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 Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin

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MessageSujet: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 06 Fév 2023, 13:46

"Je vis l'agneau debout sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leur front. J'entendis du ciel une voix comme le bruit de grandes eaux, comme le bruit d'un fort tonnerre ; et le son que j'entendis était comme celui de joueurs de lyre jouant de leurs instruments. Ils chantent comme un chant nouveau devant le trône et devant les quatre êtres vivants et les anciens. Personne ne pouvait apprendre ce chant, sinon les cent quarante-quatre mille, qui ont été achetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes — ils sont vierges. Ils suivent l'agneau partout où il va. Ils ont été achetés d'entre les humains comme prémices pour Dieu et pour l'agneau, et dans leur bouche il ne s'est pas trouvé de mensonge ; ils sont sans défaut" (14,1-5).


Citation :
L'Apocalypse est compliquée, entre autres, parce qu'elle a une préhistoire et qu'elle retravaille, adapte et développe des documents antérieurs dont certains n'étaient peut-être pas "chrétiens" du tout. Le fond de la vision (ou plutôt de l'audition) des 144.000 est typiquement juif, avec un "recensement" des armées d'Israël sur le modèle de celui des Nombres. De ce point de vue la liste n'a rien d'étonnant, ni l'inclusion de Lévi dans une perspective sacerdotale, ni l'omission de Dan associé au diable dans la littérature de l'époque (voir notamment le Testament de Dan, d'après l'image du serpent en Genèse 49,17); bien plus tard des Pères de l'Eglise associent l'antichrist à Dan, comme quoi les traditions ne sont pas étanches. Peut-être le rédacteur final de l'Apocalypse lisait-il déjà la vision dans un sens très différent des premiers concepteurs de celle-ci.

c'est que l'interprétation du symbole a pu évoluer au cours même du processus de rédaction. A partir d'une image strictement juive (les "conscrits" du "tout-Israël" pour le combat eschatologique) on a pu passer à une interprétation judéo-chrétienne puis "catholique" (universelle): le "vrai" Israël identifié d'abord aux chrétiens d'origine juive puis aux chrétiens tout court.
A noter aussi que sur la "scène" de l'Apocalypse, les 144.000 du chapitre 7 sont sur terre (cf. v. 3) tandis que la grande foule est au ciel (dans le temple, devant le trône) et porte les signes du martyre (robes blanches, palmes etc.): la lecture TdJ prend systématiquement le texte à l'envers...

https://etrechretien.1fr1.net/t297-lesperance-celeste-et-lesperance-terrestre?highlight=esp%C3%A9rance



1) Notes : Apocalypse 14:1
sur la montagne de Sion : cf. Es 4.5 ; Jl 3.5 ; Ab 17 ; Ps 2.6

La montagne de Sion doit-elle être vue comme le lieu de triomphe du roi messianique sur les nations hostiles ?

"Pourquoi les nations s'agitent-elles ? Pourquoi les peuples grondent-ils en vain ? Les rois de la terre se postent, les princes se liguent ensemble contre le SEIGNEUR et contre l'homme qui a reçu son onction : Brisons leurs liens, secouons leurs chaînes ! 4Il rit, celui qui habite le ciel, le Seigneur se moque d'eux. Il leur parle dans sa colère, dans sa fureur il les épouvante : C'est moi qui ai investi mon roi sur Sion, ma montagne sacrée !" (Ps 2,1-6).

Lire : Sion et les diverses figures d’eschatologie  : https://www.academia.edu/58053931/SION_ET_LES_DIVERSES_FIGURES_DESCHATOLOGIE


2) Notes : Apocalypse 14:4
prémices Jr 2.3 ; Jc 1.18 ; cf. Rm. 8.23 ; 11.16 ; 16.5 ; 1Co 16.15.

A l'instar de Rm 11,16 ; le reste de la récolte qui suit les prémices peut-il être assimilé, dans un premier temps, aux non juifs et dans un deuxième temps aux futures  générations de croyants ?

"Je vous le dis, à vous, les non-Juifs : pour autant que je suis l'apôtre des non-Juifs, moi, je glorifie mon ministère, afin, si possible, de provoquer de la jalousie parmi les gens de ma propre chair et d'en sauver quelques-uns. Car si leur mise à l'écart a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts ? Or si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi" (Rm 13-16).
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 06 Fév 2023, 14:58

En ce qui concerne l'Apocalypse et ses "144.000", ce qui paraît évident c'est qu'il y a un déplacement de scène, de situation, de point de vue et de perspective entre le chapitre 7 et le chapitre 14: dans le premier ils ne sont pas encore tous "scellés", ils sont encore menacés par des dangers "terrestres" et "historiques" dont ils doivent expressément être protégés; dans le second (sur le mont Sion) tout est accompli, ils ont tous les noms écrits sur leur front -- ils sont davantage comme la "grande foule" qui avait (déjà) passé l'épreuve dans la suite du chapitre 7. Le "mont Sion" semble donc représenter ici un point de vue "accompli", céleste, final ou éternel.

Comme on le suggérait déjà dans l'extrait de l'autre fil que tu cites, il est probable que l'interprétation des "144.000" ait changé au cours même de la rédaction de l'Apocalypse: ce qui pouvait représenter le "reste (fidèle) d'Israël" (au sens propre ou ethnique) dans un texte juif ou judéo-chrétien glisse forcément vers un sens "spirituel" ou "symbolique" (l'Eglise comme verus Israel) dans un texte développé et reçu par une Eglise principalement pagano-chrétienne en voie d'unification. Il y a un effet de "bougé" dans le texte même (comme entre la "ville sainte" du chapitre 11 et celle des derniers chapitres, d'une Jérusalem terrestre abandonnée aux "nations" à une Jérusalem céleste descendant sur terre) qui n'aura été voulu par personne, ni par les premiers "auteurs" ni par les "derniers": l'exégèse doit (difficilement) en tenir compte sans pour autant lui supposer une "intention" globale.

L'article de Krisel est intéressant par ses analyses, mais son schématisme me paraît très réducteur. Ce n'est pas parce que le nom "Sion" est utilisé dans certains textes "eschatologiques" qu'il est en soi et toujours "eschatologique" -- il suffit de relire les passages qui l'emploient pour s'assurer du contraire. Dans les textes poétiques de l'époque du Second Temple, qu'il s'agisse des Prophètes ou des Ecrits, "Sion" évoque généralement une ville et un temple bien réels et présents, quoique souvent idéalisés ou magnifiés, mais l'eschatologie proprement dite est extrêmement rare: il ne faut surtout pas la présupposer là où le contexte ne l'impose pas.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 06 Fév 2023, 16:30

2) Notes : Apocalypse 14:4
– prémices Jr 2.3 ; Jc 1.18 ; cf. Rm. 8.23 ; 11.16 ; 16.5 ; 1Co 16.15.


"Parce qu'il en a décidé ainsi, il nous a fait naître par une parole de vérité, pour que nous soyons en quelque sorte les prémices de ses créatures" (Jc 1,18).

De quel type d'engendrement est-il question au verset 18 ? Dans une lecture juive, il s'agit de comprendre l'expression comme un synonyme de "Au commencement" (tout homme est, au commencement i.e. lors de sa venue au monde, engendré par une parole de vérité, qui est la Parole créatrice de Dieu). Dans une lecture chrétienne, c'est dans la foi que le croyant est engendré par une Parole de recréation qui est alors plutôt christologique (dans le sens du prologue johannique). Dans ce cas, on peut dire alors que la Parole qui engendre "réactive" quelque chose comme une bénédiction originelle que la puissance du péché à étouffée. Ce qui est intéressant avec l'écriture de Jacques c'est qu'elle travaille - et donc peut s'entendre - sur les deux plans : un ou l'anthropologie s'enracine dans une théologie héritée du judaïsme et l'autre qui suppose une christologie souvent implicite. "Prémices" (lit. "à partir du commencement") de ses créatures  (v. 18) : la communauté (destinatrice de l'épitre) préfigure ce qui adviendra à tous : logique non sectaire parce que inclusive, au moins dans une perspective eschatologique.

https://www.academia.edu/13204704/_Au_miroir_de_la_Parole_Lecture_de_l_%C3%A9p%C3%AEtre_de_Jacques

"Je vous le dis, à vous, les non-Juifs : pour autant que je suis l'apôtre des non-Juifs, moi, je glorifie mon ministère, afin, si possible, de provoquer de la jalousie parmi les gens de ma propre chair et d'en sauver quelques-uns. Car si leur mise à l'écart a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts ? Or si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi" (Rm 11,14-16).

