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| Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 22 Mai 2024, 16:49 | |
| Premier livre des Chroniques
les deux livres des Chroniques sont issus du même milieu en Israël, probablement la classe des prêtres, et constituent un seul ouvrage. C'est comme une fresque monumentale, qui raconte à sa manière l'histoire du peuple de Dieu depuis ses origines jusqu'à l'exil à Babylone.
Cette histoire est racontée, non pas du point de vue d'un historien au sens strict, mais d'un théologien et d'un prédicateur engagé. Il utilise largement les sources qui lui sont antérieures, tout particulièrement les livres de Samuel et des Rois, mais les choix qu'il opère dans ses sources montrent bien quels sont les enseignements qui lui tiennent à cœur: Dieu seul doit gouverner le peuple d'Israël; les rois ne sont que ses serviteurs, chargés de représenter son autorité dans tous les domaines de la vie. A ce point de vue, David est le roi parfaitement fidèle: c'est lui qui a conquis Jérusalem, devenue plus tard la ville sainte grâce au temple; c'est lui aussi qui a dirigé la vie politique et organisé la vie religieuse d'Israël. Après la mort de ce roi modèle, l'auteur concentre son attention sur ses descendants, placés à la tête du royaume de Juda.
Le début de 1 Chroniques rappelle toute l'histoire d'Adam à David de façon très succincte, sous forme de listes généalogiques (chap. 1-9). La seconde partie du livre (chap. 10-29) est consacrée à l'histoire du règne de David, dont l'auteur a laissé de côté plusieurs épisodes: la jeunesse de David, sa vie errante, son conflit avec Saül, sa royauté de sept ans et demi à Hébron, l'épisode de Batchéba, la révolte d'Absalom, etc. Elle développe par contre tout ce qui conduisit David à prévoir et préparer la construction du temple de Jérusalem: le rapatriement du coffre de l'alliance, l'initiative malheureuse d'un recensement du peuple d'Israël et l'édification qui s'ensuivit d'un autel sur l'emplacement du futur sanctuaire, enfin l'organisation des diverses classes de desservants destinés à y officier: prêtres, lévites, chantres, portiers, etc.
https://www.interbible.org/interBible/ecritures/bfc/introductions/at_introductions/i_1chroniques.htm
1 et 2 Chroniques Chroniques Jean-Daniel Macchi
https://www.unige.ch/theologie/distance/courslibre/atintro2005/documents/25a.%20Chroniques.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 22 Mai 2024, 18:22 | |
| Je suis un peu surpris par la dernière remarque de Macchi: dire que le temple ressemble à une synagogue, ça me paraît anachronique et exagéré, à moins de se faire une idée très réductrice et caricaturale du temple, comme si son "service" se limitait aux sacrifices -- selon les clichés anti-sacerdotaux et anti-sacrificiels communs à de nombreux courants ultérieurs, hellénistiques, pharisiens ou chrétiens entre autres. Les sacrifices sont toujours présents dans le temple des Chroniques, mais ils ne sont qu'un aspect du "culte", où la prière et la bénédiction, la musique et le chant occupent une place tout aussi importante -- comme dans la plupart des temples d'ailleurs. Les Chroniques, avec beaucoup d'autres textes "sacerdotaux", confirment en tout cas que la prêtrise, contrairement à un préjugé anticlérical tenace, n'est pas le milieu le plus étroit, le plus borné, le plus rigoriste, le plus exigeant, le plus identitaire ou le plus exclusif... que représentent plutôt des textes "laïcs", du Deutéronome à Esdras-Néhémie (la qualification sacerdotale d' Esdras étant, comme on l'a vu, assez artificielle). A l'époque gréco-romaine l'aristocratie sacerdotale est en Judée l'un des milieux les plus hellénisés, les plus ouverts à l'étranger, après comme avant la crise maccabéenne. Ce n'est au fond pas étonnant puisque les "prêtres" de tous pays, ethnies, religions, font finalement le même "métier": les textes bibliques n'appellent d'ailleurs généralement pas ceux d'Israël, ou de Juda, autrement que les autres, qu'ils dépeignent souvent sous un jour favorable (Melchisédeq, Jethro, ou déjà le beau-père de Joseph). Les Chroniques n'insistent même pas outre mesure sur l'exclusivité du temple de Jérusalem (cf. p. ex. 2 Chroniques 33,17, après le "repentir" prêté à Manassé pour expliquer son long règne dans le cadre d'une rétribution individuelle stricte), et leur vision du "monothéisme" paraît plutôt inclusive (si l'on en juge par l'intégration des références à la Genèse et aux Patriarches). |
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 23 Mai 2024, 15:02 | |
| Les livres des Rois et des Chroniques : une même histoire ?
Il y a en effet des différences considérables entre les livres des Rois et les livres des Chroniques dans la présentation des rois de Juda. Qu’il suffise d’en nommer quelques-unes. Alors que les livres de Rois offrent une présentation synchronique des rois des deux royaumes (du nord et du sud), les Chroniques ne présentent que les rois du sud, après David et Salomon (et disent très peu sur Saül). La différence majeure est que les rois de Juda sont insérés dans le système sacerdotal et lévitique du deuxième temple, dans lequel la loi de Moïse a pris la première place. Le livre des Chroniques traduit une obsession pour le culte, les sacrifices, les chantres, les généalogies. On peut se référer aux commentaires pour de plus amples détails.
Comment évaluer ces différences? Il semble que la meilleure façon soit de regarder les journaux d’aujourd’hui (et oui! les journaux). Une nouvelle, un événement, un fait, contient un aspect objectif. Par exemple : un crime a été commis à tel endroit contre telle personne; un premier ministre a déclaré ceci ou cela devant telle groupe; une bataille a eu lieu entre deux groupes armés à tel endroit. Mais il faut aussi considérer l’aspect subjectif de l’événement, c’est-à-dire la façon dont il est reçu, évalué ou jugé. Ainsi, celui qui est d’accord avec la déclaration du premier ministre ne rapportera pas la déclaration de la même manière que celui qui n’est pas d’accord, voire de la même manière que celui qui y est totalement opposé. Si c’est le groupe armé soutenu par le journaliste qui a perdu la bataille, son article s’en ressentira, comme il s’en ressentira si le journaliste soutenait ceux qui ont vaincu. Ainsi, la même nouvelle pourra être rapportée par l’un comme une « grande victoire », par l’autre comme une « grave défaite », sans que ce jugement change quoi que ce soit à l’objectivité de l’événement.
C’est un peu la même chose qui se passe entre la façon dont les livres des Rois et les livres des Chroniques rapportent les événements liés à la période monarchique. Le plus ancien dans le temps, le livre des Rois, aurait été écrit soit à la fin de la période monarchique (vers 600 avant notre ère), soit plutôt au début de la période exilique (vers 550). Toutefois, il faut se garder de croire que les événements rapportés dans le livre des Rois soient nécessairement plus justes ou plus « historiques » parce que le livre qui les rapporte est plus ancien. En effet, les livres des Rois font partie de ce qu’il est convenu d’appeler « l’historiographie deutéronomiste ». C’est-à-dire que c’est l’école deutéronomiste (celle qui a écrit, entre autres, le livre de Deutéronome) qui est responsable de l’édition des livres. La présentation des rois est donc tributaire de la vision et de la théologie deutéronomistes. En d’autres termes, les livres de rois ne sont pas plus objectifs que les autres livres de la Bible dans leur présentation des faits. Si un premier regard permet de voir une présentation des rois selon un modèle standard (année du début du règne par rapport à l’autre royaume, âge, durée du règne), le jugement porté sur chaque roi est typiquement deutéronomiste. Les rois du royaume du Nord sont tous condamnés parce qu’ils n’ont pas été fidèles au temple de Jérusalem. Quant aux rois du royaume du sud, le seul critère de jugement est leur fidélité ou non à l’unicité du sanctuaire, à savoir le temple de Jérusalem. Ainsi, par pure hypothèse, un roi qui aurait promu la justice et le droit, développé l’économie et la paix, mais qui n’aurait pas été fidèle à l’unicité du sanctuaire et aurait laissé offrir des sacrifices dans les anciens sanctuaires, est jugé comme un mauvais roi. Au contraire, toujours par pure hypothèse, un roi qui aurait mené des guerres et exploité son peuple, mais qui aurait respecté l’unicité du sanctuaire, serait jugé comme un bon roi. Le modèle du bon roi, le roi par excellence, c’est David, auquel ses descendants sont constamment comparés. Le théologien deutéronomiste n’est pas plus objectif, même s’il y avait d’autres distinctions à faire. Cela dit, on croit généralement que, malgré ce jugement par rapport à une seule loi – promulguée d’ailleurs vers la fin de la période monarchique seulement – la présentation des livres de Rois est généralement fiable historiquement.
C’est un phénomène semblable qui se produit avec les livres des Chroniques. Le milieu et l’époque ont changé. L’auteur, qui a aussi écrit les livres d’Esdras et de Néhémie, est appelé le « chroniste ». On s’entend pour dire que son œuvre daterait des environs de l’an 450/400 avant notre ère, donc plusieurs décennies après le retour d’exil. Il entend présenter le retour d’exil et la reconstruction de la société sur de nouvelles bases. Quelles bases? La loi de Moïse, le culte lévitique du temple de Jérusalem, la théocratie. En effet, comme les exilés qui ont eu la permission de rentrer faisaient toujours partie de l’Empire perse, et donc que les dirigeants politiques étaient des fonctionnaires perses, les prêtres ont joué un rôle de premier plan dans la reconstruction postexilique. C’est un peu ce qui est arrivé au Canada français après la conquête anglaise au 18e siècle. Comme toutes les élites françaises sont rentrées en France, les prêtres se sont mis à jouer, de gré ou de force, un rôle plus que religieux de conservation et de reconstruction. Les Chroniques présentent donc l’époque ancienne comme celle dans laquelle ils vivent. Les rois de Juda sont présentés comme des hommes vivant dans la société théocratique de l’époque perse, dans laquelle le culte et l’observance de la loi de Moïse ont pris tant de place, une place qu’ils n’avaient pas auparavant. Si on lisait les Chroniques après le Pentateuque, qui adopte aussi cette attitude, on ne verrait pas de différences et on pourrait croire que la religion d’Israël a toujours été la même, sans changement ni évolution.
