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| Jean 1,18 | |
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free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mar 05 Mar 2024, 15:43 | |
| La crédibilité de ces promesses repose sur la déclaration solennelle “egô eimi” de Jésus. Dans la perspective johannique, la formule “egô eimi” suivie par les dons qui font vivre les hommes, s’enracine dans l’identité divine de Jésus. Il dit “egô eimi + attribut” en tant qu’Envoyé du Père, le Fils Unique-Engendré du Père, qui est dans le sein du Père (1,18a). Ainsi “egô eimi” de Jésus avec un attribut assure la véracité de ses promesses.
https://leminhthongtinmunggioan.blogspot.com/2014/03/je-suis-ego-eimi-dans-levangile-de-jean.html
le dieu unique-engendré : Jean parle ici de la Parole, « Jésus Christ », dont il a dit plus haut qu’elle était « un dieu » (Jean 1:1, 17). Ailleurs, il dit que Jésus est le Fils unique-engendré de Dieu (Jean 1:14, note d’étude ; 3:16, note d’étude). Dans ce passage, Jean présente Jésus comme « le dieu unique-engendré », une expression qui souligne la position unique que Jésus occupe dans l’organisation de Dieu. Étant donné la façon dont le terme « dieu » est employé dans la Bible, Jésus peut légitimement être qualifié de « dieu ». Ce titre emporte fondamentalement l’idée d’un être puissant et, dans les Écritures, il est même appliqué à des humains (Ps 82:6 ; voir notes d’étude sur Jean 1:1 ; 10:34). Jésus est « un dieu », ou un être puissant, parce qu’il a reçu son pouvoir et son autorité du Dieu tout-puissant, du Père (Mt 28:18 ; 1Co 8:6 ; Hé 1:2). Et puisqu’il est le seul à avoir été créé directement par Dieu et le seul par l’intermédiaire de qui toutes choses « vinrent à l’existence » (Jean 1:3), il est logique que Jésus soit appelé « le dieu unique-engendré ». Cette expression montre que Jésus possède une gloire unique et la prééminence par rapport à tous les autres fils angéliques de Dieu. Comme cela ressort de certaines traductions de la Bible, des manuscrits portent dans ce verset « le Fils unique-engendré ». Mais les manuscrits les plus anciens et qui font le plus autorité portent « le dieu unique-engendré » (avec l’article défini en grec) ou « dieu unique-engendré » (sans l’article défini en grec).
auprès du Père : Litt. « sur le sein du Père ». Être sur le sein de quelqu’un signifiait qu’on avait une position de faveur particulière et qu’on entretenait avec lui des relations étroites. Cette expression figurée tire son origine de la façon dont on prenait les repas ; les convives s’allongeaient sur des divans de façon à pouvoir se pencher en arrière sur le sein, ou la poitrine, d’un ami intime (Jean 13:23-25). Jésus est ainsi présenté comme l’ami le plus intime de Jéhovah, celui qui pouvait expliquer Dieu d’une façon plus complète et plus précise que quiconque (Mt 11:27).
qui il est : C.-à-d. qui est Dieu.
https://wol.jw.org/fr/wol/dx/r30/lp-f/1001070147/26166 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mar 05 Mar 2024, 17:10 | |
| Vu le rapport rappelé récemment (supra 29.2.2024) entre le Prologue et le reste de l'évangile (Prologue vraisemblablement ajouté à une étape assez tardive de la rédaction, parallèlement au chapitre 20), la relation éventuelle aux egô eimi (absolus = sans attribut, ou autres) placés dans la bouche de "Jésus" est assez limitée. Tout au plus peut-on supposer que la distinction entre "être" (eimi, einai) et "devenir, advenir" (gi(g)nomai) dans le Prologue fait un certain écho aux egô eimi du corps du récit, mais cette relation d'une part ne se renverse pas, d'autre part a des limites grammaticales (einai étant un verbe "défectif", naturellement remplacé à certaines formes inusitées par gi(g)nomai, sans qu'on puisse y voir d'intention particulière).
En ce qui concerne la Watch, le niveau d'inintelligence est tel qu'on ne sait pas trop par quel bout commencer... En vrac:
- la dernière révision de la NWT/TMN semble avoir abandonné toute prudence exégétique en 1,18: "qui l'a expliqué" restait ambigu (qui a expliqué qui, ou quoi ?), "qui a expliqué qui il est" renvoie sans ambiguïté au "Dieu" du début du verset, ce que le grec ne fait pas, tout en y ajoutant une notion d'identité et/ou d'essence (qui il est) totalement absente du texte...
- jamais, dans le texte grec, le logos n'est formellement identifié à "Jésus-Christ": le rapport au reste du Prologue, et particulièrement à l'hymne au logos, du commentaire du v. 17, qui oppose "Jésus-Christ" à "Moïse" comme "la grâce et la vérité" à "la loi", reste inexpliqué.
