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| L'origine du péché selon la Bible | |
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free
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 01 Mar 2024, 12:53 | |
| "Le péché est entré dans le monde à cause d'un seul homme, Adam, et le péché a amené la mort. Alors la mort a touché tous les êtres humains parce que tous ont péché. Avant que Dieu donne la loi à Moïse, le péché était dans le monde, mais quand il n'y a pas de loi, on ne tient pas compte du péché. Pourtant, depuis le temps d'Adam jusqu'à Moïse, la mort a été très puissante. Elle a frappé même ceux qui n'ont pas péché comme Adam, qui a désobéi à l'ordre de Dieu. Adam représentait celui qui allait venir" (Rm 5,12-14).
Pour une lecture de Romains 5, 12-21 Pierre GRELOT
a. Retour sur les vv.12 à 14. — Dans ces versets figurent les deux contraires: «un seul homme», «tous les hommes», également reliés au «monde» et plus loin à «la multitude». Ils sont en rapport avec les deux acteurs qui entrent en scène: le Péché et la Mort. En 12A, ils «entrent» dans le monde; en 12B, ils sont dans le monde et «passent » dans tous les hommes. En 13 et 14, la Loi intervient comme troisième acteur, mais elle était à l'arrière-plan de la scène dès l'origine, puisque le «seul», Adam, a pu commettre une «transgression» (14a'). Au sein du monde marqué par le règne du Péché et de la Mort, la Loi n'est pourtant apparue que par la médiation de Moïse : à partir de ce moment-là, le péché fut «pris en compte» (gr. allogeitai:13b). D'après ce qui est dit en 12bc, la mort, signe du règne de la puissance de la Mort sur le monde, serait son châtiment. Or paradoxalement, depuis Adam jusqu'à Moïse, la Mort régnait déjà sur les hommes qui, ignorant la Loi, ne pouvaient la «transgresser» comme Adam l'avait fait. Il n'y a à cela une raison évidente: c'est que «du péché» (ou «le Péché» mentionné sans article) «était dans le monde». Au-delà du péché d'Adam, qui est originaire, il existe donc depuis les origines un «péché du monde» qui pèse sur chaque individu et qui manifeste le règne du Péché (personnifié) sur le monde. Il en résulte des péchés individuels, qui ne peuvent être définis comme «transgressions» délibérées que là où la «Loi» révélée à Moïse est connue. Ces péchés, sans être «pris en compte» au titre de la Loi, n'en sont pas moins en rapport, comme le «péché du monde», avec le Règne du Péché personnifié et de sa conséquence : le règne de la Mort, châtiment du péché sous toutes ses formes.
Le péché d'Adam, qui a introduit le Péché et la Mort dans le monde, est le «Péché originaire». On ne peut le représenter autrement qu'avec le récit parabolique de la Genèse, en contraste avec l'imagerie paradisiaque qui le précédait. Celle-ci évoquait à la fois les intentions fondamentales du Créateur et le rêve ultime que tout individu nourrit au fond de sa conscience. Mais du péché originaire et du péché du monde qui l'a suivi, a résulté une situation qui caractérise notre relation avec Dieu, quand nous naissons au sein de la race pécheresse. C'est comme une Puissance obscure qui pèse sur les hommes et qui entraîne des conséquences dans la vie psychologique, sous la forme de l'attrait du mal. Pour caractériser cette situation, saint Augustin a inventé le mot «péché originel»14. Dans Rm 5,12-14, il est évoqué moins clairement que le «péché originaire», mais il ressort du contexte: en raison du règne du Péché personnifié sur les hommes, c'est un fait que «tous ont péché», même avant la révélation de la Loi. Mais comment Dieu at-il réalisé son dessein bienveillant à l'égard des hommes malgré cette accumulation d'éléments contraires: le péché originaire, le péché du monde, les péchés personnels? Les v.l5 à 21 l'expliquent en traçant le parallèle des deux Adams pour opposer, à l'origine du règne du Péché sur le monde, l'origine de la grâce rédemptrice due au seul Jésus Christ. Ce parallèle se déploie en trois vagues successives (v.l5, vv.16-17, vv.18-20), avant une conclusion qui relie le règne final de la Grâce au règne du Péché qui est amplement compensé.
