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 Qu'est-ce que l'âme

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SARAI-ESTELLE
le chapelier toqué
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeVen 04 Nov 2016, 23:36

La lexicologie est bien utile qui dans les dictionnaires relève, recense, répertorie, analyse, définit, classe et même numérote les différents "sens" ou "acceptions" (c'est-à-dire les usages) d'un mot (ce qu'on appelle sa "polysémie"). Mais cette "cartographie" du "champ sémantique" donne aussi l'impression trompeuse d'un terrain morcelé, voire strictement cloisonné, si ce n'est d'une pure juxtaposition de "sens" hétéroclites, qui occulte une réelle continuité de "sens" d'un "sens" à l'autre. Dans la langue réelle, comme dans le territoire opposé à la carte, on passe (glisse, dérive) d'un usage à un autre sans jamais rencontrer de lignes, de murs ou de frontières. Ou, pour prendre une métaphore musicale, on ne touche pas une corde sans faire résonner discrètement ses voisines, par "sympathie". C'est particulièrement sensible, je trouve, avec cette nephesh-psukhè-anima-âme dont l'unité "organique", malgré sa différenciation dans chaque langue et d'une langue à l'autre, ne parvient pas à se dissoudre dans la pluralité (pourtant indispensable) des traductions (en français "âme" OU "vie" OU "personne" OU "être" OU pronom personnel simple ou réfléchi, etc.).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 01 Fév 2017, 14:31

Citation :
L'image de la demeure ("tente" terrestre vs. "construction" céleste), qui correspond grosso modo à celle du "corps psychique" et du "corps pneumatique" en 1 Corinthiens 15, se double de celle du vêtement, qui permet de réintroduire l'autre distinguo de 1 Corinthiens 15 (et 1 Thessaloniciens 4), entre les morts et les vivants à la parousie: il y aura ceux (les morts) qui auront quitté un vêtement avant de revêtir l'autre par la résurrection (l'état "intermédiaire" étant donc figuré par la nudité, cf. le "grain nu" en 1 Corinthiens 15), et ceux (les vivants) qui revêtiront le nouveau vêtement par-dessus l'ancien (qui seront "changés" sans passer par la mort, dans les deux autres textes).

Bonjour Narkissos,

Ton explication renvoi à 2 Cor 5,1 ss ; mais je trouve que ce texte est complexe, notamment la partie en gras, aurais-tu l'amabilité de nous faire part de ton analyse STP :

"Car nous le savons, si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, se détruit, nous avons un édifice, œuvre de Dieu, une demeure éternelle dans les cieux, qui n’est pas faite de main d’homme. Et nous gémissons, dans le désir ardent de revêtir, par-dessus l’autre, notre habitation céleste, pourvu que nous soyons trouvés vêtus et non pas nus. Car nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés ; c’est un fait : nous ne voulons pas nous dévêtir, mais revêtir un vêtement sur l’autre afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie."

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Narkissos

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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 01 Fév 2017, 15:17

C'est un peu compliqué en effet parce que dans la même image (vêtement/nudité) se télescopent au moins deux idées différentes -- parce que la même image est couramment exploitée dans deux sens différents et qu'on ne peut pas se référer à l'un sans évoquer aussi l'autre, au détriment de la logique de l'argument. Au sens "eschatologique" ou "imaginaire" que je décrivais plus haut (nudité = état intermédiaire du "mort sans corps", "entre" le corps mort et sa résurrection; intérim traditionnellement assuré par "l'âme" bien qu'ici le mot n'apparaisse pas) se superpose un sens "sacré", "juridique" ou "moral" (nudité = honte, faute, péché, etc. vs. vêtement surtout blanc = sainteté, justification, approbation, etc., cf. l'Apocalypse; et la nudité de la crucifixion opposée aux vêtements blancs des apparitions). Donc, dans 2 Corinthiens 5 le sens "eschatologique" qui est contextuellement dominant (être trouvé vêtu et non nu = vivant et pas mort au moment de la parousie, cf. "que le mortel soit englouti par la vie") est contaminé par l'autre, "moral" (etc.; être trouvé vêtu et non nu = approuvé et non désapprouvé, acquitté et non condamné, d'autant que le passif du verbe "trouver" a aussi un sens judiciaire, être trouvé = reconnu coupable ou innocent). L'ambiguïté fait partie intégrante du texte.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeLun 21 Sep 2020, 14:16

La réponse de Paul s'énonce, au niveau des personnalités corporatives : en Adam, l'être humain est un sôma psychique; dans le Christ, l'être humain devient un sôma pneumatique. De nouveau, la persistance de l'emploi de sôma après la résurrection étonne. Elle pose l'existence d'un corps spirituel (de l'équivalent latin de pneuma : spiritus) ou spiritualise, d'une matière devenue esprit, ce qui est une contradiction logique en langue et civilisation grecques. Elle pose surtout la notion qu'en anthropologie paulinienne le corps n'est pas une partie du tout humain, incompatible avec sa spiritualisation progressive et « larguable » dans la résurrection, mais le tout d'un être corporel qui, d'abord psychique en Adam devient pneumatique à son passage à l'in-corpo-ration dans le Christ.
La construction de l'opposition psychique /pneumatique a encore plus à nous apprendre. Telle que réfléchie de Gn .2,7, sa formulation ne peut se transcrire en opposition âme/esprit, littéralement correcte au niveau de la langue grecque, corps/esprit ou chair/esprit. Si nous souhaitons la lire à travers l'anthropologie grecque, il faut écrire : corps et âme psychiques par rapport à corps et âme pneumatiques. https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/1997-v5-n2-theologi1871/024948ar.pdf
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMar 22 Sep 2020, 10:52

Nous retrouvons ici une vision apocalyptique, dont la résurrection est un motif associé, puisque celle-ci constitue la manifestation de cet âge nouveau qui prolonge et remplace l’ancien. Le corps animé se transforme : du réceptacle passif de la vie terrestre (comme Adam en Genèse), il devient l’agent de la vie divine, céleste, sans commune mesure avec la vie terrestre, parce que rempli de souffle.
D’ailleurs, les versets qui suivent notre texte utilisent l’imagerie apocalyptique :

(51) Voici, je vous dis un mystère : nous ne nous endormirons pas tous, mais tous nous serons changés. (52) En un instant, en un clin d’oeil, à la dernière trompette ; car on sonnera la trompette, et les cadavres seront réveillés incorruptibles, et nous, nous serons changés. (53) Il faut, en effet, que ce corruptible revête l’incorruptibilité, que ce mortel revête l’immortalité.

