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| Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Ven 22 Juil 2022, 14:09 | |
| Il faudrait avoir la patience de lire les publications de la première moitié des années 1930 pour voir comment une "espérance terrestre" a été progressivement construite chez les lecteurs de la Watchtower -- ou, pour prendre les choses sous l'angle théorique, comment une "classe" virtuelle et externe a été actualisée et intégrée à l'"organisation" réelle (le baptême et son interprétation étant à cet égard l'élément décisif, mais longuement préparé sinon consciemment prémédité), de manière à capter la majeure partie des néophytes et des sympathisants.
Quoi qu'il en soit, ce qui donnait encore en 2001 un semblant de cohérence à la doctrine, à savoir que le nombre (littéral) des 144.000 avait été atteint en 1935, a dû être abandonné dès 2007 -- pour la bonne et simple raison qu'à cette date le "Collège central" n'aurait plus été composé que d'exceptions à la règle...
Je me permets de revenir sur ce que j'ai suggéré plus haut -- que la doctrine jéhoviste a effectivement atteint son moment de crédibilité maximale dans les années 1960-75 (c.-à-d. quand nous l'avons connue, toi, free ou moi). Avec une fin du monde en 1975 ou dans les années 1970, toute la chronologie faisait sens, tout paraissait converger: 1914 comme début de la dernière génération, 1935 comme fin de l'appel céleste et commencement du rassemblement des "survivants terrestres", 1975 enfin comme terme du 6e millénaire débouchant "opportunément", sinon immédiatement, sur le millenium... Après ce moment-là, dès la fin des années 1970, l'effet de cohérence et de convergence de l'ensemble ne pouvait que se dégrader, inéluctablement, de décennie en décennie, à mesure que les éléments du système devenaient intenables. (Je m'aperçois après coup que nous avions déjà évoqué cela dans d'autres termes -- "fenêtre de vraisemblance" -- supra 25.10.2018).
Il est d'autant plus remarquable que ce moment de crédibilité, de cohérence et donc d'illusion maximales n'ait pas été le produit d'une fabrication ad hoc, d'un projet unique, concerté, homogène et pour ainsi dire contemporain de lui-même et identique à lui-même. Entre les "intentions" adventistes de Miller à Russell qui avaient abouti aux dates de 1844 à 1914, les problèmes d'organisation interne de Rutherford qui l'ont conduit dans les années 1930 à l'invention des deux "classes", et la chronologie de Franz dans les années 1960, il n'y avait aucun rapport direct, sinon celui d'un enchaînement contingent et en grande partie fortuit dont personne ne peut être dit l'"auteur", pas même le dernier qui parle ou écrit (Franz en l'occurrence) -- comme pour la construction d'une cathédrale ou d'une ville sur plusieurs siècles, qui rejoint par le nombre des "intentions" d'époques, d'auteurs ou d'acteurs différents l'absence d'"intention" prédominante dans la formation d'une langue, d'une culture, d'une espèce animale ou végétale, d'un écosystème ou d'un paysage. Rien de tel que le hasard pour donner l'impression qu'il n'y a pas de hasard...
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A titre personnel, comme je l'ai déjà raconté, je n'étais pas particulièrement passionné par la chronologie jéhoviste, mais je n'en ai pas moins été affecté par cet effet de "crédibilité" ou de "vraisemblance" générale, d'autant qu'adolescent j'étais entouré d'adultes qui y croyaient plus ou moins fermement, à peu près tous convertis de la même époque (début des années 1970 ou fin des années 1960). La perspective d'une "intervention divine" me paraissait alors prendre davantage au sérieux l'idée même de "Dieu" que ce que j'avais jusque-là reçu de la tradition catholique, et en soi l'idée de "fin" (du monde ou de l'histoire) était redevenue pensable et/ou souhaitable ("ère nucléaire" encore récente et tout ce qui venait déjà s'y agréger d'insurmontable, du point de vue démographique, écologique, etc.). Pourtant, c'est après 1975 que je suis devenu "pionnier", et plutôt heureux du tour moins "eschatologique" et plus "spirituel" que prenaient alors les publications de la Watchtower (sous l'influence de Raymond Franz et de quelques autres, comme je l'ai compris ensuite).
Hypothèse à creuser (ou pas): le bénéfice durable d'une eschatologie, qui lui survivrait même quand elle a cessé d'être crédible, c'est (peut-être) l'expérience d'être dégagé (du souci) de "l'avenir"... autrement dit, guéri d'une illusion par une illusion d'un autre genre. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 25 Juil 2022, 12:21 | |
| Je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis Narkissos Ce que l'on peut trouver dans certains articles est une reprise un peu fade de l'enseignement donné il y a plus de 40 ans. Mais reçu dans le contexte actuel cet enseignement sonne un peu faux.
C'est un peu comme une soupe trop épaisse que l'on veut rendre plus liquide en y ajoutant à la fin il y a plus d'eau que de soupe consistante. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 25 Juil 2022, 14:46 | |
| Pour filer la métaphore potagère, tous les morceaux tant soit peu solides ont disparu depuis belle lurette: la génération de 1914 n'en est plus une, 1935 n'est plus ni la fin de l'appel céleste ni le début du rassemblement des survivants, 1975 est presque aussi oublié que 1925 bien que ce soit toujours, sur le papier, la fin du 6e millénaire de l'histoire humaine, mais désormais déconnectée de toute "opportunité"... Les publications de la Watch entretiennent l'illusion de la continuité d'un "machin" qui perdure et demeure essentiellement le même au prix de "réglages" mineurs, lesquels en ont aussi évacué peu à peu toute substance et toute cohérence -- on ne peut même pas le leur reprocher, puisque tout cela foutait le camp de toute façon, par le seul effet du temps.