https://www.nrt.be/en/articles/pour-une-lecture-de-romains-5-12-21-209
Dernière édition par free le Ven 01 Mar 2024, 14:16, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 01 Mar 2024, 13:30 | |
| Grelot était l'illustration exemplaire d'une exégèse catholique conservatrice, de grande qualité mais toujours avec un oeil sur le texte et l'autre sur le dogme... quelle que soit l'acuité du regard, il en résulte naturellement un certain strabisme... divergent. Quoi qu'il en soit, son analyse de Romains 5, texte dont nous avons souvent parlé, mérite d'être suivie attentivement; elle est d'ailleurs facilitée par la mise en scène, en page et en forme, typographique, du texte, qui a l'avantage de mettre en évidence son organisation et son articulation "logiques", y compris là où elles "pèchent", où elles se montrent grammaticalement, syntaxiquement et logiquement "boiteuses" ou "décousues" (hiatus, anacoluthes, non sequitur...). Comme on le rappelait récemment (26.2.2024) à propos du Prologue de Jean, le problème exégétique de l'"orthodoxie" postérieure au IIe siècle, qu'elle soit par ailleurs catholique romaine, orthodoxe d'Orient, protestante ou sectaire d'Occident, tient essentiellement à la distinction artificielle entre "péché" et "création", qui se résume notamment dans la figure d'"Adam" ou de l'"homme ( anthrôpos) originel", à la fois "créé" ("fabriqué", "formé", "façonné" mais aussi bien "engendré", cf. Genèse 5) et "pécheur", en même temps "image du dieu" et par conséquent susceptible des plus hautes interprétations théologiques ou christologiques... Bien évidemment "Paul" et "Jean" (j'entends par là l'ensemble des corpus dits paulinien et johannique, sans préjudice de leur "authenticité" ni de leurs différences internes) ne disent pas la même chose, mais ce qu'ils disent ne présuppose en aucun cas une rupture entre "création" et "péché", qui sont une suite "logique"... Même quelqu'un d'aussi "orthodoxe" que Grelot, qui n'aurait jamais renoncé à la distinction théorique (c.-à-d. dogmatique), constatait l'impossibilité pratique de séparer les "deux", autant dans la pensée que dans l'exégèse (cf. sa note 2, p. 1). Le "péché" est indissociable du "monde" et de l'"histoire", si on lui cherche une "origine" on trouvera ou inventera toujours la même pour tout: il n'y a pas, il n'y a jamais eu de "monde" ni d'"histoire" sans "péché" (au sens bien particulier que lui donne le christianisme, dans la ligne de "Paul" à saint Augustin; je ne parle pas de ce qu'on traduit par "péché" dans l'AT, dans un sens sacerdotal et rituel ou prophétique et moral, bien que la notion chrétienne du "péché" dépende de cet héritage hybride); et la fin du "péché" ce serait aussi la fin du "monde" et de l'"histoire": ce n'est pas pour rien que le "dernier ( eskhatos) Adam" est, comme le "fils de l'homme", une figure "eschatologique". Si on se replace dans une perspective antérieure au milieu du IIe siècle, en-deçà de la séparation entre "gnosticismes" et/ou marcionisme et "orthodoxie", "point de vue" qui est celui de la plupart des textes et des rédactions du NT (à l'exception des plus tardifs qui sont déjà plus ou moins anti-gnostiques et/ou anti-marcionites, comme les Pastorales, les Actes, Jude ou 2 Pierre, et pas mal de "gloses" ou de "corrections" textuelles ici ou là), ce qu'on appelle "péché" (ou "faute", ou encore "mal" dans un vocabulaire moins "biblique") paraît bien plus "originel", et "originaire", que ne l'imagine l'orthodoxie ultérieure. Dès lors qu'il y a une "origine" ou un "commencement" ( arkhè, comme dans la première phrase de la Genèse ou du Prologue de Jean), c'en est fini de l'"unité" simple de