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| Le culte de YHWH au temps de Jésus | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 16 Juin 2015, 13:02 | |
| Détail: je ne suis pas du tout d'accord avec l'équivalence "nom = personne", qui me semble un résidu de rabâchage irréfléchi, dans un texte de qualité au demeurant.
Que les textes "bibliques" accordent plus d'importance et de "signification" au mot, au concept et à l'idée de "nom" que des textes modernes, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Mais nous ne pouvons pas compenser cette différence en traduction ou en commentaire par l'ajout d'une autre notion (d'ailleurs anachronique), comme celle de la "personne", qui est pour nous complètement distincte et indépendante (puisqu'on peut penser la même "personne" sous un autre "nom", ou plusieurs "personnes" qui ont le même "nom"). Quand on dit šem en hébreu ou onoma en grec (biblique), on ne pense pas autre chose que šem ou onoma: c'est toujours à (ce que nous appelons) un nom qu'on pense, même si on y pense un peu autrement que nous pensons d'ordinaire à un "nom". De sorte qu'à mon sens il vaut mieux laisser l'usage du texte biblique "informer" par lui-même le lecteur de l'"excès" du "nom" par rapport à l'usage habituel du français (p. ex.), excès qui est plutôt de connotation que de dénotation, plutôt "affectif" que sémantique (au sens aussi où le "nom", sans être rien d'autre qu'un "nom", est affecté d'un surcroît de "valeur" ou de "vertu", de "pouvoir" et de "puissance"), que de chercher à le remplacer ou à le compléter par un autre mot qui non seulement ne signifiera pas du tout la même chose, mais ne produira pas non plus le même effet. Le lecteur régulier d'une traduction classique de la Bible comprendra parfaitement ce qui y est dit du "nom" de Yahvé ou de Jésus, on ne peut que l'embrouiller inutilement en lui disant "le nom c'est la personne"; et si l'on remplace le "nom" par autre chose (comme parfois dans les bibles dites "à équivalence dynamique"), c'est le thème même du "nom", avec ses relations intertextuelles qui sont ici essentielles (quant au "passage" de l'AT au NT notamment), qui disparaît tout à fait. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 18 Juin 2015, 12:26 | |
| - Citation :
- Le lecteur régulier d'une traduction classique de la Bible comprendra parfaitement ce qui y est dit du "nom" de Yahvé ou de Jésus, on ne peut que l'embrouiller inutilement en lui disant "le nom c'est la personne"; et si l'on remplace le "nom" par autre chose (comme parfois dans les bibles dites "à équivalence dynamique"), c'est le thème même du "nom", avec ses relations intertextuelles qui sont ici essentielles (quant au "passage" de l'AT au NT notamment), qui disparaît tout à fait.
Il me semble que nous avons déjà abordé ce thème du NOM. Quand Paul affirme, " Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé", cela soulève la question suivante : Quel est ce NOM ? Même question concernant Ph 2, (quel est ce NOM ?) : " Dieu ... lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom". (Idem pour le livre des Actes). L'Apocalypse indique le NOM de l'agneau est ineffable (19,12), donc la question ne se pose pas. qui est au-dessus de tout nom". Concernant l'expression de Jn 17, " ton nom que tu m’as donné", Narkissos avait fait ce commentaire : - Citation :
- En ce qui concerne la prière johannique dite "sacerdotale" (Jean 17), je ne suis pas tout à fait satisfait par l'identification courante (je la trouve aussi dans la note de la Bible de Jérusalem) du "nom" manifesté ou révélé (v. 6, 26) à la simple appellation "Père", pour plusieurs raisons:
- d'abord parce que dans le contexte immédiat le "nom" en question est donné au Fils (v. 11-12). Or dans le quatrième évangile, le "Père" et le "Fils" sont toujours distincts, même s'ils sont "un" (10,30) et que celui qui a "vu" l'un a "vu" l'autre (14,8s). Le retour du Fils au Père est une "élévation" -- "car le Père est plus grand que moi" (14,28). Jésus sur terre révèle le Père mais ne se présente jamais comme Père. "Père" fonctionne mal comme nom donné au Fils. - ensuite parce que dans cet évangile les "Juifs" (c.-à-d. les ennemis) prétendent aussi avoir Dieu pour "Père" (8,41); même si Jésus conteste cette affirmation, il ne semble pas que pour l'auteur l'idée d'appeler Dieu "Père" résulte, en soi, d'une révélation particulière. S'il fallait à tout prix trouver un contenu à ce "nom" donné au Fils j'irais plutôt le chercher du côté du égô eimi, "moi, je suis", l'affirmation divine énigmatique tirée de la Septante du deutéro-Isaïe (41,4; 43,10 etc.) et que Jésus, régulièrement, fait sienne (8,24.56 etc.). Mais ce n'est pas, à proprement parler, un "nom". En somme il me semble que là aussi, quoique de façon tout à fait différente que dans le Notre Père, le "nom" fonctionne comme un signifiant vide. Ici plutôt à la façon d'une métaphore -- comme le sont dans le même évangile tantôt la lumière, la vie, l'eau, le pain, la vérité, l'esprit; métaphores qui peuvent se substituer les unes aux autres au fil du texte sans jamais se laisser définir ni enfermer dans un sens "propre".
https://etrechretien.1fr1.net/t226p3-matthieu-69-comment-le-comprenez-vous |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 18 Juin 2015, 16:40 | |
| Tous les cas sont différents, et souvent plus profondément qu'ils ne paraissent à première vue: 1. Dans Romains 10, il est tout à fait clair (sauf dans la TMN !) que kurios désigne Jésus: si tu confesses Jésus Seigneur, tu seras sauvé, CAR le même est Seigneur de tous, (et) CAR "quiconque invoque le nom de Seigneur sera sauvé". Mais cela laisse encore place à une compréhension sensiblement différente de l'argument, selon que le lecteur-auditeur sait ou ne sait pas que le mot kurios (sans article) dans la citation (de Joël) est le substitut d'un "nom sacré" de Dieu. - S'il ne le sait pas, a) la citation fonctionne tout au plus (à supposer qu'elle soit seulement comprise comme citation, sans guillemets ni "il est écrit") au titre de simple "preuve" formelle, scripturaire, de l'affirmation: c'est vrai parce que c'est écrit. - S'il le sait, b) elle implique une (étape, ou un étage, de) révélation supplémentaire: dans la confession de Jésus (comme) "Seigneur", il y va de l'invocation du "nom sacré" de Dieu qui sauve. Imaginons, suivant la démarche exégétique classique, un tout premier cercle de destinataires à Rome, manifestement mixte; on pourrait préciser: majoritairement "pagano-chrétien", minoritairement "judéo-chrétien", d'après le rapport de force qui ressort du chapitre 14 (celui qui est attaché à l'observance de la Loi est à considérer avec sollicitude -- et non sans condescendance -- comme un "faible", qu'il convient de protéger; ce qui signifie, d'une part, que ce n'est pas prioritairement à cette "catégorie" que le texte s'adresse, d'autre part que celle-ci n'est pas en situation d'imposer ses vues; cf. a contrario Galates). La réception du texte y sera passablement différente d'un individu à l'autre, selon le degré de familiarité de chacun avec le "judaïsme". Notons cependant que pour accéder à la compréhension (b), la plus "profonde" si l'on veut, il ne suffit pas d'être juif, pas même d'être familier des textes de la "Bible grecque"; il faut être informé de ce qu'il y avait, en hébreu, derrière le kurios du texte grec. Autant dire que cette compréhension n'était accessible, dans le meilleur des cas, qu'à une petite minorité des destinataires. J'ajouterai une question qui paraîtra peut-être provocatrice, mais dont la réponse ne me semble pas aller de soi: l'"auteur" en faisait-il seulement partie ? A mon sens, l'ensemble du corpus paulinien, qui désigne régulièrement Jésus comme kurios, dans son texte "propre" comme dans ses citations, ne donne guère de signes d'une conscience particulière d'un (autre) nom "derrière" kurios (tout comme p. ex. sa façon d'employer Khristos comme nom propre ne se réfère jamais à l'"onction" d'un "Messie" = Oint; les rares références à une "onction", khriô, khrisma, sont plutôt dérivées de khristos). Ce qui ne veut pas dire qu'une telle conscience n'ait pas joué un rôle essentiel, mais il me semble qu'elle l'a plutôt joué en amont du paulinisme, dans l'émergence même de ce culte de Ièsous Khristos Kurios que "Paul", de toute évidence, n'a pas inventé. Du reste, l'association du nom de "Jésus" au concept de "salut", qui fonctionne approximativement en grec à la faveur d'une assonance fortuite ( Ièsous - sôzô etc.), remonte probablement plus loin encore, à un contexte sémitique où le rapport entre Yeshoua` et yš`, sauver, est un rapport de sens évident (cf. Matthieu 1,21, tu l'appelleras du nom de Jésus, CAR c'est lui qui sauvera... -- texte de prédilection des tenants du "Matthieu hébreu", comme de bien entendu, mais le problème qu'il pose est beaucoup plus vaste que celui de l'origine d'un texte particulier, s'il s'agit de l'association "Jésus-salut" omniprésente, quoique de façon habituellement plus souterraine, "sédimentée", dans le christianisme primitif; cf. Actes 4,12 etc.). 2. Le cas des Actes (si tu te réfères à la même citation de Joël 3,5 en Actes 2,21) est encore différent, car contrairement à Romains il n'y a pas là de contexte rhétorique qui impose de façon aussi contraignante l'identification de kurios à Jésus. Celle-ci reste néanmoins probable, vu l'emploi des mots "nom" ( onoma, cf. v. 38; 3,6.16; 4,7.10.12.17s.30 etc.) et "Seigneur" ( kurios, cf. v. 25,34,36; 1,6.21; etc.) dans le contexte immédiat et l'ensemble de l'œuvre; incertaine quand même, parce qu'il y a quelques contre-exemples (où kurios ne désigne pas Jésus, p. ex. 3,20), et que la citation (plus longue) est (aussi) convoquée pour d'autres motifs (l'effusion de l'Esprit et ses effets). 3. Dans Philippiens 2, la référence précise du "nom" est ambiguë: "Jésus", "Seigneur", ni l'un ni l'autre comme le pense Bovon, ou bien tout cela à la fois, par l'excès ou la transcendance d'une sorte de "face cachée" du nom sur tous les noms effectivement invoqués ? Là encore, rien n'indique que ce soit clair dans l'esprit de "l'auteur", qui d'ailleurs semble bien (ré-) citer ici aussi, mais cette fois un texte (hymne ?) (proto-)chrétien. 4. Dans Apocalypse 19, ce qui est remarquable et presque comique, c'est l'accumulation de "noms" ( onoma) clairement énoncés autour de ce "nom que personne ne connaît" (la Parole -- logos -- de Dieu, v. 13; Roi des rois et Seigneur des seigneurs, v. 16, "nom écrit" comme celui du v. 12). L' effet de "révélation paradoxale" (la révélation qui n'épuise pas le secret) est indéniable (le "nom" est dit et écrit, sous la forme de plusieurs "noms", et il n'est pourtant pas dit), mais dans quelle mesure est-il "voulu" par un "auteur" ? 5. En ce qui concerne Jean 17, je me permets de rappeler ce que j'avais écrit en 2009, juste après la portion de post que tu as reproduite ci-dessus: - Citation :
- Un autre texte intéressant à l'arrière-plan de cette idée du nom "donné" est Exode 23,21, où Yhwh dit de l'"ange" qui conduira Israël en Terre promise "mon nom est en lui" ("sur lui" pour la LXX). Justin Martyr y verra Josué = Jésus (nom identique en grec: Ièsous) identifié au logos dans la droite ligne de Philon.
