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 De l'identité de Dieu

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Narkissos

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MessageSujet: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 05 Juil 2016, 03:19

Le sujet de réflexion que je voudrais proposer ici m'est inspiré par les discussions récentes autour de la "gnose" et des textes "gnostiques", mais il les déborde très largement.

Une idée, simplificatrice et uniformisante, mais très répandue, sur la "gnose" (et aussi sur Marcion, qu'on peut hésiter pour d'autres raisons à qualifier de "gnostique"), est que "son Dieu n'est pas celui de l'Ancien Testament" (on a vu combien les textes "gnostiques" diffèrent en fait les uns des autres sur ce point, mais peu importe ici). A l'inverse, le Dieu du christianisme "orthodoxe" serait celui de l'Ancien Testament. Mais si l'on regarde les choses d'un peu plus près, ça se complique: par exemple, qui est "le Dieu de l'Ancien Testament" dans le Nouveau Testament ? Jésus, ou le Père de Jésus, ou les deux (plus le Saint-Esprit en prime) ? Pour le dire il faut retourner à son catéchisme, car l'"identité" de "Dieu" d'un Testament à l'autre ne va pas de soi comme on aurait pu le croire. Et si l'on demande: "le Dieu des chrétiens est-il le Dieu des musulmans ?" on aura aussi, pour les mêmes raisons et pour d'autres encore, des réponses semblablement embarrassées: oui dans un sens, non dans un autre.

Il ne peut pas en aller autrement dans le cadre conceptuel d'un "monothéisme". D'un côté, il n'y a qu'un seul "Dieu", il ne saurait y en avoir d'autres; tout discours sur "Dieu" (toute "théologie") se réfère à celui-là, et pourtant chacun(e) le détermine différemment. De sorte que même s'il n'y a qu'un seul "Dieu", il y a autant de "Dieux" (avec majuscule !) que de discours différents et contradictoires sur celui-là. Ce n'est pas un polythéisme qui professe positivement, en droit, l'existence de dieux différents, c'est un polymonothéisme qui génère malgré lui, en fait, des Dieux différents alors que -- tout le monde est paradoxalement d'accord là-dessus ! -- il n'a théoriquement de place que pour un seul.

Au fait, qui est "le Dieu de l'Ancien Testament" ? On peut répondre "Yahvé" ou "Dieu" (tout court), mais quand on s'aperçoit que les textes rassemblés dans ce recueil en parlent très différemment, tout en ayant l'air de toujours parler du même, c'est moins simple: le Yahvé de la Tour de Babel est et n'est pas celui du deutéro-Isaïe, celui du Deutéronome est et n'est pas celui de Jonas. Quel "Dieu de l'Ancien Testament" serait donc celui des chrétiens "orthodoxes", ou ne serait pas celui des gnostiques ?

Un "Dieu" condamné à une identité unique (identité de référent ou ipséité en langage philosophique: on parle toujours du même, même quand on en dit tout autre chose) est simultanément condamné à une identité multiple: à une redéfinition permanente de son essence (ou de sa "quiddité", de ce qu'il est) en fonction des théologies. Ce qui assure son unité d'un discours à l'autre (mais aussi la concurrence conflictuelle des discours "le" concernant), ce sont d'une part les noms qui le désignent; d'autre part, et dans la mesure où ils sont lus, les textes qui conservent la trace de ses précédents "avatars" ou de ses autres "définitions" -- dans lesquels toute lecture prend ce qui lui convient en écartant le reste.

Les christianismes primitifs, "gnostiques" ou autres, opèrent un choix dans le vaste fonds théologico-littéraire du judaïsme (premièrement dans notre "Ancien Testament", mais bien au-delà) qui reste, et de très loin, leur source d'inspiration principale. Quand l'épître aux Romains oppose la promesse (epaggelia) de Dieu à Abraham et la loi de Dieu associée à Moïse, il joue un "Dieu" contre un autre (ou une définition de "Dieu" contre une autre), dans le même corpus (en l'espèce, la Torah-livre qui commence par la Genèse et se poursuit par la Torah-loi). Les stratégies pour dévaloriser ce qu'on évacue peuvent varier (dans l'épître aux Romains la Loi est écartée parce qu'elle apparaît chronologiquement seconde et logiquement contradictoire au principe antérieur de la promesse; dans l'épître aux Galates ou le discours d'Etienne s'insinue l'idée qu'elle n'est de "Dieu" qu'indirectement, par un ou des "anges", ce qui constitue un pas supplémentaire dans la direction "marcionite" ou "gnostique"). Ce que la gnose "systématique" du IIe siècle et au-delà peut opposer au "Dieu créateur" ou "législateur" provient encore, très largement, de la littérature juive (de la Sagesse, des Prophètes ou de l'apocalyptique notamment). "L'identité de Dieu", dans toute "théologie", n'existe qu'à se décomposer et se recomposer continuellement.

Cf. aussi ceci.