Dans l’argumentation du texte, il est notable que sur terre ou dans le ciel, qu’il soit psychique ou rempli de souffle, le corps (et donc l’humain) est toujours décrit en termes matériels (Martin 1995, 128). En recoupant 1Co 15,26-49 avec nos observations de 1Co 2,10–3,4, il appert que les chrétiens « avancés » expérimentent déjà, selon Paul, ce à quoi peut ressembler un « corps rempli de souffle », puisque leur souffle humain a déjà part au souffle divin. https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2004-v12-n1-2-theologi976/011557ar.pdf
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 23 Sep 2020, 13:37

"Seulement, conduisez-vous d'une manière digne de la bonne nouvelle du Christ, afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste absent, j'entende dire que vous tenez ferme dans un même esprit, combattant d'une même âme pour la foi de la bonne nouvelle" (Ph 1,27) NBS

"Seulement, menez une vie digne de l’Evangile du Christ, afin que, si je viens vous voir, ou si, absent, j’entends parler de vous, j’apprenne que vous tenez ferme dans un même esprit, luttant ensemble d’un même cœur selon la foi de l’Evangile" (TOB)

"comblez ma joie en étant bien d'accord ; ayez un même amour, une même âme, une seule pensée" (2,2) NBS

"alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité" (TOB) 

Comment expliquer ces choix de traductions (Cœur/âme) ?

Il ne faut pas tirer de conclusion anthropologique de l'occurrence du vocable psyche dans des expressions idiomatiques, par exemple Phil 1,27 : « Vous tenez ferme dans un même esprit (pneuma) et luttez d'un même cœur (TOB) (mia psychè) », ce qui désigne une volonté commune, une unanimité, exprimée aussi par le terme sympsuchos (Phil 2,2) (p.207). Ailleurs c'est le vocable pneuma qui est employé dans une façon de parler sans implication théologique (1 Cor 5,3 5
« absent de corps mais présent d'esprit ») (p.209). https://www.ha32.fr/wp-content/uploads/2019/10/20160116_La-theologie-du-corps-dans-le-nouveau-testament-selon-Rudolf-Bultmann_Marc-Spindler.pdf


Toutefois dans les autres épîtres de saint Paul la psyché et ses dérivés signifient l'existence terrestre de l'homme dans ses manifestations, le mode d'existence de l'individu et même la personne humaine au sens positif (par exemple pour indiquer l'idéal de vie de la communauté ecclésiale: miâ-i psychê-i. "dans un seul esprit" Ph 1,27; sym-psychoi = "avec l'union de vos esprit": Ph 2,2; isôpsychon = "d'âme égale", Ph 2,20; cf. R. JEWETT, Paul's Anthropological terms. A Study of their use in Conflit Settings, Brill, Leiden, 1971, p. 2, 448-449). http://www.theologieducorps.fr/book/export/html/117
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeLun 12 Oct 2020, 17:07

Pour répondre à la question ci-dessus, il est sans doute plus "naturel" en français de dire "d'un même coeur" que "d'une même âme", d'où le choix stylistique de la TOB. Cela dit, "d'une même âme" se comprend parfaitement dans le même sens fonctionnel, de sorte que je ne vois pas de raison, en l'occurrence, de s'écarter de la correspondance formelle: le grec emploie psukhè (ou un dérivé) et non kardia, ce qu'il aurait tout aussi bien pu faire. Même s'il n'y a aucune conséquence "anthropologique" à tirer de cette façon de parler, au sens d'une théorie consciente et cohérente de "l'âme" ou du "coeur", il reste intéressant de constater qu'en grec comme en français les mots sont quasiment interchangeables dans certains usages. Soit dit en passant, étymologiquement notre mot "un-anime", composé d'unus ou una et animus ou anima, dit sensiblement la même chose.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 20 Oct 2021, 12:04

"Quant à moi, absent de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé, comme si j'étais présent, celui qui a agi de la sorte. Quand vous serez rassemblés au nom de notre Seigneur Jésus, vous et mon esprit, avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu'on livre un tel homme au Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur !" (1 Cor 5,3-5).


Le « pneûma » paulinien est vecteur de résurrection, du fait qu’il vient du Christ, nouvel Adam et dernière forme de l’homme. Ainsi s’impose d’emblée la nécessité de concevoir le « pneûma » comme principe interne d’une vie, mais d’une vie irréductible à la vie seulement naturelle-biologique ; puisqu’il est ce principe vital qui assure l’existence et le devenir de l’individu par-delà la mort, par-delà la limite naturelle de la puissance de la « psychè ». 

https://journals.openedition.org/noesis/1293#tocto1n6
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 20 Oct 2021, 13:31

Sur cet article et sur ce texte, voir ici 28.5.2021: en tout cas il ne s'agit pas d'"âme" (psukhè-psyché).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeJeu 08 Aoû 2024, 14:02

Retour de l'âme : immortalité et résurrection dans le christianisme primitif
François Bovon,   Mireille Hébert

Paul

Écrivant quatre ou cinq décennies avant Jean, Paul utilise les termes anthropologiques qu’on trouve dans la Septante, la traduction grecque de la Bible hébraïque. Il utilise des mots tels que « cœur », « chair », « âme » et « esprit » de manière vague, sauf quand il oppose la « chair » et l’« esprit ». Il utilise des mots tels que « cœur », « chair », « âme » et « esprit » de manière vague, sauf quand il oppose la « chair » et l’« esprit ». Comme l’existence pécheresse commence avec le mauvais désir (epithumia), se développe dans le péché (hamartia) et se termine avec la mort (thanatos) (Rm 7, 7-25), l’existence rachetée, décrite comme « juste », est la vie dans l’Esprit, ce qui ne veut pas dire spécifiquement vie spirituelle ou mystique, mais guidée par l’Esprit de Dieu, active dans l’amour concret du prochain et dans l’amour intense de la divinité.

Active dans la vie ancienne, la vie nouvelle est décrite par Paul comme un sacrifice de nos corps et le renouvellement de nos intelligences (Rm 12, 1-2). La source de l’espérance pour le moi vient de la grâce divine ; et la dimension morale du corps et de l’âme ne peut résulter que de la décision de la foi, réponse humaine à l’affirmation divine de l’amour.

Il y a une harmonie évidente entre l’Épître aux Romains et la Première épître aux Corinthiens. La vie éternelle commence déjà, ici et maintenant, mais la participation présente à la vie éternelle se passe dans nos corps mortels et se conforme à la croix du Christ. La participation future – en continuité avec le présent – coïncidera avec la résurrection de Jésus. Il est, par conséquent, d’une importance vitale d’affirmer qu’il y a bien résurrection (1 Co 15, 12). Parce qu’il est Juif, mais aussi parce que le grec est sa langue maternelle, Paul ne peut pas imaginer un moi extérieur au corps, une existence sans corps. Mais que sera le corps final ? Il sera certainement en continuité avec la vie présente (pour être certain que c’est la même personne), mais il y aura aussi discontinuité, car la résurrection sera qualitativement différente de l’existence naturelle. En conséquence, Paul crée l’expression soma pneumatikon, « corps spirituel », utilisant soma (« corps ») pour la continuité et pneumatikon (« spirituel ») pour la discontinuité, pour la nouveauté (1 Co 15, 44). En usant de cette métaphore que Juifs et Grecs peuvent tous comprendre, il compare notre souffrance présente et notre moi futur glorieux au destin d’une graine, semée physiquement mais renaissant spirituellement, selon les anciennes normes et croyances. Non seulement nous ressemblons au Christ ressuscité, mais nous participons aussi à son existence : « Et de même que nous avons été à l’image de l’homme terrestre, nous serons aussi à l’image de l’homme céleste » (1 Co 15, 49). « Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, et que cet être mortel revête l’immortalité » (1 Co 15, 53).
 