Mais ce n'est pas sans incidence sur l'appropriation de la doctrine par ses adeptes et sur son attractivité à l'extérieur: au début des années 1970, la plupart des TdJ savaient "démontrer" 1914 et 1975 à coups de versets bibliques et d'arithmétique, ce qui était au moins impressionnant pour le pékin moyen. La "démonstration" est toujours possible en théorie, mais son effet tomberait à plat, de sorte qu'il n'y a plus aucun intérêt à ce genre d'exercice, dont la pratique même s'est perdue. Le Collège central est désormais réputé seul comprendre le "machin" dont il assure la maintenance régulière, en rendant compte de ce qu'il change à chaque intervention (sans quoi personne ne s'en apercevrait). Au-delà du scénario eschatologique, une "religion hyperactive" est devenue tout à fait passive (et le Covid, de ce point de vue, aura été la cerise sur le gâteau). |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 25 Juil 2022, 15:08 | |
| J'ai encore en mémoire les sujet présentés pour expliquer 1914 en cinq minutes soit pour les soeurs, soit pour les frères c'était très une brasse coulée, un naufrage. Certains avouaient ne pas oser se lancer sur ce sujet même lors d'une étude biblique à moins d'avoir préparé à l'avance avec un ancien le prochain rendez-vous de la dite étude. l'Ecole théocratique cela ressemblait plus à un supplice qu'à un exercice de remise en forme spirituel.
De nos jours on entend encore parler de 1914 mais avec beaucoup de prudence et sans grande conviction. Seuls quelques personnes âgées en parlent encore couramment tout en souhaitant qu'on ne les interroge pas sur ce thème déjà un peu oublié. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 25 Juil 2022, 16:35 | |
| Cinq minutes c'est un peu court, mais d'un autre côté la rapidité de la démonstration lui évitait de s'enliser dans ses passages les plus délicats (c'est plus facile d'affirmer "- 607" ou "- 4026" que d'expliquer comment on y arrive).
Cela dit, ma "congrégation", au début des années 1970, n'était probablement pas dans la moyenne: non pas "intellectuelle", loin de là, mais composée essentiellement de nouveaux convertis, relativement jeunes, très engagés et l'esprit assez vif pour intégrer et restituer ce qui les avait eux-mêmes convaincus il n'y a pas si longtemps... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mar 26 Juil 2022, 10:30 | |
| Quand argumentation fournie, détaillée et percutante comme la "vérité" devient obsolète :
16 En revanche, quand on considère l’“esclave fidèle et avisé” comme étant tout le groupe des disciples (y compris les surveillants spirituels), cela élimine toute “succession épiscopale”, cause de bien des maux et de bien des oppressions au sein de la chrétienté, ainsi que l’atteste l’histoire. Ce que Jésus a dit sur ce point, le disciple Marc l’a formulé en des termes qui indiquent qu’il s’agit bien du groupe tout entier de ses disciples. Marc 13:34-36 dit en effet ceci: “C’est comme un homme qui, partant pour l’étranger, a quitté sa maison et a donné l’autorité à ses esclaves, à chacun son ouvrage, et qui a ordonné au portier de rester aux aguets. Restez donc aux aguets, car vous ne savez pas quand viendra [grec: érkhétaï] le maître de la maison: ou tard dans la journée, ou à minuit, ou au chant du coq, ou de grand matin; pour que, quand il arrivera soudain, il ne vous trouve pas endormis.”
21 Bien qu’ayant soulevé la question de l’“esclave fidèle et avisé”, Jésus n’ignorait nullement quel était cet “esclave”. Jésus songeait évidemment au “serviteur” de Jéhovah Dieu, à “l’Israël de Dieu”. Il s’agit donc bien d’un “serviteur” collectif. Au prix de son propre sang, Jésus avait acheté comme esclave l’Israël de Dieu. Il pouvait donc en faire mention, dans son illustration, comme d’un “esclave” collectif, un esclave qui se montrerait “fidèle et avisé”. Or Jésus a parlé de cet “esclave” dans sa prophétie sur le “signe de [sa] présence et de la conclusion du système de choses”. Faut-il en conclure que l’“esclave” collectif est apparu pour la première fois durant sa “présence” ou parousie, depuis 1914 ?
30 Parmi les doctrines fondamentales de la Bible figure la “rançon pour tous”. Or, ce plat vital sur la table spirituelle de ceux qui craignaient Dieu risquait de leur être enlevé par les tenants du rationalisme et de l’évolutionnisme. À cette époque qui, comme on peut s’en rendre compte aujourd’hui, était le “temps voulu”, se présenta un défenseur résolu de la “rançon pour tous”. Il parut sous la forme d’un nouveau journal destiné aux amis de la Bible, Le Phare de la Tour de Sion (Zion’s Watch Tower and Herald of Christ’s Presence), dont le premier numéro parut en anglais en juillet 1879, à six mille exemplaires. Son rédacteur et éditeur était un membre du groupe d’étude biblique de Pittsburgh en Pennsylvanie. Il se nommait Charles Taze Russell. Ce chrétien, ayant remarqué l’illustration du “serviteur fidèle et sage” (Matthieu 24:45, Bible du roi Jacques), en avait donné une explication dans La Tour de Garde de novembre 1881, page 5 (éd. angl.). Dans les deux derniers paragraphes de l’article “Dans la vigne”, il déclara ceci:
Nous croyons que chaque membre de ce corps de Christ est engagé dans une œuvre bénie qui consiste, soit directement, soit indirectement, à donner la nourriture en temps voulu à la maison de la foi. “Qui donc est le serviteur fidèle et sage que son Seigneur a établi sur sa maison”, pour leur donner leur nourriture en temps voulu? N’est-ce pas le “petit troupeau” des serviteurs consacrés qui s’acquittent fidèlement de leurs vœux de consécration — le corps de Christ — et est-ce que le corps tout entier de Christ, individuellement et collectivement, ne donne pas la nourriture en temps voulu à la maison de la foi — la grande troupe des croyants?
Heureux ce serviteur (le corps tout entier de Christ) que son Seigneur, lorsqu’il viendra (grec: élthôn), trouvera faisant ainsi. “En vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.” “Il héritera toutes choses.”
31 Comme on le voit, le rédacteur et éditeur de La Tour de Garde n’a jamais prétendu être, en sa personne, le “serviteur fidèle et sage”. Il n’a jamais revendiqué ce titre*. Cependant il a continué à rédiger La Tour de Garde jusqu’au jour de sa mort survenue le 31 octobre 1916. Il créa la Société Watch Tower (Zion’s Watch Tower Tract Society) en l’année 1881 et la fit enregistrer dans l’État de Pennsylvanie en décembre 1884. Il fit paraître les six volumes des Études des Écritures dans les années 1886-1904, ainsi que de nombreuses brochures traitant de sujets bibliques. Il a aussi préparé le Photo-Drame de la Création, que l’on commença à montrer en janvier 1914; des séances de projection eurent ensuite lieu sous toutes les latitudes. Russell a prononcé d’innombrables discours dans le monde entier. Il est mort au cours de sa dernière tournée de conférences aux États-Unis. Il est indéniable que jusqu’à l’heure de sa mort, en 1916, Russell a servi en tant qu’élément de la classe de l’“esclave fidèle et avisé”, donnant aux domestiques du Maître “leur nourriture en temps voulu”.
