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| Le livre de Daniel est-il authentique? | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Dim 17 Jan 2010, 19:48 | |
| Sérieusement, pour donner un avis intelligent sur un tel sujet il faudrait avoir pratiqué intensivement l'ensemble du corpus araméen (dont l'araméen biblique ne constitue qu'une infime partie, contrairement à l'hébreu biblique qui fournit l'essentiel du corpus de l'hébreu classique) -- ce qui n'est pas mon cas. Quand on est "généraliste" on fait confiance aux spécialistes, ou de la langue (comme Margain, qui a aussi été le "référent araméen" de la NBS) ou du livre en question (comme Collins, qui a examiné l'ensemble de la littérature spécialisée sur Daniel). Une petite remarque tout de même sur la dernière phrase de la première citation: "A moins bien sûr que l’auteur ait volontairement imité un araméen plus ancien pour donner une touche d’ancienneté à son ouvrage." Sans me prononcer sur l'évolution stylistique de l'araméen qui dépasse mes compétences, je tiens à dire que l'hypothèse de l'archaïsme délibéré (que l'auteur de la citation semble invoquer ab absurdo, comme pour mettre les rieurs de son côté) est loin d'être invraisemblable en principe, surtout dans un texte qui se donne ostensiblement un contexte narratif précis, non seulement chronologique mais politico-social (langage "officiel" de la cour perse). Il y a dans le corpus hébreu de nombreux exemples de ce procédé (Genèse 14 est un cas classique). En règle générale, un texte artificiellement archaïque se distingue d'un texte réellement ancien par son incohérence: l'auteur peut adopter un style désuet jusqu'à un certain point, mais ici et là il trahit forcément son époque véritable. Or c'est bien ce style hétéroclite (qui comporte des éléments de l'époque perse ET hellénistique) qui caractérise l'ensemble de Daniel. Une réflexion encore plus générale pour finir: je me demande si les fondamentalistes n'ont pas, au fond, raison quand ils reprochent aux exégètes critiques de dépendre d'un présupposé rationaliste qui exclut le "miracle" (en l'occurrence la "prophétie" annonçant dans le détail des événements plusieurs siècles à l'avance). Mais peut-être ne poussent-ils pas le raisonnement assez loin. Car si l'on présuppose la possibilité du "miracle" alors TOUT devient possible, donc également plausible: il n'y a plus aucun critère valable pour juger de la probabilité ou de l'improbabilité relatives d'une thèse. En l'espèce: tout le monde est d'accord pour dire que l'essentiel de Daniel 11 suit le cours de l'histoire jusque vers 164 av. J.-C., après quoi il perd le fil des événements de cette époque. Avec le "présupposé rationaliste", c'est une raison amplement suffisante pour dater le texte, que les autres éléments (linguistiques, p. ex.) peuvent corroborer mais en aucun cas infirmer. Sans ce présupposé, absolument tout est possible, et quel que soit le nombre d'indices qu'on pourra présenter en faveur d'une rédaction au IIe siècle ils ne seront jamais probants. Si Dieu peut raconter l'histoire politique à l'avance, il peut aussi le faire dans un état futur de la langue, et ainsi de suite: d'ailleurs Daniel ne comprend pas ce qu'il écrit, n'est-ce pas? Alors pourquoi faire semblant de discuter "rationnellement" de la probabilité de tel ou tel hellénisme au VIe siècle quand on a d'avance renoncé à toute mesure de probabilité? |
| | | Sherlock
Nombre de messages : 442 Age : 56 Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 02:24 | |
| Merci d'avoir mis en lumière cette réflexion. Pour poursuivre sur cette idée, une idée préconçue est que la science refuse le miracle. Ce qui est faux au niveau épistémologique car la science accepte d'être réfutée et le miracle est une hypothèse. Peut-on en dire autant des fondamentalistes ? Seulement en l'absence de "miracle", c'est le rasoir d'Occam qui s'applique.
Bertin & les fondamentalistes, croient en l'authenticité du livre de Daniel non pas suite à l'aboutissement d'un raisonnement, mais comme axiome. Le livre dit vrai, et si les faits semblent le contredire, ce sont les faits qu'il faut rejeter, pas le livre. Leur technique est une entreprise de démolition de chaque preuve par tous les raisonnements rhétoriques possibles (jamais de preuves, juste des citations d'autorités fondamentalistes) sans jamais, expliquer comment et pourquoi le rédacteur de Daniel écrit son livre.
On notera au passage qu'il y a une impossibilité de prendre le livre seul, séparé du reste du corpus biblique, appliquant donc le raisonnement circulaire (Jésus parle de Daniel, je crois en Jésus, donc Daniel est vrai) Que les livres qui sont les plus débattus (Isaïe & Daniel) ont un intérêt avant tout messianique car ils "prouvent" les prophéties envers leur dieu Jésus. On ne les voit pas beaucoup se battre pour le livre d'Osée ou de Jonas...(Cherchez l'erreur)
Ce qui est incroyable avec Bertin, c'est qu'il utilise l'argument des centaines de milliers de tablettes découvertes en Mésopotamie qui prouvent pour certaines la date de 587 au lieu de 607, mais que d'un seul coup il devient amnésique au sujet de ces tablettes qui prouvent par un poids écrasant l'absence totale d'un Darius le Mède. Plutôt que d'accepter l'explication que nous avons affaire à un synathroisme fait par le rédacteur de Daniel, de Darius Ier le Perse avec la conquête de Babylone par les Mèdes prophétisées en Isaïe 13,17; 21,2 & Jérémie 51,11 & 28 (encore 2 prophéties ratées car ce sont les Perses qui conquérirent Babylone par 2 fois. En 539 avec Cyrus & en en 522 par Darius), le fondamentaliste clame :
"absence de preuve, n'est pas preuve d'absence".
C'est peut-être vrai, en partie. Mais avec ce raisonnement, je peux tout aussi bien clamer que les Romains connaissaient le chemin de fer. Peu importe les milliers de preuves contraires, je pourrai toujours avancer que l'on a pas trouvé encore mais que c'est toujours possible.... |
| | | Sherlock
Nombre de messages : 442 Age : 56 Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 02:45 | |
| Pour en revenir à l'Araméen, Collins se refère à Driver (+ évidement les découvertes récentes), qui, ô chance, est lisible sur 2 pages à ce sujet sur google books :
http://books.google.fr/books?id=Law4AAAAIAAJ&printsec=frontcover&dq=daniel+driver&lr=&cd=3#v=onepage&q=aramaic&f=false
Allez page 59 (LIX) et suivantes pour en lire plus. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 14:26 | |
| - Citation :
- une idée préconçue est que la science refuse le miracle. Ce qui est faux au niveau épistémologique car la science accepte d'être réfutée et le miracle est une hypothèse.