La référence à Justin renvoyait au chapitre 75 du Dialogue avec Tryphon: - Citation :
- Moïse publie dans le livre de l'Exode, et toujours d'une manière mystérieuse, que Jésus-Christ est le nom même de Dieu, ce nom qui ne fut révélé ni à Abraham, ni à Jacob [c.-à-d. YHWH, cf. Exode 6,3], et dont nous avons le secret. C'est ainsi qu'il s'exprime:
« Dieu dit à Moïse : Voilà que j'enverrai mon ange devant vous, afin qu'il vous précède et vous garde en votre voie, et qu'il vous introduise au lieu que je vous ai préparé. Respectez-le, et écoutez sa voix et ne le méprisez point, car il ne vous pardonnera point parce que mon nom est en lui.» Par qui vos pères ont-ils été introduits dans la terre promise? N'est-ce point par celui qui fut surnommé Jésus [Ièsous = Josué] et qui s'appelait auparavant Ausès [= Hoshéa = Osée, cf. Nombres 13,16] ? Réfléchissez et vous comprendrez que Jésus fut aussi le nom de celui [YHWH] qui dit à Moïse : « Mon nom est en lui. » Il s'appelait encore Israël [autre nom du logos chez Philon], surnom qu'il donna à Jacob. On désigne sous le nom d'anges et d'apôtres [termes synonymes au sens d'"envoyés"], les prophètes qui sont envoyés pour porter ses ordres, ainsi que nous l'apprenons par ces paroles d'Isaïe : « Envoyez-moi, Seigneur [suppléé par la traduction: pas de kurios ici dans le texte]. » Or, n'était-il pas le grand prophète, le prophète par excellence, celui qui reçut le nom de Jésus? S'il a pu se montrer sous tant de formes [comme "l'ange du Seigneur"] à Abraham, à Jacob, à Isaac [à Moïse, faute de la traduction], ainsi que nous le savons, pouvons-nous un moment douter ou refuser de croire qu'il ait pu naître d'une vierge et se faire homme, pour se conformer à la volonté de son père, surtout quand une multitude de passages nous prouvent que ce mystère s'est accompli comme tant d'autres, en vertu de la même volonté ? Sur Josué = Ièsous, voir aussi Siracide 46; Philon, De mutatione nominum, 121; Tertullien, Adversus Iudaeos, 9. L'un des développements les plus admirables à mes yeux de l'idée johannique, qui définit le "nom donné" par la relation Père-Fils (père et fils étant des noms relationnels et relatifs: on est père parce qu'on a des enfants, fils parce qu'on a des parents, père pour ses enfants et fils pour ses parents; d'autre part la notion même de "nom" et de "dé-nomination" n'a de sens que dans une relation, qui suppose un minimum de différenciation, d'altérité dans l'identité, d'autre dans le même), se lit dans un texte "gnostique" du IIe siècle, connu d'Irénée ( Adversus Haereses III,xi,9) et retrouvé en deux traductions coptes à Nag Hammadi, l' Evangile de vérité: - Citation :
- (...) Maintenant, le Nom du Père est le Fils. C’est lui qui au Commencement donna nom à celui qui provient de lui, qui est lui-même, et il l’enfanta comme Fils. Il lui donna le nom qui était le sien. C’est à lui, le Père, qu’appartient tout ce qui est auprès de lui. Le Nom est sien, le Fils est sien. Celui-ci, il est possible de le voir. Le Nom, en revanche est invisible. Car il est le mystère même de l’Invisible parvenant aux oreilles qui en sont entièrement remplies grâce au Fils. C’est que le Nom du Père n’est pas exprimé, mais il est révélé dans un Fils. Ainsi, comme le Nom est grand !
Aussi, quel est celui qui peut lui attribuer un nom, le grand Nom, si ce n’est celui à qui le Nom appartient, et aux Fils du Nom en qui se reposait le Nom du Père et qui en retour se reposaient eux-mêmes dans son Nom. Dans la mesure où le Père n’est pas venu à l’existence, lui seul a pu l’enfanter pour lui comme Nom, avant même de disposer les éons, afin que le Nom du Père soit établi au-dessus de leurs têtes, comme Seigneur. C’est en effet le Nom véritablement ferme dans ses prescriptions, et dont la puissance est absolue. Or, le Nom n’est pas constitué de vocables, et son Nom ne correspond pas non plus à des désignations, mais il est invisible. Lui-même se donna un nom, puisqu’il se voit lui-même, c’est donc lui seul qui est capable de se donner un nom. Car celui qui n’existe pas n’a pas de nom. Comment donc pourrait-on nommer celui qui n’existe pas ? En revanche, celui qui existe, existe avec son nom et se connaît lui-même, en sorte qu’il se donne un nom à lui-même : c’est le Père. Son Nom est le Fils. Par conséquent, ce n’est pas sous la chose qu’il l’a dissimulé, mais il existe : le Fils lui-même exprimait le nom. Le nom est donc bien celui de Père tout comme le Nom du Père est le Fils, son intimité. Car autrement, où pourrait-il trouver un nom si ce n’est auprès du Père ? Mais, très certainement, quelqu’un dira devant son camarade : qui ira donner un nom à celui qui lui préexiste ? Car enfin, les enfants ne reçoivent-ils pas leur nom de leurs parents ? Avant tout, il nous faut réfléchir à la question : qu’est-ce que le Nom ? C’est le Nom qui existe réellement. Ce n’est donc pas le nom que l’on reçoit de son Père, car c’est lui qui existe comme Nom propre. Par suite, ce n’est pas sous forme de prêt qu’il a obtenu le Nom, contrairement aux autres, en fonction de la configuration selon laquelle chacun est agencé. Celui-ci est le Nom propre. Nul autre ne le lui a donné. Bien plutôt, il est innommable, il est indéchiffrable jusqu’au moment où l’a énoncé celui-là seul qui est parfait. C’est lui qui peut dire son nom et peut ainsi le voir. Or, lorsqu'il lui plût que son Nom chéri soit son Fils, c’est alors qu’il donna le Nom à celui qui sortit des profondeurs. Celui-ci divulgua ses secrets, car il sait que le Père est sans malice. S’il l’a proféré, c’est précisément pour qu’il parle du Lieu, à savoir de ce lieu de repos d’où il vient, et pour glorifier la Plénitude, la grandeur de son Nom, ainsi que la douceur du Père. (...) ____ En relisant rapidement ce fil, je m'aperçois qu'il n'y a pratiquement pas été question, contrairement à ce qu'annonçait son titre, du "temps de Jésus". Car évidemment l'immense majorité de la "matière" pertinente et disponible est soit plus tardive (NT, textes chrétiens, patristiques ou hérétiques, Josèphe, Talmud), soit plus ancienne (AT hébreu ou grec, Qoumrân, etc). De l'époque habituellement assignée à Jésus (première moitié du Ier siècle "apr. J.-C.") nous n'avons guère que Philon et, selon leur datation vraisemblable, quelques morceaux de littérature "intertestamentaire" (p. ex. Sagesse, Paraboles d'Hénoch, textes tardifs de Qoumrân), en grande partie d'une autre provenance géographique (Egypte), et qui n'ont en tout cas que des rapports indirects avec le christianisme. L'objet de l'enquête se situe donc dans une zone "aveugle", un "angle mort"; ce qui à mon sens n'est pas la faute à pas de chance, mais résulte tout naturellement du fait que toutes les "sources" de ce secteur ont été "captées" et "recyclées" par la littérature chrétienne ultérieure, à commencer par les textes du NT (de la même manière, toute documentation sur le pharisaïsme de la même époque est indirecte, tout ayant été repris et transformé par ses héritiers directs ou déformé par leurs adversaires). Sur le développement d'un "culte de Jésus" ( Yeshoua`-Ièsous) où l' interprétation du "nom divin" a probablement joué un rôle multiple et considérable (voir ci-dessus 1° et 5°), nous ne pouvons procéder que par inférence, c.-à-d. par hypothèse et à reculons, à partir d'une étude plus ou moins critique des textes du NT où toute "origine" est déjà ensevelie sous diverses constructions christologiques, de forme rituelle (baptême, eucharistie, prière, bénédiction, exorcisme "au nom de Jésus"), didactique (épîtres, discours) ou narrative (récits des Evangiles et des Actes). [Remarque afférente au sujet connexe du " Jésus historique": C'est sur ce point surtout que le schéma historique consensuel, qui admet un décalage d'à peine dix ans entre la mort d'un obscur "fondateur" en Judée et la situation des premières épîtres pauliniennes, où il existe dans toute la diaspora grecque un culte installé de Ièsous Khristos Kurios qui n'a quasiment aucune idée des enjeux théologiques de ses origines (en partie) sémitiques (où les rapports p. ex. entre Ièsous et "salut", entre Khristos pris comme nom propre et mashiah = "oint", entre kurios et YHWH, sont enfouis et stratifiés, incompréhensibles au commun des adeptes, sans que ça empêche le culte de fonctionner), me paraît encore plus incroyable, sans Pentecôte ni Saint-Esprit du point de vue de la "science historique", que le récit des Actes. C'est pourquoi au lieu du "temps de Jésus" -- et pas seulement après, mais le débordant probablement de part et d'autre -- je préférerais parler d'un temps de l'émergence diversifiée de ce "culte de Jésus" sur l'existence duquel (le culte !) il n'y a aucun doute, mais dont les origines sont certainement plus complexes que ne le laisse croire un schéma historique qui dépend encore intégralement de la trame narrative des Evangiles et des Actes (même quand il pratique un tri "rationaliste" dans les "données" de ces textes).] |
| | | free
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 25 Juin 2015, 17:14 | |
| le NT utilise souvent le terme "Nom" (souvent des citations de l'AT), peut-on y voir une allusion lointaine au tétragramme ou chez Jean, "comme un signifiant vide, à la façon d'une métaphore" ?
