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 L'origine du péché selon la Bible

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Aquilas

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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeDim 30 Juin 2013, 16:38

free a écrit:
Citation :
Mais pour revenir à notre sujet, après la mise en évidence de la trame historique dans Rm 5:12 et suivants (premier post de cette page), penses-tu toujours que Paul ne tient pas la faute pour historique ?

A ce stade de ma compréhension, je pense que pour Paul, le plus important c'est de faire du Christ le point central du salut ... il bâtit tous ces raisonnements autour de cet axe ... ainsi en fonction de ses lecteurs potentiels, il utilise certaines conceptions juives ou autres de son temps concernant les origines pour atteindre son objectif. D’ailleurs, après avoir dû mettre ainsi en relief le rôle d’Adam pour les besoins de sa démonstration, Paul s’empresse de le relativiser en ajoutant que « tous ont péché ».

Je me concentre en priorité sur le sujet de ce fil quitte à revenir plus tard sur le reste si j'ai le temps.

Je ne pense pas que Paul relativise en disant que "tous ont péché". Je suis arrivé à la conclusion que par sa désobéissance, Adam a perdu sa relation normale avec Dieu. Et l’homme une fois éloigné de Dieu en étant constitué pécheur (v. 19) est incapable de ne pas sombrer dans le péché et c’est pourquoi les descendants d’Adam sont également pécheurs. Je n'ai pas le temps de développer dans l'immédiat.

Je voie que tu nies la perspective historique que développe Paul et c'est bien dommage.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeDim 30 Juin 2013, 16:47

Citation :
Je voie que tu nies la perspective historique que développe Paul et c'est bien dommage.

Pourquoi ?
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Aquilas

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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeDim 30 Juin 2013, 16:52

free a écrit:
Citation :
Je voie que tu nies la perspective historique que développe Paul et c'est bien dommage.

Pourquoi ?

Parce que je pense que c'est un élément important de son épître et peut-être même central dans la première partie (pour l'instant je ne suis pas catégorique sur ce point car il faut que j'affine mon étude du plan de celle-ci) et que tu risques de passer à côté de la bonne compréhension de son évangile.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 22 Juil 2013, 10:33

Gen 1,31 affirme qu' Adam est créé originellement bon. La seule chose qui n’est pas "bon" dans la création de Dieu c’est qu’Adam demeure "seul" (Ge 2.18).

Quelle notion exprime le terme "bon" ?

"Bon" signifie-t-il qu'Adam fût créé moralement et physiquement parfait ?

Selon Paul le péché s’impose-t-il à l'homme dès sa création et faisait-il parti d'un plan et d'une "évolution" ?

La perfection originelle d'Adam ne réduit-elle pas la venue de Jésus-Christ à un plan B ?



Réponse du chapelier toqué :

je ne pense pas qu'il y ait eu de plan b avec l'intervention de Jésus. Mais que l'on raconte une histoire qui commence bien et qui connait des problèmes. Ainsi l'on ne raconte pas ce qui aurait pu se passer en cas d'obéissance d'Adam et d'Eve, car le but du récit est de montrer la faiblesse de l'homme et la réaction de Dieu défendant ses prérogatives.

Dieu ne veut pas partager son immortalité.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 22 Juil 2013, 10:40

"Gen 1,31 affirme qu' Adam est créé originellement bon. La seule chose qui n’est pas "bon" dans la création de Dieu c’est qu’Adam demeure "seul" (Ge 2.18)."



Voilà un bon exemple de ce qui arrive quand on lit les deux "récits de création" de la Genèse (1--2,4a / 2,4b--3) l'un à la suite de l'autre (la faute au rédacteur qui les a juxtaposés ainsi !) et qu'au lieu de les comprendre comme deux histoires "alternatives" (deux itinéraires non "parallèles" d'ailleurs, très différents, mais allant approximativement du même "point de départ", le rien ou presque-rien d'avant toute "création", au même "point d'arrivée", la réalité-telle-qu'elle-est -- c.-à-d. telle qu'elle est perçue par les "auteurs" et leurs "lecteurs-auditeurs"), on prend le second pour la SUITE (narrative) du premier. On oublie alors trop facilement que ce qui est "créé" et déclaré "très bon" dans le PREMIER récit, ce n'est pas "Adam" (avec majuscule) ni un homme (mâle) tout seul, mais bien "l'humanité", différence sexuelle et procréation incluses (c'est pourtant très clair aux v. 26ss). Autrement dit, ce premier récit aboutit comme le second à "la réalité-telle-qu'elle-est", mais sans la moindre "faute". C'est elle, la réalité-telle-qu'elle-est, et non un quelconque "paradis perdu", qui est ici déclarée "très bonne". Et il faut en quelque sorte effacer tout ça et repartir de zéro pour lire le SECOND récit, qui parcourt un tout autre chemin de l'avant-création à la réalité-telle-qu'elle-est -- un chemin qu'on pourrait décrire comme plus accidenté: alors que dans le premier récit la parole divine réalisait souverainement la volonté divine, sans obstacle ni contretemps, ici une divinité plus "limitée" (Yahvé) crée pour ainsi dire à tâtons, réagissant aux "manques" (l'homme "jardinier des dieux" est d'abord créé seul, Yahvé essaie de l'occuper avec les animaux avant de faire la femme,.et il faut que le serpent et la femme s'en mêlent pour que l'homme devienne "connaissant", contre la volonté de Yahvé, qui réagit in extremis pour l'empêcher de devenir aussi immortel, etc.). A l'arrivée, on a toujours "la réalité-telle-qu'elle-est", mais résultat cette fois-ci d'un processus où le divin n'a joué qu'un rôle peut-être décisif mais partiel.


Dans cette perspective, comme tu l'auras compris, tes questions ne se posent plus.


Evidemment, la Genèse, au cours de la longue histoire de son interprétation, a été très rarement lue dans cette perspective ("originale"), et Paul ne la lisait certainement pas de cette façon. Mais ce qui complique sa lecture à lui (et par rapport au sens "original" des textes et par rapport aux lectures aujourd'hui courantes), c'est que pour lui (comme dans une bonne partie de la tradition juive) "Adam" n'est pas "un simple homme comme un autre" (fût-il le premier), mais une figure ambivalente de l'humanité, à la fois terrestre et céleste, qui d'un côté explique le "péché" et de l'autre la "rédemption". Et qu'en outre le "péché" n'est jamais seulement humain ni terrestre, mais une sorte de catastrophe universelle impliquant aussi des puissances "cosmiques" (les "archontes" ou "princes de ce monde", le "dieu de cet âge / ce siècle / cet éon", les "éléments [stoikheia] du monde", etc.). Ce qui d'ailleurs n'est pas non plus sans généalogie dans la Genèse, avec le récit de la descente des (fils de) dieux au chapitre 6, qui fonctionne aussi comme une autre explication de l'origine du "mal", laquelle deviendra prédominante dans un certain judaïsme (cf. Hénoch et Jubilés). (Spermologos)
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 23 Juil 2013, 16:43

La relation sacerdotale de la création en Gn 1 paraît avoir été soigneusement relue par le Deutéro-Isaïe et sans doute aussi par l’éditeur final du Deutéronome.

Celui que l’on appelle Deutéro-Isaïe est un prophète exilé à Babylone. Son œuvre se concentre en Is 40–55 et présente des parentés nombreuses, de vocabulaire et de pensée, avec Gn 1. D’aucuns pensent qu’il s’adonne à une relecture de ce texte pour en gommer les anthropomorphismes et en exclure toute atteinte éventuelle à l’unicité du Dieu créateur.
 En Is 42,5 et 45,18, le prophète offre un quasi résumé du poème de la création. Mais il en élimine tout dualisme possible : Yhwh a tout créé, aussi bien les ténèbres que la lumière (45,7) et la terre, non comme un tohou, « chaos », mais comme un monde à habiter (45,18). En référence à Gn 1,26, le prophète récuse radicalement, sur le mode ironique et polémique, toute « ressemblance » (demout) avec Yhwh (40,18.25 ; 46,5). En écho sans doute au « faisons » de Gn 1,26, il affirme avec force que Yhwh n’a eu besoin d’aucun conseil dans son œuvre de création. Alors que Gn 2,2-3 fait état du repos de Dieu au septième jour (voir aussi Ex 31,17 où Dieu « reprend haleine »), Is 40,28 déclare que « Yhwh, créateur des confins de la terre, ne s’est ni épuisé ni fatigué ». L’éditeur final du Deutéronome, de son côté, formule l’interdiction de toute image de Yhwh en reprenant en ordre inverse de Gn 1, l’énumération des créatures (Dt 4,16-19). Certains auteurs, au vu de ces références qui contrastent avec l’isolement du récit non P (Gn 2,4b – 3,24), émettent pour ce dernier l’hypothèse d’une écriture plus récente.