3. Une métaphore : l’olivier et les branches (versets 16-24)

Ces versets constituent une des sections les plus longues du chapitre. Paul cherche surtout à prolonger les implications du verset 15 : ceux d’Israël qui ont été « mis à l’écart » et « endurcis » (v. 7) peuvent être réintégrés. En vertu de l’action de Dieu, les Israélites restent « saints », mis à part et consacrés au Dieu vivant : « Or, si les prémices sont saintes, la pâte l’est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. » (v. 16) De nombreuses questions se posent sur ce verset : faut-il voir dans les prémices et la racine des réalités différentes ou deux façons différentes de parler d’un seul et même référent ? Plus précisément de qui ou de quoi s’agit-il ? A notre avis, il faut voir dans ces affirmations deux images qui, par leur variété, se renforcent l’une l’autre. Quant au référent, il a toutes les chances d’être les patriarches, Abraham en particulier. En effet, cela correspond non seulement à une façon de caractériser les patriarches ailleurs dans la littérature juive de l’époque, mais aussi à ce que Paul lui-même dira au verset 28 : « En ce qui concerne l’Evangile, ils sont ennemis à cause de vous ; mais en ce qui concerne l’élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. »

Sans entrer dans une discussion approfondie, relevons quelques points en rapport avec la métaphore de l’olivier aux versets 17 à 24.

a. La logique de la métaphore. Tout d’abord, il est question dans ces versets d’un seul arbre ou, pour le dire autrement, d’un seul peuple de Dieu qui plonge ses racines dans l’élection d’Abraham. Cela implique deux choses qui sont intimement liées :

– Premièrement, dans la perspective de Paul, l’arbre originel n’a pas été abattu et remplacé par un autre. Dès la vocation d’Abraham et jusqu’au retour du Christ, le peuple de Dieu est un ; il y a une unité et une continuité, car le dessein divin reste le même. Nous sommes donc loin d’une « théologie de la substitution » où l’Église remplacerait Israël.

– Mais deuxièmement, en suivant cette même logique, il n’y a pas davantage deux peuples de Dieu parallèles, Israël d’un côté et l’Eglise de l’autre, celle-ci étant constituée de non-Juifs, celui-là des descendants physiques d’Abraham. Au contraire, tout au long de l’histoire, il y a un seul peuple de Dieu, auquel sont intégrés les non-Juifs qui se tournent vers le Seigneur. Comme Paul l’a déjà souligné au chapitre 9, les païens qui, auparavant, ne connaissaient pas Dieu entendront cette proclamation : « Celui qui n’était pas mon peuple, je l’appellerai mon peuple […]. » (Rm 9.25) A partir du Christ, l’unique peuple de Dieu est composé des Juifs et des non-Juifs qui, les uns et les autres, ont découvert en Jésus de Nazareth le Messie. L’imagerie des versets 17 à 19 l’implique aussi, à sa manière : dans l’arbre, certaines branches – les Juifs restés incrédules à l’égard du Messie – ont été « retranchées » et ne font donc plus partie de l’arbre. Dans l’arbre unique, d’autres, les chrétiens d’origine païenne, ont été « greffés à leur place » (v. 17). Cependant – et même si, en chiffres empiriques, cela peut représenter la majorité des Juifs de l’époque – il ne s’agit que de « quelques-unes des branches (tines tôn kladôn) » ; l’arbre lui-même reste debout.

https://larevuereformee.net/articlerr/n271/romains-11-le-mystere-du-salut-pour-israel-et-les-nations
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 06 Fév 2023, 17:23

La note de la NBS se contentait de signaler les usages du mot (ap-arkhè, de arkhè = commencement) traduit par "prémices", elle n'entendait pas suggérer entre eux une unité de "sens" (signifié ou référent): il va de soi que chaque texte l'utilise différemment, même si subsiste à l'arrière-plan la même image, rituelle, des "premiers fruits" (on dit firstfruits en anglais) prélevés en offrande pour représenter la totalité de la récolte, une partie pour le tout, pars pro toto, selon une logique qui ne s'arrête pas au rituel (cf. la synecdoque en rhétorique). Je crois par ailleurs que nous avons déjà vu les deux articles que tu cites (Cuvillier et Cobb) à propos des textes correspondants (Jacques et Romains, qui sont d'ailleurs dans une dépendance littéraire étroite -- Jacques "répond" à Romains -- même si c'est sur le mode de la contradiction).

L'usage "paulinien" diffère déjà considérablement de lui-même: en 1 Corinthiens 15,20.23 c'est "Christ" qui comme ressuscité est "prémices" des morts, en 16,25 et Romains 16,5 c'est un converti (pas le même !) qui est "prémices" de sa région (la même !); en Romains 8,23 c'est l'Esprit qui est les prémices de toute la "création", en 11,16 ce sont les Juifs convertis, ou les Patriarches selon Cobb, qui sont "prémices" de "tout Israël"... les "prémices" sont à chaque fois différentes, la totalité de référence aussi, mais une perspective ou un horizon "universaliste" domine l'ensemble (cf. 11,32). Peut-on extrapoler cela à Jacques (qui réplique directement à Romains sur de nombreux points, sans s'opposer formellement à son universalisme) ? Peut-être. A l'Apocalypse (sujet de ce fil a priori), ça me paraît encore moins sûr. A nouveau, il faut tenir compte de l'effet de "bougé" dont on parlait plus haut: les 144.000 ont pu être compris comme "prémices d'Israël" puis "de l'humanité" dans un sens beaucoup plus large. L'Apocalypse dans son idéologie de base ne semble guère portée sur l'universalisme du salut, elle est plutôt vindicative (châtiments successifs, étang de feu, tourments éternels), mais par un phénomène dilatoire qu'on a souvent décrit ici, impossibilité de conclure, retards répétés de la fin imminente, réouverture d'un "cycle" (approximatif) sur un autre, réapparition de ceux qu'on croyait disparus, jusque dans les derniers tableaux apaisés d'éternité, etc., elle produit un effet d'universalisme comme malgré elle, à son corps défendant.

En tout cas, de tous les usages néotestamentaires des "prémices", Apocalypse 14 semble être un des plus conscients de son origine rituelle, puisque les 144.000 sont dits "achetés (agorazô, cf. aussi 5,9) de la terre" (v. 3) et "d'entre les humains" pour le dieu et l'agneau (v. 4): provenance d'un prélèvement, destination d'une offrande, c'est loin d'être aussi clair dans toutes les autres occurrences du mot.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMar 07 Fév 2023, 11:50

Merci Narkissos pour ces explications éclairantes.

La référence à la "virginité" doit-elle être mise en lien avec la pureté rituelle qui s'impose à ceux qui combattent dans une guerre sainte ?

"Lorsque tu pars en campagne contre tes ennemis, garde-toi de toute chose mauvaise. S'il y a chez toi un homme qui n'est pas pur, par suite d'un incident nocturne, il sortira du camp et ne rentrera pas à l'intérieur du camp ; sur le soir il se lavera avec de l'eau, puis au coucher du soleil il pourra rentrer à l'intérieur du camp. Tu auras un endroit à l'écart, hors du camp ; c'est là, dehors, que tu sortiras. Tu auras dans ton équipement un outil ; quand tu iras t'accroupir dehors, tu feras un trou, puis tu te retourneras pour recouvrir tes excréments. Car le SEIGNEUR, ton Dieu, marche au milieu de ton camp pour te sauver et pour livrer tes ennemis devant toi ; ton camp sera donc saint, afin qu'il ne voie chez toi rien d'inconvenant et qu'il ne se détourne pas de toi" (Dt 23,10-15). 

Dans la formule : "ils sont sans défaut" , nous retrouvons l'image sacrificielle ou la perfection est requise dans une offrande sacrificielle, il était exigé la perfection physique des animaux sacrifiés (Ex 29,38). 