Rom 9:17:"...afin que MON NOM soit publié par toute la terre"
Rom 15:9:"...Je chanterai à la gloire de ton nom"
1 Tim 6:1:"...afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémé.
Heb 2:12:"...J'annoncerai ton nom à mes frères"
Heb 6:10:"...Car Dieu n'est pas injuste pour oublier...l'amour que vous avez montré pour son nom"
Heb 13:15:"..offrir à Dieu un sacrifice de louange...le fruit des lèvres qui confessent son nom" |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 25 Juin 2015, 18:02 | |
| Je l'ai souvent dit, mais je le répète: c'est peut-être le danger n° 1 de l'exégèse moderne, plus ou moins "savante", surtout à l'heure de l'informatique et d'Internet, que de surinterpréter des textes anciens à partir d'une surinformation qui n'était accessible ni aux "auteurs", ni aux "destinataires" dont ceux-ci pouvaient espérer se faire comprendre (voir ci-dessus mes remarques sur Romains 10). A coup sûr ils savaient aussi des choses que nous ignorons, mais notre surinformation sur ce qu'ils ne savaient pas ne compense aucunement notre ignorance de ce qu'ils savaient: malgré leur symétrie apparente, les deux causes d'erreur (exégétique) s'ajoutent (ou se multiplient !) au lieu de se neutraliser.
Dans une citation, une allusion, ou une formule stéréotypée, l'auteur "récite" plus qu'il ne pense vraiment chaque mot de ce qu'il écrit. La première règle exégétique, pour savoir si un mot (le mot "nom" en l'occurrence) a plus ou moins d'importance ou de signification dans un tel contexte, c'est d'observer ce que l'auteur lui-même en fait dans ce contexte (c.-à-d. quand il ne ré-cite pas). Or dans tous les cas que tu mentionnes il n'en fait rien (contrairement à Romains 10 où il y a un raisonnement qui rapproche explicitement la confession de Jésus Seigneur de l'invocation du nom de Seigneur, la citation de Joël étant convoquée pour cela même): la raison de la (ré-)citation porte à chaque fois sur un tout autre motif (l'arbitraire divin en Romains 9, les "nations" = non-Juifs en Romains 15, les implications morales de la consécration à Dieu dans les Pastorales, le mot "frères" en Hébreux 2,12, la persévérance en 6,10, le "sacrifice des lèvres" en 13,15): le "nom" est là tout simplement parce qu'il se trouve dans les textes ou les formules que ce motif appelle, et voilà tout. Evidemment, si l'on cherche (trop) bien (rien de plus facile quand les recherches verbales sont automatisées), dans un contexte ou un intertexte plus large, dans la Septante, dans le texte hébreu, on finira toujours par trouver quelque chose qui va donner une importance démesurée au moindre détail.
(Mébon: quand elle serait prononcée par le bon sens en personne, la phrase "circulez, y a rien à voir" resterait suspecte...) |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 26 Juin 2015, 11:55 | |
| - Citation :
- Dans une citation, une allusion, ou une formule stéréotypée, l'auteur "récite" plus qu'il ne pense vraiment chaque mot de ce qu'il écrit. La première règle exégétique, pour savoir si un mot (le mot "nom" en l'occurrence) a plus ou moins d'importance ou de signification dans un tel contexte, c'est d'observer ce que l'auteur lui-même en fait dans ce contexte (c.-à-d. quand il ne ré-cite pas).
Merci Narkissos, de nous préiser ce point important. Un argument que cite la WT consiste à dire : " Un jour, dans une synagogue, le Christ s’est levé pour lire un passage du rouleau d’Ésaïe. Le texte qu’il avait sous les yeux correspond, dans nos Bibles, aux versets 1 et 2 du chapitre 61 de ce livre, dans lequel le nom divin apparaît plus d’une fois (Luc 4:16-21). Quand donc Jésus a rencontré ce nom, s’est-il refusé à le prononcer pour le remplacer par les mots ‘ Dieu ’ ou ‘ Seigneur ’ ? Sûrement pas. S’il avait agi de la sorte, il aurait suivi une tradition non biblique forgée de toutes pièces par les dignitaires du judaïsme. " " Tout bien considéré, il est fort peu vraisemblable que Jésus se soit abstenu d’utiliser le nom de Dieu, surtout quand il a cité des passages des Écritures hébraïques où celui-ci se trouvait. " — Le nom divin, pp. 15, 16. Il me semble que la WT présume que le tétragramme figurait bel et bien dans le texte lu par Jésus ou qu'il était dans le texte auquel se référait l'auteur. J'imagine mal(mais je peux me tromper), que l'auteur du récit ne mentionne pas l'attaque des juifs à l'encontre de Jésus pour avoir utilisé le Nom divin. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 26 Juin 2015, 12:40 | |
| La confiance qu'affiche la Watchtower (comme beaucoup de fondamentalismes dogmatiques) 1) en l'historicité absolue des récits bibliques et 2) en ses propres facultés "rationnelles" de déduction est tout simplement confondante. Si d'aventure elle n'était plus tout à fait naïve, ou sincère, la feindre serait encore de sa part une excellente tactique. - Citation :
- Il me semble que la WT présume que le tétragramme figurait bel et bien dans le texte lu par Jésus...
Dans la mesure où elle imagine un Jésus lisant dans une synagogue de Galilée qu'elle imagine sur le modèle des synagogues du judaïsme phariséo-rabbinique ultérieur, elle doit imaginer aussi que ce Jésus lisait un texte hébreu, où le Tétragramme se trouvait naturellement: si on l'a suivie jusque-là, ce n'est pas le passage le plus délicat de son numéro acrobatique (ou: l'étage le plus fragile de son château de cartes); ce qui précède et ce qui suit, en revanche... - Citation :
- ... ou qu'il était dans le texte auquel se référait l'auteur.
Là, en effet, ça se corse un peu, car Luc cite (à peu près) d'après la Septante; ce qui nous vaut, par exemple, et malgré le parallélisme (avec les "captifs"), d'avoir des "aveugles" au lieu des "prisonniers" du texte hébreu (ça tombe plutôt bien pour l'évangile, parce que si Jésus guérit des aveugles, on ne le voit pas, au sens propre, libérer des prisonniers). A ce point la confiance pourrait vaciller: le récit sur lequel on se fonde pour affirmer que Jésus a lu un texte en hébreu ne suit précisément pas ce texte en hébreu... Au passage, on peut noter que sur l'objet même de la fixation jéhoviste, qui n'a d'ailleurs aucune incidence sur le sens de la péricope évangélique, le texte de la Septante ET de Luc est sensiblement différent du texte hébreu, puisqu'au lieu de deux occurrences du Tétragramme plus une d' adonaï (le souffle d' 'adônay yhwh est sur moi, car yhwh m'a oint) il n'y a plus qu'un seul (substitut de) nom, dans une formulation simplifiée (le souffle de Seigneur [OU Yhwh, Iaô, Dieu, comme on voudra] est sur moi, car il m'a oint). - Citation :
- J'imagine mal(mais je peux me tromper), que l'auteur du récit ne mentionne pas l'attaque des juifs à l'encontre de Jésus pour avoir utilisé le Nom divin.