Le regard de l’un comme de l’autre sur les rois d’Israël est donc biaisé, voire injuste, pas complètement historique en tout cas. Car si le deutéronomiste (l’auteur ou l’éditeur des livres des Rois) juge les rois selon une loi qu’ils n’ont pas connue pour la plupart de leur vivant (et qu’ils auraient dû connaître, semble-t-il), le chroniste les présente comme de parfaits connaisseurs de la loi de Moïse et des promoteurs de la théocratie lévitique de l’époque postexilique. L’historien doit s’arranger pour découvrir la vérité historique entre ces deux présentations. Comme les évangiles synoptiques par rapport à l’évangile de Jean, on a affaire ici à deux présentations des rois selon deux idéologies, deux théologies et deux projets de société. Ce qui est extraordinaire, c’est que le canon biblique a gardé ces deux collections littéraires, comme il a gardé le Pentateuque (d’une façon différence, il est vrai) et les autres traditions bibliques.
https://www.interbible.org/interBible/decouverte/comprendre/2013/clb_130208.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 23 Mai 2024, 15:30 | |
| Le regard canadien (francophone) sur la question ne manque pas d'intérêt, et l'effort vulgarisateur est en soi louable, mais la comparaison anachronique au "journalisme" n'en est pas moins trompeuse: ni pour Samuel-Rois, ni pour les Chroniques, on n'a affaire à un "compte rendu d'événements", fût-il réduit à la consignation d'une "tradition" ancestrale. Ce n'est donc nullement une "histoire", même pas au sens ancien (grec) du terme, encore moins au sens moderne, et il y a à peu près autant d'"invention", de "création" ou de "fiction" dans les deux récits (Samuel-Rois et Chroniques). Ceux-ci n'avaient d'ailleurs pas vocation à coexister et à être comparés, le premier ne pouvant pas s'attendre à être "réécrit" et le second escomptant bien remplacer le premier, non se retrouver avec lui dans le même "canon" (éloignés dans l'ordre hébreu et pharisien dominant, rapprochés au contraire dans les "bibles" grecques et chrétiennes). D'autre part, comme indiqué précédemment (Macchi), les Chroniques et Esdras-Néhémie n'ont certainement pas le même "auteur", ils sont idéologiquement (presque) opposés -- en schématisant, probablement trop: pensée sacerdotale inclusive, pensée "laïque" exclusive. Enfin il n'y a certainement aucune "vérité historique" à chercher "entre les deux": l'"histoire" au sens moderne et "scientifique" se reconstitue, pour autant qu'elle le peut, sur d'autres bases, plus archéologiques que littéraires, et les textes traditionnels n'y contribuent plus que marginalement -- par exemple, quand les Chroniques témoignent d'un texte hébreu de Samuel-Rois distinct du texte (pré-)massorétique, attesté à Qoumrân et correspondant par ailleurs à la Septante, on peut effectivement avoir affaire à un matériau "plus ancien", mais celui-ci reste littéraire et ne devient pas "historique" pour autant. |
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Ven 24 Mai 2024, 12:29 | |
| La crémation dans la Bible ? La mort de Saül et de ses fils (1 S 31 ; 1 Ch 10)
LES FUNÉRAILLES DE SAÜL ET DE SES FILS (1 S 31 ; 1 Ch 10)
6Le chapitre 31 du 1er Livre de Samuel relate la dernière bataille à Guilboa entre les Philistins et Israël sous la conduite de Saül. L’auteur du récit ne s’intéresse guère à la description de la bataille qu’il dépeint globalement comme une déroute et un massacre d’Israël. C’est la mort de Saül et la destinée de sa dépouille qui se trouvent au centre de la narration. Les trois fils du roi sont tués au cours du combat. Se trouvant dans une situation sans issue et gravement blessé, Saül se jette sur son épée, se donnant ainsi la mort. « Le lendemain, les Philistins vinrent dépouiller les victimes. Ils trouvèrent Saül et ses trois fils gisant sur le mont Guilboa (v. . Ils coupèrent la tête de Saül et le dépouillèrent de ses armes. Ils la firent circuler dans le pays des Philistins, en annonçant la nouvelle dans leurs temples et au peuple (v. 9). Ils mirent les armes de Saül dans le temple des Astartés et clouèrent son corps sur le rempart de Bet-Shéân (v. 10) ». Après avoir appris cela, les habitants de Yabesh de Galaad « se mirent en route, marchèrent toute la nuit et enlevèrent du rempart de Bet-Shéân les corps de Saül et de ses fils. Revenus à Yabesh, ils les y brûlèrent (wayyîśerefû) (v. 12). Puis ils prirent leurs ossements (´aṣemōṭêhem), les ensevelirent sous le tamaris de Yabesh et jeûnèrent pendant sept jours (v. 13) ». Si au v. 9-10 l’action est centrée uniquement sur le sort du corps de Saül, le v. 12 indique que, sur le rempart de la ville, se trouvent clouées les dépouilles de nos quatre personnages. Toutes les quatre seront brûlées à Yabesh en Galaad. Les habitants de cette région, naguère sauvés par Saül de l’attaque des Ammonites (1 S 11, 1-11), témoignent ainsi de leur gratitude envers le roi. Le récit se termine par les funérailles de Saül et de ses fils, présentées de manière sommaire : leurs restes furent ensevelis sous l’arbre de tamaris et les habitants jeûnèrent pendant sept jours. La signification de ce geste inhabituel dans le contexte biblique n’est pas claire. Est-ce à cause de son incompréhension que, quelques siècles plus tard, dans sa relecture des événements, l’auteur des livres des Chroniques (1 Ch 10, 12) omet la mention de la crémation ? Sa version diverge en effet de celle de l’auteur deutéronomiste (dtr) du 1 S 31. Selon lui, les habitants de Yabesh « enlevèrent les corps (gūfāt) de Saül et de ses fils, les apportèrent à Yabesh, ensevelirent leurs ossements (´aṣemōṭêhem) sous le térébinthe de Yabesh et jeûnèrent pendant sept jours » (1 Ch 10, 12). Aucune référence à la crémation ne s’y trouve. De plus, si dans le récit dtr, compte tenu de la crémation, le passage du corps/cadavre aux ossements est une suite logique, ce même passage surprend dans la version des Chroniques. Comment les dépouilles se sont-elles brusquement transformées en ossements ? La suppression de la proposition ne fait pas de doute 21. L’épisode de la mort de Saül est d’ailleurs le seul événement de sa vie raconté dans les livres des Chroniques. Sa version diffère de celle présentée par le Premier Livre de Samuel et, contrairement à cette dernière, apparaît comme un récit isolé, placé de manière artificielle au début de l’histoire de David. La mort infâme de son prédécesseur infidèle marque un nouveau règne glorieux et exemplaire. Si aux yeux de celui-ci, l’idée du règne de Dieu est centrale, il se manifeste à travers le Temple de Jérusalem, réalisé surtout grâce à David, le souverain idéal. Il « est le seul vrai roi d’Israël ; son règne est le seul qui corresponde à la volonté de Dieu ». En tant qu’il est le double fondateur du royaume et du culte, le Chroniste lui réserve une place prépondérante. Tous les autres rois seront jugés par rapport à ce modèle. Le règne précédent, celui de Saül, n’est évoqué que brièvement. Comme le souligne F. Michaeli, cette dernière figure sert d’introduction à l’histoire de David. Par contraste, le Chroniste met en scène la fin tragique d’un souverain infidèle afin de souligner la grandeur de son successeur. Si l’aspect indigne de la mort de Saül était déjà présent dans 1 S 31, le Chroniste confirme son jugement en ajoutant deux éléments. D’une part, il donne une interprétation théologique et perçoit la fin tragique de Saül comme une punition divine : ainsi le premier roi d’Israël « n’avait pas consulté YHWH, qui le fit mourir » (1 Ch 10, 14). D’autre part, il ajoute au texte de 1 S 31 l’épisode du crâne de Saül cloué dans le temple de Dagôn (v.10 b). Dans l’ensemble le Chroniste dresse donc un portrait plus sombre de ce roi que l’auteur du Livre de Samuel. L’omission de l’incinération est-elle en accord avec sa théologie ?
https://journals.openedition.org/rsr/472?lang=it |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Ven 24 Mai 2024, 13:35 | |
| Le traitement spécifique des morts (enterrement, ensevelissement, tombeau, crémation, embaumement, selon les époques, les régions et les milieux sociaux) n'est absolument pas un enjeu dans les textes "bibliques" (hormis la honte ou la hantise générale d'être laissé sans aucune forme de sépulture), il ne le devient que dans des traditions juives ou chrétiennes ultérieures.
Etant donné le peu que les Chroniques retiennent des histoires de Saül (on saute directement de sa généalogie à sa mort, suffisamment expliquée par la non-consultation de Yahvé, 1 Chroniques 10,13s, jeu de mots sur Saül--sha'oul-she'ol = demander, interroger, consulter: même la nécromancie paraît accessoire), l'omission de la crémation, bien que narrativement maladroite, n'a pas forcément de motif "théologique" particulier. Rien n'empêche évidemment que le récit de Samuel-Rois, attaché à un lieu particulier (Galaad = Transjordanie), reflète une tradition funéraire locale.
Les Chroniques associent par ailleurs des rites du feu aux funérailles royales, même s'il ne s'agit pas d'"incinération" (pour Asa, qui pose par ailleurs un problème de "consultation" analogue à celui de Saül: il consulte les médecins au lieu de Yahvé, 2 Chroniques 16,14; pratique habituelle, selon 21,19, en tout cas pas réprouvée par les Chroniques; cf. le § 10 et les notes afférentes de l'article précité).
On peut remarquer au passage que les Chroniques s'attardent très peu sur les "fautes", non seulement des "bons" (de David on ne retient que le recensement, encore est-ce désormais la faute d'un satan ou de Satan à la place de Yahvé) mais même des "mauvais" rois... Le milieu "sacerdotal" n'est pas obsédé par le "péché", sinon par son aspect rituel (ht't au sens de "sacrifice pour le péché", qui n'est lui-même qu'un élément préliminaire du système sacrificiel tendant vers la "communion" ou l'"action de grâces"). Il insiste au contraire sur la repentance et le pardon (en les inventant au besoin, comme pour Manassé).
On retrouve avec les Chroniques un problème dont on a souvent parlé à propos des évangiles ou d'autres textes (plus ou moins) "parallèles": le "lecteur de la Bible" a tendance à "remplir" ce qu'il prend pour des "lacunes" dans les récits les plus courts avec le souvenir des plus longs. Effet inévitable de la "canonisation", contre lequel une lecture "critique" tente de se prémunir en soulignant les différences, ce qui est ajouté ou retranché d'un texte à l'autre -- mais c'est encore un effet de la "canonisation", car sans elle il n'y aurait rien à comparer. En somme il est très difficile de lire un texte "tel qu'il est", a fortiori tel qu'un "auteur" aurait voulu qu'il soit, sans le comparer à quoi que ce soit d'autre. |
| | | free
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 28 Mai 2024, 13:44 | |
| "Voici la liste des vaillants hommes de David. Yashobéam, fils de Hakmoni, qui appartenait à l'élite de la garde. C'est lui qui brandit sa lance sur trois cents hommes, qu'il transperça en une seule fois ... Abshaï, frère de Joab, était à la tête des trois. C'est lui qui brandit sa lance sur trois cents hommes qu'il transperça et qui se fit ainsi un nom parmi les trois. C'est lui qui a eu le plus de gloire parmi les trois de la deuxième série. Il fut leur chef ; mais il n'égala pas les trois" (1 Chroniques 11,11 et 20-21).
Une gigantomachie dans la Genèse ? Géants et héros dans les textes bibliques compilés
Christophe Lemardelé
19L’autre série de faits guerriers à la fin de ce livre ne semble pas avoir subi un même travail rédactionnel tant le texte de 2S 23, 8‑39 est en mauvais état. Seuls les versets 13 à 17 semblent être rédactionnels puisqu’ils font intervenir David dans un rôle tout aussi passif et inutile qu’en 2S 21. Cette fois, les héros israélites reçoivent le terme de gibbôrîm mais, là encore, il s’agit vraisemblablement d’une désignation extérieure au texte lui-même, donc plus tardive. En fait, le texte parle de šlš et de šlšym que la Septante traduit tout naturellement par « trois » (treis) et par « trente » (triakonta). Mais sans doute faut-il rapprocher ce terme de šlyš, traduit en grec par tristatês et désignant un soldat spécifique. Il est évident que le terme a quelque chose à voir avec, d’une part le chiffre trois, d’autre part la charrerie du fait des contextes dans lequel on le trouve. Cependant, les « héros de David » ne sont pas sur des chars, on pourrait donc en déduire que le terme leur fut appliqué a posteriori. À moins de penser que le šâlîš ne soit devenu un soldat de la charrerie à cause de l’adoption de cet équipement par le roi, mais tout en restant un soldat d’élite au service de celui-ci (2Rois 9, 24‑25). L’expression qui semble la moins contestable du texte est r’š hšlšy et est attribuée à deux héros : Ishbaal et Abishaï, « élite » des Shalishim (2S 23, 8 et 18). Ainsi, en parlant des « trois grands guerriers » (šelōšèt haggibōrîm) et en transformant le terme militaire šâlîšîm en simple šelōšîm, « trente », le rédacteur introduisant le texte a cherché à lui donner une cohérence qu’il n’avait probablement pas à l’origine. Il n’a sans doute pas fait que cela car la présence d’Abishaï et de Benayahou est douteuse, le premier intervenant beaucoup aux côtés de David dans des récits moins anciens, le second apparaissant dans les récits d’accession au trône de Salomon. Mais, quoi qu’il en soit de l’identité des héros et du sens originel du terme Shalish, les exploits conservés sont saisissants : Ishbaal fait neuf cents victimes en une seule fois (v. 8)59, « Abishaï » six cents (v. 18)60 et « Benayahou », quant à lui, frappe deux héros de Moab, tue un lion dans une citerne et abat un Égyptien probablement de grande taille et à armes inégales (vv. 20‑21). Contrairement à ce que l’on peut encore affirmer, les exploits de ce type ne peuvent être attribués à de simples soldats du roi David, ils sont bien plus les hauts faits de grands guerriers légendaires. D’ailleurs, les deux textes pouvaient ne pas être distincts à l’origine car Elhanan de Bethléem en 2S 21, 19, qui battit Goliath de Gat, se retrouve dans la liste des « trente » en 2S 23, 24, comme étant Elhanan fils de Dodo de Bethléem. Sans doute doit-on alors le restituer au verset 9 à la place d’Eléazar, auteur d’un exploit contre les Philistins et fils de Dodo lui aussi. Autrement dit, il pouvait y avoir un texte-source qui fut diversement utilisé ou, pour le moins, des traditions communes.
