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| Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Jeu 05 Mar 2020, 16:52 | |
| La "nouveauté" en l'occurrence est non seulement banale en son temps (cf. les analogies stoïciennes évoquées par l'article), elle est aussi bien retour à (ou d')une ancienneté immémoriale: du point de vue de l'"histoire des religions" du XIXe siècle comme des "psychanalyses" plus récentes, toute la symbolique religieuse depuis la plus haute Antiquité, et notamment celle des "mystères" de l'époque gréco-romaine, n'est jamais qu'une interminable (mais très inventive) variation sur le "triangle sacral" de la sexualité, de la vie (naissance, fécondité, fertilité) et de la mort. Le "deux-en-un" du mystère chrétien, dans ses variantes orthodoxes ou gnostiques, retrouve le plus souvent inconsciemment le "mystère" sexuel qui se signe depuis la Genèse dans le " une seule chair" (qu'on oppose l'"esprit" à la "chair", comme le paulinisme le fait depuis 1 Corinthiens 6, ne change rien à la structure du deux-en-un). Tout se passe comme si l'épître aux Ephésiens, au détour de considérations parénétiques (prescriptions pratiques, morales ou éthiques, sociales et familiales) des plus conventionnelles à son époque et dans son milieu, retombait par hasard ou par accident -- au minimum une simple comparaison (le mariage comparé à l'union du Christ et de l'Eglise, selon la lecture protestante), au maximum un aspect accessoire du mystère unique (le "sacrement" du mariage dans les traditions catholique ou orthodoxes) -- sur le fond sans fond de l'affaire: ô surprise ! le mystère et la sexualité ça se ressemble comme deux gouttes d'eau, si ce ne sont pas les deux côtés de la même "chose"... |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 11:39 | |
| C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, de qui toute famille dans les cieux et sur la terre tient son nom" Ep 3,14-15
"un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous" Ep 4,6
A l'instar de l'évangile de Jean, l'épitre aux Ephésiens semble mettre en évidence la paternité de Dieu. La paternité divine à l’égard de Jésus est première :
"Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes, dans le Christ" Ep 1,3
Parce que Dieu est le Père de Jésus, il peut être, le Père des croyants. |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 12:02 | |
| Elément hélas intraduisible en 3,14s: en grec la "famille", patria, est effectivement nommée d'après le "père", patèr.
Sinon, la référence au Dieu Père (1,2s.17; 2,18; 4,6; 5,20; 6,23) ne me paraît guère distinctive de cette épître (c'est le "fonds commun"); on n'y trouve pas non plus, me semble-t-il, d'élaboration particulièrement précise ou notable du "comment" et du "pourquoi" de la relation Père/fils-enfants, comme il y en a eu, divergentes et parfois contradictoires, dans les paulinismes antérieurs, le johannisme et d'autres courants proto-chrétiens (création, engendrement, naissance, adoption, fils dans le Fils unique ou fils comme frères du fils premier-né, fils par la foi ou par l'obéissance, etc.). L'auteur se tient à des formules générales, susceptibles d'être acceptées de tous, conformément à son projet "rassembleur". |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 13:23 | |
| "Que l'inconduite sexuelle, l'impureté sous toutes ses formes ou l'avidité ne soient pas même mentionnées parmi vous, comme il convient à des saints ; pas de choses choquantes, pas de propos extravagants, pas de bouffonneries, cela est malséant ; mais plutôt des actions de grâces. Car, sachez-le bien, aucun de ceux qui se livrent à l'inconduite sexuelle, à l'impureté ou à l'avidité — c'est-à-dire à l'idolâtrie — n'a d'héritage dans le royaume du Christ et de Dieu." (5,3-5)
Les aspects éthique et moral sont toujours présents dans les épîtres, même dans celles qui sont le plus mystiques, la morale semble être un passage obligé et une figure imposée. L'inconduite sexuelle est reliée à l'avidité et à l'impureté, le tout étant équivalent à l'idolâtrie. Est-ce cet aspect "idolâtrie" qui rend "l'inconduite sexuelle " aussi répréhensible ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 13:53 | |
| Tout le langage des "catalogues de vices" (1 Corinthiens 5; 6; Romains 1; Galates 5; etc.), y compris la formule "ne pas hériter le royaume" (1 Corinthiens 6,9s; Galates 5,21), est extrêmement stéréotypé, dans le corpus paulinien et ailleurs (p. ex. Hébreux 13,4; Apocalypse 21,8; 22,15).
Dans le détail, il y a un certain flottement quant à la référence de l'"idolâtrie" (en fait l'"idolâtre", référé seulement au dernier terme, l'"avide", pleonektès, ou globalement aux trois ? il y a aussi un flottement textuel entre un relatif masculin ou neutre, hos ou ho estin, qui ne permet pas vraiment de trancher l'hésitation sur la référence).
Le rapport de l'idolâtrie à l'avidité paraît assez clair (l'objet convoité est une idole); le rapport à l'"inconduite sexuelle" (porneia, ici pornos, qui pourrait signifier de façon plus restrictive le prostitué) ou à l'"impureté" (akatharsia -> akathartos) le serait moins, mais on peut toujours en trouver un dans le dixième commandement (l'interdiction du désir-convoitise, y compris de la femme d'autrui), ou plus généralement dans l'association "prophétique" de l'idolâtrie à la prostitution ou à l'adultère... Quoi qu'il en soit, la mention de l'idolâtrie pointe toujours une faute "religieuse" ou "spirituelle", voire "intellectuelle" ou "cognitive", derrière une faute "morale" ou "sacrale" concrète, qu'il s'agisse de sexe, d'argent ou de n'importe quoi de "matériel" (c'est aussi la logique de Romains 1: méconnaissance de Dieu => idolâtrie => "perversions" en tout genre, notamment sexuelles).