Jésus

Si nous essayons de découvrir le point de vue de Jésus sur la question en cherchant dans une concordance du texte grec le mot psychè (« âme », « vie » ou « personne »), nous trouvons en particulier une référence à la parole la plus importante en ce qui concerne notre sujet, car elle présume la survie de la personne d’une manière ou d’une autre après la mort ; elle souligne l’importance de l’« âme » en concomitance avec la réalité du « corps » ; elle donne la force et l’espérance à tous les chrétiens en période de persécution ou de détresse ; c’est en outre la parole expliquée par Jean Calvin, auteur déjà mentionné dans ce texte. Sachant que la crainte peut submerger n’importe qui en de nombreuses circonstances différentes, Jésus dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne » (Mt 10, 28). Nous découvrons ici que Jésus croit et présuppose que la vie humaine ne s’arrête pas au moment de la mort, et que ce qu’il appelle « âme » peut survivre après la disparition du corps. Cette parole confirme aussi l’importante dimension morale de la vie éternelle : la rédemption des chrétiens n’est pas qu’une douce promesse de délices éternelles, mais le don – qui n’est pas sans exigences – de la résurrection et de l’immortalité dans les limites de la foi et de la persévérance.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2011-4-page-433.htm


Le mot grec psukhê est lui aussi employé pour désigner la “ vie en tant que créature ” en Matthieu 6:25 ; 10:39 ; 16:25, 26 ; Luc 12:20 ; Jean 10:11, 15 ; 13:37, 38 ; 15:13 ; Actes 20:10. Puisque les serviteurs de Dieu ont l’espoir de ressusciter s’ils meurent, ils espèrent vivre de nouveau en tant qu’“ âmes ” ou créatures vivantes. C’est pourquoi Jésus put dire : “ Celui qui perd son âme [sa vie de créature] à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. Quel profit, en effet, y a-​t-​il pour un homme à gagner le monde entier et à le payer de son âme ? Que donnerait, en effet, un homme en échange de son âme ? ” (Mc 8:35-37). Il dit encore : “ Qui est attaché à son âme la détruit, mais qui a de la haine pour son âme dans ce monde la préservera pour la vie éternelle. ” (Jn 12:25). Ces textes, et d’autres du même genre, permettent d’avoir une bonne intelligence des paroles de Jésus consignées en Matthieu 10:28 : “ Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut détruire et l’âme et le corps dans la géhenne.S’ils peuvent tuer le corps, les hommes sont incapables de tuer la personne pour toujours, vu que celle-ci est vivante dans le dessein de Dieu (voir Lc 20:37, 38), et Jéhovah peut et veut ramener un tel fidèle à la vie en tant que créature grâce à la résurrection. Pour les serviteurs de Dieu, la perte de leur “ âme ”, ou vie en tant que créature, n’est que temporaire et non définitive. — Voir Ré 12:11.

Mortelle et destructible. En revanche, Matthieu 10:28 affirme que Dieu “ peut détruire et l’âme [psukhên] et le corps dans la géhenne ”. Cela prouve que psukhê ne désigne pas quelque chose d’immortel et d’indestructible. En fait, pas une seule fois dans toutes les Écritures, hébraïques et grecques, les mots nèphèsh ou psukhê ne sont accompagnés d’adjectifs comme immortel, indestructible, impérissable ou d’autres du même genre (voir IMMORTALITÉ ; INCORRUPTIBILITÉ). Par contre, de très nombreux textes des Écritures hébraïques et grecques indiquent que la nèphèsh ou la psukhê (l’âme) est mortelle et sujette à la mort (Gn 19:19, 20 ; Nb 23:10 ; Jos 2:13, 14 ; Jg 5:18 ; 16:16, 30 ; 1R 20:31, 32 ; Ps 22:29 ; Éz 18:4, 20 ; Mt 2:20 ; 26:38 ; Mc 3:4 ; Hé 10:39 ; Jc 5:20) ; qu’elle meurt, “ retranchée ” ou détruite (Gn 17:14 ; Ex 12:15 ; Lv 7:20 ; 23:29 ; Jos 10:28-39 ; Ps 78:50 ; Éz 13:19 ; 22:27 ; Ac 3:23 ; Ré 8:9 ; 16:3), soit par l’épée (Jos 10:37 ; Éz 33:6), soit étouffée (Jb 7:15) ; qu’elle est en danger de périr par noyade (Yon 2:5) ; qu’elle descend dans la fosse ou dans le shéol (Jb 33:22 ; Ps 89:48) ou qu’elle en est délivrée. — Ps 16:10 ; 30:3 ; 49:15 ; Pr 23:14.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1200004192?q=l%27%C3%A2me+matthieu+10&p=par
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeJeu 08 Aoû 2024, 15:25

Excellent article de Bovon, qui mérite d'être lu ou relu -- que ça ait ou non un rapport avec son choix "anti-chronologique", de remonter le temps de l'Antiquité tardive au christianisme primitif, je n'ai eu qu'à la fin l'impression de l'avoir déjà lu (sans pour autant me rappeler où). Pour en rester à cette question d'ordre (anti-)chronologique, je trouve assez problématique de présenter "Jésus" après, c'est-à-dire avant (selon l'ordre chronologique normal) "Paul": les évangiles (et pas seulement "Jean") sont, de fait, largement postérieurs aux (premières) épîtres pauliniennes -- Bovon, je pense, n'en disconviendrait pas.

En ce qui concerne 1 Corinthiens 15, je pense qu'il y a contresens à dire que c'est le "corps" (sôma) plutôt que l'"âme" (psukhè) qui assure une continuité de l'avant-mort à la résurrection, puisqu'il est expressément dit (v. 35ss) qu'il y a changement de corps: dans la métaphore végétale, ce n'est précisément pas le corps qui est "semé" qui est "réveillé" ou "relevé", mais un autre et d'une autre sorte. La seule continuité en l'occurrence est verbale, c'est celle du nom commun sôma, "corps", avant et après: un autre "corps", mais encore un "corps". C'est un sujet dont nous avons encore parlé assez récemment ici.