- mais le problème théologique fondamental est bien plus profond et général: si l'on identifie sans autre, sans reste et sans différence, sans excès ni défaut, le "Dieu" de l'AT (Yahvé ou Jéhovah) au "Père" de Jésus-Christ, ce dernier, qu'on l'appelle logos, fils ou n'importe comment, arrive comme un cheveu sur la soupe. Quel que soit le rôle qu'on lui donne, si cadré et restreint soit-il, il sera toujours en trop par rapport à un "Dieu" unique qui se suffit à lui-même: c'est l'objection de l'islam, qui selon sa propre logique ferait encore trop de cas de "Jésus"; la seule façon d'en sortir, pour ne pas sortir du monothéisme, c'est précisément d'intégrer le Christ (et toutes les "médiations" qu'on voudra: l'esprit, la parole, la sagesse, la loi, le livre, les anges, les prophètes) au "Dieu unique", que cela soit "dedans" et non "dehors"; car si c'est en plus, extérieur, supplémentaire, cela sera toujours en trop...
- il ne s'agit donc pas d'ajouter un dieu subalterne au "Dieu" de l'AT, mais bien d'une "nouvelle économie" de la divinité unique qui se redistribue (nouvelle donne, new deal): ce qui correspondrait au "Yahvé" de l'AT si l'on veut établir une correspondance, ce n'est pas "le Père" mais l'ensemble "Père / Fils" (etc.).
- sur monogenès qui signifie "unique en son genre" et non "unique engendré", bien qu'il se réfère régulièrement à l 'enfant (fils ou fille) "unique", on peut relire ce fil depuis le début.
P.S.: free me signale cette thèse de 2013 qui est longue mais intéressante, sous la direction de Christoph Theobald que j'évoquais précédemment... On peut repérer les passages pertinents à ce fil en cherchant (automatiquement) "1,18" (37 occurrences, c'est toujours moins intimidant que 615 pages): on constatera que ça se répète pas mal, mais l'idée de donner à exegeomai le sens d'"interprétation", plutôt théâtrale ou musicale qu'herméneutique (interpréter = traduire), ce qui se dit aussi en français "incarner" (un rôle ou un personnage), mérite d'être méditée. On peut remarquer au passage que les autres occurrences néotestamentaires d'exegeomai, exclusivement dans Luc-Actes (Luc 24,35; Actes 10,8; 15,12.14; 21,19) sont principalement narratives, il s'agit de raconter une "histoire" ou des "événements"... |
| | | free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 13 Mar 2024, 13:04 | |
| « Et le Verbe advint chair ... ». Une relecture de l’Évangile de S. Jean Pascal-Marie Jerumanis
Signification de l’ œuvre du salut pour le Fils en tant que Fils
La glorification progressive du Fils envoyé dans le monde permet-elle d’envisager un devenir dans le Fils ? Il y a bien le verbe egeneto en 1,14, mais celui-ci ne vise pas directement un devenir du Verbe : il s’agit plutôt de son « entrée » dans le devenir (« Celui qui est entre dans le devenir qu’il fonde ») ; il s’agit de « sa venue dans la chair », interprétera 1 Jn 4,2. Dans le prologue, egeneto se rapporte à tous les événements qui adviennent dans le monde créé (cf. 1,3.6.10.14.17). On peut rapprocher cela du wayehî de la Bible hébraïque, traduit par kai egeneto dans la LXX (cf., plus particulièrement, Gn 1,3.5.8 etc., proche de Jn 1,1-18).
Toute la destinée du Verbe incarné est cependant une œuvre du Fils qui s’est progressivement réalisée dans le temps, dans le devenir. C’est de ce point de vue qu’avec S. Jean, il faut réfléchir sur le devenir du Fils envoyé dans le monde, du Verbe qui est advenu chair. En révélant sa relation avec son Père, le Fils la « raconte » d’ailleurs dans le cadre de l’œuvre qu’il est venu accomplir dans le devenir : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voie faire au Père… Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait… Il a donné au Fils le jugement tout entier… Il a donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même… » (5,19-27).
Mais, si la relation du Père et du Fils « se vit » de manière spécifique dans l’œuvre que le Fils envoyé dans le monde accomplit, son identité de Fils ne change toutefois pas : il demeure « le Fils unique, Dieu qui est tourné vers le sein du Père » (1,18 : monogenês theos ho ôn eis ton kolpon tou patros) et c’est la même « gloire de Fils unique » que les hommes ont contemplée tout au long de sa destinée (1,14). Il est vrai cependant que l’intensité de son rayonnement dans la chair n’a atteint sa plénitude que lorsque le Père a glorifié le Fils auprès de lui, « de la gloire qu’il avait auprès de lui avant que le monde fût » (cf. 17,5). Pour contempler le rayonnement de cette gloire dans toute son intensité, les croyants doivent eux-mêmes être glorifiés auprès du Père : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (17,24).
Ainsi, selon S. Jean, si on peut parler d’un devenir du Fils, c’est en tant que Fils envoyé dans le monde et s’investissant vraiment dans son œuvre de salut, pour entraîner progressivement sa chair dans la plénitude de sa gloire de Fils unique. Mais, en elle-même, cette gloire n’a pas changé : c’est la même que celle que le Père donne au Fils depuis toujours, dans la relation éternelle du Père et du Fils, dans laquelle le Fils tourné vers le sein du Père se reçoit et se donne dans l’amour (« Tout ce qu’a le Père est à moi » [16,15] ; « Tout ce qui est à moi est à toi et tout ce qui est à toi est à moi » [17,10] ; « le Père est en moi et moi dans le Père » [10,38]).