32 Comme l’“esclave” de l’illustration de Jésus n’est pas un seul homme, mais la congrégation ointe des disciples du Christ, la classe de l’“esclave fidèle et avisé” n’a pas arrêté son service après la mort de Russell. Cependant nombre de compagnons de Russell, se laissant entraîner par un sentiment de reconnaissance et d’obligation à son égard, en vinrent à voir en sa personne l’“esclave fidèle et avisé”. Cette conception apparut nettement dans le livre qu’édita en juillet 1917 l’Association de la Tribune du peuple de Brooklyn, New York. Ce livre fut appelé “Le mystère accompli” et il contenait un commentaire sur la Révélation, Ézéchiel et le Cantique des cantiques. La page de l’éditeur portait ces mots: “Œuvre posthume du Pasteur Russell”. Un tel livre et l’attitude religieuse qu’il manifestait, tout cela ne pouvait que conduire à la formation d’une secte ayant pour pivot un homme. Mais ces tendances sectaires furent enrayées avec la publication au début de 1927 des articles “Fils et serviteur” et “Le serviteur — bon et méchant” qui parurent dans l’édition anglaise des 1er et 15 février 1927 de La Tour de Garde (éd. française de mai et juin 1927). Comme l’expliquaient ces articles, le “serviteur” de Matthieu 24:45 était un serviteur collectif. — Ésaïe 43:10-12.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101973027?q=fid%C3%A8le+et+avis%C3%A9&p=par |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mar 26 Juil 2022, 11:18 | |
| Le livre cité date en effet de 1973 (75 en français), et tout cela a été formellement abandonné en 2012 (voir le début de ce fil), au profit d'une identification pure et simple de "l'esclave fidèle et avisé" au "Collège central" (anachronique ou antidaté dans les références antérieures à 1976; dans le livre en question "governing body" apparaissait déjà, sans majuscule, à propos du Ier siècle, p. 369 § 13; en français "collège central", p. 365: l'appellation était alors sans doute en discussion, sinon dans les tuyaux, mais pas encore officielle).
Comme la Watch semble avoir aussi renoncé entre-temps à expurger ses archives des explications "dépassées" (ou périmées) -- il n'en resterait pas grand-chose -- les TdJ peuvent désormais lire en permanence la "réfutation" de sa doctrine actuelle dans ses propres textes, mais le risque n'est pas bien grand puisque ceux qui sont restés jusque-là ne se font plus guère d'illusion sur la "vérité" d'une "religion" à laquelle ils sont attachés pour d'autres raisons (familiales, sociales); et par voie de conséquence ils ne sont guère tentés non plus par l'"apostasie" dont l'ombre se dessine derrière la moindre question. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mer 27 Juil 2022, 10:46 | |
| Ceci devint de plus en plus évident, déclarations après déclarations faites dans le périodique La Tour de Garde dans les années qui suivirent la mort de Russel. Donnant une image totalement différente de l'interprétation partiale faite par une Tour de Garde récente, celle du 1er Mars 1923 cite Russell disant que quelques-uns pensent qu’il est “l’esclave fidèle et avisé“, et d’autres que c’est la “Société“. L’article dit alors :
"Ces deux déclarations sont vraies. Car Frère Russel était en fait “la Société“ dans le sens le plus absolu du terme, en ce qu’il dirigeait la politique et la ligne de conduite de la Société sans tenir compte d’aucune autre personne sur la terre".
Une biographie publiée après sa mort dans la Tour de Garde du 16 octobre 1916 déclarait :
"Des milliers de lecteurs des écrits du Pasteur Russel pensent qu’il remplissait les fonctions de “l’esclave fidèle et avisé“ et que son immense travail était de donner la nourriture spirituelle en temps voulu aux gens de sa maison. Sa modestie et son humilité l'empêchaient d'accepter ce titre, mais il l’admettait volontiers dans des conversations privées". (La Tour de .Garde. du 1er décembre 1916 pages 356).
(...)
Mais lorsque certains hésitèrent à considérer ses écrits comme le “canal unique“ choisi par le Seigneur, il s’efforça d’attribuer une grande importance, voire vitale à ces écrits. C'est ainsi qu'il mis en scène ses “amis“ parlant de ses publications :
"Ils signalent qu’eux-mêmes et leurs ancêtres, depuis des générations, ayant tous suivi des classes d’études de la Bible restaient sans but jusqu’à ce que le Seigneur, en son temps, leur ait envoyés par la Société, le livre “les clés de la Bible“. Ils signalent qu’ignorer cette direction du Seigneur en excluant de leur étude de la Bible, l'instructeur envoyé par le Seigneur, ce serait déshonorer le Seigneur qui l'envoie, et rejeter sa main secourable; et que le seul résultat à attendre d’un tel raisonnement, soit une perte graduelle de la lumière, proportionnelle à celle de l’Esprit saint, l’Esprit de vérité, et un retour éventuel dans les “ténèbres extérieures“ du monde et vers leurs églises nominales dont ils avaient été sauvés grâce à la vérité. Ils déclarent que cette attitude est comparable à cette truie qui retourne se vautrer dans son bourbier et le chien à son vomis comme le déclare l'apôtre. Ils déclarent que prendre une telle voie signifierait un manque d’appréciation de l’appel qu’ils ont reçu pour sortir des ténèbres et d’aller vers cette lumière merveilleuse, un manque d’appréciation pour la lumière de “l'étoile du matin“ promise par le Seigneur en précurseur du lever de soleil des nouvelles dispensations. - 2 Pierre 1:19-21.
Ils précisent plus loin que les volumes des “ l’études des écritures “ correspondent pratiquement à la Bible elle-même dans une forme ordonnée, qui est une mise en forme de la Bible qui leur apporte éclaircissement et joie dans l’Esprit saint. Ils déclarent que disputes, spéculations, et conjectures à propos des choses non révélées dans le livre de Dieu sont souvent appelées “étude de la Bible“, qu’ils ont peur de cela et qu'ils désirent rester près du Seigneur et du message qui pour eux leur a été envoyé par Lui et, qu'ainsi, ils préfèrent étudier la Bible à la lumière et sous la direction des “Études berréennes“ et des “Études dans les Écritures “ et de regarder dans la même direction vers une lumière plus lointaine sans attendre les révélations spéciales de leur propre cerveau ou d'autres sources variées".