---

Ce qui revient à dire que "Dieu", en tant que figure limite qui capitalise pour ainsi dire tous les dépassements, passés, présents et à venir, de ses propres "identités", est indépassable: on peut toujours se dire qu'il n'est pas celui qu'on croyait, ou que celui qu'on tenait pour "Dieu" ne l'était pas, mais "Dieu", fût-il dit impensable, reste indélogeable, tout au sommet de la pyramide de la pensée. La formule superlative d'Anselme, dans la fameuse "preuve ontologique" du Proslogion, aliquid quo maius cogitari non potest, "ce dont on ne peut rien penser de plus grand", désigne sa place littéralement imprenable -- même si elle est vide.

https://etrechretien.1fr1.net/t485-le-dieu-des-philosophes
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 05 Juil 2016, 17:57

En passant, en effet, j'ai observé vos objets de culte, et j'ai même trouvé un autel avec cette inscription :
« A un dieu inconnu. »
Ce que vous vénérez sans le connaître, c'est cela même que, moi, je vous annonce.Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite pas dans des sanctuaires fabriqués par des mains humaines ; il n'est pas servi par des mains humaines, comme s'il avait besoin de quoi que ce soit : c'est lui qui donne à tous la vie, le souffle et toutes choses. D'un seul être il a fait toutes les nations des humains, pour que ceux-ci habitent sur toute la surface de la terre, dans les temps fixés et les limites qu'il a institués, afin qu'ils cherchent Dieu, si tant est qu'on puisse le trouver en tâtonnant. Pourtant il n'est pas loin de chacun de nous, car c'est en lui que nous vivons, que nous nous mouvons et que nous sommes. Actes 17,23 ss

Ce texte me semble exprime une rupture avec le "Dieu" de l'AT qui habitait dans un temple et a qui, on devait rendre un culte dans SA maison.
Ce Dieu n'est pas dans les hauteurs inacessible mais il n'est pas loin de chacun de nous.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 05 Juil 2016, 18:22

Et pourtant cette "rupture" est déjà inscrite en toutes lettres dans l'AT: 1 Rois 8,27; Isaïe 66,1ss (cité en Actes 7,48s), etc.

Sur Actes 17,23ss, j'ai repêché ce vieux fil...
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 14 Juil 2016, 20:30

On en revient toujours au même point, soit: mettre sur pied une théologie à partir des restes plus ou moins bien conservés d'une théologie précédente que d'aucuns avaient abandonné ou délaissé par lassitude ou par manque de conviction...
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 14 Juil 2016, 21:21

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (comme disait à peu près Lavoisier, longtemps après Anaxagore): c'est vrai en "métaphysique" comme en physique, et de l'histoire de l'une comme de l'autre...

Evidemment le sens des choses et des mots est à chaque fois différent: pour reprendre l'exemple introduit par free, quand les "Prophètes" de l'AT (y compris Samuel-Rois que la tradition juive ne classe pas pour rien dans cette catégorie) dissocient Yahvé du temple, des sacrifices et du sacerdoce, ils n'ont pas exactement la même idée derrière la tête que ceux qui vont recycler leurs textes au profit d'une théologie morale et d'une exégèse allégorique (comme dans le judéo-hellénisme d'Alexandrie), d'un sacerdoce et d'un rituel de remplacement (comme dans certains textes de Qoumrân), d'une laïcisation du rituel (comme chez les pharisiens), ou de "proto-christianismes" ouverts aux non-juifs ou essentiellement non juifs. Mais chaque "nouveauté" trouve dans le fonds ancien des textes de quoi se constituer et se nourrir, en l'intégrant dans une tout autre "économie" (ou "système").

C'est dire que ce qui passe d'une économie ou d'un système à un autre est toujours partiel (des "morceaux" plus ou moins gros, mots, formules, phrases, concepts, idées, mais toujours réemployés autrement que dans leur "contexte" précédent): dé-composition et re-composition, là encore, en "métaphysique" comme en "physique" ("chimie" et "biologie" incluses).

Pour revenir à la question de "l'identité de Dieu", le "monothéisme" (un seul Dieu) engage, en principe, une lutte à mort entre les économies ou les systèmes monothéistes concurrents; et en même temps il leur offre un terrain d'entente, de négociation et de synthèse (le même "Dieu" précisément) pour les jours où ils sont fatigués de se battre. Mais ce que je voulais surtout souligner, c'est que, sur le versant du conflit, l'opposition d'un "Dieu" à un autre suppose la fixation, la totalisation et l'unification de leurs "identités" respectives, donc la négation ou la neutralisation des différences qui les traversent de part et d'autre. Pour parler (en mal ou en bien) DU "Dieu de l'Ancien Testament", au singulier, il faut s'aveugler à la diversité réelle des "théologies" de "l'Ancien Testament", et aussi à celle(s) du corpus qu'on lui compare (NT ou autre "canon" de fait, gnostique ou marcionite par exemple).
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeVen 22 Juil 2016, 21:36

Fait-on un choix volontaire ou non lorsque l'on évoque un dieu plutôt qu'un autre? Peut-on évacuer le ou les dieu(x) qui ne plairaient pas afin de présenter un dieu, soit plus guerrier, soit plus clément et miséricordieux?
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeSam 23 Juil 2016, 03:51