Je n'en suis pas sûr: la science pourrait constater un fait considéré a priori comme miraculeux mais non pas l'analyser a posteriori comme tel. Le miracle ne fait pas partie des catégories scientifiques, la méthode scientifique se définit au contraire à partir de son exclusion. Quand tu écris "la science accepte d'être réfutée" tu veux sans doute dire "toute théorie scientifique accepte d'être réfutée", et non "la démarche scientifique accepte d'être réfutée en tant que telle". Or c'est cela que produirait l'acceptation du principe du miracle. Introduire celui-ci dans le raisonnement scientifique, c'est inclure la tricherie dans les règles du jeu, donc détruire ipso facto la notion même de règles du jeu, ou du moins restreindre celles-ci en droit et en fait au bon vouloir des tricheurs. La seule possibilité d'un rationalisme restreint dans ce cas de figure consiste à décider dogmatiquement ou arbitrairement qu'il y a des zones où le(s) tricheur(s) ne triche(nt) pas. Et parce que l'exclusion du miracle dans ce sens est un postulat et non une conclusion de la science, il n'est pas question de la prouver scientifiquement. Je préférerais pour ma part demander aux partisans du "surnaturel" s'ils ont pris la mesure de ce qu'implique la croyance qu'ils affichent. Dans le cas qui nous intéresse, croire qu'il est possible à quelqu'un (fût-il Dieu) de savoir des siècles à l'avance un avenir qui met en jeu d'innombrables acteurs et un enchevêtrement exponentiel de causes et de conséquences, c'est faire voler en éclats toute notre perception de la réalité - à commencer par le hasard et la liberté que nous faisons intervenir quotidiennement dans notre lecture des événements naturels ou historiques. Un tel imaginaire est-il habitable, pour ceux-là mêmes qui l'affirment? Ne l'affirment-ils pas plutôt qu'à condition de ne pas le penser? |
| | | Sherlock
Nombre de messages : 442 Age : 56 Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 17:32 | |
| Tu as raison, il était tard. Par contre, j'ai beau relire tes deux dernières questions, je ne comprends pas. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 18:12 | |
| Sous une forme un peu plus imagée: Pouvons-nous nous comprendre nous-mêmes, et les autres, comme les personnages d'un film déjà tourné*? Et quand je dis "pouvons-nous", je ne demande pas si c'est concevable dans l'absolu (ça l'est), mais si c'est une conception de soi et du monde viable et subjectivement supportable (c'est ce que j'appelais un imaginaire habitable).
* S'il faut mettre les points sur les i: n'est-ce pas ce qu'implique strictement l'idée d'un avenir prédictible au-delà des conséquences immédiates du présent? Je n'entre même pas ici dans l'idée TdJ d'une prescience partielle, qui est une absurdité parce que dans la réalité tous les acteurs et les événements se tiennent... pour pouvoir annoncer des siècles à l'avance un Antiochus profanant le temple à telle date, ou un Messie retranché à telle autre date (selon les différentes interprétations de Daniel sur le marché), il faudrait contrôler un nombre incalculable d'événements. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 18 Jan 2010, 18:16 | |
| Le livre de Daniel met en scène les défis qu'ont eu à relever les juifs dispersées et la difficullté identitaires de la vie en diaspora. L'auteur(s) du livre de Daniel situe l'action des héros à l'époque des rois babyloniens utilisant un procédé classique qui évite d'affronter explicitement et directement la culture dominante. (Ainsi lorsque l'apocalypse de Jean parle de la grande Babylone elle désigne Rome) Dans la fiction du livre de Daniel, la réponse des héros ne va pas consister à refuser de s'intégrer au système éducatif auquel ils sont soumis, mais à préserver certaines spécificités. C'est ainsi que Daniel refuse les portions de nourritures royales et le vin destinés aux élèves. « Daniel prit à coeur de ne pas se souiller avec le menu du roi et le vin de sa boisson. Il fit une requête au prévôt du personnel pour n'avoir pas à se souiller » (Dan 1, . Or, à l'époque hellénistique puis romaine, les pratiques de table n'étaient pas sans enjeux socio-politiques puisqu'elles jouaient un rôle central dans la vie publique. Dès lors, la question de la participation aux repas des cités dans lesquelles ils étaient installés a engendré un large débat au sein du judaïsme. En effet, le refus de participer aux repas officiels aboutissait de facto à la mise à l'écart de la vie publique. Dès lors, de nombreux Juifs participaient aux repas des cités en se posant parfois la question de savoir à quelles conditions il était possible de le faire, alors que d'autres refusaient tout compromis sur les questions alimentaires et renonçaient à la commensalité avec les non Juifs. C'est ainsi qu'à l'époque du conflit judéo-hellénistique d'Antiochus IV, la participation aux repas de la Jérusalem hellénisée est perçue par le deuxième livre des Maccabées comme incompatible avec la culture et les pratiques religieuses judéennes. Le récit de 2 Mac 6 - 7 souligne le caractère «païen» de ces repas tout en rappelant qu'ils sont liés à des pratiques citoyennes (cf. 6,7). Voir Daniel R. SCHWARTZ, 2 Maccabees « Commentaries on early Jewish literature », Berlin New York, Walter de Gruyter, 2008.Dans ce débat, les auteurs du livre de Daniel prennent une position plutôt stricte puisqu'ils prônent l'abstinence d'une partie de la nourriture qu'offrent les institutions de l'état. On relèvera cependant que, dans le contexte d'une vie dans un milieu dominé par une culture étrangère, le texte ne met pas sur les lèvres de Daniel l'exigence de disposer d'aliments préparés conformément aux rites juifs. Ainsi, la préservation de la pureté ne passe pas, pour Daniel et ses amis, par la mise en place de pratiques et de rites alimentaires distincts, mais par une alimentation végétarienne leur permettant de partager, d'une manière qui ne contrevient pas aux usages juifs, les biens alimentaires fournis par des païens. http://www.unige.ch/theologie/macchi/en-preparation/identite-diaspora-macchi.pdf La datation à l'époque hellénistique de la rédaction finale du livre de Daniel fait l'objet d'un large consensus. (Voir John J. COLLINS et Peter W. FLINT, The Book of Daniel. Composition and Reception (2 vols) (VT.S 83/1-2), Leiden, Brill, 2001 et Jacques VERMEYLEN, « Daniel » dans Introduction à l'Ancien Testament. Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan (éds), Genève, Labor et Fides, 2004, p. 573-582). En effet, les derniers événements historiques auxquels font allusions les visions décrites aux chapitres 7-12 (sp. ch. 11) de l'oeuvre doivent être situés à l'époque d'Antiochus IV Epiphane 164 av notre ère, lorsque ce roi hellénistique dédia à Zeus le Temple de Jérusalem. Le noyau des chapitres 1-6 remonte probablement à une période un peu antérieure.