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1605.html
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 24 Juil 2013, 11:52

 Question : Dois-je comprendre que pour le(s) rédacteur(s) du chapitre 1, la condition humaine, telle qu’il l’a connaissait, avec la maladie, la mort, l’imperfection … ne résultait pas d’une faute originel mais était la création de l’humanité telle que Dieu l’avait voulu et qu’il qualifiait lui-même « de très bonne chose ».

--> Oui. "Avec... la mort" assurément, car si laHaute- et Moyenne-Antiquité peut envisager une "vie des morts" plus ou moins élaborée (surtout pour les personnages importants, comme les pharaons et autres dignitaires en Egypte, qui donc reste liée à l'ordre social, politique, économique et cosmique des "vivants"), elle ne songe pratiquement jamais à une "vie (humaine) sans mort". L'homme est avant tout un "mortel", c'est une évidence empirique qu'on peut "expliquer" par le mythe (comme le fait après beaucoup d'autres le deuxième récit de la Genèse) mais qu'on n'espère pas éviter ou contourner. "Avec la maladie" aussi, surtout pour un texte "sacerdotal" comme Genèse 1 (cf. les textes également sacerdotaux sur la "lèpre", p. ex. Lévitique 14) -- mais le point de vue sacerdotal sur la maladie n'est pas celui du médecin, il ne cherche pas à "guérir", il se borne à "séparer" le "pur" de l'"impur" (autrement dit du "péché" au sens premier, exclusivement rituel, du terme), comme Genèse 1 "sépare" le jour de la nuit, la terre de la mer (c.-à-d. le "créé" proprement dit des vestiges de "l'incréé" antérieur qui le menace), et à gérer rituellement les "passages" de l'un à l'autre, pour que l'ordre sacral et cosmique soit maintenu ou rétabli en cas de besoin. Le seul "intrus" dans ta liste, par rapport à une pensée antique, c'est "l'imperfection" -- il n'y a rien de tel dans le texte de la Genèse ni même dans la Bible en général. Il y a le "péché", bien sûr, dont il n'est pas du tout question en Genèse 1 mais qui joue un grand rôle dans d'autres textes sacerdotaux, et qui va évoluer d'un sens purement "rituel" vers quelque chose de plus "moral", sous l'influence des Prophètes, mais ce n'est jamais conceptualisé, pas même dans le Nouveau Testament, comme une "imperfection" au sens où pouvait l'entendre Russell au XIXe siècle, à l'époque industrielle -- comme un "défaut de fabrication" ou une détérioration par rapport à un état de "conformité" originelle. Ça, c'est une notion parfaitement (!) anachronique par rapport à l'Antiquité. (Spermologos)


Question : Dois-je comprendre que le premier Adam et le dernier Adam sont pour Paul, un seul et même personnage ?

--> Ce n'est jamais explicite, parce que Paul n'a pas produit (ni cité) un traité systématique sur "Adam" ou "l'Homme" (Anthrôpos): ce n'est pour lui qu'une référence parmi d'autres au service de sa christologie, même si elle est beaucoup plus importante qu'un lecteur moderne non averti ne pourrait le soupçonner. Cela dit, il me semble assez clair que pour lui, comme pour nombre de ses contemporains (p.ex. Philon, qui distingue très nettement l'Adam de Genèse 1, "image de Dieu", "type" ou "idée" pure -- au sens platonicien -- de l'Homme qui est aussi identifié au logos comme "Fils premier-né", supérieur aux anges, et l'Adam de Genèse 2 qui en est l'"ombre", la "copie" ou l'"antitype" matériel, terrestre et faillible), l'Adam de la Genèse est double, et la "chute" de l'Adam terrestre, mortel, faillible, n'épuise pas toutes les potentialités de l'Adam "fils de Dieu", "image de Dieu", qui a aussi un aspect "céleste" et "spirituel" dont la manifestation reste en souffrance -- je veux dire en attente de réalisation: c'est précisément cela que Paul exploite quand il parle du Christ comme du second ou dernier Adam, céleste, spirituel (1 Corinthiens 15), du "seul homme" qui renverse en triomphe la faute du "seul homme" (Romains 5), ou de celui qui suit un parcours inverse et symétrique de celui de l'Adam déchu (Philippiens 2, dont nous avons parlé il y a peu). Mais il est évident aussi que cet "Adam"-là (susceptible de réunir les deux aspects) est plus qu'un simple "personnage", c'est une figure mythique dont l'histoire de l'Adam terrestre ne constitue qu'un aspect. En tout cas cette façon de voir est très éloignée du point de vue jéhoviste qui, ignorant de toute cette pensée complexe, traite Adam comme un simple individu pécheur et condamné, ce que n'a jamais fait à ma connaissane la tradition juive ni chrétienne classique, laquelle ne perdait pas de vue qu'"Adam" c'est "l'homme", et qu'il n'y a pas de salut de "l'homme" sans salut d'"Adam". La spécificité de la pensée paulinienne à cet égard, c'est, si l'on peut dire, qu'Adam se sauve lui-même, que l'Adam spirituel et céleste sauve l'Adam matériel et terrestre. Cet aspect de la question a été souvent occulté par la suite, mais au premier siècle il n'avait rien d'original. Même la tradition évangélique (et hénochienne) du "Fils de l'homme" (céleste), distincte de celle de Paul, en est une variante: Hénoch enlevé au ciel qui y découvre le Fils de l'homme trônant sur la création, prêt à juger les hommes et les anges, apprenant de surcroît qu'il est lui-même ce Fils de l'homme, c'est déjà un renversement de la "chute" d'Adam.(Spermologos)
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 20 Fév 2023, 16:05

Péché structurel et nature humaine


Le péché du monde


Toute l’argumentation de Schoonenberg dans l’ouvrage que nous analysons tend néanmoins à permettre l’équivalence des notions de « péché du monde » et de « péché originel ». Nous ne retiendrons que certains des éléments de son argumentation, ceux qui sont utiles à notre propos.


Dans le contexte du quatrième Évangile, la signification générale de l’apax legomena de Jean 1, 29 – « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » – n’est pas difficile à établir, affirme-t-il. Le mot Cosmos traduit ce que l’hébreu désigne par l’expression « le ciel et la terre », c’est-à-dire l’ensemble du monde créé, selon la conception qu’en a la Genèse (théocentrisme et anthropocentrisme). Il peut être cependant connoté de deux manières, soit positivement – en tant que « monde » traduit la création – soit négativement, lorsqu’il est opposé au monde futur, c’est-à-dire projeté sur l’horizon eschatologique du Royaume « qui est et qui vient ». Dans ce dernier cas, le « monde présent » (cosmos) s’oppose au « monde futur » qui ne passera pas (aiôn). C’est donc bien l’avènement du temps eschatologique qui révèle l’opposition du monde à Dieu. C’est dans ce second sens que Jean emploierait ici l’expression : le « péché du monde » manifeste le rejet du Christ par ses contemporains, génération « chargée de tous les péchés, depuis le meurtre d’Abel et qui comble la mesure de ses pères par le rejet du Christ » (p. 138). C’est en effet la venue même du Fils qui lie le jugement au salut, de telle manière que le Fils est salut pour celui qui croit en lui et condamnation pour celui qui ne le reçoit pas. Le monde, en son opposition eschatologique à Dieu, est ainsi déjà jugé :


Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. (Jn 3, 17-18)


Cette capacité de refus reconnue au monde dans l’expression « péché du monde » requiert un approfondissement. Pour Schoonenberg, il ne peut s’agir que de la totalité humaine, individus et communauté, dans leur unité et leur multiplicité, tous à la fois personnellement responsables et solidaires comme communauté (p. 151). On devrait donc comprendre, sous le vocable de « péché du monde », le péché de l’humanité en tant qu’elle est une société, c’est-à-dire une communauté d’individus. Comment, dès lors, concevoir cette solidarité et cette responsabilité dans l’opposition à Dieu ? La communauté est le lieu de l’interaction de libertés qui se sollicitent réciproquement, formant ainsi le « milieu humain » dans lequel prend place l’action et qui permet au sujet d’accéder à sa propre humanité. Schoonenberg nomme ce milieu humain « l’être situé » : « Mon action est libre et place toujours l’autre dans une certaine situation, qui fait appel à lui pour le bien ou pour le mal… » Cette situation est le « lien entre une décision libre et une autre », ou encore « l’ensemble des circonstances réalisées dans un certain domaine ». On ne peut donc réduire cette solidarité dans le péché à une simple somme des fautes individuelles. Si elle a son origine dans l’interaction de libertés, il faut affirmer que cette communauté dans le mal ressort essentiellement des conséquences des actes humains . Deux éléments constituent donc, d’après notre auteur, le « péché du monde » : les actions personnelles, dans leurs conséquences mauvaises ; et une situation, « qui vient du péché et invite au péché » (p. 143).


https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2010-HS-page-133.html
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 20 Fév 2023, 18:42

Ce serait une pensée originale, si c'était vraiment une pensée (et pas seulement un agencement astucieux de formules plus ou moins classiques; cf. la vacherie de Schopenhauer sur Hegel: les phrases se suivent, mais non la pensée). Je n'en suis pas sûr, mais c'est peut-être ma propre difficulté à suivre le raisonnement qui est en cause...

