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| Le livre de Daniel est-il authentique? | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 03 Mai 2022, 14:44 | |
| Misère...
Le mot nagid désigne TOUJOURS (sur une bonne quarantaine d'occurrences) une personne (chef, prince, etc., qu'il soit roi, prêtre, commandant militaire, haut fonctionnaire, etc.: cf. Jérémie 20,1 où on a exactement le même type de construction [apposition] qu'en Daniel 9,25 -- là si l'on veut "inspecteur (en) chef", paqid nagid, les amateurs de Blake Edwards et de Peter Sellers penseront au "chief inspector Clouseau"; ici "oint (en) chef", ce qui convient parfaitement à n'importe quel grand prêtre, s'agissant de Josué-Jésus; à la rigueur à Cyrus comme "oint" ET roi-empereur selon le deutéro-Isaïe, mais cette hypothèse éloignerait plutôt de la perspective de Daniel où Cyrus est relégué à une place seconde, dans le temps et en importance, après "Darius le Mède"). TOUJOURS, SAUF PEUT-ÊTRE en Proverbes 8,6 où le pluriel ngydym (ce n'est pas un adjectif épithète comme "important" ou "remarquable", contrairement à ce que fait croire Gertoux) résulte plus probablement d'une erreur (cf. BHS ad loc.), de vocalisation massorétique (pour negedim = je dirai des choses droites = je parlerai droitement, cf. le parallèle yšrym-yesharim) ou de copie consonantique (p. ex. pour nekohim, "des choses puissantes" = "puissamment"). Même si l'on veut interpréter le texte massorétique de Proverbes 8,6 comme un trope (emploi figuré, métaphore, métonymie) exceptionnel, il n'y a aucune raison de renverser l'exception en règle et de l'appliquer arbitrairement à Daniel 9,25 qui est formellement conforme à tous les (autres) usages "personnels" de nagid, soit "un oint (en) chef". Sans compter que si l'on traduit (ou transcrit) mashiah (sans article) par "LE Messie" ou "LE Christ", ce que rien n'autorise, l'apposition "chef" devient redondante. Le défaut de méthode linguistique chez Gertoux est ici patent, comme précédemment, et je ne vois pas bien l'utilité de multiplier les exemples...
Quant au sujet féminin ("elle", sous-entendu par la conjugaison tšwb-tashouv, 3e personne, féminin, singulier), c'est évidemment le même que pour le verbe suivant (... et sera rebâtie, w-nbnth), soit Jérusalem (qui "revient" au sens d'être "rétablie" ou "restaurée" par ses nouveaux habitants effectivement "revenus" d'exil, suivant le jeu habituel des divers sens du verbe šwb, extrêmement courant et polysémique). Le mot hébreu pour "parole", dbr, est au contraire (normalement) masculin, ce n'est donc sûrement pas la "parole" qui "revient". |
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 09 Mai 2022, 10:29 | |
| Un signe de ponctuation change le sens
Aussi étonnant que cela puisse paraître à certains, les copistes et certains traducteurs juifs ont interpolé le texte original de Daniel 9:25. En effet, les scribes connus sous le nom de massorètes y ont ajouté un ʼathnaḥ ou signe de ponctuation après l’expression “sept semaines”, la séparant ainsi des “soixante-deux semaines”. En outre, un certain nombre de traducteurs juifs ont ajouté le mot “durant” avant “soixante-deux semaines” d’années, laissant entendre par là que Jérusalem serait complètement rétablie pendant toute cette période. Or, sans ces interpolations, le passage de Daniel 9:25 se lit comme suit : “Tu dois savoir et discerner que depuis la sortie de la parole de rétablir et de rebâtir Jérusalem, jusqu’à Messie le Conducteur, il y aura sept semaines, également soixante-deux semaines. Elle reviendra et sera effectivement rebâtie, avec place publique et fossé, mais dans la détresse des temps.” De nombreuses traductions non juives rendent ce verset de cette façon.
Il est clair, d’après cette traduction, que le “messie” ou “oint” devait arriver non pas au terme de sept “semaines” mais de sept plus “soixante-deux semaines”, c’est-à-dire au bout de soixante-neuf “semaines”. Par conséquent, le “messie” qui devait être supprimé ou retranché à un moment donné après la fin des “soixante-deux semaines” serait celui-là même qui devait arriver au terme de “sept semaines, églement soixante-deux semaines”. Un “oint” est-il apparu à ce moment-là ?
(...)
Le témoignage de Daniel 9:25 indique donc clairement que Jésus était le Messie promis. Le rabbi Simon Luzatto (du dix-septième siècle) fit cet aveu :
“Ce passage remarquable (...) a rendu les rabbins si perplexes et incertains, qu’ils ne savent pas s’ils sont dans le ciel ou sur la terre. Le résultat de recherches approfondies de notre part sur cette prophétie pourrait bien être que nous devenions tous chrétiens. On ne peut nier que ce passage parle clairement de l’avènement du Messie et que le moment fixé pour cet événement est déjà passé.”
Ce fut manifestement parce qu’ils rejetaient Jésus que les massorètes ajoutèrent un signe de ponctuation dans le verset 25 du neuvième chapitre de Daniel, essayant par là d’obscurcir le facteur chronologique qui permet, sans doute possible, d’identifier Jésus comme le Messie promis. Le professeur E. B. Pusey dit ce qui suit au sujet des accents massorétiques dans une de ses conférences (dans une note en bas de page) prononcées à l’université d’Oxford et publiées en 1885 :
“Les Juifs mettent le principal signe de ponctuation du verset sous [sept], afin de séparer les deux nombres, 7 et 62. Ils ont agi malhonnêtement, (...) (comme Rashi [un illustre rabbin juif du douzième siècle] le dit, en rejetant les interprétations littérales favorisant les chrétiens).”
Nous ne devons pas nous étonner que la plupart des Juifs ne reconnaissent pas que Daniel 9:25 s’applique à Jésus-Christ. Leurs opinions ont été fortement influencées par les exégètes et autres érudits juifs vivant entre les onzième et quinzième siècles de notre ère. Or, pendant cette période, les Juifs souffrirent beaucoup à cause de l’antisémitisme acharné qui se pratiquait, la haine à leur égard étant surtout fomentée par des personnes se disant disciples de Jésus-Christ. C’est pour cette raison que la plupart des Juifs exécraient le nom de Jésus. Il n’est donc pas étonnant que les commentaires bibliques que l’on doit aux rabbins de cette époque-là, nient l’application messianique de nombreuses prophéties qui trouvaient manifestement leur accomplissement en Jésus.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/101971881
Edward Bouverie Pusey (né le 22 août 1800 et décédé le 16 septembre 1882), est un ecclésiastique anglais, Regius Professor d'hébreu à Christ Church (Oxford) et un des maîtres à penser du Mouvement d'Oxford.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bouverie_Pusey
Il est clair que Luzzatto est à la fois un penseur et un croyant. Il ne partage pas l’idée de Manasse ben Israël que les dix tribus existeraient toujours quelque part dans le monde. Il soutient que la révélation de Daniel réfère non pas à un futur Messie mais, au contraire à des événements passés. La parole de Luzzatto a été mal comprise ou même délibérément pervertie par le converti Samuel Nahmias (devenu Giulio Morisini) qui fait dire à Luzzatto, dans son ouvrage 'Via della Fide, que la révélation de Daniel pourrait désigner Jésus comme le Messie.
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/2125621 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 09 Mai 2022, 11:28 | |
| Les citations de la Watch étaient bien plus trompeuses dans les années 1970 qu'elles ne le sont aujourd'hui -- si ça a changé ce n'est pas par un sursaut d'"honnêteté intellectuelle" de sa part, mais par nécessité, devant le développement des critiques (principalement du fait de la multiplication de ses "apostats", car jusque-là il n'y avait pas grand-monde pour s'intéresser, de l'extérieur, à ce qu'elle disait), et surtout la facilité générale de consultation des "sources" via Internet. A l'époque elle pouvait dire à peu près n'importe quoi, et le faire avec une certaine "bonne conscience" puisqu'elle citait effectivement, même sans le dire, des citations et des arguments extrêmement répandus dans le christianisme populaire anglo-saxon et surtout américain ("évangélique", "fondamentaliste" ou "sectaire"), en particulier sur les sujets où sa doctrine ne diffère pas de ce "milieu" (c'est le cas de l'interprétation "messianique" des 70 semaines de Daniel 9, mais aussi de l'anti-évolutionnisme ou de l'apologétique biblique qui ont produit une "littérature" considérable, surtout depuis le XIXe siècle -- Pusey étant un bon exemple de cette tendance "réactionnaire" à toutes les "sciences" contemporaines, "bibliques", "historiques" ou "naturelles").
Je ne reviens pas sur le fond de l'exégèse de Daniel 9,25 (cf. supra 18.3.2022), je rappelle seulement que dans cette interprétation RIEN ne distingue les 7 premières semaines des 62 suivantes; or le texte (hébreu), lui, les distingue, et sa lecture traditionnelle (bien avant la ponctuation massorétique qui n'a fait que la matérialiser par l'atnah, depuis le VIIIe s. au moins) correspond bien au sens obvie de cette distinction, que la Watch n'expliquait pas du tout en 1972 (comme nous l'avons vu, supra 24.2.2022, elle s'est risquée tout dernièrement à une explication vaseuse, en suggérant que Jérusalem était "suffisamment rebâtie" après 49 ans, soit vers -406 en partant de -455, mais elle ne peut produire aucun texte -- biblique ou autre -- qui corresponde à cet "événement", sans parler de la date).