D'autant que (si l'on accepte de prolonger un instant ce jeu imbécile), dans le récit de Luc (le seul à inventer rapporter un contenu scripturaire à l'épisode de Nazareth, comparer Marc 6,1ss et Matthieu 13,53ss), la réaction immédiate est enthousiaste (v. 22): il faut que Jésus provoque ensuite la controverse sur un tout autre sujet (la préférence accordée aux "païens" en matière de miracles) pour réussir enfin à se faire virer. Si les traces (plus ou moins sédimentées, stratifiées, fossilisées) du (thème du) "nom divin" sont nombreuses dans le NT (le "nom" de Jésus, kurios, allélouia, alpha et ôméga, etc.), on n'y trouve pas la moindre trace d'une controverse, d'un débat, d'une réflexion, d'une pensée quelconque concernant une pratique effective de prononciation du nom Yhwh en milieu chrétien (traduction en langage "conspirationniste": "ils" sont décidément très forts). |
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 29 Juin 2015, 13:25 | |
| Merci Narkissos pour cette analyse pertinente. La WT s'efforce aussi de démontrer que les apôtres utilisaient le "nom divin", voici sont argumentation : - Citation :
" Au premier siècle, les chrétiens employaient-ils le nom divin ? Rappelons que Jésus leur avait ordonné de faire des disciples des gens de toutes les nations (Matthieu 28:19, 20). Or, parmi les personnes à qui ils devaient prêcher, beaucoup ne connaissaient pas du tout le Dieu qui s’était révélé aux Juifs sous le nom de Jéhovah. Dès lors, comment allaient-ils leur expliquer de qui il s’agissait ? Serait-il suffisant de l’appeler Dieu ou Seigneur ? Bien sûr que non. En effet, les nations avaient aussi leurs dieux et leurs seigneurs (I Corinthiens 8:5). Dans ce cas, comment les disciples établiraient-ils une distinction nette entre le vrai Dieu et les faux ? Ils ne pourraient le faire qu’en employant son nom personnel. " On conçoit donc que le disciple Jacques ait fait la remarque suivante au cours d’une réunion d’anciens qui se tenait à Jérusalem : ‘ Siméon a raconté, sans rien omettre, comment Dieu a, pour la première fois, tourné son attention vers les nations pour en tirer un peuple pour son nom. Et avec cela s’accordent les paroles des Prophètes. ’ (Actes 15:14, 15)."
Le nom divin, p. 16. La WT semble ignorer qu'au 1er siècle, le judaïsme au niveau sémantique,n'adorait déjà plus un Dieu qui se nommerait Yhwh, mais Adonaï, haShem ... De plus le Dieu du NT, se révèle par la connaissance du Fils et NON par la révélation de son Nom. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Lun 29 Juin 2015, 17:32 | |
| L'ahurissant, c'est qu'il suffirait de lire, en contexte (et même dans la TMN), les textes cités pour que le raisonnement se volatilise... [J'essaie en vain, moi qui ai écrit ça il y a plus de trente ans -- qui ne l'ai certes pas "conçu", qui me suis contenté de le traduire avec comme préoccupation n° 1 la correction de la langue française -- de me souvenir de ce qui a pu alors me passer par la tête à ce propos. Je disposais déjà de toutes les "connaissances" nécessaires pour critiquer ce raisonnement, je l'ai probablement un peu fait dans le "sous-sol" d'une semi-conscience, mais ça n'a pas atteint le niveau "critique" d'une véritable "prise de conscience", qui ne m'est venue que quelques mois plus tard et tout autrement -- et alors, oui, j'ai beaucoup repensé à ce texte. Mais de ce que j'ai pu en penser sur le coup, je ne me souviens de rien.] - Citation :
- La WT semble ignorer qu'au 1er siècle, le judaïsme au niveau sémantique,n'adorait déjà plus un Dieu qui se nommerait Yhwh, mais Adonaï, haShem ...
Je ne sais pas exactement ce que tu entends par "au niveau sémantique", mais sous cette réserve la phrase me paraît excessive: parce que 1°) l' usage oral ou écrit du nom Yhwh variait probablement beaucoup selon les milieux du judaïsme; 2°) l'interdit concernant la prononciation du nom, même là où il était en vigueur, ne changeait pas grand-chose à la conscience de l'"identité", ni même du nom du Dieu "adoré". Pour quelqu'un qui connaissait ne serait-ce que l'alphabet hébreu il était toujours clair que le Dieu d'Israël s'appelait "YHWH" (peut-être plus "Yahvé" ni "Iaô", mais toujours YHWH, soit un nom écrit, "objet visuel" qu'on pouvait reconnaître et désigner -- c'est la fonction de "ha-shem", "le Nom", et aussi la condition de fonctionnement de la graphie archaïsante, c.-à-d. tardive, en paléo-hébreu -- à défaut de le prononcer). Pour la masse des analphabètes et des non-hébraïsants, c'était certainement différent, mais il devait y aller au moins du souvenir d'un nom perdu. La "méprise" consistant à prendre un substitut pour le nom même a pu être commune, mais pas chez les "lettrés" (même exclusivement hellénophones). - Citation :
- De plus le Dieu du NT, se révèle par la connaissance du Fils et NON par la révélation de son Nom.
A moins que ce ne soit justement la même chose (cf. supra Jean 17 et l'Evangile de Vérité). |
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 30 Juin 2015, 11:20 | |
| - Citation :
- J'essaie en vain, moi qui ai écrit ça il y a plus de trente ans -- qui ne l'ai certes pas "conçu", qui me suis contenté de le traduire avec comme préoccupation n° 1 la correction de la langue française -- de me souvenir de ce qui a pu alors me passer par la tête à ce propos. Je disposais déjà de toutes les "connaissances" nécessaires pour critiquer ce raisonnement, je l'ai probablement un peu fait dans le "sous-sol" d'une semi-conscience, mais ça n'a pas atteint le niveau "critique" d'une véritable "prise de conscience", qui ne m'est venue que quelques mois plus tard et tout autrement -- et alors, oui, j'ai beaucoup repensé à ce texte. Mais de ce que j'ai pu en penser sur le coup, je ne me souviens de rien.]
Je suppose que rétrospectivement cela doit faire drôle de lire une telle argumentation, en sachant que l'avait traduite. Concernant les Nomina Sacra, j'ai trouvé un lien intéressant : " ce serait une erreur de corréler de façon trop étroite les Nomina Sacra des chrétiens avec le respect juif pour le nom sacré ... " [url=https://books.google.fr/books?id=oGOdWXxix6EC&pg=PA103&lpg=PA103&dq=nomen+sacrum+t%C3%A9tragramme&source=bl&ots=-t8P79kUHO&sig=nv8iV4AKYzKH5DOx7KM_vKj5E6M&hl=fr&sa=X&ei=BUySVcHuCMXXUYqYqZgG&ved=0CDEQ6AEwAg#v=onepage&q=nomen sacrum]https://books.google.fr/books?id=oGOdWXxix6EC&pg=PA103&lpg=PA103&dq=nomen+sacrum+t%C3%A9tragramme&source=bl&ots=-t8P79kUHO&sig=nv8iV4AKYzKH5DOx7KM_vKj5E6M&hl=fr&sa=X&ei=BUySVcHuCMXXUYqYqZgG&ved=0CDEQ6AEwAg#v=onepage&q=nomen%20sacrum%20t%C3%A9tragramme&f=false[/url] |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 30 Juin 2015, 12:32 | |
| @ free:Sur la brochure Le nom divin, sa conception et sa traduction, voir l'autre fil que nous avons rouvert récemment (p. 2, à partir du 27.6.2010). En ce qui concerne les nomina sacra, je ne reviens pas sur les explications et références données à la page précédente (3) du présent fil, mais j'insiste sur un point dont Gamble ne me paraît pas avoir pris toute la mesure: aucun élément matériel ne permet de distinguer, dans le "premier carré" d'abréviations repérables ( theos, kurios, ièsous, khristos), de plus "anciennes" et de plus "récentes", des "originelles" et des "dérivées". La pratique scribale apparaît (phénoménalement) comme un "bloc" qui comporte d'entrée de jeu au moins ces quatre termes, s'étendant à d'autres par la suite, et seul un raisonnement hypothétique peut tenter de scinder ce "bloc originel" pour y introduire un ordre de préséance. Une pensée "évolutionniste" (comme l'est ironiquement, sur ce point, celle des apologistes TdJ, même s'il s'agit à leurs yeux d'une évolution catastrophique !) qui pose en premier une abréviation de kurios et/ou de theos étendue ensuite à ièsous et khristos ne le fait qu'à partir de sa propre présupposition dogmatique, à savoir que la "christologie haute" suggérée par l'usage effectif des nomina sacra est forcément un développement (ou une perversion) secondaire par rapport au "monothéisme strict" qu'elle pose à son point de départ (autrement dit, elle ne fait que retrouver au bout de son raisonnement ce qu'elle y a introduit au début, comme le magicien ressort de son chapeau le lapin qu'il y a mis). L'hypothèse de Hurtado qui fait dériver le "premier carré" d'une première abréviation de "Ièsous" est de ce point de vue tout aussi conjecturale, à ceci près qu'elle s'appuie au moins sur l' interprétation d'un indice matériel (l'existence ancienne d'une forme "suspensive" de l'abréviation IH en concurrence avec la forme "contracte" standardisée comme les autres, IC comme KC etc.). |
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 03 Juil 2015, 15:08 | |
| La littérature juive en langue grecque — la Septante, les apocryphes et la littérature exégétique et philosophique du judaïsme hellénistique — est indiscutablement la source la plus importante pour comprendre Paul et les lettres pauliniennes. Aujourd’hui, on peut affirmer que Paul a utilisé seulement des versions grecques de l’Ancien Testament. C. Stanley montre que parmi les 83 citations explicites qu’on rencontre dans les lettres pauliniennes authentiques (45 dans Rm, 13 dans 1Co, 7 dans 2Co, et 9 dans Ga), cinq seulement divergent de la Septante : « L’utilisation par Paul de la Septante (…) n’est d’aucune manière une concession à l’ignorance de son auditoire de langue grecque. Elle montre plutôt sa manière d’étudier la version grecque courante de son époque » En bref, Paul est le représentant d’un monde où le judaïsme est totalement imprégné par l’hellénisme. Ses contemporains sont Josèphe et Philon, et non les rabbins, qui ont vécu bien après et ont rejeté la culture grecque. En sa personne, le christianisme se montre l’héritier d’un monde judéo-hellénistique, avec sa Bible, la Septante, avec sa langue, le grec, et avec son souci pour la diffusion universelle du message divin. À cet égard, l’élan de Paul vers les Nations, dont il sera l’apôtre, confirme largement ces données.