Dernière édition par Narkissos le Ven 06 Mar 2020, 15:08, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 15:03 | |
| Autrefois, en effet, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Vivez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. Sachez discerner ce qui est agréé du Seigneur ; et ne vous associez pas aux œuvres stériles des ténèbres, mais plutôt dévoilez-les. En effet, ce qu'ils font en secret, il est choquant même d'en parler. Mais tout cela, une fois dévoilé, est rendu manifeste par la lumière, car tout ce qui devient manifeste est lumière. C'est pourquoi il dit : Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera." (5,8-14)
Ce texte reprend la métaphore classique dans le NT de l'opposition de la lumière et des ténèbres, avec un vocabulaire particulier, la formule : "le fruit de la lumière", fait penser au "fruit de l’Esprit" de Gal 5,22, l'expression : "enfants de lumière" (ou des êtres de lumière), nous fait penser à Jean 12,35-36 :
"Jésus leur dit : La lumière est encore parmi vous pour un peu de temps. Marchez pendant que vous avez la lumière, pour que les ténèbres ne vous surprennent pas : celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. Pendant que vous avez la lumière, mettez votre foi en la lumière, pour devenir fils de la lumière. Jésus dit cela, puis il s'en alla et se cacha d'eux."
Au v12 (" ce qu'ils font en secret") emploie un "ils" qui fait sûrement référence aux "rebelles" du v6. Le v 14, exprime une idée intrigante : "car tout ce qui devient manifeste est lumière", que signifie le terme "manifeste" dans ce contexte ?
Le v 8, ne dit pas : "Autrefois, en effet, vous étiez (dans) ténèbres, mais maintenant vous êtes (dans) lumière" mais "vous étiez ténèbres" et "vous êtes lumière", ce qui implique que les croyants sont des êtres de lumière. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 15:16 | |
| Revoir éventuellement ici; et là. |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 15:56 | |
| - Narkissos a écrit:
- Revoir éventuellement ici; et là.
Dans ce passage (5,8-14) de l'épître aux Ephésiens, première grande synthèse ou confluence ecclésiastique du "paulinisme" et du "johannisme", l'influence de ce dernier est manifeste (cf. Jean 1,4ss; 3,19ss; 8,12; 9,5; 11,9s; 12,35ss; 1 Jean 1,5ss; 2,8ss; mais voir aussi, du côté paulinien, 1 Corinthiens 4,5; 2 Corinthiens 4,4ss; 1 Thessaloniciens 5,4s; Romains 13,12). Ce texte me paraît remarquable par plus d'un trait: - la citation d'origine inconnue, généralement attribuée à une hymne ou un poème chrétien, peut-être tirée d'une liturgie baptismale, qui emploie les deux verbes de la "résurrection" (s'éveiller, se lever) comme une incantation à l'impératif, adressée à un mort-dormeur, et identifie "le Christ" à la lumière et à la vie au-delà de la mort-sommeil, par une image solaire ou du moins astrale, semblable à celle du (soleil/astre) levant ( anatolè) en Luc 1,78s; - l'opposition lumière / ténèbres, dont la symétrie habituellement statique est ébranlée et renversée par une "magie" ou un dynamisme de la lumière qui l'emporte sur les ténèbres et les gagne à elle-même, les transforme en lumière (idée dont on ne saurait retracer l'ascendance et la postérité innombrables: éclairer l'obscur en changerait la nature ou en inverserait le signe, de négatif en positif); - la médiation dans cette opération de la parole (cf. le logos du Prologue de Jean, qui est aussi lumière, vie et Christ), ici de "dénonciation" ou de "dévoilement" (le même verbe est employé du Paraclet défenseur-accusateur, qui "convainc" ou "confond" le "monde" en Jean 16,8 ). |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 16:39 | |
| "Au reste, soyez puissants dans le Seigneur, par sa force souveraine. Revêtez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir bon devant les manœuvres du diable. En effet, ce n'est pas contre le sang et la chair que nous luttons, mais contre les principats, contre les autorités, contre les pouvoirs de ce monde de ténèbres, contre les puissances spirituelles mauvaises qui sont dans les lieux célestes. Prenez donc toutes les armes de Dieu, afin que vous puissiez résister dans le jour mauvais et, après avoir tout mis en œuvre, tenir bon. Oui, tenez bon : ceignez vos reins de vérité et revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussures à vos pieds les bonnes dispositions que donne la bonne nouvelle de la paix ; prenez, en toutes circonstances, le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; prenez aussi le casque du salut et l'épée de l'Esprit, qui est la Parole de Dieu." (6,10-17)
Tous les outils militaires nommés servent à la protection passive (cuirasse, bouclier, casque). Les flèches embrasées envoyées par l’ennemi sont à éteindre. La seule arme offensive, c'est l'épée de l'Esprit. L'auteur veut motiver à la résistance spirituelle et intellectuelle, tout en soulignant que les résistants ne sont pas dépourvus de moyens de défense, mais que Dieu les a équipés de tout ce dont ils ont besoin. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 06 Mar 2020, 17:04 | |
| Sur le point précédent (5,8ss), on pourrait ajouter que cette "magie" de la lumière qui s'assimile son autre (convertir les ténèbres en lumière, rendre clair l'obscur, etc.; cf. déjà le psaume 139) est aussi constitutive de la "philosophie" ancienne ou moderne (de la caverne de Platon aux Lumières ou Aufklärung), de la "science" du XIXe siècle, de la "psychanalyse" ou de la "phénoménologie" du XXe que des "illuminismes" religieux, de la théologie la plus orthodoxe, traditionnelle ou scripturaire de la "révélation" aux "mystiques" et aux "ésotérismes" les plus échevelés. L'idéal de la lumière (clarté, transparence, etc.) est un pléonasme: l'idée même c'est la forme, "intelligible" à l'image (!) du "sensible", en l'espèce du "visible", selon une "optique" dont toutes les métaphores et autres tropes sollicitent la métonymie générale de la lumière (lumière des yeux, du coeur, de l'esprit, de l'intelligence, etc.). Le tableau final de l'Apocalypse -- un monde sans nuit et sans mer, autrement dit sans ombre ni cachette, sans profondeur par définition obscure -- le montre... idéalement.