Il faudrait en tout cas resituer cette problématique du "péché structurel" dans son contexte des années 1960-70 (Schoonenberg ou Rahner), où le principal interlocuteur de la théologie chrétienne était marxiste. Le reproche majeur alors fait à l'Eglise (ou aux Eglises) par le marxisme était de concentrer sa problématique (péché, rédemption, salut, morale) sur l'individu, en ignorant les dimensions collectives du "mal" (politiques, économiques, sociales, techniques, etc.), qui tiennent beaucoup moins à des (mauvaises) intentions individuelles qu'à des structures sociales héritées de l'histoire ("classes" notamment; on peut repenser au délicieux Uccellacci e uccellini, de Pasolini, où les missionnaires franciscains qui ont à grand-peine réussi à convertir les oiseaux -- gros et petits, faucons et moineaux successivement -- à l'évangile de l'amour constatent avec horreur que ça n'empêche pas les gros de manger les petits...). La critique porte, et nombre de théologiens "de gauche" (notamment catholiques, du courant dit "théologie de la libération" en Amérique latine) vont se mettre en devoir de réinterpréter le "péché" de la tradition dogmatique (essentiellement augustinienne) dans un sens plus socio-politique et plus collectif, pour en faire quelque chose de plus pertinent dans le débat de l'époque que la généralité du "péché d'Adam / universel / tous pécheurs" et la singularité comprise au sens petit-bourgeois de la propriété privée individuelle (mes péchés, tes péchés, ses péchés). L'idée en soi n'était pas mauvaise, mais elle a entraîné beaucoup de réactions de la tendance conservatrice (essentiellement "de droite" et anticommuniste, cf. Jean-Paul II) de l'Eglise avant que le débat s'éteigne avec le communisme lui-même (mais ce n'est peut-être que partie remise).

Bien entendu, tout cela n'a qu'un lointain rapport avec la notion de "péché" dans la Bible -- si ce n'est avec son moment "prophétique", des textes (exemplairement Amos) qui détournent le vocabulaire sacerdotal du "péché" (ht') de son sens originel d'inconvenance rituelle (<=> impur) vers un sens moral et spécialement social (injustice, oppression des pauvres). Comme on l'a souvent dit, cela finit par faire du "péché biblique" une notion complexe, hétérogène, tantôt rituelle, tantôt morale, sociale et politique, que chaque courant du judaïsme et du christianisme interprétera très différemment avant que dans la grande Eglise le dogme se stabilise autour de la doctrine augustinienne du "péché originel".

Au passage, la notion de "péché structurel" rejoint ce qu'on disait ailleurs de la "compossibilité". La succession et la coïncidence des événements dans un même "temps" et un même "espace" créent d'elles-mêmes des "structures", de l'histoire, du texte, des enchaînements et des contraintes qui suppriment des "possibilités" et en font apparaître de nouvelles. Personne n'y échappe, pas même "Dieu" pour autant qu'il aurait affaire à ce "temps"-là.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 21 Fév 2023, 14:04

L'évangile selon Adam

1. Le texte du salut

On peut suggérer deux orientations destinées à ordonner la réception du texte du salut, c'est-à-dire l'Écriture et la tradition ecclésiale d'interprétation, afin d'y situer correctement le péché.

1. C'est à la lumière de l'existence humaine de Jésus Christ que l'évangile selon Adam manifeste ce qu'est le péché et qui est l'homme du péché. Il faut donc exposer la doctrine du péché après la christologie et non avant. C'est la venue du nouveau qui manifeste la caducité de l'ancien. Pour le christianisme, l'être de Jésus Christ fait voir l'humain dans sa vérité. Quiconque le rencontre dans le récit de son histoire est confronté à la vérité dernière de sa propre existence. Une nouvelle possibilité d'être homme et femme naît ainsi de la brèche définitivement ouverte par l'événement pascal. L'existence chrétienne tente d'articuler la connaissance que chacun a de soi-même, et qui relève de l'autonomie de la création, à l'événement de l'existence particulière de Jésus Christ9. En paraphrasant la formule de Sartre, on peut dire qu'en christianisme l'existence de Jésus Christ précède l'essence de l'humain. L'ordre philosophique en est perturbé: le fait devient droit, l'unique norme l'universel. La typologie Christ/Adam en Rm 5,12-21 et 1 Co 15,20-21.42-50 va dans ce sens. Rm 5 envisage la question de l'universalité du salut et 1 Co 15 réfléchit sur la portée de la résurrection du Christ. En plaçant ces deux textes en regard, on constate d'une part que les deux figures d'Adam et du Christ sont rapprochées pour accuser le contraste qui les rend asymétriques. Si le péché d'Adam introduit la mort, à plus forte raison le salut en Jésus Christ est-il pour tous source de vie. On constate d'autre part que l'accent porte moins sur le rapport entre le péché d'Adam et le péché de tous que sur le lien causal entre le péché et la mort dont le cas d'Adam sert de paradigme. Il y est plus question de la mort originelle que du péché originel : Paul ne dit rien explicitement sur le comment du péché d'Adam qui obsédera tant la théologie ultérieure. D'après 1 Co 15, chaque Adam est appelé à passer de «l'être animal doué de vie», mais qui dans le péché a récolté la mort, à «l'être spirituel donnant la vie», à l'image du Christ ressuscité. En connaissant une existence spirituelle orientée vers le don de la vie, Adam retrouve alors sa dignité royale de créature préposée à la vie. C'est à partir de ce centre christologique qu'il est permis de relire le texte entier de la révélation s'il est vrai que les Écritures juives - Loi, Prophètes et Écrits - parlent de celui qui les accomplit. Il est alors possible de manifester la logique unitaire du péché qui se dégage en contrepoint de la cohérence du salut. En effet «le péché est un, dans le sens où tous les péchés communiquent entre eux pour déchirer l'homme». L'interprétation du Nouveau Testament peut ainsi s'enrichir grandement d'une relecture du Premier Testament où cette logique apparaît, comme par exemple dans le récit de l'adultère de David avec Bethsabée.


Il ne suffit pas de dire ce qu'est le péché, il faut encore montrer ce que devient l'homme du péché en décrivant la manière dont le pécheur est concrètement enchaîné dans son histoire. «C'est toi, cet homme», dit le prophète Nathan à David. Car le péché ne laisse pas indemne, il compromet la liberté dans une implacable logique de mort. On a écrit à juste titre que le judéo-christianisme avait dé-fatalisé le mal en rendant l'homme responsable de sa propre destinée34. On ne doit cependant pas perdre de vue le réalisme avec lequel cette tradition prend en compte la logique d'aliénation du péché. En choisissant le mal, Adam se fait l'artisan de son propre malheur. Le cours de son existence connaît un infléchissement irréversible comme l'illustre la suite de l'histoire de David à partir de 2 Sam 13. 

«Le péché n'est pas fatal, écrit Paul Beauchamp, mais il met en fatalité. Son contenu est qu'il est impossible que le péché n'enchaîne pas (car il est impossible qu'il soit péché et non péché) et cet enchaînement n'en serait pas un s'il ne se vérifiait dans la succession des événements de l'histoire. Dire cela, c'est affirmer que si Dieu guérit le péché, c'est sans lui retirer sa nature de péché et en laissant cet acte de l'homme être ce qu'il est. Faute de quoi, entre l'homme et Dieu, manquerait la vérité. Or ce qu'est le péché, il l'est dans l'histoire».

On exprime ainsi en des catégories historiques, plus proches de la pensée biblique, ce qui est habituellement désigné en termes plus métaphysiques de «nature viciée», à savoir ce que devient l'humain dans la dramatique du péché.

https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2006_num_37_3_3531
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Narkissos

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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 21 Fév 2023, 17:53

C'est excellent, pourvu qu'on ne perde pas de vue qu'il s'agit d'un discours de théologie dogmatique, ou plutôt systématique (Bourgine est professeur de théologie systématique à la Faculté catholique de Louvain) -- non d'exégèse des textes "bibliques", ni de l'AT (Genèse) ni du NT, pas non plus d'histoire des dogmes ou des religions (comparées): cela ne rend évidemment pas compte de la façon dont les divers judaïsmes, du Second Temple à la Qabbale, ni même l'Eglise catholique tout au long de son histoire, ont compris "Adam" ou "le péché (originel)". C'est une synthèse originale du XXIe siècle, qui tente de repenser à nouveaux frais toutes ces traditions, ce qui est assez rare pour être apprécié; mais elle n'engage qu'elle-même, d'autant que le public qu'elle atteint est de plus en plus limité...