https://journals.openedition.org/rhr/7572 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 28 Mai 2024, 14:35 | |
| Sur l'article de Lemardelé, voir ici (12.2.2015), là (24.5.2023) et là (22.2.2024). L'extrait que tu cites (§ 19) concerne surtout 2 Samuel, mais on peut s'y tromper car 1 Chroniques 20 est cité au paragraphe précédent (§ 18, voir aussi la note 56 sur 1 Chroniques 11). L'hésitation sur les "trois" et les "trente" et le rapport aux chars (de guerre) s'expliquent, entre autres, par la représentation fréquente d'équipages de trois hommes, le conducteur, le combattant, archer ou lancier, et le "troisième (homme)" (déjà), en hébreu shalish (ordinal), tenant le bouclier (p. ex.). Toutefois le terme une fois technicisé dans le jargon militaire a bien pu changer de sens au fil des siècles et des contextes, et ne plus évoquer ni les chars ni même le nombre 3 (ou 30) mais devenir purement honorifique... Sur Abishaï et la symbolique des chiffres (remarquer les multiples de 3), voir aussi § 22; et comparer 1 Chroniques 2,16 (// 2 Samuel 2,18) et 18,12 à 11,20 (// 2 Samuel 23,18). En 11,11, on n'est pas obligé de comprendre "en une seule fois" ( b-p`m 'ht) au sens maximal de "d'un seul coup de lance", façon brochette (je ne veux voir qu'une tête, comme on disait à l'école ou à l'armée), ce peut très bien être "en un seul combat" ou "en un seul jour". Cependant les textes ne cherchent pas la vraisemblance (cf. 18,12, 18.000 morts d'un coup, même Netanyahou n'en est pas là; les Chroniques d'ailleurs montent volontiers jusqu'au million, 2 Chroniques 14,9...). L'un des cas les plus fameux de la valse des noms propres est bien sûr Goliath, tué tantôt par David (1 Samuel) tantôt par Elhanan (2 Samuel 21,19), de Bethléem (aussi); cf. §17ss. 1 Chroniques 20,5 résout la contradiction en faisant occire un " frère de Goliath" (Lahmi > Beth-Léhem) par Elhanan; l'astuce est d'autant plus remarquable que du point de vue des Chroniques elle est inutile, puisque l'épisode "David et Goliath" n'est pas retenu. Ce qui m'amène à nuancer ma remarque précédente: même si tout rédacteur, au sens franglais de re-writer d'un texte existant, espère bien que son oeuvre remplacera son modèle et/ou ses sources, il lui faut compter avec une concurrence générale des traditions (écrites ou orales) à laquelle une simple omission ne saurait mettre fin (quoi qu'il en soit des "canonisations" futures). --- Une autre remarque à faire sur l'aspect "sacerdotal" ou "clérical" des Chroniques, dont on parlait plus haut, c'est qu'il est lui-même assez ouvert, inclusif, peu porté sur la hiérarchie, s'intéressant autant à ce que dans d'autres contextes on aurait appelé "bas-clergé" (lévites, chantres, portiers, etc.) qu'aux "prêtres" et aux "grands prêtres" (le seul "grand prêtre" désigné comme tel est le Hilkiya associé à Josias, 2 Chroniques 34,9), autrement dit à l'aristocratie sacerdotale (ou au "haut-clergé"). Non seulement "prêtres et lévites" sont le plus souvent mentionnés ensemble, de façon quasi égalitaire, mais les "lévites" sont même valorisés par rapport aux "prêtres", par exemple dans les grands développements cérémoniels attribués au règne d'Ezéchias (2 Chroniques 29,34). D'autre part, malgré l'importance des généalogies l'ensemble se montre plutôt indifférent aux rivalités des clans sacerdotaux, incluant dans ses derniers développements celui des Maccabées-hasmonéens (Joiarib, qui change de place de 1 Chroniques 9,10 à 24,7; cf. 1 Maccabées 2,1), très contesté par d'autres (notamment à Qoumrân). |
| | | free
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 30 Mai 2024, 10:57 | |
| Le récit de la translation de l’arche d’alliance par David dans les Chroniques Refondation cultuelle de la royauté au profit des Asaphites Bernard Gosse L’arche d’alliance en 1 Ch 13,1-17,1 et la réinterprétation du 4e livre du Psautier : David fondateur du culte du temple, Asaph, Etân et Hémân promus chantres lévites En 1 Ch 13,1-17,1, la translation de l’arche d’Alliance est prétexte à une cérémonie présidée par David et Asaph, chantre lévite originaire du Nord, cérémonie au cours de laquelle sont repris partiellement et successivement les Ps 105 -106 et 96, alors que ceux-ci proposent des solutions à la disparition de la dynastie davidique constatée par le Ps 89. L’arche d’alliance joue un rôle fondamental dans ce processus de réinterprétation davidique, de même qu’en Ps 132,8-10 : « 8Lève-toi, vers ton repos, toi et l’arche de ta force. 9Tes prêtres se vêtent de justice, tes fidèles crient de joie. 10À cause de David ton serviteur, n’écarte pas la face de ton messie (mšyḥk)». Ce passage est du reste cité en 2 Ch 6,41-42. Toutefois, on relève, dans ce cas, le pluriel , qui renvoie aux prêtres qui sont avec les chantres lévites asaphites les grands bénéficiaires du processus. En 1 Ch 11-12, les Israélites du Nord transmettent la royauté à Davidqui conquiert Jérusalem. En 1 Ch 13, David décide de faire monter l’arche de Dieu (’rwn h’lhym) à Jérusalem. En 13,2 il fait appel aux prêtres et aux lévites qui ne sont pas mentionnés dans le parallèle de 2 S 6,2-11. Cette restauration de David en tant que fondateur du culte, lors du transfert de l’arche d’alliance à Jérusalem, profite aux prêtres et aux lévites. Le texte de 1 Ch 14 mentionne David à Jérusalem. En 1 Ch 15,1, David dresse une tente pour l’arche de Yahvé. En 1 Ch 15,2, l’« arche de Dieu », en début de verset, devient l’« arche de Yahvé (’rwn yhwh) » à la fin du verset. Ce point correspond au transfert de l’arche dans le royaume du Sud . Cette nouvelle appellation réapparaît en 15,3.12.14. Le caractère yahviste du sanctuaire de Jérusalem est souligné par le fait que la sagesse yahviste de Salomon, constructeur du temple, est présentée dans la Bible avec le même vocabulaire que celui associé au savoir-faire des artisans tyriens qui ont construit le temple. Ce point est particulièrement manifeste en 2 Ch 2,11-13 : « 11Puis il ajouta : “Béni soit Yahvé le Dieu d’Israël ! Il a fait les cieux et la terre, il a donné au roi David un fils sage (ḥkm), connaissant (ywd‘) le bon sens et l’intelligence (wbynh), qui va bâtir une maison pour Yahvé et une autre pour y régner lui-même. 12J’envoie aussitôt un homme sage (ḥkm) connaissant (ywd‘) l’intelligence (bynh). Huram-Abi 13fils d’une Danite et de père tyrien. Il sait (ywd‘) travailler l’or, l’argent, le bronze, le fer, la pierre, le bois, l’écarlate, la pourpre violette, le byssus, le cramoisi, graver n’importe quoi et concevoir des projets. C’est lui qu’on fera travailler avec tes artisans (ḥkmyk) et ceux (wḥkmy) de Monseigneur David, ton père” ». De même, les Asaphites originaires du Nord, qui occuperont la première place dans le service de l’arche introduiront le nom de Yahvé dans leurs psaumes. On relève dans les psaumes asaphites, le nom de Yhwh en Ps 50,1 ; 74,18 ; 75,9 ; 76,12 ; 78,4.21 ; 79,5 ; 80,5.20 ; 81,11.16 ; 83,17.19, et ’lhymen Ps 50,1.2.3.6.7.14.16.23 ; 73,1.16.28 ; 74,1.10.12.22 ; 75,2.8.10 ; 76,2.7.10.12 ; 77,2,4.14.17 ; 78,7.10.19.22.31.35.56.59 ; 79,1.9.10 ; 80.4.5.8.15.20 ; 81,2.5.11 ; 82,1.6.8 ; 83,2.13.14. Il ne s’agit pas d’emplois de complaisance du nom de Yahvé, mais d’un renvoi à des traditions bibliques yahvistes. Ainsi la mention de Yahvé en Ps 50,1 prépare 50,2 : « Depuis Sion, beauté parfaite, Dieu (’lhym) resplendit (hwpy‘) », ce qui transfère au mont Sion l’affirmation présente en Dt 33,2 : « Yahvé (yhwh) est venu du Sinaï. Pour eux, depuis Séïr, il s’est levé (wzrḥ) à l’horizon, il a resplendi (hwpy‘) depuis le mont ». La mention de Yahvé en Ps 74,18 correspond à la mention de l’outrage du nom en 74,10.18, en opposition à la bénédiction du nom de Yahvé en Ps 72,17-19. La présence du nom de Yahvé en Ps 76,12 correspond à des obligations cultuelles dans le temple de Yahvé à Jérusalem. La mention de Yahvé en Ps 78,4 renvoie au miracle de la mer mentionné en Ps 78,13 (voir Ex 15,2). En 1 Ch 16, les citations de psaumes sous la direction d’Asaph, nomment Yhwh en 16,7.8.10.11.14.23.25.26.28(2x).29(2x).31.33.34.36(2x), et ’lhym en 16,14 (« Yahvé notre Dieu ») ; 16,25 (« tous les dieux ») ; 16,26 (« dieux des nations ») ; 16,35 (« Dieu de notre salut »), soulignent que le Dieu d’Israël est Yahvé, à distinguer des « dieux » en général. Le passage au nom de Yahvé correspond donc au transfert de l’arche vers le temple yahviste de Jérusalem. En 1 Ch 15,25, on relève l’appellation l’« arche de l’alliance de Yahvé (’rwn bryt yhwh) », expression reprise en 15,26.28.29. La préparation de l’installation de l’arche de l’alliance de Yahvé dans le temple correspond au retour à une alliance davidique cultuelle, cette fois avec l’importance primordiale de l’arche, dans la continuité de l’alliance de Ps 89,4 à laquelle le Psautier avait substitué l’alliance avec les patriarches du Ps 105. Nous trouvons un résumé du processus lié au transfert de l’arche à Jérusalem dans l’appellation « l’arche de Dieu (’rwn h’lhym) » en 16,1 et en 16,4 : « David mit des lévites en service devant l’arche de Yahvé (’rwn yhwh) pour célébrer (wlhzkyr), glorifier (wlhwdwt), et louer (wlhll) Yahvé le Dieu d’Israël ». Les trois verbes qui définissent la mission des lévites se retrouvent dans les citations de psaumes qui suivent en 1 Ch 16,8-36 : zkr en 1 Ch 16,12.15 (citation du Ps 105,5. ; ydh en 1 Ch 16,8.34.35 (citations de Ps 105,1 ; Ps 106,1.47) et hll en 1 Ch 16,25.36 (citations de Ps 96,4 et du Ps 106,48). En 1 Ch 16,5, il est précisé que dans cette mission de louange, Asaph occupe la première place. Or Asaph est originaire du Nord comme l’arche d’alliance. Asaph est encore le premier cité au terme des citations de psaumes, en 16,37, notamment pour rester devant l’arche, alors qu’il est précisé en 16,40 qu’Hémân et Yedutûn (autre appellation, courante dans les Chroniques, d’Etân en 15,17 et Ps 89,1) s’en vont à Gabaon. Si les mentions d’Etân et Hémân jouent un rôle important dans le cadre d’une réinterprétation pro-davidique de Ps 105,1-15, en référence aux auteurs des Ps 88 et 89 (qui établissent