L'expression : "dans leur bouche il ne s'est pas trouvé de mensonge" ; fait penser au texte de Sophonie 3,13 : "Ils ne diront plus de mensonges, et il ne se trouvera plus dans leur bouche une langue trompeuse". 
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMar 07 Fév 2023, 12:54

Que la virginité évoque une "pureté rituelle" susceptible à son tour de suggérer, par métaphore ou métonymie, toute sorte de "pureté" (morale, spirituelle), ça ne fait guère de doute (cf. 2 Corinthiens 11,2). Toutefois elle signifie en principe davantage que la simple abstinence sexuelle provisoire requise  des guerriers dans certains textes (la guerre étant sainte ou sacrée par définition; cf. aussi 1 Samuel 21,4s), le ou la vierge (parthenos) n'ayant jamais eu de contact sexuel, étant donc à cet égard "intact(e)" (image de "pureté" supérieure). Toutefois par rapport au monde gréco-romain (Athéna bien connue par le "Parthénon", Vesta et les vestales, etc.) la virginité au sens strict est assez peu valorisée religieusement dans la tradition juive ancienne ("biblique"): en Lévitique 21,13s elle est requise de l'épouse du grand prêtre, en Juges 11 c'est un élément important du sacrifice de la fille de Jephthé, en Esther 2 elle est requise des candidates au mariage d'Assuérus, mais c'est relativement peu. Bien entendu, la notion évolue dans le judaïsme hellénistique (

Sur le mensonge, en plus de Sophonie on peut penser à Isaïe 53,9; Psaume 32,2 etc.

Le "sans défaut" (amômos) évoque en effet vraisemblablement l'offrande ou le sacrifice (cf. Lévitique 22,21, LXX mômos): l'image persiste dans des sens diversement "figurés" ailleurs (Colossiens 1,22; Ephésiens 1,4; 5,27; 1 Pierre 1,19; Hébreux 9,14; Jude 24).

On remarquera que la scène "accomplie" du chapitre 14 n'a plus les connotations militaires du chapitre 7 (recensement-conscription des "armées" comme dans les Nombres ou certains textes qoumraniens, évoquant une préparation au combat): le chant et les harpes nous mettent dans une tout autre ambiance.


Dernière édition par Narkissos le Mar 07 Fév 2023, 16:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMar 07 Fév 2023, 16:05

Citation :
On remarquera que la scène "accomplie" du chapitre 14 n'a plus les connotations militaires du chapitre 7 (recensement-conscription des "armées" comme dans les Nombres ou certains textes qoumraniens, évoquant une préparation au combat): le chant et les harpes sont d'un tout autre genre.

"Ils chantent comme un chant nouveau devant le trône et devant les quatre êtres vivants et les anciens. Personne ne pouvait apprendre ce chant, sinon les cent quarante-quatre mille, qui ont été achetés de la terre" (14,3).

"Quand il eut reçu le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre anciens tombèrent devant l'agneau, tenant chacun une lyre et des coupes d'or pleines d'encens, qui sont les prières des saints. Ils chantent un chant nouveau, en disant : Tu es digne de recevoir le livre et d'en ouvrir les sceaux, car tu as été immolé et tu as acheté pour Dieu, par ton sang, des gens de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation" (5,8-9).

Dans ces deux textes nous retrouvons l'idée d'un chant nouveau, sauf qu'en (14,3), les 144000 sont les seuls à pouvoir apprendre ce chant. 


8 Mais pourquoi les 144 000 sont-​ils les seuls capables d’apprendre le chant dont il est question en Révélation 14:3 ? Parce que ce chant a un rapport avec ce qu’ils ont vécu en qualité d’héritiers du Royaume de Dieu : eux seuls ont été adoptés comme fils de Dieu et oints d’esprit saint. Eux seuls ont été achetés de la terre pour devenir membres de ce Royaume céleste. Eux seuls ‘ seront prêtres et régneront ’ avec Jésus Christ pendant mille ans pour élever l’humanité à la perfection. Eux seuls sont vus en train de ‘ chanter comme un chant nouveau ’ en la présence même de Jéhovah. Ces privilèges et perspectives uniques leur font accorder une valeur toute particulière au Royaume et leur permettent de chanter à son sujet comme personne d’autre ne pourrait le faire. — Révélation 20:6 ; Colossiens 1:13 ; 1 Thessaloniciens 2:11, 12.

14 Les 144 000 sont “ achetés de la terre ”, “ achetés d’entre les humains ”. Ils sont adoptés comme fils de Dieu ; après leur résurrection, ils ne seront plus de simples humains de chair et de sang. Comme l’indique le Ré 14 verset 4, ils deviennent des “ prémices pour Dieu et pour l’Agneau ”. Certes, au Ier siècle, Jésus fut les “ prémices de ceux qui se sont endormis dans la mort ”. (1 Corinthiens 15:20, 23.) Toutefois, les 144 000 sont “ une sorte de prémices ” de l’humanité imparfaite, achetées grâce au sacrifice de Jésus (Jacques 1:18). La moisson des humains ne s’achève cependant pas avec eux. Le livre de la Révélation a déjà parlé du rassemblement des membres d’une grande foule innombrable qui crient d’une voix forte : “ Le salut, nous le devons à notre Dieu, qui est assis sur le trône, et à l’Agneau. ” Ces personnes survivront à la grande tribulation et à mesure qu’elles se désaltéreront aux “ sources d’eaux de la vie ” elles seront élevées à la perfection humaine sur la terre. D’autre part, quelque temps après la grande tribulation, l’hadès sera vidé ; des millions et des millions d’autres humains seront ressuscités et auront la possibilité de boire aux mêmes sources d’eaux de la vie. Eu égard à ce qui précède, il serait exact de dire que les membres de la grande foule constituent les prémices des autres brebis : ce sont les premiers humains qui ‘ lavent leurs longues robes et les blanchissent dans le sang de l’Agneau ’, et qui nourrissent l’espoir de vivre éternellement sur la terre. — Révélation 7:9, 10, 14, 17 ; 20:12, 13.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101988029

Rien dans le chapitre 14 de l'Apocalypse ne permet de rattacher la "grande foule" du chapitre 7, au "reste" de la récolte. Le plus original de cette explication consiste à faire "de la grande foule, les prémices des autres brebis".
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMar 07 Fév 2023, 16:46

Paradoxalement, le "chant nouveau" est très ancien: cf. Isaïe 42,10; Psaume 33,3; 40,4; 96,1; 98,1; 144,9; 149,1; Judith 16,1.13. Cf. aussi Apocalypse 15,3 où c'est le chant de Moïse et de l'agneau (l'ancien et le nouveau ?).

Loin de moi de vouloir résoudre les contradictions de l'Apocalypse, mais en 14,3 on peut remarquer le verbe "apprendre" (mathein, de manthanô, d'où "mathématique", entre autres): la scène du chapitre 5 évoquait des personnages déjà célestes, celle du chapitre 14 représente expressément des gens qui viennent "de la terre" et d'"entre les humains", et qui doivent donc "apprendre" la liturgie céleste (simple suggestion).

Le commentaire de la Watch se passe de commentaire, mais je ferais simplement remarquer que dans l'économie actuelle du texte de l'Apocalypse (avec les dernières rédactions s'éloignant de tout intérêt pour Israël stricto sensu, cf. 2,9; 3,9), c'est plutôt la "grande foule" qui serait les "prémices" des "144.000" (ceux qui sont déjà "sauvés", dans le temple, martyrs ou fidèles morts ayant passé victorieusement l'épreuve, alors que tous ne sont pas encore "scellés") -- la qualité de "prémices" de ces derniers se décalant dès lors vers un horizon universel ou presque, celui des derniers tableaux où, s'il n'y a plus de temps ni d'histoire, il reste un espace avec un centre (la nouvelle Jérusalem, le fleuve, les arbres de vie) et une périphérie (les nations, les rois). Pour que la "plénitude" finale rayonne, il faut paradoxalement qu'elle ne soit pas une totalité saturée, c'est l'exigence narrative et graphique de la vision mais qui mériterait d'être méditée de bien d'autres points de vue.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 08 Fév 2023, 13:22

Chapitre 14:9-11

Replaçons tout de suite ce texte charnière dans son contexte. Si le cantique des rachetés de la terre (14:3) retentit pour étouffer toute l’adoration blasphématoire du chapitre 13, ces mêmes comportements idolâtres appellent aussi le jugement de Dieu. C’est pourquoi les anges (14:6ss) crient la bonne nouvelle de la réplique de Dieu contre ses adversaires. L’énoncé du troisième ange condamne explicitement tout ce que le chapitre 13 vient de raconter: le verdict frappe quiconque se prosterne devant le monstre et son image et reçoit une marque sur le front ou sur la main (14:9), c’est-à-dire tous ceux qui ont participé à la fausse adoration et ont reçu la marque de cette alliance.