Dernière édition par free le Mer 27 Avr 2022, 15:08, édité 3 fois |
| | | Sherlock
Nombre de messages : 442 Age : 56 Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 19 Jan 2010, 12:57 | |
| @ Spermologos : la réponse à tes questions par les fondamentalistes est que Dieu est capable de tout...(sauf apparemment d'empêcher la mort de dizaines de milliers de personnes en Haïti...)
@ Merci Free. Le refus de la nourriture des babyloniens est trop strict pour correspondre à la Loi entre les animaux purs et impurs. D'ailleurs, à ce sujet, le consensus est que les interdictions alimentaires furent compilés après l'exil. Difficile d'imaginer un jeune Daniel de la famille royale et ses amis refuser de manger de la nourriture sur la base d'une Loi postérieure.
Le chapitre 3 a une autre bizarrerie. En effet, il est écrit : Le roi Nebucadnetsar fit une statue d'or, haute de soixante coudées et large de six coudées. Il la dressa dans la vallée de Dura, dans la province de Babylone.
Si vous vous souvenez, le livre édité par la Watchtower nous présente une grande statue imposante. Je ne l'avais jamais remarqué jusqu'à présent, mais quelqu'un peut-il m'expliquer comment on peut faire une statue avec seulement 2 dimensions ? On a la hauteur, la largeur, mais la profondeur/longueur ??? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 29 Avr 2010, 21:26 | |
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Bonjour à tous,
En visitant ce fourm je suis tombé sur ce fil sur lequel on évoque mon dossier sur Daniel. Je souhaite y apporter quelques remarques.
Sherlock a écrit ceci :
- Citation :
- Bertin & les fondamentalistes, croient en l'authenticité du livre de Daniel non pas suite à l'aboutissement d'un raisonnement, mais comme axiome. Le livre dit vrai, et si les faits semblent le contredire, ce sont les faits qu'il faut rejeter, pas le livre. Leur technique est une entreprise de démolition de chaque preuve par tous les raisonnements rhétoriques possibles (jamais de preuves, juste des citations d'autorités fondamentalistes) sans jamais, expliquer comment et pourquoi le rédacteur de Daniel écrit son livre.
Contrairement à ce qu’il affirme, ma conclusion est nuancée et je ne me prononce pas sur l’authenticité des prophéties de ce livre. J’essaie simplement de présenter les faits de manière objective et sincèrement, je pense que l’on ne peut rien prouver ni dans un sens ni dans l’autre. On trouvera peut être ça et là des traces de subjectivité parce que c’est un dossier qui vit depuis des années mais je pense avoir éliminé la plupart d’entre elles.
Spermologos a écrit :
- Citation :
- Une petite remarque tout de même sur la dernière phrase de la première citation: "A moins bien sûr que l’auteur ait volontairement imité un araméen plus ancien pour donner une touche d’ancienneté à son ouvrage." Sans me prononcer sur l'évolution stylistique de l'araméen qui dépasse mes compétences, je tiens à dire que l'hypothèse de l'archaïsme délibéré (que l'auteur de la citation semble invoquer ab absurdo, comme pour mettre les rieurs de son côté)…
Ma remarque est très sérieuse contrairement à l’impression que tu as pu avoir. Si l’on se met dans la peau d’un contrefacteur du IIe siècle cette méthode s’impose à mon avis. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 29 Avr 2010, 22:52 | |
| Bonjour Emmanuel, Je réponds brièvement à ce qui me concerne, car tu ne sembles pas avoir saisi le sens de ma remarque. Je ne mettais nullement en cause ton sérieux, mais la fonction rhétorique de la phrase que j'ai citée dans l'ensemble de ton argumentation, telles que je les ai l'une et l'autre comprises. Il m'a semblé en effet -- à tort ou à raison -- que l'hypothèse d'un archaïsme délibéré de la part de l'auteur de Daniel jouait dans ton raisonnement un rôle d'épouvantail ou de repoussoir, comme s'il allait de soi qu'un tel procédé était implausible sinon impossible. Sans me prononcer sur le style particulier de l'araméen de Daniel faute du recul nécessaire (je n'ai pas pratiqué assez d'araméen non biblique pour ça), je tenais à préciser que l'hypothèse de l'archaïsme délibéré, en soi, n'a rien d'invraisemblable, et qu'elle est au contraire fort probable dans un certain nombre de textes bibliques, avec ou sans le motif particulier de la pseudépigraphie (relire mon post). Autrement dit: s'il était avéré que l'araméen de Daniel présente certains traits stylistiques de l'araméen de l'époque perse, il faudrait en effet envisager très sérieusement la possibilité qu'un auteur de l'époque hellénistique l'ait fait exprès; on ne peut pas se débarrasser d'une telle hypothèse en une seule phrase comme si elle se réfutait toute seule. (Cela dit pour clarification, car je n'ai pas l'intention de poursuivre le débat. Il y a assez de commentaires sur Daniel pour que chacun puisse faire ses recherches et se forger une opinion le cas échéant.) |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 29 Avr 2010, 23:18 | |
| Au contraire, j’ai très bien compris et je te confirme simplement que ma remarque n’était pas "ab absurdo" contrairement à l’impression que tu as pu avoir. Je souhaitais plutôt tempérer le jugement orienté d’Archer qui manifestement ne tenait pas compte de cette éventualité fort plausible à nos yeux. Comme ma formulation peut prêter à confusion je reformulerais à l'occasion. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 30 Avr 2010, 00:27 | |
| C'est tout bon. |
| | | seb
Nombre de messages : 1510 Age : 51 Date d'inscription : 05/01/2010
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 30 Avr 2010, 10:23 | |
| Bonjour Emmanuel, Je profite de ta présence ici pour te demander si tu es en accord avec mon résumé sur le sujet qui se trouve sous: http://site.voila.fr/seb361/daniel.html . Nous avions discutés de la plupart des arguments ensemble, mais suite à la discussion sur ce forum j'avais un peu remanié mon texte. J'apprécierais grandement que tu me donnes ton avis éclairé. Sébastien _________________ Si ton but est la croyance, ne parle qu'avec ceux qui la partagent. Si ton but est la connaissance, parle avec tout le monde! http://ex-temoinsdejehovah.org/
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| | | Sherlock
Nombre de messages : 442 Age : 56 Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 30 Avr 2010, 13:19 | |
| En parlant de livres sur le sujet, je me suis procuré Le Livre de Daniel par M.DELCOR aux éditions Gabalda.