En ce qui concerne les textes du NT, il me semble que la perspective paulinienne évolue (de 1 Corinthiens 15 à Romains 5, suivant l'ordre probable de l'écriture) mais que son "Christ" est aussi "mythique" (adjectif qui pour moi n'a rien de péjoratif, bien au contraire) que son "Adam": ce sont les deux faces de la même figure qui représente l'"homme" (masculin et féminin, singulier et collectif, mortel et sauvé, humilié et glorifié, ou pécheur et justifié), avec toute son histoire générale et particulière, sainte et profane, et son "image de soi" idéalisée -- chose qu'on ne peut pas oublier même quand on n'a, comme "Paul" à l'évidence, que de très vagues notions d'hébreu: 'adam = anthrôpos = homo = homme = man = Mensch etc. De ce point de vue l'histoire d'"Adam" ne finit jamais, tant qu'il y a des humains, tout ce que fait "l'homme" et ce qu'il subit, du plus sublime au plus dégueulasse, c'est toujours "Adam"; c'est le cas de dire que rien d'humain ne saurait lui être étranger, pas même le Christ, d'autant que celui-ci s'identifie aussi au "pire" de l'humanité, à la "chair de péché" ou à la "malédiction"...

L'idée qu'"Adam", l'homme-et-femme à l'image de Dieu du premier récit de la Genèse, ne s'épuisait pas dans le personnage fautif et châtié du second, était très présente dans le judaïsme du Ier siècle (Adam céleste, androgyne, rétabli ou jamais complètement déchu, transcendant le "terrestre", matériel, sexué, etc.), et elle rejoignait diverses spéculations hellénistiques sur l'anthrôpos primordial ou archétypique, également divin ou "plus grand que nature", non réductible à un "individu" (gnose, hermétisme, etc.). Ce fond mythologique affleure encore sous de nombreux textes du NT (on l'a vu notamment dans l'épître aux Hébreux), mais il a été presque totalement évacué de la dogmatique chrétienne ultérieure du fait de la polémique anti-gnostique: si "Adam" / l'homme était créé, il ne pouvait plus être "divin", et tous les liens qui le rattachaient au Christ (ou au "Fils de l'homme") étaient rompus malgré la coïncidence des formules (Fils de Dieu, image de Dieu, etc.) qui restaient dans les textes... même la tradition du logos, qui chez Philon était essentiellement associé à "Adam" comme "Fils de Dieu premier-né, image de Dieu etc.", s'en trouve déconnectée, le Verbe de la théologie est désormais divin et non plus humain, alors qu'il était justement la coïncidence des deux.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 22 Fév 2023, 12:14

Le péché originel et le devoir de mémoire

QU’HÉRITONS-NOUS DE LA DÉSOBÉISSANCE D’ADAM ET EVE ?

On peut donc faire un parallèle entre la « scène première » de Freud (le meurtre du père par ses fils) et celle de la désobéissance d’Adam et Eve, du moins telle qu’elle est relue par la théologie du péché originel. En effet, ces deux « scènes premières » ont les mêmes « fonctions » et rendent compte l’une et l’autre d’une « mémoire » dont nous aurions hérité depuis les origines de l’humanité.

Elles ont pour fonction d’expliquer par une forme d’atavisme le fait que l’homme éprouve le désir de supplanter Dieu (selon le récit de la Bible) et aussi, semble-t-il selon Freud, celui de tuer son père et de coucher avec sa mère, que cela soit conscient ou non.

Elles explicitent aussi l’origine des interdits (qu’ils soient innés ou culturels) ressentis par l’humanité : l’interdit de la désobéissance vis-à-vis de Dieu (c’est-à-dire la Loi), l’interdit du parricide, du cannibalisme et de l’inceste. Elles expliquent ainsi pourquoi nous refoulons certains désirs considérés comme des transgressions.

De plus, ces scènes premières rendent compte de l’origine, chez l’homme d’une forme de culpabilité innée, naturelle et quasiment instinctive, celle-ci étant interprétée comme la mémoire plus ou moins inconsciente d’une faute première. On peut d’ailleurs se demander si ce qui reste en mémoire, c’est la faute elle-même ou sa condamnation qu’elle soit opérée par Dieu dans le récit biblique ou par les parricides eux-mêmes dans le récit de Freud.

Faut-il considérer que ces « scènes premières », tant celle de la Bible que celle de Freud, décrivent un événement qui a effectivement eu lieu ? A priori, cela paraît tout à fait improbable. On peut tout à fait considérer ces « scènes » comme des mythes inventés pour expliquer nos désirs, notre sentiment de culpabilité et les interdits auxquels nous sommes soumis. Pourtant, pour Freud (et aussi pour la lecture fondamentaliste de la Bible !), ces scènes premières ont effectivement eu lieu. En effet Freud fonde son « mythe scientifique » (sic) de la horde primitive sur les travaux de Charles Darwin et Atkison. Pour lui, il y aurait donc un noyau historique à son mythe.

Cette manière de voir peut surprendre. Il serait beaucoup plus compréhensible et acceptable de considérer les « scènes premières » comme des récits étiologiques ayant pour but de montrer qu’elles sont les conséquences incontournables du désir. On peut aussi les comparer aux archétypes de Jung qui rendent compte de l’inconscient collectif de l’humanité dont ils constituent l’expression collective et héréditaire, celle de nos instincts et de nos désirs inconscients.

https://www.cairn.info/revue-topique-2005-2-page-37.htm
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 22 Fév 2023, 13:36

Houziaux toujours grand enfonceur de portes ouvertes... Smile

Le "mythe" et l'"histoire" ont ceci de commun d'être des histoires (récits, narrations), ce qui favorise le passage de l'un à l'autre et la prolifération des catégories intermédiaires ou connexes (légende, conte, fable, roman, théâtre, fiction, etc.). Au présent continu des "actualités" journalistiques, avec la distance de l'historien, le détachement du mythologue savant ou l'engagement du croyant, il s'agit toujours de raconter des "événements", qu'ils aient eu lieu au ciel ou sur la terre, le jour même ou dans un passé immémorial (in illo tempore, en ce temps-là), qui impliquent des personnages humains, divins ou autres. L'Exode qui se donne pour histoire "vraie" mais lointaine, la mort-résurrection de Jésus qui se donne pour récente, rejoignent à cet égard toutes les aventures des dieux, des titans comme Prométhée ou des héros semi-divins comme Heraklès-Hercule: c'est précisément ce qui en eux excède l'"histoire" purement factuelle qui les rend significatifs, sinon immortels.

Le concept de "péché originel" peut aussi se retourner en miroir: de l'origine du péché au péché de l'origine, qui discerne le "mal" dans l'origine même, dans le commencement qui appelle forcément une suite, un enchaînement de conséquences et de coïncidences contraignant et restreignant la puissance et la liberté absolues présumées "avant l'origine" (avant la fondation ou le lancer du monde; cf. aussi ici). Qu'il y ait quelque chose plutôt que ce rien qui était aussi bien tout. C'était le sens des fameuses "généalogies" gnostiques, tant moquées par les Pères de l'Eglise, de pointer l'origine du mal au lieu même de l'origine, dans la dérivation de l'absolu en multiples "éons" qui annonce déjà le basculement de la "génération" en dégénérescence catastrophique (la création matérielle, mortelle, périssable): "bourde" du démiurge mais déjà préparée par toutes les "générations" divines antérieures, depuis l'archi-origine qu'il faut réintégrer (plérôme). Tout est dans le "commencement" (be-re'shit, en arkhè).
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Fév 2023, 11:46

S’ils n’avaient pas péché

« Si Adam était demeuré dans l’état d’innocence, l’institution et la distinction des fonctions civiles n’auraient pas été nécessaires, ni pour lui ni, pour les siens ses descendants. » Éléments du débat chez thomas d’Aquin, gilles de Rome et Marsile de Padoue.

Thomas d’Aquin ne conteste naturellement pas l’effet dévastateur du péché originel. Il se demande cependant si cet « Avant et Après la Chute » doit être compris comme un changement de nature, comme une réelle déformation de la nature humaine telle que voulue par Dieu, comme un vrai passage d’une nature à une autre, ou si, au contraire, sans remettre en cause les effets concrets du péché originel, la relation entre l’état précédant le péché et l’état successif peut être comprise d’une autre manière.

La question, que nous ne faisons que mentionner, est très importante, parce qu’elle fonde une anthropologie diverse et donc une vision diverse des limites de la condition humaine. Pour Thomas d’Aquin, en effet, les limites humaines sont données par certaines caractéristiques sensibles de cette nature, qui ne sont pas immédiatement comprises comme des mutilations d’une nature précédente.