Sur Luzzatto et sa "falsification" ultérieure, on peut se reporter à la "source" (Jewish Encyclopedia, en anglais) ici: comme elle date de 1906 et que c'est un ouvrage souvent cité par la Watch, il eût été facile à celle-ci de vérifier, même en 1972... |
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 12 Mai 2022, 14:38 | |
| Narkissos, pourrais-tu nous éclairer ... André Lacocque indique qu'il faut voir dans le "chef oint" de Daniel 9,25 le grand prêtre de la restauration, Josué. C'est la probablement la meilleur interprétation de ce texte allusif, car le verset précèdent et le verset suivant désignent aussi des "messie" (oints), à savoir le grand prêtre ONIAS III (de même en 11,22) et la consécration sacerdotale D'Aaron et de ses fils. ( Daniel et son temps: recherches sur le mouvement apocalyptique juif au IIe ...). Ou est-il question dans en Daniel 9, de la consécration sacerdotale D'Aaron et de ses fils ? Pourquoi le grand prêtre Josué est la meilleure interprétation (car le grand prêtre de la restauration ?) ? Un extrait : On trouve ici l’attente de trois figures: 1) un prophète, probablement semblable à Moïse, selon la promesse de Dt 18,15.18; 2) un messie d’Israël, ce qui serait « un développement naturel » de la promesse d’un futur «David» (2S 7) et de celle d’un prince oint de Dn 9,25-26; 3) un messie d’Aaron, c’est-à-dire un prêtre. Cette dernière figure pourrait être dérivée de l’oracle de Zacharie qui entrevoit la présence d’un roi et d’un prêtre à la tête de la communauté post-exilique (Za 6,12-13; voir 4,14 qui mentionne «deux fils d’huile»). https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2009-v17-n1-theologi3644/039503ar.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 12 Mai 2022, 16:29 | |
| Je présume que tu te réfères à ceci (p. 138). Il n'y a aucune mention expresse d'"Aaron" dans le texte de Daniel, mais il y a derrière les affirmations de Lacocque une histoire très complexe, en grande partie obscure, de la prêtrise du Second Temple: une rivalité toujours renouvelée de dynasties et de clans sacerdotaux qui se traduit, dans l'ensemble du corpus "biblique" qui s'écrit et se réécrit sur la même période, par une révision quasi permanente des références et spécialement des généalogies sacerdotales -- pour schématiser, chaque clan accédant au pouvoir (le grand prêtre et son entourage) se revendique d'une lignée qui le légitime, et valorise cette lignée dans la généalogie; chaque clan écarté du pouvoir sacerdotal tend au contraire à déligitimer ou à dévaloriser le clan qui le détient. En témoignent à divers titres les innombrables histoires de prêtres choisis et rejetés (Aaron / Lévi, Eléazar / Ithamar / Nadab-Abihou, Phinéas, Eli / Samuel, Tsadoq / E-Abiathar, sans compter le Melchisédeq de la Genèse qui est placé hors généalogie, comme le remarque l'épître aux Hébreux); la valorisation des "prêtres lévites" dans le Deutéronome, "sadocides" dans Ezéchiel 40ss, des "lévites" subordonnés aux "prêtres" dans la Torah et exaltés dans les Chroniques, les ultimes rédactions de celles-ci intégrant même la lignée hasmonéenne (c'est dire que le processus d'"actualisation" des généalogies se poursuit très tard, au moins jusqu'à la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C.); la contestation au nom d'une lignée "sadocide" de la prêtrise hasmonéenne, de ses prédécesseurs pré-maccabéens ou de ses successeurs hérodiens dans les textes dits "sectaires" de Qoumrân et d'ailleurs; la revendication symétrique des "sadducéens" au pouvoir (même référence ancestrale à Ts/çadoq, autre lignée). Il faut lire les Maccabées et Josèphe (de façon "critique", car ils représentent à chaque fois un certain "point de vue", historique ou traditionnel, toujours partisan) pour se faire une idée des enjeux, continuels mais continuellement changeants, que représente le sacerdoce, dans une religion essentiellement sacerdotale du début à la fin du Second Temple (y compris, sur la fin, pour le parti pharisien et anti-sacerdotal qui met en valeur, par contraste, l'"onction" davidique dans un sens eschatologique -- "messianisme" stricto sensu donc, royal ici et sacerdotal là, s'opposant ou se combinant selon les milieux). En se référant à l'"onction" et à des "oints", Daniel 9 se rapporte au moins implicitement à une tradition aaronide: c'est à propos d'Aaron et de ses fils, et de la "demeure-tente-tabernacle", qu'il est question d'onction, depuis Exode 28ss jusqu'aux Nombres; dans l'historiographie dite "deutéronomiste", en particulier celle de Samuel-Rois, l'"onction" est surtout royale et séparée du sacerdoce (cf. a contrario 1 Chroniques 29,22, pour Tsadoq). Quant à Daniel, il est clair que sa "religion" est principalement sacerdotale, comme celle de tout le judaïsme du Second Temple (au moins jusqu'à la montée en puissance ultérieure des pharisiens), sans préjudice de parti-pris généalogique (qui du moins n'apparaît pas dans le livre): ses "oints" sont donc très probablement des grands prêtres, 1) Josué-Jésus (de la restauration après l'exil à Babylone) plutôt que Cyrus (celui-ci étant de surcroît, dans les chapitres précédents, relégué à une place secondaire par "Darius le Mède"), et 2) Onias (III). --- Ton second article (recension critique de Dehaime sur Fitzmyer, Xeravits et Oegema), que j'ai vu après coup, est précieux au moins pour ses citations des textes de Qoumrân et assimilés -- si tu prends le temps de les lire, tu constateras que le "messie/oint d'Aaron", qui semble d'interloquer, est une formule quasi-stéréotypée (couplée ou non à "messie/oint d'Israël") dans ces textes (ce qui a sans doute aussi favorisé le "saut" de "oint" à "Aaron" chez Lacocque, quoique dans ce contexte il ne s'en explique pas). Au plan méthodologique, comme tu l'auras compris, j'adhère à 100 % à l'option minimaliste de Fitzmyer (réserver les termes "messie" et "messianisme" aux textes qui emploient effectivement mš(y)h ET qui ont une portée explicitement et strictement "eschatologique" -- "messie" comme figure ultime de l'histoire, non "oint" quelconque dans une série ou lignée, royale ou sacerdotale, qui continuerait après lui). En revanche, je suis éberlué par la traduction de Daniel 9 qui est attribuée à Fitzmyer (c'est peut-être une erreur de Dehaime et de traduction de l'anglais au français), et qui semble identifier sans justification ni explication les deux "oints" par un démonstratif entre parenthèses, "(cet) oint", à l'encontre du sens obvie du texte (62 semaines ENTRE le premier "oint" et le second, la traduction proposée ne remettant même pas en cause la ponctuation massorétique). Sur le point précédent, des critères d'analyse plus "larges" (p. ex. remplacer "messie" par PEP, "protagoniste eschatologique positif", ça ne s'invente pas) ne débouchent pas sur grand-chose, ils permettent de rassembler un plus grand nombre de textes (c'est toujours une occasion de les lire), pour constater qu'on ne peut établir entre eux aucune unité ni articulation de sens... En somme, il y a dans le judaïsme d'époque romaine des "figures eschatologiques" en tout genre, "messianiques" de type royal (davidique) ou sacerdotal (aaronide, sadocide, etc.), outre Melchisédeq qui est roi et prêtre mais pas "oint" (dans la Genèse), mais aussi prophétiques (Moïse, Elie, etc.), angéliques (Mich[a]el), anthropologiques (Adam, Seth, Hénoch identifié au "fils de l'homme" dans les portions tardives du livre éponyme), qui peuvent être considérées tantôt comme concurrentes, interchangeables ou complémentaires, mais ne forment en aucun cas un "système" cohérent et consensuel. A propos de Zacharie je rappelle ce fil relativement récent où l'on a vu, entre autres, 1) qu'à la lettre il n'y est pas question d'"onction", 2) que l'image des oliviers au chapitre 4 ne s'y rapporte probablement pas (l'huile est rattachée au porte-lampes, à la lumière plutôt qu'à l'onction), 3) que le proto-Zacharie (1--8 ) n'est pas eschatologique, a fortiori pas "messianique" stricto sensu et 4) que le deutéro-Zacharie (9--14) est bien eschatologique, mais pas "messianique" pour autant puisque l'"onction" n'y joue aucun rôle (cf. 1°). |
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 17 Mai 2022, 10:17 | |
| - Citation :
- Le mot nagid désigne TOUJOURS (sur une bonne quarantaine d'occurrences) une personne (chef, prince, etc., qu'il soit roi, prêtre, commandant militaire, haut fonctionnaire, etc.: cf. Jérémie 20,1 où on a exactement le même type de construction [apposition] qu'en Daniel 9,25 -- là si l'on veut "inspecteur (en) chef", paqid nagid, les amateurs de Blake Edwards et de Peter Sellers penseront au "chief inspector Clouseau"; ici "oint (en) chef", ce qui convient parfaitement à n'importe quel grand prêtre, s'agissant de Josué-Jésus; à la rigueur à Cyrus comme "oint" ET roi-empereur selon le deutéro-Isaïe, mais cette hypothèse éloignerait plutôt de la perspective de Daniel où Cyrus est relégué à une place seconde, dans le temps et en importance, après "Darius le Mède").