un parallèle entre la fin de la vie humaine et la fin de la dynastie), dans le culte du temple il est précisé le rôle premier d’Asaph en tant qu’institué à cette place par David. En 1 Ch 16,6 on relève l’appellation « l’arche de l’alliance (bryt) de Dieu », ce qui prépare à une nouvelle interprétation de l’alliance de 1 Ch 16,15.17, qui est conclue avec les patriarches et leur descendance dans le parallèle de Ps 105,8.10, en substitution à l’alliance avec David de Ps 89,4. Or en 1 Ch 16,7 – « Ce jour-là David, louant (lhwdwt)le premier Yahvé, confia cette louange à Asaph et à ses frères » –, David se trouve réintégré dans l’alliance, en tant que fondateur du culte par l’acte du transfert de l’arche . Le rôle de musicien en chef d’Asaph est réaffirmé, et de même le culte Yahviste de Jérusalem. En ce qui concerne les citations de psaumes 105-106 puis 96, en 1 Ch 16,8-36, il faut relever que la citation du Ps 105 se termine par celle du Ps 105,15 en 1 Ch 16,22 : « Ne touchez pas à mes messies (bmšyḥy), à mes prophètes (wbnby’y) ne faites pas de mal ! ». Celle-ci est à rapprocher de 1 Ch 25,1 : « Pour le service, David et les officiers mirent à part les fils d’Asaph, de Hémân et de Yedutûn les prophètes (hnby’ym) qui s’accompagnaient de lyres, de cithares et de cymbales, et l’on compta les hommes affectés à ce service ». Cela correspond une nouvelle fois à la promotion des chantres lévites, à commencer par les Asaphites (cf. 1 Ch 15,17). L’arche d’alliance est mentionnée en 1 Ch 17,1, en tête d’un chapitre qui met en relation la construction du sanctuaire (byt) et la construction d’une lignée (byt) pour David le sillage de 2 S 7. Il s’agit d’un renouvellement de l’alliance avec David du Ps 89 dans la veine du Ps 132 , dans un cadre cultuel lié cette fois à la cérémonie du transfert de l’arche d’alliance au temps de David, et plus seulement au sanctuaire. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2017-4-page-721.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 30 Mai 2024, 12:19 | |
| Etude fort stimulante, naturellement conjecturale à la mesure de la précision visée par la thèse (c'est le jeu de la "recherche", qui au moins dans le champ "vétérotestamentaire" n'est pas un vain mot), mais qui a l'immense mérite de mener une comparaison rarement aussi bien suivie entre les Psaumes, su(per)scriptions incluses, et les Chroniques (Psaumes et Chroniques qui ouvrent et ferment, pour rappel, la toute dernière section du "canon" pharisien-rabbinique, les "Ecrits", ketouvim). Elle intéresserait grandement nos discussions sur les " messianismes", en faisant apparaître que les références "davidiques" ne sont pas forcément "royales", surtout pas d'une royauté opposable à la prêtrise comme dans le messianisme pharisien ultérieur. Pour les Chroniques et dans nombre de Psaumes, David et son "onction" ( mšh, mashiah, d'où "messie") se prolongent bien davantage dans le (Second) Temple, ses prêtres (oints) et son culte rituel (où la prière et le chant comptent autant que les sacrifices) que dans la succession dynastique des rois passés, d'Israël ou même de Juda -- lesquels ne valent d'ailleurs, pour les Chroniques, que par leur rapport au temple (de David-Salomon; plutôt que par leur rapport à la "loi de Moïse / Josias", comme dans Samuel-Rois). Bien sûr ce "messianisme"-là n'a rien d'eschatologique, puisque l'ensemble du culte s'inscrit dans la durée, liturgique et cyclique, indifférente à l'"histoire" et n'en espérant a fortiori aucune "fin" -- donc pas de Messie (fût-il sacerdotal) comme figure ultime. On notera en outre que la prêtrise au sens large (lévites, chantres, portiers) inclut des éléments ailleurs repérés comme "non israélites" (Héman, Etan-Jeduthun, etc., associés à Edom, comme "Yahvé" d'ailleurs), à l'instar des autres traditions de "prêtres non israélites" évoquées précédemment (Melchisédeq, Jethro, Genèse-Exode; Melchi-çédeq, qui se prolonge en Adoni-çedeq ou en Ts/çadoq dans la continuité d'un culte de Jérusalem "israélite" ou non, étant d'ailleurs le modèle par excellence du prêtre roi dans le Psaume 110 et ses suites), ou encore de la construction du temple même (de David-Salomon) par des "étrangers" (Phéniciens, Syriens) -- aux antipodes du rejet de la participation "samarienne" dans Esdras-Néhémie... On pourrait verser au même dossier la construction du temple sur le site d'Ornan-Aravna le "Jébusite" (2 Chroniques 3,1 -> 1 Chroniques 21 // 2 Samuel 24): le temple et son lieu (saint) importent plus que l'ethnie, la tribu, le clan ou la caste. Là encore, c'est une perspective inclusive, sinon universaliste, qui semble dominer, ce qui n'exclut pas que la prêtrise au sens large ait aussi été traversée par des tendances idéologiques contradictoires (les unes plus exclusives ou inclusives que les autres). ---- Parenthèse personnelle: quand je lis ce genre d'étude, je constate, sans surprise d'ailleurs, que les Chroniques sont parmi les textes "bibliques" que je connais le moins bien; parce que je les ai lues d'abord, banalement, comme des livres "historiques" et fastidieux, notamment par leurs généalogies, répétant Samuel-Rois en "moins bien" (les prétendues "lacunes", notamment narratives, où "manquaient" les morceaux les plus hauts en couleur, cycles de David ou d'Elie-Elisée p. ex.) et ne valant que parce qu'elles "ajoutaient" pour "compléter" les précédents... Et même beaucoup plus tard avec la NBS, ce sont les textes dits "historiques" (Samuel-Rois-Chroniques) dont j'ai le plus volontiers délégué l'annotation en fonction des contraintes et des collaborateurs disponibles, parce qu'ils m'intéressaient le moins. Mais rétrospectivement je vois bien l'intérêt qu'ils prennent, notamment par rapport aux Psaumes, dans la perspective de ce judaïsme (de la fin) du Second Temple qui constitue la toile de fond la plus proche du NT -- bien plus pertinente et instructive à cet égard que l'"histoire sainte" harmonisant indifféremment l'ensemble des textes de l'AT.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 30 Mai 2024, 13:57, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 30 Mai 2024, 13:48 | |
| Le livre des Chroniques comme œuvre littérairePhilippe Abadie2 – Des unités kérygmatiquesLa liaison déjà notée entre 1 Ch 10,14 (sbb) et 2 Ch 10,15 (nsbh) ressortit à l’inclusio, cet effet de répétition démarquant clairement les règnes de David et Salomon de ceux qui les précèdent (Saül) et leur succèdent (Roboam). Dès lors, le livre construit des modèles et des contre-modèles en lesquels Israël (et tout lecteur) est convié à lire sa propre fidélité (figure de la restauration) et infidélité (figure de l’exil).Tout aussi marquante est la double inclusion qui structure l’ensemble des chapitres 1 Ch 18-20 :18,1 « […] de la main (myd) des Philistins »20,8 « par la main (byd) de David et par la main (byd) de ses serviteurs ».18,1 « David battit les Philistins et il les abaissa » (kn‘)20,4 « [les Philistins] furent abaissés » (ht‘)À y regarder de près, l’auteur combine des matériaux divers, pris à 2 S 8,1 (= 1 Ch 18,1) et 2 S 21,22 (= 1 Ch 20,, mais l’intérêt réside dans la construction nouvelle qui en résulte. Les épisodes guerriers du roi, notamment ses victoires sur les Philistins et les Ammonites, reçoivent un éclairage tout autre que dans la source : le contexte n’est plus la naissance d’un empire, fut-ce au prix de l’adultère et du meurtre, mais selon 1 Ch 18,8 la construction à venir du Temple :« De Tibnat et de Koun, villes de Hadadèzer, David prit du bronze en très grande quantité, dont Salomon fit la Mer de bronze, les colonnes et les objets de bronze ».De fait, loin de distendre l’économie générale du récit centré sur le Temple, ces épisodes sont préparés de façon anticipative. Ainsi, toute mention du « repos » (nuah) sur les ennemis d’alentour (voir 2 S 7,1) est évacuée de la relecture de l’oracle de Nathan en 1 Ch 17,1 et les guerres de David s’inscrivent dans l’opposition structurante entre David « homme de guerre » (’is milhamôt, 1 Ch 28,3) et Salomon « homme de repos » (’is menuhah, 1 Ch 22,9) . S’explique encore la modification apportée à 2 S 7,11 en 1 Ch 17,10 :Si elle s’inscrit dans l’opposition déjà relevée qui fait du seul temps salomonien un temps de repos, la modification tend à faire aussi de la victoire remportée sur les Philistins un accomplissement de la promesse formulée ici, comme le montre la reprise inclusive du verbe kn‘ en 1 Ch 18,1 et 20,4. On perçoit alors avec quelle subtilité l’auteur use de ses sources au service d’une construction littéraire propre à son dessein théologique. Si David n’est pas le constructeur du Temple, il n’en reste pas moins sous l’effet de la bénédiction.https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2002-4-page-525.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Jeu 30 Mai 2024, 15:18 | |
| J'ai ajouté un dernier paragraphe, plutôt personnel, à mon post précédent avant de lire le tien et l'article d'Abadie (2002) qui me semble d'ailleurs aller en partie dans le même sens: la difficulté c'est de trouver un angle "sympathique" -- fût-il aussi anachronique que les angles "critiques" -- pour lire, comprendre et apprécier ce genre de texte.
L'opposition de "David (le "bien-aimé") homme de guerre" à "Salomon homme de paix (shalom)" est en effet soulignée par les Chroniques -- c'est la raison invoquée pour que David ne construise pas lui-même le temple, il n'y en avait aucune dans 2 Samuel, si ce n'est que Yahvé n'avait pas besoin de temple -- mais elle est aussitôt surmontée par l'union des deux dans le projet du temple (qui du coup n'est pas récusé en soi, bien au contraire): l'un désire, projette, prépare, organise, planifie, ce que l'autre réalise. Du côté "inclusif" ou "universaliste" dont on parlait précédemment, on peut aussi remarquer l'analogie des propos prêtés à Hiram-Houram et à la reine de Saba (§ 62s et les notes). L'ouverture de Salomon à l'étranger, ou à l'étrangère, ne lui est plus reprochée comme elle l'était par la narration (dite) deutéronomiste...