Le point est crucial, comme l’indique sa répétition, légèrement modifiée, en 14:11 (ceux qui se prosternent devant le monstre et devant son image, et quiconque reçoit la marque de son nom). La parodie du véritable culte rendu à Dieu est monstrueuse et elle permet de démasquer, pour ne pas dire exhiber, la vraie nature de ces idolâtres et de leur faux culte: ses pratiquants qui méprisent la grâce de Dieu, auront affaire à sa colère (14:10) et leur châtiment non voulu sera tout aussi incessant (14:11) qu’est sans fin la véritable adoration (le trisagion, 4:Cool des êtres vivants.

Jean manie ici une fine technique littéraire qui lui permet de répéter, tout en les variant, des locutions lourdes de sens. « Ils ne cessent jour et nuit », précédée par « aux siècles des siècles » (en 14:11) reprend 4:8-9, « ils ne cessent… jour et nuit », doublée par « aux siècles des siècles »: d’une part, les adorateurs de la bête n’ont pas de repos (14:11) tandis que les martyrs, eux, se reposeront (14:13). Mais d’autre part, au non repos jour et nuit des adorateurs de la bête (14:11), correspond l’activité tout aussi incessante des quatre êtres vivants, adorateurs de Dieu au ciel (4:Cool – seulement, c’est pour une tout autre raison (4:Cool! L’ironie met donc en parallèle formel le culte de Dieu et le culte de la bête.

https://larevuereformee.net/articlerr/n224/pour-lire-lapocalypse-de-jean-linteret-dune-approche-thematique
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 08 Fév 2023, 15:18

Cette partie de l'Apocalypse me paraît assez décousue, et le rapport entre ses différentes unités (p. ex. ici la vision des 144.000, 14,1-5, et les proclamations des trois anges, 6ss), lâche ou ténu, sinon tout à fait inexistant. Néanmoins il reste vrai que l'ensemble du livre construit une sorte de symétrie générale entre le "divin" et le "diabolique", même s'il ne faut pas trop la forcer dans le détail. En particulier le couple Dieu / agneau contre le couple dragon / bête(s) [sauvage(s) -- sinon "monstre(s)"]: de part et d'autre il y a trône, culte, louange, nom-marque, mort et résurrection, évidemment antithétiques et exclusifs les uns des autres. Cette symétrie même traduit un dualisme qui a fortement marqué le judaïsme du Second Temple, depuis l'époque perse, mais qui s'est accentué dans certains milieux à l'époque hellénistique et romaine (notamment Qoumrân).

En revanche, la conclusion de l'article me paraît fort douteuse: ce n'est pas parce qu'il y a des traits de l'AT dans la description du "culte diabolique" que celui-ci se réfère à telle ou telle forme de judaïsme. A des degrés divers, toutes les rédactions de l'Apocalypse parodient des textes de la Bible hébraïque, quasiment à chaque phrase, elles le font naturellement autant quand elle décrivent le versant "diabolique" que le versant "divin". D'autre part, comme on l'a déjà remarqué, l'intérêt (même hostile) pour le judaïsme varie au fil des rédactions, et il n'y a pas d'antinomie entre les références au culte impérial et au judaïsme qui jouit généralement dans l'empire romain d'un statut de religion licite, qui l'exempte du culte impérial (supposé remplacé par les sacrifices pour l'empereur au temple de Jérusalem, du moins tant qu'il y en a) -- contrairement aux "sectes" (y compris proto- et judéo-chrétiennes) qui se détachent du judaïsme (du moins aux yeux des Romains. Cf. le portrait à charge des "Juifs d'Asie" = Asie Mineure, précisément la région associée à l'Apocalypse, dans les Actes: ce sont eux qui accusent les chrétiens devant les autorités romaines.)
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 08 Fév 2023, 16:24

Citation :
Paradoxalement, le "chant nouveau" est très ancien: cf. Isaïe 42,10; Psaume 33,3; 40,4; 96,1; 98,1; 144,9; 149,1; Judith 16,1.13. Cf. aussi Apocalypse 15,3 où c'est le chant de Moïse et de l'agneau (l'ancien et le nouveau ?).


« Le cantique de Moïse et le cantique de l’Agneau (Ap 15 et Ex 15) »

Le cantique d’Ap 15 doit aussi être lu et compris dans son contexte : il semble être le point culminant de la longue série de « doxologies » qui ponctuent le livre  :

 – En 1,4-8, Jean unit dans la même louange Dieu et le Christ qui nous a « rachetés » par son sang et a fait de nous « un royaume de prêtres ».

– En 4,11, ce sont les quatre Vivants et les vingt-quatre Vieillards qui acclament Dieu comme Créateur de l’univers.

– En 5,9, ce sont d’abord les mêmes personnages qui « chantent un cantique nouveau » à l’Agneau qui racheta par son sang des hommes de toutes nations, – cantique repris en écho au verset 12 par la multitude des Anges ; – enfin, au verset 13, ce sont toutes les créatures qui unissent dans une même louange le Seigneur Dieu et l’Agneau.

 – Au chapitre 7, les Anges, les Vieillards et les quatre Vivants s’unissent à la foule immense de ceux qui, de toutes les nations, ont lavé leur robe dans le sang de l’Agneau, pour louer Dieu (12) et l’Agneau (10) ; ce qui sera repris en 11,15-18.

 – En 14,3, il est de nouveau fait mention d’un « cantique nouveau »  que seuls peuvent apprendre ceux qui ont été rachetés à la terre et portent sur le front le nom de l’Agneau et celui de son Père ; cependant les paroles de ce chant ne sont pas rapportées au chapitre 14. Il est possible de penser que c’est ce cantique dont le texte sera proclamé au chapitre 15, puisque ce sont les mêmes personnages qui le chantent, « ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom », c’est-à-dire les martyrs.

– Le cantique du chapitre 15 : il faut d’abord noter une différence importante entre le cantique d’Ap 15 et tous ceux qui le précèdent : alors que tous les autres sont chantés soit par les quatre Vivants et les vingt-quatre Vieillards, soit par la multitude des Anges ou par toutes les créatures, soit enfin par les martyrs, en ce qui concerne le cantique d’Ap 15,3-4, c’est le seul de tout le livre qui soit dit « cantique de l’Agneau ». Par ailleurs, si le cantique du chapitre 15 est bien le cantique « nouveau » annoncé en 14,3,il est précédé par un autre « cantique nouveau » en 5,8-14 : ce cantique est adressé dans ses deux premiers temps (8-10 ; 11-12) à l’Agneau et motive sa louange par ce qu’il a fait : « tu as racheté pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; tu as fait d’eux pour notre Dieu un royaume et des prêtres et ils règneront sur la terre » (9-10). Ainsi ce premier « cantique nouveau » donne-t-il un contenu précis au second « cantique nouveau », en rappelant le passé. Cependant, sa dernière phrase est au futur, « ils règneront sur la terre », ce qui annonce le centre de la dernière partie du cantique de l’Agneau : « toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi. » Le cantique de Moïse et de l’Agneau se trouve donc placé au même moment, entre un « déjà là » et un ‘pas encore’.

https://www.academia.edu/11183175/_Le_cantique_de_Mo%C3%AFse_et_le_cantique_de_l_Agneau_Ap_15_et_Ex_15_



Citation :
Loin de moi de vouloir résoudre les contradictions de l'Apocalypse, mais en 14,3 on peut remarquer le verbe "apprendre" (mathein, de manthanô, d'où "mathématique", entre autres): la scène du chapitre 5 évoquait des personnages déjà célestes, celle du chapitre 14 représente expressément des gens qui viennent "de la terre" et d'"entre les humains", et qui doivent donc "apprendre" la liturgie céleste (simple suggestion).

Merci Narkissos pour cette remarque pertinente ... J'avais tendance à comprendre que les 144000 étaient les seuls capables d'entonner ce chant nouveau or, ce n'est pas ce que dit le texte, il est question d'"apprendre" ce chant, ce qui n'exclut le fait que d'autres aient pu connaitre et chanter ce cantique.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 08 Fév 2023, 19:04

L'article de Meynet me semble surtout intéressant sur Exode 15, auquel se réfère sans doute, mais assez vaguement, le "chant de Moïse" d'Apocalypse 15,3.