l'archi-origine, d'un "être" qui faute de négation ne se distinguerait même pas d'un "néant". Dès lors qu'il y a de l'"existence" ou de l'"ek-sistence", et de la différence, en "Dieu" (les générations ou processions trinitaires sont en quelque sorte le reliquat des "généalogies" et des "sygygies" gnostiques) ou hors de "Dieu" (la "création"), il y a aussi dégradation ou déchéance de l'unité (anté-)première... On ne peut en accuser un "homme" ou un "diable" qu'à condition de les avoir dissociés de "Dieu", et par conséquent d'avoir déjà réduit ce "Dieu" à moins que l'"un" qui est aussi bien tout et rien, mais non une chose ou un étant parmi d'autres. Pour revenir au texte de Romains 5, je rappelle que la formule "entrer dans le monde" ( eis ton kosmon eisèlthen > eis-erkhomai) vient de Sagesse 2,24, où c'est directement "la mort" ( thanatos, sans article, substantif à la limite de la personnification, masculine en grec, comme l'allemand der Tod) qui "entre dans le monde", sans le "péché" (féminin en grec), et "par l'envie (ou la jalousie) du diable (ou d'un diable, diviseur, détracteur, diffamateur, diabolos sans article)" plutôt que "par un (seul) homme"... Par rapport à la Sagesse, Romains 5 ramène tout à la figure de "l'homme" unique, d'emblée "pécheur", figure donc à la fois du "péché", de la "mort" et de "l'homme" en général: c'est tout ça qui "entre" ensemble dans le "monde" ( kosmos), "l'homme" et le "péché" qui ne font qu'"un" -- il n'est pas question d'un "péché" qui entrerait dans un "homme" sans "péché". D'autre part, j'éviterais d'associer la "transgression" de 5,14 à la "loi" (malgré 4,15, cf. aussi 2,23) puisque le raisonnement de 5,12ss précisément les distingue: la "loi" ne vient qu'après dans l'ordre narratif de la Torah-livre et de l'"histoire sainte", la "transgression d'Adam" est paradoxalement une "transgression" sans "loi". Par ailleurs, si l'on oublie un instant la dogmatique, on peut voir une analogie de 5,12ss en 8,19ss où c'est la "création" ( ktisis) qui a été soumise à la "vanité" (comme dans Qohéleth), "involontairement" ("à l'insu de son plein gré" comme on disait plaisamment naguère, hekousa), par "celui qui l'a soumise" (un seul encore, mais plutôt "dieu" qu'"homme", à condition de ne confondre ce "dieu"-là ni avec le "père" de Jésus-Christ, ni avec le "diable": n'oublions pas que le "paulinisme" aboutit à Marcion et à son opposition des deux "dieux", dont il reste quelques traces dans le corpus malgré les corrections "orthodoxes", jusqu'en Romains 5 dans l'opposition du "bon" et du "juste"): on serait en tout cas aux antipodes de l'idée jéhoviste d'attribuer à un Adam-individu un péché "volontaire" et par conséquent "impardonnable" (nous avons reparlé récemment de cette notion délicate de "péché volontaire" et "involontaire" à propos des Nombres, à partir du 26.2.2024), mais très loin aussi de l'explication "orthodoxe" des souffrances de la "création" par le seul péché d'un "homme" distinct de "Dieu"... |
| | | free
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Mer 06 Mar 2024, 17:14 | |
| Romains 6:23 : « Le salaire du péché, c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle »
Signification de Romains 6:23
Par ces paroles, l’apôtre Paul explique que les humains meurent parce qu’ils sont pécheurs. Cependant, Dieu offre à ses fidèles adorateurs une merveilleuse espérance : le don de la vie éternelle.
« Le salaire payé par le péché. » Tous les humains naissent imparfaits et, par conséquent, avec une tendance à pécher a (Psaume 51:5 ; Ecclésiaste 7:20). Étant donné qu’ils sont nés pécheurs, il est inévitable que les humains vieillissent et meurent (Romains 5:12).