Au passage, on notera encore dans l'usage de la racine sbb (sans rapport avec Saba) qu'Abadie souligne (§ 12ss, cf. aussi § 26 et 30, début de ton extrait) entre 1 Chroniques 10,14 et 2 Chroniques 10,15 le glissement, caractéristique de l'hébreu tardif, du verbe au substantif "abstrait" (nsbh-nesiba, hapax), autrement dit de l'action au concept ou du récit à la pensée: de "tourner, détourner, retourner" au "tour" ou à la "tournure" (des événements, doit suppléer la traduction), c'est aussi une pensée mystérieuse du "destin", ou de la "providence", qui relativiserait ce qu'on a dit plus haut de la "rétribution". Certes les fautes sont punies et les bonnes actions, ou les repentances, récompensées plus individuellement et strictement que jamais, mais cela n'explique pas toute l'"histoire"... L'"oeuvre de Dieu, du dieu ou des dieux" comme dirait Qohéleth (ici aussi ha-elohim et sa tendance à l'abstraction, la divinité, le divin), échappe en dernière analyse à toute explication et à toute logique: ce que nous appelons fortuit, contingent, arbitraire, ce n'est foncièrement pas autre chose. On peut penser à la conclusion du "roman de Joseph" et de la Genèse (50,20): Dieu pense ou tourne en bien ce qui a été pensé, projeté, tramé, ourdi en mal; ou il écrit droit sur des lignes tordues, comme dit le proverbe espagnol... |
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Ven 31 Mai 2024, 14:49 | |
| Le conflit entre les Asaphites et les Coréites dans le Psautier et dans les Chroniques Si les chantres lévites Hémân et Etân sont mentionnés en 1 Ch 15,17.19, c’est donc en raison de la réinterprétation du Psautier opérée en 1 Ch 16. Pourtant, dans ces deux versets, ils sont cités conjointement avec Asaph. Ce dernier est de surcroît institué par David à la première place des chantres lévites pour la liturgie devant l’arche d’alliance en 1 Ch 16,7.37. En revanche, dès 1 Ch 16,41, Hémân et Yedutûn (nom substitué à celui de Etân) sont envoyés à Gabaon. Ainsi en 1 Ch 15-16, la première place, pour les chantres lévites, est donnée à Asaph. Dans le Psautier, les Ps 50 et 73-83 sont attribués à Asaph. Originaires du Nord (Ps 80,2-3) et intégrés comme réfugiés dans le sanctuaire de Jérusalem (Ps 79,1), ils se montrent préoccupés par l’avenir de la dynastie davidique (Ps 80,18). Cette préoccupation pour la dynastie est également celle du psautier élohiste (Ps 42-83). Or, la seconde partie du psautier coréite (Ps 84-85.87-88), à laquelle il faut ajouter le Ps 89, constate la disparition de la dynastie. Cette seconde partie réaffirme par contre la place du sanctuaire (Ps 84, , avec une ouverture universelle (Ps 87) et le messie de Ps 84,10 doit correspondre au prêtre oint en substitution du messie davidique. Si Asaph occupe dans les Chroniques la première place des chantres lévites, le sort des Coréites est très différent. Coré est présenté en 1 Ch 6,7 comme fils de Lévi et Hémân comme descendant de Coré en 1 Ch 6,18-22. Les Coréites apparaissent comme des portiers en 1 Ch 9,19 : « Shallum, fils de Qoré, fils d’Ebyasaph, fils de Coré, et ses frères les Coréites, de la même famille, vaquaient au service liturgique ; ils gardaient les seuils (hspym) de la tente, et leurs pères, responsables du camp de Yahvé, en avaient gardé l’accès (hmbw’) ». Les Coréites sont également présentés comme portiers en 1 Ch 26,1.19 . Toutefois, même dans les Chroniques, les Coréites apparaissent comme des chantres, notamment en 2 Ch 20,19 : « Les lévites – des Qehatites et des Coréites – se mirent alors à louer Yahvé, Dieu d’Israël, à pleine voix ». Cela correspond également aux attributions de psaumes à des Coréites en Ps 42-49 ; 84-85.87.88 La présentation par les Chroniques des Coréites comme portiers doit avoir un caractère polémique, en fonction du premier rôle joué par les Asaphites. La réponse des Coréites semble apparaître au Ps 87,1-2 : « 1Des fils de Coré. Psaume. Cantique. Sa fondation sur les montagnes saintes. 2Yahvé la chérit, préférant les portes (š‘ry) de Sion à toutes demeure de Jacob. » On peut raisonnablement y voir une allusion aux « portiers ». Le conflit de la hiérarchie du temple avec les Coréites apparaît encore en Nb 16-17 où cette fois il leur est dénié la prêtrise, bien qu’ils soient des descendants de Qehat (Nb 16,1), tout comme Aaron, Moïse et Myriam (1 Ch 5,27-29). Cette polémique entre Asaphites et Coréites doit concerner le fait que dans le Psautier les Ps 84-89 (psaumes coréites et alliés) constatent la disparition de la dynastie davidique alors que dans les Chroniques le premier rôle attribué à Asaph en tant que chantre lévite est présenté comme institué par David lui-même lors de la cérémonie du transfert de l’arche à Jérusalem. Dans la présentation de cette cérémonie par les Chroniques, les Asaphites ont récupéré Etân (Ps 89) et Hémân (88) pour justifier leur réinterprétation du Psautier en faveur de David et donc, finalement, en faveur du premier rôle de chantre lévite d’Asaph. La réhabilitation de David comme fondateur du culte du temple justifie la première place des Asaphites comme chantres lévites, à défaut d’un rétablissement de la dynastie en tant que telle. Ainsi, le Psautier nous présente un rôle des chantres lévites qui correspond à une époque antérieure à la régulation voulue par les Chroniques. Dans les psaumes 84-89, les Coréites, Hémân et Etân constatent la disparition de la dynastie davidique et posent la question de la continuation de la manifestation de l’amour (ḥsd) de Yahvé. Les psaumes 105-106 proposent des solutions en introduisant le rôle des patriarches, sans cependant ne jamais y intégrer la dynastie davidique. Dans les Chroniques, l’affirmation du pouvoir des chantres lévites asaphites, placés au premier rang, se fait en présence d’Hémân et d’Etân, appelés ainsi à cautionner la réinterprétation opérée dans le cadre du transfert par David de l’arche d’alliance à Jérusalem avec usage des psaumes 105-106. En revanche, les Coréites se trouvent réduits au rôle de portiers. Leur conception de l’ouverture universelle de Jérusalem et du temple se trouve ainsi rejetée. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2016-2-page-183.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Ven 31 Mai 2024, 15:49 | |
| Cette étude de B. Gosse (2016) complète utilement la précédente (cf. supra hier matin), qui était en fait ultérieure (2017)... La reconstruction historique paraît d'autant plus fragile qu'elle prétendrait remonter haut (à l'époque perse ou même pré-exilique) et que la rédaction des Psaumes, su(per)scriptions incluses, a certainement varié aussi longtemps que celle des Chroniques -- en Egypte et en grec autant qu'en Palestine et en hébreu, comme en témoignent les (nombreuses) variantes de la Septante. (Cf. les articles de Nodet que nous avons vus récemment sur d'autres textes, p. ex. Esdras-Néhémie [11.4.2024].) Cependant une thèse qui cherche à trop prouver, plus qu'elle ne le peut, fait toujours apparaître et remarquer des choses intéressantes au passage, dans les textes qui n'en sont pas autrement affectés. Conjecture pour conjecture, on pourrait aussi rapprocher Asaph de Joseph ( 'sp et ysp étant non seulement quasi-homonymes mais quasi-synonymes, avec une idée similaire d'ajout, d'addition, de totalisation, de somme, de rassemblement, de collection ou de recueil, qui vaut autant pour le Psautier que pour la somme "historique" des Chroniques, tous deux tardifs): Joseph associé autant au Nord d'Israël (Ephraïm, aussi à la Transjordanie par Manassé) qu'à l'Egypte au temps des bouclages éditoriaux et rédactionnels en tout genre (de la Genèse, de la Torah, des Chroniques ou du Psautier); Joseph qui n'est cité que dans les généalogies au début de 1 Chroniques (on peut l'imaginer "remplacé" par "Asaph" dans la suite), et qui figure aussi aux Psaumes 77, 78 (ici négativement quant au choix du lieu de culte), 80, 81 (jusqu'ici tous d'"Asaph" selon le TM) et 105 -- soit aux "livres" ou "collections" III (73--89) et IV (90--106)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 12:50 | |
| Les chiffres ou la présence Anne Lécu
Le second livre de Samuel au chapitre 24 nous rapporte une des mésaventures arrivées à David. Ce dernier avait voulu dénombrer son peuple : « Parcourez toutes les tribus d’Israël, de Dan à Beershéba, et faites le recensement du peuple, afin que je connaisse le chiffre de la population. » David pense que c’est Dieu lui-même qui lui a fait cette demande, comme il peut nous arriver de le croire, lorsque nous sommes très convaincus de nos lubies. Le texte biblique semble d’ailleurs le suggérer. Joab, son chef d’armée, bien qu’un peu surpris, s’exécute. En six versets, le compte est fait : il y a, en Israël, huit cent mille hommes capables de combattre et, en Juda, cinq cent mille. Mais, dès que les chiffres tombent, David n’est plus si sûr d’avoir bien fait, ou plutôt son cœur lui fait prendre conscience qu’il a fait là quelque chose de grave. « C’est un grand péché que j’ai commis ! Maintenant, Seigneur, daigne passer sur la faute de ton serviteur, car je me suis vraiment conduit comme un insensé ! » En régime biblique, compter, c’est mettre la main sur ce que l’on compte. L’arraisonner. Compter, c’est un peu comme disséquer : on dissèque rarement les vivants et, si on le fait, c’est un acte de barbarie et une torture. Séparer le tout en parties, en atomes, c’est risquer de dissoudre le tout. Ainsi, l’homme biblique ne mesure jamais son semblable, si ce n’est à l’heure de sa mort, quand il s’agit de lui trouver un tombeau à sa taille.
Nous autres modernes sommes loin de l’homme biblique. Nous avons appris des chiffres à en faire les coordonnées de notre monde. Nous comptons, nous évaluons, nous soupesons, nous mesurons. Nos statistiques sont nos oracles ; et nos chiffres, le texte où nous lisons l’avenir. Pourquoi pas ? Il ne s’agit pas ici de faire un procès antiscience qui serait mal venu. Mais la précision des chiffres et de ce qui se mesure, qu’il convient de ne pas omettre, est une rationalité parmi d’autres. Dans notre modernité évaluable et évaluée, quelle place pour ce qui ne se mesure pas, ne se pèse pas, ne se quantifie pas ? Quelle place pour le sentiment du temps qui passe, peu superposable aux horloges ? Quelle place pour la qualité de présence, la beauté du geste ou le ton de la voix ? Peut-être devrions-nous, comme David, éprouver un certain effroi devant l’inflation de notre rationalité mathématique et l’appauvrissement de notre rationalité symbolique ?
Trivialement, le texte biblique nous enseigne que David va être puni par là où il s’est fourvoyé : c’est en chiffres qu’est présentée l’expiation qu’il va devoir vivre avec son peuple. Le prophète Gad qui se fait le porte-voix du Seigneur lui présente le choix qui lui est offert : « Préfères-tu qu’il y ait la famine dans ton pays, pendant sept ans ? Ou bien fuir devant tes adversaires lancés à ta poursuite, pendant trois mois ? Ou bien la peste dans ton pays, pendant trois jours ? Réfléchis donc, et vois ce que je dois répondre à celui qui m’a envoyé. » Sept ans, trois mois, trois jours. Quelle étrange proposition ! Le choix est impossible. Alors David, dont on comprend l’angoisse, ne choisit pas un chiffre, mais une présence. Il choisit Dieu. « Je suis dans une grande angoisse… Eh bien ! Tombons plutôt entre les mains du Seigneur, car sa compassion est grande, mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! »
En choisissant Dieu, les yeux de David vont continuer de s’ouvrir. Il a déjà pris conscience que Dieu ne voulait pas qu’il décompte son peuple, il va découvrir que le véritable Dieu n’est pas celui qui lui envoie la peste, mais celui qui retient la main de l’exterminateur. David va percevoir la voix de Dieu à l’ange qui exterminait le peuple : « Assez, retire à présent ta main ! » (1 Chroniques 21,14-15). Après la fin du fléau, il achètera le champ où est apparu l’ange pour y faire un autel, qui semble se trouver au lieu même de Moriyya, là où Abraham a manqué de sacrifier son fils, et là où sera construit le temple de Jérusalem.