Autre rappel de détail: en Romains 7 il n'est pas question de "mauvais désir(s)" (comme le suggèrent les traductions traditionnelles en "convoitise", etc.), mais bien de "désir" tout court: c'est le terme le plus général pour le "désir", epithumia, qui correspondait notamment chez Platon (et par là dans la majeure partie de la "philosophie populaire") à la part inférieure de la psukhè, et en faisait en tout cas partie intégrante. Ce n'est pas pour rien que "Paul" tronque le "dixième commandement" en omettant l'objet du "désir": tout "désir" est ainsi mis en cause, non seulement un "mauvais" désir opposable à un bon, de sorte que le raisonnement dépasse toute "morale" -- il n'y a pas de psukhè sans epithumia, pas d'"âme" sans "désir", c'est pourquoi la "solution" paulinienne est cherchée au-delà de l'"âme", de la psyché et du psychique caractéristiques du "premier Adam" selon 1 Corinthiens 15, dans un "esprit" ou un "spirituel" (pneuma, pneumatikos) qui transcende l'"âme", l'animal et le psychique en général. Pour ce "Paul"-là le salut, la vie éternelle, l'immortalité ou le royaume de Dieu ne sont pas plus du ressort de l'"âme" que du "corps" en tant que "chair" ou "chair et sang", c'est l'"esprit" qui fait la différence, dans le "corps" même.

A propos d'"animal", cette fois au sens "zoologique" du terme (zôè c'est la "vie" du "vivant", aussi bien humaine, divine ou éternelle), la note 30 mérite bien un petit détour.

La Watch, bien sûr, prend prétexte d'une formulation dogmatique de l'immortalité de l'âme (humaine), prise au sens strict d'impossibilité de mourir, pour esquiver l'évidence de la phrase de Matthieu 10,28, qui implique bien une survie de l'"âme" au "corps" (quoi qu'on entende par là), et non une "immortalité" naturelle ou automatique: la psukhè "peut" mourir ou ne pas mourir, être "tuée" (apokteinô) ou "perdue" (apollumi), par ce ou celui qui "peut" tout, en particulier ce que l'"homme" ne "peut" pas -- "Dieu" ou "la foi", selon les textes. On notera au passage que Luc 12,4s use d'une formulation plus vague et plus conforme à l'"anthropologie" courante: après avoir tué le corps l'homme ne peut "rien faire de plus", alors que Dieu (sous-entendu) peut jeter (on ne dit pas "quoi") dans la Géhenne...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 21 Aoû 2024, 15:37

Quand l'âme se sépare du corps, elle se donne la mort - un don qui, selon Platon, n'entre dans aucun échange, aucun commerce de la vie

Selon Socrate qui, dans le Phédon, s'exprime le jour même où il va recevoir la cigüe, l'âme ressemble à ce qui est divin, impérissable, intelligible, indissoluble, invisible, et le corps à ce qui est visible, mortel. A la mort, l'âme s'en va vers un lieu noble, pur, impérissable, un lieu qui lui ressemble, tandis que le corps se dissoud. Et voici ce que Platon fait dire à Socrate :

"Si c'est en état de pureté que l'âme s'est séparée du corps, n'entraînant avec elle rien de celui-ci, parce que, dans le cours de la vie, elle n'a, de son plein gré, nul commerce avec lui, mais qu'au contraire elle le fuit et s'est de son côté ramassée sur elle-même; parce que c'est à cela qu'elle s'exerce toujours...; en quoi faisant, elle ne fait rien d'autre que de philosopher au sens droit du terme et de réellement s'exercer à mourir sans y faire difficulté, contesteras-tu que ce soit là un exercice de mort?"

Dans ce texte de Platon, la psychè (l'âme) ne se rassemble, elle ne s'éveille à la conscience de soi que dans le souci de la mort. Le moi individuel, responsable, ne peut émerger, s'individualiser, s'intérioriser (ce qui, selon Platon, s'accomplit dans le mouvement de la philosophie) que dans l'anticipation du mourir. Socrate ne cherche pas à éviter sa mise à mort : il l'attend au contraire avec calme, espoir.

Dans le cours usuel de la vie, l'âme n'aurait, "de son plein gré", aucun commerce avec le corps. Elle serait déjà, virtuellement, séparée, comme si le corps n'existait plus, elle anticiperait déjà la mort. L'âme n'échange avec le corps que quand elle y est forcée - c'est une déchéance, une impureté. En tant qu'âme, elle aspire à la mort du corps. Cette mort est pour elle une libération, une délivrance. En se donnant la mort à elle-même, elle se dégage de l'obligation d'échanger, elle se libère de toute économie. D'un côté, le don de la mort exclut l'échange, mais d'un autre côté, pour "triompher" de la vie, il faut l'incorporer, et incorporer avec elle ses mystères.

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1701141233.html
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMer 21 Aoû 2024, 20:06

(Un changement d'ordinateur plus tard...)

C'est le paradoxe, ou l'aporie, de la réflexivité (miroir, miroir -- "psyché" est aussi le nom d'un miroir), qui se reflète (!) en français dans toutes les conjugaisons pronominales, de verbes transitifs directs ou indirects: pour se tuer, se décider, se tromper, se maîtriser, s'emporter, se calmer, se consoler, se livrer, se trahir, s'abandonner, s'ouvrir, se fermer, et ainsi de suite, il faudrait paradoxalement être plus d'un, le sujet et l'objet, l'actif et le passif, qui ne coïncident jamais bien qu'ils soient censés être, désigner ou signifier le même. Je(u) d'une scène d'"intériorité" (le fameux for ou forum intérieur) aussi peuplée, complexe, foisonnante, bruyante, polyphonique que la scène dite extérieure, familiale, domestique, sociale, politique, commerciale (forum = agora), qui opposerait des "personnes" différentes, mais chacune présumée une et identique à elle-même. Le "possédé" de Gerasa dont on parlait tout récemment, son ou ses "esprits" qui hésitent entre le singulier et le pluriel, n'est ou ne sont pas le seul, si l'on peut encore dire, à être "nombreux". C'est bien ça que dit et fait l'"âme", le mot "âme", parmi bien d'autres: introduire le jeu d'une différence, d'une distance, d'un écart, d'un espacement dans le soi-disant sujet: au lieu de "moi" "mon âme", "mon coeur", "mon esprit", "mon corps", "ma chair", "ma conscience", "mon inconscient", distribution topique, anatomique, métaphysique ou psychologique des rôles (de composition) dans le prétendu et fort mal nommé in-dividu ainsi divisé ou multiplié, transi d'autre(s) en lui comme au dehors.

