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 Le pardon ou/et la justification

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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 20 Jan 2023, 15:57

Nelson Mandela Le pardon et la réconciliation

Le concept de «l’Ubuntu»

Mandela avait l’ambition d’une nation Une pour l’Afrique du Sud. Il voulait retisser les liens coupés, réunir dans l’unité les hommes qui avaient été divisés et aplanir toutes les différences. Ce profond amour pour l’humanité a été inspiré à Nelson Mandela par la philosophie centrale de la culture Xhosa, qu’il avait reçue depuis son enfance : l’Ubuntu (Cool, pratiquée entre autres par les Zoulous et autres peuples bantous. Le mot bantou signifie «humanité», «gratuité», «générosité», «fraternité», «je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous». Il implique un sentiment d’appartenance à une humanité plus vaste et un sentiment de réciprocité des uns vis-à-vis des autres. L’Ubuntu s’oppose à l’égoïsme et à l’individualisme. Un proverbe Zoulou illustre parfaitement ce concept : «Un individu est un individu à cause des autres individus. Nous sommes les autres». Cette notion d’Ubuntu influença toute sa vie Mandela et on la retrouva dans la charte de l’A.N.C, dans la constitution de l’Afrique du Sud et dans l’hymne du pays.

Le pardon et la réconciliation

«Le pardon libère l’âme et il fait disparaître la peur, c’est pourquoi le pardon est une arme si puissante» dit-il. «Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi et cet ennemi devient votre associé» (10). «Personne ne hait en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau ou de son passé – ou de sa religion –. Les gens doivent apprendre à haïr s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire» .

Équanime et serein, Nelson Mandela refusait la vengeance et invoquait le pardon et la réconciliation. Le passé est le passé, il voulait aller de l’avant. C’est ainsi qu’il rencontra les femmes de l’ancien gouvernement partisan de l’apartheid en signe de paix. Il constitua la commission «Vérité et Conciliation», présidée par Monseigneur Desmond Tutu, pour dénoncer les crimes commis au nom de l’apartheid. Les accusés, s’ils se confessaient, pouvaient obtenir une amnistie et se réconcilier avec leur communauté, sinon ils étaient condamnés. Cette commission servit d’exemple pour d’autres pays, comme en Amérique latine ou en Afrique (Maroc, Libéria, Togo).

Enfin, pour rallier la majorité noire aux Afrikaners, Nelson Mandela encouragea les Sud-Africains noirs à soutenir l’équipe de rugby afrikaner des Springboks (gazelles) lors de la coupe du monde de rugby de 1995 (12). L’Afrique du Sud remporta la victoire et Nelson Mandela revêtit le maillot vert et or de l’équipe et salua le capitaine de l’équipe François Pienaar. Cet événement, auquel personne ne croyait, fut perçu comme un symbole de réconciliation entre Noirs et Blancs d’Afrique du Sud.

https://www.revue-acropolis.fr/nelson-mandela-le-pardon-et-la-reconciliation/
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 20 Jan 2023, 16:45

Mandela, Tutu et l'ubuntu ont aussi beaucoup inspiré Jacques Derrida et Jean-Luc Nancy -- et sans doute beaucoup d'autres, je ne parle que de ceux que j'ai lus ces dernières années; avant ça, avec mes références bibliques, le parcours de Mandela m'avait souvent rappelé Qohéleth 4,14 -- un des très rares signaux "positifs" à mes yeux de l'histoire récente.

Le "pardon" (avec tous ses synonymes approximatifs et le vaste champ lexical qui l'environne) me semble justement avoir un "sens" quand il a aussi un "effet", quand il engage concrètement un changement. Depuis longtemps perplexe devant cette notion, il m'est arrivé de me raccrocher à l'image évangélique de l'annulation des dettes évoquée plus haut,  justement parce qu'elle me paraissait plus concrète: pardonner je ne sais pas ce que ça veut dire, mais déchirer ou brûler un document qui me garantirait un crédit, me constituerait créancier d'un débiteur, de telle sorte que je ne puisse plus m'en servir ensuite quand même j'en aurais envie, cela me parle davantage (même si le sens qui s'en dégage est contredit par la parabole de Matthieu 18, où le maître revient sur sa décision d'annuler la dette). Quand le pardon d'une victime modifie effectivement la peine judiciaire d'un coupable, il signifie quelque chose (chose que j'avais remarquée dans les tribunaux iraniens, peut-être plus largement islamiques, totalement absente en revanche du droit occidental moderne: chez nous même si un repentir ou un pardon éventuels affectent le verdict d'un juge ou d'un jury, c'est toujours "hors droit" comme une "grâce", pour ainsi dire par effraction dans une "justice" en principe hermétique à toute "grâce").
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeLun 23 Jan 2023, 13:12

B) Les offenses entre les hommes

i) Leur nature et leurs motifs

Offenser quelqu’un, c’est le blesser dans sa dignité par une parole ou un acte. L’offense fait mal. Offenser, c’est froisser, peiner, humilier, offusquer, faire tort, injurier, outrager, faire affront, bafouer, choquer, scandaliser, trahir, mépriser… On offense par orgueil, envie, jalousie, colère, méchanceté, indifférence, insolence, impertinence… L’offense concerne une relation entre êtres humains. Un animal ne peut offenser personne et n’est offensé par personne. L’importance de la blessure dépend à la fois de l’offenseur et de l’offensé. Celui-là peut être de bonne foi ou dans l’ignorance d’être offenseur ou ne se rend pas compte du mal qu’il fait. La personnalité de l’offenseur joue. Si un ami nous offense, c’est plus dur que si c’est quelqu’un avec lequel on n’a aucune attache. Nous pouvons supporter une offense si nous nous rappelons que nous avons nous-mêmes offensé. D’autre part, selon notre structure psychique, notre degré d’autonomie, notre « vécu » affectif et notre expérience générale de la vie, nous ne réagirons pas de la même manière en face d’une offense, laquelle pourra nous paraître anodine, grave ou très grave. « Il y a des gens à qui on fait beaucoup de choses et des gens à qui on ne fait jamais rien. » De plus, une blessure peut être bénéfique. Dire son fait à quelqu’un, par exemple, peut être l’occasion pour lui d’un sursaut salutaire, d’un changement profitable dont il sera heureux plus tard.

