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| Lot était-il un homme juste? | |
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le chapelier toqué
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| Sujet: Lot était-il un homme juste? Ven 06 Déc 2013, 12:38 | |
| - Citation :
- 7 ¶ et il délivra Loth le juste, accablé par la manière dont vivaient ces criminels débauchés, 8 car ce juste, vivant au milieu d’eux, les voyait et les entendait : jour après jour, son âme de juste était à la torture, à cause de leurs œuvres scandaleuses.
2 Pierre 2.7 TOB Dans la seconde lettre de Pierre le rédacteur présente Lot comme un homme juste, et il utilise 2 fois le terme « juste » dans les versets 7 et 8. Mais Lot était-il vraiment un homme juste ? Voyons tout d’abord ce qui s’est passé entre lui et son oncle Abraham à la suite d’un différent entre leurs bergers : - Citation :
- 5 Or Lot, qui allait avec Abram, possédait aussi des moutons et des bovins, ainsi que des tentes. 6 Le pays ne leur permettait donc pas d’habiter tous ensemble, car leurs biens étaient devenus nombreux et ils ne pouvaient habiter tous ensemble. 7 Et il y eut une querelle entre les gardiens du bétail d’Abram et les gardiens du bétail de Lot ; à cette époque-là le Cananéen et le Perizzite habitaient dans le pays. 8 Alors Abram dit à Lot : “ S’il te plaît, que nulle querelle ne se prolonge entre moi et toi, entre mes gardiens de troupeaux et tes gardiens de troupeaux, car nous sommes frères. 9 Tout le pays n’est-il pas à ta disposition ? S’il te plaît, sépare-toi de moi. Si tu vas à gauche, alors j’irai à droite ; mais si tu vas à droite, alors j’irai à gauche. ” 10 Lot leva donc les yeux et vit tout le District du Jourdain, [il constata] que c’était une région partout bien arrosée — c’était avant que Jéhovah ne ravage Sodome et Gomorrhe —, comme le jardin de Jéhovah, comme le pays d’Égypte jusqu’à Tsoar. 11 Alors Lot choisit pour lui tout le District du Jourdain et Lot déplaça son camp vers l’est. Ainsi ils se séparèrent l’un de l’autre. 12 Abram habita au pays de Canaan, mais Lot habita parmi les villes du District. Finalement il dressa sa tente près de Sodome. 13 Or les hommes de Sodome étaient mauvais et grands pécheurs contre Jéhovah.
Genèse 13.5-13 TDM Contrairement aux coutumes du Proche-Orient Lot ne laisse son oncle, Abraham, choisir en premier et de plus s’attribue ce qui a ses yeux est la meilleure part : « Lot leva donc les yeux et vit tout le District du Jourdain, [il constata] que c’était une région partout bien arrosée ». Après avoir vécu un certain temps sous tente, il s’installe en ville à Sodome et c’est là qu’il ne respecte pas une nouvelle fois les coutumes en usage. En effet lorsque des étrangers se présentent à la porte d’une ville ils s’entretiennent avec les anciens qui se tiennent à la porte de la ville. Ces derniers décident si ils vont laisser entrer les étrangers en ville. Ceux-ci devront passer la nuit sur la place afin d’être à la vue des habitants qui les surveilleront. Cependant, à l’encontre de ce mode de faire, Lot décide de faire entrer chez lui de parfaits inconnus, il s’agit selon le récit d’anges. Les citadins de Sodome décident qu’ils ne peuvent accepter l’action de Lot et viennent lui demander des comptes. - Citation :
- 4 Ils n’étaient pas encore couchés que les hommes de la ville, les hommes de Sodome, entourèrent la maison, depuis le garçon jusqu’au vieillard, tout le peuple en masse. 5 Et ils criaient vers Lot et lui disaient : “ Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous pour que nous ayons des relations avec eux. ” 6 Finalement Lot sortit vers eux, à l’entrée, mais il ferma la porte derrière lui. 7 Puis il dit : “ S’il vous plaît, mes frères, n’agissez pas mal. 8 S’il vous plaît, voici que j’ai deux filles qui n’ont jamais eu de relations avec un homme. S’il vous plaît, laissez-moi les faire sortir vers vous. Puis faites-leur comme c’est bon à vos yeux. Seulement, ne faites rien à ces hommes, car c’est pour cela qu’ils sont venus à l’ombre de mon toit. ” 9 Mais ils dirent : “ Écarte-toi — là ! ” Et ils ajoutèrent : “ Cet homme solitaire est venu ici pour résider comme étranger, et pourtant il veut vraiment faire le juge ! Maintenant nous allons te faire plus de mal qu’à eux. ” Et ils faisaient pression sur l’homme, sur Lot, fortement, et ils s’approchaient pour enfoncer la porte.
Genèse 19.4-9 TDM Le ton monte et Lot commence à craindre non seulement pour sa vie mais également pour celle de ses invités et c’est alors qu’il commet un mensonge grossier, et se comporte comme un homme de peu de valeur : « S’il vous plaît, mes frères, n’agissez pas mal. 8 S’il vous plaît, voici que j’ai deux filles qui n’ont jamais eu de relations avec un homme. S’il vous plaît, laissez-moi les faire sortir vers vous. Puis faites-leur comme c’est bon à vos yeux. » Il ment délibérément car ses filles sont mariées comme le prouve ce passage du même chapitre 19 de la Genèse : - Citation :
- Et Lot sortit, et parla à ses gendres qui avaient pris ses filles, et dit, Levez-vous, sortez de ce lieu, car l’Eternel va détruire la ville. Et il sembla aux yeux de ses gendres qu’il se moquait.