Toute théologie, même la plus intuitive ou la plus rudimentaire, toute invocation ou évocation de "Dieu", fait sûrement des "choix", au moins parmi celles qui la précèdent, quelquefois contre toutes celles-ci. Plus ou moins "volontaires", ces "choix", plus ou moins "conscients", cela me paraît beaucoup plus incertain. Et qu'il s'agisse toujours de ce qui (nous) "plaît", peut-être plus problématique encore: tout un pan du monothéisme historique semble paradoxalement se complaire à ce qui lui déplaît, dans la veine de l'épreuve d'Abraham (Genèse 22). Si "Dieu" est (entre autres, déjà dans ce texte !) celui qui demande qu'on lui sacrifie ce à quoi l'on tient le plus, notre "plaisir" (ou notre "désir") finit par fonctionner comme une boussole inversée. Il suffit d'avoir envie de quelque chose pour que "Dieu" veuille le contraire, ce qui peut entraîner des "perversions" en cascade -- j'apprends face à un tel "Dieu" à me dissimuler mon désir, à désirer contre mon désir, jusqu'au jour où j'envisage aussi la possibilité que "Dieu" veuille que je lui sacrifie ce contre-désir...

Je repense au cas de Job, auquel renvoyait le deuxième lien indiqué ci-dessus ("Dieu contre Dieu"): pourquoi Job ne veut-il ou ne peut-il pas croire au "Dieu" de ses amis ?
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeSam 23 Juil 2016, 11:00

Narkissos a écrit:
pourquoi Job ne veut-il ou ne peut-il pas croire au "Dieu" de ses amis ?

Si j'ai bien compris les explications données dans le lien que tu mentionnes (fil à propos de Job) Job s'est fâché contre Dieu (ce que je n'avais pas compris jusqu'à présent) alors que ses amis semblent vouloir lui faire reconnaître ses erreurs, ses péchés éventuels.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeSam 23 Juil 2016, 14:05

Je ne me suis pas exprimé assez clairement: le Dieu contre qui Job se fâche, comme tu dis, est, a priori, celui de ses amis; toujours a priori, Job y "croit" exactement comme eux. Mais son "choix" ("existentiel" eût-on dit naguère, et "volontaire" ou non), face à ce Dieu, d'une attitude de révolte et de contestation, plutôt que de soumission servile, obséquieuse et apologétique, modifie insensiblement "l'identité de Dieu" qui est au départ la référence commune de tous les personnages. Il l'entame, il y produit une faille ou une brèche qui l'altère. Là où les amis de Job flattent un maître forcément "juste" quoi qu'il fasse, et devant qui on ne peut que "s'écraser" parce que devant lui on a toujours tort, même si on ne sait pas très bien comment ni pourquoi, Job décide d'appeler un tyran un tyran et de s'engager dans une confrontation littéralement désespérée. Or cet acte même révèle une sorte d'espérance du désespoir: que "Dieu" ne soit pas tout à fait ce(lui) qu'on croyait (Job comme les autres).

(D'un point de vue "athée" ou "agnostique", Camus illustrait très bien ce phénomène dans L'homme révolté: la révolte peut sembler au départ purement négative et désespérée, elle n'en fait pas moins apparaître, par son acte même, des "idées", des "valeurs" et un "ordre moral" supérieurs, au moins à ses propres yeux, à ce contre quoi elle se révolte. Dans un cadre monothéiste, cela aussi va se nommer "Dieu" -- what else ? Soit: un autre "Dieu" ou une autre "idée" du même "Dieu".)

---

J'ajoute à ce propos une remarque sur l'utilisation chrétienne et plus spécialement christologique des dialogues de Job. Utilisation tardive puisque, comme on l'a vu dans l'autre fil, les textes du NT et même les Pères de l'Eglise, jusqu'à la controverse pélagienne du IVe siècle, ne s'y risquent guère: le Job des dialogues, comme Qohéleth, paraissait-il encore trop "impie" aux "premiers chrétiens", malgré la traduction déjà édulcorée de la Septante ? Il est toujours hasardeux d'interpréter les silences, mais celui-ci est massif.

Le premier exemple qui vienne à l'esprit est celui du "rédempteur" de 19,25, en qui la quasi-totalité des lecteurs chrétiens (qui lisent rarement le contexte) reconnaissent aujourd'hui "Jésus-Christ" ou "le Dieu de Jésus-Christ". C'est, à première vue (exégétique), un contresens monumental: en l'état (passablement abîmé) du texte hébreu, Job formule l'espérance insensée que sa plainte lui survive (qu'elle soit écrite dans le roc, voir ce qui précède), pour qu'après sa mort un go'el (ayant-droit, "rédempteur" susceptible de racheter un esclave mais aussi "vengeur" du sang innocent) puisse la "relever" et mener à bien, en son nom, la tâche qu'il s'est donnée et que lui-même n'aura pas pu faire aboutir -- faire (enfin) rendre des comptes à "Dieu".