Enfin, il y a ceux qui se sentent coupables de tout, parfois jusqu’à la paranoïa. Inversement, il y a ceux qui se sentent toujours victimes, alors qu’ils ont leurs propres torts. La réaction à l’offense dépend aussi de la culture. J. Buchhold cite le cas d’un Africain qui s’est senti gravement offensé par un Français qui l’avait appelé d’un signe de la main, car la foule était trop dense et bruyante pour se faire entendre. Dans sa culture, c’est ainsi qu’on appelle les chiens. Il existe un cas biblique assez semblable: des chrétiens étaient scandalisés parce que d’autres chrétiens mangeaient les viandes sacrifiées aux idoles, n’ayant pu se débarrasser de certains préjugés (1 Co Cool. Toutefois,

ce caractère relatif de la sensibilité à l’offense ne devrait pourtant pas nous faire tomber dans le relativisme ou le subjectivisme, comme si l’offense était quelque chose de très flou et indéfini. Car l’offense est un péché, une transgression objective de la loi de Dieu.

Cela permet seulement de faire la part des choses.

https://larevuereformee.net/articlerr/n198/le-pardon-une-resurrection#fnB22
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeLun 23 Jan 2023, 14:05

Le choix des mots -- en français monolingue, pour un auteur qui n'est visiblement pas exégète -- a de l'importance: on ne "pardonne" pas une "offense" comme une erreur, une faute, une désobéissance, une transgression, une révolte, une trahison, une agression, un complot, un acte de guerre, une oppression du pouvoir, une persécution organisée, un génocide (etc.); la nature de ce qui est (ou non) à "pardonner" détermine celle du "pardon"... La catégorie de l'"offense" renvoie toute la théologie biblique et chrétienne du "péché" à un concept féodal, qui a dominé le moyen-âge depuis saint Anselme (Cur deus homo) et a perduré jusqu'aux temps des Réformes (y compris Calvin) au moins, qui comprend le péché originel comme crime de lèse-majesté (ou de lèse-divinité), offense au souverain suprême qui demande réparation ou "satisfaction" -- égale et donc impossible si Dieu, unique au point de ne pas constituer un "genre" selon la théologie scolastique, n'y pourvoit pas lui-même; "offense" absolue au regard de laquelle les offenses inter-humaines (qui ont pourtant fourni l'image du suzerain et du vassal) se trouvent du coup relativisées. Il en reste encore quelque chose à l'époque moderne, dans une conception aristocratique (dont relèveraient aussi bien le Western, le gangstérisme ou la mafia), où l'offense se règle plutôt par le duel ou la vengeance (ou éventuellement par la "grâce" souveraine d'un supérieur incontesté) qu'au tribunal. Mais cette notion est assez peu "biblique", ce qui s'en rapprocherait le plus dans le vocabulaire du NT ce serait encore le "blasphème" (blasphèmeô etc.), pourvu qu'on se rappelle que le mot s'applique aussi bien à l'insulte ou à l'injure de n'importe qui qu'à l'outrage d'une divinité ou à un "sacrilège".

Accessoirement, il faut avoir bien peu observé l'éthologie et les hiérarchies animales, ou avoir une foi dogmatique en l'étanchéité anthropologique du langage humain (dont toute métonymie zoologique ne serait qu'anthropomorphisme inadéquat) pour affirmer tranquillement qu'un animal ne peut "offenser" personne ni être "offensé" par personne. La fréquentation de quelques chats suffirait à convaincre du contraire.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMer 25 Jan 2023, 13:41

Narkisssos a écrit:
Accessoirement, il faut avoir bien peu observé l'éthologie et les hiérarchies animales, ou avoir une foi dogmatique en l'étanchéité anthropologique du langage humain (dont toute métonymie zoologique ne serait qu'anthropomorphisme inadéquat) pour affirmer tranquillement qu'un animal ne peut "offenser" personne ni être "offensé" par personne. La fréquentation de quelques chats suffirait à convaincre du contraire.

Très belle remarque à propos des animaux qui sont parfois de magnifiques compagnons. Bouddha encourageait de manifester de la bienveillance à l'égard de tout être vivant.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMer 25 Jan 2023, 21:25

C'est en effet un sujet qui me tient à coeur (cf. p. ex. ici). Pour revenir sur le registre de l'"offense", il me semble que le comportement (ethos) de la plupart des félins (p. ex.) illustre infiniment mieux ce que nous entendons par "dignité" ou "honneur" (éventuellement offensés, bafoués, vengés) que celui de la plupart des hommes (je m'inclus volontiers dans le lot, tout en reconnaissant qu'il y a des exceptions partout, chez les félins comme chez les humains) -- même si c'est nous qui avons l'exclusivité du mot et du concept. J'ajouterais (moi, non le Bouddha) qu'il est souvent préférable de se rappeler "l'animal sensible" que "l'homme" ou "la femme" derrière le connard ou la conasse (p. ex.) pour éprouver à son endroit un minimum de bienveillance ou de compassion. Plus largement quant au sujet de ce fil, il n'est pas difficile de trouver dans les usages de nombreuses espèces des analogues du "pardon" (règlements de conflits autres que la lutte à mort, réconciliation, gestes de soumission, offrandes d'apaisement, jeu, oubli qui n'est pas pure absence de mémoire). L'anthropomorphisme (qui assimile des comportements animaux, végétaux, minéraux -- ou divins -- à des sentiments ou à des concepts humains, tels que l'homme seul, jusqu'à preuve du contraire, les verbalise) peut cacher un zoomorphisme ou un physiomorphisme infiniment plus vaste et profond (parce que les comportements humains, y compris le langage, ne sont pas tombés du ciel sans passer par beaucoup d'autres choses, ou "êtres").
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeJeu 26 Jan 2023, 19:15