Remarquez que ses “amis“ sont présentés en affirmant que toutes les études de la Bible faites par eux-mêmes et leurs ancêtres, avaient été totalement inefficaces, jusqu'à la venue des publications de la Watchtower. De toute évidence l’Esprit saint de Dieu était soit inactif, soit inefficace, pour fournir à eux comme à leurs ancêtres l’aide dont ils avaient besoin. Quelles que soient les prières qu’ils aient pu faire à Dieu pour comprendre pendant toutes ces “générations“, elles étaient apparemment restées sans réponse, parce que “Son temps“ n’était pas encore venu pour qu'Il fournisse “Son Canal.“ Notez encore qu’après ces affirmations sur le rôle crucial de cette Société, Russel présenta ses “amis“ disant “qu’ignorer cette direction du Seigneur et exclure de leur étude de la Bible l’enseignant envoyé par le Seigneur c'était déshonorer le Seigneur qui l’avait envoyé et rejeter sa main secourable“, tout ceci menant à “une perte graduelle de la lumière“, perte de l’Esprit saint et l’entrée au final dans les “ténèbres du dehors“. Tous ceci écrit de la plume d’un homme qui affirmait dans le passé que c'était “la considération anormale pour l’enseignement d’un homme faillible“ qui menait au principe de hiérarchie et à celui se l'esclavage.
(A la recherche de la liberté chrétienne).
Dernière édition par free le Ven 31 Mai 2024, 12:10, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mer 27 Juil 2022, 11:39 | |
| Russell n'était certainement pas dépourvu de traits sectaires et autoritaires -- sans quoi il n'aurait pas fondé et produit ce type de mouvement: on ne devient pas "gourou" par hasard, et on ne joue pas un tel rôle sans que celui-ci influe en retour sur le caractère -- mais Rutherford, à mon avis, avait les mêmes dispositions à un degré très supérieur, avec beaucoup moins de fond "chrétien" et beaucoup plus d'ambition, de culot et de sens "tactique", sinon "stratégique". Toujours est-il que leur direction (gouvernement, gouvernance) à tous deux n'avait rien de "collégial", et qu'ils ont été successivement "la Société" à titre parfaitement individuel, l'un comme l'autre -- ce qui est déjà beaucoup moins vrai du duo Knorr-Franz qui s'est installé ensuite, avec une répartition des rôles entre le "businessman" et le "théologien": du coup "la Société" (l'"organisation", etc.) qui avait jusque-là servi de paravent à des individualités fortes a acquis une véritable "autonomie"; même ses "dirigeants" ne la dirigeaient plus vraiment, puisqu'ils se sentaient héritiers et responsables d'un "machin" qui les précédait et les dépassait. Ni le gestionnaire pragmatique ni le théoricien fumeux ne pouvaient plus prétendre au rôle unique de "chef spirituel" qu'avaient incarné, dans des styles fort différents, leurs deux prédécesseurs. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Dim 31 Juil 2022, 15:18 | |
| - Narkissos a écrit:
- Ni le gestionnaire pragmatique ni le théoricien fumeux ne pouvaient plus prétendre au rôle unique de "chef spirituel" qu'avaient incarné, dans des styles fort différents, leurs deux prédécesseurs.
Il y a là sans doute une des raisons qui ont amené à "créer" sinon à mettre en valeur l'idée d'une direction collégiale afin de pouvoir se glisser dans les habits de la réunion si particulière du 1er siècle citée dans le livre des Actes au chapitre 15 versets 6 ss Ce n'est pas la seule religion chrétienne qui se réclame de la succession de cette réunion tenue Jérusalem. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Dim 31 Juil 2022, 16:29 | |
| Quand on lit Raymond Franz, on a plutôt l'impression que le principal adversaire du principe de collégialité a été Frederick W. Franz: ce qui me paraît assez logique, parce que la position d'"éminence grise", derrière un "président" visible (N.H. Knorr) qui n'avait aucun intérêt pour la "théologie" et se déclarait lui-même volontiers incompétent en la matière, était infiniment plus confortable pour lui (F.W. Franz) qu'une collégialité introduisant des personnalités susceptibles de discuter la "doctrine". De ce point de vue un "Collège central" impliquait pour F.W. Franz la perte d'une exclusivité doctrinale discrète, anonyme, mais effective...
Il est tout à fait juste que le "concile" d'Actes 15 a servi de modèle à de nombreux cas de conformisme ecclésiastique (notamment la soumission des principales "réformes" historiques, luthérienne et calviniste, à l'ensemble des "conciles oecuméniques", y compris Nicée et Chalcédoine, dont Actes 15 était censé initier la série et fournir ainsi le modèle "scripturaire"). Mais l'idée de transformer le "concile" en "collège", autrement dit un "événement" (ponctuel, épisodique, régulier ou non) en "institution" permanente, a quand même été l'une des plus mauvaises idées de Raymond Franz dans les années 1970, comme il a eu le temps de s'en apercevoir ensuite (puisque c'est justement celle qu'a retenue la Watchtower et qui a servi à l'exclure)... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 01 Aoû 2022, 15:21 | |
| Rutherford ajouta à l'agitation de cette période, sa volonté, en tant que président de la Société Watchtower, d'exercer le même niveau d'autorité que celui de Russell. La différence était qu'il n'avait pas fondé la Société et qu'il n'était pas détenteur de parts majoritaires comme l'était Russell. Il s'en suivit une lutte de pouvoir au sein du comité des directeurs. Après la démission de quatre membres du comité de direction en désaccord avec son désir de contrôle absolu et, plus tard, après la démission du comité éditorial mis en place par Russell, Rutherford brisa toute résistance et par la suite exerça une autorité monarchique au sein du quartier général de la Société.