L'expression ou le titre "messie-chef" (9,25) fait du grand prêtre Josué le meilleur candidat à l'identification de ce "oint", en effet dans le titre "messie-chef", nous retrouvons à la fois les pouvoirs politique et religieux cumulés sur une seule personne, tout comme le grand prêtre Josué réunissait la position de chef religieux et de chef politique : Couronnement prophétique de Josué
"La parole du SEIGNEUR me parvint : Tu prendras sur ce qui appartient aux exilés, sur ce qui appartient à Heldaï, à Tobiya et à Yedaya — tu iras toi-même en ce jour, tu iras dans la maison de Josias, fils de Sophonie, où ils se sont rendus en arrivant de Babylone. Tu prendras de l'argent et de l'or. Tu en feras des couronnes et tu les mettras sur la tête de Josué, fils de Yehotsadaq, le grand prêtre. Tu lui diras : Ainsi parle le SEIGNEUR (YHWH) des Armées : Voici un homme dont le nom est Germe ; il germera là où il est et il bâtira le temple du SEIGNEUR. C'est lui qui bâtira le temple du SEIGNEUR ; il portera les insignes de la majesté ; il s'assiéra et gouvernera sur son trône. Il y aura aussi un prêtre sur son trône, et il y aura une entente parfaite entre l'un et l'autre" - (Za 6,9-13). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 17 Mai 2022, 11:07 | |
| Pour rappel, le mot "TOUJOURS" dans ta citation (voir supra 3.5.2022) réservait une exception hypothétique ("TOUJOURS, SAUF PEUT-ÊTRE", voir la suite), formelle et probablement accidentelle, dans le TM des Proverbes, exception qu'il ne fallait surtout pas transformer en règle (comme le faisait Gertoux). Je n'y reviens pas davantage, mais je signale, comme exemples d'un usage proprement sacerdotal ou lévitique de nagid, pour des grands prêtres, prêtres ou lévites qui NE sont PAS rois, Jérémie 20,1; Néhémie 11,11; 1 Chroniques 9,11.20; 12,27; 26,24; 2 Chroniques 31,12s; 35,8.
Comme on l'a vu dans le fil concerné (dernier lien de mon post précédent), la situation du proto-Zacharie est plus compliquée, puisque l'espoir d'une restauration royale (et "davidique") dans la personne de Zorobabel a été visiblement contrarié durant la période même de la rédaction du texte -- peut-être par la mort de Zorobabel, sûrement par l'impossibilité politique d'une telle restauration avec lui ou un autre: la comparaison des chapitres 4 et 6 donne bien l'impression que ce qui a été d'abord conçu comme un "double pouvoir", royal et sacerdotal, a été superficiellement réduit à un sacre exclusivement sacerdotal (les couronnes sur la tête du seul Josué). Mais pour les mêmes raisons le pouvoir "politique" du grand prêtre reste en fait très limité, par l'empire et l'administration perses qui placent Jérusalem sous la juridiction de Samarie hormis ce qui concerne le temple, seul objet du "décret de Cyrus" (cf. Esdras-Néhémie). Autrement dit, l'autonomie de Jérusalem et l'autorité du grand-prêtre sont essentiellement "religieuses", elles ont trait au service du temple et à l'application de la Torah comme "loi" locale restreinte au "religieux" (même si à nos yeux ça déborde largement le "religieux", par exemple en matière de justice civile, à l'instar de la charia aujourd'hui dans les régimes [semi-]islamiques), et elles le resteront la plupart du temps jusqu'aux hasmonéens (dynastie sacerdotale ET royale, issue de la révolte maccabéenne et dotée pendant un certain temps d'un vrai pouvoir politique et militaire sur un territoire plus vaste, qui aboutit par exemple à la destruction du temple "samaritain" de Garizim au nord et à la conversion forcée des Iduméens au sud). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 17 Mai 2022, 16:01 | |
| Pourquoi le Messie devait mourir
En outre, les prophéties messianiques montraient clairement que le Messie devait mourir. Par exemple, la prophétie qui prédisait le moment où le Messie viendrait annonçait au verset suivant: “Et après les soixante-deux semaines [qui faisaient suite aux sept semaines], Messie sera retranché.” (Daniel 9:26). Le mot hébreu karath traduit ici par “retranché” est le même que celui employé pour désigner la sentence de mort sous la Loi mosaïque. Il ne fait pas de doute que le Messie devait mourir. Mais pourquoi? Le verset 24 Dn 9:24 nous donne la réponse: “Pour supprimer le péché, et pour faire propitiation pour la faute, et pour introduire la justice pour des temps indéfinis.” Les Juifs savaient bien que seul un sacrifice, une mort, pouvait faire propitiation pour la faute. — Lévitique 17:11; voir Hébreux 9:22.
[ltr]https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/19 ... 4:0-25:498[/ltr]
La Watch fait ENCORE dire au texte ce qu'il ne dit pas, Daniel 9,26 précise et indique : "Et après les soixante-deux semaines, Messie sera retranché.” (TMN), l'auteur de ce texte ne sous entend pas qu'il faille additionner à ces soixante-deux semaines, les sept semaines du verset 25 mais la Watch pour sa chronologie "sur mesure" a besoin de cette addition, donc elle insère arbitrairement et sans réelle raison scripturaire un entre crochet : [qui faisaient suite aux sept semaines]. On peut se demander pourquoi l'auteur au verset 26, ne fait allusion qu'à une période soixante-deux semaines et oublie de les additionner aux sept semaines du verset 25 ... Heureusement que la Watch veille au grain et compense les ratés de l'auteur. Par ailleurs, il ne semble pas que le relation entre les versets 24 et 26 soit pertinent, en effet le texte ne dit pas explicitement que le fait qu'un messie soit "retranché" engendre la suppression du péché et que cela fasse "propitiation pour la faute", ce lien est artifice et ne repose pas sur un élément scripturaire, rien dans le texte ne vient mettre en évidence cette relation. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 17 Mai 2022, 17:18 | |
| Ce lien sera peut-être plus efficace.
Personnellement l'addition (7 + 62) ne me choque pas, puisqu'elle est de toute façon impliquée dans le texte (si je dis aujourd'hui "on en parlera après les vacances", alors que "les vacances" ne sont pas encore là, il est clair que le délai que j'énonce inclut la période qui nous sépare encore des vacances autant que les vacances elles-mêmes). Je ne reviens pas sur l'absence totale d'explication (encore en 1992) de la distinction (textuelle) entre les 7 premières semaines et les 62 suivantes, alors qu'il y en a une évidente quand on ponctue le texte comme il faut (7 x 7 = 49 ans de "désolation" proprement dite du sanctuaire, ensuite une longue reconstruction jugée encore insatisfaisante). En revanche, j'avais oublié que l'ancienne TMN rusait avec le texte en transcrivant mšyh par "Messie" au lieu de le traduire "oint" comme partout ailleurs, et en le pourvoyant subrepticement d'une majuscule pour en faire une sorte de nom propre, ce qui lui évitait d'employer un article indéfini ou défini (un / le) là où le texte n'avait pas d'article. La nouvelle édition ne s'embarrasse plus de ce genre de complication, puisqu'elle met carrément "le Messie" (article défini + transcription à majuscule): le lecteur TdJ ne peut même plus deviner qu'il y a un problème, sauf à lire une autre bible... (N.B.: c'est d'ailleurs une "liberté" toute française, car la NWT 2013 n'a pas changé, elle dit toujours "Messiah" sans article, ce qui sonne aussi bizarre en anglais que "Messie" sans article en français.)
En tout cas ta dernière remarque est tout à fait pertinente: il n'y a aucun rapport dans le texte entre la "propitiation" (etc.) à laquelle doivent aboutir les 70 semaines (v. 24) et le "retranchement" du second "oint" qui intervient après la 69e (7 + 62), et pour cause: la déposition et/ou l'assassinat d'Onias marquent plutôt le début du "péché" maximal (abomination de la désolation etc., interruption du culte licite selon les critères de l'auteur) que sa fin (laquelle reste "eschatologique" pour l'auteur de Daniel 9, du moins à ce stade; elle est réalisée en revanche par la nouvelle dédicace du temple = Hanoukka pour ceux des Maccabées). Du reste, même dans l'interprétation de la Watch ça cloche, puisque Jésus est censé mourir au milieu de la 70e semaine et non à la fin de celle-ci (identifiée à la conversion de Corneille, qui est tout ce qu'on voudra sauf une "propitiation" pour les "péchés" du temple, ou de qui ou quoi que ce soit).
L'idée que la mort violente d'un "juste" puisse servir de "propitiation" ou de "sacrifice expiatoire" efficace (contrairement à la prohibition absolue des sacrifices humains présupposée dans la Torah) provient effectivement du "chant du serviteur" d'Isaïe (deutéro-Isaïe) 52--53, mais le "juste" en question n'y est pas présenté comme prêtre, ni roi, ni "oint" (ce n'est donc pas un "messie"). Vu les analogies lexicales (p. ex. sur la "justice" ou les rabbim, les "nombreux" ou la "multitude") il n'est pas impossible que Daniel se soit inspiré d'Isaïe 53 comme d'autres passages, mais l'usage qu'il en fait le cas échéant est très différent: aucune "efficacité" sacrificielle, même "métaphorique", n'est prêtée au retranchement du (second) oint, c'est plutôt un groupe ou un ensemble, "les justes" ou "les doctes", qui justifie(nt) "la multitude", et sur un mode plus "sapiential" (sagesse-connaissance) que sacrificiel (cf. 11,33s; 12,3s)... |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mer 18 Mai 2022, 14:10 | |
| La prière d'Esdras en faveur des fautifs
"Puis, à l'heure de l'offrande du soir, je me levai du sein de mon affliction, avec mon vêtement et mon manteau déchirés, je tombai à genoux, je tendis les mains vers le SEIGNEUR, mon Dieu et je dis : J'ai honte, mon Dieu, je suis confus de lever la face vers toi, mon Dieu : nos fautes se sont multipliées par-dessus nos têtes, et nos torts se sont élevés jusqu'au ciel. Depuis les jours de nos pères et jusqu'à ce jour nous avons eu de grands torts ; et c'est à cause de nos fautes que nous avons été livrés, nous, nos rois et nos prêtres, aux rois des nations, à l'épée, à la captivité, au pillage et à la honte — voilà pourquoi il en est ainsi en ce jour. Et cependant le SEIGNEUR, notre Dieu, vient tout juste de nous faire grâce en nous laissant quelques rescapés et en nous faisant une place dans son lieu sacré ; ainsi notre Dieu a fait briller nos yeux et nous a redonné un peu de vie dans notre esclavage. Car nous sommes esclaves ; mais notre Dieu ne nous a pas abandonnés à notre esclavage. Il nous a accordé de la faveur devant les rois de Perse, pour nous rendre la vie, afin que nous relevions la maison de notre Dieu et que nous redressions ses ruines, et pour nous donner des murs en Juda et à Jérusalem". (Es 9,5-9)
Les liens entre Esdras-Néhémie, Chroniques et Daniel
Ketubîm : 2 (4) livres relatant l’histoire depuis Adam jusqu’à l’époque perse (1/2 Ch, Esd-Ne) et un livre relatant l’exil babylonien et des visions sur le jugement à la fin du temps (Dn).