Ma remarque :
Bouddha encourageait de manifester de la bienveillance à l'égard de tout être vivant.

venait conforter Narkissos ton message qui me semblait donner une meilleure place dans l'esprit des humains lorsque tu as déclaré par exemple :

Accessoirement, il faut avoir bien peu observé l'éthologie et les hiérarchies animales, ou avoir une foi dogmatique en l'étanchéité anthropologique du langage humain (dont toute métonymie zoologique ne serait qu'anthropomorphisme inadéquat) pour affirmer tranquillement qu'un animal ne peut "offenser" personne ni être "offensé" par personne. La fréquentation de quelques chats suffirait à convaincre du contraire.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeJeu 26 Jan 2023, 19:52

Nous nous étions bien compris, je crois...

Je voulais seulement ajouter (sans doute n'était-ce pas assez clair) qu'il me semblait plus facile d'éprouver de la bienveillance ou de la compassion aussi envers les humains, quels qu'ils soient, si on ne les distinguait pas (trop), et si on ne se distinguait pas (trop) soi-même, des (autres) animaux sensibles (disons des mammifères pour ne pas trop généraliser, car on ne regarde pas la puce comme le chien p. ex.): sans accorder trop d'importance à toute la "superstructure" spécifiquement humaine de la "personne" ou de la "personnalité" qui rend tel individu important, admirable, vénérable, aimable, négligeable, détestable, méprisable (soit tout le système axiologique, de valeur et de jugement, qui estime à la fois l'homme supérieur à l'animal et tel homme supérieur à tel autre -- en quoi le Bouddha aurait peut-être discerné de l'"agrégat" générateur d'illusion).
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 27 Jan 2023, 12:14

Le pardon des offenses et l’amour des ennemis sont parmi les points les plus caractéristiques de l'enseignement de Jésus ; ils se signalent l'un et l'autre par leur radicalité : ils répudient toute forme de vengeance, même tolérée par le précepte du talion, et ils étendent le précepte de l'amour d'autrui à tout prochain, au-delà des liens de parenté ou de race (Mat. 5, 38 suiv. et 43 suiv.). Le précepte du talion, qui avait pu servir dans des temps anciens à proportionner la vengeance à la gravité de l'offense (Ex. 21, 24 ; Lév. 24, 20), était dépassé depuis longtemps en Israël par l'interdiction de se venger de son frère (Lév. 19, 18) ; il n'avait pourtant pas été formellement désavoué et continuait à inspirer des pratiques de vengeance sinon à les justifier. Le précepte d'aimer son prochain, enraciné dans les liens de la famille, du clan ou du peuple (Lév. 19, 15-18), garantissait la protection de l'étranger qui vit dans le pays (Ex. 23, 9 ; Deut. 25, 17-18), mais ne s'étendait pas formellement à n'importe quel autre, ni à plus forte raison à son ennemi. Jésus innove donc en faisant de ces deux points des préceptes positifs et illimités et des signes du Royaume de Dieu qu'il annonçait ; il refuse de discriminer les obligations envers les autres selon les critères du sang ou de la race ; il dénie le droit de l'offensé à la vengeance. Il invitait ainsi à regarder et à traiter l'autre « comme soi-même », il manifestait aussi sa volonté d'instaurer un ordre social et politique nouveau de relations entre les hommes, un ordre qui serait à la fois la mesure et l'effet d'un nouvel ordre de relations entre Dieu et les hommes, désormais fondé, lui aussi, sur le pardon substitué à la satisfaction.


https://books.openedition.org/pusl/18024?lang=fr
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 27 Jan 2023, 13:26

A ce seul extrait, j'aurais spontanément objecté:
- que ce qu'il attribue à "Jésus" ne vaut que pour un ou deux évangiles (Matthieu et Luc), et que cela se retrouve aussi bien ailleurs (p. ex. Paul ou Jacques) sans aucune référence à "Jésus";
- que ce type de pensée et de sentiment est loin d'être original dans les cultures juives et/ou hellénistiques de son temps;
- que son interprétation en "programme social" me semble fort problématique -- il faudrait déjà à cet égard différencier la posture eschatologique de Matthieu qui paraît dessiner une "éthique de la fin des temps", exceptionnelle ou marginale au moins à ce titre, de la posture "romano-compatible" (Roman-friendly) de Luc-Actes qui se veut au contraire durable ou permanente (la fin des temps étant reportée sine die), et comme telle potentiellement utile à la paix (romaine) et à l'empire.

Mais l'ensemble de l'article de J. Moingt dépasse largement ces questions de détail, et je l'ai trouvé fort pertinent et courageux, autant par rapport aux positions dogmatiques de sa propre Eglise (catholique) qu'aux tendances de la société contemporaine -- il est vrai qu'il date déjà de près de trente ans, et qu'entre-temps les progrès de la victimisation et de la judiciarisation ont été considérables, notamment avec les affaires de pédocriminalité qui se sont largement retournées contre l'Eglise: il n'est pas dit qu'un théologien catholique trouverait aujourd'hui l'audace de s'exprimer ainsi.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeDim 29 Jan 2023, 12:29

L’action de demander pardon, comme celle de pardonner est une action double. Je m’explique.