Bien que cela lui donnait le contrôle complet sur la Société et sur ce qu'elle publiait, son autorité ne s'étendait pas au-delà de ce domaine. Durant la présidence de Charles Taze Russell, l'association Zion’s Watchtower Tract Society était considérée comme un instrument pour diffuser le message. Elle et ses responsables n'exerçaient pas d'autorité administrative sur les congrégations ou “ecclesias“ qui s'étaient développées. Tout contrôle exercé se faisait fondamentalement et essentiellement par voie de persuasion. Mais maintenant l'approche persuasive n'était pas suffisante pour faire face aux circonstances existantes. Des méthodes coercitives allaient peu à peu s'imposer. L'imitation de ce qui avait été mis en place dans les premiers siècles à savoir la centralisation de l'autorité et du contrôle qui fut utilisée comme moyen pour maintenir et, en la circonstance, pour imposer, l'unité.
En 1919, comme le raconte le livre Les Témoins de Jéhovah dans les desseins divins, tout juste deux ans après que le Juge Rutherford ait assumé la présidence, on demanda aux congrégations de “s'enregistrer auprès de la Société dans le cadre d'une organisation pour le service“ étant entendu qu'après cet enregistrement le quartier général de Brooklyn nommerait un frère dans la congrégation, appelé “directeur“, pour servir en tant que délégué de la Société. Ce livre cité ajoute au chapitre 14 la page 95 :
Cela signifiait que, pour la première fois, l’autorité était enlevée aux congrégations qui s’administraient démocratiquement par l’intermédiaire des “anciens électifs”, et il était clair que la direction de l’œuvre passait sous le contrôle international de la Société. Ce contrôle était limité, bien sûr, mais c’est par cette disposition que l’organisation théocratique visible commença de fonctionner.
Une brèche venait d'être ouverte. Beaucoup plus tôt cependant, Rutherford commença à s'éloigner de la position de la Tour de Garde des premières années. Il commença à œuvrer dans la direction de ce que Russell avait dénoncé comme étant le produit d'une “pensée charnelle“: le développement d'une “organisation centralisée visible, agressive, resserrée“. L'année suivant cette première étape, une deuxième action allait être entreprise. L'histoire officielle de la Société en témoigne :
En 1920, on commença à insister sur la responsabilité qui incombe au chrétien de prêcher la bonne nouvelle, en demandant à tous les témoins qui prenaient part à ce travail de remettre chaque semaine un rapport de leur activité de prédication.
De cette manière, un devoir implicite de soumission au contrôle du quartier général de Brooklyn était implanté dans les esprits de tous les 'associés'. On remet un rapport à un supérieur ou pour le moins à celui envers qui on a quelque obligation.
(A la recherche de la liberté chrétienne). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Lun 01 Aoû 2022, 16:06 | |
| L'autoritarisme de Rutherford était forcément plus agressif que celui de Russell: celui-ci était devenu assez naturellement "maître chez lui" (i.e. à la Watchtower), en gardant longtemps un rapport de dialogue ouvert entre l'intérieur et l'extérieur (notamment adventiste, mais aussi sioniste, etc.); Rutherford a dû s'imposer à l'intérieur d'une maison qu'il n'avait pas fondée, et il a cru bon de le faire en coupant tous les liens entre l'intérieur et l'extérieur ET en supprimant toutes les possibilités de contestation à l'intérieur (ce qui l'a occupé au moins jusqu'en 1935, seulement sept ans avant sa mort)...
Mais tout cela était largement oublié dans les années 1960-75, par suite d'un "jw-boom" où le jéhovisme apparent avait en quelque sorte changé de nature en changeant d'échelle: l'"organisation" gardait sans doute sa structure pyramidale, hiérarchique et autoritaire, mais ce n'est pas ainsi qu'elle apparaissait à la plupart des nouveaux adeptes et sympathisants; de cette époque-là je ne garde pas du tout le souvenir d'une "organisation" rigide, encore moins de "gourous" (Knorr et Franz étaient des noms que nous lisions rarement, et ni l'un ni l'autre n'étaient particulièrement "charismatiques"), mais d'une fraternité globalement égalitaire, fondée sur une "vérité" que tout le monde pouvait "vérifier" et dont l'"organisation" n'était que servante ou instrument... ce sentiment a perduré jusqu'à la crise de 1979, l'éviction de Raymond Franz et la reprise en mains des années 1980... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mer 03 Aoû 2022, 15:12 | |
| Cette articulation des trois instances, d’ailleurs problématique, peut rester cependant purement formelle et juridique. Certes, il est clair (aumoins depuis le Commonitorium de Vincent de Lérins) que la catholica tout entière « décide » en dernière instance de ce qui est « reçu » comme vrai : toujours identique à elle-même, cette foi doit le rester à travers l’espace et le temps : ecclesiae catholicae universitatis et antiquitatis. Mais comment éviter que cette « décision » se dégrade en pur constat ritualisé d’un « accord horizontal » (universitas) et « vertical » (antiquitas) entre témoins, voire que la vérité soit réduite au consensus ? C’est à cet endroit névralgique que Constantinople II introduit, en référence au « concile de Jérusalem » (Ac 15) — qui, à l’époque, commence à jouer la fonction de modèle —, l’idée de débat ou de discussion commune :
« Ce sont aussi les saints Pères qui au long des temps se sont réunis dans les quatre saints conciles, suivant les exemples anciens, et ont statué en commun sur les hérésies et les questions soulevées, tenant comme règle certaine que, lorsque les questions qui doivent être tranchées par les deux parties sont posées lors de discussions communes, la lumière de la vérité chasse les ténèbres du mensonge. Car, dans les discussions communes sur la foi, la vérité ne peut se manifester autrement, puisque chacun a besoin de l’aide de son prochain (…) »
https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2005-2-page-267.htm
Cet article est complexe mais je voulais attirer l'attention sur un point qui me parait important, les conciles réduisent la "vérité" à un "consensus" qui exclut toute notion de "révélation" et induit l'idée de "négociation" ... Peut-il en être autrement ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Mer 03 Aoû 2022, 17:02 | |