Pour ce qui est de l'Apocalypse, il me paraît tout aussi arbitraire de distinguer les "chants nouveaux" que de les identifier formellement (un seul et même "chant nouveau"), même si l'effet de répétition et de réminiscence est inévitable (et, à mon avis, voulu, au moins par les dernières rédactions). On ne peut d'ailleurs pas le séparer d'une économie plus vaste du "nouveau" (kainos) dont nous avons déjà parlé, qui est particulièrement riche dans l'Apocalypse même si c'est un thème fréquent dans le (bien nommé) Nouveau Testament: outre le chant il y a un (ou des) nom(s) nouveau(x, 2,17; 3,12, nom du fidèle et du Christ qui se confond avec celui de Dieu ou de la ville, cf. 3,5; 13,8; 14,1; 17,8; 19,12ss; 20,15; 22,4), une Jérusalem nouvelle (3,12; 21,2), un ciel nouveau, une terre nouvelle (21,1) et même un tout (panta) nouveau (21,5). Revoir éventuellement ici ou là.

De même le génitif, "(chant) de l'agneau" peut s'interpréter diversement (agneau chanteur, auteur-compositeur-interprète, ou bien destinataire, sujet/objet du chant, comme au chap. 5 ?). Là encore on ne peut pas dissocier cette formule d'autres, comme "le livre de (la) vie de l'agneau" (13,8; 21,27) -- livre où il y a justement des noms, ou un seul, peut-être aussi "nouveau(x)" ?

Je pense qu'il vaut mieux laisser jouer ces références comme elles jouent d'elles-mêmes les unes avec les autres, à la lecture, à la relecture, à la récitation, à la réminiscence, que d'essayer de les arrêter à chaque fois sur une signification unique. Non seulement on n'y arriverait pas, mais ça n'aurait aucun intérêt et l'ensemble lui-même perdrait beaucoup de son intérêt. L'image de la harpe dont les cordes ne jouent pas sans faire résonner les autres, par "sympathie", est ici particulièrement adéquate.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 13 Fév 2023, 11:24

La moisson et la vendange de l'Apocalypse (14,14-20). La signification chrétienne de la révélation johannique (suite)
André FEUILLET

La cuve foulée en dehors de la ville (14,20) et le Christ Juge, vainqueur de la Bête (19, 11-16)

Un détail mystérieux du tableau de la vendange D'A 14, 17-20 : la cuve foulée en dehors de la ville, a une particulière importance pour une interprétation exacte de l'ensemble de la scène : il ne s'explique bien en effet que comme une référence à la Passion du Christ prolongée par la souffrance des martyrs chrétiens. Cette double référence à la Passion du Christ et aux martyrs chrétiens ressort davantage encore de la description du Christ Juge, vainqueur de la Bête, de 19, 11-16, puisque d'après 19, 15 c'est le Christ lui-même qui foule la cuve. Il est normal d'étudier ensemble ces deux données de 14, 20 et de 19, 11-16.

La ville en dehors de laquelle la cuve est foulée {14, 20) n'est pas nommée par l'auteur, mais elle se laisse deviner sans trop de peine. En effet au début du- chapitre il a été question de Sion. Auparavant, au chapitre 11 (v. 2), la ville est sans aucun doute possible Jérusalem ; le v. 8 précise : « la grande ville qui est appelée spirituellement Sodome et Egypte, là où leur Seigneur fut crucifié ». Ce n'est que plus loin, aux chapitres 16, 17 et 18, que Babylone (Rome) est appelée la grande ville {16, 19 ; 17, 18 ; 18, 16, 18, 19, 20) ou bien la ville forte {18, 10). Aussi presque tous les exégètes s'accordent-ils pour identifier la ville de 14, 20 avec Jérusalem, et on ne peut que leur donner raison.

II est beaucoup plus difficile de les suivre quand ils soutiennent que si la cuve est foulée en dehors de Jérusalem, c'est en raison de la tradition biblique et Juive qui situe le jugement des nations aux portes de Jérusalem. Car aucun des parallèles allégués n'est proprement convaincant ; aucun ne nous offre cette localisation précise : « en dehors de la ville ». Jl 4, 12 place le jugement des nations dans la vallée de Josaphat, Za 14,4 au mont des Oliviers, 4 Esdras 13,35 et Baruch syriaque 40,1 sur le mont Sion. Quelques commentateurs se rendent bien compte que de tels rapprochements ne sont guère probants : aussi croient-ils devoir ajouter que les exécutions capitales se faisaient régulièrement hors de l'enceinte de la ville, et que ce fut le cas pour Jésus lui-même, ainsi que le souligne He 13,12 ...

... Cette donnée chrétienne si ferme : la mort de Jésus en dehors de la ville est autrement éclairante dans la recherche du sens D'Ap 14,20 que les textes  vétérotestamentaires et juifs habituellement allégués. Elle confirme pleinement ce que plus haut nous avons cherché à établir : la vendange symbolique de l'Apocalypse se réfère aux martyrs chrétiens, et non pas au châtiment des ennemis de Dieu. Ils sont mis à mort en dehors de la ville comme Jésus l'avait été le premier, conformément au principe évangélique si fortement enseigné par Jésus et que rappelle He 13, 12-13 : le destin des disciples se calque sur celui du Maître. Les souffrances des chrétiens persécutés, comme déjà celles d'Etienne, imitent et prolongent la Passion du Christ. La même idée avait déjà. été exprimée sous une autre forme en Ap 11, 8-13, passage que nous retrouverons plus loin.

https://www.nrt.be/fr/articles/la-moisson-et-la-vendange-de-l-apocalypse-14-14-20-lasignification-chretienne-de-la-revelation-johannique-suite-1264
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeLun 13 Fév 2023, 13:16

Sur cet article et le chapitre 19, voir ici (à partir du 19.12.2020).

Sur la tradition de Jésus crucifié hors de la ville, qui est plus implicite qu'explicite dans les évangiles (Jean inclus) comme dans le reste du NT, voir là (à partir du 19.10.2022).

Je persiste à penser que le chapitre 14 est composite, rassemblant des unités disparates, et qu'il n'offre donc pas un "contexte" assez "fort" ou "ferme" pour guider l'interprétation d'aucun passage dans le détail. Les v. 14-20 (moisson et vendange) peuvent à la fois rappeler le chapitre 11 et anticiper le chapitre 19 (analepse et prolepse), au moins du point de vue des dernières rédactions. Comme on l'a déjà remarqué, le v. 8 "annonçait" "Babylone" des chap. 16--18, donc ici toutes les "villes" (et probablement bien d'autres références) se mêlent. D'autre part la "colère" ou "courroux" (thumos) s'applique aussi bien au vin à boire par Babylone (v. 8 ) qu'au foulage de la cuve (v. 20) -- ce qui rend à mon sens l'interprétation "positive" de Feuillet assez désespérée*.

Si l'on veut à tout prix établir des comparaisons entre les différents versets du chapitre 14, le mont Sion où sont les 144.000 (v. 1) correspondrait plutôt au "sanctuaire" d'où sortent les anges (naos, v. 15.17; la "grande foule" du chap. 7 était aussi dans le "sanctuaire") qu'à la ville qui en était séparée pour être foulée au chapitre 11 -- et c'est pourtant hors de cette ville qu'est la cuve, également foulée (pateô, aussi 11,2 et 19,15; ailleurs seulement en Luc 10,19; 21,24), du v. 20. Il y a des résonances d'un texte à l'autre, mais des décalages aussi (effet de "bougé").

A propos du texte initial (v. 1-5), j'ai oublié de signaler qu'en grec (classique et koinè) le mot pour "vierge" (parthenos) s'emploie presque exclusivement au féminin, à l'exception de quelques usages figurés (p. ex. pour quelque chose d'intact, qui n'a jamais été utilisé, bateau ou construction) et/ou ironiques (p. ex. pour qualifier un homme timide, comme on dit -- peut-être plus pour longtemps -- "vierge effarouchée"). De ce côté-là l'Apocalypse innove en l'employant ostensiblement au masculin et en inversant le rapport des "genres" (ils ne se sont pas souillés avec des femmes) -- mais on ne peut pas en déduire grand-chose car le livre se caractérise aussi par le pire grec du NT (ce qui n'est pas peu dire), record absolu de barbarismes et autres usages impropres (même au regard de l'usage contemporain de la koinè en général).