Celui ou celle qui requiert le pardon d’autrui vient en effet s’expliquer puisque généralement sa démarche procède d’une réflexion visant dans un premier temps à comprendre son action première puis dans un second temps la présenter à celui ou celle de qui on attend le pardon. Il s’agit de « donner » (mot compris dans le terme « pardonner ») une explication à la suite d’une offense, d’une remarque, d’un manque de respect, voire d’un mauvais geste.

Celui ou celle qui est appelé(e) à pardonner va également « donner ». En effet, le pardon est une action forte qui ne consiste pas à effacer simplement un mauvais geste, une offense. Cela demande une réflexion afin de comprendre ce que l’offenseur avait à l’esprit au moment de l’offense, de la mauvaise action et être prêt à accorder le pardon, à donner « l’absolution » à celui, celle qui demande le pardon.

Ainsi chacune des deux parties donne de son temps, de sa personne pour se rapprocher de l’autre. Sur le plan religieux cela peut laisser entendre que Dieu est capable, désireux de se rapprocher des humains demandant le pardon, il ne se contente pas de siéger sur un trône glorieux comme un empereur devant choisir entre la vie et la mort du demandeur, du combattant dans l’arène.

Voici un texte que j’ai traduit de l’anglais, il illustre bien ce que je voulais partager avec vous :

Citation :
Notre voyage en commun est si bref.

Une jeune femme prend place dans un bus. À l'arrêt suivant une dame, bruyante et grincheuse, vient s'asseoir à côté d'elle. En s’installant sur le siège elle la cogne avec ses nombreux sacs. La personne assise en face de la jeune femme semble contrariée et lui demande pourquoi elle n’a pas fait de remarques ni manifesté sa désapprobation. La jeune femme lui répond avec un sourire: « Il n'est pas nécessaire d'être impoli ou de se disputer pour une chose aussi insignifiante ; notre voyage en commun est si bref. Quoi qu'il en soit, je descends au prochain arrêt. » Cette réponse devrait être écrite en lettres d'or : « Il n'est pas nécessaire de se disputer pour une chose aussi insignifiante ; le voyage en commun est si bref. Lorsque l'un d'entre nous prend conscience de la durée relativement brève de notre vie ici-bas, il comprend qu’il n’est pas nécessaire de l'assombrir avec des querelles, des disputes, des arguments futiles ; de passer son temps à ne pas se pardonner les uns les autres ; le mécontentement et une mauvaise attitude constituent une perte de temps et d'énergie. Quelqu'un a brisé votre cœur ? «Soyez calme, le voyage en commun est si bref. «Soyez calme, pardonnez, le voyage en commun est si bref. Personne ne connaît la durée de ce voyage. Personne ne sait quand arrivera son arrêt personnel. « Notre voyage en commun est si bref. » Chérissons les amis et la famille. Soyons respectueux, gentils et indulgents les uns envers les autres. Soyons remplis de gratitude et de joie.
Si je vous ai malheureusement blessé, je vous demande pardon. Si vous m’avez malheureusement fait du mal, je vous ai déjà pardonné. Après tout, « Notre voyage en commun est si bref ! »

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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeDim 29 Jan 2023, 14:27

Merci.

Cela me rappelle l'un des leitmotive de Derrida, "la vie aura été si courte", où l'aspect "accompli" du futur antérieur, anticipant l'impossible point de vue de la mort, renversait l'impression contraire du présent ou du futur, "inaccomplis": "la vie est longue"; et le Mr. Arkadin d'Orson Welles, pour le rêve du cimetière dont les tombes portent des dates très rapprochées -- parce qu'elles indiquent, non la naissance et la mort d'un individu, mais la durée d'une amitié.

On l'a sûrement déjà dit: le rapport entre "don" et "pardon" qui fonctionne dans beaucoup de langues modernes, romanes (per-donar[e] etc.) ou germaniques (for-give, ver-geben qui peut encore signifier en allemand donner, accorder, autre chose qu'un "pardon", sa confiance p. ex.), ne semble pas attesté avant le Xe siècle, dans un latin très tardif -- où le préfixe (per- -> par-, for-, ver-) aurait une nuance de totalité ou d'accomplissement (cf. per-fection, par-faire, par-achever, par-courir, par-semer, par-tout, etc.). Les images "bibliques" sont différentes, même dans le latin de la Vulgate avec les dérivés de mittere, "envoyer, renvoyer", d'où "rémission" apparenté à "mission", "démission", qui imitent en partie le grec aphièmi, laisser, laisser aller: on serait plus proche ici du "lâcher-prise". L'hébreu évoquerait encore d'autres gestes, avec le verbe très courant ns' qui signifie lever, relever, soulever, enlever (p. ex. la faute comme un poids, cf. encore dans Jean "l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde", au pluriel dans l'Agnus dei, qui tollis peccata mundi; ou relever le coupable prostré, comme dans une autre locution formée sur le même verbe, ns' pnym, [re-]lever la face au sens de grâce ou de faveur, y compris en mauvaise part, comme favoritisme ou partialité), le plus spécialisé slh, sans compter tout le vocabulaire "technique" du rituel sacerdoral (expiation, propitiation, purification, soit couvrir, adoucir, laver, effacer, jeter, brûler, etc.) qui est aussi susceptible d'emplois "figurés", métaphores ou métonymies du rituel appliquées hors rituel, notamment dans les textes "prophétiques", aux relations entre humains ou entre le dieu et les humains. Derrière l'unicité et la simplicité apparentes du concept "abstrait" de "pardon", tout un théâtre d'ombres qui s'agitent en tout sens et génèrent une foule de nuances potentielles de "sens".
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 12:11

L'offense, le pardon et le don
Julien Rémy

« Le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à réagir mais qui agisse de façon nouvelle et inattendue, non conditionnée par l’acte qui l’a provoquée. »
Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, 1994, p. 307.