Le suicide et toute sa métonymie traditionnelle (sacrifice, crime et châtiment, martyre, croix, nirvâna, détachement, déréliction, abandon, deuil, résilience, etc.) illustre cela à merveille, si l'on peut dire: celui qui tue est et n'est pas celui qui meurt, et cette faille quasi-nulle, déhiscence ou désajointement entre l'un et l'autre dans le même, incapable pourtant de séparer l'un de l'autre, se fait béante devant la mort, comme possibilité de l'impossible. Aporie, impasse, rien ne passe, à moins d'un don paradoxal qui réinscrirait une différence absolue, asymétrique, précisément là où elle n'a aucun sens: donner la mort, se donner la mort à soi-même comme à un(e) autre, la recevoir de soi-même comme d'un(e) autre, comme un jeu ludique et théâtral. Pour rappel, Donner la mort, chez Derrida, c'était la réflexion infinie sur le sacrifice d'Abraham, en passant par Kierkegaard, Kafka et Patočka -- et sur Narcisse. Soi-même comme un autre, c'était aussi un beau titre de Ricoeur, mais il s'agit là d'un fond sans fond, abyssal, où toute "morale" ou "éthique" de la "responsabilité" perdrait pied...

Ce qui compte dans cette anthropologie théâtrale et spéculaire, c'est qu'il y ait des mots différents pour jouer les différences -- non d'assigner à chacun une définition et un rôle fixes. On ne peut pas purement et simplement opposer l'"âme" au "corps", même chez Platon, où la psukhè, comme la nephesh hébraïque, reste essentiellement sensible, corporelle, animale; la saucissonner en (trois) "parties" superposées, en réduisant les textes de Platon à un "système", n'arrange rien. Ce n'est que par une extrême pointe, intellectuelle, noétique (du noûs), que l'âme excéderait le "sensible" pour accéder à l'"intelligible" ou l'"idéel" -- sans rompre pour autant son lien avec le corps, qui se réaffirme jusque dans La République avec le mythe d'Er, réincarnation ou métempsycose où se réincarnent même les âmes des philosophes et dont les animaux ne sont pas exclus.

L'avantage à mes yeux des vieux mots traditionnels comme "âme" ou "esprit" (malgré la concurrence "intellectuelle" qui se joue, en français, dans ce dernier), c'est justement leur caractère vague, mobile, fluide ou gazeux, qui s'oppose non seulement à la solidité d'un "corps" mais aussi à la permanence, à la subsistance illusoires d'un "soi", d'un "sujet", d'une "personne", d'une identité ou d'une ipséité (x = x, toujours le même, identique à lui-même et distinct de tout autre de la naissance à la mort, de l'apparition à la disparition) -- soit la contrepartie fictive d'un nom (prénom, pronom). En fait de tels mots ont tout à gagner à être déchus d'une définition dogmatique, qu'elle soit théologique, anthropologique ou psychologique: signifiants sans signifiés ni référent, métaphores, tropes, façons de parler, termes "figurés" sans aucun sens "propre", ils n'en remplissent que mieux leur fonction "poétique", ou "performative"...

Animula vagula blandula...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeLun 09 Sep 2024, 14:54

Le corps : un poids pour l’âme ?
L’exégèse augustinienne de Sagesse 9, 15
Par Isabelle Bochet

II. Le corps n’est pas la prison de l’âme : la critique des platoniciens

A. La tradition platonicienne du corps-prison

P. Courcelle  [16] a étudié la tradition platonicienne et les traditions chrétiennes du corps prison, dans un article de la Revue des études latines dont je rappellerai ici quelques-unes des analyses. En Phédon 62b, Socrate cite une formule que l’on prononce dans les Mystères : « Nous les humains, nous sommes comme assignés à résidence et nul ne doit s’affranchir lui-même de ces liens ni s’évader »  [17]. Le terme employé est φρουρά, qu’il faut interpréter ici au sens de « prison » ou de « résidence surveillée », plutôt qu’au sens de « poste de garde » : l’idée énoncée ici par Platon est, semble-t-il, que l’âme, emprisonnée dans le corps, n’est pas libre de s’en évader par le suicide. Dans le Cratyle (400c), Platon rapporte expressément aux Orphiques ce thème du corps-prison.

Dans le Songe de Scipion et dans les Tusculanes, Cicéron « traduit la φρουρά du Phédon tantôt par custodia, tantôt par carcer » et reprend l’idée que l’homme n’a pas le droit de s’évader du corps, si la divinité ne l’en délivre  [18]. Virgile assimile lui aussi le corps à une « prison ténébreuse » dans le livre VI de l’Énéide (v. 730-734). Plotin se réfère expressément aux affirmations de Platon dans le Phédon dans son traité Sur la descente de l’âme dans un corps (Enn. IV, 6 [8]) et Porphyre, si l’on en croit Augustin, compare aussi le corps à des chaînes  [19].

Il est plus surprenant, sans doute, de voir les chrétiens reprendre ce thème, comme le montre encore P. Courcelle : c’est le cas, par exemple, de Tertullien, de l’À Diognète, de Clément d’Alexandrie ou encore d’Origène  [20]. Ambroise  [21] développe abondamment le thème du corps-prison, notamment dans l’Hexa­meron où il interprète en ce sens Ps 141, 8, « Fais sortir mon âme de prison » : « Qu’est-ce que la vie, sinon la prison de l’âme (carcer animae) qui est enfermée dans cet ergastule… ? »  [22] ; ou encore dans son Commentaire du Psaume 118, dans lequel il explique que, si Paul désire être libéré de « ce corps de mort » (Rm 7, 24), c’est parce que « nous sommes enfermés dans une prison et enveloppés, du fait de l’avidité, par les ténèbres des méfaits dans un bouge de luxure »  [23].

Cette image du corps-prison est néanmoins « violemment dénoncée comme païenne et hérétique lors de la controverse origéniste »  [24] : par Épiphane de Chypre, dans son Panarion et dans sa Lettre à Jean de Jérusalem  [25], puis par Jérôme, notamment dans son traité Contre Jean de Jérusalem  [26]. C’est dans ce contexte qu’il faut lire les textes dans lesquels Augustin réagit contre la thèse du corps-prison, en prenant appui sur Sg 9, 15.

B. L’enseignement de Sagesse 9, 15 sur la corruptibilité du corps : « Ergo carcerem facit non corpus, sed corruptio »

1) L’exégèse de Ps 141, 8 : « Fais sortir mon âme de sa prison » 

Dans son Commentaire du Psaume 141  [27], Augustin s’interroge à son tour sur le sens du verset 8 : « Fais sortir mon âme de sa prison ». Il envisage trois interprétations possibles. Selon la première, la prison serait le monde ; le verset serait alors à comprendre comme une prière de l’Église pour demander à Dieu d’être tirée hors de ce monde, où tout est vanité. Mais, si tel était le sens à retenir, le psalmiste n’aurait-il pas dit plutôt : « Fais sortir mon corps de cette prison », car « notre corps est dans cette prison, dans ce monde »  [28] ?

