Jacques s’élève avec véhémence contre leur influence en disant que personne ne doit être favorisé ni défavorisé. Le mendiant en haillons doit être aussi bien accepté dans la communauté que le riche. La critique de la richesse dans Jacques a donc probablement la même fonction que celle qu’on lui a donnée ailleurs, elle constitue un contrepoids «moral » contre l’énorme influence des riches. Elle permet que les postes dirigeants ne passent pas automatiquement entre les mains des membres fortunés, mais qu’ils soient distribués selon des critères «spirituels » (W. Countryman)18.
Il s’agit maintenant de nuancer la critique de la richesse dans l’épître de Jacques19. Elle concerne deux groupes de riches différents : les riches qui se trouvent à l’intérieur de la communauté et ceux de l’extérieur 20. Les premiers sont visés dans les v. 1/9-11 et 4/13-17. Dans les deux passages, on rencontre des mots semblables : Après Jc 1/1 1, «le riche, dans ses entreprises (en fois poreias) flétrira ». Après Je 4/13, les commerçants disent : «Nous ferons du commerce (emporeusomethà) ». C’est vraisemblablement le même groupe qui est visé dans ces deux passages. En outre, on les exhorte à l’humilité dans les deux passages. En 1/1Os, ils ne doivent pas se croire supérieurs du fait de leur statut élevé. En 4/1 3ss, ils ne doivent pas se fier à leurs projets. Dans les deux passages, on montre des images relatives au caractère passager des choses. Ils sont comme l’herbe qui se dessèche (1/11) et la vapeur qui disparaît (4 : 14). Et ceci est, bien sûr, valable pour tous les hommes. Ce n’est pas le caractère passager de la richesse qui est évoqué ici, mais celui de l’homme.
Ni ici ni ailleurs, les riches ne sont censés faire confiance à leur richesse, on les met en garde contre la confiance qu’ils mettent en leur efficacité personnelle en affaires.
Nous avons sans conteste un exemple de cette mise en garde dans les v. 4/1 3ss. Nous y apprenons que les riches (qui ne sont pas appelés «riches » ici) font des projets qui dépassent largement le cercle local et le proche avenir. «Aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ville, nous y passerons un an, nous ferons du commerce, nous gagnerons de l’argent. » De la nature de leur commerce et de leurs projets, nous pouvons déduire qu’ils possèdent une certaine richesse. Mais le problème n’est pas tant la fierté qu’ils tirent de cette richesse que la confiance qu’ils mettent dans l’efficacité de leurs projets et de leur succès en affaires. On comprend qu’il s’agit de chrétiens à cause du changement d’attitude qui leur est proposé. Ils doivent subordonner leurs projets à une condition : «Si le Seigneur le veut bien, nous vivrons et ferons ceci ou cela » (4/15). Par ailleurs, on leur demande de faire le bien. Ils peu¬ vent être réceptifs à l’éthique de la communauté. Répétons que, dans les v. 4/13-17, ils ne sont pas appelés «riches » expressis verbis. La lamentation qui suit en 5/1 et où les riches sont mentionnés expressément ne doit donc pas les concerner.
La confiance en sa propre valeur et son efficacité, c’est manifestement aussi le grand problème abordé en Je l/9ss, mais plutôt de manière indirecte. Alors que, dans 1/5-8, il est question d’une force qui permet de garder le cap dans la pire des tempêtes et d’agir de manière autonome (dans la foi complétée par la sagesse), 1/9-11 compare le caractère passager de l’homme au dessèchement de l’herbe dans la fournaise estivale et affirme que ceci n’est pas modifiable, malgré tout ce que peut faire «le riche dans ses entreprises » (plousios en tais poreias autou, 1/11). Le riche de 1/9-11 n’est donc pas tant caractérisé par sa richesse que par ses entreprises. A lui aussi, on recommande la bonne attitude, il doit «tirer fierté » de son déclassement. Ce mot clé «tirer fierté » (kauxasthai ), nous le trouvons en 1/9 et en 4/16.