Darby Alors Lot était-il vraiment un homme juste ? |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 06 Déc 2013, 19:42 | |
| Concernant ton post de ce matin, à mon sens la "contradiction" que tu relèves au v. 14 chez Darby n'en est pas une dans le texte hébreu, qui ne dit pas qu'ils "avaient (déjà) pris ses filles": la forme participiale employée ne correspond pas du tout à notre "plus-que-parfait" qui implique une action déjà accomplie antérieurement à l'action principale, mais au contraire à une action en cours de réalisation, d'où les traductions habituelles "qui allaient / devaient / étaient sur le point de prendre ses filles" ("qui étaient en instance de mariage", si l'on peut dire). D'autre part, 2 Pierre n'innove pas en qualifiant Lot de "juste" (quelle que soit l'appréciation morale qu'on puisse avoir aujourd'hui sur le personnage; je constate d'ailleurs que tu as omis l'épisode le plus "scandaleux" pour les modernes, l'inceste en état d'ivresse !): il est déjà appelé ainsi, entre un et trois siècles plus tôt selon les datations, dans le livre de la Sagesse (10,6ss). Et même si la Genèse ne lui donne pas expressément ce titre, il me semble bien qu'elle le présuppose dans le marchandage sur le nombre de "justes" à Sodome au chapitre précédent (Lot + sa femme + ses deux filles < 5). Spermologos |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 06 Déc 2013, 20:37 | |
| - Citation :
- C'est elle qui, lors de la destruction des impies, délivra le juste qui fuyait le feu descendant sur la Pentapole
Sg 10,6. Bible de Jérusalem - Citation :
- Aussi furent-ils frappés de cécité, comme ceux-là aux portes du juste, lorsque, enveloppés de ténèbres béantes, ils cherchaient chacun l'accès de sa porte.
Sg 19,17 Bible de Jérusalem La Pentapole de Palestine, dans le sud de cette région ; elle était composée des cinq villes de Sodome, Gomorrhe, Adama (en), Seboïm et Ségor. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pentapole |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 06 Déc 2013, 20:55 | |
| - Citation :
- 29 Et il arriva, quand Dieu ravagea les villes du District, que Dieu pensa à Abraham en ce qu’il prit des mesures pour faire sortir Lot du milieu du renversement, quand il renversa les villes parmi lesquelles Lot avait habité
Gen.19,29 - Citation :
- 6 et si en réduisant en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, il les a condamnées, donnant aux impies un exemple de choses à venir ; 7 et s’il a délivré le juste Lot, qu’affligeait grandement la conduite déréglée de ces gens qui bravaient la loi — 8 car ce juste, par ce qu’il voyait et entendait quand il habitait parmi eux, tourmentait de jour en jour son âme juste à cause de leurs actions illégales —,
2 Pi. 2,6-8 Il me semble qu'il y a là une contradiction car d'un côté la bible déclare que Dieu pensa à Abraham, de l'autre elle parle de Lot comme d'un juste. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Sam 07 Déc 2013, 08:49 | |
| ---toute expression est relative à...quelque chose, à...quelqu'un, à...l'autorité suprême de YHWH... ---celui qui est "juste", comme dans le cas de Lot, cela atteste probablement son désir de devenir meilleur, plus juste, comparativement aux gens méchants qui font fi de la morale des lois de YHWH... |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Sam 07 Déc 2013, 12:20 | |
| Lot ne figure pas nommément dans la liste des justes mentionnée dans la lettre aux Hébreux au chapitre 11 |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Sam 07 Déc 2013, 15:28 | |
| - le chapelier toqué a écrit:
- Lot ne figure pas nommément dans la liste des justes mentionnée dans la lettre aux Hébreux au chapitre 11
---la synthèse et l'essentiel sont notés dans la lettre aux hébreux, pas forcément tous les détails ou tous les serviteurs de YHWH fidèles et "justes" aux yaeux de YHWH...: ***(Hébreux 11:32) 32 Et que dirai-je encore ? Car le temps me manquera si je poursuis en racontant ce qui concerne [...] ***(Hébreux 12:1) [...] Ainsi donc, parce que nous avons une si grande nuée de témoins qui nous entoure [...] ** |
| | | free
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 23 Sep 2021, 12:32 | |
| Après l’anéantissement de Sodome et Gomorrhe, Loth reste seul avec ses deux filles. Voici cette histoire :
Loth monta de Çoar pour loger à la montagne, et ses deux filles l’accompagnaient. Il craignait en effet d’habiter Çoar et il logea dans une caverne, lui et ses deux filles.