Dans la reprise chrétienne de ce passage, tout a changé: non pas seulement le sens du mot go'el, mais tout le système doctrinal et conceptuel qui l'entoure et le constitue. C'est maintenant la volonté même de "Dieu" que de "racheter" Job d'un "péché" dont il est au moins aussi "victime" que "coupable", ni plus ni moins que les autres (de ce point de vue, l'ensemble des dialogues de Job est devenu incompréhensible). Le "rédempteur" est désormais l'instrument de "Dieu" en faveur de Job, ce qui implique la résurrection (déjà dans la Septante) ou du moins la survie de celui-ci -- plus du tout l'instrument d'une vengeance post mortem de Job contre "Dieu". Toute idée de conflit et de justice impartiale entre l'homme et "Dieu" a disparu de la scène. Mais "Dieu" aussi a changé du tout au tout. Et dans le "nouveau Dieu", si l'on ose s'exprimer ainsi, il demeure une trace authentique, quoique intégralement contrefaite (ou: décomposée et recomposée), du rêve désespéré de Job.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeDim 24 Juil 2016, 10:59

Je vais abandonner, pour un temps du moins, mes lectures des textes apocryphes et vais me pencher sur celui de Job.

Job voyait-il Dieu comme un procureur qui occuperait dans le même temps le poste de juge? On peut comprendre sa colère car il se sent incapable de traiter avec ce Dieu, il se sent même trahi dans l'idée d'un dieu protecteur puisque celui-ci ne cherche qu'à trouver des défauts à Job.

C'est une nouvelle lecture qui se présente et je me réjouis de la découvrir.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeDim 24 Juil 2016, 14:09

Citation :
Job voyait-il Dieu comme un procureur qui occuperait dans le même temps le poste de juge? On peut comprendre sa colère car il se sent incapable de traiter avec ce Dieu, il se sent même trahi dans l'idée d'un dieu protecteur puisque celui-ci ne cherche qu'à trouver des défauts à Job.

Pour autant que la notion de justice prédomine, c'est... juste ! L'apport principal du prologue en prose (chap. 1--2) sera précisément de séparer le "procureur" (accusateur, témoin à charge: le sâtân qui est aussi probateur, voire tentateur ou pousse-au-crime) du "Dieu" qui du coup n'est plus que juge, et plutôt bienveillant. Mais parce que ce prologue (et l'épilogue qui lui correspond en partie, 42,7ss -- bien que le sâtân y soit "oublié") est simple, clair, lisible, et plus satisfaisant "moralement" que le corps du livre (les dialogues poétiques), il rend celui-ci illisible: il est difficile de comprendre sa logique et ses enjeux quand on a lu le prologue.

Outre le prologue et l'épilogue en prose, d'autres ajouts poétiques détournent aussi la question de la "justice" divine vers d'autres problématiques: la quête de la Sagesse, chap. 28, la souffrance "pédagogique" ou "thérapeutique", notamment dans les discours d'Elihou, chap. 32ss. Et bien sûr les discours de Yahvé, chap. 38ss, où "Dieu" se révèle parfaitement indifférent à la notion (humaine) de justice.

Sur le livre de Job en général, voir ici.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 09 Aoû 2016, 16:23

Citation :
Outre le prologue et l'épilogue en prose, d'autres ajouts poétiques détournent aussi la question de la "justice" divine vers d'autres problématiques: la quête de la Sagesse, chap. 28, la souffrance "pédagogique" ou "thérapeutique", notamment dans les discours d'Elihou, chap. 32ss. Et bien sûr les discours de Yahvé, chap. 38ss, où "Dieu" se révèle parfaitement indifférent à la notion (humaine) de justice.

Elihou admet qu'il peut arriver qu'un juste se trouve dans le malheur sans avoir commis quelque chose de mal. La souffrance du juste est alors comprise comme un moyen pédagogique de Dieu :

"Mais il délivre l'affligé par son affliction même, c'est par l'oppression qu'il les informe" (36,15).

Ainsi d'Elihou reconnait que les souffrances de Job correspondent à une mise à l'épreuve de Dieu.

Job est-il convaincu pour autant ? Sa réponse à la deuxième intervention divine (42,1-6) pose de nombreuses questions philologiques et exégétiques. La TOB traduit la fin de sa réplique ainsi : « Aussi j'ai horreur de moi, et je me désavoue sur la poussière et la cendre ». Une traduction plus littérale dirait plutôt : « J'ai perdu tout intérêt et je regrette (ou : j'ai changé d'avis sur) la poussière et la cendre ». Cela signifie-t-il peut-être que Job a abandonné la quête d'un Dieu compréhensible et qu'il regrette les symboles de son deuil (à savoir, la poussière et la cendre) ? Ou pourrait-on également dire qu'il accepte de voir l'incompréhensible autrement qu'avant ?

https://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/161/cahier.html
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 09 Aoû 2016, 18:34

Concernant l'interprétation (difficile) de Job 42,6, voir mon post du 25.7 (dernier §) sur le fil consacré à Job.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeVen 12 Aoû 2016, 10:16

Citation :
problématique encore: tout un pan du monothéisme historique semble paradoxalement se complaire à ce qui lui déplaît, dans la veine de l'épreuve d'Abraham (Genèse 22). Si "Dieu" est (entre autres, déjà dans ce texte !) celui qui demande qu'on lui sacrifie ce à quoi l'on tient le plus, notre "plaisir" (ou notre "désir") finit par fonctionner comme une boussole inversée. Il suffit d'avoir envie de quelque chose pour que "Dieu" veuille le contraire, ce qui peut entraîner des "perversions" en cascade -- j'apprends face à un tel "Dieu" à me dissimuler mon désir, à désirer contre mon désir, jusqu'au jour où j'envisage aussi la possibilité que "Dieu" veuille que je lui sacrifie ce contre-désir...