Selon la seconde interprétation, qui est celle de certains commentateurs, comme le précise Augustin, « c’est le corps qui est cette prison et cette caverne », mais une telle lecture est problématique : car « les âmes des voleurs et des criminels sortent aussi de leur corps », mais pour connaître des tourments plus grands ; on ne voit pas non plus comment le juste pourrait faire une telle prière sans manquer à la charité qui rend nécessaire de « rester dans la chair » pour les autres, comme le dit Paul (Ph 1, 23) ; « que Dieu fasse donc sortir [l’âme] du corps quand il le voudra ». Augustin corrige alors cette seconde interprétation et en propose une variante : « On pourrait dire encore que notre corps est une prison, non pas parce que l’ouvrage de Dieu serait une prison, mais parce que le corps est maintenant soumis au châtiment et à la mort. » Autrement dit, il faut distinguer dans notre corps ce qui est l’ouvrage de Dieu et ce qui est la peine du péché : « la forme du corps, sa stature, sa démarche, ses membres bien ordonnés, la disposition de ses sens – voir, entendre, sentir, goûter, toucher –, tout cet assemblage et l’art de la fabrication ne peuvent être que l’œuvre de Dieu » ; relève du châtiment, en revanche, le caractère corruptible de la chair, qui est « mortelle, fragile, indigente ». Augustin peut alors conclure, après avoir évoqué la résurrection finale du corps : « Si la chair est pour toi une prison, ce n’est pas le corps qui est ta prison, mais la corruption de ton corps. » La seconde interprétation du verset n’est donc acceptable que si l’on comprend : « Fais sortir mon âme de la corruption »  [29].

Selon la seconde interprétation, qui est celle de certains commentateurs, comme le précise Augustin, « c’est le corps qui est cette prison et cette caverne », mais une telle lecture est problématique : car « les âmes des voleurs et des criminels sortent aussi de leur corps », mais pour connaître des tourments plus grands ; on ne voit pas non plus comment le juste pourrait faire une telle prière sans manquer à la charité qui rend nécessaire de « rester dans la chair » pour les autres, comme le dit Paul (Ph 1, 23) ; « que Dieu fasse donc sortir [l’âme] du corps quand il le voudra ». Augustin corrige alors cette seconde interprétation et en propose une variante : « On pourrait dire encore que notre corps est une prison, non pas parce que l’ouvrage de Dieu serait une prison, mais parce que le corps est maintenant soumis au châtiment et à la mort. » Autrement dit, il faut distinguer dans notre corps ce qui est l’ouvrage de Dieu et ce qui est la peine du péché : « la forme du corps, sa stature, sa démarche, ses membres bien ordonnés, la disposition de ses sens – voir, entendre, sentir, goûter, toucher –, tout cet assemblage et l’art de la fabrication ne peuvent être que l’œuvre de Dieu » ; relève du châtiment, en revanche, le caractère corruptible de la chair, qui est « mortelle, fragile, indigente ». Augustin peut alors conclure, après avoir évoqué la résurrection finale du corps : « Si la chair est pour toi une prison, ce n’est pas le corps qui est ta prison, mais la corruption de ton corps. » La seconde interprétation du verset n’est donc acceptable que si l’on comprend : « Fais sortir mon âme de la corruption »  [29].

L’expression de Sg 9, 15 : corpus quod corrumpitur joue donc un rôle stratégique dans ce débat d’Augustin avec la tradition platonicienne du corps-prison : elle lui permet de réhabiliter le corps contre ses détracteurs, en défendant sa beauté et sa valeur, et d’incriminer au contraire la « corruption » qui est un châtiment et qui disparaîtra dans la résurrection finale.

https://shs.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2016-1-page-27?lang=fr#s1n3
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeLun 09 Sep 2024, 16:38

Etude (2016) instructive sur l'évolution de la pensée d'Augustin -- je serais tenté, d'un point de vue moins catholique ou orthodoxe que celui de l'auteur(e, -trice), de dire que plus Augustin s'enferme dans le christianisme et dans l'Eglise, en devenant non seulement chrétien mais évêque, moins il dialogue avec l'extérieur (néoplatonisme ou manichéisme "païens") et plus il dispute à l'intérieur, en voulant définir, défendre et imposer une orthodoxie contre des hérésies, moins il pense en philosophe et plus il pontifie en théologien dogmatique et autoritaire (ce n'est certes pas une surprise). C'est tout le mouvement des Retractationes après les Confessiones.

La distinction théorique d'une création et de corps "bons" d'une part, et d'un "péché originel" qui corromprait le tout dans un deuxième temps, fût-il quasiment simultané, peut toujours être affirmée, confessée, racontée, récitée, mais peut-elle être pensée ? Dans la mesure où tout "corps" phénoménal, celui qu'on est, qu'on a, qu'on habite et qu'on rencontre effectivement relève de la seconde catégorie, "pécheresse" ou affectée par le péché, la première n'existe tout simplement pas: on peut toujours l'inscrire sur un horizon originel ou eschatologique, dans une exception christique au ciel ou même sur la terre, en ce temps-là, ailleurs (in illo tempore, illic et tunc, alibi), le fait est qu'ici et maintenant (hic et nunc) il n'y a jamais, il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais rien de tel. Mais une pensée sérieuse d'un "péché originel" qui le réinscrirait dans l'origine même (non seulement la "création", mais dès la première "expression" ou "émanation" divine, y compris "trinitaire") était barrée d'emblée par le rejet ecclésiastique de la "gnose" qui pensait précisément ainsi, deux siècles avant saint Augustin -- tout commencement est catastrophique, non par accident mais par sa nature même de commencement qui entraîne fatalement des suites, comme toute source une pente et un déval, une descente, une chute; toute image une itération de l'original, ouverte à toutes les altérations; tout devenir, toute expansion, tout don une perte, une dégradation, etc.

C'est dommage qu'avec tout ça on ne s'attarde pas sur le sens du texte même (grec et non latin) de la Sagesse (9,15), à peu près contemporaine de Philon ou de Paul, très antérieure au néo-platonisme et à saint Augustin mais certainement marquée, comme toute la "philosophie populaire" de son temps, par un mélange de (médio-)platonisme et de stoïcisme (au moins):
phtharton gar sôma barunei psukhèn,
kai brithei to geôdes skènos noun poluphrontida

--  car le corps corruptible (= périssable, pourrissable) alourdit l'âme,
et la tente terrestre grève l'esprit chargé de pensées multiples.
C'est bien le corps (sôma) qui est en cause, défini par défaut comme essentiellement périssable, matériel, terrestre, sans qu'il soit jamais question d'une autre espèce de "corps" (en 8,20 Salomon peut être doté d'une "âme bonne" dans un corps "sans souillure", il doit encore recevoir la sagesse qui est d'une autre nature). A cet égard, comme on l'a vu, "Paul" (surtout dans 1 Corinthiens) se distingue en mettant l'"âme",  "animale" ou "psychique", psukhè-psukhikos, du côté de la "chair" (sarx), par opposition à l'"esprit" (pneuma-pneumatikos, "pneumatique" = "spirituel", qui contrairement au noûs de Platon n'est pas particulièrement "intellectuel"); le "corps" (sôma) étant susceptible de relever des deux pôles (charnel-animal-psychique / spirituel-pneumatique) et de passer de l'un à l'autre: c'est la "résurrection selon le chap. 15, ce sera aussi le baptême et la parénèse, l'exhortation pratique, morale, éthique contre la "chair" et pour l'"esprit", selon Romains et au-delà; mais en évitant désormais le vocabulaire de l'"âme" et du "psychique", en bonne ou en mauvaise part... Une terminologie qu'on retrouvera en revanche dans la pensée "gnostique" ou, de façon plus platonicienne, dans le christianisme hellénistique, alexandrin (Origène-Clément etc.) ou cappadocien (Grégoire de Nysse ou de Nazianze), plutôt que chez les Latins...