L’aînée dit à la cadette : « Notre père est vieux et il n’y a pas d’homme dans le pays pour venir à nous selon la coutume du pays tout entier. Allons! Faisons boire du vin à notre père et nous coucherons avec lui pour donner vie à une descendance issue de notre père. » Elles firent boire du vin à leur père cette nuit-là, et l’aînée vint coucher avec son père qui n’eut conscience ni de son coucher ni de son lever. Or, le lendemain, l’aînée dit à la cadette : « Vois! J’ai couché la nuit dernière avec mon père. Faisons-lui boire du vin cette nuit encore, et tu iras coucher avec lui. Nous aurons donné vie à une descendance issue de lui. » Cette nuit encore, elles firent boire du vin à leur père. La cadette alla coucher avec lui; il n’eut conscience ni de son coucher ni de son lever. Les deux filles de Loth devinrent enceintes de leur père. L’aînée donna naissance à un fils qu’elle appela Moab; c’est le père des Moabites aujourd’hui. La cadette, elle aussi, donna naissance à un fils qu’elle appela Ben-Ammi; c’est le père des fils d’Ammon aujourd’hui. (Genèse 19, 30-38)
Loth et ses filles viennent pourtant d’être sauvés de la destruction de villes condamnées à cause de leurs mœurs sexuelles déviantes. Ils commettent eux-mêmes l’inceste. N’aurait-il pas été préférable que la famille meure à Sodome? Que les filles restent célibataires ou épousent simplement des hommes d’un autre peuple? Ce sont elles les responsables du plan mis en scène. Pourtant, Loth n’est pas très perspicace, il se fait jouer le même tour deux soirs de suite, sans s’en rendre compte.
Moabites et Ammonites
La clé de la compréhension de ce récit se trouve dans les derniers versets. Cette histoire est sans doute racontée pour marquer la différence de mœurs entre les Hébreux et les Moabites et les Ammonites. Elle parlerait ici de l’origine des Moabites et des Ammonites. L’ancien royaume biblique de Moab se situait sur la rive est du Jourdain, au nord de la mer Morte, dans l’actuelle Jordanie. Les Ammonites habitaient à l’est de la tribu de Manassé. Ces peuples furent souvent en guerre contre les Hébreux.
La situation après l’exil
Le rapport entre ces deux peuples et les Hébreux est abordé par le livre de Néhémie qui raconte le retour des Juifs après la déportation à Babylone. Il va nous donner une meilleure idée de la raison pour laquelle on se transmettait le récit des filles de Loth, à cette époque.
C’est aussi dans ces jours-là que je vis des Juifs qui avaient épousé des femmes ashdodites, ammonites et moabites; la moitié de leurs fils parlaient l’ashdodien et aucun d’eux ne se montrait capable de parler le juif, mais la langue d’un peuple ou d’un autre. Je leur fis des reproches et les maudis; je frappai quelques hommes parmi eux et leur arrachai les cheveux; puis je leur fis jurer au nom de Dieu : « Ne donnez pas vos filles à leurs fils, et ne prenez pas de leurs filles pour vos fils et pour vous! » (Néhémie 13,23-25)
Au retour de l’exil à Babylone, Israël rebâtit le Temple et met tout en œuvre pour réunifier son peuple. Il est capital de ne pas se mêler aux autres peuples pour ne pas disparaître. Les mariages avec les Ammonites et les Moabites sont donc à prohiber. C’est à cette époque qu’aurait eu lieu la composition finale d’une grande partie de l’Ancien Testament. Cette histoire au sujet de l’origine scandaleuse de ces peuples aurait été racontée puis écrite pour dissuader les Juifs de prendre des femmes des autres nations nées, selon ce récit, dans la transgression des règles de l’inceste.
http://www.interbible.org/interBible/decouverte/insolite/2011/insolite_110408.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 23 Sep 2021, 14:44 | |
| Je suis tout à fait d'accord sur l'idée principale, et néanmoins sous-jacente -- le texte de la Genèse, comme la quasi-totalité de la Torah, y compris les références du Deutéronome à Moab et Ammon, chap. 2--3 et 23, trouve son sens optimal dans le contexte de la Judée post-exilique -- mais toujours aussi consterné par ce langage exégético-pastoral qui, à force de ne vouloir contrarier, choquer ou scandaliser personne, la rend parfaitement incompréhensible à la majeure partie de son public-cible a priori catholique, qui n'en sera nullement dissuadée de prendre le récit de la Genèse au pied de la lettre comme elle le fait spontanément.