Liens entre ces livres : Ch – Esd-Ne : continuité chronologique : 2 Ch 36 se termine par l’édit de Cyrus, et Esd 1 reprend l’histoire en citant également l’édit pour ensuite raconter la reconstruction des murs de Jérusalem et du Temple ainsi que la lecture et l’adoption de la Loi à Jérusalem.
Liens entre Esdras-Néhémie et Daniel : dans les deux livres se trouvent des passages écrits en araméen ; la prière d’Esdras en Esd 9 est proche de la prière de Daniel en Dn 9,4-19.
Le début (déportation de Daniel et ses amis ainsi que Yoyaqim et certains ustensiles du temple par Nabuchodonosor) reprend le dernier chapitre des Chroniques (2 Ch 36,5-9, cf. aussi 2 R24,1-7).
https://www.college-de-france.fr/media/thomas-romer/UPL3295434454613471944_Naissance_III_8_Reecriture_de_l_histoire.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mer 18 Mai 2022, 14:58 | |
| Sommaire très utile, mais pour ce qui est du parallélisme des "confessions" c'est étrange d'oublier Néhémie 9 (d'autant que la coïncidence -- fortuite -- des numéros de chapitres, Esdras 9 // Néhémie 9 // Daniel 9, se prête admirablement à la mémorisation). Pour ce qui est des références à l'Exode, il y en a dans Daniel 9 (v. 15; cf. 11 et 13 pour la "loi de Moïse") comme dans Esdras et Néhémie, mais on en trouve aussi (quoique peut-être secondaires) dans 2 Chroniques (5,10; 6,5; 7,22; 20,10) -- ce qui amènerait au moins à nuancer les affirmations (ou négations) du tableau n° 26. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 19 Mai 2022, 14:01 | |
| Une conception juive. Le texte massorétique, avec son système de points-voyelles, fut mis au point dans la dernière partie du Ier millénaire de n. è. Sans doute parce qu’ils rejetaient Jésus Christ en tant que Messie, en Daniel 9:25 les Massorètes accentuèrent le texte hébreu d’un ʼathnaḥ, ou “ interruption ”, après “ sept semaines ”, les séparant ainsi des “ soixante-deux semaines ” ; de cette façon, il semble que les 62 semaines de la prophétie, à savoir 434 ans, s’appliquent à la période de reconstruction de la Jérusalem antique. On lit dans la Bible de Maredsous : “ Sache donc, et comprends ceci : depuis qu’a été proféré l’oracle sur la restauration de Jérusalem jusqu’à un chef oint, il y aura sept semaines ; [l’interruption est ici représentée par le point-virgule] puis pendant soixante-deux semaines, elle sera rebâtie avec places et enceinte, dans la détresse des temps. ” La Bible du Rabbinat français fait un choix similaire : “ Il y a sept semaines ; et durant soixante-deux semaines Jérusalem sera de nouveau rebâtie. ” Dans ces deux versions, les mots “ pendant ” ou “ durant ” figurent dans le texte français pour satisfaire à l’interprétation retenue par les traducteurs.
Dans une note sur un cours qu’il a donné à l’université d’Oxford, le professeur E. Pusey fait cette remarque à propos de l’accentuation massorétique : “ Les Juifs mettent l’interruption principale du verset 9:25 sous שִׁבְעָה [sept], censée séparer les deux nombres, 7 et 62. Ce fut manifestement une indélicatesse de leur part, למען המינים (comme dit Rachi [célèbre rabbin juif des XIe et XIIe siècles de n. è.] lorsqu’il rejette les interprétations littérales qui favorisaient les chrétiens) ‘ à cause des hérétiques ’, c.-à-d. des chrétiens. En effet, la dernière phrase, ainsi coupée, pouvait uniquement signifier ‘ et durant soixante-deux semaines rue et muraille seront rétablies et construites ’, c.-à-d. que Jérusalem serait en reconstruction durant 434 ans, ce qui n’avait aucun sens. ” — Daniel the Prophet, 1885, p. 190.
Concernant Daniel 9:26 (ZK) qui dit, en partie, “ et après ces soixante-deux semaines, un oint sera supprimé, sans avoir de successeur légitime ”, les commentateurs juifs appliquent les 62 semaines à une période aboutissant au temps des Maccabées, et le terme “ oint ” au roi Agrippa II, qui vécut à l’époque de la destruction de Jérusalem, celle de 70 de n. è. Ou encore, certains disent qu’il s’agissait d’un grand prêtre, Onias, qui fut déposé par Antiochus Épiphane en 175 av. n. è. Les applications qu’ils font de la prophétie à l’un ou à l’autre de ces hommes lui ôtent toute signification ou importance réelle, et les divergences de datation font perdre aux 62 semaines leur caractère de prophétie chronologique précise. — Voir Soncino Books of the Bible (commentaire sur Dn 9:25, 26), par A. Cohen, Londres, 1951 ...
Toutes les traductions françaises ne suivent pas ici la ponctuation massorétique. Certaines font suivre d’une virgule l’expression “ sept semaines ”, d’autres tournent la phrase de manière à indiquer que les 62 semaines suivent les 7 pour faire partie des 70, sans forcément laisser entendre que les 62 semaines s’appliquent à la période de reconstruction de Jérusalem (voir Dn 9:25 dans AC ; Ma). Dans Theologisch-homiletisches Bibelwerk, par J. P. Lange (Dn 9:25, note, p. 198), une note rédactionnelle de James Strong déclare : “ La seule justification de cette traduction, qui sépare les deux périodes de sept semaines et de soixante-deux semaines, donnant la première comme le terminus ad quem du Prince Oint et la deuxième comme la période de reconstruction, repose sur l’accentuation massorétique, qui place l’Athnac [interruption] entre les deux [...] et la traduction en question implique une construction scabreuse du second membre, qui soit sans préposition. Il est par conséquent préférable et plus simple de s’aligner sur la Version Autorisée qui suit toutes les traductions anciennes. ” — Par P. Schaff, 1976.
https://wol.jw.org/fr/wol/pc/r30/lp-f/1200270027/187/0
Les motivations des massorètes (avec leur ponctuation de Daniel 9) correspondent-elles à une volonté de rejeter Jésus Christ en tant que Messie (Notons le "sans doute") ?
En quoi l'analyse d'Edward Bouverie Pusey (né le 22 août 1800 et décédé le 16 septembre 1882 est un ecclésiastique anglais, Regius Professor d'hébreu à Christ Church (Oxford) et un des maîtres à penser du Mouvement d'Oxford) est-elle plus pertinente que celle que proposent la quasi totalité des traductions modernes ?
James Strong (14 août 1822 - 7 août 1894 était un savant et éducateur biblique méthodiste américain, et le créateur de Strong's Concordance) me semble également être un chrétien qui croyait que Daniel 9 avait une portée messianique. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Jeu 19 Mai 2022, 17:54 | |
| On aura compris (?) que ce sont toujours les mêmes arguments et références qui reviennent en boucle, depuis le XIXe siècle au moins, dans la "littérature" semi-savante d'un christianisme "populaire", principalement protestant ou anglo-saxon, "conservateur", "orthodoxe" (ce n'est qu'à partir du XXe siècle que ça s'appelle "évangélique" ou "fondamentaliste") et/ou "sectaire" (baptiste, méthodiste, adventiste, d'où russelliste ou jéhoviste, outre les sous-produits comme Gertoux qui sur Daniel 9 ne s'écarte guère de la Watchtower). Tout ce petit monde est d'accord sur l'interprétation "messianique" (qui, pour rappel, n'avait pas effleuré les "premiers chrétiens"), il se divise en revanche sur le rapport à l'eschatologie proprement dite (la fin de la 70e semaine, le plus souvent reportée vers l'avenir [du commentateur] au prix d'un saut périlleux de près ou plus de deux millénaires; la Watch au moins ne fait pas ça, mais elle aboutit à un "événement" -- la conversion de Corneille selon les Actes -- qui n'a plus rien d'"eschatologique", puisque c'est au contraire le début supposé de "l'Eglise" pagano-chrétienne). Cela étant, il me paraît superflu de faire l'inventaire de toutes les publications de la Watch (ici "Etude perspicace...", quel titre à la con) ou du même genre qui déroulent grosso modo le même argumentaire, et a fortiori d'en répéter nous-mêmes indéfiniment la réfutation: sur l'accusation (antijudaïque, voire antisémite) d'antichristianisme des massorètes ou d'autres auteurs juifs, cf. supra 2.5.2022; sur la ponctuation massorétique (atnah), 18.3.2022; sur Pusey, 9.5.2022. Comme on l'a signalé plusieurs fois ailleurs, Strong est bien connu pour avoir numéroté dans sa concordance (qui est son œuvre principale) tous les mots hébreux, araméens et grecs de la Bible (protestante), facilitant ainsi l'accès aux "termes originaux", à leurs risques et périls, de lecteurs n'ayant pas la moindre idée des langues correspondantes; comme son système numérique a été adopté par une foule d'ouvrages bibliques "grand public" d'une autre nature (dictionnaires, commentaires, etc.), il est assez fréquent, surtout sur Internet, d'attribuer à Strong des commentaires qui ne sont pas de lui... J'ignore si c'est le cas ici mais peu importe. Noter quand même que les deux autres "auteurs" associés à la même citation, Lange et Schaff (qui était plutôt historien qu'exégète), sont morts respectivement en 1884 et 1893 (la date de 1976 est évidemment celle d'une réédition). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 23 Mai 2022, 10:20 | |
| - Citation :
- En tout cas ta dernière remarque est tout à fait pertinente: il n'y a aucun rapport dans le texte entre la "propitiation" (etc.) à laquelle doivent aboutir les 70 semaines (v. 24) et le "retranchement" du second "oint" qui intervient après la 69e (7 + 62), et pour cause: la déposition et/ou l'assassinat d'Onias marquent plutôt le début du "péché" maximal (abomination de la désolation etc., interruption du culte licite selon les critères de l'auteur) que sa fin (laquelle reste "eschatologique" pour l'auteur de Daniel 9, du moins à ce stade; elle est réalisée en revanche par la nouvelle dédicace du temple = Hanoukka pour ceux des Maccabées).