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2012-2-page-177.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 13 Mar 2024, 14:08 | |
| Sur cet article, voir supra 29.2.2024. Indépendamment des problèmes grammaticaux et exégétiques (au sens "technique" et restreint du terme) sur lesquels je ne reviens pas, il est certain qu'on peut percevoir, même dans le seul v. 18 qui fait l'objet de ce fil, une certaine tension entre "l' éternité" de l'" être" -- qu'il s'agisse du dieu que nul n'a jamais vu, du dieu monogène qui "est" dans/contre le sein du père, sans préjudice de la relation et/ou de l'identité de l'un à l'autre "dieu" -- et l'"ex-égèse" qui, narrative ou non comme la di-égèse (cf. la fin de mon post précédent), est de part en part temporelle, comme le devenir ou l'advenir, l'événement ou l'avènement qui supposent une durée, un avant et un après, de même que toute "réalité", action ou passion, acte, parole ou pensée. Mais c'est précisément ce rapport de l'"être" et du "temps" que la "modernité" à la fois exige et interdit ( double bind) de repenser à neuf, en rendant caduques les distinctions classiques, "métaphysiques", de l'"éternité" et du "temps": ça devient explicite chez Heidegger, mais ça remonte au moins à la Renaissance et ça ne fait depuis qu'être de plus en plus conscient, à travers les "Lumières" et l'"idéalisme" (Schelling, Hegel, etc.) et les diverses réactions qu'ils ont engendrées (romantisme, mais aussi en philosophie Schopenhauer, Kierkegaard, Nietzsche, Husserl): si on ne peut plus séparer l'"être" du "temps", parce que c'est la même chose qui n'est justement pas une chose ou un étant, il est ipso facto impossible de penser leur "rapport", ce dont dépendait entre autres toute la "christologie" chrétienne qui avait ainsi préparé sa propre crise. On peut toujours raconter des histoires (di-égèse), et ainsi faire sortir ou apparaître quelque chose (ex-égèse, phénomène, a-lètheia), mais on ne saurait dire quoi ni qui (l'être ou la chose-en-soi, ce qui resterait irréductiblement caché derrière sa propre apparition) autrement qu'en ex-pliquant ou racontant, sans jamais savoir au juste de quoi ou de qui on parle -- ce que disait déjà, à sa façon, Jean 1,18, mais sans le penser comme nous le pensons, et sans que nous puissions le penser comme son "auteur" ou ses premiers "destinataires" pouvaient le penser. Un détail exégétique (au sens ordinaire) tout de même: si le rapport de l'"être" ( eimi, einai) du Prologue aux "je suis" ( egô eimi) du corps de l'évangile (qui renvoient surtout à la Septante du deutéro-Isaïe, egô eimi sans attribut pour 'ani hou', "moi, lui" <=> c'est moi) est moins évident que Jerumanis ne l'imagine (voir supra), on pourrait discerner en revanche une réminiscence d'Exode 3 (LXX) en Jean 1,18. Comme j'ai essayé de l'expliquer dès le post initial (dernier paragraphe), le verbe "être" est beaucoup plus fréquemment sous-entendu en grec, surtout "biblique" sous l'influence directe ou indirecte de l'hébreu ou de l'araméen, qu'en français; a fortiori dans une expression locative ([être] dans le sein du père), surtout si elle est dynamique et directionnelle ( eis <=> into, à tout le moins "vers", ce qui incite à suppléer un verbe d'orientation, comme "tourné vers"), ce qui ne convient guère à un verbe comme "être", verbe d'état a priori statique. On dirait plus naturellement, sans verbe, ho eis ton kolpon tou patros. Donc, ho ôn eis ton kolpon tou patros, "celui qui est / dans-vers le sein du père", est beaucoup plus étonnant et donc remarquable en grec qu'en français, ce qui tend à souligner et à isoler "celui qui est", ho ôn, comme dans la Septante d'Exode 3,14ss: egô eimi ho ôn, "je suis celui qui est", puis ho ôn = "celui qui est" tout seul, au lieu du 'ehyeh = "je suis / serai" de l'hébreu, simple verbe conjugué à la première personne de l'inaccompli, sans pronom comme "je"... En tout cas le sens reste simple: tout ce qu'on peut saisir de "Dieu", de l'"être", de l'"éternité", peut importe comment on l'appelle puisqu'en tout cas on ne sait absolument pas de quoi ni de qui on parle, c'est dans le temps, l'histoire, le monde, la vie que cela se donne et qu'on le saisit, ou pas, plus ou moins.... |
| | | free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Dim 22 Sep 2024, 12:44 | |
| Dieu ineffable et Parole incarnée. Saint Jean de la Croix et le Prologue du 4e Évangile Jean Boulet
S'il est vrai, selon l'affirmation de la foi chrétienne, que l'homme «sera dans l'illusion lorsqu'il voudra parler de Dieu, de l'au-delà, sans en rester à la pure négation, à l'aveu qu'en réalité il est vide de Dieu » 9, (et Jean de la Croix reprend fréquemment et fortement cette idée), donc que l'homme ne saurait rien dire sur Dieu et par conséquent doit se taire, il est vrai aussi, selon que l'affirme encore la foi chrétienne, que Dieu se fait connaître, se révèle à l'homme et lui parle en Jésus-Christ et qu'il faut alors à l'homme «justement se taire lorsque ce don l'envahit ». Le silence d'écoute n'est donc pas un silence d'accord, de fusion avec un éternel silence, mais un silence humain de finitude, d'incapacité, d'authenticité et d'attente, recevant la Parole de Dieu incarnée en sa Révélation prenante. Silence de l'âme donc, non parce que seul le silence serait adéquat au parlant silence du Fils unique dans le sein du Père (Jn 1/18) mais parce que Dieu parle, d'une parole unique, audible, incarnée et révélatrice : «Nul n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique (ou le Dieu unique), celui qui est dans le sein du Père, lui-même l'a révélé » (Jn 1/18), c'est-à-dire s'est incarné.