Sur le thème général de ce fil (Lot "juste" ou pas), l'essentiel a été dit dès le premier jour (6.12.2013): 2 Pierre (parmi les textes les plus tardifs du NT) ne dépend pas seulement de la Genèse, mais aussi de la littérature juive (mal) dite "intertestamentaire", spécialement judéo-hellénistique, en particulier la "Sagesse de Salomon" (agrégée à la tradition de la Septante, d'où son futur statut "deutérocanonique") qui qualifie précisément Lot de "juste" (10,6ss). Si l'on s'en tient à la Genèse, en faisant abstraction de cette intertextualité secondaire, Lot est un personnage qu'on pourrait dire "moralement ambivalent", mais pas tant pour des raisons sexuelles ou d'intempérance (vin, ébriété, cf. Noé au chap. 9) que par son choix de la contrée la plus prospère (pour rappel, c'est aussi la prospérité "égoïste" et non une sexualité "déviante" de Sodome et Gomorrhe qui leur était reprochée en Ezéchiel 16; et même dans la Genèse l'accent porte moins sur la sexualité que sur l'atteinte aux règles coutumières de l'hospitalité, comme dans le "doublon" de Juges 19). |
| | | free
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 23 Sep 2021, 15:57 | |
| Lot La figure de Lot dans le Coran est très liée à celle de Noé. Le Lot du Coran, comme Noé, est un prédicateur qui demande à son peuple de croire en Allah et de reconnaitre ses propres déclarations comme celles d’un prophète. Cela représente un contraste avec le rôle de ces deux figures dans la Genèse. Selon la Genèse, Noé ne prêche pas à son peuple. En fait le premier discours de Noé a lieu après le déluge (Gn 9). Lot non plus ne prêche pas à son peuple, mais il discute avec eux afin de protéger ses visiteurs angéliques de leurs menaces (Gn 19). Dans la Genèse ni Noé ni Lot ne sont appelés prophète. La présentation de Lot et de Noé, dans le Coran est beaucoup plus proche de l’esprit de la deuxième épitre de Pierre (2P 2,4-9), où l’auteur fait allusion aux histoires de Noé et Lot. Dans ce passage Noé – qui dans la Genèse est tout simplement « un homme juste » (Gn 6,9) – devient un prédicateur, un messager divin (« héraut de justice », 2P 2,5). Dans la Genèse, Lot s’inquiète tout simplement pour le bien-être de ses visiteurs et son obligation d’hospitalité (par exemple Gn 19, . Dans 2 Pierre il devient « le juste » (2P 2,7), un homme perturbé par l’iniquité de son peuple (« ce juste qui habitait au milieu d’eux torturait jour après jour son âme de juste à cause des œuvres iniques qu’il voyait et entendait » (2P 2, . On peut donc repérer un processus de spéculation exégétique, un processus qui continue dans la littérature homilétique syriaque et dans le Coran, où Noé et Lot sont des messagers, et où Lot en particulier condamne l’immoralité de son peuple (« Vous livrez-vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’a commise avant vous ? » 7,80 ; cf. 11,78-80 ; 15,66-72, 26,165-166, passim). Donc on peut conclure que l’auteur du Coran a très probablement connu une présentation chrétienne de Noé et de Lot. Il est même possible que l’interprétation chrétienne des histoires de Noé et de Lot ait inspiré chez cet auteur une vision plus globale des « histoires du châtiment divin » (Straflegenden), c’est-à-dire qu’elle a influencé la formation aussi des récits de Hūd, Ṣāliḥ, et Shuʿayb dans le Coran. De surcroît, les deux protagonistes coraniques perdent un membre de leur famille : le fils de Noé (v.s.), perdu dans le déluge, et la femme de Lot, perdue dans une pluie de feu (7,83, 11,81, 15,59-60, 26,170-171, 27,54-58, 29,32-33, 37,134-135). Le rapport étroit entre les figures de Noé et Lot dans le Coran se trouve aussi dans la façon avec laquelle le Coran nous fait comprendre que le fils de Noé a été condamné avant le déluge : (« De ton peuple, il n’y aura plus de croyants que ceux qui ont déjà cru. Ne t’afflige pas de ce qu’ils faisaient » : 11,36) et que la femme de Lot a été condamnée avant la pluie de feu (« Nous [Allah] avions déterminé qu’elle sera du nombre des exterminés » : 15,60). Ainsi le Coran insiste que dans une famille de croyants il y aurait des mécréants, que ces mécréants sont déjà condamnés par Dieu, et qu’on ne soit pas sympathiser avec eux. C’est un message possiblement lié à la situation réelle de la première communauté musulmane. https://journals.openedition.org/asr/1455 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 23 Sep 2021, 16:59 | |
| Article intéressant -- aussi sur un tout autre sujet, le rapport anges / Adam / Christ dont nous avons abondamment parlé à propos de l'épître aux Hébreux (l'auteur de l'article a bien pensé à Philippiens 2, non à Hébreux 1--2). La qualification de Noé comme "prédicateur ou héraut ( kèrux, d'où "kérygme") de justice" en 2 Pierre 2,5 dépend sans doute aussi de traditions juives assez largement diffusées dans le christianisme du IIe siècle, cf. 1 Clément 7,6: "Noé annonça ( kèrussô) la repentance/conversion ( metanoia), et tous ceux qui l'écoutèrent (ou lui obéirent) furent sauvés." Pour rappel, l'ensemble de 2 Pierre 2 est une réécriture de l'épître de Jude, qui citait expressément le livre d'Hénoch et se référait très largement à la littérature "intertestamentaire", hénochienne entre autres. Comme nous l'avons vu ici (3.12.2015), la tradition coranique est dominée par l'idée de jugement et de rétribution strictement individuels: personne ne "sauve" personne, aucune intercession d'un "juste" ne vaut pour quelqu'un d'autre, ni père ni mère, ni frère ni soeur, ni fils ni fille, ni femme ni ami, d'où la pertinence de l'exemple de Lot qui ne "sauve" pas sa femme. A la limite, même le "prophète", l'"apôtre" ou l'"envoyé" ne sauve personne, son rôle est purement instrumental et subordonné à la prédestination générale des "causes" et des "effets". Cela rejoint bien des thèmes de l'AT, notamment de Jérémie ou d'Ezéchiel -- y compris à propos de Noé, Dan(i)el et Job dont l'intercession est refusée, comparer