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RSR_023_0353#re85no85 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Sam 01 Aoû 2015, 22:58 | |
| Digression: les "sciences bibliques" ne sont pas plus immunisées que les (autres) "sciences humaines" contre les influences de "l'esprit du temps" (et du lieu) et de ses idéologies successives. Si les études critiques, principalement allemandes, de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle ont été parfois marquées par un certain antisémitisme tendant à renforcer l'anti-judaïsme (anti-pharisaïsme et anti-rabbinisme) "naturel" (ou natif) du christianisme historique, les années 1950 à 70 se sont souvent montrées, par un retour de balancier bien compréhensible, incapables de la moindre distance critique à l'égard de tout ce qui relevait de LA "tradition juive" (= phariséo-rabbinique). Pour beaucoup d'auteurs de cette génération (dont certains ont poursuivi sur leur lancée et fait des émules bien après les années 1970), le Talmud était (si j'ose dire) parole d'évangile, Jésus et Paul plus pharisiens que les pharisiens, et ce qui allait surtout de soi c'est que CETTE "tradition juive" (= phariséo-rabbinique) était la principale héritière légitime du judaïsme du Second Temple, au-dessus de tout soupçon de captation, de réduction ou d'altération d'héritage. C'est seulement depuis les années 1980 qu'une critique de la tradition phariséo-rabbinique est redevenue possible à partir d'un autre point de vue, celui de l'extrême diversité du "judaïsme du Second Temple" compris comme "source" commune, entre autres, et du judaïsme phariséo-rabbinique et du christianisme, captée avec autant de bonne que de mauvaise foi de part et d'autre. Bien entendu, cette dernière perspective n'est pas moins suspecte que les précédentes de collusion avec l'esprit de son temps à elle, celui d'un "pluralisme" et d'un "relativisme" qui se complaisent par principe dans la diversité au point de rendre toutes les différences indifférentes. Quel rapport avec notre sujet ? Ceci, à mon sens: pour beaucoup d'"amateurs" qui découvrent avec retard la vulgarisation des textes académiques de l'époque antérieure, toutes les tendances particularistes, exclusives, séparatistes bénéficient d'une présomption de judaï(ci)té (ou d'authenticité juive) supérieure à celle des tendances universalistes, ouvertes à l'hellénisme et au monde romain. Le judaïsme hellénistique d'Alexandrie paraît ainsi -- à tort -- "moins juif" qu'un judaïsme sémitisant de Jérusalem ou de Qoumrân; alors que, juif, il l'est tout autant, bien sûr, même s'il l'est tout autrement. [Cela se conjugue naturellement avec un phénomène plus général, quoique nous le percevions aussi à la lumière de notre "actualité" particulière: à savoir que les "extrémismes" de toute sorte tendent à bénéficier (à jouer, à user et à abuser, par une manière de chantage), dans leur propre contexte historique, d'une semblable présomption d'authenticité supérieure: un juif "orthodoxe" (nous) paraît aussi plus juif qu'un juif "laïque", un catholique "intégriste" plus catholique qu'un croyant ordinaire, un "islamiste" plus musulman que le musulman moyen, ou encore un militant du FN plus français que le Français moyen...] Sur le rapport du judaïsme à l'hellénisme avant 70, voir aussi https://etrechretien.1fr1.net/t421p90-les-manuscrits-anciens-de-la-lxx#17061 (3.7, § 4). |
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 29 Sep 2015, 15:26 | |
| - Citation :
- le nom divin YHWH (avec son "culte", comme dit le titre de ce fil) est bel et bien passé de l'AT au NT, mais il est passé dans les différentes constructions christologiques que les textes du NT présupposent ou effectuent.
" Il l'a mise en œuvre dans le Christ, en le réveillant d'entre les morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de tout principat, de toute autorité, de toute puissance, de toute seigneurie, de tout nom qui puisse se prononcer, non seulement dans ce monde-ci, mais encore dans le monde à venir. Il a tout mis sous ses pieds et l'a donné comme tête, au-dessus de tout, à l'Eglise qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous." (Ep 1,20-23) Ce texte met en évidence la prééminenece et la supériorité de la seigneurie du Christ et de son nom. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 29 Sep 2015, 17:33 | |
| Il faut aussi tenir compte du caractère intensif et hyperbolique du langage "doxologique" (au sens du discours de louange), qui est rarement celui de la "raison" et de la "juste mesure", même et peut-être surtout quand il emploie des comparatifs et des superlatifs.
Dans les prières, les chants, les poèmes liturgiques (comme l'"hymne" de Philippiens 2), ou dans la prose qui imite ce style lyrique et solennel (c'est le cas de la quasi-totalité de l'épître aux Ephésiens), on ne lésine pas sur la louange, on n'en fait jamais trop ni jamais assez. Il y a à peu près autant de différence entre ce qu'on dit d'une divinité quelconque quand on en parle sur ce mode-là et ce qu'en dirait une théologie ou une mythologie soucieuses d'"objectivité" et de "froide exactitude", qu'entre le portrait de la bien-aimée dans un poème d'amour et la description que ferait de la même personne un rapport de police. La divinité à laquelle on s'adresse ou dont on parle dans le cadre de son culte est presque toujours la plus grande, la plus puissante, la plus belle, la plus digne, incomparable même quand on paraît la comparer à toutes les autres.
Evidemment, si on se fonde sur ce type de langage pour en dégager des énoncés "objectifs", en théologie ou en mythologie "systématiques" (p. ex. pour établir un "panthéon" avec une hiérarchie des dieux), on tombe dans des problèmes "logiques" à n'en plus finir. Dans le cas présent, un "nom au-dessus de tout nom", est-ce que ça veut dire "un nom au-dessus de tout autre nom" (comme dans la TMN, ce qui laisserait encore irrésolu le problème de son rapport au nom du "Père"), ou un "nom" qui n'est plus du tout un "nom" ? Un Christ élevé au-dessus de tout "nom" (le sien y compris ?) est-il encore nommable ? Faut-il l'appeler "Seigneur" (kurios), en pensant ou non ce mot comme substitut de Yhwh, quand il est au-dessus de toute "seigneurie" (kuriotès) ?
Il faut bien comprendre que celui qui écrit ainsi ne se pose pas du tout ce genre de question, sans quoi il écrirait autrement (et sans doute beaucoup moins bien).
D'ailleurs, cela même a de quoi faire réfléchir, bien plus que le "contenu" exact des formules. Ce qui m'a frappé vers la fin de ma période TdJ, ce sont moins les différences conceptuelles entre notre "définition" du Christ et celles du NT qu'une différence fondamentale d'attitude à son égard: nous "définissions", justement, nous mesurions, nous calculions, nous cherchions l'"exactitude" et la "juste mesure" là où manifestement les christo-doxologies du NT n'en avaient que faire, où elles n'avaient jamais de mots assez forts et assez grands pour "Jésus-Christ". Nous redoutions l'"excès" où au contraire elles se complaisaient, nous abordions avec réticence leurs formulations les plus enthousiastes, en somme nous lisions des déclarations d'amour en les décortiquant comme un procureur ou un juge décortiquerait un rapport de police, nous étions affectivement à contresens. Comme dit le proverbe, quand on aime on ne compte pas, et précisément nous "comptions" là où elles ne "comptaient" pas.
Ce n'est pas que les TdJ soient complètement imperméables au "pathos doxologique", même s'ils sont généralement plus réservés que d'autres dans l'expression du "sentiment religieux", comme nous en parlions encore récemment dans un autre fil: quand il s'agit de "louer Jéhovah", que ce soit dans une prière à la deuxième personne ou dans un discours à la troisième personne, ils n'ont pas peur d'"en faire trop", ils accumulent allègrement les comparatifs et les superlatifs sans trop se soucier de mesure ni de sens. Mais leur piété s'adressant à un autre nom (qui représente à leurs yeux une tout autre "personne", sans les nuances de la théologie trinitaire), elle ne peut être que contrecarrée, ou du moins embarrassée, par cette piété néotestamentaire, si semblable pourtant dans sa forme, qui s'attache sans réserve aucune au "nom" de Jésus. |
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 01 Oct 2015, 14:02 | |
| - Citation :
- Toute autre est la question de l'emploi du nom "Yhwh"; il y a une large tradition selon laquelle le nom était proclamé par le Grand Prêtre au Yom Kippour jusqu'à la Guerre juive. Elle est très vraisemblable quand on sait avec quel scrupule les sadducéens tenaient à l'application littérale des règles rituelles, et d'autre part le peu de cas qu'ils faisaient des innovations (pharisiennes notamment).