---

* Précision: l'interprétation de Feuillet me semble désespérée dans la mesure où elle entend rendre compte du "sens" et de l'"intention" d'un texte présumé cohérent. S'il ne l'est pas, il n'y aucune raison exégétique d'atténuer ou de neutraliser le sens obvie des passages ostensiblement vindicatifs et violents, même s'il y a d'autres passages, et une structure générale, qui en déjouent les effets. En revanche, quand on prend en considération l'ensemble du livre et la durée (diachronique) de sa rédaction, avec les effets volontaires et involontaires dont nous avons abondamment parlé, on aboutit bien à une conclusion similaire: c'est que le "christianisme" historique, la "grande Eglise" qui a finalement adopté l'Apocalypse dans sa forme finale, a "digéré" en partie le ressentiment et la violence qui faisaient partie de son héritage religieux et littéraire (et pas seulement par l'Apocalypse"), contraignant en définitive à relire même les textes vindicatifs autrement, surtout dans un empire christianisé où il n'y avait plus guère d'"ennemis" à se mettre sous la dent (au moins jusqu'à l'émergence de l'islam). En cela le type de lecture que proposait Feuillet se justifie en tant que "lecture chrétienne", surtout s'il ne prétend plus rendre compte de la génération du texte et des diverses "intentions" qui y sont comme fossilisées, stratifiées ou sédimentées.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 15 Fév 2023, 15:25

"Je vis une nuée blanche, et sur la nuée était assis quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme. Il avait une couronne d'or sur la tête et une faucille acérée à la main. Un autre ange sortit du sanctuaire, en criant à celui qui était assis sur la nuée : Lance ta faucille et moissonne ! L'heure est venue de moissonner, car la moisson de la terre est mûre" - (14,14-15).


C'est pourquoi les images des visions ont, dans l'Apocalypse, un très constant caractère d'approximation : «et je vis comme... qui semblait... comparable à... ».Aucune image n'est apte ni suffisante à exprimer l'indicible. Il faut vraiment se contenter de descriptions esquissées qui laissent subsister un halo de significations.

Citons par exemple la modification significative que subit le Fils de l'homme, célèbre figure messianique héritée de la vision de Daniel (7, 13) : par deux fois (Ap. 1, 13 et 14, 14) notre auteur décrit un personnage qui est «comme un fils d'homme». Il se réfère indiscutablement à la vision de Daniel, bien des détails le prouvent, mais il ne peut se résoudre à employer directement et sans réserve ce matériel imagé pour décrire et donc définir la personnalité du Messie, malgré la garantie offerte par la tradition. Autre exemple : l'agneau est dit « comme immolé » (5, 6) parce que ce sacrifice n'épuise pas le sens et la portée de l'œuvre du Messie. L'agneau messianique sera donc en même temps que la victime immolée le vainqueur ressuscité, l'auteur de la rédemption, le roi et le juge (Ap. 5, 12 s. ; 6, 16 ; 7,
10. 17 ; 17, 14...). 

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1979_num_59_3_4494
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 15 Fév 2023, 16:33

C'est quand même curieux de ne pas voir, ou du moins de ne pas remarquer, que l'"approximation" (verbale) est souvent dans les textes sources et non une particularité de l'Apocalypse de Jean: ainsi le "comme un fils d'homme" est directement emprunté au texte araméen de Daniel (ke-bar-'enash), de même que de nombreuses visions "prophétiques", notamment celles d'Ezéchiel, sont remplies d'approximations ostensibles jusqu'à la redondance laborieuse (comme l'apparence de la ressemblance de...; cf. aussi Exode 24, pour la vision divine dans un texte narratif de la Torah).

Il y a comme (!) un aveu (parenthèse du premier paragraphe de l'article de Prigent) d'impensé, ou de refus de penser, dans la dénégation expresse de toute différence entre la parole et l'écriture, surtout quand on insiste sur la différence entre image et parole: qu'est-ce que l'écriture, alphabétique (ou syllabique) plus encore qu'idéographique, sinon l'image visible d'une parole audible ? Il me semble au contraire tout à fait décisif que la "vision" comme les "paroles" soient écrites, et écrites dans une forme qui quasiment à chaque phrase est une citation ou une réminiscence, une parodie ou un pastiche d'écriture (AT). Le texte seul est accessible, dans son jeu intra- et inter-textuel, même s'il renvoie aussi à du hors-texte inaccessible (y compris pour le ou les "auteurs"), en-deçà et au-delà du texte, par la dé-scription de "visions indescriptibles" ou d'"images inimaginables", la mention de paroles non rapportées ou non interprétées (voir ici), et par l'injonction de la lecture (à haute voix) qui suppose un cadre (Sitz im Leben), le culte régulier d'une communauté dans un monde et une époque donnés, cadre qui dans un sens ne fait pas partie du texte; a fortiori pour ceux qui le lisent (le plus souvent seuls, en silence et dans d'autres langues) deux millénaires plus tard...

Sans doute la plupart des récepteurs d'un livre comme l'Apocalypse en viennent-ils naturellement à croire qu'un homme a d'abord vu une vision, entendu des explications, et qu'il s'est ensuite assis à son écritoire (ou a convoqué un secrétaire) pour décrire et raconter tout ça du mieux qu'il pouvait: c'est dans un sens l'effet visé par le livre et celui qu'il atteint auprès du grand nombre; de même que les plus naïfs des récepteurs de Daniel ont pu imaginer un personnage qui avait annoncé leur époque trois siècles à l'avance (chose impossible à ceux qui savaient le livre récent, au moins dans ses derniers développements). Mais le moindre soupçon de réflexion aboutit vite à la conclusion que de tels textes ne s'écrivent pas ainsi, et que les "visions" comme les "paroles" sont d'abord écrites avant d'être lues (à haute voix) et entendues; et que rien n'en aura jamais été "vu", sinon dans l'imagination des lecteurs-auditeurs.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 15 Fév 2023, 17:37

"Un autre ange, un troisième, les suivit, qui disait d'une voix forte : Si quelqu'un se prosterne devant la bête et son image et reçoit une marque sur le front ou sur la main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l'agneau ! La fumée de leur tourment monte à tout jamais, et ils n'ont de repos ni le jour ni la nuit, ceux qui se prosternent devant la bête et devant son image, et quiconque reçoit la marque de son nom" (14,9-11).

L'Apocalypse semble hésiter entre le tourment et la destruction. 


Apocalypse 14:10.

Il en va de même pour boire du vin de la colère de Dieu, qui est versé sans mélange dans la tasse de son indignation; Il a aussi ... qui est mêlé non mélangé (c'est non dilué) dans la tasse de sa colère (version révisée). L'avertissement est donné aux hommes pendant qu'il y ait encore du temps; La chute de Babylone, qui est prophétiquement parlée comme ayant eu lieu ( Apocalypse 14: 8 ), étant encore à l'avenir; c'est-à-dire à la fin du monde. La langue dans laquelle la rétribution est formelle correspond à celle dans laquelle le péché est décrit (voir sur Apocalypse 14: 8 ). Le verbe κεράνννννμι, qui signifiait à l'origine "à mélanger", est venu progressivement de signifier "à verser" de la coutume antique des épices mélangeuses, etc., ainsi que de l'eau, avec le vin. La version autorisée "a versé", est donc une traduction correcte. La coulée est dans ce cas non accompagnée d'une dilution avec de l'eau; C'est-à-dire que la colère de Dieu ne sera pas tempérée, mais les méchants ressentiront la pleine force de sa colère. Et il sera tourmenté avec le feu et le soufre en présence des saints anges et en présence de l'agneau. La figure qui est ici utilisée pour dépeindre la punition du méchant est courante dans la Bible. Ésaïe 34:9, Ésaïe 34:10, cf. Avec Genèse 19:28, peut fournir l'origine de la comparaison. La punition est en présence des anges et de l'agneau; C'est-à-dire que la pureté et le bonheur du ciel sont visibles pour les méchants et la vue de celui-ci, associé à la connaissance de son accessibilité à eux-mêmes, fait partie de leur tourment (cf. Luc 16:23). Cela fait partie de la colère de Dieu décrite dans la première partie du verset.

https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/5/commentaire-biblique-de-la-chaire/apocalypse/14
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeMer 15 Fév 2023, 18:55

Ce charabia est la traduction (automatique sans doute, mais avec un très bas niveau d'intelligence artificielle) d'un des innombrables commentaires anglais "pré-évangéliques" du XIXe siècle (les auteurs principaux, Joseph S. Exell et Donald Spence-Jones, sont morts respectivement en 1910 et 1917) qui embarrassent les bibliothèques (de ce point de vue Internet serait un soulagement, s'il ne se mêlait pas aussi de traduire)...