Mais cette unanimité même appelle des réactions "obscurantistes" -- je repense à la parodie du Prologue de Jean chez Joyce (Ulysses, pensée de Stephen Dedalus devant le visage obtus d'un élève, donc déjà une "métaphore" du "brillant" opposé au médiocre): darkness shining in brightness which brightness could not comprehend, "ténèbre brillant (!) dans la clarté, que la clarté ne pouvait comprendre". En éclairant l'obscur la lumière le ramène à soi, mais ce faisant elle ne comprend qu'elle-même ou sa propre réflexion, non l'obscur comme tel; si la lumière échappe aux ténèbres, celles-ci le lui rendent bien.
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Sur la "panoplie" militaire de 6,10ss (panoplia, de hoplon, hopla = "arme(s)", d'où "l'armure" ou "toutes les armes", aussi Luc 11,22), cf. 2 Corinthiens 6,7; 10,4; Romains 6,13; 13,12; 1 Thessaloniciens 5,8 etc. Là encore, c'est une image très courante du paulinisme, même si elle est plus développée (sur un mode allégorique, chaque "arme" ou pièce d'"armure" étant rapportée à une signification distincte) en Ephésiens qu'ailleurs, et non de façon très "originale", mais en suivant des précédents vétérotestamentaires au sens large, notamment Isaïe 52,7; 59,17 et Sagesse 5,17ss.
On pourrait aussi voir de la contradiction entre ce langage guerrier et ce qui a été dit plus haut de la "paix", comme thème et comme manière ("irénique") du discours; ce serait oublier, d'une part, que guerre et paix en général sont des concepts corollaires (il faut souvent, et en plus d'un sens, faire la guerre pour faire la paix, etc.); d'autre part et plus précisément, que le modèle culturel et ambiant du "mystère" est en l'occurrence celui de l'empire romain (pax romana, si vis pacem para bellum -- si tu veux la paix, prépare la guerre -- etc.), qui implique conquête initiale et exercice constant du pouvoir (administration, maintien de l'ordre, répression du désordre, défense des frontières; soit une "paix armée" sur plusieurs fronts). C'est sur la croix que le Christ fait la paix (2,14ss), mais cet acte est aussi lu comme une victoire militaire sur les "puissances" antagonistes "dépouillées", avec l'image du "triomphe" des généraux romains et particulièrement des Césars (d'après Colossiens 2 et plus lointainement 2 Corinthiens 2). Si totale, universelle et définitive que soit en principe cette victoire, les métaphores guerrières suggèrent qu'elle reste localement menacée par des puissances hostiles qui n'ont pas perdu tout pouvoir de nuisance. Il y a là certainement une tension, sinon une contradiction, mais d'un autre point de vue elle est structurellement nécessaire à l'existence (ek-sistance) d'un "mystère" dans une "réalité" quelconque. C'est la frontière entre le "dedans" et le "dehors" de l'Eglise, y compris le dehors dans le dedans (passions, tentations, etc., assimilées aux "persécutions" éventuelles de l'extérieur), qui se traduit dans la formule du "combat spirituel"; selon la formule philosophico-juridique classique, même s'il n'y a plus de "dehors", d'"autre" ou d'"adversaire" en droit (car à la lettre de la théorie rien ne subsiste hors du Christ), il y en a toujours en fait. |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Lun 09 Mar 2020, 10:40 | |
| "Or à celui qui, selon la puissance qui opère en nous, peut faire par-dessus toutes choses, infiniment au delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l’Église en Jésus-Christ, dans toutes les générations du siècle des siècles." Amen ! (3,20-21)
Cette doxologie, qui termine à la fois la prière de l’Apôtre et la première partie de son épître, serait remarquable partout ; mais elle l’est doublement à cette place. Après que saint Paul apôtre, parlant par le Saint-Esprit, a fait effort pour dépeindre ce qu’il appelle ailleurs « la surabondante grandeur de la puissance de Dieu envers nous qui croyons » (1.19), le voici qui confesse sa propre insuffisance ; et, après les plus magnifiques promesses que le langage humain soit capable d’exprimer, voici le Saint-Esprit finissant par déclarer que tout ce qui se peut exprimer est encore infiniment au-dessous de la réalité qui est en Dieu. Nous avons beau nous élever, même sur les pas d’un apôtre ; nous ne pouvons contempler, après tout, que « les bords des voies de Dieu » (Job 26.14), et il faut toujours finir par « des soupirs qui ne se peuvent exprimer » (Romains 8.26). Aussibien, rien autre ne nous peut suffire que cette déclaration d’insuffisance ; rien de moins ne répondrait au besoin vague et immense de notre cœur. Tout ce que l’esprit parvient à saisir nettement et la bouche à énoncer avec précision, est incapable de nous satisfaire. Ainsi, cette fin étonnante et inattendue est exactement ce qu’il nous fallait. – Rien ne saurait retenir ou limiter la puissance de Dieu envers nous ; ni rien en lui, ni même rien en nous ; ni aucunes bornes mises à sa puissance, car elle n’en connaît point, ni même la faiblesse de nos prières et l’imperfection de notre connaissance, car il peut dépasser toutes nos demandes et toutes nos conceptions.