Bien entendu, des textes comme Psaume 141/2,8, qui n'impliquaient en hébreu aucun dualisme (fais sortir mon âme = fais-moi sortir, l'âme ici sort de prison avec le corps) sont relus ici de façon fort différente (fais sortir mon âme de la prison du corps): le seul distinguo "orthodoxe" étant le rapport à la "corruption": c'est parce que le corps est corrompu qu'il est prison; mais l'âme aussi est corrompue...

Au passage, comme on en a (re-)parlé ci-dessus cet été, le vocabulaire de la pesanteur et de la légèreté, associé à celui de la verticalité (haut / bas, monter / descendre), sied au platonisme comme à presque toutes les "écoles" contemporaines, religieuses, philosophiques, juives, chrétiennes ou "païennes": on monte vers l'intellect, l'idéel, le ciel, le divin, le spirituel, mais le "corps", la chair, la matière, le monde attirent au contraire vers le bas. Cependant il n'y a jamais de vraie rupture, en tout cas pas définitive, car l'"âme", même dans les platonismes, se rapporte à tout l'axe ou à toute l'échelle, de bas en haut et de haut en bas: elle n'a de sens que par relation au "corps", si elle s'en sépare, même en s'échappant vers le haut, elle n'évitera pas d'y revenir, d'y redescendre ou d'y retomber (métempsycose ou réincarnation comparable, sur ce point, à la résurrection des corps ou de la chair)...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMar 10 Sep 2024, 12:42

L’odyssée et l’exode : les mystiques de Plotin et Grégoire de Nysse
Par Laurent Lavaud

« Philosophie, toujours insatisfaite de n’être que philosophie ! Le retour à l’Un de ce qui s’en était séparé – la coïncidence avec la source de l’“au-delà de l’être”– serait la grande affaire, dans la séparation de l’Intelligence d’avec l’Un, pour la philosophie qui y surgit. L’aspiration au retour, est le souffle même de l’Esprit ; mais l’unité consommée de l’Un vaut mieux que l’Esprit et que la philosophie [1]. » Ainsi E. Lévinas caractérise-t-il le rapport entre mystique et philosophie dans la pensée plotinienne : la philosophie aspirerait à son propre dépassement dans l’union primordiale avec l’Un principe, antérieure à l’articulation et l’altérité que suppose l’exercice de la pensée. Toute pensée s’instaure en effet dans la distance avec son origine, avec son arche, et ne peut la saisir qu’en s’en distinguant : elle s’éprouve en exil de l’Un dont elle a procédé. Par contraste, l’union mystique abolit la distance et renoue avec l’unité première dont l’être lui-même, dans le déploiement de sa détermination, s’est séparé. L’être peut ainsi apparaître comme le lieu même de l’exercice de la philosophie (ici caractérisée comme l’acte d’intellection, comme la saisie articulée de l’ousia intelligible) ; mais antérieurement à ce lieu, se devine le non-lieu du principe, insituable et illimité, que la pensée ne peut qu’indiquer négativement, par une rigoureuse apophase, mais non atteindre et habiter. La nostalgie inhérente à la pensée, à l’exercice même de la philosophie, cette « aspiration au retour » dont parle Lévinas, puise sa dynamique dans l’écart à jamais irréductible entre l’intellection, nécessairement multiple et travaillée par l’altérité, et la simplicité transcendante du principe. La philosophie devrait ainsi se résigner à cette défaite indissociable de son activité même : jamais elle ne pourra faire retour à la source première, qui transcende aussi bien l’être que la pensée.

Si retour il y a, on l’a dit, ce n’est pas à la pensée philosophique qu’il revient de l’accomplir, mais à une autre expérience de l’âme, que l’on peut à bon droit caractériser comme mystique : l’épreuve de l’union consommée avec l’Un qui surmonte à rebours la séparation de la naissance de l’être et de la pensée et s’absorbe dans l’indistinction primitive. Plotin a lui-même décrit le parcours régressif de l’âme vers le principe comme une odyssée dont l’Ulysse n’est autre que le soi en route vers sa terre natale, l’Un :

- Quelle est cette fuite, et comment remonterons-nous ?
- Prenons le large, comme le fit Ulysse, nous dit Homère — et il me semble alors parler par énigmes —, en quittant la magicienne Circé et Calypso parce qu’il ne se plaisait pas à demeurer chez elles, malgré tous les agréments dont sa vue jouissait et la fréquentation d’une abondante beauté sensible. Notre patrie, c’est le lieu d’où nous sommes venus, et notre père est là-bas.
(Traité 1 (I, 6), 8, 17-20, trad. J. Laurent)

Ce que l’âme « fuit » est sa condition exilée dans l’individualité du corps. La φυγὴ est donc le mouvement exactement inverse de la chute par laquelle l’âme s’est séparée de l’unité intelligible et universelle (celle de l’Âme du monde) pour prendre corps et s’isoler dans la particularité physique. Fuir, c’est donc retrouver la condition universelle et immatérielle qui fut celle de l’âme antérieurement au commerce avec le monde sensible. Ce renversement du mouvement psychique, de la chute à la fuite, donne lieu à un jeu dialectique relatif à l’identité : l’identité particulière et incarnée, par laquelle le soi est unique et insubstituable, apparaît comme une identité malheureuse et déchue, en exil de l’identité véritable et originelle, où la singularité du soi tend à se dissoudre dans la totalité intelligible. Être soi-même, dans le cadre de la spéculation plotinienne, requiert de renoncer à l’unicité au profit de l’universalité. La fuite de l’âme est cependant toute de tension et d’effort, conditionnée par une ascèse qui renonce aux tentations du sensible et aux séductions immédiates du kosmos. L’image plotinienne qui assimile le mouvement de l’âme à l’odyssée d’Ulysse exprime avec force la difficulté d’entreprendre le voyage retour vers la patrie et la vertu qu’il y faut : Circée et Calypso sont de redoutables séductrices, habiles en sortilèges qui rendent le héros oublieux de ce qu’il doit à la terre dont il est parti. Peut-être est-il d’ailleurs possible de distinguer la signification métaphorique et donc la symbolique métaphysique assumée par l’une et l’autre magicienne. Circée, en proposant un breuvage aux compagnons d’Ulysse, les transforme en porcs : on peut y voir le symbole de la condition de l’âme qui se « vautre » dans son réceptacle sensible, oublieuse de qui elle est véritablement. Calypso, quant à elle, offre à Ulysse l’immortalité et la jeunesse éternelle : faut-il dès lors y lire la métaphore de la pensée intellective, qui doit elle-même être ultimement dépassée au profit d’un ultime voyage, celui de l’union mystique, inintelligible, au principe ? Interprétée en ce sens, l’image signifierait que l’intelligible lui-même peut représenter la tentation la plus profonde pour l’âme en quête de l’origine : le séjour dans la pensée pourrait bien lui apparaître comme le lieu ultime de ses pérégrinations. Il lui faut ainsi s’éveiller à une unité plus haute même que l’acte, pourtant lui-même divin, de l’intellection. Quoi qu’il en soit, le « père » qui demeure « là-bas » semble bien signifier l’Un, à partir duquel s’est initié le mouvement d’ensemble de la procession et vers lequel il s’agit désormais de faire retour. L’odyssée de l’âme ne trouve son repos dernier que dans l’union à l’immobilité principielle.