Les chiffres, lorsqu’on ne considère qu’eux, n’en finissent pas de nous aveugler sur le monde tel qu’il va. C’est d’entendre une autre voix, une autre parole qui peut nous sauver de l’arithmomanie. Où se cache cette parole ? À chacun de la guetter. Il se pourrait que ce soit dans les interstices de nos vies, dans le plus banal et le plus quotidien, là où se tient la chair, lorsqu’elle résiste aux puissances de dissection en s’offrant pour ce qu’elle est : une vie, donnée par Dieu, dont la vocation est de s’offrir dans des relations vivantes, non comptables, gratuites. Une vie humaine, une chair, un temple de l’Esprit, une sainte demeure où Dieu se tient.
https://www.cairn.info/revue-etudes-2019-3-page-91.htm
● Pourquoi le roi David commit-il un péché en ordonnant le dénombrement dont il est question dans II Samuel, chapitre 24 ?
Nous l’ignorons, car la Bible ne donne aucune précision à ce sujet. Toutefois, après réflexion, on se rend compte que Jéhovah ne fut ni injuste ni cruel dans sa manière d’agir.
Le récit déclare : “Et de nouveau la colère de Jéhovah s’échauffa contre Israël, quand on excita David contre eux, en disant : ‘Va compter Israël et Juda.’ Aussi le roi dit-il à Joab, chef des forces militaires, qui était avec lui : ‘(...) inscrivez le peuple, et, à coup sûr, je saurai le chiffre du peuple.’ Mais Joab dit au roi : ‘Que Jéhovah, ton Dieu, ajoute, oui, au peuple cent fois autant que ce qu’ils sont, pendant que les yeux mêmes de mon seigneur le roi le voient ! Mais quant à mon seigneur le roi, pourquoi a-t-il trouvé ses délices en cette chose ?’ Finalement la parole du roi prévalut sur Joab (...). Et le cœur de David commença à lui battre après qu’il eut ainsi dénombré le peuple. Aussi David dit-il à Jéhovah : ‘J’ai beaucoup péché en ce que j’ai fait.’” — II Sam. 24:1-10, NW.
Il n’était pas interdit en Israël de faire un recensement ou dénombrement. Peu de temps après la sortie d’Égypte, Dieu dit à Moïse de compter “les enfants d’Israël pour en faire le dénombrement”. Il s’agissait d’inscrire tous les Israélites mâles, aptes au service militaire, et de prélever sur chacun d’eux un impôt pour le service du tabernacle (Ex. 30:11-16 ; Nomb. 1:1-3). Un autre recensement eut lieu peu de temps avant l’entrée d’Israël en Terre promise. — Nomb. 26:1-4.
Étant donné ces faits, les commentateurs essayent d’expliquer de différentes manières pourquoi Jéhovah considérait comme un péché le recensement ordonné par David. Selon certains, David n’aurait pas prélevé l’impôt sur chaque Israélite mâle conformément aux instructions divines. Selon d’autres, le roi aurait fait preuve de faiblesse en voulant connaître la puissance de son armée au lieu de compter sur Jéhovah pour la victoire. Pour d’autres encore, David aurait cédé à l’orgueil et voulait se glorifier de l’importance et de la grandeur d’Israël.
Mais, comme nous l’avons déjà dit, nous ignorons pourquoi le recensement ordonné par David fut un péché. Son action était mauvaise, car ce fut Satan qui “se leva contre Israël, et (...) excita David à faire le dénombrement”. (I Chron. 21:1.) Même Joab, qui faisait parfois passer ses passions et ses ambitions avant ce qui était bien, désapprouva ce recensement. Nous lisons : “L’ordre du roi lui paraissait une abomination.” (I Chron. 21:6). Aujourd’hui, ces événements sont loin de nous, mais si les contemporains de David jugeaient son acte répréhensible, c’est qu’ils avaient sans doute de bonnes raisons de le faire. Souvenez-vous de l’aveu de David lui-même : “J’ai beaucoup péché en ce que j’ai fait.” — II Sam. 24:10, NW.
En châtiment, Jéhovah envoya trois jours de peste qui provoquèrent la mort de 70 000 Israélites (II Sam. 24:12-16). Était-ce juste que 70 000 innocents soient frappés à cause du péché du roi ? La Bible indique clairement que nous sommes tous des pécheurs dignes de mort ; c’est seulement grâce à la bonté imméritée de Dieu que nous vivons (Rom. 3:23 ; 6:23 ; Lam. 3:22, 23). Par conséquent, les Israélites qui périrent alors n’avaient aucun “droit” à la vie. De plus, aujourd’hui, peut-on affirmer que ces 70 000 victimes n’avaient pas commis un péché grave dont le récit historique ne parle pas ?
Considérons la conduite de Jéhovah à l’égard des hommes dans le passé. S’est-il contenté d’attendre que Caïn tue Abel, puis de le bannir ? Non, auparavant il l’avait mis en garde contre les mauvaises pensées qu’il cultivait (Gen. 4:2-16). Avant de détruire les hommes impies de Sodome, Jéhovah pourvut à un moyen de salut pour les innocents (Gen. 19:12-25). Par ailleurs, concernant les Israélites, Dieu, avant de les châtier, leur envoyait toujours ses serviteurs les prophètes pour les inciter à se détourner de leurs mauvaises voies. — Jér. 7:25, 26.
Tous ces exemples, et d’autres encore, soulignent les belles qualités de Jéhovah. Les Israélites avaient de bonnes raisons de le dépeindre comme “un Dieu prêt à pardonner, compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté”. (Néh. 9:17.) La conduite de Jéhovah est toujours en harmonie avec ce que Moïse et Élihu ont dit de lui : “Toutes ses voies sont justes ; c’est un Dieu fidèle et sans iniquité.” “Dieu ne commet pas l’iniquité ; le Tout-Puissant ne viole pas la justice.” — Deut. 32:4 ; Job 34:12.
Par conséquent, même si nous ignorons certains détails concernant le péché commis par David quand il ordonna le recensement et la peste qui en fut la conséquence, nous avons de bonnes raisons d’admettre que Dieu a agi avec justice et droiture, comme il l’a toujours fait dans ses rapports avec les humains imparfaits.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1969209 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 13:57 | |
| La question de "fond", théologique ou philosophique, du nombre (qui est aussi celle du nom commun, corollaire grammatical et logique de l'arithmétique, sans quoi il n'y aurait rien à compter) est importante, nous en avons souvent parlé; et fort bien posée par Anne Lécu, malgré la faiblesse de sa présentation "biblique": ni dans 2 Samuel ni dans 1 Chroniques il n'est question de la "subjectivité" ou de l'"imagination" de David, mais bien d'une incitation effective, que le pousse-au-crime soit Yahvé, un satan ou "Satan" (selon qu'on interprète l'absence d'article comme signe d'un indéfini ou d'un nom propre) -- soit le même ou non que le juge et le bourreau, pour autant que la " colère", qui peut être impersonnelle et supra-divine, est ici rattachée à Yahvé. Pour rappel, l'association du lieu du sacrifice (l'aire d'Aravna -> Ornan le "Jébusite") à l'emplacement du Temple, également rapproché de Genèse 22 par le toponyme Moriya, est une exclusivité des Chroniques, naturellement au centre de leur intérêt "sacerdotal" (au sens large: lévitique, liturgique, rituel). Dans le détail, de 2 Samuel à 1 Chroniques on passe aussi de 7 à 3 ans de famine pour la première proposition; le recensement reste inachevé dans les Chroniques, les nombres diffèrent, etc. L'explication ou la non-explication "morale" de la Watch (1969) est non seulement grotesque mais contradictoire (façon chaudron): avec le péché originel augustinien, devenu dans le jéhovisme "imperfection héréditaire", tout le monde "mérite" de mourir, et pourtant ne le "mérite" pas puisqu'il y a des "innocents" (relatifs), dont il faudrait expliquer la mort en leur inventant une "faute grave"... ce qui d'ailleurs n'est pas très loin du procédé habituel des Chroniques dans leur perspective de "rétribution", mais ici elles s'en passent, alors que dans les deux textes David lui-même pointe l'"injustice" de la chose. C'est l'occasion de remarquer que la "rétribution" des Chroniques, qui ne montrent aucune perspective d'"au-delà", vise moins à indemniser les victimes qu'à punir les coupables; à la limite elle se soucie plus de récompenser le coupable puni et repenti (de David à Manassé) que de faire quoi que ce soit pour les victimes innocentes (jusqu'au Zacharie de 2 Chroniques 24 qui, confondu avec le Prophète, servira de toile de fond aux Synoptiques selon un [proto-]canon de la Genèse aux Chroniques, "depuis le sang d'Abel jusqu'au sang de Zacharie", Matthieu 23,35 // Luc 11,51)... |
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 15:02 | |
| Pourquoi le diable ? Jean-Claude Aguerre
Le patronyme majeur du diable est, sous forme personnifiée ou adjectivale : Satân. Or, ses occurrences dans l’Ancien Testament sont moins fréquentes qu’on ne pourrait le supposer. En tant que personnalité distincte, il n’apparaît finalement que cinq fois dans l’Ancien Testament, trois occurrences majeures, et deux plus mineures. Les trois importantes sont : Job (Jb1-6), Zacharie (Za3-2) ainsi que le Premier Livre des Chroniques (1Ch21-1).
*****
Le troisième texte qui met Satân en scène est le Premier Livre des Chroniques. Il apparaît cette fois sans article défini, il s’agit bien d’un nom propre, d’une personne exerçant librement sa volonté sans subordination à une entité supérieure. Le Premier Livre des Chroniques relate le dénombrement (interdit) des enfants d’Israël.
« Satân se dresse contre Israël. Il incite David à dénombrer Israël » (ICh21-1).
La suite du livre décrit les fléaux que cela engendra. L’intervention diabolique semble ici clairement attestée. David suit le tentateur et mandate Joab pour le dénombrement, lequel s’en acquitte, certes avec répugnance, mais communique à David le chiffre des enfants d’Israël et de Judée. Cette fois, le diable a bien été Diable. Cependant, on pourra faire une troublante constatation : le récit du dénombrement des enfants d’Israël figure une seconde fois dans l’Ancien Testament, dans le Deuxième Livre de Samuel (2S24-1). Mais dans ce livre, ce n’est plus Satân qui incite au dénombrement interdit, c’est Dieu lui-même !
« La narine de ihvh continue de brûler contre Israël. Il incite David contre eux et dit : Va dénombrer Israël et Iehouda. »
Les deux textes sont pratiquement identiques dans les deux livres. Là où Satân serait bien le Diable, apparaît une ambivalence avec Dieu ! On ne sait plus qui est qui !
https://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2018-1-page-197.htm?ref=doi
2 SAMUEL 24.1 : QUI A POUSSÉ DAVID À FAIRE LE DÉNOMBREMENT D'ISRAËL ET DE JUDA ?
Il n'y a pas de difficulté linguistique dans ce passage (24.1a) : l'antécédent du verbe וַיָּסֶת est יְהוָה - autrement dit, Jéhovah est le sujet du verbe.
Le problème vient d'un passage parallèle, qui semble contradictoire :
2 Samuel 24.1 : La colère de l'Eternel s'enflamma de nouveau contre Israël et il excita David contre eux en disant: "Vas-y, fais le dénombrement d'Israël et de Juda."
1 Chroniques 21.1 : Satan (ou: un adversaire) se dressa contre Israël (וַיַּעֲמֹד שָׂטָן עַל־יִשְׂרָאֵל) et il excita David à faire le dénombrement d'Israël.