Dans les deux passages, on vise des hommes qui ont réussi grâce à leur zèle et leur travail et qui peuvent se vanter de leur efficacité. Pourtant, il ne s’agit pas des membres de la classe supérieure traditionnelle (W. Popkes)21, car, pour les élites traditionnelles, le genre de richesse convoitée (souvent un héritage), c’est la propriété foncière (comme chez les riches en 5/1 ss). Les affaires concernaient donc d’autres personnes22. Les riches de la communauté sont probablement des gens qui profitent de la possibilité croissante, mais limitée, de déplacement dans l’Empire romain pour s’enrichir en faisant des affaires. C’est contre ce zèle déployé pour gravir les échelons de la société que mettent en garde les v. 4/1 ss : «Vous convoitez et ne possédez pas ! 23 »
Il y avait donc, dans la communauté de Jacques, des hommes riches. Ces riches sont critiqués, non pour leurs richesses, mais pour la confiance qu’ils mettent dans leur propre efficacité. La scène en 2/1 ss décrit, sous forme condensée, les problèmes qui peuvent surgir si de telles personnes entrent dans la communauté : celle-ci court le risque de leur accorder d’emblée la préséance, et donc de devenir la clientèle de ces riches. Dès lors, on peut lire la scène décrite en 2/1 ss comme une critique du système des patrons de maisons fortunées. Ce ne sont pas eux qui accordent les bienfaits, mais en dernier ressort, c’est Dieu qui donne tous les «cadeaux parfaits ». «Tout don de valeur et tout cadeau parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (1/17). Et de manière analogue à la sagesse «d’en haut » qui fait face à la sagesse terrestre (3/13), Dieu pourrait ici aussi être présenté comme le bienfaiteur suprême, secrètement opposé à tous les autres bienfaiteurs terrestres.
Lire aussi : III - Le rapport de l’Épître de Jacques à l’état et la critique des riches qui se trouvent à l’extérieur de la communauté
https://www.persee.fr/doc/ether_0014-2239_2002_num_77_2_3684 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Jeu 18 Juil 2024, 14:02 | |
| Belle prise ! Theissen est en effet un de ceux qui ont le plus renouvelé, par son approche sociologique, l'étude du NT et l'histoire des christianismes primitifs depuis un demi-siècle -- disciplines où par ailleurs on a beaucoup radoté pendant la même période.
Sans trop revenir sur ce qui a été dit ailleurs (p. ex. ici et là), je rappellerais que si l'épître de Jacques critique le fonctionnement des Eglises post-pauliniennes, en route vers la "grande Eglise", telles qu'en témoignent diversement les deutéro-pauliniennes, Colossiens-Ephésiens, 1 Pierre, les Pastorales ou les Actes, elle répond aussi formellement, de façon à la fois pertinente et impertinente, aux énoncés de l'épître aux Romains, l'oeuvre majeure du grand Apôtre... D'autre part je serais peut-être plus proche de Vouga que de Theissen en soulignant que le rôle des "enseignants" (instructeurs, docteurs) est traité de façon critique, au prétexte d'un exposé sapiential sur les risques de la "langue" (chap. 3). Comme par hasard les "riches" chrétiens sont aussi les plus instruits, les plus éloquents, de sorte que la fonction d'enseignant valorisée par le modèle paulinien finit presque toujours par leur incomber aussi: le bon maître de maison est aussi le bon enseignant, ça tombe bien, c'est justement le schéma des Pastorales qui tend à identifier l'épiscope-évêque-surveillant au patron; et la "grande Eglise" (catholique et orthodoxe) ne sortira de ce modèle familial, domestique et privé que quand elle deviendra trop grande pour tenir dans des "maisons", même de très riches, et qu'il lui faudra construire ses propres bâtiments (églises) -- toujours avec le soutien des riches -- ou utiliser ceux de l'empire (basiliques): mais elle n'échappera (partiellement) à l'autorité privée des "riches" que pour se retrouver sous celle de l'empire et de l'Etat, jusqu'à ce que ceux-ci se confondent avec "l'Eglise".