Si j'ai bien compris le texte, la cessation du sacrifice constant est plutôt en lien avec une attaque militaire et la profanation du sanctuaire :"Elle grandit jusqu'au Prince de l'armée : le sacrifice constant lui fut enlevé, et le lieu de son sanctuaire fut rejeté. L'armée fut livrée, en plus du sacrifice constant, à cause de la transgression ; la corne jeta la vérité par terre et réussit dans ses entreprises. J'entendis parler un saint ; et un autre saint dit à celui qui parlait : Jusqu'à quand durera la vision sur le sacrifice constant, sur la transgression dévastatrice, sur le sanctuaire et l'armée livrés et piétinés ? Et il me dit : Jusqu'à deux mille trois cents soirs et matins ; après quoi le sanctuaire sera rétabli" (8,11-13) "Des troupes se dresseront sur son ordre ; elles profaneront le sanctuaire, la forteresse, elles supprimeront le sacrifice constant et établiront l'horreur dévastatrice" (11,31) "Depuis le temps où le sacrifice constant sera supprimé, pour que soit établie l'horreur dévastatrice, il y aura mille deux cent quatre-vingt-dix jours" (12,11)
Dernière édition par free le Mar 24 Mai 2022, 14:17, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Lun 23 Mai 2022, 11:15 | |
| Même dans un "livre" comme Daniel et dans une section relativement homogène (qu'on la délimite plus ou moins étroitement, 7--12 ou 8--12,4 p. ex.) on a affaire à des textes différents, différant les uns des autres -- qu'ils soient ou non de la même main, ils ne sont jamais écrits exactement en même temps ni du même "point de vue", et leurs réécritures subséquentes tendent à multiplier leurs différences quand même elles visent à les "harmoniser". Ce qui constitue l'interruption du "sacrifice constant" ou l'"abomination de la désolation" (= "horreur dévastatrice") n'est pas forcément la même "chose", le même "événement brut", selon les points de vue: un sacrifice (bi-)quotidien (soirs et matins selon le chap. 8 dont la durée est déjà divergente des autres passages) a fort bien pu se poursuivre formellement tout en étant jugé illégitime ou irrégulier, nul ou sacrilège pour plusieurs raisons différentes -- changement de rituel, d'horaire, de victimes (exemplairement des porcs ou autres animaux "impurs"), de nom de la divinité référente, introduction d'une image, voire simple juxtaposition d'un sacrifice à Zeus Olympien / Baal Shamin / Antiochos au sacrifice à Yahvé. D'autre part il y a toujours un rapport entre l'autorité administrative et/ou sacerdotale qui décide en la matière (représentants syriens d'Antiochos et/ou prêtres judéens pro-syriens) et l'histoire politico-militaire qui détermine leur pouvoir, de sorte que le même "événement" peut être présenté comme un "fait militaire" ou un "décret d'autorité", d'"occupation" ou de "collaboration": du point de vue de ceux qui le réprouvent il est souvent tout cela à la fois. Ainsi qu'on l'a déjà dit, comme "l'histoire" sur ce point précis ne dispose que de sources juives et hostiles à Antiochos, à son royaume, à son administration et à son "parti" même (ou surtout !) dans sa composante juive (judéenne), sources cependant divergentes (de Daniel aux Maccabées ou à Josèphe), il est tout à fait impossible de reconstituer "ce qui s'est exactement passé". |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 24 Mai 2022, 15:52 | |
| - Citation :
- Tout ce petit monde est d'accord sur l'interprétation "messianique" (qui, pour rappel, n'avait pas effleuré les "premiers chrétiens"), il se divise en revanche sur le rapport à l'eschatologie proprement dite (la fin de la 70e semaine, le plus souvent reportée vers l'avenir [du commentateur] au prix d'un saut périlleux de près ou plus de deux millénaires; la Watch au moins ne fait pas ça, mais elle aboutit à un "événement" -- la conversion de Corneille selon les Actes -- qui n'a plus rien d'"eschatologique", puisque c'est au contraire le début supposé de "l'Eglise" pagano-chrétienne).
Gabriel avait annoncé précédemment que Jérusalem serait rebâtie. Il prédit maintenant la destruction de la ville rebâtie et de son temple, en ces termes : “ La ville et le lieu saint, le peuple d’un guide qui vient les ravagera. Et la fin de cela sera par l’inondation. Et jusqu’à la fin il y aura guerre ; ce qui est décidé, ce sont des désolations. [...] Et sur l’aile des choses immondes il y aura celui qui cause la désolation ; et jusqu’à une extermination, la chose décidée se déversera aussi sur celui qui est en désolation. ” ( Daniel 9:26b, 27b). Certes, cette désolation surviendrait après les “ soixante-dix semaines ” ; néanmoins, elle serait une conséquence directe des événements survenus pendant la dernière “ semaine ”, durant laquelle les Juifs rejetèrent le Christ et le firent mettre à mort. — Matthieu 23:37, 38. L’Histoire montre qu’en 66 de notre ère les légions romaines commandées par Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, entourèrent Jérusalem. Malgré la résistance juive, les armées de Rome qui portaient leurs enseignes, leurs étendards idolâtriques, pénétrèrent dans la ville et commencèrent à saper le mur nord du temple. Leur présence en ce lieu faisait d’elles une “ chose immonde ” capable de causer une désolation complète (Matthieu 24:15, 16). En 70, les Romains menés par le général Titus vinrent comme une “ inondation ” et dévastèrent la ville et son temple. Rien ne les arrêta, car cela avait été décrété (“ décidé ”) par Dieu. Le Maître du temps, Jéhovah, avait une nouvelle fois accompli sa parole ! https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999030 " Après les soixante-deux semaines, un homme ayant reçu l'onction sera retranché, et il n'aura personne pour lui. Le peuple d'un chef qui vient détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera dans un déferlement ; jusqu'à la fin de la guerre des dévastations sont décidées" (9,26). Rien dans le texte n'indique que la destruction de la ville devait se dérouler " après" les soixante-dix semaines mais au contraire comme un évènement intégré à cette période. Daniel 9,17 indique que le sanctuaire est "déjà" dévasté : " Maintenant donc, notre Dieu, entends ma prière et mes supplications, à moi, ton serviteur ! Pour le Seigneur, fais briller ta face sur ton sanctuaire dévasté" (9,17). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 24 Mai 2022, 17:53 | |
| Sur la situation ou le "point de vue" historique probable de 9,26 (soit le moment où l'auteur réel envisage comme avenir, dans la 70e "semaine" de son schéma qui est commencée mais pas encore finie, une destruction imminente de Jérusalem et du temple dans la foulée de la déposition et de l'assassinat d'Onias), et sur les éventuelles corrections à apporter au texte massorétique qui est manifestement abîmé (car ledit point de vue a été très vite perdu de vue par les rédacteurs et copistes ultérieurs), voir supra 22-23.2.2022.
La situation fictive du v. 17 est en revanche très différente, du fait du jeu pseudépigraphique: là c'est le "Daniel" imaginaire du VIe siècle av. J.-C., dans la première année de "Darius le Mède" (v. 1), soit juste après la prise de Babylone (en - 539 et par Cyrus "en vrai"), qui se lamente sur Jérusalem et le temple qui sont encore dévastés (depuis -587/6).
Mais il y a bien un rapport entre les deux, à savoir que les "70 ans de Jérémie" (interprétés non plus à partir de l'accession de Babylone à la suprématie régionale ou de la première déportation de Joïaqin, comme en Jérémie 29, mais bien à partir de la destruction du temple comme dans les Chroniques; d'où les "7 semaines" = 49 ans correspondant grosso modo à la période de dévastation proprement dite, sans temple, avant la reconstruction), étendus à "70 semaines" (soit 70 x 7 ans), doivent se finir comme ils ont commencé, allant d'une destruction du temple à une autre, la seconde devant coïncider avec une véritable eschatologie (royaume de Dieu du chapitre 2, règne des saints du chapitre 7, résurrection et jugement du chapitre 12), autrement dit une "fin de l'histoire". Evidemment cette perspective qui seule rend compte du sens général de la rédaction principale de Daniel (hormis les ajouts et changements ultérieurs) devient intenable dès lors que l'insurrection maccabéenne réussit et que le service du temple est rétabli (Hanoukka, Dédicace) selon les critères "assidéens", puis "hasmonéens", soit vers - 164 suivant la tradition des (livres des) Maccabées -- issue "historique" nullement prévue par les principaux auteurs de Daniel et en totale contradiction avec leurs espérances eschatologiques imminentes. Pourtant à partir de là l'eschatologie de Daniel, détachée de la situation maccabéenne, restera en grande partie liée à l'idée d'une nouvelle destruction de Jérusalem et du temple, et d'une certaine façon elle finira par la produire dans un tout autre contexte, romain, plus de deux siècles après (+ 70). De la "prophétie ratée" à la "prophétie auto-réalisatrice", ce n'est (presque) qu'une question de temps...