Ce texte pourrait confirmer les intuitions de Lévinas. Dans l’œuvre plotinienne, la mystique perce au-delà de la philosophie : quand la première, par l’exercice multiple, déterminé, de la pensée intellective se tient à distance de la pure simplicité du principe et en préserve donc la transcendance, la seconde casse la distance et annihile la transcendance de l’Un au profit d’une union sans médiation. La mystique paraît donc bien habitée, comme le note Lévinas, par une irrépressible nostalgie : celle du retour vers la mère-patrie, l’Un, non-lieu primitif, à la fois origine de l’âme et antérieur à sa constitution singulière.

Le Traité 9 (VI, 9) de Plotin illustre admirablement cette union mystique au principe, et cette transgression de la transcendance qu’elle suppose. L’âme ne peut rejoindre l’origine que par un dépouillement radical, qui est l’exact correspondant du mouvement de complexification et d’enrichissement par lequel elle s’est agréé diverses déterminations et facultés à mesure de son odyssée hors de l’arche : la pensée, l’être, la temporalité, le rapport au corps et au monde… La conversion vers l’Un est une tension vers la simplicité qui est le parfait symétrique de la procession vers le monde, mouvement vers la complexité : « Tout au contraire, il faut écarter de soi les autres choses, et se tenir dans cela qui est seul, et devenir ce seul, en retranchant tout le reste qui nous enveloppe » (Traité 9 (VI, 9), 9, 50-51). On n’accède à la solitude de l’Un qu’en ne troublant pas cette solitude par l’adjonction d’une altérité qui en affaiblirait le caractère absolu. Soutenir que l’union mystique est la rencontre de deux solitudes n’est pas suffisant ; l’âme accède elle-même, par le dépouillement, à une unité telle qu’elle n’est plus en rien distincte du Seul, qu’est le principe. Autrement dit, l’unité intérieure de l’âme est condition de l’union, de l’accès à l’unité plus haute, où le soi n’est plus rien si ce n’est Celui avec lequel il se confond désormais. La distinction maintenue du soi qui s’avance vers le principe et de l’Un lui-même n’est que l’antichambre de la véritable unité mystique : « Assurément, il est possible de voir dès ici-bas et lui-même et soi-même, dans la mesure où voir est permis. On se voit alors soi-même plein d’éclat, rempli de lumière intelligible, ou plutôt devenu la lumière pure elle-même, sans poids, légère, devenu dieu, ou plutôt étant dieu, en étant alors embrasé, et si de nouveau on s’alourdit, c’est comme si on était consumé. » (9, 55-60). Ces lignes décrivent adéquatement l’écart entre le voir, qui suppose le maintien de la distance du visible et du voyant, et qui se disjoint par conséquent en double vision, celle du soi et celle de l’Un, et le devenir dieu, où toute vision, et, partant, toute relation au principe se trouve abolie au profit d’une pure identité. À dire vrai, la réflexivité du voir, où le voyant se voit lui-même comme divin, semble elle-même en retrait de l’unité absolue, désormais accomplie, de l’âme et de l’Un : il ne s’agit plus de voir l’Un, ni même de se voir comme Un, mais de transcender la relation d’altérité impliquée par la vision, pour se fondre dans l’unité pure.

https://shs.cairn.info/revue-le-philosophoire-2018-1-page-81?lang=fr


Ce texte me rappelle (un peu) l'épître aux Hébreux avec la notion de "patrie".
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que l'âme   Qu'est-ce que l'âme - Page 3 Icon_minitimeMar 10 Sep 2024, 14:13

Ce n'est pas étonnant, puisque l'épître aux Hébreux s'inscrit précisément dans le même mouvement "platonicien": "médio-platonisme" chrétien, dans le sillage déjà long d'un médio-platonisme juif (Aristobule, Philon), mais bien avant le "néo-platonisme" "païen" de Plotin ou de Porphyre, et ses suites ou variantes chrétiennes, chez Origène ou Clément d'Alexandrie, Grégoire de Nysse, Augustin, le pseudo-Denys et toute la "mystique" médiévale... On ne saurait distinguer, dans cette mouvance, entre les catégories "philosophique" ou "religieuse", qu'aussi superficiellement qu'on catalogue les "confessions", les "écoles", les "sectes" ou les "doctrines".

N'empêche que tout mouvement de retour vers l'origine ou l'archi-origine suppose le mouvement contraire, d'ouverture, d'émanation, d'expansion, d'explosion, de dislocation, de dissémination, de perte, de descente, de chute, d'incarnation, d'exil, de captivité, de servitude, par quoi l'origine est effectivement origine, commencement, arkhè, principe de suite et de fin, et/ou de retour: que le mouvement d'ensemble soit conçu ou imaginé sur un mode cyclique et répétitif à l'infini, comme dans la métempsycose, ou bien unique, singulier, une fois pour toutes, comme dans le schéma chrétien, gnostique ou orthodoxe, engendrement(s) ou création / rédemption ou retour au plérôme -- l'un est d'ailleurs aussi impensable que l'autre. Dans l'archi-origine, il n'y a ni "Dieu" ni "âme", ni rien qui se nomme, se conçoive ou se distingue: tout se résorbe dans l'absolu, ineffable par (in-)définition, où se dissolvent toutes choses, toute notion et toute opposition, dans le fond sans fond commun aux unes et aux autres (cf. notamment Eckhart). Mais ce rien même n'est rien sans le jeu d'aller et de retour (Fort / Da), de descente et de (re-)montée, de perte et de retrouvailles, d'oubli et de reconnaissance, d'expansion et de contraction. Tous les moments du mouvement lui sont nécessaires, ou aussi bien inutiles et gratuits comme le mouvement lui-même: il n'y a rien à choisir ni à préférer, rien à désirer ni à redouter, même si le choix, la préférence, le désir et la peur font partie intégrante du jeu.
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