Plus directement en rapport avec le présent sujet, je suggérerais qu'il y a un rapport direct entre "l'humiliation des riches", comme partie intégrante de l'évangile, et l'ambivalence du "dedans / dehors": du point de vue de l'auteur, les "riches-dedans" ne sont jamais vraiment "dedans", par leur richesse même ils ont partie liée avec les "riches-dehors" oppresseurs, exploiteurs, éventuellement persécuteurs et assassins au moins par complicité. En un mot, avec "le monde". |
| | | free
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| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Jeu 18 Juil 2024, 14:42 | |
| Amour du prochain et égalité. Jc 2/1-13 : Un moment fort de l'éthique chrétienne primitive Gerd Theissen
1 - L’exhortation à l’impartialité
Le mot partialité est un mot clé que l’on trouve deux fois en Je 2,1-13, une fois sous forme de substantif : prosôpolêmpsia (2/1), une fois sous forme verbale : prosôpolêmptein (2/9). Les deux formes ne sont guère attestées que dans le langage chrétien10. Le pluriel prosôpolêmpsiai1' et le verbe prosôpolêmptein se trouvent uniquement dans le langage néotestamentaire chez Jacques. Alors que, dans le reste du Nouveau Testament, le substantif singulier prosôpolêmpsia n’est appliqué qu’au juge divin, il est transposé, dans l’Épître de Jacques, aux jugements humains l2. Toutes les attestations du Nouveau Testament dépendent de la tournure prosôpolêmpsian lambanein, qu’on trouve fréquemment dans la LXX.
Être impartial et éviter la prosôpolêmpsia, c’est ce qu’on exige du juge. Celui-ci ne doit pas favoriser les personnes qui jouissent d’une grande considération et sont socialement supérieures par rapport aux personnes de faible niveau social. Déjà dans la Loi de Sainteté cette exigence est formulée dans le contexte immédiat du commandement d’amour du prochain : «Vous ne commettrez pas d’injustice dans le jugement. Tu n’auras pas égard à la personne du pauvre, et tu n’honoreras pas la personne du riche (ou lêmpsei prosôpon ptôxou oude thaumasei prosôpon dunastou ), tu jugeras ton prochain avec justice ! » (Lv 19/15 LXX). Ces exhortations concernant la procé¬ dure judiciaire (Lv 19/15-16) sont suivies d’exhortations concernant la bonne entente sociale qui débordent le cadre judiciaire : il s’agit de renoncer à la haine et à la vengeance, et d’aimer son prochain (Lv 19/18). La procédure judiciaire impartiale garantit un minimum de vie collective en limitant les conflits, en cas de querelle. Mais l’amour du prochain fournit en plus un cadre optimal pour la vie commune, en dépit des querelles potentielles suscitées par la haine et la rancœur. Le contexte porte donc au citoyen qui, dans un procès, jouit des mêmes droits que son adversaire.
****
Le commandement d’égalité est introduit en Je 2/1, dans la première exhortation. Nous y rencontrons le terme de «partialité » sous forme de substantif : «Mes frères, ne mêlez pas des cas de partialité à votre foi en notre glorieux Seigneur Jésus-Christ ». Suit un exemple de partialité : un homme riche et haut placé entre dans l’assemblée et reçoit un traitement de faveur tandis qu’un pauvre (sans doute un mendiant) est humilié parce qu’il doit lui céder sa place. Par cette exhortation initiale en Je 2/1, l’auteur fait part de son opinion : avec un tel favoritisme des personnages de haut rang, on renie le «Seigneur de gloire », car devant lui, toutes les différences sociales s’effacent16. Par la sentence qui suit en Je 2/5, on est censé comprendre qu’en humiliant les pauvres on renie Dieu, lui qui a élu les pauvres et en a fait les héritiers de son royaume, autrement dit, lui qui leur a conféré un statut élevé. L’humiliation des pauvres et la préférence donnée au riche sont en contradiction avec la foi, qui ne connaît qu’un Seigneur de gloire et par qui tous les croyants sont riches, indépendamment de leur statut social. Notons que, dans les deux contextes, on emploie le terme de «foi », la foi en notre Seigneur de gloire dans l’introduction (2/1), et la richesse en foi dans la sentence qui suit (2/5).
