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 variation sur une absence

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Narkissos

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MessageSujet: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeJeu 04 Fév 2010, 14:34

Hénoch marchait avec le Dieu; puis il n'est plus, car Dieu l'a pris.
Genèse 5,24.

Encore un peu de temps, et le méchant n'est plus.
Tu examines le lieu qu'il habitait: il n'est plus!

Psaume 37,10.

L'homme! Ses jours sont comme l'herbe,
il fleurit comme la fleur des champs.
Lorsqu'un vent passe sur elle/lui, elle/il n'est plus,
et le lieu qu'elle/il habitait ne la/le reconnaît plus.

Psaume 103,15s.
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeJeu 04 Fév 2010, 15:19

spermologos a écrit:
Hénoch marchait avec le Dieu; puis il n'est plus, car Dieu l'a pris.
Genèse 5,24.

Encore un peu de temps, et le méchant n'est plus.
Tu examines le lieu qu'il habitait: il n'est plus!

Psaume 37,10.

L'homme! Ses jours sont comme l'herbe,
il fleurit comme la fleur des champs.
Lorsqu'un vent passe sur elle/lui, elle/il n'est plus,
et le lieu qu'elle/il habitait ne la/le reconnaît plus.

Psaume 103,15s.

L'expression "il n'est plus" correspond à la mort, la mort comme absence ?
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeJeu 04 Fév 2010, 15:47

Au moins comme absence phénoménale, apparente* -- puisque dans le cas d'Hénoch la tradition va l'interpréter à l'opposé d'une mort. (Encore faudrait-il savoir si l'immortalité est le contraire ou un autre nom de la mort. "Mort - immortel. Peut-être l'extase", écrivait Blanchot.)
Ce que je voulais surtout montrer (plutôt que commenter, puisque j'ai placé ce fil dans la rubrique "Un jour, un verset" qui se veut lieu de méditation et non de discussion), c'est qu'une expression identique ("et il n'est plus", we'eynenou) va se charger de connotations très différentes selon le sujet: le juste ou l'élu, le méchant ou le réprouvé, l'homme ou n'importe qui...
*dans les psaumes absence d'un lieu (maqom) qui survit, indifférent, à la disparition.
"Rien n'aura eu lieu que le lieu..."? (Mallarmé, Un coup de dés).
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeDim 27 Aoû 2023, 14:32

C'est un joli mot que l'absence, en plus d'une langue une jolie composition: ab-esse, ap-eimi, d'où ap-ousia opposée à par-ousia, Ab-wesenheit (qui me rappelle le film de Handke), etc.; ablatif, privatif, séparation, détachement, éloignement, démission, désertion, détournement ou achèvement d'un "être" qui a toujours plus d'un tour dans son sac, parce qu'il n'a pas d'"autre", parce qu'il est "autre" autant qu'"un"; profondeur ou abîme infini de l'"être" qui "est" jusque dans ses "contraires", absence ou néant; qui pourrait même s'absenter d'une absence, sans disparaître ni reparaître nulle part.

Je repense à ces vers d'Eluard (Le front aux vitres) qui m'auront accompagné depuis l'adolescence: "et je ne sais plus tant je t'aime / lequel de nous deux est absent". Et encore à Villon: où sont les neiges d'antan ?
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeLun 28 Aoû 2023, 10:12

Sartre / L'absence  « J'ai rendez-vous avec Pierre à quatre heures. J'arrive en retard d'un quart d'heure : Pierre est toujours exact ; m'aura-t-il attendu ? Je regarde la salle, les consommateurs et je dis : « il n'est pas là ». Y a-t-il une intuition de l'absence de Pierre ou bien la négation n'intervient-elle qu'avec le jugement ? A première vue il semble absurde de parler ici d'intuition puisque justement il ne saurait y avoir intuition de rien et que l'absence de Pierre est ce rien. Pourtant la conscience populaire témoigne de cette intuition. Ne dit-on pas, par exemple : « j'ai tout de suite vu qu'il n'était pas là » ? S'agit-il d'un simple déplacement de la négation ? Regardons-y de plus près.

Il est certain que le café, par soi-même, avec ses consommateurs, ses tables, ses banquettes, ses glaces, ses lumières, son atmosphère enfumée, et les bruits de voix, de soucoupes heurtées, de pas qui le remplissent, est un plein d'être. Et toutes les intuitions de détails que je puis avoir sont remplies par ces odeurs, ces sons, ces couleurs, tous phénomènes qui ont un être transphénoménal. Pareillement, la présence actuelle de Pierre en un lieu que je ne connais pas est aussi plénitude d'être. Il semble que nous trouvions le plein partout. 