C'est un des gags du grec de l'Apocalypse, qui dit mot-à-mot "mélangé sans mélange" (kekerasmenou akratou), du verbe kerannumi (aussi 18,6) qui signifie "mélanger", notamment du vin avec des épices selon une pratique commune dans l'Antiquité (cf. le Banquet de Platon), mais peut signifier par extension préparer, servir ou verser n'importe quelle boisson alcoolisée, mélangée ou non. On peut imaginer qu'un rédacteur prenant conscience du sens premier du verbe et voulant en rajouter dans la dureté de l'expression lui a juxtaposé l'adjectif privatif akratos, sans se rendre compte que celui-ci dérivait du même verbe et formait donc avec lui un oxymore, au moins étymologique... Bien entendu, l'image de la coupe et du vin (mélangé ou pas, symbole de colère ou d'autre chose) est un topos de l'A.T. (Isaïe 29,9; 51,17.22; Jérémie 13,13; 25,15ss; 49,12; 51,7.39; Ezéchiel 23,32ss; Abdias 16; Nahum 3,11; Habacuc 2,16; Psaume 60,5; 75,9; Lamentations 4,21).

Je ne sais pas si l'Apocalypse "hésite" entre tourment et destruction, je ne pense pas que ses auteurs (et ceux du NT en général) y aient nécessairement vu une alternative ou une contradiction, comme c'est le cas depuis le XIXe siècle avec ce que j'appellerais la "crise de l'enfer" (et notamment la solution, adventiste, russelliste entre autres, de la mortalité ou de l'immortalité conditionnelle de l'âme; ce qu'on appelle aussi "annihilationnisme"). Le feu illustre aussi bien l'un que l'autre, et dans l'Apocalypse le champ lexical de la destruction et du tourment se chevauchent largement: par exemple, la bête promise à la "perdition" (apôleia > apollumi, qu'on peut aussi traduire "destruction") en 17,8.11 est "tourmentée" en 20,10; entre les deux il y a encore tout le vocabulaire de la "corruption" (au sens de "pourriture", du "périr" du "périssable", phtheirô, phthôra, etc.) qui relierait les deux notions (cf. l'association paradoxale du ver et du feu depuis le trito-Isaïe), à supposer qu'elles soient clairement distinctes. Soit dit en passant, c'est bien parce qu'on oublie l'étymologie de la "destruction" comme antonyme de la "construction" (donc synonyme de démolition, d'un processus qui peut durer, qui n'est pas forcément instantané comme une "désintégration" de science-fiction) qu'on l'oppose au "tourment". Une dé-(con-)struction peut être pénible et lente, voire interminable... ce n'est évidemment pas l'idée que je préfère, mais je dis ça pour montrer que ce qui passe depuis le XIXe siècle au moins pour une incompatibilité absolue entre mort comprise comme pur néant ou négation d'une part, et tourment d'autre part, ne s'entendait visiblement pas ainsi dans l'Antiquité; ça ne justifie pas le développement ultérieur de l'enfer ou du purgatoire catholiques, même s'ils ne sont pas dépourvus de fondement dans le NT et le judaïsme contemporain.

A propos du XIXe siècle, même si ça nous éloigne de l'Apocalypse, il faut rappeler que le développement du rationalisme et du scientisme (qui aboutit, parmi bien d'autres choses, à l'évacuation de l'âme et de l'au-delà) a pour contrepartie le romantisme (qui au contraire valorise l'"âme" dans toute son ambiguïté) et le développement du spiritisme; or ces deux tendances se mélangent et se recomposent dans le sectarisme religieux: ainsi le rejet adventiste de l'enfer est une sorte de rationalisation locale de la croyance traditionnelle, qui reste par ailleurs largement irrationnelle (on peut croire aux miracles les plus invraisemblables mais on ne croit plus à l'enfer; parce qu'il choque le sentiment, c'est le côté "romantique", mais sur ce point du moins on a aussi pour soi la "raison scientiste" qui nie l'"âme"). En tout cas le fond du problème n'a pas disparu pour autant, on le voyait encore hier ici avec les apories en cascade de Derrida, la mort est ce qui ne m'arrivera jamais (ce qui n'est que le revers de la formule épicurienne de Lucrèce), ma mort est ce qui m'est à la fois le plus et le moins "propre", ce qui m'exproprie dans la mesure même où je me l'approprie, etc. Voir aussi ce fil-ci qui nous ramènerait à l'Apocalypse: le tourment est la non-mort (le texte le dit expressément), la mort qui arrive et n'arrive pas, mais cette non-mort est aussi la mort au second degré, la seconde mort plus mort(e) que la première... Il est bien évident que nous ne lisons plus dans tout cela ce qu'y lisait un chrétien du Ier ou du IIe siècle, mais nous y lisons quand même quelque chose.
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeJeu 16 Fév 2023, 16:03

"J'entendis du ciel une voix qui disait : Ecris : Heureux les morts, ceux qui meurent dans le Seigneur, dès maintenant ! Oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent" (14,13).

Un article déjà cité à plusieurs reprises :

On peut distinguer trois éléments dans ce pôle central :

– C: L’annonce du jugement (14,6-20) commence avec un ange porteur d’un Évangile, une bonne nouvelle, à savoir une invitation à respecter et adorer Dieu (v. 6-7). Il est immédiatement suivi par un autre qui annonce la chute de Babylone (v. Cool, puis un troisième qui annonce la colère de Dieu contre ceux qui adorent la bête et portent sa marque (v. 9-11). Cela est mis en contraste avec la persévérance des saints et leur bonheur (v. 12-13). La perspective du jugement dernier se profile ensuite (v. 14-20) avec les symboles positif de la moisson et négatif des vendanges.

https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2013_num_44_4_4168

En (14,13), nous retrouvons l'idée de "ceux qui meurent dans le Seigneur, dès maintenant" qui me semble souligner l'idée de mourir en fidèle martyr au moment le plus critique (mais aussi opportun) afin d'assurer son "élection" au ciel (6,9-11) car "leurs œuvres les suivent".
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeJeu 16 Fév 2023, 19:27

Première (?) citation de l'article de Focant ici, 21.11.2019.

Le côté bric-à-brac de ce chapitre me semble encore mieux mis en évidence par un auteur qui fait le maximum pour trouver une cohérence structurelle à l'ensemble...

Cela rejoint d'ailleurs en partie l'article de Prigent évoqué plus haut: il y a dans l'Apocalypse de fréquents changements de perspective (p. ex. voir / entendre, ciel / terre, inaccompli / accompli, passé / présent / futur), mais il ne se laissent pas ordonner en un système cohérent, parce que les antithèses ne sont ni constantes ni superposables les unes aux autres: visions et paroles s'appliquent tantôt au ciel ou à la terre, à un point de vue présent ou final, etc.

Le "salut des élus" s'exprime en effet de nombreuses manières (vision ou parole, au futur, au présent ou au passé, par anticipation de la situation finale -- c'est comme si c'était fait): on peut, si l'on veut, discerner une sorte de progression, des "âmes" qui attendent sous l'autel (chap. 6) et qu'on retrouve en "grande foule" avec leur robe blanche dans le temple céleste alors que les 144.000 ne sont pas encore tous "scellés" (7), de là aux 144.000 vus (au complet) sur le mont Sion (14,1ss), et j'en passe jusqu'à la première résurrection du millenium (20) ou à la nouvelle Jérusalem (21). L'annonce verbale (mais à écrire, grapson impératif aoriste de graphô: maintenant ou plus tard ?) du v. 13 ressemblerait plutôt à une confirmation générale qu'à une étape supplémentaire: il n'y a plus désormais (depuis maintenant, ap'arti) pour les morts dans (le) Seigneur (en kuriô) à attendre quoi que ce soit, en un sens pour eux tout est accompli. Et pourtant l'Apocalypse continue, comme le monde des (sur-)vivants, vers une fin qui n'en finit pas d'arriver. Question subsidiaire: quel est au juste le moment d'un "maintenant" ou d'un "présent" écrit (cf. la concierge est dans l'escalier, ou revient dans un quart d'heure) ? Le même "maintenant" (arti), du reste, était déjà proclamé en 12,10.