2 - L'exhortation à la miséricorde (2/12-17)
Alors que le commandement d’amour mentionné en Je 2/8 est interprété en 2/ 1ss comme commandement d’égalité vis-à-vis de ceux qui ont un statut social élevé, en 2/12ss, il devient commandement de miséricorde vis-à-vis de ceux qui sont inférieurs dans l’échelle sociale. Cette interprétation de l’amour comme miséricorde ne contredit-elle pas la conception égalitaire de l’amour du prochain ? Car la miséricorde suppose toujours une inégalité fondamentale puisque celui qui peut aider l’autre lui est supérieur du fait même de sa situation.
Jacques part d’une situation d’inégalité, cela ne fait aucun doute. Il y a des chrétiens qui n’ont pas de quoi se vêtir ni de quoi manger et il faut leur venir en aide. Mais cette relation asymétrique n’est pour Jacques que le point de départ de ses réflexions. Son but, c’est en fait d’instaurer une plus grande égalité. Lorsqu’il parle de ceux qui sont dans le besoin, il les appelle expressément «frères et sœurs » (2/15), leur conférant ainsi fondamentalement un statut d’égalité. Ceci est d’autant plus frappant que les destinataires de l’aide étaient auparavant les «orphelins et les veuves », autrement dit les personae miserae par excellence, les groupes socialement faibles (1/27). En 2/15, les lecteurs et les auditeurs sont certes appelés à penser aux veuves et aux orphelins, mais ils doivent bien prêter attention à ce qui est dit, car ces nécessiteux sont maintenant sciemment rangés dans une catégorie qui accentue leur égalité sociale : ce sont «des frères et des sœurs ».
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Ainsi le commandement d’égalité de Je 2 devrait d’emblée viser deux objectifs. Dès le premier chapitre, nous voyons que le frère de condition modeste doit se glorifier de son élévation et le riche de son abaissement (Je l/9s). Il s’agit là d’une sorte de nivellement des statuts. De la même manière, en 2/ Iss, on voit apparaître aussi bien le riche que le mendiant. La mise en garde contre l’acception de personne concerne ceux qui sont en haut et ceux qui sont en bas de l’échelle sociale. Ainsi, en Je 2/lss, le riche qui est en position élevée se trouve au premier plan, mais en 2/1 2ss, c’est le comportement vis-à-vis du membre de la communauté pauvre qui est critiqué. La miséricorde (eleos ) triomphant du jugement (de Dieu) (2/13) vise donc à instaurer une plus grande égalité dans la communauté. Néanmoins, il ne s’agit pas de la miséricorde de Dieu qui surmonte sa colère lors du jugement, mais de la miséricorde mentionnée auparavant, c’est-à-dire celle que l’homme pratique. Et c’est la «loi de liberté » (2/12) qui a conféré à la miséricorde cette importance qui surpasse tout lors du jugement. Or, si les chrétiens sont jugés selon la «loi de liberté », mais que la miséricorde triomphe lors du jugement, il est d’autant plus important de chercher à savoir ce qu’est la loi royale de liberté.
III - amour du prochain et universalité dans l’Épître de Jacques
2 - L’exemple en Jc 2/2-4
Pour conclure, voici un dernier argument valable pour le riche comme pour le pauvre. Jacques s’adresse en 2/2-4 à la communauté à la 2e personne du pluriel -et associe donc chaque fois la communauté au riche comme au pauvre : «Vous lui dites (au riche) : Assieds-toi à cette bonne place ! Et au pauvre vous dites : Toi, tiens-toi debout ! ou : Assieds-toi là-bas, au pied de mon escabeau ! » (Je 2/3). Ici, la communauté dans son ensemble est mise en rapport avec le riche et le pauvre, ce qui suppose implicitement qu’elle-même ne fait partie ni des riches ni des pauvres. De tout cela découle, à mon avis ce qui suit : le riche et le pauvre présentés dans l’exemple ne le sont pas en tant que chrétiens, mais en tant que païens qui sont arrivés dans l’assemblée. Ce sont des membres potentiels qui viennent à l’assemblée de la communauté. Jacques met en garde ceux qui seraient tentés de flatter les nouveaux arrivants riches et d’humilier les pauvres qui souhaitent devenir chrétiens18. Si ces personnes extérieures servent d’exemple pour le commandement d’égalité et le commandement d’amour qui lui est étroitement associé, cela signifie que le commandement d’amour dans l’Épître de Jacques n’est pas limité à l’espace interne de la communauté, malgré son caractère égali¬ taire. Bien sûr, son universalité n’est pas formulée de manière explicite, mais elle n’est pas restreinte non plus19.