Mais hélas ! Si ce même langage, qui est infiniment au-dessous de la réalité qui est en Dieu, était infiniment au-dessus de la réalité qui est en nous ? Imaginez un christianisme pratique conçu d’après le seul texte des Écritures et sans égard à l’expérience personnelle des croyants ; imaginez ensuite un christianisme pratique conçu d’après la seule expérience des croyants et sans égard à ce qui est écrit. Ne dirait-on pas de deux religions différentes ? En passant de l’Écriture à notre expérience, on se croit tombé du ciel sur la terre, pour ne pas dire, quelquefois, dans l’enfer. . .Assortissons notre christianisme ; et veuille le Seigneur nous apprendre à mettre notre expérience en harmonie avec ses promesses ! Véritablement, nous avons besoin d’un nouveau baptême du Saint-Esprit. https://www.koina.org/page-7/page299/files/monod_ephesiens.pdf |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Lun 09 Mar 2020, 12:52 | |
| [Le nom de famille Monod avec tous ses prénoms résume à lui seul ce qui unit le protestantisme français du XIXe siècle en dépit de la grande variété de ses tendances (orthodoxe, piétiste ou libérale; Adolphe, si j'ai bien compris, se situerait plutôt entre les deux premières), qui n'en finissent pas de se ressembler même quand elles s'affrontent: un certain pathos et un certain style.] Toute la dynamique de l'excès (dépassement, transcendance, sublimation, au-delà, jusque dans les figures triviales de l'exagération, de l'hyperbole et du pléonasme), dont on parlait récemment encore à propos de l'épître aux Hébreux ou des théologies dites " négatives", et qui est déjà dans le paulinisme antérieur, p. ex. le crescendo de Romains 8 vers l'"orgasme" doxologique final en passant par l'inexprimable, ou dans l'"au-dessus de tout nom" en Philippiens comme en Ephésiens (cf. supra) comporte la même ambivalence: rien ne ressemble plus à un au-delà du langage (divinité au-dessus de tout dieu, plérôme résumant et subsumant tout être et toute différence, tout monde et toute histoire, lumière au-delà de toute lumière, etc.) que son en-deçà abyssal (océan primordial, ténèbres, indifférencié, apeiron etc., jusqu'à l'impensable "néant"). |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Lun 09 Mar 2020, 14:44 | |
| La grâce seule, la foi seule, le Christ seul, l’Écriture seule, à Dieu seul soit la gloire…Au fil du temps, la Réforme s’est développée en prenant appuis sur ces 5 intuitions fondatrices, liées les unes aux autres par la répétition de ce petit mot : « seul ». Il s’agissait pour les Réformateurs de se démarquer de la théologie dominante de l’époque en s’élançant dans une autre direction : oui, vivons de la grâce seule, en ne prenant pas appuis sur les mérites pour nous donner une contenance et une identité; oui, vivons de la foi seule, en ne nous confiant pas dans les oeuvres pour acquérir notre salut. Oui, vivons de l’Écriture seule, en la laissant remettre en question les rites, les coutumes et les traditions développées par notre église. Oui, vivons du Christ seul, revenons-en à lui encore et toujours, plutôt que de nous laisser distraire et d’adresser nos prières à la cohorte des saints qui ont suivi son sillage. Percevez-vous l’enjeu de la répétition du mot « seul » ? En exhortant de vivre seulement par la grâce ou de vivre seulement par la foi, les Réformateurs ne voulaient pas que nous rétrécissions notre horizon ou que nous appauvrissions notre esprit. Ils voulaient plutôt nous encourager à émonder. Car pour que l’arbre déploie toute sa vigueur, il faut qu’il soit de temps en temps émondé. Dans le foisonnement des pratiques spirituelles possibles, les Réformateurs par ces « seul » indiquaient avec confiance et assurance, quelles étaient les pratiques essentielles permettant à l’arbre de notre vie intérieure de déployer toute sa vigueur. « À Dieu seul soit la gloire ! » Cette devise invite au décentrement. Elle nous dit en substance : que ton agir ne soit pas orienté de manière égocentrique vers l’accomplissement de tes ambitions personnelles; mais que ton agir soit traversé du désir de chercher en tout la gloire de Dieu. Dans la logique des Réformateurs, chercher la seule gloire de Dieu est une pratique qui conduit vers la vie, qui permet à notre arbre intérieur de se déployer. Or cette logique n’est pas évident à comprendre ! Comment est-il possible de vivre un tel décentrement comme un épanouissement ? Au prime abord, cela semble totalement paradoxal. S’il faut chercher la seule gloire de Dieu, nous en déduisons souvent que cela doit se faire aux dépens de nous-mêmes. Sous-entendu : plus nous cherchons à agir pour la seule gloire de Dieu, moins il nous faut penser à nous-mêmes. Et inversement trop nous soucier de nous-mêmes serait le signe que nous ne pensons pas assez à Dieu. Là dans ce raisonnement, Dieu et nous-mêmes sommes comme les deux extrémités d’une balançoire. Quand l’un monte, l’autre doit nécessairement descendre. C’est pourquoi, au prime abord, il semble évident que chercher la seule gloire de Dieu signifie en contrepartie qu’il faut nous effacer. https://eglise-protestante-unie-montpellier-agglo.org/index.php/en-relation-a-dieu/listpred/1509-dire-a-dieu-seul-soit-la-gloire-ce-n-est-pas-se-rabaisser |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 02:33 | |
| Il est amusant que le texte de référence (Ephésiens 3,8ss) n'emploie précisément pas l'adjectif "seul"...