Il date de 1971 mais c'est un ouvrage de plus de 290 pages qui est très précis et qui a l'avantage d'être très complet. Mathias DELCOR étudie en fait la date la plus plausible de chaque chapitre du livre.
Une critique par Koenig avec 2 précisions utiles : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1973_num_183_2_9988 |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 22 Fév 2022, 17:21 | |
| 9,26 : "Après les soixante-deux semaines, un homme ayant reçu l'onction sera retranché, et il n'aura personne pour lui. Le peuple d'un chef qui vient détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera dans un déferlement ; jusqu'à la fin de la guerre des dévastations sont décidées"
Ce texte annonce la destruction future de la ville de Jérusalem et de son temple, ce qui pourrait permettre de spéculer sur l'année 70.
Notes : Daniel 9:26 un homme ayant reçu l’onction (ou un oint, un messie) sera retranché : il s’agit peut-être de l’assassinat du grand prêtre (voir v. 25n) Onias III en 170 av. J.-C. – il n’aura personne pour lui : litt. il n’y a pas pour lui, phrase obscure qu’une version grecque (Théodotion) explique en ajoutant de jugement ou de faute. Cf. 2 Maccabées 4.34 : « Il (le substitut d’Antiochos) le mit à mort (Onias) sur-le-champ, sans égard pour la justice. » – ville / sanctuaire : cf. v. 17s ; 7.25 ; 8.11-13. – dans un déferlement ou dans une inondation, texte obscur ; cf. 11.10,22,40 ; Na 1.8. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 22 Fév 2022, 17:48 | |
| On retrouve ici ce qu'on a constaté encore plus nettement au chapitre 11, à partir du v. 40: au point où le texte passe de la "fausse vraie prophétie" ( vaticinium ex eventu, histoire déguisée en prédiction plus ou moins codée, mais décodable et exacte dans la mesure où les auteurs connaissent l'histoire de référence) à la "vraie fausse prophétie" (dont on sait, paradoxalement, qu'elle est une authentique prédiction du futur, parce qu'elle ne s'est pas "accomplie"), il perd toute correspondance "historique" avec les événements; mais c'est justement par là qu'il a le plus d' avenir, puisque l'ensemble conservé (voire canonisé) va se prêter à toutes les réinterprétations et en susciter de nouvelles de siècle en siècle. Ça n'a pas manqué pour Daniel, du côté juif comme du côté chrétien (cf. notamment les Synoptiques): tout ce qui n'avait pas été "réalisé" à l'époque des Maccabées pouvait (voire devait) s'appliquer à la suite de l'histoire judéenne, hellénistique et hasmonéenne puis hérodienne et romaine, jusqu'aux guerres judéo-romaines des Ier et IIe s. apr. J.-C. (et bien sûr au-delà, même plus de deux millénaires après, mais de plus en plus loin du contexte historique, géographique, linguistique et culturel originel). Ainsi la prise de Jérusalem et la destruction du temple en 70 paraissaient tout naturellement aux contemporains, pharisiens (comme Josèphe) ou (proto-)chrétiens par exemple, un "accomplissement" de Daniel (surtout de ses craintes les plus sombres, exprimées de façon vague puisque l'issue de la crise maccabéenne n'était pas encore connue), alors que l'empire romain était tout à fait hors du champ de vision historique ou même "prospectif" des rédacteurs de Daniel au IIe s. av. J.-C. Sur Daniel 9 comme réinterprétation (déjà) des "70 ans" de Jérémie (70 x 7), voir ici |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mer 23 Fév 2022, 12:01 | |
| Merci Narkissos pour cette réponse vraiment éclairante.
(9,25): Sache-le donc et comprends ! Depuis qu'a été émise la parole disant de rétablir, de rebâtir Jérusalem, jusqu'à un chef ayant reçu l'onction, il y a sept semaines ; pendant soixante-deux semaines, places et fossés seront rétablis, rebâtis, mais en des temps d'angoisse.
Notes : Daniel 9:25 :
émise : cf. v. 22ns. – Cyrus est présenté comme l’homme qui a reçu l’onction de YHWH en Es 44.26–45.1n, son édit autorisant la reconstruction de Jérusalem se situe en 538 av. J.-C., soit 49 ans (sept semaines d’années) après la destruction de la ville en 587/6. Certains identifient le chef ayant reçu l’onction (cf. Ps 2.2n) à Josué, le grand prêtre du retour d’exil (Ag 1.1,14 ; Za 3.1ss ; cf. Ex 29.7 ; Za 4.14). Une interprétation ancienne additionne les sept semaines aux soixante-deux (483 ans) et part de la reconstruction des murailles de Jérusalem sous Artaxerxès Ier (vers 456 av. J.-C.) pour arriver à l’époque de Jésus-Christ. – pendant (litt. et) soixante-deux semaines : cf. Es 15.3 ; Jr 5.1 ; Pr 1.20 ; 7.12. Si les soixante-deux semaines débutent avec la reconstruction vers la fin du VIe s. av. J.-C., elles conduisent approximativement à l’époque d’Antiochos, le roi persécuteur. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mer 23 Fév 2022, 12:44 | |
| Je ne saurais trop recommander le recours au dernier lien indiqué dans le post précédent (sur "les 70 ans de Jérémie", mais il suffit d'y chercher "Daniel" pour retrouver tout ce qui se rapporte à Daniel 9; pour rappel, la relation entre les "70 semaines" et les "70 ans" est clairement établie dès le début du chapitre, v. 2: Daniel s'interroge et interroge Dieu sur la signification des 70 ans de Jérémie et reçoit en réponse à sa prière la révélation des 70 semaines).