Pour illustrer cette idée, Paul compare le péché à un maître qui paie un salaire. Tout comme un travailleur s’attend à recevoir un salaire pour son travail, de même, en raison de leur imperfection, les humains doivent s’attendre à mourir.
Toutefois, Paul explique aussi qu’une personne qui ‘est morte a été acquittée de son péché’ (Romains 6:7). Quand une personne meurt, elle est libérée ou délivrée de tous les péchés qu’elle a pu commettre. Ainsi, il n’y a aucune raison de penser que les morts continuent de souffrir quelque part en raison de leurs fautes passées. En effet, la Bible montre clairement que les morts ne peuvent ni penser, ni agir, ni ressentir quoi que ce soit (Ecclésiaste 9:5).
https://www.jw.org/fr/la-bible-et-vous/versets-bibliques/romains-6-23/
"Mais maintenant, libérés du péché et devenus esclaves de Dieu, vous avez pour fruit une consécration et pour fin la vie éternelle. Car le salaire du péché, c'est la mort ; mais le don de la grâce, le don de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ, notre Seigneur" (Rm 6,22-23).
L'auteur de l'article n'a pas remarqué que Paul indique que les croyants sont "libérés du péché" : "mettez votre corps tout entier, comme un esclave, à la disposition de la justice, pour aboutir à une consécration" (6,19), ils choisissent de se placer comme esclave sous la domination de la justice; |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Mer 06 Mar 2024, 18:06 | |
| A la différence de la "bibliothèque en ligne" (Watchtower online library, wol), les articles "vedettes", permanents et/ou thématiques de jw.org n'indiquent aucune date, donnant l'illusion d'échapper à toute "histoire"...
En traduisant "salaire payé par le péché" (ou "que paie le péché", selon l'édition précédente) un "salaire du péché" (opsônia tès hamartias), la NWT/TMN tranche arbitrairement dans un sens "objectif" ou "actif" l'ambiguïté du génitif: on pourrait aussi bien comprendre, "subjectivement" ou "passivement", le "salaire que reçoit le péché"... Cela peut se défendre pour des raisons contextuelles ("péché" personnifié en situation de "maître", "seigneur" ou "roi", en parallèle antithétique avec "Dieu"), mais ce n'en est pas moins abusif, au regard d'une pratique ou d'une éthique de la traduction qui se garderait d'être plus claire que le texte qu'elle traduit...
Le mot traduit par "salaire" en 6,23 (opsônion, au pluriel) n'apparaît nulle part ailleurs en Romains (comparer en revanche 1 Corinthiens 9,7; 2 Corinthiens 11,8; Luc 3,14): il ne faut pas le confondre avec le misthos de 4,4 par exemple, bien que le sens apparent et l'opposition à la "grâce" ou au "don gratuit" (kharis, kharisma, dôrea etc.) soient à peu près les mêmes. On pourrait forcer la différence entre "salaire-solde" pour opsônion et "salaire-récompense" pour misthos, mais rien ne l'impose.
L'interprétation de 6,7 est encore plus discutable: il faudrait déjà le traduire littéralement et conformément à toute la thématique de l'épître, "celui qui est mort est justifié (dedikaiôtai > dikaioô) de son péché"; référence à un axiome juridique général (gar = "car", introduisant une affirmation communément admise pour étayer un raisonnement plus original), mais rapportée en l'espèce au raisonnement de l'épître où l'on glisse, ou saute, d'une logique (simili-)"juridique" à une logique "myst(ér)ique": c'est la "mort" symbolique ou rituelle par laquelle le baptisé s'assimile à la mort du Christ qui le "justifie" du "péché", au sens banal où il l'acquitte (la mort ordinaire éteint l'action judiciaire comme la plupart des "droits" civils, cf. 7,3 pour un usage inversé de la même logique), mais dans ce contexte précis cela implique bien plus (la mort "sacramentelle" ou "initiatique" associée au baptême s'identifie à la mort du Christ, 6,1ss)...