Et peut-être encore plus qu'en français cet adjectif soit mobilisé dans deux sens bien distincts qu'on pourrait dire anachroniquement "catholique" et "protestant": l'argumentaire protestant s'appuierait plutôt sur l'épître aux Romains ou aux Galates, la foi seule par opposition aux "oeuvres de la loi"; un argumentaire catholique, au contraire, trouverait son bien dans l'épître aux Ephésiens avec l'insistance sur "un seul corps, un seul esprit, une seule espérance, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu" (4,4ss) => une seule "Eglise", non plusieurs, ce qui n'est pas dit mais n'en est pas moins l'enjeu essentiel. Bien sûr ce n'est pas le même "seul" (monos vs. eis, solus vs. unus, allein vs. ein, alone vs. one, etc.), mais il se trouve que le français, comme d'autres langues latines, requiert aussi le mot "seul" dans le second cas pour distinguer le "un" numérique (1) de l'article indéfini. Bref, il faudrait encore choisir son "seul", solus protestant ou unus catholique... |
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 11:21 | |
| - Citation :
- Il est amusant que le texte de référence (Ephésiens 3,8ss) n'emploie précisément pas l'adjectif "seul"...
A la lecture de ce texte, je m'étais exactement la même réflexion."Esclaves, obéissez à vos maîtres selon la chair avec crainte et tremblement, dans la simplicité de votre cœur, comme au Christ ; non pas seulement sous leurs yeux, comme s'il s'agissait de plaire à des humains, mais comme des esclaves du Christ, qui font de toute leur âme la volonté de Dieu. Servez de bon gré, comme des esclaves du Seigneur et non comme ceux des humains, sachant que chacun, esclave ou homme libre, recueillera du Seigneur le bien qu'il aura lui-même fait. Quant à vous, maîtres, agissez de même à l'égard de vos esclaves ; abstenez-vous de menaces, sachant que leur Maître et le vôtre est dans les cieux et qu'il n'y a pas de partialité chez lui." (6,5-9)
L'auteur incite les esclaves à obéir à leur maître, il les encourage même à servir d’une façon particulière : comme si leur maître était le Christ. Le verset 8 indique que, devant la mort, les personnes libres et les esclaves ont la même dignité. Le verset 9 avertit même les maîtres de ne pas user de menaces, car Dieu ne fait pas de différences entre les humains, qu’ils soient libres ou esclaves. Ce texte est le reflet d’une société divisée entre humains libres et esclaves. Mais pour Dieu, cette distinction n’existe pas. Lettre aux Galates (3,28) : "Il n’y a plus ni Juif ni Grec; il n’y a plus ni esclave ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ." Ces conseils sont-ils le résultat de l'optique unificatrice de l'auteur ? "La foi, ou πίστις, évoque la nouvelle allégeance politique entre chrétiens et Christ, un rapport modelé verbalement sur celui qui existait entre citoyens et César. Le rapport évoqué ici entre religion et politique demeure strictement sur le plan des mots utilisés pour en parler, puisque les réalités sous-jacentes aux deux situations ne peuvent être plus opposées. Plus loin dans la lettre, nous apprendrons que les chrétiens réservent une place spéciale à des personnes socialement et politiquement faibles, c’est-àdire aux femmes (5,33), aux enfants (6,4) et aux esclaves (6,9). Un tel amour exclut tout exercice d’une autorité écrasante et dédaigneuse. C’est précisément cette sorte de domination qui est dénoncée en Ep 6,12 où « Paul » décrit la lutte des chrétiens contre les Autorités, les Pouvoirs et les Dominateurs de l’obscurité présente, une allusion assez évidente à l’exercice du pouvoir impérial. Les conseils donnés aux destinataires aux chapitres 4 à 6 sonnent comme autant de consignes données pour prévenir semblables abus de pouvoir dans l’ἐκκλησία de Jésus Christ." https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2014-v70-n3-ltp02047/1032790ar/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 13:11 | |
| Intéressant article, qui documente abondamment les remarques que nous avons faites plus haut sur les analogies du "mystère" chrétien avec la structure de l'empire, notamment en ce qui concerne le concept de "paix" forcément inspiré de la pax romana, impliquant à la fois "conquête" initiale et "armement" constant pour le maintien de l'ordre. A mon sens toutefois, la question de leur interprétation demeure tout à fait ouverte, et ne gagne rien à s'enfermer dans l'alternative binaire du "pour" et du "contre" (pro-romain ou anti-romain, pro-impérial ou anti-impérial). S'il y a dans le NT des textes ouvertement "pour" (comme les Actes) et "contre" l'empire (comme l'Apocalypse), la plupart ne se laissent pas réduire à une position aussi tranchée, et ils n'en sont pas moins marqués par la structure politique omniprésente ("dans l'air du temps", pourrait-on dire en jouant anachroniquement sur les mots de 2,1ss).