Il faut d'autre part se souvenir que les notes de la NBS sont conditionnées à une (âpre) négociation, tenant compte de points de vue (évangéliques, pentecôtistes, adventistes) attachés à une interprétation "messianique" ou "christologique" de Daniel 9 (qui devait donc aboutir au moins à l'empire romain): d'un point de vue "critique" en revanche, le livre n'"annonce" strictement rien au-delà du IIe s. avant J.-C., sinon précisément et pour cette époque-là (la sienne) un "horizon" eschatologique absolu (temps de la fin, fin de l'histoire, résurrection, jugement dernier, règne-royaume éternel de Dieu).
Mais si ce cadre général est assez clair, les détails le sont beaucoup moins et on peut hésiter sur l'interprétation à chaque phrase. Par exemple pour "l'oint-messie" du v. 25, Cyrus ou le grand prêtre du retour d'exil, Josué-Jésus ? En tout cas ce n'est pas le même que celui du v. 26 puisque 62 semaines (d'années) les séparent. Dans le texte massorétique, le terme pour "prince" ou "chef" (nagid) semble passer de "l'oint-messie" (v. 25) au destructeur (v. 26), ce qui pourrait favoriser Cyrus au v. 25 (il s'agirait dans les deux cas d'un "roi étranger") -- mais le texte est obscur et probablement lacunaire; la Septante est trop différente pour être d'un quelconque secours, et Théodotion reflète sans doute un texte hébreu déjà corrompu, en outre le "prince" ou "chef" (idem) de l'alliance serait plutôt le grand prêtre Onias en 11,22; avec quelques modifications mineures (cf. BHS ad locum) on pourrait lire en 9,26b "... et la ville et le sanctuaire seront détruits avec le prince (= Onias), et alors viendra la fin" -- et dans ce cas l'"oint" du v. 25 serait plutôt Josué-Jésus (soit le premier grand prêtre après l'exil et le dernier grand prêtre légitime avant la fin de l'histoire, selon la perspective de Daniel). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 24 Fév 2022, 12:48 | |
| 21 Combien d’années s’écoulèrent avant que Jérusalem ne soit vraiment rebâtie ? La restauration de la ville devait s’effectuer “ dans la détresse des temps ” en raison des difficultés que connaîtraient les Juifs entre eux et de l’opposition que leur feraient subir les Samaritains et d’autres. Le travail fut sans doute terminé dans une mesure suffisante vers 406 avant notre ère, soit en l’espace des “ sept semaines ” ou 49 ans ( Daniel 9:25). Suivrait une période de 62 semaines, ou 434 ans. Après cette période, le Messie promis de longue date apparaîtrait. En comptant 483 ans (49 plus 434) à partir de 455 avant notre ère, on arrive à 29 de notre ère. Que se passa-t-il à ce moment-là ? Luc, rédacteur d’un Évangile, répond : “ Dans la quinzième année du règne de Tibère César, alors que Ponce Pilate était gouverneur de Judée, et qu’Hérode était chef de district de Galilée, [...] la déclaration de Dieu vint à Jean le fils de Zekaria dans le désert. Il vint alors dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant un baptême symbole de repentance pour le pardon des péchés. ” À cette époque, “ le peuple était dans l’attente ” du Messie. — Luc 3:1-3, 15. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999030 " Le roi me dit : Au fait, que demandes-tu donc ? Je priai le Dieu du ciel et je répondis au roi : Si cela te semble bon, et si moi, ton serviteur, j'ai ta faveur, envoie-moi en Juda, dans la ville des tombeaux de mes pères, pour que je la rebâtisse. Le roi, auprès duquel la reine était assise, me dit alors : Combien de temps ton voyage durera-t-il et quand seras-tu de retour ? Il plut au roi de me laisser partir, et je lui indiquai une durée. Puis je dis au roi : Si cela te semble bon, ô roi, qu'on me donne des lettres pour les gouverneurs de Transeuphratène, afin qu'ils me laissent passer jusqu'à mon arrivée en Juda, et une lettre pour Asaph, gardien du parc royal, afin qu'il me fournisse du bois de charpente pour les portes de la citadelle, près de la Maison, pour la muraille de la ville et pour la maison où je me rendrai. Le roi me l'accorda, car la bonne main de mon Dieu était sur moi" - (Néh 2,4- . " La muraille fut achevée le vingt-cinquième jour du mois d'Eloul, en cinquante-deux jours" (Néh 6,15). J'essaie de comprendre ... Néhémie n'a pas reconstruit la ville de Jérusalem mais il a procédé à la reconstruction des murailles d'enceinte de Jérusalem même si la demande de Néhémie concerne le fait de rebâtir la ville. Comment la Watch peut-elle affirmer que Jérusalem a été rebâtie en 49 ans par Néhémie Ou ai-je mal compris son raisonnement ??? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 24 Fév 2022, 13:40 | |
| Il n'y a rien à comprendre, parce que le raisonnement est circulaire, son point d'arrivée détermine son point de départ. Du reste son principe, ou plutôt sa pétition de principe, n'est pas une spécialité de la Watch, c'est un trait commun de toutes les interprétations chrétiennes "fondamentalistes" ou "sectaires" qui veulent voir dans le mashiah de Daniel 9 non pas un ou deux "oints" quelconques (à leurs yeux), mais LE "messie" = Jésus-Christ. Or pour arriver à l'époque plus ou moins précisément associée à "Jésus", il n'est plus question de faire débuter la période des "70 semaines" (= 490 ans) de Daniel au même moment que les "70 ans" de Jérémie (c.-à-d. vers le début du VIe s. av. J.-C., sans entrer dans le détail de la datation et de l'interprétation de Jérémie), ni même au "décret de Cyrus" (v. 539), il FAUT les faire débuter à l'époque perse, vers le milieu du Ve siècle (450), sinon ça ne marche pas. DONC on retombe grosso modo sur l'époque attribuée à Néhémie, même s'il faut tricher (sur la "20e année d'Artaxerxès") pour arriver à un calcul plus précis. Mais dans cette perspective, la distinction des sept premières semaines dans le texte de Daniel (correspondant approximativement à l'exil et à la désolation à peu près complète de Jérusalem) ne sert plus à rien et n'a plus aucune correspondance historique ni littéraire. On aboutit à 406 par un simple calcul (455 - 49), mais à cette date on ne trouve aucun "événement" marquant, il faut donc en imaginer un (reconstruction suffisamment achevée, on ne fait pas plus vague). -- Il me semble d'ailleurs que jadis la Watch ne se donnait pas cette peine, elle se contentait d'ajouter les 7 premières "semaines" aux 62 suivantes sans les différencier d'aucune manière, pour sauter tout simplement de - 455 à + 29.