Cet "horizon eschatologique" qui réplique et projette sur la "fin" le traumatisme fondateur (la destruction du temple "de Salomon" par Nabuchodonosor et l'exil à Babylone), amplifié par toute la littérature "biblique" qui s'en est suivie (Torah, Prophètes, Ecrits, tout cela renforce la conscience "historique", au-delà de toute mémoire réelle, que le "temple" est "second" et menacé comme le "premier"), s'inscrit à l'encontre d'une religion sacerdotale qui ne vise, par définition, que la permanence d'un ordre cyclique et rituel -- on comprend que les milieux sacerdotaux intégrés dans le service du temple soient les premiers à y réagir (de Qohéleth aux "sadducéens", en passant par les hasmonéens et la prêtrise associée aux extensions du temple d'Hérode, tous ceux-là ne veulent évidemment pas d'une "fin du monde" qui serait aussi une "fin du temple"). Il séduit en revanche tous ceux qui à divers titres sont éloignés du temple (clans sacerdotaux écartés du sacerdoce ou de la fonction du grand prêtre, comme à Qoumrân, mais aussi "laïcs" comme les pharisiens, outre la diaspora dont le rapport au temple est "idéalisé" mais aussi concrètement distendu). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 27 Mai 2022, 16:12 | |
| Daniel 9,24 ; définit les objectifs que doivent permettre d'atteindre la période de soixante-dix semaines qui est fixée sur le peuple et la ville sacrée, nous pouvons noter l'absence parmi ces objectifs, de l'émergence d'un "messie". Parmi les objectifs cités, nous retrouvons la nécessité de "faire cesser la transgression et mettre fin aux péchés, pour faire l'expiation de la faute" ; est-ce liée à la restauration (espérée) du temple ? Une autre attente est développée :"amener la justice" ; est-ce la justice sociale ou la justice divine ? Enfin cette période déterminée doit permettre de "sceller vision et prophète".
"Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sacrée, pour faire cesser la transgression et mettre fin aux péchés, pour faire l'expiation de la faute et amener la justice pour toujours, pour sceller vision et prophète et pour conférer l'onction à un « très-sacré » (9,24).
Et pour sceller la vision et la prophétie - Marge, comme en hébreu, «prophète». La signification évidente, cependant, est ici «prophétie». Le mot sceau se trouve, comme déjà expliqué, dans la première partie du verset - «pour sceller les péchés». Le mot «vision» (pour sa signification, voir les notes à Ésaïe 1:1) n'a pas besoin d'être compris comme se référant particulièrement aux visions vues par Daniel, mais doit être compris, comme le mot «prophétie» ou «prophète» ici, dans un sens général - comme désignant toutes les visions vues par les prophètes - la série de visions relatives à l'avenir, qui avait été portée à la connaissance des prophètes. L'idée semble être qu'ils seraient à ce moment-là tous «scellés», dans le sens où ils seraient fermés ou fermés - plus de questions ouvertes - mais que l'accomplissement les ferait, pour ainsi dire, les fermer pour toujours. Jusqu'à ce moment-là, ils seraient ouverts à l'étude et à l'étude; puis ils seraient refermés comme un volume scellé que l'on ne lit pas, mais qui contient de la matière cachée à la vue.
Comparez les notes à Ésaïe 8:16: «Reliez le témoignage; scellez la loi parmi mes disciples. Voir aussi Daniel 8:26; Daniel 12:4. Dans Ésaïe Ésaïe 8:16 le sens est que la prophétie était complète, et la direction a été donnée pour la lier, ou l'enrouler comme un volume et la sceller. Dans Daniel 8:26, le sens est, scellez la prophétie, ou faites-en un enregistrement permanent, que lorsqu'il est accompli, l'événement peut être comparé à la prophétie, et on voit que l'un correspond à l'autre. Dans le passage devant nous, Gesenius («Lexique») le rend, «pour compléter, pour finir» - ce qui signifie que les prophéties seraient accomplies. Hengstenberg suppose que cela signifie, que «dès que l'accomplissement a lieu, la prophétie, bien qu'elle conserve, à d'autres égards, sa grande importance, atteint la fin de sa destination, dans la mesure où le point de vue des croyants, qui besoin de consolation et d'encouragement, n'est plus dirigé vers elle, vers la prospérité future, mais vers ce qui est apparu.
Lengerke suppose que cela signifie confirmer, corroborer, ratifier - bekraftigen, bestatigen; c'est-à-dire que «la justice éternelle sera donnée aux pieux, et les prédictions des prophètes seront confirmées et accomplies». Sceller, dit-il, a aussi l'idée de confirmer, puisque le contenu d'un écrit est sécurisé ou solidarisé par un sceau. Après tout, peut-être, l'idée même ici est celle de «faire vite», comme le fait une serrure ou un sceau - car, comme on le sait, un sceau était souvent utilisé par les anciens là où une serrure est avec nous; et le sens peut être que, comme un sceau ou un verrou a rendu rapide et sécurisé le contenu d'un écrit ou d'un livre, ainsi l'événement, lorsque la prophétie serait accomplie, le rendrait «rapide» et «sûr». Ce serait, pour ainsi dire, l'enfermer, ou le sceller, pour toujours. Il déterminerait tout ce qui semble indéterminé à son sujet; régler tout ce qui semblait indéfini et ne plus savoir ce que cela signifiait. Selon cette interprétation, le sens serait que les prophéties seraient scellées ou réglées par la venue du Messie. Les prophéties se sont terminées sur lui (comparer Apocalypse 19:1); ils trouveraient leur accomplissement en lui; ils seraient achevés en lui - et pourraient alors être considérés comme clos et consommés - comme un livre entièrement écrit et scellé. Toutes les prophéties et toutes les visions avaient une référence plus ou moins directe à la venue du Messie, et quand il devait apparaître, elles pouvaient être considérées comme complètes. L'esprit de prophétie cesserait et les faits confirmeraient et scelleraient tout ce qui avait été écrit.
https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/4/commentaire-biblique-par-albert-barnes/daniel/9/24 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Ven 27 Mai 2022, 17:25 | |
| J'ai mis un moment à distinguer (?) 1) tes propres remarques (§ 1); 2) la citation de la NBS (§ 2); 3) la citation de Barnes (traduit ou non par Napoléon [Roussel], cf. ici 23.5.2022 et là l'original anglais -- §3ss). En réponse à tes questions (§ 1), je dirais que - 1) la nouvelle dédicace du temple, telle que la rapportent les (livres des) Maccabées, n'est certainement pas ce que vise la rédaction première ou principale de Daniel, qui espère une véritable eschatologie (royaume de Dieu et des saints, résurrection des morts et jugement dernier) comme suite ou issue immédiate de la crise maccabéenne -- non la simple reprise d'un culte ordinaire dans une histoire qui continuerait comme si de rien n'était, par un jeu d'alliances politico-militaires avec des puissances étrangères (Egypte, Sparte ou Rome p. ex., pour contrer la Syrie séleucide); par contre, ce peut fort bien être la perspective d'une rédaction postérieure (de quelques années à peine) qui reviendrait de l'eschatologie (non réalisée) à l'histoire (dès lors connue), et aurait ajouté, par exemple, le dernier élément du v. 24, "oindre le saint des saints (ou très-sacré)" comme référence (alors ex eventu) à la Dédicace du temple -- et peut-être déjà le terme précédent, "sceller vision et prophète", dans ce cas référence et déférence au livre de Daniel que pourtant l'ajout "corrigerait"; toutefois une "eschatologie sacerdotale" peut parfaitement envisager l'au-delà de l'histoire comme un "culte éternel" et "cosmique" réunissant ciel et terre et centré sur le temple: des dernières visions d'Ezéchiel à Qoumrân et aux "apocalypses" ultérieures, c'est bien le rituel cyclique du temple qui offre l'image idéalisée d'un "monde nouveau post-historique", désormais sans histoire, même quand cela s'exprime paradoxalement, comme dans l'Apocalypse dite "de Jean", par une ville sans temple, ou plus exactement un dieu qui est à la fois temple et agneau (21,22); néanmoins cette perspective (du "temple eschatologique", dernier et éternel) serait tout aussi déçue par la suite de l'histoire effective; - 2) la "justice" ( çdq / dikaiosunè etc.) est toujours (je veux dire à peu près dans toute "la Bible", AT et NT compris) à entendre de façon "religieuse", comme conformité à un "ordre" englobant, à la fois divin et cosmique (ou, si l'on veut, transcendant et immanent, sacral et moral, etc.); elle peut avoir un côté "économique et social", qui est particulièrement marqué chez les "Prophètes" (Amos, Osée, Isaïe, etc.: faire droit ou ne pas faire de tort au pauvre, au faible, à la veuve, à l'orphelin, à l'étranger, etc., voire niveler les inégalités, abaisser le fort et élever le faible), mais cet aspect-là de la "justice" n'apparaît guère chez Daniel -- une simple lecture du texte permet de le constater, bien qu'il soit naturellement plus difficile de remarquer ce qui y "manque" que ce qui y est. Sinon, la principale ambiguïté de 9,24 tient aux verbes d'"accomplissement" ( kl' ou klh, selon la leçon retenue; à la rigueur htm pour "sceller", si on ne lit pas tmm, mais comme le comprenait bien Barnes "sceller" a encore d'autres sens, cacher, fixer, garantir, etc.) qui ont à peu près le même double sens que le verbe "achever" (ou "finir", etc.) en français: "achever le péché" (etc.), ça peut signifier aussi bien le porter à son comble (parachever, accomplir, compléter) qu'y mettre un terme; dans une perspective apocalyptique où tout est déterminé souverainement et à l'avance ça ne peut d'ailleurs pas être l'un sans l'autre: il faut que le "mal" aille au bout de lui-même, qu'il soit porté à son paroxysme (avec la connotation "pénultième" de ce mot, la culmination avant-dernière, comme dans la "crise" médicale qui débouche soit sur la mort du patient soit sur sa guérison), pour en finir avec lui: ce trait est commun à la plupart des "apocalypses", notamment avec la notion de l'"antéchrist" qui se développe justement à partir des figures d'Antiochos dans Daniel (cf. aussi ici); mais on retrouverait une idée similaire dans des textes qui n'ont à première vue rien d'"apocalyptique", par exemple pour la "faute des Amoréens" ou "Amorites" dans la Genèse (15,16). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 31 Mai 2022, 15:10 | |
| La vision des chapitres 10-11 nous conduit pas à pas jusqu'aux évènements de 165 (11,39) et avant ceux de 164. L'auteur connait, en effet, la profanation du temple de Jérusalem par Antiochus IV (7 décembre 167 ; Dan 11,31). Il fait allusion à la révolte des Macchabées et aux premiers succès de Judas (166 ; Dan 11,34). mais la mort d'Antiochus (Automne 164) qu'il décrit est fictive (Dan 11,40 ss) et il ignore la purification du temple par Judas le 14 décembre 164. On peut situer au moins la deuxième partie du livre de Daniel (7-12), avec une très confortable certitude, en 164 avant JC.