Tout cycle d’offenses s’apparente à un cercle vicieux : à une offense doit presque automatiquement répondre une contre-offense. Il s’alimente dans le sentiment de rancune. La reconnaissance prend en revanche sa source dans le cycle du don et du contre-don. Ces deux registres du social entretiennent des rapports étroits l’un à l’autre. Mais comment passe-t-on d’un cycle à l’autre, et notamment comment parvient-on à substituer les dons de bienfaits à l’échange de méfaits ? Pour basculer d’un cycle à l’autre, il faut un événement, un geste inattendu qui rompe la circularité des logiques du don et de l’offense.

Pour jouer le rôle de convertisseur de la guerre en paix, le pardon doit satisfaire plusieurs conditions. C’est ce que nous nous proposons de voir ici, en nous appuyant notamment sur le livre de Vladimir Jankélévitch portant précisément sur cette notion.

Le pardon est un don en temps de crise

Selon Jankélévitch, pour être qualifié de « pardon », un acte doit satisfaire trois conditions : d’abord, il doit être un événement ; ensuite, il doit pouvoir se comparer à un don ; enfin, il doit se produire dans le registre du face à face entre deux personnes. « Le vrai pardon est un événement daté qui advient à tel ou tel instant du devenir historique ; le vrai pardon, en marge de toute légalité, est un don gracieux de l’offensé à l’offenseur ; le vrai pardon est un rapport personnel avec quelqu’un » [Jankélévitch, 1967, p. 12]. Le pardon est d’abord un événement en ce qu’il inaugure une ère nouvelle. Il est passage d’un registre à un autre, du registre de l’échange d’offenses à celui de l’échange de dons. Il ne relève pas de la continuité mais de la discontinuité. Il marque une rupture dans le temps qui s’écoule. Ensuite, le pardon peut être comparé à un don. Dans le pardon, l’offensé « offre », en quelque sorte, sa dette à l’offenseur. Ainsi, l’offensé ne laisse pas l’offenseur quitte, mais débiteur. De ce point de vue, le pardon peut être assimilé à un défi lancé à l’offenseur.

Dans le pardon, contrairement à la justice, qui suppose davantage la recherche de l’équivalence, il ne s’agit pas de rendre la pareille ; il s’agit de donner, en dispensant « le coupable de sa peine, ou d’une partie de sa peine, ou le libérer avant l’accomplissement de sa peine ; et ceci pour rien et de rien ; gratuitement ; par-dessus le marché ! » [ibid., p. 8]. Contrairement à la justice également, qui est prononcée par un tiers ou une institution intermédiaire, le pardon est enfin un rapport de personne à personne. Il doit venir de soi. Seules les personnes concernées, à savoir l’offenseur et l’offensé, peuvent demander ou accorder le pardon. Un autre philosophe qui s’est intéressé au phénomène du pardon – Jacques Derrida – illustre le caractère nécessairement interpersonnel du pardon en citant cette remarque, prononcée dans le cadre de la commission Vérité et réconciliation par une Sud-africaine dont le mari avait été assassiné par des policiers : « Une commission ou un gouvernement ne peut pas pardonner. Moi seule, éventuellement, pourrais le faire. Et je ne suis pas prête à pardonner » [Derrida, 2001, p. 118].

Un autre exemple donné par Jankélévitch est celui du criminel qui sort de prison. On peut en effet considérer que ce dernier a purgé sa peine et qu’il est quitte envers la société. « Sa dette est éteinte et il ne doit plus rien à personne ; la société lui a en principe rendu, sous forme de peine, le mal qu’elle en avait reçu. Donnant donnant » [Jankélévitch, op. cit., p. 17]. Pour autant, il n’est pas nécessairement pardonné. Les proches de ses anciennes victimes peuvent ne pas avoir fait leur deuil et considérer qu’il a encore une dette envers eux. Le pardon se distingue de la justice de la même façon que le don se distingue du troc : il ne vise pas l’équivalent et laisse la relation sur une position instable qui oblige à faire circuler la dette.

https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2012-2-page-35.htm
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 13:14

On retrouve ici le dialogue de sourds entre sociologie et philosophie (exemplairement quoiqu'en différé, Mauss / Derrida): entre un certain "réalisme économique" qui modélise, schématise, formalise théoriquement l'observation empirique des comportements réels (en "cycles" de don, de pardon, de rétribution ou de vengeance) et un certain "idéalisme" (hyper-platonicien pour le coup) qui s'attache à la pureté du concept jusqu'à l'aporie (le pur don, le pur pardon, la pure justice, la pure grâce, à la limite c'est l'impossible, ce qui à la fois peut toujours et ne peut jamais arriver, comme un événement absolu qui ne se laisse pas réduire à la généralité d'une possibilité constante, indifféremment présente, passée ou future).

Si on raisonne en "cycles", le passage d'un cycle à l'autre (de la vengeance ou de la rancune au pardon p. ex.) garde un certain mystère en surface (passage à vide, comme le débrayage ou le point mort d'une boîte de vitesses, le moment d'immobilité d'un demi-tour ou l'instant d'apesanteur d'une fusée passant d'une orbite et d'une attraction à l'autre: il est symptomatique que ça convoque des images physiques et techniques), mais le concept (ou l'idée) s'y perd: un "pardon" réel devient de fait indissociable du temps passé, de l'usure du souvenir et du ressentiment, de l'oubli et des excuses accumulées, et dans un autre sens d'un calcul des avantages à venir (reconnaissance, autosatisfaction, estime): plus il paraît possible, raisonnable, judicieux, avantageux, moins il est ce qu'il devrait être, "pur pardon", gratuit -- comme le "don" qui ne peut s'empêcher d'escompter un retour.