Dans ce verset johannique, Jn 1/18, la Vulgate a rendu le verbe grec εξηγήσατο par «enarravit ». Jean de la Croix cite quatre fois ce verset dans son œuvre : dans Montée II/ VIII et III/XII 12 pour illustrer l'idée que Dieu est invisible et inconnaissable, dans Cantique/1 18 pour dire que le Fils lui-même, étant dans le sein du Père est caché et éloigné «aux yeux des mortels et à tout entendement » et enfin dans la maxime que j'ai citée : «Le Père n'a dit qu'une parole... », on peut admettre qu'il s'y réfère implicitement ; or, on constate qu'en ces quatre endroits Jean de la Croix ne cite que le premier hémistiche ou le début du second et jamais l'enarravit, qui serait pourtant capital.
Ainsi, la maxime «le Père n'a dit qu'une parole... », maxime littérairement admirable, nous propose une solution à ce problème : Dieu est inaudible et cependant il a une parole, comment concilier ces deux notions contradictoires ? Mais la solution proposée ici par Jean de la Croix n'est-elle pas purement formelle ? N'est-ce pas en vérité éliminer le Christ en son incarnation que d'en faire la Parole dite en un éternel silence ? Si le Fils se tait, s'il n'est pas plus connaissable que le Père, son incarnation, son humanité ont-elles encore un rôle à jouer dans la montée mystique ? Ne sommes-nous pas ici en face d'une expérience mystique «où Dieu sera dépeint comme le " Tout Autre " de l'ici et du maintenant, comme le Numineux devant qui se taisent toutes pensées, auquel l'homme ne s'unira que dans son cœur, englouti dans la divinité, en quelques instants heureux, dévoré par ce feu divin » 14 ? Or nous savons que l'homme n'a pas à fuir l'ici-bas parce que la vie de Dieu serait dans l'au-delà, qu'il n'a pas non plus, car cela n'est pas, à voir l'ici-bas transparent à l'au-delà, mais à considérer l'ici-bas comme le lieu où il entend vraiment la Parole de Dieu venue à lui de l'au-delà 15.
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1966_num_46_3_3843 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Dim 22 Sep 2024, 14:44 | |
| L'auteur (1966) prétend comparer Jean de la Croix au Prologue de Jean, il ne le compare en fait qu'à une lecture dudit Prologue: lecture courante, consensuelle, en l'occurrence protestante quoique pas strictement "orthodoxe" (Schweitzer-Bultmann-Dumas), et plutôt hostile par principe à toute "mystique". Il est certain que Jean de la Croix n'était pas exégète, qu'il dépendait du texte latin et pensait comme il parlait et écrivait, en espagnol; mais Boulet, bien qu'ayant d'autres ressources à sa disposition, ne l'était visiblement pas non plus. Sans même insister sur l'inattention (ou la faute de copie) qui lui fait reproduire deux fois le même découpage des v. 3s là où il prétend montrer deux découpages possibles (p. 234), ce qui rend sa démonstration incompréhensible à moins de connaître d'avance le problème (on en a souvent parlé et je n'y reviens pas), il faudrait rappeler: - que non seulement l'intégration globale du Prologue à l'évangile est tardive (probablement contemporaine de l'avant-dernière conclusion du chap. 20), mais qu'il faut y distinguer l'"hymne au logos" (qui a lui- ou elle-même connu des développements successifs et qui pourrait, au départ, avoir été aussi bien stoïcien[ne], myst[ér]ique ou gnostique), ses commentaires spécifiquement "chrétiens" (plus ou moins "johanniques" ou "orthodoxes") et son contrepoint narratif (le début de l'"évangile normal" selon le modèle établi depuis Marc, sur Jean-Baptiste, alternant avec l'hymne et ses commentaires): le texte qui en résulte, visiblement hétérogène, ressemble donc beaucoup à la lecture "trouée" (selon Boulet) qu'en fait Jean de la Croix, même si celui-ci ne l'a pas fait exprès... - que malgré toute cette préhistoire complexe le Prologue tel que nous le lisons se garde bien d'identifier formellement le logos, ou le monogenès (l'unique, unique en son genre plutôt qu'engendré, fils unique sans le mot "fils", huios, dans les leçons habituellement retenues de nos jours), à "Jésus-Christ": seule une lecture distraite ou une récitation traditionnelle, trop pressée de verser ce passage au dossier dogmatique d'une "christologie", identifie sans autre "Jésus-Christ" au logos, ce que non seulement le texte ne fait pas mais évite ostensiblement (p. ex. une gloire comme celle d'un [fils] unique d'un père, c'est une comparaison, non une déclaration d'identité, d'essence ou de nature, d'un logos qui à la lettre n'est pas un "fils", bien qu'on puisse toujours comparer une parole à un fils, une énonciation à un