Dans le Commentaire des Sentences, Thomas propose de regarder le problème selon deux points de vue complémentaires. Il n’y a pas de doute qu’Adam et Ève jouissaient – et sans péché ils auraient continué à jouir – d’un état naturel différent, et que cet état naturel a été perdu avec le péché originel. Cependant, Thomas pense que la condition particulière des premiers parents n’est pas liée à une nature diverse, mais qu’elle fut déterminée, pour ainsi dire, par un don spécial de Dieu, librement attribué à Adam et Ève et à leurs descendants et ajouté à leur nature. Cette adjonction surnaturelle détermina un état de justice originelle qui ordonnait les puissances inférieures aux puissances supérieures, éliminait les désobéissances du corps, la concupiscence, faisait taire les passions pour qu’elles n’offusquent pas la raison, dépassait les limites de l’intellect dues à la nature sensible, et faisait aussi disparaître le besoin et la mort.

Ces dons et privilèges étaient attribués aux êtres humains pour les rendre capables d’atteindre, avec un effort moindre, leur fin, à savoir la béatitude de la vision de Dieu. Celle-ci serait autrement au-delà des capacités naturelles de l’homme : « Il fut opportun que la nature humaine fût créée de manière à ne pas posséder seulement ce qu’elle devait avoir par ses principes naturels, mais aussi quelque chose qui la dépassât et avec lequel elle puisse atteindre plus facilement sa fin. »

Il n’y a pas ainsi une autre nature créée par Dieu ; la nature de l’homme est simplement celle dont nous avons l’expérience. Dieu a toutefois placé Adam et Ève dans un état de justice spéciale, qu’ils auraient pu transmettre à tous leurs descendants, comme un don ultérieur et non naturel. Ce qui est certain, pour Thomas, c’est que ce don a été irrémédiablement perdu avec le péché originel et que l’homme a été rendu à sa nature propre. Vues ainsi, ces limites avec lesquelles vit dorénavant la nature humaine ne sont pas des peines, mais des défauts naturels intrinsèques. Si nous voulons cependant les voir sous l’angle des conséquences du péché originel, alors il s’agit effectivement de peines, parce qu’elles sont les contrecoups nécessaires de la perte coupable de ces dons originaires20. L’hiatus entre l’Avant et l’Après n’est pas resserré, le fossé qui nous sépare de l’innocence n’est pas comblé, même si notre nature est unique. Si la Chute ne fut pas une perte de nature (mais bien de « surnature »), alors la réflexion sur la nature du pouvoir pourrait, elle aussi, porter à des résultats différents.

https://books.openedition.org/psorbonne/14423?lang=fr
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Fév 2023, 13:44

Très intéressante étude (aussi sur l'époque patristique, Augustin et Grégoire le Grand, et les XVIe et XVIIe siècle catholiques, Suarez et Filmer).

Il est remarquable en effet que tout ce débat lourd d'enjeux théoriques et pratiques, concrets, effectifs (le pouvoir politique, et spécialement monarchique, est-il un don divin, bon en soi, sacré, inaliénable, ou bien un effet malencontreux du "péché" ? question brûlante de Hobbes à Rousseau) repose sur l'interprétation gratuite, quoique canalisée par une longue tradition, d'un "irréel du passé" de surcroît mythique ou légendaire (si Adam n'avait pas péché...), soit d'un rétrospectivement possible devenu impossible, lui-même situé dans un cadre imaginaire: l'hypothèse même suppose une lecture platement "historique" de la Genèse, où "Adam" ne signifie plus du tout l'humanité ou l'homme générique (masculin féminin, singulier pluriel), mais un individu de l'espèce humaine (presque) comme les autres... Comme on l'a souvent remarqué, une telle lecture est "autorisée" et rendue quasiment inévitable par les rédactions successives de la Genèse, qui s'écartent déjà du sens générique d''adam nom commun (= homme, être humain) en le limitant au genre masculin ("l'homme et sa femme", dans le second récit) puis en en faisant un nom propre (dans la généalogie du chap. 5, où Adam devient effectivement un "individu" distinct de sa postérité; il faut toutefois noter que la reprise du motif de l'image et de la ressemblance, tiré du premier récit, crée une sorte d'équivalence entre la création (facture, façon) de l''adam générique et la paternité ou la filiation d'"Adam" individu; cf. la généalogie de Luc, où le rapport d'Adam à Dieu est formellement identique à son rapport à sa descendance).

En ce qui concerne Thomas d'Aquin et l'époque scolastique en général, on se rappellera les discussions récentes (ici, au moins depuis le 7.11.2022) sur la "grâce" opposée comme "surnature" à la "nature", notion indispensable pour comprendre la subtilité thomiste: Adam péchant perd une "grâce", sans que sa "nature" en soit altérée...
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Fév 2023, 13:40

Un article qui a déjà été cité (il me semble mais je ne retrouve pas le fil) mais qui trouve sa place dans sa place sur le thème de l'origine du péché :

Le péché originel. Approche paulinienne - Jean-Noël Aletti

12 Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché entra dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort s’est répandue sur tous les hommes, eph’hôi tous péchèrent.

La gamme des interprétations peut être divisée en deux :

- les commentateurs pour qui le eph’hôi… est une proposition relative, renvoyant à une personne, Adam (« en qui [tous péchèrent] », « à cause de qui », « à cause de celui par qui », « à la suite de qui »), ou à une situation (« au point que [tous péchèrent] », « à cause de quoi » ou « sur la base de quoi », « régime sur la base duquel [tous péchèrent] », ou « situation dans laquelle… ») ;

- les autres, très nombreux aujourd’hui, pour qui la proposition est subordonnée, causale ou consécutive. Le sens causal a été perçu avec diverses nuances : « puisque », « parce que », « étant donné que » (eph’hôi équivaudrait ainsi à l’hébreu `al ken ou au grec dioti) , « étant remplie la condition que (tous péchèrent) ». Fitzmyer a suggéré de lire le passage comme une consécutive : « Voilà pourquoi, de même que le péché entra dans le monde par un seul homme, et par le péché la mort, ainsi la mort s’est répandue sur tous les humains, avec pour résultat que tous péchèrent. »

 Parmi toutes ces propositions de traduction du v. 12d, quatre ont eu ou ont encore la faveur des exégètes. Il suffira de les présenter et commenter brièvement, car c’est l’ensemble des données qui va en réalité permettre de choisir la plus adaptée au contexte, autrement dit, à l’expolitio des v. 13-14 :

… et ainsi la mort passa à tous les hommes,

a) cet Adam en qui (ou « à cause de qui ») tous péchèrent [relative],
b) situation dans laquelle (= sur la base de quoi) tous péchèrent [relative],
c) étant donné que (ou « du fait que ») tous péchèrent [causale],
d) avec pour résultat que tous péchèrent [consécutive].

L’interprétation (a), fameuse et très suivie depuis saint Augustin, est sans doute la moins fondée grammaticalement, à cause de l’éloignement de l’antécédent (« un seul homme » en 12a). La lecture (b) est pleinement conforme au contexte, c’est-à-dire à l’explication qui suit immédiatement et à l’opposition Adam/Christ des v. 15-19. Si l’expolitio des v. 13-14 insiste sur le fait que la mort a englouti tous les humains sans exception, quels qu’aient été leurs péchés, le v. 12d ne peut qu’énoncer inchoativement le rapport entre les péchés de tous et le règne de la mort. La solution (d) doit évidemment supposer que la mort dont parle Paul est morale et spirituelle, et pas seulement ou d’abord physique, sinon ce serait le fait de mourir qui serait la cause des péchés individuels, et personne n’a jamais soutenu cela – Paul pas davantage. Cela revient à dire que le monde était en état de décomposition morale, et que le résultat en a été l’émergence des péchés individuels. Mais comment le monde pourrait-il être en état de totale décomposition morale sans les péchés commis par les individus ? De plus, pour être valide, cette interprétation doit admettre que le « eph’hôi tous péchèrent » ne dépend pas de la proposition « et ainsi la mort s’est répandue sur tous les humains », mais des deux propositions précédentes (venue du péché et de la mort et mort étendue à tous) ; sinon Paul ferait du péché de tous l’effet de la mort (physique et spirituelle) ce qui ne va pas avec l’incise des v. 13-14 où il insiste sur un autre point ! Au demeurant, l’expolitio des v. 13-14 ne cherche pas à rendre raison d’une conséquence mais d’une situation universelle à laquelle aucune période de l’histoire n’a pu échapper.