Soit dit en passant, je ne vois pas pourquoi la moisson serait un symbole "positif" et la vendange un symbole "négatif"; les deux peuvent être utilisées métaphoriquement en bonne et en mauvaise part, et si la "colère" suggère du "négatif" pour la seconde (malgré ce qu'en disait Feuillet, supra 13.2.2023), ça ne décide en rien du sens de la première (opposition symétrique ou parallélisme ?).
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeVen 17 Fév 2023, 11:52

Cet article aurait pu être insérer dans d'autres fils.

LE CHRIST DE L'APOCALYPSE

Le Christ et le monde

Les relations qui s'établissent entre le Christ et les nations sont plus difficiles à définir. De façon curieuse, le sort des nations impies d'ici la parousie, durant l'étape avant-dernière, ne paraît pas déterminé directement par les interventions du Ressuscité. Les malheurs qui se produisent sur terre proviennent de Dieu. C'est à Dieu également que les vingt-quatre vieillards adressent cette extraordinaire prière : « Nous te rendons grâces, Seigneur Dieu Tout-Puissant, qui es et qui étais, car tu as pris en main ton immense puissance pour établir ton règne » (Apoc. ii : 17). Des anges destructeurs exécutent sur terre les sentences du juge divin.

L'analyse du titre témoin interdit toutefois de sous-estimer, comme le fait Holtz, l'activité présente du Christ face aux nations païennes. Car le témoin dans l'Apocalypse n'est pas le martyr. Ce n'est pas par sa mort que le Christ rend témoignage, mais par sa parole. La souffrance n'est que la conséquence d'un témoignage qui retentit par-delà la mort. Témoin, le Ressuscité le reste devant le monde et devant Dieu au cours du procès engagé entre les hommes et leur créateur. Témoin véritable, il annonce maintenant aux nations l'exclusivisme de la foi. Comme il le dit lui-même, il ne saurait tolérer la concurrence : « Ainsi parle le Saint, le Véritable, qui tient la clé de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul ne peut ouvrir » (Apoc. 3:7). Témoin à charge, il présente à Dieu les inculpations qu'il retient contre les hommes.

Une ambiguïté semblable (Christ à la fois inactif et actif face aux nations) caractérise la période ultime de l'histoire. Car, pour reprendre l'image du chapitre 14, c'est un ange de Dieu qui vendange '. Au chapitre 18, Babylone s'effondre sans l'intervention du Christ. Au chapitre 20 : 11-15, c'est encore Dieu qui juge et punit chacun selon ses œuvres. L'Agneau paraît réserver tous ses soins à sa fiancée qui se prépare pour les noces.

La vision du chapitre 19, cependant, décrit de façon symbolique un Christ singulièrement actif face aux nations. Identifié à la Parole de Dieu, le Ressuscité se présente lors de la parousie comme l'adversaire de toute opposition à Dieu. Monté sur un cheval blanc, il vient juger et faire la guerre à la tête d'une armée angélique. De sa bouche sort l'épée qui écrase les nations. Sur son manteau et sur sa cuisse, il porte le nom suivant : « Roi des rois et seigneur des seigneurs » (Apoc. 19 : 16).

A cette tension entre l'inactivité et l'activité du Christ correspond une autre tension, qui traverse tout le livre, entre l'imminence et le retard de la parousie. Car peu d'écrits néotestamentaires soulignent avec autant de vigueur la proximité immédiate de la fin : ó yàp Kaipoç èrruç, « Car le temps est proche », lisons-nous au chapitre premier (Apoc. 1: 3) ; vai', ëpxouai tcxxu, «Oui, je viens bientôt», lisons-nous au dernier (Apoc. 22: 20). Peu de livres bibliques toutefois évoquent avec autant d'impatience le retard de la parousie. Les âmes mêmes des témoins persécutés s'alarment sous l'autel et demandent avec inquiétude : « Jusques à quand, maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice, et à venger notre sang sur les habitants de la terre » (Apoc. 6 : 10).


https://www.e-periodica.ch/cntmng?type=pdf&pid=rtp-003:1972:22::490
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MessageSujet: Re: Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin   jugement - Apocalypse 14 - les rachetés et le jugement divin Icon_minitimeVen 17 Fév 2023, 13:45

Décidément Bovon était très stimulant en généraliste du NT au début de sa carrière (nous avons déjà vu ailleurs un article "précoce" de lui) -- je trouve qu'il s'est un peu usé ensuite en se spécialisant sur un ensemble assez ingrat (Luc-Actes). Mais c'est aussi l'époque qui a perdu de son audace et de ses illusions, en théologie (et en exégèse) comme dans d'autres domaines.

La seule chose qui m'ait fait vraiment tiquer, c'est l'attribution à l'"Ancien Testament" des figures eschatologiques du "Fils de l'homme" et du "Messie", mais nous en avons abondamment parlé dans d'autres fils (p. ex. celui-ci).

Le problème de ce fil-ci, c'est le choix d'un chapitre qui n'a pas d'unité thématique (bric-à-brac), ce qui nous oblige, en examinant successivement plusieurs de ses versets, à évoquer des thèmes très différents sans en approfondir aucun (ce qui solliciterait au moins d'autres chapitres du livre). Mais le thème de Bovon, le Christ (ou la christologie) de l'Apocalypse, me paraît tout à fait central, et de fait nous en avons souvent parlé à propos de l'ensemble du livre ou de diverses parties.

La question du Christ actif ou passif est particulièrement importante, parce qu'elle engage tout le concept et la fonction de l'"après-mort": résurrection, élévation, glorification, transformation, apothéose, au fond, à quoi ça sert ? La religiosité moderne, individualiste, y voit avant tout la poursuite d'une existence personnelle et subjective, même si l'imagination défaille devant "l'éternité" comprise comme durée interminable (c'est long vers la fin). Mais ce n'était pas du tout la perspective dans laquelle la plupart des doctrines de l'au-delà ont été conçues, dans un sens que nous dirions beaucoup plus "objectif" (mot anachronique aussi puisqu'il n'y a pas d'"objet" sans "sujet"): il s'agissait de justifier post mortem le "juste" injustement persécuté, accusé, humilié, supplicié, aux yeux des survivants et idéalement de ses bourreaux; ou d'un personnage admiré et reconnu de faire une figure éternelle (ainsi l'apothéose gréco-romaine des empereurs) -- en tout cas de l'ériger en image visible de tous, modèle pour les uns, confusion pour les autres (tout oeil le verra, et ceux qui l'ont transpercé; cf. aussi Sagesse 2 et 5). Il faut bien distinguer dans toutes ces visions de l'au-delà la fonction active ou subjective du "voir", qui existe aussi (p. ex. la contemplation de Dieu ou du châtiment des méchants, jouissances subjectives des "élus", même si la seconde au moins n'est plus à notre goût) et celle, passive ou objective, de l'"être vu" (soit: être justifié, glorifié aux yeux d'autrui, qu'on le sache ou non; cela on peut aussi bien le savoir par anticipation, par la "foi"). Voir (!) notamment ici. Le Christ (agneau, etc.) de l'Apocalypse est effectivement plus "passif" ou "objectif" qu'"actif" ou "subjectif" dans ce sens-là, c'est une figure qu'on voit plutôt qu'un acteur ou un agent d'action. D'ailleurs ça ne vaut pas que pour l'Apocalypse: le Christ ressuscité est vu dans les apparitions, mais surtout représenté, assis à la droite de Dieu, et ce qui agit désormais c'est l'Esprit...

En ce qui concerne le chapitre 14, on retrouve (p. 73 note 1) comme chez Prigent l'opposition de la "moisson" ("positive" ou concernant "l'Eglise") et de la "vendange" ("négative" et concernant le monde, les nations, etc.), qui me semble toujours gratuite. A ce propos, il semble que ce soit également un "ange" qui est décrit "comme un fils d'homme" et qui "moissonne" au v. 14 (cf. "un autre ange", allos angelos, au v. 15); même s'il s'agit d'une moisson "de l'Eglise" (concesso non dato), dans la tradition synoptique ce sont les anges qui rassemblent les élus...
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