Cela dit, par rapport au thème de ce fil il s'agirait plutôt de la "fin" du "péché" que de son "origine"... |
| | | free
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Jeu 07 Mar 2024, 16:25 | |
| "Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle ; mais moi, je suis un être de chair, vendu au péché". (Rm 7,14).
Paul dit avoir été livré au péché par acte de vente, son état charnel étant ce qui le place sous la domination du péché, donc la "chair" place de facto l'être humain sous l'emprise du péché, ne devrait-on pas conclure (en finalité) que c'est Dieu qui a vendu les humains au péché. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Jeu 07 Mar 2024, 17:04 | |
| C'est d'autant plus vraisemblable que la formule renvoie à une locution hébraïque ( mkr etc.) qui a souvent Yahvé pour sujet, dans le sens de "vendre <=> livrer (Israël, etc.) à (aux mains de) ses ennemis" (c.-à-d. faire perdre la guerre et passer sous le joug du vainqueur, sous forme d'invasion et d'occupation, de déportation ou de servitude, ou de simple vassalité), qu'elle soit ou non traduite en grec par le même verbe ( pipraskô = vendre, spécialement comme esclave; cf. p. ex. Deutéronome 28,68, comparer 15,12 au sens "propre"): elle est aussi bien rendue par paradidômi = "livrer", dont on a amplement parlé ailleurs (p. ex. Deutéronome 32,30; de même apodidômi, Juges 2,14 etc). On trouve aussi des cas, plus rares, où c'est l'homme (l'injuste, le méchant, l'infidèle, individu ou groupe) qui se vend, p. ex. 2 Rois 17,17, mais cette réflexivité n'est nullement suggérée en Romains 7,14 ( pepramenos, participe parfait passif, vendu). Dans la tradition paulino-marcionite, si l'on parle de "dieu" il faut encore se demander de quel "dieu" on parle, comme pour l'agent anonyme qui livre la création à la vanité en Romains 8,19 (encore un passif sans complément d'agent exprimé, qu'on pourrait prendre pour un "passif divin" à condition de maintenir l'ambiguïté du "dieu" de référence). Dans la mesure où l'Adam du chapitre 5 combine les traits du "pécheur" et de "l'image de Dieu", voire du "modèle de ce(lui) qui est à venir" ( tupos tou mellontos, v. 14), l'ambivalence serait à peu près la même. Mais dans une telle perspective "l'autre dieu", démiurge créateur, dieu de la loi etc., ne serait pas pour autant "le diable": il y a une certaine complémentarité, un certain jeu de l'un à l'autre, comme de "la loi" à "l'évangile"; ou, ce qui reviendrait à peu près au même dans des termes plus luthériens, "le diable" lui-même ne serait que "la main gauche de Dieu"... |
| | | free
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 08 Mar 2024, 13:08 | |
| 15Mais il n'en est pas du don de la grâce comme de la faute ; car si, par la faute d'un seul, la multitude a connu la mort, à bien plus forte raison la grâce de Dieu et le don de grâce d'un seul être humain, Jésus-Christ, ont-ils abondé pour la multitude. 16Et il n'en va pas de ce don comme du péché d'un seul homme. En effet, le jugement, à partir d'un seul, aboutit à la condamnation, tandis que le don de la grâce, à partir d'une multitude de fautes, aboutit à la pleine justice. 17Car si, par la faute d'un seul, la mort a régné par lui seul, à bien plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ (Rm 5,15-17).
Le raisonnement de Paul me paraît bien plus complexe que ce qu'une lecture superficielle laisserait paraitre.
Il y a des oppositions surprenantes (Il me semble) ; "la faute d'un seul, la multitude a connu la mort" > "le don de la grâce, à partir d'une multitude de fautes, aboutit à la pleine justice" ; selon Paul, Si une cause aussi minime et unique que "la" faute d’Adam, a été capable d'engendrer la mort à toute l'humanité, bien plus certainement "une multitude de fautes" impliquera le don de la grâce, comme si la grâce était proportionnelle à l'abonde de fautes, et donc renforcé par l'idée que si une SEULE faute peut avoir des conséquences considérables, "une multitude fautes" produit un effets encore plus important. Ce qui précède, sous-entend que ce processus était prévu dans le dessein divin. J'ai le sentiment que Paul veut souligner "l’efficacité même de la faute d’Adam" pour permettre une surabondance de la grâce, c'est la condamnation qui permet la justification (Bravo Adam), il faut qu'il y ait à la fois dans l’humanité une majorité de condamnés pour qu'il y ait une majorité de sauvés. La formule "à bien plus forte raison" vient donner toute sa logique à ce raisonnement.