Pendant ma période TdJ, j'ai souvent eu le sentiment qu'il suffisait "d'avoir envie de quelque chose pour que "Dieu" veuille le contraire" et qu'il fallait que j'aille à la rencontre des désirs de Dieu (devenir "spirituel"). Comme si la foi se vivait hors de son corps, de son esprit et de sa réalité, comme une mutilation. La foi  vécut comme un combat contre soi , toujours sur la brêche empêcher à tout prix que le désir refoulé ne ressurgisse, même si on ne comprend pas toujours le bien fondé des interdits ou des désirs de Dieu.
Dans le livre de Job, Il n’y a pas d’explication au mal subi, on est devant un mystère qui réclame de se taire, de se rétracter, on doit accepter la volonté divine.
La non-réponse de Dieu (l'énumération de Dieu) permet à Job de prend simplement conscience de sa différence  et de découvrir une force insoupçonnée à travers sa révolte.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeVen 12 Aoû 2016, 12:55

free a écrit:
Dans le livre de Job, Il n’y a pas d’explication au mal subi, on est devant un mystère qui réclame de se taire, de se rétracter, on doit accepter la volonté divine.
La non-réponse de Dieu (l'énumération de Dieu) permet à Job de prend simplement conscience de sa différence  et de découvrir une force insoupçonnée à travers sa révolte.

Sans trop m'étendre ici sur le texte de Job, puisqu'un autre fil lui est maintenant consacré, une remarque du point de vue de "l'identité de Dieu": le "Dieu" qui impose le silence à Job est et n'est pas celui que Job interpellait. Il répond, si l'on veut, mais ostensiblement à côté de la "question" ou du "problème" qui a fait jusque-là l'objet des débats -- c'est d'ailleurs le seul genre de réponse possible à une question ou un problème mal posé, et cela n'ôte rien à la nécessité de ce type de question ou de problème: il faut que celui-ci soit effectivement posé, et qu'on ait tenté vainement d'y "répondre" par tous les moyens pour qu'on finisse par s'apercevoir qu'il était mal posé; alors seulement on peut le reposer (autrement) -- ou le laisser reposer.

Cet effet de déplacement, de "bougé", affecte d'abord "l'identité de Dieu", ou, si l'on préfère, sa "localité": il n'est pas celui qu'on croyait, il n'est pas on le croyait. Au lieu du "tyran sadique" redouté, ou du "justicier" espéré, il y a quelqu'un d'autre, ou: en leur lieu il n'y a personne et il faut bien regarder ailleurs. Quitter, si je puis dire, l'impasse de la morale, après s'être heurté à tous ses murs, pour la place de la liberté. Dans la "liberté" de Yahvé à l'égard de Job et de son "problème" (il ne s'y laisse pas enfermer, comme on dit), qui est tout aussi bien une impossibilité d'y répondre, il y a également l'ouverture d'une "liberté" de Job à l'égard de son propre "problème". Même s'il a fallu tout le courage et la ténacité de Job pour en arriver là, et si l'impasse reste à jamais marquée de son nom (sa plainte en ce sens restera écrite, sans réponse, et indépassable), l'issue est, c'est le cas de le dire, d'une tout autre nature.

[Bien sûr, dans la conclusion poétique de Job, les choses se présentent dans l'ordre inverse: la "leçon de choses" de Yahvé distrait Job de son (faux) "problème" moral et finit par l'en détacher. Mais si cette diversion opère, c'est parce que ledit "problème" a été préalablement usé jusqu'à la corde et sous toutes les coutures.]
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 16 Aoû 2016, 09:15

Il me semble que les croyants mentionnés dans la bible, tant dans l'ancien testament que dans le nouveau, ont besoin de se référer à ce qu'ils appellent "les faux dieux" afin de mieux définir leur propre Dieu (je mets volontairement la majuscule à dieu).
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 16 Aoû 2016, 13:19

Pour un lecteur moderne, occidental, croyant-monothéiste ou pas croyant du tout, il va de soi que tous les "dieux" de la Bible sont "faux" au sens où ils "n'existent pas".