les chap. 14 et 18 -- mais s'inscrit plutôt à contre-courant d'un christianisme où le "salut" est généralement conçu comme "transitif", donné et reçu: on n'est pas "sauvé" sans être "sauveur" d'autrui, selon une logique qui s'étend du Christ-sauveur aux apôtres et de l'Eglise au monde (évidemment, tout dépend de quelles versions de l'islam et du christianisme on compare)... --- Je reviens sur la citation de Néhémie dans l'article précédent, parce que quelques précisions historiques, géographiques, ethniques et linguistiques ne seraient peut-être pas superflues: - Avant les différents exils, la langue de Moab ou d'Ammôn, à l'est du Jourdain, est quasiment la même que celle d'Israël (cf. la fameuse stèle de Mes[h]a): on n'a que des variations dialectales et "régionales" du même "sémitique occidental" dont l'hébreu dit "classique", ou "biblique", est une forme (tardive) parmi d'autres (cf. l'"ougaritique" d'Ougarit = Ras Shamra, beaucoup plus au nord et plus ancien, quoique linguistiquement très proche, l'akkadien de Mésopotamie ou l'araméen de Syrie déjà plus éloignés mais encore apparentés: toutes ces parentés linguistiques se "traduisent" dans le jeu des parentés des patriarches (Lot neveu d'Abraham, qui vient de Mésopotamie en passant par la Syrie où on retrouve aussi Jacob) comme dans les "généalogies" de la Genèse (p. ex. chap. 10). - Avec As(h)dod (à l'ouest) c'est une autre affaire, puisque du XIIe au VIe siècle (av. J.-C.) la bande côtière est "philistine", ce qui correspond aux "peuples de la mer" des textes égyptiens comme aux suggestions bibliques (Philistins venus de Kaphtor, probablement la Crète, avec une langue vraisemblablement proche du grec, en tout cas pas "sémitique": cf. p. ex. la désignation biblique des "princes" des Philistins, srn, souvent rapprochée du mot grec transcrit par "tyran"). Pourtant, les récits bibliques (ultérieurs en grande partie imaginaires) relatifs aux "Philistins" ne font état d'aucune différence linguistique entre ceux-ci et les Hébreux et leur prêtent des dieux sémitiques et levantins (Dagon = Dagan, bien connu à Ougarit). - Depuis les conquêtes assyriennes et surtout néo-babyloniennes, toutes ces identités et différences ethno-linguistiques se sont perdues, surtout au profit d'un "araméen d'empire" qui sera aussi employé dans toute la partie occidentale de l'empire perse, notamment autour de Samarie qui est l'unique "capitale" régionale avant la reconstruction de Jérusalem par le groupe d'exilés ( gola) revenus de Babylone. La tension majeure dont témoignent Esdras et Néhémie est logiquement entre Jérusalem et Samarie, et la "pureté" ethno-linguistique en question est avant tout celle qui distingue les Judéens (revenus) de Babylone de tous les "peuples du pays" indifféremment, très majoritairement descendants autochtones d'Israël et de Juda et naturellement mélangés à la périphérie avec les restes des peuples voisins (Edom, Moab, Ammôn, "Philistie"). C'est au fond l'opposition entre un "idéal" de pureté artificiel (les seuls vrais "Judéens" ou "Juifs" sont ceux qui [re-]viennent de Babylone et se rassemblent autour de Jérusalem et du Second temple) et une "réalité" ethnique beaucoup plus complexe, présumée "impure", quoiqu'elle soit pour l'essentiel "israélite" (d'où va se développer l'opposition entre "Juifs" et "Samaritains", qui passe par des moments de fusion et d'imprégnation réciproque et des moments d'hostilité "clivante", surtout à l'époque hasmonéenne avec la destruction du temple de Garizim par Jean Hyrcan). |
| | | free
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 24 Sep 2021, 13:28 | |
| Noé au chap. 9) que par son choix de la contrée la plus prospère (pour rappel, c'est aussi la prospérité "égoïste" et non une sexualité "déviante" de Sodome et Gomorrhe qui leur était reprochée en Ezéchiel 16; et même dans la Genèse l'accent porte moins sur la sexualité que sur l'atteinte aux règles coutumières de l'hospitalité, comme dans le "doublon" de Juges 19).
"Ta grande sœur, c'est Samarie, au nord, avec les petites villes voisines. Ta petite sœur, c'est Sodome, au sud, avec les petites villes voisines. Tu n'as pas seulement imité leur conduite, tu n'as pas seulement commis les mêmes actions horribles, c'était trop peu ! Ta conduite a été bien pire que celle des autres villes. Aussi vrai que je suis vivant, moi, le Seigneur DIEU, voici ce que je te déclare, Jérusalem : Sodome, ta sœur, et les petites villes voisines, n'ont pas fait autant de mal que toi, et les petites villes autour de toi. Voici les fautes de Sodome et de ses voisines : elles étaient orgueilleuses, elles mangeaient beaucoup trop, elles ne se faisaient pas de souci, elles n'ont pas aidé les pauvres ni les malheureux. Elles sont devenues méprisantes et ont commis des actes horribles. Alors je les ai fait disparaître, comme tu le sais. Samarie, elle, n'a pas fait la moitié du mal que tu as fait. Toi, Jérusalem, tu as commis beaucoup plus d'actes horribles qu'elle. Sodome et Samarie, tes sœurs, ont l'air innocentes, quand on les compare à toi. Eh bien, maintenant, à ton tour, supporte la perte de ton honneur à cause de tes fautes. Oui, tu as commis des actes pires que tes sœurs. Ainsi, elles apparaissent plus justes que toi, et on leur trouve des excuses. À ton tour, tu seras donc couverte de honte et tu souffriras d'avoir perdu ton honneur. Je rendrai leur ancienne situation à ces villes : je changerai la situation de Sodome et des villes voisines, celle de Samarie et des villes voisines. Ensuite, je te rendrai aussi ton ancienne situation, Jérusalem. Alors tu souffriras d'avoir perdu ton honneur, tu auras honte de tout ce que tu as fait : cela consolera ces villes. Sodome, Samarie et les villes voisines retrouveront leur ancienne situation. Ce sera pareil pour toi, Jérusalem, et pour les villes voisines. À l'époque où tu te vantais, tu disais du mal de Sodome". (Eze 16,46-56).