engendrement, comme le fait déjà Platon); - s'il n'y a pas identification du logos avec une "personne" (qu'on l'entende selon l'acception trinitaire d'"hypostase" divine ou de "personne humaine", au sens ordinaire ou au sens dogmatique d'"incarnation" et d'"union hypostatique"), il y en a encore moins avec les "paroles" du personnage "Jésus" dans le quatrième évangile (qui hors du Prologue emploie le terme logos dans un sens parfaitement banal, paroles, discours, de "Jésus" comme de n'importe qui), ni ailleurs -- sans même parler de "la Bible" en général comme "parole de Dieu" -- il n'est du reste pas dit que le logos du Prologue soit " de Dieu", il se tient dès le commencement face au dieu comme son autre. - que le logos du Prologue, quelle que soit son interprétation, ne se réduise pas à une "doctrine", fût-elle "christologique", cela rejoindrait l'effet produit dans le corps même de l'évangile par l'usage paradoxal de la notion de "vérité" ( alètheia): quand "Jésus" dit "je suis... la vérité", il neutralise le sens ordinaire, "cognitif", "logique" ou "épistémique", de la "vérité", associé au logos lui-même pris au sens ordinaire: parole, discours, proposition, phrase, prédication, affirmation, fût-ce à propos du sujet "Jésus" et de tous les prédicats qu'on peut lui attribuer (dieu, fils de dieu, messie, christ, seigneur, etc., y compris logos), jugé(e) "vrai(e)", par exemple au sens aristotélicien, conforme à ce dont il ou elle parle: ce n'est plus d'une "vérité", d'une proposition doctrinale dont on pourrait dire "c'est vrai" ou "c'est faux", qu'il peut être question quand quelqu'un dit "je suis la vérité"... Pour en revenir au v. 18 auquel nous avons essayé (vainement) de nous tenir dans ce fil, il est sans doute exact que Jean de la Croix n'en cite que la première partie; mais la seconde, du moins en grec, n'implique aucunement qu'à l'invisibilité fondamentale du dieu s'opposerait le discours ou le récit d'un dieu monogène: il y a pro-duction, é-duction plus exactement ( ex-egeomai, ex-egèsis), sortie, expression, déploiement, manifestation au-dehors, phénomène, monstration, spectacle, théâtre, show, il n'est pas dit de qui ou de quoi, par exemple du dieu que nul n'a jamais vu ( a priori ça n'a pas changé); s'il faut sub/poser un "sujet", ce serait plutôt le logos-monogenès lui-même (cf., plus haut, nous avons vu sa gloire); et rien ne dit surtout que ça se traduise "verbalement", en discours, en récit, en doctrine, en théologie expresse, explicite, exotérique, apopha ntique, a fortiori "logique" et "rationnelle" au sens ordinaire du logos-ratio... Quant au rapport au silence, aussi bien dans l'évangile de Jean, Prologue compris, que chez Jean de la Croix, il est peut-être plus subtil que ne l'imaginait Boulet: si le vrai silence est vide de concept, de signifié, de sens, d'idée, de pensée même, plus encore que de voix, de son ou de bruit, alors il faut parfois un supplément de paroles, une fois qu'on a commencé à parler et à penser, pour le rejoindre: tautologies, paradoxes, oxymores, contradictions et absurdités en tout genre, figures, tropes, poésie, jeux de langue, danse des signifiants qui ne conduit nulle part, sinon à la vacuité de toute signification... Et en la matière ces deux " Jean"-là, quel que soit leur nom ou leur nombre réel, sont des maîtres. |
| | | free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 25 Sep 2024, 10:20 | |
| Λόγος, Μονογενής et Υἱός (J'espère que je n'ai pas déjà cité ce texte ... Je ne n'ai pas saisi à quoi correspondent tous ces points d'interrogations). Quelques implications trinitaires de la christologie johanniquePar Emmanuel DurandLe thème de la gloire transparaît en Jn 1,14. 18 par le renvoi implicite à la révélation imparfaite de l’Exode : d’abord, par la puissance d’évocation du verbe ????????? (1, 14b), en référence à la Shekinah [2]; ensuite, en vertu de l’association suggestive de ????? et ??????? [3]. Ces deux indices s’inscrivent dans un parallélisme plus ample. En Ex 33, 18, Moïse prie ainsi Dieu : « Fais-moi de grâce voir ta gloire »; la réponse divine tient dans le Nom prononcé par Dieu en Ex 34, 6, assortie toutefois du refus de manifester sa gloire de face. Ce que Moïse n’a pu voir, les apôtres l’ont contemplé à travers la chair du Logos : « Le Logos a été chair, et il a dressé sa tente (?????????) parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire […]. Dieu, personne ne l’a jamais vu; le [Fils ou Dieu] Monogène [4], qui est vers le sein du Père, celui-là nous [l’] a raconté [5]. » (Jn 1, 14abc. 18).Au v. 14, la gloire du Logos est ainsi qualifiée : « gloire comme d’un Monogène d’auprès d’un Père (????? ?? ?????????? ???? ??????) ». Ce complément détermine en des catégories nouvelles la gloire du Logos. L’absence d’article à ????????? et ????? favorise un sens parabolique : père et monogène sont ici à entendre en référence à l’expérience de la relation que nous-même pouvons connaître entre un père humain et son fils unique. À travers ce premier niveau de sens, le texte produit une véritable analogie confirmée par le v. 18 qui montre la propriété avec laquelle le ????? peut être dit ????????? et ? ???? appelé ? ?????.https://shs.