A regarder les textes de plus près, toutefois, cette idée purement négative du "faux dieu" est plutôt rare: quand on y fait le décompte de la "monolâtrie" qui affirme simplement que Yahvé est supérieur aux autres dieux et/ou qu'il prétend à l'exclusivité du culte d'Israël, sans préjudice des dieux des autres peuples; de la polémique contre l'"idolâtrie" qui confond (de bonne ou de mauvaise foi) le "dieu" avec son "image"; de la dénonciation des "dieux" (ou des "prophètes") comme "faux" au sens de "trompeurs" (et non inexistants ou inauthentiques), il en reste fort peu (notoirement dans le deutéro-Isaïe ou sous son influence directe) où affleure l'idée-limite d'une non-existence absolue des dieux. Le recyclage des (anciens) "dieux" en "anges" ou en "démons" dans le judaïsme tardif puis dans le christianisme (cf. notamment Daniel, la Septante ou 1 Corinthiens 8--10) témoigne encore autrement que le "monothéisme" en général ne s'en est pas tenu à leur totale inexistence. Cela dit, il y a en effet une indéniable continuité entre l'opposition de "Dieu" aux "dieux" (monothéisme, même relatif, vs. polythéisme) et celle, "théologique" à l'intérieur d'un monothéisme, d'un "Dieu" à un autre "Dieu" (c.-à-d. d'une conception ou d'une image de "Dieu" à une autre), dont je parlais ici: ne serait-ce que dans la nécessité "logique" de nier ceci pour affirmer cela.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 08 Déc 2016, 18:55

Citation :
Au fait, qui est "le Dieu de l'Ancien Testament" ? On peut répondre "Yahvé" ou "Dieu" (tout court), mais quand on s'aperçoit que les textes rassemblés dans ce recueil en parlent très différemment, tout en ayant l'air de toujours parler du même, c'est moins simple: le Yahvé de la Tour de Babel est et n'est pas celui du deutéro-Isaïe, celui du Deutéronome est et n'est pas celui de Jonas. Quel "Dieu de l'Ancien Testament" serait donc celui des chrétiens "orthodoxes", ou ne serait pas celui des gnostiques ?

Le Dieu du Qohélet inspire une une crainte révérencielle :

"Surveille tes pas quand tu vas à la Maison de Dieu, approche-toi pour écouter plutôt que pour offrir le sacrifice des insensés ; car ils ne savent pas qu’ils font le mal." (4,17)

L’écoute est préférée à la pratique sacrificielle (même si rien n’est dit sur la manière d’offrir un sacrifice) et il faut surveiller ses pas quand on s'approche de Dieu.



"Que ta bouche ne se précipite pas et que ton cœur ne se hâte pas de proférer une parole devant Dieu. Car Dieu est dans le ciel, et toi sur la terre. Donc, que tes paroles soient peu nombreuses ! Car de l’abondance des occupations vient le rêve et de l’abondance des paroles, les propos ineptes."(5,1-2)

Le croyant est invité a faire preuve de retenue et de prudence  avant de parler devant Dieu. Cette prudence est également recommandée pour les pensées du cœur. Ensuite il y a une phrase egnimatique : "Car de l’abondance des occupations vient le rêve".


"Si tu fais un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’accomplir. Car il n’y a pas de faveur pour les insensés ; le vœu que tu as fait, accomplis-le. Mieux vaut pour toi ne pas faire de vœu que faire un vœu et ne pas l’accomplir. Ne laisse pas ta bouche te rendre coupable tout entier, et ne va pas dire au messager de Dieu : « C’est une méprise. » Pourquoi Dieu devrait-il s’irriter de tes propos et ruiner l’œuvre de tes mains ? Quand il y a abondance de rêves, de vanités, et beaucoup de paroles, alors, crains Dieu." (5,3-6)

Ce texte me fait penser au fil,  "fidélité, loyauté ... ". Mieux vaut ne pas s’engager oralement devant Dieu, car ne pas tenir parole ou ne pas s'acquitter de son voeu est assimilé à un péché et à une faute grave. 


Dernière édition par free le Ven 09 Déc 2016, 11:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 08 Déc 2016, 22:46

La grande différence entre Qohéleth et beaucoup d'autres textes "bibliques", c'est que chez lui "Dieu" est avant tout craint comme inconnaissable. Ha-'elohim, l'appelle-t-il d'ailleurs, "le dieu" ou "le divin", sans nom propre, sans parole et sans biographie, dont "l'œuvre" consiste en tout ce qui arrive. Et le non-savoir (tu ne sais/connais pas, l'homme ne sait/connaît pas, etc.) à propos du divin est chez lui un leitmotiv. Cela n'annule certes pas les textes où "Dieu" (ou Yahvé) est craint comme connu, mais les relativise en les mettant dans la perspective d'une complexité supplémentaire.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMer 10 Mai 2017, 16:46

Citation :
Pour revenir à la question de "l'identité de Dieu", le "monothéisme" (un seul Dieu) engage, en principe, une lutte à mort entre les économies ou les systèmes monothéistes concurrents; et en même temps il leur offre un terrain d'entente, de négociation et de synthèse (le même "Dieu" précisément) pour les jours où ils sont fatigués de se battre. Mais ce que je voulais surtout souligner, c'est que, sur le versant du conflit, l'opposition d'un "Dieu" à un autre suppose la fixation, la totalisation et l'unification de leurs "identités" respectives, donc la négation ou la neutralisation des différences qui les traversent de part et d'autre. Pour parler (en mal ou en bien) DU "Dieu de l'Ancien Testament", au singulier, il faut s'aveugler à la diversité réelle des "théologies" de "l'Ancien Testament", et aussi à celle(s) du corpus qu'on lui compare (NT ou autre "canon" de fait, gnostique ou marcionite par exemple).



"Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, qui était prêtre de Madiân ; il mena le troupeau au-delà du désert et arriva à la montagne de Dieu, à l'Horeb. Le messager du SEIGNEUR lui apparut dans un feu flamboyant, du milieu d'un buisson. Moïse vit que le buisson était en feu, mais que le buisson ne se consumait pas. Moïse dit : Je vais faire un détour pour voir ce phénomène extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? Le SEIGNEUR vit qu'il faisait un détour pour voir ; alors Dieu l'appela du milieu du buisson : Moïse ! Moïse ! Il répondit : Je suis là ! Dieu dit : N'approche pas d'ici ; ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sacrée. Il ajouta : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se détourna, car il avait peur de diriger ses regards vers Dieu." Ex 3,1 ss


En Exode 3, Dieu n’est pas représenté de façon anthropomorphique, pas de trait humain, Dieu apparaît au milieu du buisson ardent qui ne se consume pas, ce qui donne l'image d'une divinité mystérieuse et immuable. D'ailleurs c'est dans ce récit que  Moïse  se risque à demander à Celui qui lui parle quel est son nom, avec la réponse que nous connaissons et qui indique que Dieu est inaccessible pour les humains.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMer 10 Mai 2017, 17:31

Tu remarqueras que, comme souvent en pareil cas, la rédaction hésite sur le sujet de l'apparition: le dieu ("Dieu"), Yahvé ("le SEIGNEUR"), OU "le messager" (l'"ange", ml'k) de Yahvé. Une certaine lecture "monothéiste" voudrait atténuer la théophanie (manifestation du dieu) en angélophanie (manifestation d'un intermédiaire); mais elle ne peut plus rien contre le corps du texte où c'est bien le dieu (ou "Dieu") qui parle, sans médiation.

Malgré les rafistolages, ça reste un texte extraordinaire par son exceptionnelle portée théologique et même philosophique (il ne "voulait" sans doute pas dire tout ce qu'on lui a fait dire au fil des siècles et des millénaires, mais il a bel et bien donné à dire et à penser pour des siècles et des millénaires): le dieu se révèle sans se révéler comme le feu brûle sans brûler, à partir de l'étonnement et du détour de Moïse, par une expérience du sacré qui est aussi une expérience de "l'être" dans le temps et l'histoire, comme "devenir" et "être-avec" (emploi rarissime du verbe hyh en commentaire du nom Yhwh -- si "immu(t)abilité" il y a, c'est celle du changement même: suis/serai qui/que/ce-que suis/serai <=> dieu d'Abraham, dieu d'Isaac, dieu de Jacob); et pour Moïse une expérience de dépossession (retire tes sandales: ici tu n'es pas chez toi). Même à nous qui questionnons d'une tout autre manière, depuis un tout autre lieu et un tout autre temps, (sur) "l'identité de Dieu", ce texte semble répondre quelque chose (p. ex. "je serai qui je serai"); réponse énigmatique certes, mais non à côté de la question.
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 11 Mai 2017, 16:04

Citation :
Au fait, qui est "le Dieu de l'Ancien Testament" ? On peut répondre "Yahvé" ou "Dieu" (tout court), mais quand on s'aperçoit que les textes rassemblés dans ce recueil en parlent très différemment, tout en ayant l'air de toujours parler du même, c'est moins simple: le Yahvé de la Tour de Babel est et n'est pas celui du deutéro-Isaïe, celui du Deutéronome est et n'est pas celui de JonasQuel "Dieu de l'Ancien Testament" serait donc celui des chrétiens "orthodoxes", ou ne serait pas celui des gnostiques ?


Dieu si proche et si différent


L'auteur de Jonas emploie tantôt le mot Élohim, Dieu, tantôt le mot Yahvé, Seigneur, ou encore les deux mots ensemble. Il est intéressant de remarquer où et à quel sujet l'un ou l'autre terme apparaissent. Ainsi, dans le passage qui raconte le retournement des Ninivites il est question de Dieu, de Dieu en général, celui qu'ils pensent connaître.
Mais c'est «le Seigneur» qui donne à Jonas sa mission, la première et la seconde fois. Le Seigneur, c'est Yahvé, le Dieu particulier d'Israël, celui qui s'est révélé à Moise au buisson ardent et lui a demandé d'aller libérer son peuple. Jonas­-Israël pense que son Dieu est le Créateur du monde. Il sait que dans son histoire ce Dieu, le Seigneur, s'est fait très proche de lui, présent et agissant en toutes circonstances. Le récit rappelle d'ailleurs ceci de façon émouvante. À l'égard de Jonas le premier, Dieu se montre «bon et miséricordieux, lent à la colère et plein de bienveillance». Et Jonas trouve cela normal ; aucune des prévenances de Dieu ne semble l'étonner ou susciter sa reconnaissance, pas plus que son infinie patience.
Ce qui, par contre, déconcerte Jonas au point de le révolter, c'est que son Dieu puisse aussi aimer l'ennemi, le païen. C'est que le Seigneur dont le nom même signifie qu'il existe et fait exister, soit également le Dieu des autres. Quand Dieu affiche sa différence, il est difficile à comprendre. Notre récit dit qu'il n'est le Dieu particulier de personne, à l'inverse d'autres dieux, ceux des marins païens... et de Jonas ! Ceux qui ont le bonheur de le connaître doivent même l'annoncer aux autres pour qu'ils sachent que c'est aussi leur Dieu, car il est le seul. Ceux qu'il a libérés doivent tout mettre en œuvre pour que les autres aussi soient libérés. Dire «Seigneur» en connaissance de cause engage à suivre un Dieu que les humains ne pouvaient imaginer par eux-mêmes.