Paul fait-il allusion à la Genèse en précisant "LA FAUTE d'un seul" ?
Il a fallu la faute d'un seul homme pour LA multitude (En réalité : "tous les humains" v 12) bénéficie de la grâce et soit justifiée.
Un autre intérêt de ce texte, c'est de découvrir une double grâce : "la grâce de Dieu et le don de grâce d'un seul être humain", peut-être que l'objectif de Paul est de souligner que des deux côtés, c’est un seul qui détermine le sort de la multitude (La faute d'un seul et le don de grâce d'un seul être humain).
Nous retrouvons également une autre opposition :Le règne de la mort > Le fait que les croyants" régneront dans la vie". Une cause aussi faible, que "la faute d'une seul", par le caractère unique de son auteur, a suffi pour fonder un règne de mort ; comment donc ne pas être assuré qu'une cause plus abondante, "ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce" ne génèrera pas en leur faveur un règne de vie, capable de d'effacer ce règne de mort. Notons cette particularité, le règne de la vie ne s’exerce pas sur les croyants ; il s’exerce par eux. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 08 Mar 2024, 15:13 | |
| Remarques très pertinentes. Le raisonnement est assurément complexe (la mise en page proposée par Grelot dans l'article cité ci-dessus, 1.3.2024, p. 3, 7s, est très utile, sans préjudice de ses options exégétiques qu'il énonce d'ailleurs clairement; et dans n'importe traduction il faut faire particulièrement attention aux connecteurs logiques, conjonctions et locutions conjonctives, car, en effet, or, donc, de sorte que, puisque, etc.). Mais il le paraît encore plus si l'on s'attend à y trouver une "mécanique logique" parfaite, qui constituerait en rhétorique un argument contraignant, comme une canalisation sans fuite. C'est compliqué mais / parce que c'est aussi bancal, boiteux, déhiscent, désajointé, contraint par les contradictions d'une logique hybride, juridique et myst(ér)ique (dans des proportions qui restent à déterminer): dans la métonymie du mécanique aussi il y a du jeu, et c'est aussi par ce jeu que ça fonctionne, comme ça fonctionne, tant bien que mal; que ça produit son effet sur l'auditeur ou le lecteur en passant par des moments de flottement ou de perplexité. C'est sans doute encore plus compliqué pour un lecteur qui vient du jéhovisme, lequel ne lisait pas du tout le texte mais s'en servait à l'appui d'une tout autre idée, d'"équivalence" entre Adam et le Christ, symétriquement opposés sur les plateaux de la balance. Non seulement il n'y a dans le texte ni équivalence ni symétrie (plutôt l'asymétrie d'un a fortiori, combien plus, etc.), mais il n'y a même pas d'opposition ni de distinction comme entre deux "individus": "Adam" et "Christ" ne s'entendent que comme des aspects du même, à la fois antithétiques et complémentaires, comme dans l'"antagonisme fonctionnel" du pouce et des doigts de la main ou de la main droite et de la main gauche. De sorte qu'on peut en effet dire "Bravo Adam", à la façon de la felix culpa, "heureuse faute", de la liturgie catholique... On échapperait même par là à la critique nietzschéenne de la doctrine classique de l'expiation vicaire ou substitutive: le dieu, inséparable de l'homme autant en Adam qu'en Christ, assumerait la faute et non seulement le châtiment. Du coup une certaine dualité traverse autant le dieu que l'homme. - free a écrit:
- Paul fait-il allusion à la Genèse en précisant "LA FAUTE d'un seul" ?