La WT suggère que Jésus ne suivait pas les traditions juives et encore moins celle qui consiste à ne pas prononcer le tétragramme. Or si Jésus soppose souvent aux pharisiens (dans un débat interne sur l'application de loi, on remarque qu'il respecte la plupart des usages de son temps ( il porte des franges comme les juifs oieux de son époque - Mt 9,10 - respecte les coutumes traditionnelles d'accueil comme le lavage des pieds ou 'lonction dhuile parfumée (Luc 7, 44-46) ... ). D'ailleurs Jésus va même jusqu'à déclarer : " Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. Faites et observez donc tout ce qu'ils vous diront, mais n'agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas" (Mt 23,2-3) Rien ne s'oppose à ce que le Jésus des évangiles respecte la tradition qui consiste à refuser de prononcer le tétragramme. Lorsque les auteurs des évangiles font citer à Jésus, des textes de l'AT, celui-ci remplace le tétragramme par Kurios Seigneur , équivalent d'Adonaï : " Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu" -Mt 4,7 " Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments" Mt 5,33 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 01 Oct 2015, 23:07 | |
| Un peu en marge de ce fil et pour rappel (car je pense qu'on en a parlé plus amplement ailleurs), les controverses évangéliques sur la "tradition" (juive, en fait essentiellement pharisienne) n'ont pas forcément le même sens d'un évangile à l'autre. Au risque de schématiser à l'excès un problème complexe, qui requiert une analyse serrée des différences rédactionnelles entre les textes "parallèles" (surtout dans les Synoptiques), on pourrait dire que Marc remet en question l'autorité pratique, normative et contraignante de la Torah comme loi, en montrant que Jésus et les siens n'y sont pas soumis, tandis que Matthieu affirme au contraire cette autorité de principe, désignant en Jésus l'interprète parfait de la Torah qui conduit ses disciples à l'observance parfaite de celle-ci, Cette différence de fond affecte nécessairement la portée des débats sur la tradition: dans le premier cas ils servent à ridiculiser globalement tout "légalisme", alors que dans le second ils prennent l'allure de véritables discussions d' interprétation d'une loi reconnue de part et d'autre. Je dis "prennent l'allure", car, à y regarder de plus près, ce sont plutôt des simulacres de discussion. La marge de manœuvre herméneutique (= d'interprétation) de Matthieu est en effet quasiment nulle, coincé qu'il est entre son texte de base (le "proto-Marc") antinomien (= anti-loi) et sa propre allégeance de principe non seulement à la lettre de la Torah (5,17ss), mais spécifiquement à la halakha (= interprétation pratique) pharisienne, ainsi qu'elle s'exprime en 23,2s: si l'on dit qu'il faut faire ce que les pharisiens disent de faire (mais ne feraient pas, ce qui est une autre question) , on renonce ipso facto à toute contestation réelle de leur interprétation pratique de la loi. On peut faire plus et mieux qu'eux dans la même voie (c'est tout le propos de la "perfection" matthéenne: que votre justice dépasse celle des pharisiens), mais il n'est plus question de discuter sérieusement la validité de leurs préceptes.Luc, de son côté, évite presque tout ce (faux) débat: les passages faisant mine d'opposer loi et tradition passent à la trappe, et le rapport entre la loi et l'évangile se résume à une économie chronologique des dispensations, avant / après. Quant à Jean, qui prolonge sur ce point la ligne de Marc, il se désolidarise complètement de la Torah comme loi (c'est la loi "des Juifs", " votre / leur loi"). Tout ça pour dire qu'en l'espèce il est bien difficile de parler du "Jésus des évangiles", comme s'il n'y en avait qu'un... - Citation :
- Lorsque les auteurs des évangiles font citer à Jésus, des textes de l'AT, celui-ci remplace le tétragramme par Kurios Seigneur , équivalent d'Adonaï :
"Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu" -Mt 4,7 "Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments" Mt 5,33 Comme la WT conteste précisément l'authenticité de cette substitution -- contre toute évidence, mais elle le fait -- et l'inverse en substituant (quand ça l'arrange) "Jéhovah" à kurios dans la TMN, l'argument, malgré sa justesse de fond, tombera à plat s'il s'adresse à un TdJ. Et s'il s'adresse à quelqu'un d'autre il enfonce une porte ouverte: c'est un fait textuel qu'il n'y a rien qui ressemble à "Yhwh" dans aucun manuscrit grec du NT, pas plus dans les citations de l'AT ou dans les paroles de Jésus qu'ailleurs. --- Ça me fait penser à un autre "argument" que j'ai cru voir passer sous la plume (ou le clavier) de certains apologistes TdJ -- je ne sais plus qui, ni où ni quand, et je ne crois pas que la Watch l'ait repris à son compte, car il est (comme souvent) à double tranchant*: lors du "procès" devant le Sanhédrin, la réaction du grand prêtre à la déclaration de Jésus (Marc 14,62ss//) s'expliquerait par le fait que celui-ci aurait prononcé ouvertement le nom divin. A première vue c'est une hypothèse astucieuse, mais elle s'avère vite ruineuse dans la perspective TdJ: car ça supposerait 1) que la prononciation de ce nom, pour produire un tel effet, n'ait pas du tout été ordinaire, contrairement à sa banalisation dans la TMN où Jésus dit "Jéhovah" à tout bout de champ, y compris dans ses dialogues avec des adversaires pharisiens ou sadducéens, sans provoquer de réaction particulière; 2) que l'euphémisme (la Puissance, dunamis, Marc-Matthieu; la puissance de Dieu, Luc; rien de comparable chez Jean) qui remplace le nom divin dans la bouche de Jésus soit déjà le fait des auteurs évangéliques, puisque ce n'est justement pas le kurios qu'un "scribe chrétien" ultérieur, selon la doxa jéhoviste, aurait substitué mécaniquement à toutes les occurrences du nom; donc, 2a) que les auteurs des évangiles pratiquaient eux-mêmes la substitution d'un euphémisme au nom divin; 2b) que les évangiles originaux ne sont absolument pas un compte rendu exact de ce que Jésus aurait dit sur un point prétendument si important -- ils en auraient même, en l'occurrence, complètement méconnu l'enjeu, puisque dans le texte que nous lisons Jésus emploie un euphémisme pour le nom divin au même titre que le grand prêtre selon Marc (14,61, le "Béni"), et que le lecteur des trois Synoptiques associe en tout cas le "blasphème" à une tout autre question, celle de l'identité ou de la qualité revendiquée par Jésus; et 2c) que la TMN est dans l'erreur puisqu'elle ne met précisément pas "Jéhovah" à cet endroit présumé capital... *La Watch a quand même succombé, si j'ai bien suivi, à la tentation de l'argument du Matthieu de Shem-Tov, qui pose sensiblement le même genre de problème de cohérence: si l'on suppose que Shem-Tov reflète le "Matthieu hébreu original", pourquoi la TMN ne le traduit-elle pas au lieu du Matthieu grec ? Pourquoi, de toutes ses variantes textuelles, ne retient-elle que celles qui ont trait au nom divin ? Il est vrai que selon la doctrine watchtowérienne (si je me souviens bien), Matthieu est censé avoir lui-même traduit son texte d'hébreu en grec et avoir produit un texte grec tout aussi "inspiré" que le texte hébreu original, même quand il en différait -- ce qui permet à la Watch de considérer le texte grec établi par les éditions critiques (Westcott & Hort jusqu'à tout récemment) comme valable, sauf pour le nom divin bien sûr, qui en aurait été retiré ensuite et par quelqu'un d'autre que Matthieu. Mais, si l'on suit bien le raisonnement, il en résulte que Shem-Tov (et tout autre témoin présumé d'un "Matthieu hébreu") ne nous livre aucune indication sur ce qui se trouvait dans le Matthieu grec "inspiré". Si Matthieu a modifié son texte en le traduisant ("sous inspiration") d'hébreu en grec, qu'est-ce qui nous dit qu'il n'en aurait pas lui-même retiré, et toujours "sous inspiration", le "nom divin" ? Une simple pétition de principe, un raisonnement "humain" et circulaire, qui ne saurait s'appuyer en tout état de cause sur aucun texte hébreu puisque ce n'est pas de ce texte-là qu'on parle, que ce n'est pas ce texte-là que prétend traduire la TMN en y "restaurant" un nom divin (et ça resterait vrai même si on découvrait demain un "Matthieu hébreu original" truffé de tétragrammes, dédicacé par l'auteur, le cachet de la poste faisant foi)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 06 Oct 2015, 17:07 | |
| Comme nous l’avons vu dès le chapitre 1 de notre série, le Nom divin est très présent dans l’AT. Dans la TMN il apparait très exactement 6973 fois.
Or, même dans cette traduction, malgré les retouches effectuées au texte, il n’apparait que 237 fois dans le NT. Comment expliquer un tel écart de fréquence ? J’ai lu récemment sous la plume d’un TdJ que cette différence est normale, puisque l’AT est bien plus long que le NT... C’est ce qui s’appelle faire flèche de tout bois.
En effet, l’AT représente bien les trois-quarts environ de la Bible. Donc si 6973 représente trois-quarts du total, le dernier quart, pour notre ami TdJ, représente 237 ! Une petite règle de trois sur ma calculatrice personnelle me donne plutôt 2300, soit seulement une erreur du simple au décuple, mais elle est réglée sur la “sagesse mathématique des hommes”, je dois bien le reconnaitre.