Un Dieu qui croit en l'homme


Par moments, en raison même de ses qualités littéraires exceptionnelles qui facilitent l'adhésion, l'histoire de Jonas peut laisser entendre que pour son auteur l'homme n'est qu'une marionnette entre les mains de Dieu. Jonas n'est‑il pas un opposant dérisoire devant la volonté toute‑puissante du Seigneur ? Ne savons‑nous pas dès le début que le projet de Dieu se réalisera de toute manière ?
Un peu de distance permet pourtant de lire le texte comme une illustration convaincante de la foi que Dieu a en l'homme. Il croit en Jonas jusqu'au bout et ne lui retire jamais sa confiance et sa mission. Il espère que les Ninivites reviendront de leurs mauvais chemin, et leurs réactions lui donnent raison. Il est avec les marins païens qui se montrent extraordinaires de compétence, d'humanité, de bonne volonté et de «bonne foi». Tous se révèlent capables de changer, répondant ainsi à l'attente du Seigneur. À tous une part est demandée pour que le salut leur parvienne. Et le plus surprenant est qu'ils amènent Dieu à revenir, lui aussi, sur sa décision.
Dans ce beau récit théologique une haute idée de l'homme répond à une haute idée de Dieu. Reste l'interrogation finale : l'homme peut‑il comprendre un tel Dieu ?


https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1521.html
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeJeu 11 Mai 2017, 18:39

"Dieu" intime et lointain, compatissant et indifférent, "humain" et "tout autre qu'humain", en-deçà et au-delà de "l'homme": cf. aussi ici -- et les discours de Yahvé à la fin de Job (chap. 38ss; voir supra et les liens sur Job).

"La théologie" -- comme "la pensée" en général -- est de toute façon contradictoire: elle l'est le plus souvent malgré elle, au sens où une théologie en contredit une autre, chacune s'efforçant néanmoins de ne pas se contredire -- d'être univoque et cohérente. La contradiction est alors conflictuelle et/ou accidentelle, effet de lapsus et de corpus, de stratification rédactionnelle et d'intertextualité qui réunissent par hasard dans le même texte ou dans le même recueil des intentions contraires ou simplement différentes, et leur "inconscient" respectif ou commun le cas échéant. Mais dans quelques cas la théologie affronte tout autrement la contradiction, non comme un adversaire extérieur mais comme son affaire même: elle l'embrasse, la chérit, la cultive, la souligne, l'approfondit. Il en résulte alors des textes inépuisables; en tout cas, une "littérature" inépuisable.

---

"Je suis/serai qui je suis/serai", c'est aussi, en réponse à une question d'identité, une mise en question de l'"identité" même: qui ne pourrait, ne devrait en dire autant ?
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeLun 04 Sep 2017, 15:40

Jér 20:7 est un  texte intéressant et difficile à traduire :

"Tu m'as dupé, SEIGNEUR, et je me suis laissé duper; tu m'as saisi, et tu l'as emporté. Je suis sans cesse en butte à la dérision, tout le monde se moque de moi." NBS

"Seigneur, tu m'as si bien séduit que je me suis laissé prendre; tu m'as forcé la main, tu as été le plus fort. Tous les jours on rit de moi, tous me tournent en ridicule" BFC

"SEIGNEUR, tu as abusé de ma naïveté, oui, j'ai été bien naïf; avec moi tu as eu recours à la force et tu es arrivé à tes fins. À longueur de journée, on me tourne en ridicule, tous se moquent de moi." TOB

"Tu m'as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire; tu m'as maîtrisé, tu as été le plus fort. Je suis prétexte continuel à la moquerie, la fable de tout le monde." Jérusalem

Jérémie adresse à Dieu  une accusation très forte, de manipulation (Dieu est-il un manipulateur-séducteur ?),  "Tu m'as séduit", "tu as abusé de ma naïveté" et "Tu m'as dupé", certains traducteur préfère, « tu m’as violé ».         
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitimeMar 05 Sep 2017, 00:50

Il n'y a pas tant de différence sémantique (de sens) qu'on pourrait le croire entre toutes ces traductions, quand on sait qu'en français classique "séduire" signifie "tromper" ou "égarer" ("séduire" a à coup sûr un sens beaucoup plus positif en français moderne, et les traductions s'en servent pour "dorer la pilule", je veux dire pour suggérer un sens plus acceptable au lecteur moderne que celui du texte -- même si ce sens "positif" de séduire ne résiste pas au contexte; c'est certainement moins pardonnable dans le cas de la Bible en français courant, qui est censée énoncer le sens du texte, et non un autre sens, dans un français actuel).
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MessageSujet: Re: De l'identité de Dieu   De l'identité de Dieu Icon_minitime

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