Le plus troublant pour ce genre de théorie ("fondamentaliste" ou "sectaire"), c'est qu'il n'y en ait pas la moindre trace dans le Nouveau Testament (ce qui en soi n'a rien d'étonnant puisque l'ancienne version grecque, avant Théodotion, ne parle même pas d'"oint" mais d'"onction", khrisma et non khristos, dans un texte très différent). Autrement dit, les "premiers chrétiens" n'ont jamais lu Daniel 9 comme "messianique". Ce qui pose quand même une question aux tenants de la théorie: une "prophétie" qui aurait annoncé des siècles à l'avance la date de l'arrivée du "messie", mais n'aurait été "comprise" comme telle que des siècles après ledit "messie", ça aurait servi à quoi ?
Dernière édition par Narkissos le Jeu 24 Fév 2022, 14:22, édité 1 fois |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 24 Fév 2022, 14:17 | |
| Encore un grand merci Narkissos pour cette réponse pertinente.
22 Jean n’était pas le Messie promis. Mais il déclara au sujet de ce qu’il vit lors du baptême de Jésus de Nazareth, à l’automne de l’an 29 de notre ère : “ J’ai vu l’esprit descendre du ciel comme une colombe, et il est demeuré sur lui. Moi non plus je ne le connaissais pas, mais Celui-là même qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘ Quel que soit celui sur qui tu verras l’esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans de l’esprit saint. ’ Et j’ai vu cela, et j’ai témoigné que celui-ci est le Fils de Dieu. ” (Jean 1:32-34). À son baptême, Jésus devint l’Oint, le Messie ou Christ. Peu après, André, un disciple de Jean, rencontra Jésus, qui était oint, puis dit à Simon Pierre : “ Nous avons trouvé le Messie. ” (Jean 1:41). “ Messie le Guide ” apparut donc exactement au moment prévu, à la fin des 69 semaines.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999030
Il me semble que nous ayons déjà analysé cette fameuse date de l’an 29 de notre ère comme année de baptême de Jésus mais je ne retrouve pas le fil ... A moins que mon imagination me joue des tours. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 24 Fév 2022, 14:59 | |
| Les seules dates (synchronismes) sont chez Luc, conformément à la posture (pseudo-)"historienne" de l'ensemble Luc-Actes: en l'occurrence c'est Luc 3,1 qui associe la quinzième année de Tibère (débutant en 27 ou 28 selon les calculs), non au baptême de Jésus, mais au commencement de la "mission baptismale" de Jean. Si l'on s'en tient au texte de Luc, le baptême de Jésus n'est nullement daté, il serait d'autant plus éloigné de la "quinzième année de Tibère" qu'il est situé tout à la fin de l'oeuvre de Jean (v. 21, quand tout le peuple eut été baptisé), après même la mention de son arrestation (v. 19s). Cela répond évidemment à une logique de succession (chronologique, Jean PUIS Jésus), mais ne justifie aucune chronologie précise (l'incroyable précision de la Watch, automne 29, repose sur un échafaudage hétéroclite d'approximations et de suppositions sous-entendues: Jésus a environ 30 ans à son baptême d'après 3,23, on comprend quand même "exactement", l'âge de Jean au début de son "ministère" n'est pas du tout indiqué, on le déduit de l'âge d'entrée en service des prêtres d'après divers textes de l'AT, on infère par ailleurs des chapitres 1--2 un décalage de six mois entre Jean et Jésus, en l'extrapolant subrepticement des naissances à d'autres "événements" ultérieurs, on préfère les équinoxes aux solstices pour éviter Noël et la saint Jean...).
En tout cas le seul rapport au présent fil, c'est qu'il n'y en a aucun: Daniel n'est pas du tout évoqué par Luc à propos de Jésus, et les seules références évangéliques qui y sont faites se rapportent à la chute de Jérusalem (Marc 13//, mention explicite seulement en Matthieu 24,15). |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 24 Fév 2022, 17:22 | |
| - Citation :
- Ce qui pose quand même une question aux tenants de la théorie: une "prophétie" qui aurait annoncé des siècles à l'avance la date de l'arrivée du "messie", mais n'aurait été "comprise" comme telle que des siècles après ledit "messie", ça aurait servi à quoi ?