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2004-1-page-93?lang=frA propos du v. 14, il faut relever un petit mot souvent négligé: doxan hôs monogenous para patros, "une gloire comme d'un monogène (issu) du père". Contrairement au v. 18, le langage n'est pas directement "théologique" ou "christologique", mais comparatif (à la relation fils unique / père "en général"). Ce que traduit bien la formule indéterminée "une gloire de fils unique issu du père", mais que trahirait "la gloire du Fils unique issu du Père".https://etrechretien.1fr1.net/t1121-jean-11 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 25 Sep 2024, 11:54 | |
| L'article de Durand (2004) ne me rappelle rien, mais ça ne prouve pas grand-chose; quoi qu'il en soit il n'y a aucun inconvénient à citer plusieurs fois les mêmes textes, surtout si on les oublie entre-temps... Quand je signale des citations antérieures c'est que je m'en souviens (au moins un peu) et que j'arrive à les retrouver (faute de recherche automatique valable c'est de plus en plus rare), et surtout parce que ça m'évite alors de me répéter...
Les points d'interrogation remplacent à l'évidence des termes grecs qui n'ont pas été reconnus à la "reconnaissance (automatique) de caractères": quand il y en a beaucoup, comme ici, ça rend le texte incompréhensible, sauf à jouer à la devinette d'après le nombre de points d'interrogation, avec des éditions des originaux (NT et LXX au moins) sous les yeux. Pour ceux de ton extrait il s'agit probablement de - skènoô / eskenôsen, pour camper, habiter, demeurer, v. 14, qui rappelle skènè, la tente, d'où la "scène" théâtrale; et même l'hébreu ou l'araméen škn, d'où la rabbinique shekina ou le biblique mishkan pour demeure, le tabernacle ou la tente-sanctuaire du désert... - kharis et alètheia pour "grâce" et "vérité", v. 14 et 17, en référence à Exode 34,6 (note 3) -- mais ça ne correspond pas à la Septante citée dans la note, qui a polu-eleos kai alèthinos, très-compatissant/miséricordieux et vrai, pour rb hsd / 'mt en hébreu. - encore skènoô / eskenôsen, cf. supra. - doxan hôs monogenous para patros, "une gloire comme d'un unique de père", soulignant ensuite l'absence d'article à monogenès et à patèr au génitif. - le logos peut être dit monogenès - sur la dernière j'hésite, car ça pourrait être aussi bien ho theos (le dieu), ho patèr (le père) ou ho huios (le fils), en fonction des variantes, identifié au logos (ce qui me paraît de toute façon inexact).
Ce serait fastidieux de continuer comme ça sur tout l'article, et ça n'aurait probablement pas un grand intérêt car la lecture proposée est parfaitement traditionnelle, catholique, et d'orientation dogmatique (le passage par la patristique grecque, vers la fin, est cependant intéressant); il néglige en outre toutes les considérations "diachroniques" sur les étapes de la rédaction de l'évangile, et du Prologue lui-même (ainsi l'effort désespéré, aux yeux mêmes de l'auteur, pour retrouver des correspondances du logos ou d'autres éléments du Prologue dans le corps de l'évangile). Sur le v. 18 en particulier, objet de ce fil, il ne me semble pas apporter grand-chose que nous n'ayons déjà dit.
(Ta seconde citation renvoie en fait supra 4.7.2016, je le signale pour qui voudrait en voir le contexte et/ou suivre les liens qui s'y trouvent.) |
| | | free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 06 Nov 2024, 13:12 | |
| "Aucun homme n’a jamais vu Dieu ; le dieu unique-engendré, qui est auprès du Père, c’est lui qui a expliqué qui il est" (Jean 1,18 - TMN 2023).
"Aucun homme n’a jamais vu Dieu ; le dieu unique-engendré qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a expliqué" (Jean 1,18 - TMN 1995).
Il me semble que l'emploie de la formule "auprès du Père", au lieu de "dans le sein du Père", ne traduit pas correctement la pensée de l'auteur et nuit au sens du texte. On peut se demander, ce qui a motivé un tel changement.