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Dernière édition par free le Jeu 02 Juin 2022, 16:41, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 31 Mai 2022, 15:54 | |
| Sur le même ouvrage de Lacocque, cf. supra 3.3 et 12.5.2022.
Pour rappel, cette datation globale est à nuancer du fait que - 1) les différentes sections (visions, etc., ne fût-ce que des chap. 7--12) ne sont à l'évidence pas simultanées, bien que leur rédaction (principale) soit certainement de la même période (disons 167-164): même si elles ont beaucoup en commun, il faut encore rendre compte de leurs différences, qui peuvent être d'"auteur" autant que de "date" (précise), sinon de "milieu"; - 2) il y a de toute façon des ajouts postérieurs à ce terminus ad quem (mort réelle d'Antiochos et dédicace du temple d'après les Maccabées), non seulement à la fin du livre (12,5ss et ses "délais supplémentaires" après une première conclusion) mais plus ponctuellement un peu partout (p. ex. les 2300 soirs et matins du chap. 8 s'ils se réfèrent à la date effective de la Dédicace) -- même s'ils ne sont postérieurs que de quelques mois, à supposer une "rédaction principale" (de certains chapitres au moins) en - 164.
Reste en effet que de toute "la Bible", la "rédaction principale" de Daniel 7--12 est l'une des plus facilement datables (dans une fourchette d'environ trois ans) par une méthode "historico-critique" (à vrai dire je ne vois guère d'autre texte qu'on puisse dater aussi précisément d'après son seul "contenu"), alors même que le livre est l'un des plus "obscurs" pour un lecteur ultérieur et qu'il s'efforce (ostensiblement !) de cacher sa date (par le biais d'une pseudépigraphie qui le fait apparemment remonter au VIe s. av. J.-C.); outre qu'il n'a pu être "reçu", au moins par une partie substantielle du judaïsme, que déjà "périmé" (au sens de la "prophétie ratée", mais susceptible de réinterprétation sans fin). Paradoxal donc à plus d'un titre. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 29 Aoû 2023, 14:23 | |
| Flavius Josèphe et l'éternité de Rome
Nous avons vu que Daniel avec, dans une moindre mesure, Isaïe, se distingue dans les Antiquités par son statut bibliographique : le livre inscrit à son nom y figure à titre d’entité littéraire constituée.50 C’est là un indice structurel du rôle-clé de Daniel dans la pensée historiographique de Josèphe, indice non moins significatif que les déclarations explicites à son égard. Daniel est pour lui un des plus grands prophètes (Antiq. x, 266), prophète qui se distingue non pas par des visions de la fin des temps, mais par des prédictions désormais accomplies – domaine du prophète-historien – et, ce en quoi il est unique, dont il a pu préciser la chronologie.51 En effet, le livre de Daniel est le seul livre de prophète «postérieur » que Josèphe utilise non par des emprunts ponctuels, mais comme cadre de récit: une bonne part du Xe livre des Antiquités (186-218 ; 232-281) suit le fil narratif de Daniel. Celui-ci est pour Josèphe le prophète-historien à part entière – par sa chronique des faits contemporains, par ses prédictions accomplies,52 et par son statut d’auteur.53 La première mention connue du Livre de Daniel, ce qui rend possible, mais nullement certain, qu’il s’agisse de Daniel comme auteur, se trouve dans le florilège de Qoumrân, 4Q174, que l’on date de la fin du Ier siècle avant J.-C.54. Il semble que ce soit Josèphe qui, le premier, ait identifié le protagoniste avec l’auteur, identification nullement évidente, puisque le Baba bathra 14b-15a, qui pose la question d’auteur pour l’ensemble du canon, attribue Daniel (ainsi qu’Ézéchiel, les douze petits Prophètes et Esther) aux «hommes de la Grande Assemblée ».55 Remarquons que la question d’auteur, telle que la pose le Baba bathra, ne recouvre pas le problème de pseudépigraphie, qui n’existe que depuis le XVIIIe siècle.56
Mais il y a plus. Le livre de Daniel se situe à la charnière du prophétisme et de l’apocalypticisme, donc à un moment de déprise d’avec l’histoire.57 Or, par sa lecture sélective, qui élude notamment les prophéties à fort accent eschatologique – la pierre qui détruit la statue en quatre métaux de Daniel ii, la vision des quatre bêtes de Daniel vii et la prophétie des lxx semaines de Daniel ix – Josèphe modifie radicalement le caractère du livre pour en faire la pièce maîtresse de son système intrahistorique.58 Il n’est donc pas indifférent que la prophétie concernant la succession des monarchies soit une prophétie de Daniel.
Revenons au rêve de Nabuchodonosor. Josèphe modifie le texte de Daniel, notamment par l’omission, pour les trois premières monarchies, des indications de puissance relative (la deuxième, Médie-Perse, est, chez Daniel, « inférieure » à la première, Babylonie – Dan. ii, 39 / Ant. x, 208) et d’étendue dans l’espace (la troisième, Grèce-Macédoine, d’après Daniel « régnera sur la terre entière » – Dan. ii, 39 / Ant. x, 209). Quant à la quatrième, Rome, Josèphe supprime l’indice d’une faiblesse partielle : les pieds de la statue, partie fer, partie argile chez Daniel, sont pour lui en fer seul (Dan. ii, 33 / Antiq. x, 206).59 Se trouve ainsi éliminé tout ce qui distrait de l’affirmation de la supériorité de la quatrième monarchie sur les trois qui l’ont précédée, ou en diminue la portée. Et, coup fort de notre auteur, qui bouleverse le sens de la prophétie, la quatrième monarchie ne connaît, elle, aucune succession, elle est là à demeure, εἰς ἅπαντα (Ant. x, 209).