Question très révélatrice d'un montage/bricolage chronologique. (9,27) : "Il fera avec la multitude une solide alliance d'une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l'offrande" Notes : Daniel 9:27 : il fera cesser le sacrifice 8.11-13. 8,11-13 : "Elle grandit jusqu'au Prince de l'armée : le sacrifice constant lui fut enlevé, et le lieu de son sanctuaire fut rejeté. L'armée fut livrée, en plus du sacrifice constant, à cause de la transgression ; la corne jeta la vérité par terre et réussit dans ses entreprises. J'entendis parler un saint ; et un autre saint dit à celui qui parlait : Jusqu'à quand durera la vision sur le sacrifice constant, sur la transgression dévastatrice, sur le sanctuaire et l'armée livrés et piétinés ?" Notes : Daniel 8:11 : 11.31 ; 12.11. – Prince v. 25+. – sacrifice constant Ex 29.38-46 ; Nb 28.3-6 ; Ez 46.13-15 ; cf. 1 Maccabées 1.54 : « Le roi (Antiochos) construisit l’abomination de la dévastation (un autel à Zeus Olympien) sur l’autel des holocaustes… », mettant ainsi fin aux sacrifices prescrits par la loi ; autre lecture traditionnelle elle lui enleva le sacrifice constant. – Le texte hébreu de la fin du verset et jusqu’au v. 13 est obscur et a donné lieu à des traductions diverses. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 25 Fév 2022, 00:24 | |
| Presque toute notre "information" sur la crise maccabéenne dépend de sources non seulement juives (ou judéennes), mais d'un (ou de plusieurs) "judaïsme(s)" résolument hostile(s) à la politique hellénistique d'Antiochos (que lesdites sources soient grosso modo contemporaines ou plus ou moins éloignées dans le temps, de Daniel à Josèphe en passant par les livres successifs des Maccabées). Ce qui est décrit comme persécution, sacrilège, profanation, interruption du sacrifice, "abomination de la désolation" (par déformation volontaire du nom ou titre de la divinité syro-phénicienne, Baal-Shamem, "seigneur des cieux", prise non sans raison et en bonne part comme un "équivalent" du Yahvé judéen et du Zeus olympien dans la perspective culturelle universaliste -- même pas forcément "syncrétique" -- de l'hellénisme, mais rapporté en mauvaise part à la racine šmm, "désoler, dévaster", par ses adversaires) a aussi eu des partisans juifs, y compris dans l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem; ceux-ci sont évidemment dénoncés comme des renégats ou des traîtres impardonnables dans nos sources, mais ils n'en étaient certainement pas moins sincères et "fidèles" de leur propre point de vue, jugeant que leur tradition particulière et leur peuple avaient tout à gagner d'une ouverture à la culture "mondiale" de l'époque. En ce qui concerne le sacrifice, un culte qui ne correspondait plus aux critères des anti-hellénistes équivalait pour ces derniers à une interruption du culte, voire à un sacrilège, mais cela pouvait être regardé très différemment par d'autres, les positions et les oppositions ne pouvant que se durcir les unes contre les autres. La chose ne s'est d'ailleurs pas arrêtée là puisque le "rétablissement du culte" au terme de la révolte maccabéenne, et la dynastie sacerdotale des hasmonéens qui s'en est suivie, ont aussi été dénoncés comme illégitimes et abominables par d'autres factions sacerdotales (cf. les textes "sectaires" de Qoumrân, pour lesquels le culte du temple de Jérusalem à l'époque hasmonéenne ou hérodienne est resté ou redevenu impur, nul ou sacrilège en dépit du "rétablissement" maccabéen). En tout cas il faut se garder de prendre pour un récit "objectif" des textes qui sont toujours "partisans" (dans un sens ou dans un autre).
Il est difficile de situer précisément le milieu producteur et récepteur de Daniel dans la crise maccabéenne: les principaux textes ne semblent pas en connaître l'issue historique (militaire et diplomatique, politique et religieuse), mais celle-ci ne pouvait que décevoir par rapport à l'attente eschatologique absolue qu'ils avaient construite au plus fort du conflit. Les derniers ajouts au livre hébreu, qui prolongent le délai de l'attente (fin du chap. 12), confirmeraient l'insatisfaction de ce milieu à l'égard de la solution "historique": il faut attendre encore parce qu'on ne peut pas se contenter de ça. En revanche tout le monde (c.-à-d. le "camp" qui s'exprime dans les textes qui nous sont parvenus, quoi qu'il en soit de ses dissensions internes) est bien d'accord sur l'ennemi, l'hellénisme seleucide (= syrien) et Antiochos en particulier, qui va devenir le prototype du "méchant" absolu dans les littératures subséquentes, juives et chrétiennes -- y compris dans la tradition chrétienne de l'"antéchrist" qui est non seulement anti- au sens grec, contre, antagoniste et antithèse du Christ, mais aussi ante- au sens latin, "avant", et ce aussi en plus d'un sens: il vient avant le Christ (ou la parousie du Christ) dans les scénarios eschatologiques (cf. 2 Thessaloniciens 2 ou le "faux prophète" de l'Apocalypse), mais d'abord il aura été conçu comme figure du "mal" absolu et pénultième avant même le "messie" ou "christ" comme figure du "bien" absolu et ultime (sauveur, etc.). Comme on l'a déjà remarqué, il n'y a pas de "messie" au sens "messianique" dans Daniel (les "oints" ne sauvent pas et les figures salvatrices comme Michaël ou le Fils de l'homme ne sont pas des "oints"), mais il y a déjà en quelque sorte un "anti-messie", tueur d'"oint" en particulier, impie et destructeur en général... Lorsque le Jésus des évangiles se rattache d'une manière ou d'une autre à la destruction du temple (Marc 13ss// ou Jean 2 p. ex.), ou lorsqu'il semble remettre en question la loi ou la ligne de démarcation entre juifs et non-juifs, il revêt nécessairement des traits d'Antiochos, il y a de l'"antéchrist" jusque dans le "Christ"... |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 28 Fév 2022, 11:51 | |