Dernière édition par free le Mer 06 Nov 2024, 16:10, édité 2 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Mer 06 Nov 2024, 13:30 | |
| Pour une fois, c'est la révision américaine (NWT 2013) qui a changé: on est passé d'un franzisme (?) alambiqué, in the bosom [position] with the Father, mot-à-mot "dans [la place du] sein avec le Père" (la TMN 1974 disait, si je me souviens bien, "auprès du Père, à la place dite du sein"; comme ma mémoire est plus auditive que visuelle, je ne sais plus où étaient les crochets, mais quoi qu'il en soit les expressions françaises ne permettaient pas d'isoler une préposition comme in, "dans"), à at the Father's side, "à côté du Père", ce qui se lit effectivement mieux en anglais mais n'a plus guère de rapport formel avec l'original... La v.f. "auprès de" paraît moins concrète que l'anglais (at X's side, "à côté de X", renvoie à l'image des places des convives au repas, chap. 13); en tout cas l'aspect directionnel de l'expression(eis + accusatif, rappelant le pros + accusatif des v. 1s) est perdu dans toutes ces traductions. |
| | | free
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| Sujet: Re: Jean 1,18 Sam 09 Nov 2024, 22:31 | |
| Le prologue de la première épître de Jean : sa structure et sa visée Michèle Morgen Revue des sciences religieuses Année 2005
L'explicitation de la communion avec Dieu et les uns avec les autres se fait de manière assez surprenante au chapitre 4, si l'on tient compte de la macrostructure d'ensemble de l'épître. En effet, le lecteur du prologue est placé en fin de parcours devant une étonnante déclaration. À l'affirmation solennelle et convaincante centrée sur «ce que nous avons vu» (1 Jn 1, 1-3a) correspond un non moins solennel «Dieu, personne ne l'a jamais contemplé25». Le contraste est pour le moins frappant. C'est pourtant bien à une communion avec Dieu qu'est invité le lecteur. Une définition de cette communion avec Dieu est en effet donnée, fondée sur les formules d'intériorité et d' inhabitation réciproque (Dieu en nous et nous en lui), particulièrement mises en relief en 4, 12b- 16. La définition des possibilités de la communion avec Dieu se poursuit et s'achève à la fin du chapitre 4. En 4, 20 l'auteur de l'épître énonce non plus les conditions de la communion avec Dieu, mais les conséquences du refus de l'amour fraternel: «Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, Dieu qu'il ne voit pas, il ne peut l'aimer». Ce renversement, déjà annoncé en 1, 6-7 à propos de la koinônia, conduit le lecteur à reprendre les énoncés du voir dans le prologue. L'expression «ce que nous avons vu, touché, entendu,...», qui dit la réalité de l'incarnation et du salut advenu en Jésus Christ, conduit, voire «oblige» selon le vocabulaire johannique, à une «incarnation de la charité». Le lecteur est sollicité à un changement de regard: pour voir Dieu (que l'on ne saurait voir), il lui faut voir le frère et découvrir ainsi l'amour de Dieu (3, 17). La communion avec Dieu s'exprime certes par une inhabitation (Lui en nous et nous en Lui), mais l'accomplissement de l'amour en nous (4, 17-18) se vérifie dans le concret de l'amour du frère qui, lui, est bien «à voir» (4, 20).
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2005_num_79_1_3749 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jean 1,18 Dim 10 Nov 2024, 00:21 | |
| Comme on l'a déjà vu (!), les échos du prologue de l'évangile (Jean 1,1-18, notons-le PrEv) sont bien plus clairs et nombreux dans les épîtres (1--3 Jean) que dans l'évangile lui-même (cf. toutefois Jean 5,37; 6,46; 14,9, qui ont pu aussi bien inspirer 1,18); et pas seulement dans le prologue similaire de la Première épître (1 Jean 1,1ss, notons-le PrEp) qui le décalque et le déplace ostensiblement. Du point de vue de la critique historico-littéraire on peut en induire, avec bien d'autres indices convergents, que le PrEv est un ajout tardif à l'évangile (peut-être à peu près au niveau du chap. 20, cf. "mon Seigneur et mon Dieu" // 1,1c, lui-même probablement ajout secondaire à l'hymne au logos), mais qu'il précède en revanche les épîtres (et notamment le PrEp qui, à l'évidence, en dépend) -- même si tout ça n'a qu'un intérêt limité pour la lecture ordinaire, puisque toutes ces différences chronologiques entre sections ou couches rédactionnelles s'annulent à la première relecture des textes finis, d'autant plus quand ils sont rassemblés dans le même "canon".
En ce qui concerne Jean 1,18, puisque c'est l'objet très restreint de ce fil, ses échos se trouvent non seulement en 1 Jean 4,12,20 (personne n'a jamais vu Dieu // Jean 1,18a), mais encore en 1 Jean 5,20, qui a tout d'un commentaire sur Jean 1,18b: le dieu fils unique a ex-pliqué, ex-egesato" -> "le fils du dieu nous a donné la pensée (ou l'intelligence, dianoia) pour que nous connaissions le Vrai (véritable, véridique, alèthinos), et nous sommes dans le Vrai en son fils Jésus-Christ; c'est lui le vrai dieu et la vie éternelle" (qui fait aussi écho à Jean 17,3, etc.). En fait la Première de Jean et les deux autres se lisent très bien comme des variations et développements sur l'évangile fini, ou presque fini...