Chez Daniel la pierre qui détruit la statue signifie l’avènement d’un royaume voulu par Dieu, qui fera disparaître les quatre monarchies, qui ne passera pas à un autre peuple et qui existera à jamais, εἰς τὸν αἰῶνα (ii, 44).60 Josèphe rapporte le rêve en entier, mais, pour l’interprétation, omet cette dernière partie en faisant valoir qu’il s’agit là d’une prophétie encore à accomplir, donc en dehors de sa compétence d’historien.61
https://www.persee.fr/doc/ktema_0221-5896_2010_num_35_1_2510 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 29 Aoû 2023, 16:40 | |
| Excellent article, quoique son propos soit un peu décalé par rapport au présent fil (c'est Daniel vu par Josèphe): quitte à s'éloigner davantage encore, on notera que le pro-romanisme de Josèphe ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de Luc-Actes, mais que celui-ci est aussi préparé par les diverses nuances d'"apolitisme" de la plupart des textes du NT, à l'exception spectaculaire de l'Apocalypse; et que cette affectation de reconnaissance ou d'indifférence pour Rome n'est pas très éloignée non plus du pharisaïsme romano-compatible d'après 70 (que Josèphe célèbre), illustré par la légende d'un Yohanan ben Zakkai quittant dans un cercueil Jérusalem assiégée pour aller refonder un judaïsme sans temple, sans sacrifices et sans sacerdoce à l'écart de toute ambition politique. Qui veut avoir pignon sur rue après la et surtout les guerres juives doit s'afficher pro-romain, à tout le moins se désolidariser des "séparatismes". On peut s'étonner que Rome, qui au moment de la guerre (66-73) était désignée depuis plusieurs générations dans divers milieux juifs comme l'ennemi suprême (notamment sous les traits de l'Antiochos de Daniel, antichrist avant la lettre), se change aussi facilement en quasi-messie sous les traits de Vespasien ou de Titus; mais la victoire historique, politique et militaire, dès lors qu'elle apparaît incontestable et irréversible, y suffit. La religion suit, quelles que soient les acrobaties exégétiques ou herméneutiques que cela requiert -- comme pour Nabuchodonosor "mon serviteur" dans Jérémie ou Cyrus "mon oint" dans le deutéro-Isaïe, il y a toujours des modèles. Bien entendu, Rome n'était nullement visée comme "empire" futur dans le livre de Daniel lui-même (ainsi qu'on l'a vu ici ces jours-ci, elle n'était évoquée qu'allusivement, sous le nom de Kittim, comme acteur contemporain du IIe s. av. J.-C. et du "bon côté", puisqu'elle contrecarrait les projets d'Antiochos), mais c'est bien ainsi (Rome comme puissance suivante, après la Grèce et les empires hellénistiques, donc endossant à son tour le rôle de l'ennemi ultime) que le texte est réinterprété dès le Ier siècle avant J.-C. et a fortiori après: voir en particulier p. 371 note 9. Pour l'"historiographie" de Josèphe où les "Prophètes" qui "écrivent l'histoire à l'avance" ont valeur de "documents historiques" (cas d'école de "raisonnement circulaire"), Daniel est en effet le prophète-historien par excellence, puisqu'il écrit l'histoire sur cinq ou six siècles à l'avance... encore devant Isaïe qui n'annoncerait Cyrus que deux ou trois siècles à l'avance (petit bras)... Il est d'autant plus remarquable que les productions d'une telle méthode aient pu être utilisées avec enthousiasme par les auteurs romains, dès lors qu'elles allaient dans le sens du vent, de l'empire ou de l'histoire. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 05 Sep 2023, 10:28 | |
| - Citation :
- Presque toute notre "information" sur la crise maccabéenne dépend de sources non seulement juives (ou judéennes), mais d'un (ou de plusieurs) "judaïsme(s)" résolument hostile(s) à la politique hellénistique d'Antiochos (que lesdites sources soient grosso modo contemporaines ou plus ou moins éloignées dans le temps, de Daniel à Josèphe en passant par les livres successifs des Maccabées). Ce qui est décrit comme persécution, sacrilège, profanation, interruption du sacrifice, "abomination de la désolation" (par déformation volontaire du nom ou titre de la divinité syro-phénicienne, Baal-Shamem, "seigneur des cieux", prise non sans raison et en bonne part comme un "équivalent" du Yahvé judéen et du Zeus olympien dans la perspective culturelle universaliste -- même pas forcément "syncrétique" -- de l'hellénisme, mais rapporté en mauvaise part à la racine šmm, "désoler, dévaster", par ses adversaires) a aussi eu des partisans juifs, y compris dans l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem; ceux-ci sont évidemment dénoncés comme des renégats ou des traîtres impardonnables dans nos sources, mais ils n'en étaient certainement pas moins sincères et "fidèles" de leur propre point de vue, jugeant que leur tradition particulière et leur peuple avaient tout à gagner d'une ouverture à la culture "mondiale" de l'époque.
2. ANTIOCHOS IV EN BABYLONIE ET EN JUDÉEEn Judée, l'attitude d'Antiochos IV diffère radicalement de celle que ses prédécesseurs avaient adoptée. Sa conduite vis-à-vis de Jérusalem est rapportée avec force détails117 dans les livres des Maccabées, dans les Antiquités juives de Flavius Josèphe118 mais aussi de manière plus allusive dans le livre de Daniel119. Antiochos IV nomme directement comme Grand Prêtre, Jason120, puis Ménélas121. Il autorise la fondation d'une cité à Jérusalem, au grand scandale des rédacteurs des Maccabées. Devant les troubles suscités par ces réformes, et au retour d'une campagne d'Égypte catastrophique, il s'arrête à Jérusalem, pille et profane le temple, y installe le culte de Zeus Olympien122. Il prend enfin une série de mesures rassemblées dans ce que les textes qualifient d'édit de persécution. Le contenu n'en a pas été conservé, et l'on peut même douter de sa réalité historique, mais les auteurs des deux livres des Maccabées prétendent qu'il revient à interdire le judaïsme. Cette politique, d'une radicalité inconnue dans l'antiquité, a laissé perplexe plus d'un commentateur. Certains y ont vu le signe de la folie d'Antiochos IV123, ou de sa volonté de propager l'hellénisme124. Selon E. Bickermann, qui suit sur ce point le Premier livre des Maccabées125, Antiochos IV se serait laissé entraîné par les manigances de Ménélas — lequel souhaitait voir abolir au maximum les différences entre Grecs et Juifs. D'après V. A. Tcherikover, il aurait cherché à réprimer une révolte menée par des Juifs pieux, choqués par les réformes menées par les élites hellénisées126.. Pour J. Ma, il aurait voulu procéder à une simple réorganisation administrative127. On le voit, les interprétations sont extrêmement diverses. La responsabilité d'Antiochos IV dans ces troubles a été jugée de manière très différente. Pour les uns, le souverain aurait sciemment déclenché le conflit, désireux, après l’humiliation d’Éleusis, de montrer qu’il était encore un souverain majeur128. Pour d’autres129, l'édit résulterait d'une erreur d'appréciation, sans volonté particulière d’oppression religieuse130.Cette multiplicité des interprétations proposées témoigne de la difficulté à construire un discours historique à partir de sources qui sont éminemment partisanes. Les livres des Maccabées, suivis par Flavius Josèphe, proposent une histoire destinée à l'édification du peuple131. Dès lors, ils soulignent des faits mineurs lorsqu'ils semblent avoir une portée symbolique, et présentent comme inédites des pratiques en fait communes à tout l'empire séleucide. La volonté du rédacteur du Deuxième livre des Maccabées de légitimer la dynastie hasmonéenne introduit un biais supplémentaire. Le récit des événements se trouve alors entaché d'erreurs historiques et de parti-pris. En tirer une analyse historique paraît bien aventureux et presque vain — à moins de les rapprocher d'autres documents. Lorsqu'elle est mise en relation avec la politique menée en Babylonie et dans d'autres régions du royaume, l'attitude d'Antiochos IV vis-à-vis de Jérusalem paraît en effet plus compréhensible. Elle trouve des parallèles étroits, qui ne sont pas toujours apparus comme tels parce que les réactions des populations locales ont été bien différentes. Le souverain semble avoir voulu appliquer des mesures semblables en divers points du territoire qu'il contrôlait. Mais, si elles n'ont pas rencontré de fortes résistances dans d'autres parties du royaume, elles ont suscité une vive révolte en Judée. https://hal.science/hal-01845975/document |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre de Daniel est-il authentique? Mar 05 Sep 2023, 13:20 | |
| Article précieux, relativement récent (2014), bien documenté et pondéré, sur ce sujet qui revient souvent dans les discussions "bibliques" où l'on est plus enclin à réciter l'histoire sainte (fût-elle en grande partie "deutérocanonique") qu'à la remettre en question. On retrouvera ta "citation" introductive supra 24.2.2022, et on pourra éventuellement relire la suite: on sait ce que l'"Antichrist" de la tradition chrétienne doit aux figurations d'Antiochos IV dans Daniel, via l'Apocalypse de Jean ou la Seconde aux Thessaloniciens, on pense moins à ce que son "Christ" lui doit: roi divin proche du peuple, abolissant les barrières ethniques et religieuses, passant aussi pour fou ou possédé, etc.
A propos de roi (supposé) dieu et/ou fou (Epiphane-Epimane), on peut rappeler que c'est aussi le cas de Nabuchodonosor dans Daniel 4, emprunté à Nabonide dont la réputation, qui s'est propagée jusqu'à Qoumrân, avait été taillée sur mesure par le "clergé" de Babylone, puisqu'il avait abandonné Babylone pour Teima et Mardouk pour Sîn. (On peut aussi penser, plus tard, à Néron ou à l'Héliogabale, également syrien, qui a inspiré l'"anarchiste couronné" d'Artaud.)
La comparaison du traitement de la Judée et de la Mésopotamie qui se trouvent à deux extrémités opposées de l'empire séleucide est en effet très éclairante. En Judée comme en Mésopotamie (où demeurait une importante diaspora judéenne ou "juive", toujours liée à l'aristocratie du temple de Jérusalem qui en était issue), l'hellénisation avait d'abord été accueillie avec enthousiasme par les autorités religieuses, de la prêtrise de Yahvé comme de celle de Mardouk (etc.) -- même Onias, érigé par la suite au statut de martyr dans des textes d'allure "anti-hellénistique" (l'"oint" ou "messie" retranché de Daniel 9, cf. 2 Maccabées 3ss), y avait volontiers collaboré avant la crise (qui était avant tout de rivalité pour la charge de grand prêtre, entraînant une surenchère de "collaboration" avec le pouvoir séleucide).
Un peu plus loin du présent sujet, on pourrait réfléchir au problème que devient tout "modèle politique", si excellent soit-il -- ici celui de la "cité" (polis) grecque dont on a pas mal parlé récemment autour de La République (politeia) de Platon -- quand il est transplanté dans un tout autre cadre, celui d'un "empire", "colonial" à sa manière -- imposé à des populations "barbares" = non grecques comme une loi étrangère, dont les "élites locales" peuvent voir les avantages puisqu'elles en bénéficient directement, mais restant incompris de "peuples" qui ne demandent qu'à être retournés par des "populistes" ou "démagogues" opportunistes, ceux-ci devenant du même coup des héros partisans, patriotes, fidèles et pieux alors qu'ils n'étaient pas si différents au départ des "collaborateurs"...
Dernière édition par Narkissos le Mar 05 Sep 2023, 14:39, édité 1 fois |
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