Ainsi, si vraiment le nom Yhwh conservait pour les rédacteurs du NT la valeur qu’il avait pour ceux de l’AT, on devrait logiquement le trouver sous leur plume environ 2300 fois, et pas 237. Allez ! Soyons encore plus précis : les TdJ aiment en général les chiffres.
L’AT comporte environ 23 200 versets. Si on divise ce nombre par les 6973 occurrences du Nom Yhwh, on se rend compte que ce Nom apparait dans un peu moins d’un verset sur 3, ce qui est énorme. Pour sa part le NT regroupe environ 8 000 versets. Avec 237 occurrences seulement dans la TMN, ce Nom n’apparait plus que dans un verset sur 33, soit dix fois moins que dans l’AT. Mieux encore, nous avons vu que sur ces 237 fois, ce Nom n’apparait 112 fois QUE parce que le rédacteur est en train de citer l’AT. Ce qui fait que si on prend en compte le nombre de fois où les rédacteurs sont censés vraiment utiliser eux-mêmes le Nom (en dehors de se contenter d’une citation), on n’a plus que 125 occurrences, soit seulement dans un verset sur 64 ! Même dans la TMN, lorsque les rédacteurs du NT parlent, racontent ou argumentent dans leurs propres mots, ils utilisent environ vingt fois moins le Nom divin que les rédacteurs de l’AT. Une telle différence est-elle donc anodine, insignifiante ?
On est bien obligé de constater qu’il y a une vraie rupture dans l’usage de ce Nom (et rappelons bien qu’on parle là de la version retouchée par les TdJ, pas du texte transmis qui, lui, ne l’utilise carrément JAMAIS !).
http://www.tj-revelation.org/YHWH-et-Nouveau-Testament-de-Nom,559 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Mar 06 Oct 2015, 19:13 | |
| L'argument statistique est en effet excellent -- d'autant qu'on peut aussi mettre en regard le nombre de versets du NT où figurent "Dieu" = theos (1317; à titre de comparaison, il n'y a même pas un 'elohim pour deux Yhwh dans la Bible hébraïque = AT), "Jésus" (917), "Christ" (529), "Seigneur" = kurios (717, dont seulement un petit tiers a été estimé recyclable en "Jéhovah" par les aigles de Brooklyn), etc.
Par-delà les statistiques globales, il y a bien sûr des absences plus éloquentes que d'autres. Que la Watch n'ait pas réussi à caser un seul "Jéhovah" dans le Notre Père qu'elle qualifie de prière modèle, alors qu'aucun TdJ n'envisagerait de l'omettre d'une prière, comme on l'a souvent remarqué, ça la fiche quand même assez mal.
[Ça me rappelle une "histoire (plus ou moins) drôle" que racontait mon père, grand amateur du genre avant et pendant sa période jéhoviste: un patron d'industrie automobile va voir le pape pour lui demander s'il ne serait pas possible d'insérer le nom de sa marque -- disons Renault, Ford ou Volkswagen -- dans la liturgie de la messe. Il est prêt, naturellement, à faire des dons considérables aux œuvres de l'Eglise. Le pape, héberlué, lui explique que, non, c'est totalement impossible, il n'est pas question de changer les textes. En ressortant de l'audience, le type grommelle: "Je me demande quand même comment ils ont fait, ces Italiens, pour réussir à faire mettre leur Fiat dans le Pater !" -- c'était au temps de la messe en latin bien sûr, Fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra.
Cette histoire d'ailleurs a peut-être plus de rapport au sujet qu'il n'y paraît immédiatement: il y a bien aussi, dans l'usage distinctif de "Jéhovah" par la Watchtower jusque dans sa bible, un côté "marque", "raison sociale", "sponsoring" et "pub" (dire qu'il ne fallait pas prendre ce nom "en vain" !). Et, sans que le pape s'en mêle, les textes eux-mêmes résistent.] |
| | | free
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 08 Oct 2015, 14:10 | |
| Même dans la TMN, il y a des épîtres entières ou l'occurences "Jéhovah" est totalement absente, à savoir , Les Philippiens, la Premiere a Timothee, Tite, Philemon et les trois lettres de Jean.
Alors qu'il etait avec ses disciples la derniere nuit avant sa mort, a la fois en leur parlant puis dans une tres longue priere, Jesus s'est referre quatre fois au “nom” de Dieu. Pourtant toute cette nuit emplie de conseils et d'exhortations pour ses disciples et dans sa priere, Pas une seule fois on le trouve utilisant le nom "Jéhovah". Plutot, et a maintes reprises, il employa la designation “Pere” environ cinquante fois! En mourant le jour suivant, il n'a pas pousse de cris en utilisant le nom “Jehovah” mais dit, “Mon Dieu, mon Dieu” puis dans ses dernieres paroles, “Pere, entre tes mains je remet mon esprit.”
https://www.watchtowerlies.com/linked/a_la_recherche_de_la_liberte_chretienne.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 08 Oct 2015, 20:47 | |
| Je ne suis pas sûr qu'au fond les TdJ (francophones en tout cas, car ces questions sont liées aux usages particuliers de chaque langue) soient si gênés que ça par l'idée que Jésus n'appelle pas son Père "Jéhovah" quand il lui parle -- ils se le représentent tout de même comme "Fils" dans un sens plus fort que les "autres", et un fils n'appelle généralement pas son père Marcel ni M. Dugenou. Le cas de la "prière modèle" me paraît à cet égard plus embarrassant -- vous devez donc prier ainsi... -- et pas seulement à cause de l'absence du "nom divin", mais aussi parce que "Notre Père" convoque et anéantit toute une hiérarchie doctrinale de paternités divines théoriquement distinctes (le TdJ lambda n'est pas censé être "fils de Dieu" au même titre que les zoints ni ceux-ci au même titre que Jésus). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Jeu 02 Mar 2017, 18:45 | |
| En lisant ceci : http://areopage.net/blog/2017/01/22/courte-note-sur-1-corinthiens-10-9/ ; j'ai découvert un texte qui semble difficile de traduire :
"Ne provoquons pas le Christ, comme certains d'entre eux le firent : les serpents les firent disparaître" 1 Cor 10,9 (NBS)
"Ne tentons pas non plus le Seigneur, comme le firent certains d’entre eux : des serpents les firent périr" (TOB)
"Ne mettons pas non plus Jéhovah à l’épreuve, comme certains d’entre eux [l’]ont mis à l’épreuve, et ils périrent par les serpents" (TMN)
"Je ne veux pas vous le laisser ignorer, frères : nos pères étaient tous sous la nuée, tous ils passèrent à travers la mer et tous furent baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. Tous mangèrent la même nourriture spirituelle, et tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher, c’était le Christ" (1 Cor 10,1-4)
La leçon de la TOB semble être en harmonie avec le contexte.
Je suis intrigué par les explications de Didier Fontaine :
"J’ai dressé en son temps une liste de curieuses variantes qui entrent exactement dans le cadre de notre verset : une variation entre les termes Dieu / Seigneur /Jésus / Christ, ou l’absence de l’un de ces termes. Il en ressort avec la plus parfaite évidence que les scribes ne s’attelaient pas seulement à éclaircir un passage, l’harmoniser avec un autre, ou occulter une difficulté, mais ils pouvaient bel et bien, à l’occasion, corrompre leur texte pour des motifs théologiques (Fontaine 2007 : 258-264). On trouve ce genre de variantes en 1 Corinthiens 5.5 , 1Co 7.40 , 1Co 10.5, et 1Co 10.9. Cela fait beaucoup. En 10.5 justement, le sujet Dieu est omis pour faire de Christ le sujet le plus évident…"
Dernière édition par free le Ven 07 Jan 2022, 13:20, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 03 Mar 2017, 03:00 | |
| Tous les "problèmes de traduction" ne sont pas de même nature: En 1 Corinthiens 10,9, il s'agit d'abord d' établir le texte (grec), parce que concrètement celui-ci diffère selon les manuscrits: on trouve à la place du complément d'objet (et toujours avec l'article masculin à l'accusatif, ton) 1) Khriston = Christ (papyrus P46, Codex de Bèze etc.), 2) kurion = Seigneur ( Sinaïticus, Vaticanus etc.), et 3) theon = Dieu (Alexandrinus et quelques mss). La NBS suit systématiquement (on peut dire bêtement, mais aussi prudemment, en considérant que la critique textuelle est une discipline à part entière et que les traducteurs ne sont pas les mieux placés pour en juger) le choix de l'édition critique de Nestle-Aland (26-7e = 28e édition), qui se trouve être dans ce cas celui du plus ancien témoin connu (P46): ce choix de critique textuelle est discutable, comme toujours. Evidemment, aucun manuscrit ne justifie l'option de la TMN (Jéhovah), qui présuppose sans le dire l'option textuelle n° 2 ( kurion = Seigneur) ET la pure conjecture (sans le moindre appui textuel) d'un remplacement d'une forme du nom divin (YHWH, Iaô ?) par kurios/n. De ce choix textuel concernant le complément d'objet pourrait dépendre la traduction du verbe (ek-)peirazô (éprouver, tenter, provoquer, équivalent habituel de l'hébreu nsh dans la Septante): comme on l'a vu ici, c'est précisément quand ce verbe a un complément d'objet "divin" qu'il prend (par hébraïsme) la nuance de "provoquer": "tenter" ou "éprouver" Dieu ou un dieu, cela veut dire le "provoquer" (p. ex. en exigeant de lui un "signe", une "manifestation" ou une "intervention", ce qui d'ordinaire ne le met pas de bonne humeur; cf. les références du contexte aux "épreuves" du désert, notamment associées au toponyme "Massa", de la même racine nsh: le peuple ou Moïse réclame avec insistance de l'eau ou de la nourriture, Yahvé se met en colère et ça finit mal: c'est cela "tenter" = "provoquer" Dieu, ou un dieu, ce qui est assez différent de la "tentation" ou de l'"épreuve" d'un mortel). Au