Quoi qu'il en soit, le commentaire ne fait qu'approfondir le paradoxe originel et essentiel. C'est au fond le même (la même chose: relatif neutre, impersonnel, dans le PrEp, ho, "ce que") qui est vu, entendu, touché, et jamais vu... -- comme dans l'Evangile en sa forme finale (Dieu, personne ne l'a jamais vu / qui m'a vu a vu le Père). Sauf que dans le PrEp on n'a même plus le masculin personnel du "Père", du "Fils", du "dieu" ou du logos personnifié, d'un quelqu'un, mais le neutre d'un "ce que", "ça", "quelque chose", impersonnel(le), en deçà même (au commencement) de toutes les "personnes" ou "personnifications". Le logos lui-même n'étant plus sujet absolu comme dans le PrEv, mais objet indirect ou complément de l'objet neutre lui-même complété (peri tou logou tès zôès, "autour, à propos du logos de la vie", où logos en soi peut être à nouveau pris en son sens banal de "parole", tout en gardant quelque réminiscence du logos du PrEv). Sur toutes les précisions grammaticales et exégétiques l'article de M. Morgen est tout à fait pertinent, mais tout cela se perçoit ou se ressent à la simple lecture, même en traduction pourvu que celle-ci reste formellement assez proche du texte. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jean 1,18 Lun 18 Nov 2024, 15:05 | |
| "Bien-aimés, maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons ne s'est pas encore manifesté ; mais nous savons que, quel que soit le moment de sa manifestation, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jean 3,2).
Notre dernier échange m'a rappelé ce texte et notamment la formule " nous le verrons tel qu'il est" qui me fait dire que l'on peut voir Dieu "tel qu'il n'est pas", une manifestation ou une émanation divine ... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jean 1,18 Lun 18 Nov 2024, 15:28 | |
| "Tel qu'il est, comme il est", kathôs estin, la relation d'"analogie" est trop fréquente, variée et nuancée dans les textes johanniques (rien que dans ce chapitre, v. 3, 7, 12, 23) pour qu'on puisse la réduire à l'alternative ou l'opposition symétrique d'une identité et d'une différence, le même et l'autre, comme s'il n'y avait pas toujours du même dans l'autre et de l'autre dans le même. Comme dans le platonisme il y a toute une grad(u)ation de la qualité de l'"image" et de la "vision", de l'"idée" intelligible à l'"ombre" sensible; mais à la différence du platonisme le johannisme ne "grad(u)e" rien, il n'y a pas d'échelle ni d'échelons, ni de médiations qui tiennent et s'interposent durablement, il y va toujours de l'archi-originel, de l'ultime im-médiat à quelque degré que ce soit. "Celui-là" comme "nous", cf. 4,17 que je rappelais récemment ( ici, 9.11.2024). Qu'ils soient un comme nous sommes un, etc. Le disciple de l'énième génération est (dans) le (Fils) unique. En Jean 1,18, c'est essentiellement le mouvement de l'ex-égèse, le rapport du "dieu" que nul n'a jamais vu au "dieu monogène" -- le même par l'autre et inversement, révélation à la lettre sans "objet" ni "destinataire(s)" dès lors que tous sont "un". |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Jean 1,18 Mar 19 Nov 2024, 12:28 | |
| Pourquoi vouloir voir Dieu? Et que signifie voir Dieu? Est-ce pour voir ses manifestations? Est-ce pour mieux le comprendre? Cette envie de voir Dieu m'a rappelé l'épisode mettant en scène Moïse et Dieu dans le désert. Un ange de Dieu apparait à Moïse dans un buisson d'épines qui brule sans se consumer. Moïse veut s'approcher de plus près et Dieu voyant le mouvement de Moïse l'arrête et lui demande de ne pas approcher. S'en suit un dialogue assez étonnant ou Dieu, celui du père d'Abraham et de Jacob s'identifie. La réaction de Moïse est fort intéressante, il est dit en Exode 3 verset 6 (2e partie) Alors Moïse se cacha le visage car il avait peur de regarder le vrai Dieu. Plus loin à partir du verset 13 une discussion entre Moïse et Dieu tourne autour de l'identification de ce Dieu, comme Moïse ne l'a pas vu il demande à ce Dieu apparu subitement quel est son nom. L'homme cherche toujours à connaître Dieu mais déplore ne pas l'avoir vu ce que semble confirmer Jean 1:18. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jean 1,18 Mar 19 Nov 2024, 13:37 | |
| Voir (!) éventuellement ici et là. Et la "réplique" d'Exode 3 aux chapitres 33--34, où Moïse voit non la "face", mais le "derrière", le dos ou l'arrière de "Dieu"; bien qu'en 33,11 ils se parlent "face à face", et qu'au chapitre 34 le "face à face" entraîne (par "cornes" ou "rayonnement") le voilement extérieur de la "face" de Moïse (et ses reprises pauliniennes, 2 Corinthiens 3--4 Désir et peur de "voir", dans toute la polysémie ou la métonymie du "voir" et de ses "sens" (savoir, comprendre, entendre, sentir, toucher, goûter). "Dieu" n'y change peut-être pas grand-chose. |
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| | | | Jean 1,18 | |
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