Sur le point précédent, je me suis souvenu que c'est l'excellent commentaire de Michel Bouttier qui m'avait naguère rendu attentif au "proto-catholicisme" profond (ni polémique ni autoritaire, contrairement aux Pastorales) de l'épître aux Ephésiens, précisément en marquant, en marge du commentaire proprement dit (introduction ou conclusion, je ne sais plus), ses propres réticences "protestantes" à ce texte (chose assez inhabituelle dans ce genre d'ouvrage, qui entend généralement dépasser les perspectives confessionnelles dans un sens "scientifique" et/ou "oecuménique"). J'avais trouvé cela à la fois honnête et éclairant. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 13:50 | |
| - Citation :
- Sur le point précédent, je me suis souvenu que c'est l'excellent commentaire de Michel Bouttier qui m'avait naguère rendu attentif au "proto-catholicisme" profond (ni polémique ni autoritaire, contrairement aux Pastorales) de l'épître aux Ephésiens, précisément en marquant, en marge du commentaire proprement dit (introduction ou conclusion, je ne sais plus), ses propres réticences "protestantes" à ce texte (chose assez inhabituelle dans ce genre d'ouvrage, qui entend généralement dépasser les perspectives confessionnelles dans un sens "scientifique" et/ou "oecuménique"). J'avais trouvé cela à la fois honnête et éclairant.
Un catéchisme protestant. Le titre du livre s’est éclairé. Protestant, ce livre l’est autant par ses racines que par sa manière de réquisitionner le lecteur devenu responsable. Par son article encore, un, il ne prétend jamais apporter la position protestante sur tel problème de religion ou de morale ; il n’exerce pas un magistère, mais un ministère, un service au milieu des autres. Et le mot catéchisme, enfin, qui voudrait retrouver son sens originaire, totalement oublié. Ni enseigner, ni répéter des phrases gravées sur le papier afin de l’être ensuite dans les esprits, non pas articuler et ajuster réponses sur questions, mais “faire retentir”, il s’agissait sans doute, au départ, de la voix sonore du maître. On suivra donc Antoine Nouis sur un autre sentier : celui qu’esquissent ces pages comme un écho de la Parole de Dieu.L’auteur désire ainsi laisser résonner « l’Écriture telle qu’elle est ». Il est trop avisé pour ne pas ignorer que ce vœu est irréalisable. L’écho de l’Écriture qui résonne ici est celui que renvoie un pasteur des Églises réformées en France, à la fin du XX e siècle et dans la lignée d’une tradition théologique occidentale. Cet écho est orchestré par les compagnons de route qui ont expérimenté ces pages lors de leur gestation. Il a la mélodie d’une inspiration personnelle. Il attend, ami lecteur, ses répercussions dans ta propre existence.Michel Bouttier https://excerpts.numilog.com/books/9782354792855.pdf
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 15:22 | |
| C'est bien le même auteur (qui préface ici un livre d'Antoine Nouis); je pensais à son commentaire de l'épître aux Ephésiens paru en 1991 chez Labor et Fides.