On notera que les remarques finales sur la "modestie" du pardon rejoignent exactement le point de départ du présent fil. Quelque chose qui ne se laisse guère théoriser sans perdre d'une manière ou d'une autre toute substance et consistance, mais qui n'en est pas moins indispensable, dans sa banalité impensée ou à moitié pensée, à la vie quotidienne.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 14:53

« Il apparaît que l’on se pardonne à soi-même dans le même temps que l’on pardonne à autrui. Cela montre bien que le besoin de vengeance cache en dernier ressort la haine de soi, quand ce n’est pas l’inverse : l’autoaccusation cachant le violent désir de représailles contre autrui. La démarche de pardon a ceci de fascinant qu’elle s’origine exclusivement en la personne affectée par le mal ; elle est la première à y « gagner » ; en pardonnant à soi-même, c’est du même coup aux autres que l’on pardonne sans effort, sans contrainte, sans amertume. […] Ainsi, si le pardon à soi est premier, ce n’est pas dans l’ordre du temps mais de l’être. […] Le pardon à soi est le lieu d’émergence de cette force de libération qui pourtant vient d’ailleurs et va plus loin » (Lytta Basset, 1995, p. 439). 
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 16:21

Voir ici pour un peu de contexte.

Cela me rappelle, même si le rapport n'est pas évident, une remarque que nous avons déjà faite à propos du Sermon sur la montagne: tendre l'autre joue, paradoxalement ce n'est pas abolir la loi du talion, c'est la retourner contre soi; la compulsion de réplique (un coup en appelle un autre, égal et symétrique) demeure, mais elle change de sens, elle prend un tour inattendu qui la tourne en ridicule. Paradoxalement, Nietzsche faisait à peu près la même chose quand il disait (de mémoire, et je ne sais plus où): il faut rendre le mal, mais pourquoi justement à qui nous en a fait ?

On pourrait objecter que la Bible ne parle pas de "se pardonner à soi-même" (contrairement à Achille Talon, je me pardonne car je suis généreux), de même que quand elle parle d'"aimer son prochain comme soi-même" elle ne prêche pas l'"amour de soi" (qui va de soi, surtout quand on pense aux origines assyriennes de la formule: tu aimeras le roi d'Assyrie comme toi-même, sous-entendu: il y va de ton intérêt). Il n'y a que la psychologie moderne pour faire de l'amour ou du pardon de soi un idéal, un objectif, une recommandation, une prescription, un nouveau devoir, au moins aussi culpabilisant que les autres.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 17:31

Alliance de Noé : comme s'il regrettait la malédiction du déluge, Dieu se demande pardon à lui-même et bénit tout vivant; mais le signe de cette alliance est furtif, météorique

Après le déluge, Dieu semble regretter ce qu'il a fait. Il reconnaît avoir commis une faute, une punition collective excessive. Ce n'est pas aux hommes ni aux animaux qu'il demande pardon, mais à lui-même. Il se promet de ne plus jamais recommencer, et décide de conclure une alliance avec Noé. Le signe qu'il choisit alors pour symboliser cet alliance, l'arc-en-ciel (Gn 9:13-17), est assez particulier. C'est un signe intermittent, furtif, météorique, un phénomène qui apparaît dans l'atmosphère sans jamais se stabiliser. On ne sait pas d'où il vient. Il est bref, rapide, passager, "peut-être aussi coupable et clandestin qu'un voleur" écrit Derrida (p185).

Sur cette suite (malédiction / sanction / pardon / bénédiction), on peut faire quelques observations :

- si Dieu demandait pardon à autrui (aux hommes, aux animaux exterminés), il se déchargerait sur eux de la faute. Il se mettrait dans leur dépendance pour obtenir d'eux l'absolution. En tant que Dieu souverain, il ne peut que s'abstenir.

- et pourtant ce Dieu souverain se repent, ou plutôt il se rétracte, se replie sur lui-même. Reconnaissant sa faute, il en accepte la responsabilité en se pardonnant lui-même. C'est alors que, en plus, il promet à tout vivant de ne pas recommencer. Cette promesse d'alliance est un don, une compensation. Ni sa faute, ni le mal qu'il a fait, ni celui des hommes, ne sont détruits. La dette n'étant pas soldée, c'est un autre mouvement qui s'enclenche : la malédiction est suspendue, elle se transforme en bénédiction.

- c'est la signification de l'arc-en-ciel : tout cela ne peut être que furtif, provisoire [en vérité, Dieu peut toujours changer d'avis]. Si même le Dieu souverain, en son for intérieur, n'est pas sûr de pouvoir se pardonner lui-même, c'est que le pardon est impossible.

- le Dieu de la bible ne cesse de revenir sur lui-même, de se rétracter, de s'interroger sur la création. Ces "rentrées en soi", écrit Derrida (p194), ce redoublement, cette "rétractation de rétractation", ce "repentir de repentir", c'est l'axiome absolu d'un Dieu à la fois fini et infini, qui conduit au questionnement de la théologie négative.

- peu après cette alliance, Noé, le père, se mettra à nu devant ses fils (Gn 9:22-24). On pourrait, comme le fait Derrida (p202), rapprocher cette mise à nu de l'inconditionnalité, de la pureté absolue de l'alliance.

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1705041830.html
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Jan 2023, 19:49

Cf. ici 19.10.2022.