IV - La compréhension du changement de position et de l'humilité dans l'Épître de Jacques
Je rappelle le problème de départ : amour du prochain et humilité, compris comme renoncement au statut, vont de pair. L’amour du prochain signifie aimer l’autre «comme soi-même ». Comme l’autre occupe toujours un statut supérieur ou inférieur et qu’une rencontre à niveau égal est rare, l’amour du prochain implique qu’on relativise aussi bien le statut élevé que le statut inférieur. Le personnage supérieur doit descendre au niveau de l’inférieur, et l’inférieur doit être élevé pour atteindre le statut du supérieur. A ce moment-là seulement, l’autre est véritablement aimé «comme soi-même ». Ceci est plus facile à mettre en pratique au sein de petits groupes d’égaux. Un petit groupe dont la cohésion provient d’intenses convictions religieuses peut relativiser les différences de statut social en son sein, de manière à atteindre un comportement basé sur la réciprocité entre pairs. Mais dès que les frontières de ce petit groupe sont franchies, celui-ci se trouve confronté, lui aussi, à des personnages nettement supérieurs ou inférieurs. L’amour gagne alors en universalité, mais perd en égalité.
https://www.persee.fr/doc/ether_0014-2239_2001_num_76_3_3648 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La bonne nouvelle prêchée aux riches Jeu 18 Juil 2024, 16:16 | |
| Autre article stimulant. Les notions d'"égalité" et d'"universalité" ne me semblent guère adéquates, non seulement parce que sous cette forme "abstraite" et "conceptuelle" elles sont anachroniques mais aussi parce qu'elles paraissent plus "pauliniennes" que "jacobites" (j'avais écrit "jacobines": les échos fortuits de ces adjectifs renvoyant directement ou indirectement à "Jacques", Jacob-Ya`qov-Iakôbos, dans l'histoire de la Révolution française, pour un club-parti précisément "égalitaire" et "universaliste", ne sont pas non plus sans intérêt: entre-temps les Jacobins c'étaient les dominicains, ordre mendiant...). C'est "Paul" qui parle (parfois) d'"égalité" ou d'"égalisation" (p. ex. à propos de la collecte, que le surplus des uns comble le manque des autres, 2 Corinthiens 8,13s), et beaucoup plus souvent de "tout" et de "tous" ( pas, pan, panta, pantes, passim). "Jacques" pour sa part n'efface jamais les différences, il les re-marque au contraire, il les souligne, il y insiste, surtout entre "riches" et "pauvres", il ne rêve pas de les abolir: il y en aura toujours, il faudra encore et encore que les uns descendent et que les autres montent, même le type d'"évangile" ou de "salut" qui s'adresse aux uns et aux autres ne sera jamais le même, quand ce serait au fond le même. Le mouvement produit par la différence et l'inégalité ne s'arrêtera jamais sur une égalité définitive, sinon dans une "eschatologie" qui reste un horizon, qui ne sera jamais un présent ni un passé. C'est tout l'intérêt à mes yeux de la formule de 1,9ss, d'être dynamique et de ne jamais se stabiliser ou se neutraliser dans un équilibre statique (balance, bilan). Sur la question de la "partialité / impartialité", qu'il ne faut pas se hâter de confondre avec une "in / égalité", voir ici 30.9.2021. |
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