Au risque de prolonger un peu le hors-sujet, je ferai remarquer une chose qui me semble justement typique de la tradition "protestante", et qui se perd en partie, pas complètement, dans sa branche "évangélique": à savoir que l'"écho" de (ou la "réponse" à) "la parole de Dieu" n'est pas forcément un amen, mais peut bien être une réserve ou une objection, un "peut-être" ou un "oui, mais", sinon un rejet catégorique -- précisément l'attitude qui m'avait frappé chez Bouttier face à l'épître aux Ephésiens. Cette attitude a un avantage exégétique considérable: si je ne me sens pas obligé d'être d'accord avec un texte pour la seule raison qu'il est dans la Bible, je ne ressens pas non plus le besoin de lui faire violence pour lui faire dire ce que je suis disposé à penser. Je peux lui laisser dire ce qu'il dit sans y adhérer, mais aussi sans le pervertir ni le réduire au silence. (L'introduction générale de la NBS, sur laquelle je suis retombé récemment, y avait insisté.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 15:40 | |
| Tout ce détour nous permet de saisir ce que Paul veut dire quand il dit que les apôtres sont la Χριστοῦ εὐωδία. Le Christ est une victime immolée dont les apôtres sont la bonne odeur. Paul ne pense pas uniquement la Croix comme une glorification qui conduit à la Résurrection. C’est aussi un sacrifice accompli pour le bienfait de l’humanité. Cela est clairement exprimé dans l’Épître aux Éphésiens : « vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d’agréable odeur. » (Ep 4,2) Il convient ici d’être précis. Contrairement à la lecture que le Moyen-Âge fera de ces textes, insistant sur l’aspect propitiatoire de ce sacrifice destiné à apaiser un Dieu jaloux, contrairement même à la lecture de l’Épître aux Hébreux qui en fait le moyen de mettre fin à tout le système sacrificiel, Paul de Tarse ne s’intéresse qu’à deux aspects de ce sacrifice : son caractère volontaire et son résultat, la bonne odeur. Pour l’apôtre, la Croix est bien une manière de renouer le dialogue interrompu par le péché entre Dieu et les hommes. https://journals.openedition.org/pallas/5380 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mar 10 Mar 2020, 16:36 | |
| Un "détour" peut en cacher un autre... C'est en tout cas un tour de force (de la part de R. Burnet) d'esquiver l'image du "triomphe" inscrite en toutes lettres en 2 Corinthiens 2,14ss (puisque c'est de ce texte qu'il s'agit au premier chef), image qui comporte d'ailleurs une dimension cultuelle (puisque dans le "triomphe" des généraux victorieux on brûle aussi de l'encens et toute sorte d'offrande parfumée aux dieux). D'autre part il n'y a aucune contradiction entre l'"agréable odeur" et le caractère propitiatoire du sacrifice, à moins de confondre propitiation et expiation: c'est précisément l'"agréable odeur" qui apaise la divinité et la rend "propice", cf. Genèse 9 (d'après Gilgamesh-Atrahasis) etc. (Voir aussi ici.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mer 11 Mar 2020, 10:36 | |
| Christ a-t-il aboli la loi pour réconcilier Juifs et païens ?
Parmi toutes les affirmations du corpus paulinien sur la loi, Éphésiens 2,15 semble être la plus radicale. Dans un contexte qui évoque le dessein salvateur de Dieu en Christ, il est dit ceci : Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette Loi des préceptes avec ses ordonnances (ton nomon tôn entolôn en dogmasin), pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau ». — (Ep 2,14-15, traduction BJ) Malgré un grand nombre de problèmes exégétiques, les commentateurs ont, dans l’ensemble, estimé que le message du verset 15 était clair : « La loi mosaïque, qui faisait des Juifs un peuple privilégié, les séparait des païens. Jésus a supprimé cette loi en l’accomplissant une fois pour toutes par sa Croix. Pratiquement tous les exégètes récents se rangent peu ou prou à cet avis.
Cette interprétation crée cependant un grave problème. Que l’auteur d’Éphésiens affirme que Christ a aboli la loi, cela est concevable. Que la réconciliation entre Juifs et non-Juifs fasse partie du projet divin s’entend. Mais abolir la loi pour effectuer la réconciliation des Juifs et des païens, voilà qui est a priori invraisemblable. Ce qui est en cause n’est pas simplement la cohérence du message de l’Épître aux Éphésiens ou les complexités de la pensée paulinienne, mais un principe qui sous-tend l’Écriture tout entière. L’unité au sens biblique n’implique jamais l’abandon de l’identité propre. Depuis la première page de la Bible, Dieu crée les différences. Il attribue à chaque être sa place. Il exige qu’on distingue les espèces. L’unité, dans la perspective théologique, se fonde sur la complémentarité. Si donc les Juifs, pour se joindre aux païens, devaient renoncer à leur judéité, cela conduirait à l’amalgame et non à l’unité. Or, prendre aux Juifs la loi serait justement leur retirer ce qui fait d’eux ce qu’ils sont . Établir la « paix », sous de telles conditions, reviendrait à l’instauration d’un régime totalitaire. En effet, l’exégèse traditionnelle d’Ep 2,15 dessine Christ à l’image d’Antiochus IV Épiphane qui avait ordonné que « dans tout son royaume, tous les peuples n’en forment qu’un et renoncent chacun à ses coutumes » (1 M 1,41). Cela peut-il être le vrai sens du verset ?
La dernière citation emploie un mot étymologiquement lié à celui qu’on trouve en Ep 2,15 (ekhthra). Sur le plan du contenu aussi, la « haine » dont parle notre verset pourrait bien recouvrir une réalité similaire à celle dont parlent les passages cités. La conception de l’impureté rituelle des païens constituait un obstacle à l’insertion sociale des Juifs de la diaspora. Dans l’Église, elle devint intolérable en son principe. Au nom de cet aspect de la loi, les croyants d’origine juive considéraient comme illicite le fait d’entrer dans la maison d’un croyant d’origine païenne ; la communauté de table était interdite. Comment dans ces circonstances vivre l’unité en Christ
https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2005-1-page-95.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Mer 11 Mar 2020, 12:56 | |
| La lecture minimaliste de Joosten est possible et intéressante, mais le moins qu'on puisse dire (il le reconnaît, d'ailleurs) c'est qu'elle ne s'impose pas au lecteur, pas plus dans le texte grec qu'en traduction: il faut d'autres raisons que (con-)textuelles et exégétiques (notamment la hantise de l'antisémitisme depuis la Seconde Guerre mondiale) pour la préférer, et même si on la choisit le texte ne laissera pas de paraître équivoque. Du reste, elle n'évite pas vraiment le problème: distinguer de "la loi" supposée divine ("les commandements") "la tradition" supplémentaire du judaïsme pharisien puis rabbinique (ici les dogmata/dogmasin, selon Joosten), c'est bien ce qui a nourri l'antijudaïsme, puis l'antisémitisme chrétiens depuis les évangiles. En outre rien n'indique que l'épître aux Ephésiens considère la "loi" (mentionnée seulement dans ce passage) comme divine: nous avons déjà noté l'écart de Galates avec Romains sur ce point, et Colossiens qui est la "source" principale d'Ephésiens s'inscrirait plutôt dans la lignée de Galates.