L’exégèse (c) est la plus en vogue aujourd’hui, et peut se recommander de l’usage causal que Paul fait du eph’hoi  Mais en lisant ainsi, ne minimise-t-on pas la responsabilité unique d’Adam mentionnée au v. 12ab ? À quoi l’on a répondu que les péchés des descendants d’Adam ne sont pas cause de la mort au même titre que le sien, « mais au sens où dans le péché des descendants est en quelque sorte à l’œuvre celui de leur ancêtre commun. Voilà pourquoi c’est le péché qui produit la mort, et non le contraire». S’il est vrai que le péché est mortifère, la réponse ne résout pourtant pas la difficulté, car où est-il dit en ces versets que le péché d’Adam est à l’œuvre dans ceux de ses descendants ? En outre, si la mort a atteint tous les hommes puisque tous ont péché, l’incise des v. 13-14 perdrait sa fonction, car elle explique en sens contraire le rapport entre l’extension universelle de la mort et les péchés individuels – nonobstant le fait que les péchés ne pouvaient être accrédités, la mort a régné. Voilà pourquoi la lecture la moins sujette à difficultés est la (b), avec laquelle nous traduisons la fin du v. 12 : « et ainsi la mort s’est répandue sur tous les hommes, situation dans laquelle tous péchèrent. »

Les v. 12-14 soulignent donc les conséquences désastreuses du péché d’Adam, par qui péché et mort sont entrés dans le monde. Mais ces énoncés ne sont qu’un point de départ. Les v. 15-21 vont en effet leur opposer l’œuvre de grâce advenue par la médiation du Christ.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2008-1-page-1.htm
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Fév 2023, 15:18

Voir ici 21.11.2022.

Il faut bien comprendre que ce chapitre est "christologique" de part en part -- on ne peut pas dissocier les v. 12ss de ce qui les précède (cf. la transition en dia touto, "à cause de cela" ou "voilà pourquoi", non commentée par Aletti). Contrairement à une lecture courante,  qui cite plus qu'elle ne lit (les TdJ n'ont pas, hélas, le monopole de ce défaut), il ne s'agit pas de présenter le Christ comme une "solution" originale à un "problème" présumé connu (le péché comme présupposé, supposé compris par tous de la même manière), mais bien de tout relire (le péché, Adam, la Genèse, la loi-nomos, autrement dit toute la Torah-livre = Pentateuque, comme l'auteur l'a fait précédemment à propos d'Abraham, de la foi et de la justification) à partir d'un Christ qui n'est plus "solution" ni "problème", mais "mystère" englobant tout. Et de ce point de vue on peut même dire que "Dieu", en Christ, finit par assumer la responsabilité du "péché", comme le confesse l'ultime conclusion (11,32, le dieu a tout/s enfermé dans la désobéissance pour faire miséricorde à tout/s) -- en définitive il se montre bien à la hauteur des dieux "païens" (en tout cas grecs) selon la formule de Nietzsche: il ne prend pas seulement sur lui le châtiment, mais la faute.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Mar 2023, 11:30

"Pourtant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, lequel est la figure de celui qui allait venir" (Rm 5,14).

Malgré sa chute, Adam annonce une réalité qui le dépasse.

21 Le verset 14 donne l’impression que dans la pensée de l’apôtre, Adam est liée à Jésus Christ. Pensée que retrouve dans des textes comme I Corinthiens 15.21-23. Luc dans sa généalogie fait déjà lien (Luc 3.37). Paul suggère l’idée qu’Éden annonçait déjà Jésus. Cette attache est perceptible dans le fait que ces deux personnes ont une influence prééminente sur l’espèce humaine. Alain Gignac,  L’ épître aux Romains ,Commentaire biblique: Nouveau Testament 6 (Paris: Éd. du Cerf, 2014), 227;Kenneth S. Wuest,  Romans in theGreek New Testament, Grand Rapids. (Michigan, 1955).

https://www.academia.edu/36908989/Entre_honte_et_espoir_%C3%A9tude_dAdam_dun_point_de_vue_hamartiologique_selon_Romains_5.14


Question : Dois-je comprendre que le premier Adam et le dernier Adam sont pour Paul, un seul et même personnage ?

--> Ce n'est jamais explicite, parce que Paul n'a pas produit (ni cité) un traité systématique sur "Adam" ou "l'Homme" (Anthrôpos): ce n'est pour lui qu'une référence parmi d'autres au service de sa christologie, même si elle est beaucoup plus importante qu'un lecteur moderne non averti ne pourrait le soupçonner. Cela dit, il me semble assez clair que pour lui, comme pour nombre de ses contemporains (p.ex. Philon, qui distingue très nettement l'Adam de Genèse 1, "image de Dieu", "type" ou "idée" pure -- au sens platonicien -- de l'Homme qui est aussi identifié au logos comme "Fils premier-né", supérieur aux anges, et l'Adam de Genèse 2 qui en est l'"ombre", la "copie" ou l'"antitype" matériel, terrestre et faillible), l'Adam de la Genèse est double, et la "chute" de l'Adam terrestre, mortel, faillible, n'épuise pas toutes les potentialités de l'Adam "fils de Dieu", "image de Dieu", qui a aussi un aspect "céleste" et "spirituel" dont la manifestation reste en souffrance -- je veux dire en attente de réalisation: c'est précisément cela que Paul exploite quand il parle du Christ comme du second ou dernier Adam, céleste, spirituel (1 Corinthiens 15), du "seul homme" qui renverse en triomphe la faute du "seul homme" (Romains 5), ou de celui qui suit un parcours inverse et symétrique de celui de l'Adam déchu (Philippiens 2, dont nous avons parlé il y a peu). Mais il est évident aussi que cet "Adam"-là (susceptible de réunir les deux aspects) est plus qu'un simple "personnage", c'est une figure mythique dont l'histoire de l'Adam terrestre ne constitue qu'un aspect. En tout cas cette façon de voir est très éloignée du point de vue jéhoviste qui, ignorant de toute cette pensée complexe, traite Adam comme un simple individu pécheur et condamné, ce que n'a jamais fait à ma connaissance la tradition juive ni chrétienne classique, laquelle ne perdait pas de vue qu'"Adam" c'est "l'homme", et qu'il n'y a pas de salut de "l'homme" sans salut d'"Adam". La spécificité de la pensée paulinienne à cet égard, c'est, si l'on peut dire, qu'Adam se sauve lui-même, que l'Adam spirituel et céleste sauve l'Adam matériel et terrestre. Cet aspect de la question a été souvent occulté par la suite, mais au premier siècle il n'avait rien d'original. Même la tradition évangélique (et hénochienne) du "Fils de l'homme" (céleste), distincte de celle de Paul, en est une variante: Hénoch enlevé au ciel qui y découvre le Fils de l'homme trônant sur la création, prêt à juger les hommes et les anges, apprenant de surcroît qu'il est lui-même ce Fils de l'homme, c'est déjà un renversement de la "chute" d'Adam.

https://etrechretien.1fr1.net/t855p25-l-origine-du-peche-selon-la-bible
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Mar 2023, 13:40

Le dernier lien renvoie ci-dessus, 24.7.2013.

Le précédent, à une dissertation d'étudiant évangélique (dans une faculté pentecôtiste de Bruxelles dont j'ignorais l'existence): quel que soit le volume de "science biblique" brassée, on aboutit immanquablement à la récitation du même catéchisme...

En Romains 5,14 "Adam" (transcrit de l'hébreu en grec, comme nom propre, et non traduit anthrôpos, comme nom commun) est dit tupos tou mellontos, "type (= modèle) de ce(lui) qui vient (au sens temporel: mellô est l'auxiliaire du futur proche, comme en français "aller" dans "il va pleuvoir", à ne pas confondre avec erkhomai, elthon etc., "venir" au sens d'un déplacement du loin au proche, de là-bas vers ici)". Bien entendu il faut replacer cette formule dans son contexte, puisque toute la suite va s'attacher à creuser la différence entre le premier et le second, plus exactement ce qui est rapporté au premier et au second (la mort / la vie, etc.). N'empêche que toute cette différence joue à l'intérieur d'une sorte d'identification générale des deux figures, ou de deux aspects de la même figure (cf. 1 Corinthiens 15,45, premier / dernier Adam). L'expression à elle seule ne permet pas de préciser davantage, même si l'on peut rappeler que l'étymologie du "type" renvoie à l'empreinte, à la trace, à l'image en creux et inversée de quelque chose, ce qui favoriserait encore une lecture christologique: c'est du Christ que l'Adam de la Genèse reçoit son "caractère" (même métaphore de l'empreinte), devenant dans le second récit le négatif du premier (image de Dieu) -- mais c'est sans doute trop demander à un mot que "Paul" et le corpus paulinien au sens le plus large utilisent de façon assez banale (cf. 6,17; 1 Corinthiens 10,6.11; Philippiens 3,17; 1 Thessaloniciens 1,7; 2 Thessaloniciens 3,9; 1 Timothée 4,12; Tite 2,7; je ne reviens pas sur l'usage médio-platonicien de l'épître aux Hébreux, où le "type" comme modèle est céleste et éternel et les "antitypes", au contraire, terrestres et provisoires comme les "ombres" de la caverne).