Mais, - seul parmi les prophètes, en un geste de sourcier, ramenant à a surface un niveau complètement oublié -, au chapitre 16, plus pathétique encore, s'il est possible d'établir des comparaisons entre des fresques dont chacune a sa vie propre, il associe aux deux sœurs Jérusalem et Samarie, une troisième sœur, la petite, la cadette, le Cendrillon : Sodome.
Certes, Sodome et Gomorrhe, n'avaient pas été, depuis leur destruction à l'époque d'Abraham, rayées de la mémoire des hommes bibliques. Mais ce ne sont partout, lorsqu'elles sont mentionnées, que des références à la mort et à la déchéance, à la stérilité physique et morale.
Ézéchiel seul saisit Sodome à bras le corps et l'âme. Tout en sachant parfaitement qu'elle est l'incarnation même de la mort morale et physique, il tente de réaliser l'impossible, de réussir là où Abraham lui-même avait échoué, ou plutôt, comme nous essaierons de le montrer, de réparer l'échec d'Abraham : il fait un pari sur la résurrection de Sodome. Un pari dont les composantes chiel : affleurent explicitement dans deux chapitres du Livre d’Ézéchiel :
Chapitre 16 : la résurrection psychique de Sodome par sa réintégration dans la famille biblique. Sodome est la sœur de Jérusalem !
Chapitre 47 (l'avant-dernier du Livre) : la résurrection géophysique de Sodome par sa réintégration dans la Terre d'Israël : la Mer Morte redevient une Mer Vivante, une réserve édénique, sans laquelle la Terre d'Israël ne serait pas véritablement elle-même. https://www.persee.fr/docAsPDF/rhpr_0035-2403_1979_num_59_3_4503.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 24 Sep 2021, 14:38 | |
| Génial Neher -- j'ai repensé à l'anecdote racontée par Derrida à la mort de Levinas, qui lui aurait soufflé à l'oreille, lors de quelque colloque qui les réunissait tous: "lui (Neher) c'est le (juif) protestant, moi (Levinas) je suis le catholique."
Bien sûr on n'appréciera un tel discours qu'au niveau où il se situe, celui d'un jeu, si sérieux soit-il, sur une vaste intertextualité "biblique" et extra-"biblique", d'un point de vue aussi bien post-rabbinique que post-chrétien -- une perspective exégétique et historico-critique plus étroite, et aussi plus superficielle, y trouverait beaucoup à redire: le livre d'Ezéchiel dans son ensemble ne saurait se réduire à la "vie" et à la "psychologie" d'un individu, le "prophète Ezéchiel"; il ne présuppose probablement pas la Genèse et l'ensemble de la Torah telles que nous les lisons -- ce seraient plutôt elles qui, en partie du moins, en dépendent; il n'établit même pas de rapport explicite entre "Sodome" au chapitre 16 et la "mer Morte" au chapitre 47. N'empêche que tout ce que Neher montre, il le trouve bien dans les textes pris tous ensemble, dans leur "lettre" comme dans leur "esprit" (on pourrait d'ailleurs souligner davantage que le "go'el" est tout autant le "vengeur" que le "rédempteur"), pourvu qu'on les laisse jouer les uns avec les autres -- et dans la "géographie" immémoriale qui les précède tous (il y a bien la topographie et la symbolique de la mer "Morte", même quand l'hébreu la désigne autrement, derrière toute la tradition de "Sodome et Gomorrhe", y compris dans le récit de la Genèse): c'en est une lecture possible et tout à fait passionnante. |
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 01 Oct 2021, 16:07 | |
| Le chapitre XIX de la Genèse rapporte comment Dieu a détruit Sodome (et Gomorrhe) et épargné Loth et ses filles. Cette séquence est probablement le fragment d'un mythe de destruction de l'humanité, comme en témoigne le passage suivant (XIX, 31) : « L'aînée dit à la cadette : « Notre père est âgé et il n'y a pas d'homme dans le pays pour s'unir à nous à la manière de tout le monde. » Loth et ses filles étaient les seuls survivants du désastre (universel), tout comme Noé et les siens l'avaient été du Déluge. Comme celle de Noé, la justice de Loth a été louée par la tradition postérieure : Sagesse, X, 6 ; Ecclésiastique, XVI, 8-9 ; II Pierre, II, 6-8. Le récit de Genèse, XIX, se termine par l'union incestueuse de Loth avec ses deux filles et par la naissance de deux fils qui seront les ancêtres éponymes des deux ennemis traditionnels d'Israël, Moab (expliqué de façon populaire par mê-ab, « issu du père ») et Ammon (jeu de mots entre Benê-Ammon — XIX, 38 — et ben-ammi, « fils de ma parenté », selon une signification ancienne du mot am).