Mais il faut observer que, dans la perception, il y a toujours constitution d'une forme sur un fond. Aucun objet, aucun groupe d'objets n'est spécialement désigné pour s'organiser en fond ou en forme : tout dépend de la direction de mon attention. Lorsque j'entre dans ce café, pour y chercher Pierre, il se fait une organisation synthétique de tous les objets du café en fond sur quoi Pierre est donné comme devant paraître. Et cette organisation du café en fond est une première néantisation. Chaque élément de la pièce, personne, table, chaise, tente de s'isoler, de s'enlever sur le fond constitué par la totalité des autres objets et retombe dans l'indifférenciation de ce fond, il se dilue dans ce fond. Car le fond est ce qui n'est vu que par surcroît, ce qui est l'objet d'une attention purement marginale. Ainsi cette néantisation première de toutes les formes, qui paraissent et s'engloutissent dans la totale équivalence d'un fond, est la condition nécessaire pour l'apparition de la forme principale, qui est ici la personne de Pierre. Et cette néantisation est donnée à mon intuition, je suis témoin de l'évanouissement successif de tous les objets que je regarde, en particulier des visages, qui me retiennent un instant (« si c'était Pierre ? ») et qui se décomposent aussitôt précisément parce qu'ils « ne sont pas » le visage de Pierre. Si, toutefois, je découvrais enfin Pierre, mon intuition serait remplie par un élément solide, je serais soudain fasciné par son visage et tout le café s'organiserait autour de lui, en présence discrète. 

Mais justement Pierre n'est pas là. Cela ne veut point dire que je découvre son absence en quelque lieu précis de l'établissement. En fait Pierre est absent de tout le café ; son absence fige le café dans toute son évanescence, le café demeure fond, il persiste à s'offrir comme totalité indifférenciée à ma seule attention marginale, il glisse en arrière, il poursuit sa néantisation. Seulement il se fait fond pour une forme déterminée, il la porte partout au-devant de lui, il me la présente partout et cette forme se glisse constamment entre mon regard et les objets solides et réels du café, c'est précisément un évanouissement perpétuel, c'est Pierre s'enlevant comme néant sur le fond de néantisation du café.

De sorte que ce qui est offert à l'intuition, c'est un papillotement de néant, c'est le néant du fond, dont la néantisation appelle, exige l'apparition de la forme et c'est la forme – néant qui glisse comme un rien à la surface du fond. Ce qui sert de fondement au jugement : « Pierre n'est pas là », c'est donc bien la saisie intuitive d'une double néantisation ».

Sartre, L'être et le néant (1943)
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeLun 28 Aoû 2023, 11:20

Lien (j'ai l'impression de l'avoir déjà vu il y a peu mais je ne sais plus à quel propos).

On pourrait poursuivre en disant que je ne serais même pas allé chercher Pierre au café si je n'avais pas été capable, ailleurs, de penser (à) "Pierre" et (à) son rendez-vous; ailleurs où Pierre évidemment n'était pas, mais où je n'étais pas vraiment non plus si j'étais capable, là, de penser (à) autre chose que ce qui était ou se passait là. Pas de "pensée", au sens le plus élémentaire (penser à quelque chose ou à quelqu'un), sans cette étrange faculté de s'absenter de la plénitude de présence où l'on est toujours et partout et qui devrait ou pourrait nous occuper totalement en permanence. Toute pensée se creuse dans une absence ou se dérobe à une présence, inévitablement "plus" et "moins être" à la fois, altération de l'"être" en tout cas.

Il n'y a qu'à voir la réaction d'un animal ou d'un petit enfant quand on lit, dans un livre ou sur un écran, ou qu'on est, comme on dit, "absorbé dans ses pensées": il cherchera à attirer notre attention pour nous ramener à la présence ou à la vie, car pour lui c'est comme si on était là sans être là, quasi mort. De ce point de vue pourtant il n'y a jamais de pure présence, pas même pour l'animal capable de rêver, de chercher ailleurs ce qui n'est pas là, de réagir à des signes et à des signaux et d'en émettre, etc. -- mais il y a assurément des jeux, des degrés et des combinaisons de présence et d'absence, infiniment variables même parmi les humains, de l'analphabète à l'intellectuel ou à l'aliéné, et d'un moment à l'autre; modulés par toutes les techniques, parole, musique, danse, image, représentation, rite, écriture, imprimerie, téléphone, ordinateur, smartphone. Plus ou moins de virtuel dans le réel, plus ou moins d'absence dans la présence, la présence même étant toujours un jeu de présence et d'absence, Fort, Da, etc. Le Da(-)sein heideggerien peut "être (le) là" dans la mesure même où il peut ne pas être (totalement, entièrement, constamment) là où il est, au lieu et au temps où il se trouve (comme Heidegger dit, imprudemment, l'animal benommen, totalement pris, saisi, capturé ou captivé par le présent): c'est le jeu, l'espace et le temps mêmes d'une "pensée", de la plus rudimentaire à la plus "philosophique".
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeLun 28 Aoû 2023, 11:53

Merci Narkissos pour cette belle analyse. 