L'hésitation du genre (masculin ou neutre, identiques au génitif) de mellontos (participe présent actif de mellô, substantivé au génitif), celui OU ce qui vient, mériterait toutefois d'être méditée: ce n'est pas seulement un personnage qui est rapporté, comparé, opposé à un autre, mais bien "le Christ" dans toute la dimension de son "mystère", avec tous ses effets à venir comme s'ils étaient déjà accomplis alors qu'ils ne le sont pas encore (d'où le futur au présent, ça vient), à "Adam" avec toutes ses suites (l'"humanité", ET "le péché et la mort") -- ce que confirme la suite du texte où ce qui est comparé et opposé, ce sont précisément les effets des deux "figures" ou des deux aspects de la même figure.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Mar 2023, 16:49

15. Comment avons-​nous hérité le péché d’Adam?


15 Comment avons-​nous hérité le péché d’Adam? Devenu imparfait, Adam transmit à tous ses descendants l’imperfection et la mort (Job 14:4; Romains 5:12). Prenons un exemple: Que se passe-​t-​il quand un boulanger cuit du pain dans un moule défectueux ? Le défaut apparaît sur chaque pain cuit dans ce moule. Eh bien, on peut comparer Adam au moule, et nous, au pain. Adam devint imparfait lorsqu’il transgressa la loi de Dieu. C’est comme s’il avait été marqué. Aussi, lorsqu’il eut des enfants, chacun d’eux reçut cette marque du péché ou imperfection.


https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989097?q=p%C3%A9ch%C3%A9+adam+moule+d%C3%A9faut&p=par
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Mar 2023, 17:58

Sur la notion d'"imperfection" substituée par la Watch au "péché" classique, voir (entre autres, car j'ai l'impression de m'être beaucoup répété là-dessus) supra 24.7.2013 (bientôt 10 ans !), 10 h 52, première question.

Il y a bien un rapport entre la notion de "moule" ou de "modèle" (du même modulus latin) et celles de "type", d'"empreinte" et de "caractère" dont on parlait ce matin ici même à propos de Romains 5,14; toutefois il ne s'agit justement pas là de la transmission du "péché", mais de la relation d'Adam au Christ et à l'ensemble de son "mystère" (régime, économie, système, comme on voudra l'appeler)... deux "modèles" ou "types" d'"homme" ou d'"humanité" si l'on veut, mais en définitive du même "homme" ou de la même "humanité" (cf. dans la suite l'insistance sur "un seul homme", pour les deux aspects opposés); cf. dans les deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens) le jeu de l'homme (anthrôpos) ancien / nouveau qui fonctionne de façon similaire.

Encore une fois, tout cela devient quasiment impossible à entendre dans la conception moderne,  monolinéaire, de la temporalité. Si on se figure "Adam" et "le Christ" comme des personnages (individus) relevant de la même histoire à des millénaires d'intervalle, comme des points ou des segments à distance sur la même droite temporelle orientée à sens unique, on voit bien comment Adam pourrait "préfigurer" ou "annoncer" le Christ, mais pas du tout comment celui-ci pourrait rétroactivement déterminer celui-là -- ni, à vrai dire, sur quoi que ce soit qui le précède. Il faut considérer l'un et l'autre comme des figures intemporelles et complémentaires de l'"homme", compris dans sa totalité spécifique et historique autant que dans chaque individu et chaque histoire particulière: la dualité Adam-Christ devient alors équivalente à l'antithèse chair-esprit et toutes celles qui l'accompagnent (mort-vie, péché-justice, etc.). Sur le plan mythologique, cela s'exprime dans le NT par de multiples manières de situer le Christ autant au commencement (à la place d'"Adam" -- comme logos, Fils, Premier-né, toutes choses que Philon associait justement à Adam image de Dieu) qu'à la fin.
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 03 Mar 2023, 11:24

LE PÉCHÉ

2. LES MYTHES

Après ces trois catégories de symboles qui nous ont permis de faire une première approche de la notion de faute, nous allons maintenant passer aux mythes qui essaient d'expliquer l'origine du mal et de la faute, et qui de ce fait proposent une interprétation de la condition humaine. Ricœur en sélectionne quatre qui lui paraissent caractéristiques et représentatifs, à savoir le mythe babylonien de la création, le mythe tragique grec, le mythe biblique d'Adam, enfin le mythe orphique de l'âme exilée. Nous allons les voir successivement.

1. D'abord, le mythe babylonien de la création, que l'on trouve dans l'Enuma Elish. Je le résume à très grand trait. Ce mythe commence par le récit de la naissance des dieux et continue en racontant le combat qui oppose les dieux parents aux dieux enfants. Les dieux parents songent à se débarrasser de leurs enfants qui les dérangent et les gênent, mais les dieux enfants prennent les devants, passent à l'attaque et l'un d'eux Mardouk tue les parents Apsu et Tamiat. Il dépèce le cadavre de Tamiat, et s'en sert pour fabriquer le monde. Mardouk devient le dieu suprême. L'être humain est fait du sang et de la chair d'un dieu assassiné.

Ce mythe comporte trois enseignements sur le mal.

D'abord, il ne faut pas attribuer à l'être humain la responsabilité d'avoir introduit le mal et la culpabilité dans l'univers. L'origine de la faute se situe au niveau du divin; elle précède la création du monde et l'apparition de l'humanité.
Ensuite, pour les babyloniens, tout commence par le mal. À la différence des mythes du paradis perdu ou de l'âge d'or, vient en premier non pas l'innocence ou la pureté, mais la faute. Il n'y a donc pas chute, mais progrès. Le mal fait partie du passé de l'être, le bien appartient à son avenir.
Enfin, les dieux ont une nature ou une essence ambiguë. Mardouk dénoue la situation et opère un salut à travers un geste criminel. Seul un acte de violence lui permet de dépasser et de surmonter la malveillance primordiale. Le monde naît d'un assassinat, d'un parricide et la création implique une destruction antérieure. Le mal et la faute apparaissent donc comme une réalité primordiale et indépassable.
Ce premier mythe a deux caractéristiques. D'une part, il comporte un pessimisme foncier. La faute se trouve à l'origine de l'existence du monde et des humains; elle les marque de manière indélébile. D'autre part, le mythe atténue fortement la responsabilité de l'être humain : la culpabilité se situe au niveau ontologique et non personnel. Elle caractérise la structure de l'être, plus qu'elle ne concerne l'individu en tant que tel.

3. Le troisième mythe, vous le connaissez, puisqu'il s'agit de celui d'Adam et d'Eve, de leur désobéissance et de leur expulsion de l'Éden au chapitre trois de la Genèse. Je pense inutile de le raconter. Ce mythe donne trois indications sur le mal et la faute.

Premièrement, à la différence des deux mythes précédents, il ne situe pas l'origine du mal en Dieu, mais en l'homme. La faute n'arrive pas de l'extérieur à Adam et Eve. Ils la commettent de leur propre chef. Dieu a créé un monde bon, et la créature y introduit le mal. Le mythe innocente Dieu, et accuse l'être humain.
Deuxièmement, il n'y a pas coïncidence entre l'origine de l'être et l'origine du mal. Elles ne se confondent pas comme dans les mythes précédents. Adam et Eve introduisent la faute dans un monde qui a déjà commencé. Le mal apparaît comme un accident qui détériore ce qui existait déjà, et était bien. "Le péché, écrit Brunner*, n'est pas un fait premier, mais un fait second". Il y a une bonté initiale et fondamentale du monde, et aussi de l'être humain que la faute vient dégrader, détériorer, pervertir.
Troisièmement, à côté d'Adam et d'Eve intervient un personnage mystérieux : le serpent, dont la présence étonne dans un récit très démythologisé, où le merveilleux a peu de place. Le serpent semble avoir deux significations. D'abord, il souligne ce qu'il y a d'obscur, de mystérieux, d'incompréhensible dans le mal et la faute; on n'arrive jamais à les expliquer, à en rendre compte entièrement. Ensuite, il indique paradoxalement qu'à la fois Adam et Eve commencent le mal et le trouvent déjà là, que la faute n'appartient pas à leur nature, à leur essence, mais qu'elle résulte d'une séduction. Ainsi la culpabilité de l'être d'humain demeure, (il a tort de se laisser séduire), mais s'atténue (il n'est pas intrinsèquement pervers.) D'une certaine manière, le mythe biblique reprend un aspect du thème du destin souligné par les grecs et les babyloniens.
J'ajoute que dans la Bible, si le mal et la faute ont commencé un jour, ils se termineront aussi un jour. Ils caractérisent seulement une époque de l'histoire du monde et ne se trouvent ni au tout début ni à l'extrême fin. À la différence des mythes babyloniens et grecs, la Bible se montre foncièrement optimiste. La positivité de l'être l'emporte sur la négativité du mal. Je suis toujours étonné quand on prétend que le christianisme a introduit dans un monde païen heureux et sans problème la culpabilité et le pessimisme. Ceux qui tiennent de tels propos ne connaissent manifestement pas le monde antique.