Voilà pourquoi certaines traductions - qu'elles soient dérangées par l'apparente contradiction ou qu'elles choisissent d'éclaircir le sens pour leur supposé ignorant lectorat - délaissent le texte au profit de son interprétation :
» TMN : La colère de Jéhovah s’enflamma de nouveau contre Israël, quand on excita David contre eux, en disant : “Va, dénombre Israël et Juda.”
» Martin : Or la colère de l`Éternel s`embrasa encore contre Israël ; parce que David fut incité contr'eux à dire : Va, dénombre Israël et Juda.
» Ostervald : La colère de l'Eternel s'alluma encore contre Israël, et David fut incité contre eux, et il dit : Va, fais le dénombrement d'Israël et de Juda.
» Perret-Gentil : Et de nouveau la colère de l'Eternel s'alluma contre les Israélites et excita David contre eux, en suggérant: Va, fais le recensement d'Israël et de Juda !
» Genoude : Et la fureur du Seigneur s'alluma de nouveau contre Israël, parce que David dit : Va, compte Israël et Juda.
» New World Translation : And again the anger of Jehovah came to be hot against Israel, when one incited David against them, saying: “Go, take a count of Israel and Judah.”
» Holman Christian Standard Bible : The LORD's anger burned against Israel again, and it stirred up David against them to say: "Go, count [the people of] Israel and Judah."
» Young's Literal Translation : And the anger of Jehovah addeth to burn against Israel, and [an adversary] moveth David about them, saying, 'Go, number Israel and Judah.'
» Ancient Roots Translinear Bible : Yahweh's emotion flared more at Israel, for David persuaded them saying, "Go, enumerate Israel and Judah."
» Brenton (traduction de la LXX) : And the Lord caused his anger to burn forth again in Israel, and [Satan] stirred up David against them, saying, Go, number Israel and Juda.
Les procédés sont divers : le recours à l'impersonnel (TMN, NWT), le passif (Martin, Ostervald), l'ambiguïté (Perret-Gentil, HCSB), ou encore l'absence de traduction, voire la manipulation du texte (Genoude, Young, ARTB, Brenton).
Pour ce qui concerne la tournure impersonnelle, il n'y a pas d'équivalent exact au "on" français en hébreu biblique. Quand un locuteur souhaite évoquer un sujet indéfini, il procède de différentes manières (cf. Waltke-O'Connor, pp. 70-71, 384 : Gesenius §144 d sq. ; Joüon §155 b sq. ; Philipps §446) :
- en utilisant un verbe actif à la troisième personne du masculin singulier (cf. Genèse 11.9),
- en utilisant un verbe passif à la troisième personne du masculin singulier (cf. Exode 10.5, Genèse 4.26),
- en utilisant un verbe actif à la troisième personne du masculin pluriel (Genèse 29.2, 2 Samuel 2.32, 1 Rois 22:37), tournure la plus fréquente,
- et en utilisant un verbe au participe (cf. Jérémie 38:23).
Mais cela n'est valable que si l'antécédent est absent, inconnu ou indéfini, ce qui n'est pas le cas en 2 Samuel 24.1.
https://www.areopage.net/VersetsDifficiles_2Samuel_24_1.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 15:24 | |
| Didier Fontaine (2010 ?), sur la traduction de 2 Samuel 24, se montrait honnête, ce qui augurait mal de ses relations avec la Watch, s'il en avait encore... si mes souvenirs sont bons, il a depuis critiqué tout aussi fermement la révision de la NWT/TMN, ce qui n'a pas dû arranger les choses.
Le texte d'Aguerre, psychanalyste, n'a en revanche aucune pertinence exégétique (qu'il se réfère à Chouraqui est en soi un symptôme amplement suffisant): comme expliqué maintes fois, l'absence d'article en 1 Chroniques 21 peut être signe de nom propre (= Satan) OU d'indéfini (un satan, un adversaire, un ennemi, n'importe qui); la Septante traduit d'ailleurs diabolos sans article (un diviseur, diffamateur, calomniateur), contrairement à ce qu'elle fait dans Job et Zacharie (ho diabolos, le diviseur, diffamateur, calomniateur). Il est tout à fait possible que "Satan" soit devenu nom propre dans les Chroniques, mais si tel est le cas c'est un cas unique dans l'AT, et ce n'est pas l'appellation dominante de l'"anti-Dieu" dans la littérature juive extra-biblique pré-chrétienne (Mastéma, Béliar, etc.): il n'est assurément pas nom propre dans Job, ni dans Zacharie, où c'est toujours, avec l'article, le "titre de fonction" d'un "fonctionnaire de Yahvé", procureur, avocat général, témoin à charge contre un serviteur suspect (Job ou Josué-Jésus). Cette fonction judiciaire est par contre tout à fait absente de 1 Chroniques où le "satan", ou "Satan", est devenu incitateur du "mal", autrement dit "tentateur" (comme dans le NT). (J'avais écrit jadis un assez long article sur le sujet, mais il semble avoir tout à fait disparu d'Internet...) |
| | | free
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 15:49 | |
| 6. Mentions dans les Chroniques
Individuellement, à l’occasion de tel événement advenu à certains des leurs, les noms des tribus sont ensuite sporadiquement mentionnés. Mais leur histoire commune, celle des Douze, est terminée.
Toutefois, les premiers chapitres du livre des Chroniques contiennent des généalogies des ancêtres, depuis Adam. Nous y trouvons donc une liste des « noms des fils de Israël » :
Liste 17 (1Chroniques 2, 1)
L Ruben L Siméon L Lévi L Juda L Issachar L Zabulon B Dan R Joseph R Benjamin B Nephtali Z Gad Z Aser
Cette liste est différente des précédentes. Elle aurait une logique certaine (la suite L R B Z) si Dan n’avait été « promu », un peu comme Gad l’a été dans certaines autres listes : voir les n°7 et 12.
Laissons de côté, peut-être à tort, les généalogies un peu confuses distribuées ensuite, et notons un dénombrement opéré par David : « Et voici le dénombrement des chefs des hommes équipés pour l’armée, qui vinrent rejoindre David à Hébron, pour lui transférer la royauté de Saül, suivant l’ordre de Yahvé :
Liste 18 (1Chroniques 12, 25-38) :
fils de Juda 6.800 Siméon 7.100 Lévi 4.600 Benjamin 3.000 Ephraïm 20.800 ½ tribu de Manassé 10.000 Issachar 200 Zabulon 50.000 Nephtali 1000 + 37.000 Dan 28.600 Aser 40.000
L’apparition ici de Lévi est aberrante puisque les Lévites ne combattent pas, et parce qu’on voit Ephraïm et Manassé . En même temps, cette aberration, que les rédacteurs ultérieurs ont préservée, est intéressante, et il est préférable de la mentionner.
https://shs.hal.science/halshs-02925526/document |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 04 Juin 2024, 16:18 | |
| François Jacquesson semble plutôt spécialiste des langues indiennes que des langues bibliques... Le verbe mnh pour recenser, dénombrer, compter (penser toujours au mené, mené... de Daniel 5), repris en 1 Chroniques 21 (et 27,24) de 2 Samuel 24, n'est employé nulle part ailleurs dans les Chroniques pour des dénombrements humains: en 1 Chroniques 9,29 il s'agit de la nomination des préposés aux trésors du temple; en 2 Chroniques 5,26, négativement, des sacrifices trop nombreux pour être comptés. Cela n'empêche pas, bien sûr, que les listes numériques des Chroniques (comme celles de Samuel-Rois, ou des Nombres) supposent des dénombrements (plutôt fictifs que traditionnels), mais elles ne les nomment pas comme tels et n'en font pas le récit. Comme on l'a vu maintes fois (encore dernièrement ici, 25.3.2024), le schème des "Douze tribus" est artificiel, aussi bien dans la Torah que dans les Chroniques, il ne correspond en tout cas à aucune réalité ethnique, géographique ou politique dans toute la période du Second Temple. |
| | | free
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| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 05 Juin 2024, 10:43 | |
| Peut-on parler de messianisme dans l'œuvre du chroniste ? - ANDRE CAQUOT - (Article très fouillé qui nous offre "une comparaison entre quelques textes clés de Samuel-Rois et leurs parallèles dans les Chroniques").
Si, compte tenu de la présence de Yaddua' à la tête du clergé, nous plaçons la rédaction de l'œuvre du Chroniste tout au début de l'époque grecque, avant même la mort d'Alexandre le Grand, c'est-à-dire entre -332 et -323, nous trouvons la situation historique la mieux susceptible d'expliquer le dessein apologétique de l'auteur. Comme l'écrit H. Cazelles : « On sait que les généalogies du livre semblent mener jusqu'à l'époque grecque. De fait, c'est à l'époque grecque que cette tentative du Chroniste s'explique le mieux. En face de l'hellénisme... un renforcement du groupe autour de la liturgie du Temple paraissait s'imposer. » L'arrivée triomphale du Macédonien, couronnant la pénétration insidieuse de l'hellénisme déjà en cours aux temps achéménides en Asie occidentale, contraignait les peuples de l'Orient à une prise de conscience plus ou moins douloureuse. Dans un livre des plus suggestifs, intitulé The King Is Dead 1, l'historien américain Samuel K. Eddy a étudié les manifestations de la résistance intellectuelle et spirituelle des peuples orientaux soumis au défi de la culture grecque et de la conquête macédonienne. Il montre comment l'humiliation des anciens empires passés sous l'autorité du maître venu d'Occident s'exprime dans des légendes glorifiant leur passé national et tentant de hausser leurs rois d'autrefois au-dessus des héros grecs et du dernier d'entre eux, Alexandre le Grand. Tel était le but de la légende de Sémiramis dans les Babyloniaca de Ctésias, de la légende de Nabuchodonosor dans les Chaldaica de Bérose. Sans aucun doute, on ne peut mettre les Chroniques juives sur le même plan que ces textes ; on n'y trouve aucune trace d'animosité contre les Grecs, pas plus que les documents grecs du début du IIIe siècle parlant des Juifs (Hécatée d'Abdère, Théophraste) 2 ne révèlent d'hostilité à leur égard. La situation des Juifs vis-à-vis des Grecs n'était du reste pas comparable à celle des Egyptiens ou des Perses : ce n'est pas un empire juif que les phalanges macédoniennes avaient ruiné. Néanmoins les Chroniques représentent peut-être un correspondant juif de ces légendes orientales forgées pour compenser le sentiment d'infériorité éprouvé en face des Grecs par les ressortissants des anciens empires. Correspondant plus sobre, plus discret, mais qui a lui aussi pour but de rendre le public indigène conscient de la grandeur de son passé. Dans la littérature orientale répondant au défi de l'hellénisme, le motif de la royauté nationale occupe, selon S. K. Eddy, une place importante, et souvent des accents apocalyptiques ou « messianiques » s'y font entendre (le Bahman Yasht et les oracles d'Hystaspe pour l'Iran, l'« oracle du potier » pour l'Egypte). L'auteur des Chroniques n'aurait-il pas eu la même intention : célébrer la grandeur passée de la royauté d'Israël et communiquer, à mots plus ou moins couverts, l'espoir de sa restauration La lecture la plus superficielle des Chroniques révèle, dit-on, une idéalisation de David. Mais les Chroniques ont-elles voulu célébrer la gloire du premier roi d'Israël pour suggérer qu'un jour sa dynastie remonterait sur le trône Autrement dit, le « davidisme » des Chroniques est-il un messianisme ?