| On quitte le "côté des Témoins" (de Jéhovah), mais non le problème fondamental de l'autorité qui se retrouve sous des formes à peine différentes dans toutes les Eglises (entre autres), et que l'excellent Theobald pose ici de façon exemplaire, dans un cadre catholique: parce qu'il n'y a pas de révélation sans réception (cf. p. ex. ici), une "vérité" ne saurait être "révélée" sans être aussi reconnue et comprise comme telle, ce qui suppose en effet, sinon un "consensus", du moins un certain accord (comme dirait Jaspers, la vérité commence à deux), a minima sur un désaccord ( agree to disagree). C'est le programme, "proto-catholique" si l'on veut, de l'épître aux Ephésiens (3,18 ) qu'on peut lire en filigrane de tout cet article, bien qu'il n'y soit pas cité: "comprendre avec tous les saints". Toute la question est de savoir comment s'opère ou joue une telle "réception commune": d'abord, qui y participe, qui a "voix au chapitre" pour reprendre une expression ecclésiastique -- une seule Eglise-institution ou un ensemble "œcuménique" d'Eglises-institutions ? le sommet hiérarchique d'un ou de plusieurs "clergés" essentiellement masculins, ou des "laïcs", hommes et femmes ? des non-chrétiens aussi dans la mesure où le christianisme n'est plus séparable, comme le suggère Theobald, d'un horizon mondial qu'il a lui-même largement contribué à constituer ? des morts ou des vivants, dans le cas d'une "tradition" tellement verrouillée ou bétonnée de génération en génération que les vivants n'y auraient plus rien à dire, quand même ils seraient incapables de la "recevoir" sans la discuter ? et, surtout peut-être, la "discussion" doit-elle aboutir à un "consensus" ou, au contraire, "recevoir", constater et accepter, voire embrasser des différences irréductibles comme telles ? (Je me souviens, il y a longtemps, d'un texte audacieux du même Theobald sur la Trinité, disant qu'on avait eu tort d'en évacuer tout antagonisme et tout conflit: il pourrait appliquer ça à l'ecclésiologie, mais vu la réaction récente du pape -- le pourtant fort sympathique et intelligent François -- aux velléités réformistes de l'Eglise catholique allemande, c'est politiquement mal parti.) Par rapport à cela la différence entre "collégialité" (s'agissant d'une institution permanente; soit dit en passant même l'autorité du pape, dogmatiquement "infaillible" depuis 1870 et Vatican I, repose en principe sur la collégialité des évêques) et "conciliarité" (s'agissant d'événements ponctuels, conciles, synodes, etc.) paraît très accessoire: un "concile" peut être aussi fermé qu'un "collège" et inversement. Pour revenir aux TdJ, comme on l'a déjà remarqué, la fonction officielle du "Collège central" n'est pas de gérer une "tradition" au sens catholique, puisqu'il est en principe libre de changer sa tradition à tout moment (c'est son côté "néo-apostolique", désormais assumé). En pratique, bien sûr, moins il est "créatif" en matière doctrinale, plus son rôle se limite à réciter la tradition et/ou à y opérer des "réglages" mineurs. Il se soucie sans doute théoriquement de la façon dont tout cela est "reçu" par la base ("retours" des surveillants itinérants et des filiales, sans doute aujourd'hui "sondages" moins visibles), mais comme le principe d'autorité règne du sommet à la base, avec la hantise de l'"apostasie" derrière la moindre critique, il est quasiment impossible aux oreilles autorisées d'entendre une voix discordante. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 10:36 | |
| D. La stratégie de règlement du conflit
Parmi les nombreuses typologies des stratégies possibles pour gérer un conflit, j’ai retenu celle de P. Goguelin. En effet, elle s’inscrit dans le contexte du management de l’entreprise qui s’intéresse essentiellement au conflit interne, tel qu’il est décrit dans Ac 15. Elle privilégie, pour des raisons économiques notamment, l’anticipation des crises plutôt que leur traitement, d’où l’importance du stade I dans le tableau ci-dessous :
Le conflit d’Antioche est un conflit ouvert à en juger le vocabulaire utilisé par Luc, il se trouverait donc au stade II du tableau. Le recours à l’arbitrage des apôtres et anciens indique même que toutes les solutions pour trouver un accord négocié ont échoué. Dans la logique de la typologie présentée, ce conflit cristalliserait donc une tension latente qui s’est exprimée à ce moment et en ce lieu de manière assez virulente.
La suite logique du tableau amènerait donc une prescription des anciens et des apôtres, qui joueraient le rôle d’arbitre. Cette prescription serait alors provisoirement acceptée, mais ne résoudrait pas le fond de la tension. C’est bien ce scénario qui semble se dessiner lorsque Jacques prend une décision (egô krinô 15,19) en quatre points (15,20). Cependant cette prescription est présentée par Luc comme acceptée à l’unanimité par l’Église de Judée (« il a semblé bon aux apôtres et aux anciens avec toute l’Église… » 15, 22) et elle aurait été reçue par les Antiochiens avec joie (15,31). Il n’est donc pas question ici d’une acceptation provisoire telle que la supposerait le tableau de Goguelin. Comme cela a été déjà remarqué pour l’usage des verbes de la famille d’anistèmi, Luc présente progressivement la fin du conflit comme un règlement à l’unanimité, il opère un subtil glissement du stade II vers le stade I, en faisant passer la prescription de Jacques pour une résolution concertée du problème qui aurait suscité l’adhésion de tous les partis.
C’est en ce sens qu’on peut effectivement parler d’irénisme chez Luc. Il est vrai qu’il cite des données du conflit de manière assez objective, comme le prouve une certaine concordance des faits avec la version de Paul en Ga 2 ; il faudra y revenir. Luc donne cependant au déroulement des événements un tour de plus en plus idéaliste, notamment en ce qui concerne l’adhésion unanime, qui semble acquise mais de manière très générale et par prétérition. En effet, rien n’est dit de la réaction des partis en présence : ni Paul et Barnabé, ni les partisans de la circoncision n’expriment leur adhésion, ces derniers disparaissant d’ailleurs complètement de la scène. Le vocabulaire reste flou quant à la composition exacte de l’assemblée qui délibère : est-elle juste formée des anciens et des apôtres (15,6) ou de toute la multitude (pan to plèthos, 15,12) ?