| Plusieurs remarques s'imposent à propos de ce passage. Je vais les numéroter pour faire des points de conversation organisés :Daniel 9,26-27 : "Après les soixante-deux semaines, un homme ayant reçu l'onction sera retranché, et il n'aura personne pour lui. Le peuple d'un chef qui vient détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera dans un déferlement ; jusqu'à la fin de la guerre des dévastations sont décidées.Il fera avec la multitude une solide alliance d'une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l'offrande ; sur l'aile des horreurs, il y aura un dévastateur, jusqu'à ce que la destruction décidée fonde sur le dévastateur".Comme je l'ai noté dans le post précédent, ces deux versets se concentrent entièrement sur les événements après les deux premières périodes de l'histoire ("sept" semaines et "soixante-deux" semaines). En d'autres termes, la dernière semaine de la prophétie des soixante-dix semaines reçoit le plus d'attention, faisant de ses événements le cœur de l'emphase du passage.1) Le début de ce passage émeut l'auditeur sur une longue période de temps jusqu'à ce moment décisif où un personnage oint sera tué. Puisqu'il y a une période massive de soixante-deux semaines séparant ces événements de ceux décrits dans 9:25, il semble évident que la figure ointe dans 9:26 n'est pas le même individu que celui de 9:25. Il a été un terrain d'entente pour les chrétiens de considérer à nouveau cette figure ointe comme l'Oint (c'est-à-dire Jésus-Christ).2) Encore une fois, cet argument ne résiste pas à l'examen scientifique. D'une part, nous avons à nouveau le nom hébreu mashiach sans l'article défini, nécessitant la traduction "un oint" plutôt que "l'oint". Malheureusement, de nombreuses traductions anglaises modernes n'ont pas été entièrement honnêtes sur ce point. Deuxièmement, s'il s'agissait d'une prophétie prédictive sur la mort de Jésus-Christ, pourquoi le passage qualifie-t-il cette mort par "personne ne viendra à son aide" ? Le passage (s'il faisait référence à la mort de Jésus) ne devrait-il pas dire qu'il sera surnaturellement justifié dans une glorieuse résurrection par Dieu le Père ? Pourquoi alors le passage dit-il en fait que personne ne viendra à son aide ? C'est à peine une référence à Jésus. De plus, les chrétiens du Nouveau Testament (qui cherchaient assidûment dans la Bible hébraïque toute allusion à des prédictions messianiques) ne citent jamais Daniel 9 :26 pour faire référence à la mort de Jésus. Au lieu de cela, ils se concentrent principalement sur Ésaïe 53 et d'autres versets, mais jamais Dan 9:26 n'est cité dans le Nouveau Testament pour faire référence à Jésus. Cela suggère que son interprétation avait une lecture acceptée qui excluait Jésus d'être son objet de concentration.3) En fait, nous possédons un candidat parfait pour cette figure ointe Onias III mentionnée en 9:26. En l'an 171 avant notre ère, un grand prêtre nommé Onias III a en fait été assassiné. Malheureusement pour lui, aucun des Juifs n'est venu l'aider ou venger sa mort. Au lieu de cela, son frère, le sympathisant hellénistique Jason, a pris le contrôle du temple. Les actions de Jason ont joué un rôle déterminant dans les événements qui ont conduit à la révolte des Maccabées.4) À cette époque, l'empire séleucide dirigé par Antiochus IV a conclu un accord avec certains des principaux responsables de Jérusalem afin d'helléniser la ville et ses habitants. Cet accord est «l'alliance» mentionnée dans Dan 9:27. Ceci est enregistré en détail dans 1 Maccabées :"En ces jours-là, certains renégats sortirent d'Israël et en égarèrent beaucoup en disant : « Allons faire alliance avec les Gentils qui nous entourent, car depuis que nous nous sommes séparés d'eux, de nombreux malheurs sont survenus sur nous. Cette proposition leur plut, et une partie du peuple se rendit avec empressement vers le roi, qui les autorisa à observer les ordonnances des Gentils. Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon la coutume des Gentils, et ils ôtèrent les marques de la circoncision, et abandonnèrent la sainte alliance. Ils se sont joints aux Gentils et se sont vendus pour faire le mal". (1 Macc 1:11-15)5) Après le meurtre du grand prêtre oint Onias III, les armées séleucides, commandées par Antiochus Épiphane, entrèrent à Jérusalem. L'acte de circoncision était restreint et le sabbat était profané. Mais l'acte le plus détestable fut le placement d'une statue de Zeus sur l'autel sacrificiel du temple. Les Juifs ont été forcés d'offrir des sacrifices à cette image. Ces actes offensants sont ce que Dan 9 : 26 appelle « le pillage de la ville et du sanctuaire » et ce que 9 : 27 décrit comme les « abominations » au pluriel. Ces événements étaient trop pour les juifs conservateurs qui résistaient à l'hellénisation (provoquant ainsi la révolte des Maccabées).6) Comme je viens de le noter au n ° 5, les forces syriennes dirigées par Antiochus ont provoqué des abominations désolantes sur Jérusalem et son peuple. Notez bien que ces abominations de la désolation sont au pluriel et non au singulier. De plus, ce sont des objets pluriels, pas des personnes. C'est quelque chose de différent de ce que Jésus a déclaré dans Marc 13:14 (c'est-à-dire une seule abomination personnelle de la désolation). Ce point ne doit pas être pris à la légère ; Daniel 9 : 24-27 fait référence à plusieurs abominations en tant que choses/objets et Marc 13 : 14 fait référence à une seule personne qui est une abomination de désolation. Nous devrions laisser Daniel 9 dire ce qu'il veut dire et laisser Marc dire autre chose (sans harmoniser les deux récits). Jésus réutilise probablement les terribles événements du passé comme rubrique pour transmettre l'abomination future de la désolation.Daniel 9:26 promet qu'il y aura en effet un châtiment divin sur la venue du prince Antiochus. Sa fin viendra avec un "déluge" - une anti-hyperbole prophétique commune pour une mort rapide (cf. Isa 8:8; 10:22; 30:28; Ezek 13:13; Na 1:. De plus, 9:27 dit qu'une destruction a été décrétée par Dieu (passif divin). Cela rassure les lecteurs originaux sur le fait que cette catastrophe nationale ne restera pas impunie par le Dieu d'Israël, les encourageant à résister aux influences hellénisantes dans la fidélité à l'alliance. Antiochus IV mourut en effet en l'an 164 avant notre ère.7) Pour relier certains détails, il est important de se rappeler que certaines des dates importantes doivent rester au premier plan de ces discussions :Onias III, le grand prêtre juif, a été assassiné en 171 avant notre ère. Cela a commencé l'accord/alliance (1 Macc 1: 11-15) entre les Séleucides et les principaux Juifs pour helléniser Jérusalem et son peuple, Les forces syriennes dirigées par Antiochus ont interrompu les sacrifices et les offrandes en plaçant une idole de Zeus sur l'autel. Cela s'est produit en 167 avant notre ère, La révolte des Maccabées s'est terminée en 164 avec la purification du temple sacré, supprimant ainsi toutes les abominations de celui-ci, 171 moins 164 égale 7. Combien d'années y a-t-il dans une seule semaine ? Sept. Quand le sacrifice et les offrandes ont-ils cessé ? Au milieu de cette période (167 avant notre ère). Si la soixante-dixième semaine traite des événements de 171 à 164 avant notre ère, alors les schémas prophétiques qui s'attendent à une future tribulation de sept ans avant la fin de l'âge n'ont absolument aucune base biblique pour leur théologie.https://dustinmartyr.wordpress.com/2016/06/17/responsibly-interpreting-the-visions-in-daniel-9-part-3/ |
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