Que "le Christ" et "l'Antéchrist" se ressemblent comme deux gouttes d'eau, qu'il y ait donc des traits d'Antiochos Epiphane aussi dans la figure du Christ, y compris dans ses portraits évangéliques (car Antiochos est aussi un roi paradoxal, qui passe pour fou en se mêlant au peuple, pour blasphémateur par une forme de piété inhabituelle, pour persécuteur des "identités" au nom d'une certaine universalité, etc.), ça peut surprendre mais c'est au fond très logique... Il ne faut pas oublier que nous connaissons surtout Antiochos par des caricatures hostiles, et principalement d'un point de vue "juif-identitaire", que ce soit celui de Daniel (le seul texte de la "Bible juive" à utiliser les interdits alimentaires comme principe de séparation, soit dit en passant), des Maccabées ou de Josèphe. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Jeu 12 Mar 2020, 10:55 | |
| Le rôle de l'hymne était liturgique. Les premiers chrétiens désignent par ce terme des chants qui apparaissent très tôt dans la liturgie pour exprimer l’ineffable. Saint Paul recommande par deux fois l’utilisation de la musique et des hymnes : «Entretenez-vous par des psaumes, par des hymnes, et par des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout votre cœur les louanges du Seigneur» (Éphésiens 5, 19). Et encore : «Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment ; instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels…» (Colossiens 3,16).
De fait, les passages poétiques, les hymnes et les cantiques, peu nombreux, qui figurent dans le Nouveau Testament manifestent une grande richesse théologique. Paul lui-même se réfère à ces hymnes pour asseoir un raisonnement ou expliciter une pensée. Nous en avons un exemple dans la lettre aux Éphésiens où terminant une exhortation à vivre «en enfants de lumière», il conclut : «C’est pourquoi l’on dit: Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera». Un autre exemple, particulièrement intéressant, est fourni par ce que l’on appelle l’hymne aux Philippiens. Exhortant les chrétiens de Philippe à vivre dans l’unité et l’humilité, à s’aimer les uns les autres, il leur donne pour modèle le comportement du Christ qui, dit-il, s’est «vidé de lui-même». Le mouvement d’abaissement et d’exaltation est particulièrement original. Et le terme employé pour désigner le creux de l’abaissement est suffisamment suggestif pour que l’on en ait fait un terme technique du vocabulaire théologique : la kénose qui désigne ce mouvement d’abaissement, d’«évidement» de soi-même enraciné dans l’amour et qui conduit à l’exaltation, à la gloire. https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Musique/L-hymne-dans-la-culture-grecque |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Jeu 12 Mar 2020, 11:53 | |
| Qu'elle soit ou non universelle, la musique passe toute sorte de frontières, linguistiques et ethniques, culturelles et cultuelles; même quand elle se perd elle laisse dans les textes une trace, essentiellement rythmique, qui distingue la "poésie" de la "prose", et cette différence "formelle" affecte aussi le "fond" du discours, qui échappe à la ligne narrative ou rhétorique comme par une "dimension" supplémentaire, pour se prêter à nouveau au chant, même sur une tout autre musique. L'histoire des "psaumes" bibliques et de leur réappropriation continue, d'une langue, d'une religion et d'une culture à l'autre (on peut même dire d'un dieu à l'autre si l'on tient compte de leur "préhistoire"), sur plusieurs millénaires, en reste une illustration exemplaire.
Le corpus paulinien (au sens large) inviterait d'ailleurs à rapprocher, non pour les confondre mais pour apprécier leurs différences, la "glossolalie" corinthienne des "hymnes" ultérieur(e)s: deux pratiques vocales extra-ordinaires (par rapport à l'usage ordinaire de la langue), par lesquelles le "culte chrétien" se distingue du "profane" tout en s'assimilant à d'autres "cultes" ("mystères"). De la spontanéité anarchique de la première à la forme relativement fixe, collective, "liturgique" des second(e)s, quoi qu'il en soit de leur musique éventuelle sur laquelle on ne peut faire que des conjectures, il y a une "évolution" tout aussi significative que celle du "contenu" des énoncés, mais il y va toujours de l'"esprit" (pneuma). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le mystère du Christ et de l'Église - Ephésien Ven 01 Mai 2020, 14:02 | |
| "et de connaître l'amour du Christ qui surpasse la connaissance, de sorte que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu" (Ep 3,19)
"et de connaître l’amour du Christ, qui surpasse la connaissance, pour que vous soyez remplis de toute la plénitude que Dieu donne" (TMN)
La TMN traduit de manière à amoindrir le fait que les croyants soient habités par Dieu ou partagent la nature divine. |
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