Dans le jargon de la gestion des conflits, il est finalement approprié de dire que Luc a éludé, ou du moins sérieusement résumé, une nécessaire phase d’affrontement des différents partis sans citer tous leurs arguments, pour mettre son lecteur plus directement au courant du résultat final des discussions. D’après la classification d’Ardoino citée plus haut, Luc favorise la dimension institutionnelle du conflit, au détriment d’une perspective inter-relationnelle. Il a donc surtout privilégié ce moment ultime de la gestion des conflits qui est la phase d’apaisement. Dans le mouvement du texte, elle est inaugurée par le discours de Pierre.
https://journals.openedition.org/rsr/1938?lang=it |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 11:43 | |
| Bien que je ne souscrive pas aux principaux présupposés exégétiques de cette étude (datation de Galates et des Actes, hypothèse d'un même "événement" derrière les deux textes), qui sont d'ailleurs honnêtement énoncés comme tels (suppositions et non certitudes), je l'ai trouvée très intéressante. Pour rappel (on en a certainement déjà parlé plusieurs fois, mais ce serait difficile à retrouver), le chapitre 15 des Actes est un morceau à part dans le livre, qui s'insère assez mal dans le récit général (Pierre qui avait disparu au chap. 12 ressort de nulle part, Jacques au chapitre 21 informe Paul d'un décret qu'il est censé avoir lui-même transmis, etc.). Par ailleurs l'antagonisme entre Galates et les Actes ne se limite pas à l'"événement" présumé, c'est toute l'image de "Paul" qui est traitée de façon diamétralement opposée d'un texte à l'autre: l'apôtre indépendant ou dépendant de la seule révélation-mission du seul Christ-Esprit, nullement soumis à aucune instance humaine, vs. le converti soumis aux Douze, subordonné à Barnabé, etc. Tout cela, à mon sens, ne se comprend (dans une certaine mesure) qu'à la lumière de la crise "marcionite" (qui éclate vers 140 à Rome mais se prépare sans aucun doute depuis longtemps). Quoi qu'il en soit, de son point de vue de "théologie pratique", Fricker a tout à fait raison de dire qu'Actes 15 ne propose pas une "méthode" viable de "résolution des conflits", puisque ce texte reste (malgré ses différences) dans la perspective générale du livre, celle de l'"institution-miracle" (depuis la Pentecôte) où "l'Esprit" se traduit avant tout par l'accord et l'harmonie générale, les conflits étant résolus comme par enchantement ou réduits à l'anecdotique (cf. Paul et Barnabé, à la fin du même chapitre). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 14:48 | |
| « Le serviteur fidèle et intelligent, qui est-ce ? C'est celui auquel le maître a dit : “Je te confie ce travail : donne à manger aux autres serviteurs, quand il le faut.” 46Il est heureux, ce serviteur, si son maître arrive et le trouve en train de faire ce travail ! 47Je vous le dis, c'est la vérité : le maître lui confiera toutes ses richesses. 48Mais supposons ceci : le serviteur est mauvais. Il se dit : “Mon maître ne revient pas vite”, 49et il se met à frapper ses camarades de travail, il mange et il boit avec les ivrognes. 50Alors le maître va venir un jour où son serviteur ne l'attend pas, et à une heure qu'il ne connaît pas. 51Il chassera ce serviteur, il le punira comme Dieu punit les hommes faux, et le serviteur pleurera et grincera des dents. » (Mt 24,45-47).
“Ce mauvais esclave ”
2, 3. D’où provenait “ ce mauvais esclave ”, et comment s’est-il manifesté ?
2 Jésus a parlé du mauvais esclave aussitôt après avoir mentionné “ l’esclave fidèle et avisé ”. Il a déclaré : “ Si jamais ce mauvais esclave dit dans son cœur : ‘ Mon maître tarde ’, et qu’il commence à battre ses coesclaves, qu’il mange et boive avec les buveurs invétérés, le maître de cet esclave viendra en un jour qu’il n’attend pas et à une heure qu’il ne connaît pas, et il le punira avec la plus grande sévérité et lui assignera sa part avec les hypocrites. C’est là que seront ses pleurs et ses grincements de dents. ” (Matthieu 24:48-51). L’expression “ ce mauvais esclave ” nous renvoie aux paroles précédentes de Jésus concernant l’esclave fidèle et avisé. Effectivement, le “ mauvais esclave ” est sorti des rangs de l’esclave fidèle*. Comment cela ?
3 Avant 1914, beaucoup parmi les membres de la classe de l’esclave fidèle espéraient vivement être réunis à l’Époux dans les cieux cette année-là, mais leurs espoirs ne se sont pas réalisés. À cause de cela, et pour d’autres raisons encore, nombre d’entre eux ont été déçus, quelques-uns même se sont aigris. Certains se sont mis à “ battre ” verbalement ceux qui étaient leurs frères et se sont associés aux “ buveurs invétérés ”, les mouvements religieux de la chrétienté. — Isaïe 28:1-3 ; 32:6.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2004168?q=fid%C3%A8le+et+avis%C3%A9&p=par
La Watch procède à une interprétation libre du texte, en effet le texte ne dit pas qu'il y aurait obligatoirement (dans un sens prophétique) un "serviteur fidèle et intelligent" établit sur les autres croyants mais il établit les caractéristique de ce serviteur modèle, c'est celui qui accomplit fidèlement la tâche qui lui a été confiée ("Il est heureux, ce serviteur, si son maître arrive et le trouve en train de faire ce travail"). La parabole entrevoit également la possibilité que ce même serviteur puisse être un "mauvais esclave" et NON l'éventualité ou le fait qu'un "mauvais esclave" puisse "sortir des rangs de l’esclave fidèle" impliquant l'existence de deux serviteurs (le fidèle et le mauvais). En réalité, c'est le même serviteur qui peut se révéler soit "fidèle" soit "mauvais". Enfin, il est amusant de constater comment la Watch fait porter la responsabilité uniquement sur certains "membres de la classe de l’esclave fidèle" (assimilés au "mauvais esclave" par métamorphose) qui ont eu le mauvais goût de porter du crédit aux prédictions de Russell, en espérant "vivement être réunis à l’Époux dans les cieux" en 1914, conformément aux interprétations du "Pasteur". |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 15:06 | |
| Question: d'où sort la traduction (adaptation) en tête de ton post ? Rappel: toute l'interprétation de La Tour de Garde de 2004 est "périmée" (selon les critères mêmes de la Watch) depuis 2012 au moins (cf. le début de ce fil). Sur la question générale de l'interprétation du texte (prophétie ou parabole, classe ou type), relire ce fil encore plus ancien (2008). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 15:31 | |
| - Citation :
- Question: d'où sort la traduction (adaptation) en tête de ton post ?