Derrida ne connaissait pas l'hébreu, il l'a souvent regretté -- je ne sais pas s'il s'en est pour autant "demandé pardon" ni s'il s'en est "pardonné"... Je ne sais pas non plus ce qui est de lui dans la page citée ci-dessus: il faudrait relire Donner la mort, un texte très important mais devenu aussi très rare (le seul exemplaire qui me soit accessible se trouve dans la réserve d'une grande bibliothèque, à consulter sur place, ce qui n'est pas très pratique pour moi). Toujours est-il que la locution française "demander pardon", avec ce qu'elle implique de requête incongrue (de la part de quelqu'un, offenseur, fautif, coupable, criminel, etc., en tout cas mal placé pour demander quoi que ce soit, j'y insiste parce que je suis sensible à cet embarras particulier du français qui ne se pose pas dans d'autres langues), s'applique assez mal aux textes "bibliques", du moins dans leurs langues originales. Le "pardon", qu'on l'entende en grec comme "laisser (aller, filer, courir)", ou en hébreu comme "lever la faute, relever la face, renvoyer, recouvrir, apaiser, laver", etc., ne présuppose pas nécessairement de "demande" préalable, et pas non plus de "don" (cf. supra 29.1.2023); comme on l'a rappelé dans le lien ci-dessus, le vocabulaire du déluge (nhm pour regretter, se repentir, changer d'avis ou d'humeur, mais aussi [se] consoler, la bénédiction et la malédiction) est un peu décalé par rapport à celui du pardon. En revanche le mot de rétractation, avec sa polysémie, sa métonymie (rétrécissement, retrait, retraite, etc.) et sa mise en abyme (rétractation de la rétractation, etc.) me paraît beaucoup plus pertinents, d'autant qu'il rejoindrait la fameuse notion qabbalistique de çimçoum (ou tsimtsoum, sorte de "kénose" théologique et non christologique): pour être "Dieu", "Dieu" de quelque chose ou de quelqu'un qui ne soit pas "Dieu", donc pour ne plus être "tout" et avoir affaire à autre chose que "rien", il faudrait déjà une "rétractation" archi-originaire, et ce "commencement"-là ne serait qu'un début pour ce "Dieu" qui, face à un "monde" qu'il ne peut ou ne veut plus détruire (c.-à-d. absorber, résorber, engloutir en soi), n'en finirait plus de se rétracter... (on se rapprocherait également de ceci).
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Fév 2023, 19:32

Narkissos a écrit:
Toujours est-il que la locution française "demander pardon", avec ce qu'elle implique de requête incongrue (de la part de quelqu'un, offenseur, fautif, coupable, criminel, etc., en tout cas mal placé pour demander quoi que ce soit, j'y insiste parce que je suis sensible à cet embarras particulier du français qui ne se pose pas dans d'autres langues),

Peux-tu me dire quelle formulation est utilisée, par exemple en anglais, pour "demander pardon" ?

Merci et pardon de te faire répéter si tu as déjà répondu ou expliqué ce point précédemment.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeJeu 02 Fév 2023, 14:49

En anglais on dit le plus souvent apologise (-ize en américain) pour décrire objectivement l'acte que nous appelons "demander pardon" (ou "présenter des excuses": il a demandé, j'ai demandé, nous devons demander pardon ou présenter des excuses); bien sûr ce qu'on dit effectivement dans l'acte même n'est pas forcément "I apologise", c'est aussi bien quelque chose comme "I am (awfully, terribly) sorry, de même qu'en français "je suis désolé, navré", etc. (dans le genre, j'aime bien l'espagnol "lo siento", "je le (res-)sens" pour "je regrette", mais je le "sens" probablement ainsi parce que ce n'est pas ma langue maternelle). On peut évidemment dire en anglais "ask for forgiveness", mais comme ce n'est pas aussi "naturel" que notre "demander pardon" ce sera plus "pensé", et comme "demande" et comme "pardon"...

En tout cas il n'y a pas d'équivalent du "pardon" elliptique tel que tu l'utilises dans ta dernière phrase ("pardon" = "je te demande pardon", même si en l'occurrence il n'y a pas de quoi): à la place on dirait sorry (sans d'ailleurs penser davantage à la tristesse, sorrow, que nous au "pardon" -- ni à une vraie "désolation" quand nous disons "désolé").
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 03 Fév 2023, 20:52

Merci Nasrkissos pour tes éclaircissements et ta patience.

N'existe-t-il pas en anglais la phrase suivante :
I beg your pardon.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeVen 03 Fév 2023, 21:36

Certes, mais selon le génie britannique des contrastes (litote / hyperbole), cette formule d'allure pathétique (mot-à-mot je mendie, j'implore votre pardon) est en fait utilisée dans les circonstances les plus triviales, principalement pour faire répéter quelqu'un parce qu'on ne l'a pas compris ou parce qu'il a dit une énormité... Comme dans The Life of Brian, à la mère du protagoniste: Are you a virgin ? -- I beg your pardon ?! (Suivi d'une réplique tout aussi géniale: ... if it's not a personal question...  -- How much more personal can you get ?).

L'effet tient aussi au fait que "pardon" (le mot français d'origine latine, même si c'est du bas-latin) n'est pas le mot le plus naturel (forgive, forgiveness) en anglais, et qu'il est réservé à des usages très spécifiques; par exemple, dans le système judiciaire, l'équivalent d'une grâce, d'une remise de peine ou d'une amnistie. A noter le fameux Pardon my French, pour s'excuser d'avance d'une grossièreté ou d'une inconvenance...
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeSam 04 Fév 2023, 12:27

Merci Narkissos, doublement. Pour l'explication à propos de l'usage et pour la référence au film The Life of Brian film si loufoque mais tellement vrai par certains côtés...
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeDim 05 Fév 2023, 13:12

Autre chose: nous sommes partis (cf. post initial) de l'observation que les théologies "fortes", profondément pensées et structurées (p. ex. "Paul" de Romains-Galates et le traditionnel "Jean" de l'évangile et des épîtres) rendent logiquement inutile ou superflue la notion "faible", modeste, banale, quotidienne de "pardon". Ainsi quand il y a "justification" au sens de Romains-Galates il n'y a plus besoin de "pardon", et l'équivalent grec le plus courant du pardon (aphièmi-aphèsis, "laisser [aller, etc.]") n'intervient quasiment pas (seulement Romains 4,7, dans la citation du Psaume 32 [31 LXX], tout au service de la démonstration simili juridique et comptable de la "justification" comprise comme "non-compte" du péché: les termes-clés de l'argumentation sont dikaioô, logizomai, etc.); l'aphèsis comme "pardon-rémission (des péchés)" (re-)viendra au contraire en bonne place à partir des deutéro-pauliniennes (Colossiens 1,14; Ephésiens 1,7 etc.) qui synthétisent sous le nom de "Paul" une "théologie" plus hétéroclite (ratissant du johannisme ou de la gnose aux judéo-christianismes de type matthéen), dans une perspective universaliste et ecclésiastique, autrement dit proto-catholique.