3. VICTIME ET COUPABLE
La tradition théologique chrétienne presque unanimement affirme que nous sommes à la fois victimes et coupables du péché. Ce thème se trouve chez Paul, chez Augustin, chez Thomas, chez Calvin, chez Luther et bien d'autres. D'un côté, le péché s'impose à nous, s'abat sur nous, nous le subissons, nous ne pouvons pas lui échapper. Il a un caractère tragique; il représente une sorte de fatalité qui tombe et pèse sur nous, ce qu'exprime, par exemple, le concept difficile et contestable de "péché originel". De l'autre côté, nous en portons la responsabilité. Nous péchons de notre propre mouvement, de notre propre chef, sans que rien ne nous y oblige. Nous nous éloignons et nous nous écartons de Dieu parce que nous le voulons bien. Nous ne pouvons pas nous en dire innocents; il y a culpabilité de notre part.

https://andregounelle.fr/vocabulaire-theologique/le-peche.php
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 03 Mar 2023, 13:02

J'apprécie beaucoup Gounelle (qu'il vaut mieux lire in extenso sur son site, car ton découpage ne permet guère de suivre la logique de sa présentation), et je comprends bien la légitimité d'une théologie "dogmatique" ou "systématique" qui s'efforce de proposer une doctrine cohérente à un public déterminé (Eglise notamment), mais je ne peux plus souscrire à un discours qui fait parler "la Bible" comme un tout, pour moi ça ne veut vraiment plus rien dire... Je trouve déjà abusif de supposer "Dieu", au sens monothéiste et spécialement chrétien, comme acteur et locuteur identique des deux premiers récits de la Genèse, là où les textes distinguent ostensiblement un 'elohim (accordé au singulier mais qui se désigne au pluriel) et un Yhwh 'elohim (qui se présente plutôt comme un dieu parmi d'autres, "l'un d'entre nous") -- cela n'étant qu'une des nombreuses différences entre ces deux textes qui jouent manifestement l'un avec l'autre: il y a d'une part un monde béni, sans rien qui ressemble au "péché" ni au "mal", et d'autre part un monde maudit du fait  d'une désobéissance ou de la transgression d'un interdit (mais le vocabulaire sacerdotal ou prophétique du "péché" est soigneusement évité au profit d'un lexique sapiential, sagesse-connaissance) -- soit deux regards sur le même monde, mais irréductibles l'un à l'autre et qui résistent à toute "synthèse", aussi bien doctrinale que narrative. Par ailleurs, le discours "dogmatique" de Gounelle me semble (pour une fois) peu cohérent, si après s'être efforcé de distinguer le "péché" (religieux, relatif à la "foi") de la "morale" (commune) dans un sens paulinien, luthérien ou protestant, tous les exemples qu'il en donne relèvent de la "morale" commune (comportement, culpabilité ou responsabilité individuelles dans la guerre, l'injustice sociale, la pollution, etc.).
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Mar 2023, 15:33

La théologie catholique va même ici très loin, n’ayant jamais eu de cesse de proclamer que la nature humaine, et donc a fortiori la nature cosmique, n’est pas corrompue, mais seulement blessée. La nuance est d’importance. La nature n’est pas mauvaise en sa nature. La « nature de la nature » n’est pas dénaturée. Il ne peut être question d’emprisonner le monde dans un univers de faute et de perversion. Dans la Bible, c’est l’Ange déchu qui seul porte une corruption « substantielle » (et encore : non pas de nature créée, mais par décision de Sujet, et il vaudrait mieux parler de corruption personnelle que de corruption substantielle). Le mal est dans le monde, mais il y est « entré » (il n’y est qu’entré), il n’y est pas « chez lui », et il y est entré par le diable (Sg 2,24).

15Le monde est donc certes asservi (Gal 4,3), mais on peut penser qu’il garde, à tout le moins, ses virtualités et ses capacités, sa « nature » bonne. Les exégètes se demandent même si saint Paul n’a pas voulu dire que ce monde livré aux mêmes Puissances que nous, l’avait été, non par le Démon, mais par Dieu (sens possible de l’« autorité » mystérieuse dont il est fait mention en Rm 8,20) pour un mystère de salut et de miséricorde (cfr Rm 11,32 ; Ga 3,22 : « Mais l’Ecriture a tout soumis au péché dans une commune captivité, afin que, par la foi en Jésus-Christ la promesse fût accomplie pour les croyants »).

16En toute occurrence, parler de captivité, c’est refuser de s’exprimer en termes ontologiques. Ce n’est sans doute pas pour rien que les grands récitatifs de salut (Egypte, Babylone) reposent sur des figuratifs de libération de captivité. Le cosmos a sans doute des manques, nous ne le voyons que trop, mais il n’est pas le lieu d’un non-sens et d’un échec radical. Il conserve son fonds créé, sa résistance, ce que nous avons appelé son kath’auto.

17N’est-ce pas aussi parce que le cosmos est seulement enchaîné, et non corrompu, que le Christ a pu dire que nous n’appartenions pas au monde : au monde en tant qu’enchaîné ; tout en étant dans ce monde : ce monde en tant que créé, notre monde, dont Dieu et nous sommes et restons seigneurs, malgré ses princes d’usurpation. Nous n’appartenons pas à ce monde en tant qu’enchaîné parce que, libérés par Dieu, nous ne sommes pas sous leur emprise. Aucun jugement n’est porté là contre le monde comme source de mal. Le monde est tout au plus ambivalent. Il « n’a qu’à » être délivré, si l’on peut dire. Même son ivraie ne peut être arrachée (Mt 13,24-30) : soit qu’elle n’en soit pas, sauf aux yeux de notre impatience sans discernement ; soit que, même débridée du froment, elle ne garde pas moins en elle un principe valable qui demeure et dont nous ignorons l’économie (de quel droit anthropocentrique déclarons-nous qu’une herbe est une mauvaise herbe ?) ; soit que même l’ivraie la plus qualifiée puisse toujours être convertie sens dessus dessous comme un Saul en un Paul, précisément parce que la nature n’est pas atteinte.

https://books.openedition.org/pusl/5666?lang=fr
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MessageSujet: Re: L'origine du péché selon la Bible   L'origine du péché selon la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Mar 2023, 18:33

Chapitre long mais agréable à lire, très bien écrit, presque lyrique par moments et délibérément tel (cf. la note 52 renvoyant à Clément d'Alexandrie), intéressant aussi parce que c'est un peu le "chant du cygne" d'une théologie catholique de haut vol qui pouvait s'imaginer, vers la fin des années 1980, retomber sur ses pieds avec le déclin du marxisme, la vogue d'un certain structuralisme et un discours scientifique à tonalité "mystique" (exemplairement Prigogine). Il était tentant de faire "concorder" tout cela (Gesché ne cesse de se défendre contre le soupçon de "concordisme", mais ce n'est pas forcément un mal) dans une "nouvelle alliance" entre science, philosophie et théologie, en particulier théologie "naturelle" et "catholique" qui semblait idéalement consoner avec l'universalité du "cosmos", la "nature" et la "physique" au sens le plus large (phusis -> natura).

Les choses s'avèrent plus compliquées quand on considère que l'"ordre" (attaché à la notion de kosmos, "arrangement" dans le cosmique comme dans le cosmétique) et le "désordre" qui s'y oppose (associé, de façon moins étymologique, au "chaos" qui est plutôt l'ouverture ou la béance du gouffre, abîme sans fond, Abgrund) ne sont que des effets locaux, momentanés, et dans un sens au moins illusoires, d'un même "événement" ou d'une même "singularité" qui, peu importe comment on l'appelle, ne saurait répondre à aucune catégorie puisqu'elle ne se compare à rien. Mystère si l'on veut, mais difficilement récupérable par un discours qui, du seul fait qu'il parle, présuppose avec chaque nom qu'il prononce une identité stable et représentée comme telle là où précisément il n'y a rien de tel -- si concordiste ou pluridisciplinaire soit-il par ailleurs.

A propos de Romains 8,20, je pense aussi que "celui" qui a soumis la création à la "vanité" (mataiotès, c'est le mot de Qohéleth-l'Ecclésiaste dans la Septante; il n'est pas question ici de "corruption-pourriture", phthôra v. 21, ni de "captivité", bien que ces métaphores apparaissent aussi dans le contexte) n'est autre que le "dieu" de référence (cf. 11,32), mais le fait qu'il ne soit pas nommé ni explicitement désigné en renforce le "mystère". L'évangile paulinien est centré sur le Christ, le "Fils de Dieu" qui révèle pour ainsi dire la face bonne, lumineuse, bienfaisante (khrèstos) et salvatrice du divin, mais il n'épuise pas le "fond de Dieu" qui reste obscur (sans quoi il ne pourrait pas assumer aussi le "mal"). Et je trouve regrettable que Gesché, mais il n'était pas le seul, s'essuie par facilité les pieds sur la "gnose", quand elle seule, dans l'Antiquité tardive, a osé s'affronter à ce genre de problème.
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