LA BIBLE PAROLE DE VIE Je me suis trompé, je pensais citer la NBS : " Quel est donc l'esclave avisé et digne de confiance que le maître a nommé responsable de ses domestiques, pour leur donner la nourriture en temps voulu ? 46Heureux cet esclave, celui que son maître, à son arrivée, trouvera occupé de la sorte ! 47Amen, je vous le dis, il le nommera responsable de tous ses biens. 48Mais si c'est un mauvais esclave qui se dit : « Mon maître tarde à venir », 49qu'il commence à battre ses compagnons d'esclavage, qu'il mange et boive avec les ivrognes, 50le maître de cet esclave viendra le jour où il ne s'y attend pas et à l'heure qu'il ne connaît pas, 51il le mettra en pièces et lui fera partager le sort des hypocrites ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents" (Mt 24,44-51 - NBS). 13 Alors, qui sont les domestiques ? En bref, ce sont ceux qui sont nourris. Au début des derniers jours, tous les domestiques étaient des oints. Plus tard, les domestiques ont englobé la grande foule des autres brebis. De nos jours, le « seul troupeau » que dirige Christ est majoritairement constitué d’autres brebis (Jean 10:16). Les deux groupes bénéficient de la même nourriture spirituelle, que l’esclave fidèle distribue en temps voulu. Qu’en est-il des membres du Collège central, qui forment l’esclave fidèle et avisé ? Eux aussi ont besoin d’être nourris spirituellement. Avec humilité, ils comprennent donc qu ’individuellement, ils sont des domestiques, au même titre que tous les autres véritables disciples de Jésus. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2013533 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 16:43 | |
| Merci: ce n'est pas une "critique", il faut seulement bien comprendre ce qu'est "Parole de vie", à savoir une réduction de la "Bible en français courant" (de l'époque) à une base linguistique plus étroite que le "français courant", dite "français fondamental" -- donc à un vocabulaire et à une syntaxe encore plus élémentaires (destinés en principe à des gens qui apprennent à lire et/ou dont le français n'est pas la langue "maternelle"). Cela implique, paradoxalement, de produire en français un texte plus clair et plus logique que l'original, en rendant explicites des relations supposées implicites. Ainsi le texte grec saute sans crier gare de l'"esclave fidèle et avisé" à "ce mauvais esclave" comme s'il s'agissait du même, c'est cet hiatus logique qui est déconstruit et reconstruit en l'opposition expresse de deux "cas" ou "types" ("Mais supposons ceci: le serviteur est mauvais"). C'est sans doute en gros ce que le texte "veut dire", mais ce n'est pas ce qu'il dit...
En ce qui concerne le "Collège central" actuel des TdJ, je ne suis guère enclin à douter de l'"humilité", de la "modestie", de la "domesticité", de la "domestication" ou de la "servilité" individuelles de ses membres: cela fait trop longtemps (depuis Rutherford) que le "machin" ne laisse plus accéder à ses manettes que des "serviteurs" dépourvus de toute ambition individuelle (y compris Franz qui n'a été créatif que dans l'ombre). Mais il n'y a pas forcément là de quoi être fier, même collectivement (cf. Qohéleth 10).
|
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 19:46 | |
| - Narkissos a écrit:
- Ainsi le texte grec saute sans crier gare de l'"esclave fidèle et avisé" à "ce mauvais esclave" comme s'il s'agissait du même, c'est cet hiatus logique qui est déconstruit et reconstruit en l'opposition expresse de deux "cas" ou "types" ("Mais supposons ceci: le serviteur est mauvais"). C'est sans doute en gros ce que le texte "veut dire", mais ce n'est pas ce qu'il dit...
Je suis désolé Narkissos mais j'ai de la peine à comprendre ton explication, la chaleur rend mon cerveau moins enclin à la compréhenssion. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Jeu 04 Aoû 2022, 20:40 | |
| Matthieu 24:48: mais si ce mauvais esclave...
Le démonstratif (ce, ekeinos en grec, cet esclave-là) renvoie, en principe, et en grec comme en français, à quelqu'un dont on a déjà parlé auparavant... or le seul esclave dont on ait parlé jusque-là était dit "fidèle et avisé", justement pas "mauvais"...
Tout le monde (ou presque) comprend que la parabole oppose deux "types" d'esclaves, un bon et un mauvais, en fonction de leur comportement. Mais la présentation n'est pas formellement claire, puisqu'elle n'envisage d'abord que le "bon" type, puis introduit le type contraire comme s'il s'agissait du même (ce), tout en le qualifiant soudain de "mauvais".
La Bible "Parole de vie" ne fait que rendre la logique du sens global et obvie du texte plus claire que ne l'est sa formulation effective. C'est tout. (A lire ou à relire au frais.) |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Ven 05 Aoû 2022, 15:10 | |
| Merci pour cette précision si claire... Désolé de t'avoir imposé cette nouvelle précision... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Quel est l'esclave fidèle et avisé Mat 24 45 Ven 05 Aoû 2022, 20:02 | |
| Pas de souci. J'avais été trop elliptique, parce que c'est un sujet dont nous avions beaucoup parlé jadis.
Du point de vue de l'exégèse, comme on l'a souvent remarqué, le reproche le plus constant qu'on puisse faire à la Watchtower, dans toutes ses interprétations successives, c'est de retourner une parabole qui questionne le mode d'exercice d'une ""autorité" (il y a une bonne et une mauvaise manière, illustrées par deux "types" d'esclaves) en prophétie qui fonde et justifie une affirmation d'autorité (ce qui, soit dit en passant, correspondrait plutôt au "mauvais type", justement décrit comme "autoritaire"). En d'autres termes, elle s'applique le "bon côté" du texte comme si elle avait déjà reçu un jugement favorable; c'est encore plus acrobatique depuis sa "correction" de 2011-13 (cf. le dernier lien de free), selon laquelle ledit jugement est désormais futur (en principe, donc, rien n'est joué, l'"esclave" pris comme "classe", "groupe" ou "collège" peut toujours être jugé bon ou mauvais, à la fin)... Sans compter l'incohérence que la nouvelle interprétation a introduite par rapport à toutes les paraboles similaires, qui supposent une "absence du maître / Seigneur / roi" (talents, mines, vierges, etc.): on associe habituellement (à la Watchtower comme ailleurs) le départ du maître et la "mission" qui s'ensuit à la mort ou à l'ascension de Jésus, voilà que le même élément narratif s'applique tantôt au Ier siècle, tantôt au XXe... (le problème a sans doute été en partie "réglé" depuis, laborieusement, parabole par parabole, sans aboutir pour autant à une nouvelle cohérence, parce que le jéhovisme, dans la mesure où il se veut aussi "chrétien", ne peut pas abandonner purement et simplement toutes ses références au Ier siècle). |
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