A ce propos il est intéressant de rappeler qu'il se passe quelque chose d'à peu près symétrique dans l'épître aux Hébreux (qui est aussi d'une théologie extrêmement riche), 10,18, où c'est l'aphèsis qui rendrait inutile tout système sacrificiel: "là où il y a aphèsis (laisser-aller = pardon-rémission) de ceux-ci (les péchés et les "anomies" de la citation de Jérémie 31 [38 LXX] qui précède), il n'y a plus d'offrande pour le péché." Cela se comprend évidemment en fonction du contexte, en particulier par rapport au fameux 9,22 souvent cité hors contexte: "sans effusion de sang il n'y a pas d'aphèsis, de pardon-rémission" (seule autre occurrence du substantif dans Hébreux). De l'un à l'autre, le raisonnement aura glissé de la fonction purificatrice ou expiatrice du sang dans la Torah sacerdotale à celle de validation de l'alliance dans l'Exode, et de là à "l'alliance nouvelle" de Jérémie qui serait d'un tout autre ordre, le "sang du Christ" qui l'inaugure (pour l'auteur d'Hébreux) n'étant lui-même que l'image de réalités "spirituelles" ou "idéales" au sens médio-platonicien: l'esprit éternel, l'offrande de la volonté... Toujours est-il que le mot le plus banal sert ici à décrire la réalité supérieure, ultime, éternelle, celle qui transcende toutes ses "ombres" ou "images", des sacrifices d'animaux au Christ lui-même, du moins du côté de la "chair" et du "sang" stricto sensu (sangsue ?). Voir éventuellement aussi ici, 30.9.2022.

Par-delà les textes et les systèmes, les langues et les lexiques, tout pourrait se résumer (en français) en deux (ou trois) mots et une tautologie: l'absolu (seul) absout. Non parce que "c'est son métier" comme Heine disait de Dieu et du pardon, mais parce que c'est son essence, qui consiste précisément à subsumer ou à résorber en lui toute essence. Dès lors que tout procède du même et revient au même -- qu'on l'appelle Dieu, l'être, le néant, l'indifférencié, ou comme on voudra -- on peut arrêter de compter les bons et les mauvais points pour le compte des uns et des autres; ce rapport à l'in-(dé-)fini ou indéterminé est aussi bien une "justice" absolue (cf. Anaximandre) qu'une "grâce" absolue, même cette antinomie-là s'y perd.
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MessageSujet: Re: Le pardon ou/et la justification   Le pardon ou/et la justification - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Sep 2023, 17:27

J'ai repensé à ce sujet en revoyant les films d'Almodóvar, qui a commencé vers la fin des années 1970 par une explosion d'humour ravageur contre la tradition "culpabilisante" de l'Espagne catholique et franquiste, pour aboutir, par exemple avec Julieta (2016), à une réflexion beaucoup plus grave: la "culpabilité" on ne s'en sort pas, surtout par le déni, on ne l'épargne pas davantage aux autres, quand même on le voudrait et qu'on croirait tout faire pour cela.

Comme on l'a remarqué souvent ailleurs mais curieusement pas ici, la "culpabilité", en français sous l'influence de l'usage de l'anglais guilt, a glissé du tribunal à la psychologie populaire: de la "culpabilité" judiciaire, forensique, déclarative sinon objective (on est prononcé coupable ou innocent, d'une accusation définie, par une parole transcendante, celle d'un juge ou un jury: c'est une "vérité judiciaire" même quand c'est faux) à un "sentiment de culpabilité" subjectif et diffus, dont en définitive personne ne peut juger, ni en première ni en dernière instance, même pas soi-même. Il y a spectralisation et hantise de la culpabilité: comme un fantôme ou une ombre elle est partout et nulle part, il est aussi impossible de lui mettre la main dessus, de la cerner ou de la saisir, que de lui échapper. C'est peut-être pour conjurer cette tendance, déjà sensible en son temps, que Nietzsche avait trouvé le beau titre de Unschuld des Werdens: titre sans livre (bien que d'autres se soient chargés de l'écrire à sa place), qu'on traduit par "innocence du devenir", mais qu'il faut bien entendre dans le sens de non-culpabilité, non-faute, non-dette et non-devoir d'un devenir (histoire, etc.) qui n'est certes pas exempt de nocivité (innocence et innocuité ont suivi en français des routes divergentes à partir de la même notion de nuisance); l'idée ressemble sans doute bien plus à la "justification" paulinienne, et luthérienne, que Nietzsche ne l'a lui-même pensé.

Pourtant le "sentiment de culpabilité", avec ou sans "faute objective" et/ou "jugement déclaratif", avec ou sans "châtiment" pénal et/ou "expiation" rituelle, s'exprime depuis la nuit des temps, notamment dans les prières (cf. p. ex. ici) -- il n'a peut-être pas d'autre remède que de "se confesser", quand il n'aurait rien d'autre que lui-même à confesser, coupable de se sentir coupable, en miroir, en cascade, en abyme, mauvais infini de la mauvaise conscience; coupable d'aucune faute précise ou de tout le "péché du monde", ce qui reviendrait à peu près au même. Or paradoxalement combattre, réprimer, interdire la culpabilité ce serait lui refuser son seul remède, sous prétexte que c'est aussi son poison.
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