Certainement, mais à une certaine lecture de la Genèse d'avant le IIe siècle qui n'opposait pas encore radicalement la "création" au "péché", ni l'"homme" au "dieu" comme le "créé" au "créateur incréé". On peut remarquer que dans la formulation du v. 14 c'est "Jésus-Christ", non "Adam", qui est qualifié d'"homme" ( anthrôpos), bien que les deux, si l'on peut dire puisque foncièrement ils ne sont ou ne font pas "deux", partagent le même "un" ( heis, henos) -- où se perd aussi bien la différence entre l'homme et le dieu qu'entre l'homme et la femme, suivant une lecture conjointe des deux récits de "création". Comme tu le soulignes, il y a équivalence entre "la multitude" ( polloi, plusieurs, beaucoup) et "tous" ou même "tout" ( pantes, panta; selon les cas de la déclinaison, on peut ou non hésiter entre le masculin et le neutre pluriel, soit entre le "personnel" et l'"impersonnel"). Ce qui permet d'interpréter très diversement l'étendue de l'"universalisme" qui en résulte: une communauté déterminée (comme dans l'emploi de ha-rabbim dans Daniel ou à Qoumrân), tous les humains, toute la "création" (cf. encore 8,19). Et en effet le "règne" ne fait ici que qualifier ceux qui "règnent", "sujets" au sens grammatical d'un verbe "régner" ( basileuô) sans objet, règne donc sans "sujets" au sens politique. Ce qui va de pair avec la tendance "universaliste" du paulinisme (à ce stade), mais n'est pas le cas partout dans le NT (p. ex. Matthieu ou l'Apocalypse). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 08 Mar 2024, 15:23 | |
| - Citation :
- C'est compliqué mais / parce que c'est aussi bancal, boiteux, déhiscent, désajointé, contraint par les contradictions d'une logique hybride, juridique et myst(ér)ique (dans des proportions qui restent à déterminer): dans la métonymie du mécanique aussi il y a du jeu, et c'est aussi par là que ça fonctionne, que ça produit son effet sur l'auditeur ou le lecteur en passant par des moments de flottement ou de perplexité.
Paul, lui-même, perçoit les limites et les aberrations de son raisonnement : "Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le péché, pour que la grâce foisonne ?" (Rm 6,1).Je confirme, "pour un lecteur qui vient du jéhovisme", il est très compliqué de comprendre cette rhétorique et cette mécanique, tellement éloigné de la grille de lecture qui nous a accompagnée.
Dernière édition par free le Ven 08 Mar 2024, 15:51, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'origine du péché selon la Bible Ven 08 Mar 2024, 15:43 | |
| On retrouve ici un geste paulinien caractéristique, plus précisément caractéristique de l'épître aux Romains, qui se traduit grammaticalement par un optatif négatif: mè genoito, que ça n'advienne, n'arrive ou ne se produise pas, ce que l'on peut traduire par une exclamation, "surtout pas !", "jamais de la vie !"... "A Dieu ne plaise", disaient les vieilles traductions, bien qu'il n'y ait aucun dieu dans le texte (cf. 3,4.6.31; 6,2.15; 7,7.13; 9,14; 11,1.11). Geste en effet plutôt qu'énoncé, de rejet, de dénégation, d'exorcisme ou d'apotropaïsme, qui expulse violemment du discours une conséquence pourtant inévitable de sa logique. Et par ce geste on saute aussi d'une "logique" à l'autre, comme en 6,1s du (simili-)juridique au myst(ér)ique: la " justification", notion judiciaire, peut résoudre un problème ou régler un litige, "payer" ou "expier" une faute, à la limite du pénal et du commercial ou du rituel (tribunal, marché, temple) qui ne traitent tous que du passé-présent; mais elle ne donne pas la "vie", présente-future, voire "éternelle": pour ça il faut passer à tout autre chose, la participation à un "mystère" divin qui rejoue tout autrement la mort et la résurrection commune du dieu et de l'homme (chap. 6), hors de toute référence juridique, commerciale ou sacrificielle qui n'a servi qu'à régler du passé. |
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