Plusieurs textes appartenant à la littérature rabbinique établissent un lien entre la vocation de Ruth, la Moabite (reconnue par les juifs comme l'ancêtre du Messie, comme il apparaît dans la généalogie du Christ selon Matthieu, I, 5), et l'inceste relaté dans Genèse, XIX, 31-37. Le midrash Béréshit Rabbah, à propos de Genèse, XIX, 32, est, sur ce point, explicite ; il interprète la « semence issue du père » en ces termes : « Qu'est-ce ? Le roi messie issu de Ruth la Moabite. »
https://www.universalis.fr/encyclopedie/loth/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 01 Oct 2021, 16:25 | |
| Pour comprendre comment la destruction de Sodome et Gomorrhe peut être lue comme vestige d'un mythe de destruction universelle, il ne faut pas traduire "il n'y a pas d'homme dans le pays" mais "sur la terre" (ambiguïté permanente de 'rç - gè, "terre" par opposition au "ciel" ou la "mer", OU "pays" qui n'est qu'une partie de la "terre"). Bien entendu il ne s'agit que de vestige, car pour le lecteur-auditeur de la Genèse il est clair que la vie continue ailleurs, ne serait-ce qu'avec Abraham; mais cela donne un tout autre sens à l'action des filles de Lot, qui répond alors à une pure nécessité de survie de l'espèce, et le récit biblique combine les deux "logiques" sans rationaliser l'ensemble.
Le livre de Ruth s'inscrit aussi à contre-courant du Deutéronome, de façon moins ambiguë que la Genèse où l'on ne sait pas trop ce qui l'emporte, de la dépréciation d'Ammon et Moab pour cause d'"inceste" avant la lettre (également impliqué toutefois par les récits des origines, fils et filles d'Adam et Eve procréant nécessairement entre eux), ou au contraire de l'affirmation de la parenté générale (avec Abraham, donc "Israël"; parenté bien plus large en tout cas, parce qu'elle s'étend à Ismaël, à Edom, à Madian, à la Syrie ou à la Mésopotamie, au gré des généalogies postérieures ou antérieures d'Abraham).
Dernière édition par Narkissos le Ven 01 Oct 2021, 16:35, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 01 Oct 2021, 16:30 | |
| Gn 13 constitue le premier grand récit concernant la relation entre Abraham et Lot. Un récit qui aboutit à la séparation des deux parents. Il est possible qu’à un stade présacerdotal les ch. 13.18-19* aient formé une petite nouvelle d’Abraham et Lot. Le récit dans sa forme primitive (v. 2, 5, 7-11a, 12-13*) traite de la parenté entre les Judéens et leurs voisins à l’est : Moabites et Ammonites, dont Lot est l’ancêtre.
https://www.college-de-france.fr/media/thomas-romer/UPL66378_R__mer.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Ven 01 Oct 2021, 16:47 | |
| (J'ai un peu développé mon post précédent.)
Dans le texte de Römer, excellent comme toujours, il faut surtout lire la suite (jusqu'à la p. 520 pour l'épisode de Sodome et Gomorrhe, p. 526 sur le cas à part de Genèse 14). A mon sens il insiste à juste titre sur l'aspect "comique" ou "burlesque" du personnage et des récits, qui tend à nous échapper parce que ce sont précisément des sujets (inceste, homosexualité, ivresse, sans parler de la mort en général) sur lesquels, pour des raisons différentes et parfois contradictoires, que ce soit en fonction d'une morale "chrétienne" ou contemporaine, on ne plaisante plus guère. |
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Lun 04 Oct 2021, 16:29 | |
| Gn13
Gn 13 constitue le premier récit concernant la relation entre Abraham et Lot, un récit qui aboutit à la séparation des deux parents. Il est possible qu’à un stade présacerdotal, les ch.13.18-19* aient formé une petite nouvelle d’Abraham et Lot (peut-être d’abord sans lien avec Gn 12,10-20 et 16). Le premier « auteur » de ce cycle combine apparemment des traditions d’origines différentes. En effet, en Gn 13 Lot apparaît comme un nomade avec un cheptel important de bétail (il vit sous les tentes) ; en 19,1-29 il est habitant d’une ville (il habite dans une maison au milieu de la ville), et finalement dans le récit des naissances incestueuses à la fin du chapitre 19, c’est un « homme des cavernes ». En Gn 13, le récit primitif se retrouve dans les versets 2.5.7-11a.12-13*. 18a. Les v. 6.11b-12abα sont des varionnites sacerdotales. Les versets 13,1.3-4.14-16(et17 ?).18b proviennent probablement des mêmes rédacteurs que Gn12,1 ss* (une rédaction pro-Golah) qui ont voulu insister sur le lien entre les promesses du départ et leur validité après la séparation d’Abraham et Lot et le partage du territoire. Le récit dans sa forme primitive traite de la parenté entre les Judéens et leurs voisins à l’est : Moabites et Ammonites, dont Lot est l’ancêtre.
https://journals.openedition.org/annuaire-cdf/182#tocto2n9 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Lun 04 Oct 2021, 17:05 | |
| Visiblement l'un des deux textes (de Römer) est une réécriture partielle (variante ou "varionnite" ?) de l'autre, mais lequel ? -- il me semble à première vue que l'ordre des rédactions est inverse de celui de tes citations...