v. 4, en revanche, la référence au "Christ", si bizarre qu'elle puisse nous paraître, ne pose aucun problème textuel: l'interprétation paulinienne péremptoire, de style midrash pesher (en référence aux textes de Qoumrân qui fonctionnent de manière analogue: ceci est/signifie cela, en l'occurrence le rocher est/signifie le Christ), se fonde sur une "exégèse" également attestée dans les textes rabbiniques -- du rocher défini par l'article en divers passages ( le rocher) on déduit qu'il s'agissait toujours du même rocher qui suivait ( akolouthousès) Israël dans ses pérégrinations. Cette idée-là qui peut nous paraître saugrenue n'est donc pas exclusivement paulinienne. Reste à savoir si Paul se réfère aussi à une exégèse pharisienne quand il identifie ce rocher mobile et miraculeux au Christ (= Messie) -- ce n'est pas certain, mais c'est possible et en tout cas ça ne change rien à la lettre ni au sens du texte, insolite à nos yeux mais parfaitement clair. La référence au v. 4 n'aide absolument pas à "trancher" le problème textuel du v. 9: la "correspondance" entre les deux "Christ" a aussi bien pu émerger dans la tête de l'auteur (disons Paul) -- auquel cas elle serait "originale" -- que dans celle d'un copiste ultérieur -- auquel cas elle serait secondaire. La question doit être tranchée selon les critères habituels de la critique textuelle: ancienneté et qualité des manuscrits, et vraisemblance de la variation dans un sens plutôt que dans un autre. Le choix de Nestle-Aland me paraît raisonnable (la lectio difficilior "Christ" a plus de chances d'avoir été remplacée par une formulation plus banale, "Seigneur" ou "Dieu", que l'inverse), mais il peut être discuté (avec plus ou moins d'intelligence et de compétence). Maintenant, qu'est-ce que ça change au juste ? A mon avis, pas grand-chose, du moins quant à la traduction: si le Christ est désigné comme tel (ou comme Seigneur, selon un usage paulinien plus habituel) au v. 9, il l'est toujours comme une figure divine, ce qui donne bien à (ek)peirazô le sens de "provocation"... "tenter le Christ", ce n'est pas ici ce que fait le diable à un Jésus humain dans le désert selon les évangiles, le pousser à la faute (quoique peut-être une idée ait pu conduire à l'autre à la faveur d'une même expression): c'est bien provoquer une divinité ou son représentant. Quant à l'omission du sujet ho theos (= Dieu) au v. 5 (omission que ne suit d'ailleurs pas Nestle-Aland, parce que trop faiblement attestée; donc pas non plus la NBS), elle ne me semble modifier en rien le sens du texte. L'ellipse du sujet divin (surtout avec un verbe comme eudokeô, "approuver") est assez courante dans le grec du NT pour que la phrase reste parfaitement compréhensible sans qu'on aille chercher une référence dans la phrase précédente, dont Khristos n'est même pas le sujet. (Ce que D. Fontaine verrait aussi s'il s'intéressait un peu plus à ce que disent les textes au cas par cas qu'à ses fixations confessionnelles généralisantes.) |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 03 Mar 2017, 18:35 | |
| L'argument central qu'utilise la TMN pour justifier l'introduction de l’occurrence "Jéhovah" dans le NT, consiste a considérer que l'AT et le NT forment un ensemble cohérent : - Citation :
- 1) Les traducteurs ont estimé que, puisque les Écritures grecques chrétiennes, inspirées, venaient s’ajouter aux Écritures sacrées hébraïques, la disparition soudaine du nom Jéhovah était incohérente.
Pourquoi est-ce une conclusion judicieuse ? Vers le milieu du Ier siècle de notre ère, le disciple Jacques a dit aux anciens de Jérusalem : “ Syméôn a raconté minutieusement comment Dieu, pour la première fois, s’est occupé des nations pour tirer d’entre elles un peuple pour son nom. ” (Actes 15:14). Où serait la logique d’une telle déclaration si personne au Ier siècle ne connaissait ou n’employait le nom de Dieu ?
http://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2008567
Les livres qui constituent l'AT et ceux qui forment le NT n'étaient initialement destinés a être réunis pour former un ensemble. La décision de réunir l'AT et le NT n'a pas été évidente. Il me semble que le NT introduit une rupture théologique avec l'AT, même si l'AT a influencé les auteurs du NT. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le culte de YHWH au temps de Jésus Ven 03 Mar 2017, 19:51 | |
| C'est le type de généralisation dont je me demande (après coup !) comment il peut avoir le moindre effet sur quelqu'un qui a effectivement lu la Bible, ou qui a ne serait-ce qu'une vague idée de son contenu.
Sur quels "sujets" ou "thèmes" les textes "bibliques" de l'AT et du NT réunis (par hasard ou par providence, en tout cas par la seule histoire du christianisme) seraient-ils donc "cohérents" ? Je n'en vois aucun (pas même une idée relativement univoque de "Dieu", qui varie entre polythéisme monolâtrique ou non et monothéisme pur ou différencié); par contre je peux en citer des dizaines sur lesquels ils ne sont assurément pas cohérents: sur la loi, le temple, la prêtrise, les sacrifices, les interdits rituels, la vie ou non après la mort, le salut, le Christ, les anges, les démons, le diable, la résurrection, la fin du monde, la morale, les destinataires (Israël ou l'humanité), sur tous ces sujets et bien d'autres les textes "bibliques" n'ont manifestement rien de commun, non seulement entre AT et NT mais à l'intérieur même de ces "ensembles". Pour ne rien dire des questions "formelles" qui sont en fait indissociables des questions "thématiques" (le NT c'est une autre époque, d'autres lieux, une autre langue, un autre empire, une autre culture, d'autres genres, styles et goûts littéraires, d'autres intertextualités, sans oublier une autre "religion", un autre genre de religion conforme à l'esprit de son temps, non plus "ethnique" mais élective et universelle).
Sur le point précis du nom de Yhwh dans l'AT ou la Bible hébraïque, il suffit de lire les trois premiers chapitres de la Genèse pour tomber d'abord sur un texte qui l'évite, puis sur un second qui l'emploie, tout aussi systématiquement l'un que l'autre; de constater qu'il est totalement absent de plusieurs "livres" ou "ensembles" littéraires parfaitement repérables, alors qu'il revient vingt fois par page dans d'autres; que les mêmes psaumes, dans le même recueil, ont été reproduits avec et sans Yhwh. L'absence du nom Yhwh dans le NT ne tombe pas du ciel, si j'ose dire, elle est largement anticipée dans une partie considérable des textes de l'AT -- pour des raisons qui sont assez faciles à comprendre, l'idée même des théonymes ou noms propres divins étant foncièrement polythéiste: comme le répète benoîtement la Watch, le nom de Yahvé le distingue des autres dieux, ce qui suppose qu'il y en ait ! Le monothéisme juif d'après l'exil hérite du Yahvé israélite d'avant l'exil, mais ses réactions à ce nom de dieu devenu nom de "Dieu" sont logiquement multiples: elles vont du rejet ou de l'occultation à la surinterprétation et à la sursacralisation, en passant par les usages "magiques". Quoi qu'il en soit des explications, les faits textuels sont indiscutables.
Donc, comment un tel argument peut-il fonctionner chez les TdJ eux-mêmes, qui ont une certaine "connaissance" (du contenu) de la Bible ? A mon avis, parce que chez eux l'expérience de la lecture suivie des textes est réduite, seconde et secondaire par rapport à la "citation de versets", et totalement déconnectée du raisonnement thématique (sur toute sorte de thèmes mais en particulier sur celui-ci). On peut citer Matthieu 6,9, Jean 17,6 ou Actes 15,14 parce qu'on y trouve le mot "nom" associé à "Dieu" sans même s'apercevoir que dans ces textes il n'y a pas de "Jéhovah" (même dans la TMN). C'est tout con mais c'est comme ça. Et c'est d'autant plus frappant chez des gens comme Gertoux ou Fontaine, dont l'obnubilation peut survivre pendant des années à une acquisition de savoir considérable (non sans érosion dans le cas de Fontaine, mais malgré tout le "réflexe" demeure): entrés en "sciences bibliques" par la petite porte de l'apologie sectaire, même s'ils n'en sont pas restés là, il leur est quasiment impossible de regarder en face ce qui saute aux yeux de n'importe quel historien des religions modernes, à savoir que la "Jéhovamanie" de la Watchtower (surtout depuis les années 1930) est avant tout une excellente opération marketing d'un Rutherford nettement plus porté sur la bouteille que sur l'exégèse, une "raison sociale" distinctive inscrite vingt ans plus tard dans le texte même du NT de la "bible maison" par l'audace pseudoscientifique de F.W. Franz et de la NWT (= TMN); et que pour lui inventer après coup un fondement "sérieux" il faut littéralement remuer ciel et terre à la recherche du moindre indice d'un complot ecclésiastico-démoniaque millénaire destiné à cacher la "vérité" miraculeusement découverte par lesdits gugusses. Le ridicule de l'affaire est insupportable pour les intéressés justement parce qu'il est évident pour les autres, il leur faut à tout prix trouver quelque chose pour lui donner un air de vraisemblance; or quand on cherche, surtout quand on cherche toujours le même genre de chose en sachant d'avance ce qu'on cherche, on trouve, fatalement -- au moins de quoi justifier sa recherche à ses propres yeux... |
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