La question n'a été posée que par des exégètes relativement récents. J. Wellhausen qui s'est tant penché sur les Chroniques n'en souffle mot dans ses Prolegomena : les Chroniques avaient attiré son attention surtout à cause des incidences de leur ritualisme dans le problème de la législation sacerdotale du Pentateuque. Etudiées pour elles-mêmes, les Chroniques posaient d'abord la question de leurs « sources » et de leur valeur documentaire pour l'histoire de la monarchie judéenne. Ce n'est que lorsqu'on a commencé à s'intéresser à la théologie des ensembles historiques que les idées du Chroniste sur David ont été envisagées systématiquement. Le commentaire de J. Rothstein et J. Hänel (1927) est, à ma connaissance, un des premiers à mettre en tête de son introduction un exposé de la théologie du Chroniste et à déclarer que « la venue du David de la fin des temps et du royaume messianique devait être un des vœux les plus ardents du Chroniste » ". G. Von Rad dans son Geschichtsbild des chronistischen Werkes (1930), puis M. Noth, dans ses Überlieferungsgeschichtliche Studien de 1943, ont fait du messianisme un élément capital de l'idéologie du Chroniste : David est idéalisé ; « il occupe le trône de la royauté de YHWH sur Israël », comme il est dit à I Chroniques 28 :15, et c'est là une expression propre à l'ouvrage ; le Chroniste insiste là-dessus parce que la monarchie davidique conserve à ses yeux une signification pour le temps présent : la prophétie de Nathan est éternellement valable, donc il viendra encore un davidide, le Messie, et le Chroniste peut être appelé un gardien de la tradition messianique ; le roi à venir sera à l'image de David, unissant l'exercice de la royauté et la direction des affaires du culte ; l'élection de David et l'alliance davidique tiennent dans les Chroniques une place plus grande que l'élection d'Israël et l'alliance sinaïtique ; l'élection de Jérusalem, chère au Deutéronomiste, y est un simple corollaire de celle de David. Le grand bibliste israélien Y. Kauffmann présente un point de vue très voisin : le Chroniste, dit-il, s'attache à illustrer trois institutions juives qu'il tient pour fondamentales et dont l'importance ne pouvait que croître aux yeux des Judéens exilés à Babylone, ce sont le Temple, la ville sainte et la monarchie ; le début de l'époque perse a vu le rétablissement des deux premières, la troisième sera également restaurée, et avec elle « la royauté de YHWH sur Israël » sera restituée dans sa totalité. Pour la défense et l'illustration du messianisme des Chroniques, nous renverrons enfin au travail d'A. Noordtzij et à toute une série d'articles récents, d'A. Brunet *, D. N. Freedman », W. F. Stinespring 2, R. North 3. Le point de vue opposé a pour avocat W. Rudolph 4, selon lequel il ne peut y avoir de messianisme dans les Chroniques puisqu'il n'y a pas d'eschatologie ; le Chroniste accepte l'autorité perse, et son « davidisme » est seulement un corollaire de son cléricalisme et de son zèle pour le culte.
https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003%3A1966%3A16%3A%3A460 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 05 Juin 2024, 11:36 | |
| Caquot est toujours intéressant, même si ça commence à dater (1965-66): ce qui paraît rétrospectivement son principal défaut, c'est qu'il considère comme acquise l'unité d'Esdras-Néhémie et des Chroniques, en dépit d'idéologies opposées (voir supra Macchi p. ex.); d'autre part il n'a visiblement pas eu le temps d'entrer dans la comparaison du texte des Chroniques avec ceux de Samuel-Rois dans les manuscrits de Qoumrân (découverts à peine dix ans plus tôt) et la Septante (cf. la "note additionnelle" à la fin de l'article). Néanmoins beaucoup de ses remarques restent pertinentes, et quant au "messianisme" sa conclusion rejoint fermement Rudolph mentionné dans ton extrait: il n'y a effectivement pas de messianisme parce qu'il n'y a pas d'eschatologie. A quoi on peut maintenant ajouter, notamment avec les articles de Gosse cités précédemment, que le "davidisme" même et son "onction" (mšh, mashiah, d'où "messie") sont entièrement captés par le service du Temple qui doit se prolonger perpétuellement, sans aucune perspective de "fin". D'un point de vue sacerdotal c'est en effet la royauté éternelle de Yahvé sur l'univers qui compte, renouvelée rituellement comme le suggèrent de nombreux psaumes (Yahvé règne !), bien mieux représentée par un ou des "oints" sacerdotaux (grand prêtre et par extension toute la prêtrise) que par le roi "laïc" d'un royaume particulier (Israël ou Juda).
Par ailleurs, il est tout à fait juste de dire que les Chroniques témoignent indirectement d'un rapport très favorable à l'hellénisme, qui ne laisse rien augurer de la crise maccabéenne... On peut certes estimer (cf. p. 111, le paragraphe précédant ton extrait) que les références généalogiques à la dynastie sacerdotale des hasmonéens (clan de Yehoyarib ou Joïarib) sont des ajouts tardifs dans le texte des Chroniques, mais même dans ce cas elles supposent que la "crise" n'ait pas fondamentalement changé l'attitude globalement "philhellène" de la caste sacerdotale ou cléricale: d'ailleurs même les Maccabées étaient moins anti-Grecs ou anti-hellénistiques qu'anti-Syriens ou anti-séleucides, en réaction spécifiques aux "réformes" du règne d'Antiochos IV; en témoignent les rapports cordiaux de leurs successeurs hasmonéens avec Sparte ou l'Egypte lagide, et même avec Rome... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 05 Juin 2024, 15:35 | |
| Qui a incité David à dénombrer le peuple d’Israël? Nous lisons en 2 Samuel 24:1: “Et de nouveau la colère de Jéhovah devint ardente contre Israël, quand on excita David [ou: “quand David fut excité”, Traduction du monde nouveau, édition anglaise à références, note] contre eux, en disant: ‘Va, fais le compte d’Israël et de Juda.’” Mais ce n’est pas Jéhovah qui poussa David à pécher, puisque 1 Chroniques 21:1 déclare: “Alors Satan [ou: “un opposant”, note] se leva contre Israël et incita David à dénombrer Israël.” Dieu était mécontent des Israélites; aussi a-t-il laissé Satan le Diable provoquer ce péché parmi eux. C’est la raison pour laquelle 2 Samuel 24:1 laisse à penser que Dieu lui-même a causé cet événement. Du reste, la traduction anglaise de Joseph Rotherham dit: “ La colère de Yahweh s’enflamma contre Israël, de sorte qu’il toléra que David soit excité contre eux, en disant: ‘Va, fais le compte d’Israël et de Juda.’” https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1992520 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mer 05 Juin 2024, 16:09 | |
| Ben voyons... (Zemmour semble être déjà assez passé de mode pour que je récupère cette expression de ma jeunesse, qu'il avait indûment accaparée: Goscinny, Gotlib, etc.) La Watch et les autres apologètes ou apologistes bibliques ne pensent jamais, quand ils collectionnent les "contradictions apparentes" et leurs "solutions" supposées, à la règle mathématique, statistique et probabiliste, qui ruine d'avance leurs explications: même à supposer (généreusement) que chaque harmonisation proposée ait une chance sur deux d'être juste, ou exacte, la probabilité que toutes le soient tend dangereusement vers zéro (1/2 x 1/2 x 1/2...). Sur la traduction de 2 Samuel 24 Didier Fontaine a dit l'essentiel (cf. supra hier): le "on" de la TMN est injustifiable. Mais je remarque, à y regarder de plus près, que si la dernière révision de la NWT américaine (2013) n'a rien changé ("one" peut avoir un sens indéfini comparable à "on", et pas seulement le sens numérique de "un = 1"), la TMN française (2018) est passée de "on" à "quelqu'un", ce qui est encore pire... en tout cas ça ne change rien aux Chroniques. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les Livres des Chroniques - Histoire et Théologie Mar 11 Juin 2024, 16:07 | |
| LE TEMPLE DE JÉRUSALEM par Hervé Tremblay, OP Collège dominicain de philosophie et de théologie, Ottawa
2.1 David et Salomon
C’est ce sanctuaire confédéral que David installe à Jérusalem, sa nouvelle capitale, après avoir libéré l’arche des mains des Philistins (2 S 6). La capitale politique qu’il vient de conquérir sera également le centre religieux de tout Israël (2 S 5,6-12 // 1 Ch 11,4-9). Ainsi, de même qu’il a entrepris d’organiser sa monarchie à la façon des royaumes contemporains, il songe aussi à moderniser et à unifier le lieu de culte traditionnel ; après s’être construit un palais, il veut édifier un temple à YHWH. Noter dès le départ l’ambiguïté du temple, édifié juste à côté du palais royal, donc lié à lui de quelque manière. Selon 2 S 7 et 1 Ch 17, David avait voulu construire, pour y abriter l’arche d’alliance, un édifice comparable à sa propre demeure ; mais Dieu lui aurait fait savoir par le prophète Nathan que cette construction serait seulement effectuée par le fils qui lui succéderait sur le trône (2 S 7,12-13). Cette réaction s’explique doublement. Pour le peuple d’Israël, le sanctuaire idéal demeure le tabernacle du passé, qui rappelle explicitement le séjour au désert (2 S 7,6-7). Ensuite, le culte authentique du Dieu unique ne s’accommode pas d’une copie servile des cultes païens, dont les temples prétendent à une sorte de mainmise ou contrôle magique sur la divinité et sont souillés par des pratiques idolâtriques ou immorales. Si l’on en croit 1 Ch 22,1, David avait décidé que l’autel des holocaustes du futur temple serait celui qu’il avait dressé sur l’aire achetée à Ornân le Jébuséen (1 Ch 21,18-28) ou Arauna le Jébuséen (2 S 24,18-25) située sur le mont Moriyya (2 Ch 3,1).
Cependant, dès le règne de Salomon, le projet de David se réalise sans qu’aucune opposition prophétique se manifeste (1 R 5,15–7,51). La religion de YHWH est désormais assez forte pour s’enrichir des éléments que lui offre la culture cananéenne sans être infidèle à la tradition du Sinaï. C’est celle-ci, en effet, qui s’affirme avec force dans le temple : l’arche d’alliance en est le centre (8,1-9), et le sanctuaire de Jérusalem prolonge ainsi l’ancien lieu de culte central des tribus. D’ailleurs, en y manifestant sa gloire au sein de la nuée (1 R 8,10-13), Dieu signifie visiblement qu’il agrée ce temple comme la demeure où il « fait habiter son nom » (8,16-21). Certes, il n’est pas lié lui-même à ce signe sensible de sa présence : les cieux ne sauraient le contenir, à plus forte raison une maison terrestre (1 R 8,27 ; Is 66,1-2). Mais pour permettre à son peuple de le rencontrer, il a choisi cette demeure dont il a dit : « Mon nom est là » (8,29). Désormais, sans rendre encore caducs tous les autres sanctuaires d’Israël, le temple de Jérusalem sera le centre du culte de YHWH.
L’emplacement du temple est important. À la fois le point le plus élevé de Jérusalem (symbolique de la montagne) et juste à côté du palais royal.
Du temple de Salomon, ou premier temple, aucun vestige n’a été identifié. Selon la description de 1 R 6-7, la splendeur de ce temple aurait moins tenu à ses dimensions qu’à sa décoration. Pour l’essentiel, c’était un bâtiment oblong, orienté d’est en ouest avec son entrée à l’est. Il comportait trois pièces en enfilade : l’Ulam (vestibule ou portique) séparant le temple proprement dit de son parvis, le Hékal (appelé plus tard le Saint, la Demeure) qui était la grande salle du culte, et le Debir (le Saint des Saints), partie la plus sacrée, où reposait l’arche d’alliance. Dans le Hékal se trouvait notamment la table d’offrande pour les « pains de propositions » et l’autel des parfums. Quant à l’autel des holocaustes, il était devant le temple proprement dit (1 R 8,64 ; 2 R 16,14) ; cf. 2 Ch 8,12). Deux colonnes de bronze, du nom de Yakîn et Boaz, flanquaient l’entrée du vestibule. Pour réaliser ces constructions, Salomon utilisa les services du roi de Tyr Hiram (1 R 5,15-32 ; 2 Ch 2,2-15), qui lui fournit notamment le bois provenant des forêts du Liban, et du personnel qualifié, en particuliers comme maître d’œuvre, Hiram. Il n’est donc pas étonnant que les plans et l’ornementation de ce temple se soit inspirés de ceux des temples phéniciens.
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