Dans le premier (que tu cites) en tout cas, il insiste davantage sur la tension interne au chapitre 19 entre l'épisode de la grotte-caverne et la "ville" ou le village épargné (Ts/çoar). Et sur l'humour que je relevais entre les deux, parfaitement illustré par l'ensemble du récit indépendamment de sa composition, puisque celui qui aura choisi le meilleur morceau, la plaine fertile et paradisiaque, passe successivement du statut enviable de nomade prospère en face de la ville à celui beaucoup plus précaire d'étranger dans la ville, pour se retrouver enfin dans une situation littéralement grot(t)esque...
(Cela me rappelle incidemment une histoire que me racontait mon père, quand j'étais petit: le père tend à son fils une corbeille avec une grosse pomme rouge et une pomme rabougrie, l'enfant prend naturellement la plus belle et le père lui dit: "Tu vois, quand on est poli, on laisse toujours le meilleur pour les autres." L'enfant repose la pomme, tend la corbeille à son père et lui dit: "Sers-toi !") |
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| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 07 Oct 2021, 16:51 | |
| Dans le récit biblique, la femme de Loth se retourne et devient une colonne de sel. Le fait de se retourner est frappé d'interdit dans de nombreuses cultures comme dans le mythe d'Orphée et d'Eurydice rapporté par Platon où Orphée se retournant perd pour toujours son épouse Eurydice. Dans le récit biblique, Jésus demande à ses disciples de ne pas se retourner pour regretter des biens inutiles au salut et de se souvenir de la femme de Loth.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Loth#cite_ref-10
Dans la Bible, la femme de Loth est une figure présente dans le Livre de la Genèse qui décrit sa transformation en statue de sel après qu'elle eut regardé en arrière vers Sodome (Genèse 19:26). Elle est appelée « Ado » ou « Édith » dans certaines traditions juives, mais n'est pas nommée dans la Bible. Elle est également mentionnée dans les livres deutérocanoniques, dans le Livre de la Sagesse (10:7) ainsi que dans le Nouveau Testament à Luc 17:32.
Le récit de la femme de Loth dans la Genèse commence après l'arrivée de deux anges à Sodome, au soir, où ils ont été invités à passer la nuit dans la maison de Loth. À l'aube, les anges l'exhortèrent à fuir avec sa famille, afin d'éviter la catastrophe imminente qui allait châtier la ville. Loth tarda à partir, si bien que les anges prirent sa main ainsi que celles de sa femme et de ses filles, et les firent sortir de la ville, en leur intimant l'ordre suivant : « Fuyez pour sauver votre vie ! Ne regardez pas derrière vous, et ne vous arrêtez pas n'importe où dans la plaine ; fuyez vers les collines, de peur d'être emportés. »1:465 Loth refusa de fuir vers les collines et demanda l'asile dans une petite ville à proximité, connue sous le nom de Zoar, qui accepta cette demande. Voyageant derrière son mari, la femme de Loth regarda en arrière vers Sodome, et fut changée en une statue de sel.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Femme_de_Loth |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Lot était-il un homme juste? Jeu 07 Oct 2021, 18:13 | |
| Le rapport avec Orphée serait ténu: c'est Orphée qui se retourne et c'est Eurydice qui retourne aux enfers (Cocteau règle l'affaire avec un rétroviseur); toutefois des points de contact entre les traditions orphiques et bibliques ne sont pas impossibles, on en a aussi vu avec les repha'im associés d'une part au she'ol, d'autre part aux "géants", enfin par l'étymologie à des pouvoirs de guérison (dans les traditions hénochiennes, les "veilleurs" qui engendrent les géants enseignent aussi aux hommes un certain nombre de "techniques", y compris occultes et médicales) -- mais tout cela n'a rien à voir avec Lot. En Sagesse 10,7 la référence est allusive, "une âme sans foi" ( apistousè psukhè) -- comme d'ailleurs pour le "juste" ( dikaios) au verset précédent, qui désigne Lot sans le nommer. Philon allégorise à sa façon (médio-)platonicienne ( De fuga et inventione, 121s): se retourner, c'est se détourner de l'enseignement intelligible vers le monde sensible... Il en fait d'ailleurs à peu près autant pour l'épisode des filles ( De posteritate Caini, 174ss; De ebriate, 162ss, où il est aussi question de la femme de Lot): ce sont les puissances ou facultés inférieures de l'âme, associées à la féminité, qui veulent être fécondées par l'intellect supérieur, masculin, celui-ci étant néanmoins obscurci et affaibli (l'ivresse)... Pour revenir à la question initiale, il faut bien comprendre que la qualification de "juste" est relative, ce qui n'a rien d'étonnant quand on pense à l'usage judiciaire de l'hébreu çaddiq: le "juste" dans un procès, c'est celui qui est "innocent" ou "victime" de tel crime, délit, faute, tort, dommage, injustice, par rapport au "coupable" (le "méchant" d'après la traduction usuelle de l'hébreu rš`, plutôt l'"injuste", adikos en grec); ça n'empêche nullement que le "juste" dans cette affaire, et par rapport à ce "coupable", soit lui-même "coupable" d'autre chose ailleurs. Bien entendu, l'usage biblique, juif et chrétien du mot s'étend à un domaine moral et/ou religieux où les choses sont différentes, mais il y conserve quelque chose de sa relativité judiciaire: Lot peut être dit "juste" par rapport à Sodome et Gomorrhe, tout en étant critiqué par ailleurs. C'est dans la tradition paulinienne, à partir de l'épître aux Romains, que la "justice" s'absolutise: à ce tarif personne n'est "juste" (voir aussi ici). |
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