La certitude de l'absence du Dieu juif définit la modernité et commande toute l'esthétique et la critique modernes

Jacques Derrida parle de l'écriture, de l'origine de l'oeuvre. Au départ, il y a l'absence. Seule l'absence peut inspirer. Quelle absence? D'abord, l'absence du Dieu juif. Nous avons la certitude de l'absence d'écriture divine, il faut partir de cela, c'est-à-dire de l'athéisme (que l'écrivain soit athée ou non).

Le sens ne précède pas l'écriture. Il ne nous attend pas. Il s'habite lui-même.

Citant Jérémie soumis à la dictée de Dieu, Derrida insiste sur l'angoisse et la solitude. Le prophète ne transcrit pas une parole, il est lui aussi devant l'absence, comme si la tora était déjà moderne. Le Dieu juif n'a pas à s'absenter, il est déjà absent, tandis que le Dieu de Leibniz ne connaît pas l'angoisse, il pense les possibles en acte.

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0504040952.html
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeLun 28 Aoû 2023, 12:20

Là encore, je ne crois pas qu'il faille opposer le "Dieu juif" à un autre ou la "modernité" à quelque autre "époque". Toute "religion", même "polythéiste" et "idolâtre" aux yeux des monothéistes, consiste dans un jeu de présence et d'absence, d'apparition et de disparition, de secret et de révélation, d'appel et de réponse sans réponse, qui joue de l'espace et du temps. Et ce n'est pas parce que la modernité fait l'économie des "dieux" que ça y change grand-chose. Quoi qui compte pour une société, un groupe ou individu quelconque, idées, idéaux, sentiments, etc., cela se jouera toujours par le même genre de jeu de présence et d'absence. Même l'ascétisme d'une pure absence n'y tiendrait pas, il devrait de temps à autre s'accorder le plaisir, la jouissance, la fête de la présence, si artificielle, fictive et illusoire soit-elle.
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeMar 29 Aoû 2023, 10:29

2. La parousie épistolaire : une stratégie face au temps qui passe

Sur le plan du langage, tout d’abord. Sous la plume de l’apôtre en effet, surgit à plusieurs reprises la dialectique de la présence  et  de l’absence. Précisément,  Paul  investit fortement la  racine  πάρειμι30,  en  contraste avec la racine  ἄπειμι, pour caractériser la relation que médiatise son  écriture en forme de lettre. Un langage en  partie conventionnel à en croire plusieurs attestations similaires dans la littérature épistolaire que connaît le monde antique31. Mieux, à cette dialectique de la présence et de l’absence s’ajoutent chez Paul – là encore en continuité avec la phraséologie épistolaire antique32 – d’autres binômes qui  viennent en circonscrire la nature exacte : les couples σῶμα/πνεῦμα (1 Co 5,3b) ou πρόσωπον/καρδία (1  Th 2,27).  Bref, est ainsi mise en scène à la fois la distance physique, qui affecte en particulier le voir et qui sépare Paul de ses correspondants dans le maintenant de la communication, et leur coprésence spirituelle, rendue possible par la médiation épistolaire.

L’autre exemple nous est fourni par ce que les exégètes ont pris pour habitude de désigner, à la suite de Robert Funk33, du nom de « parousie apostolique ». Soit, au sortir des lettres de Paul, l’évocation de ses projets de voyage,  l’envoi de proches collaborateurs ou, alors, la mise en abyme de sa propre activité d’écriture (Rm 15,14-29 ; 1 Co 16,1-12 ; 2 Co 12,14–13,10 ; Ph 2,19-30 ; Phlm 22)34. Avec quel(s) effet(s) de sens ? Adossés à la distance spatiale séparant l’apôtre de ses correspondants, ces trois motifs  tendent, chacun à leur façon, à en surmonter le  handicap. En clair, le désir paulinien de rendre visite à ses communautés, la députation d’émissaires dont  il recommande le bon accueil ou la mise en scène de son écriture épistolaire participent d’une seule et même visée rhétorique : renforcer son autorité personnelle auprès de ses enfants dans la foi35. C’est  dire également que, dans l’attente d’une comparution prochaine, l’apôtre est d’ores et déjà présent auprès  de ses correspondants via les navettes de collaborateurs et – ce qui nous intéresse particulièrement ici – sous la forme de la  fiction épistolaire36. Une présence épistolaire dont l’homme  de Tarse a  d’ailleurs fait un  usage non seulement contraint par les circonstances  empiriques mais  aussi délibéré. Ainsi, au cœur du confit l’opposant aux chrétiens de Corinthe, a-t-il préféré écrire plutôt que de se déplacer (cf. 2 Co 1,23–2,4), conscient de la fonction de lieutenance reconnue à son écriture  et  sensible à ses potentialités  pragmatiques et théologiques dans un contexte tendu37. Avec succès si l’on en croit la sortie de crise (2 Co 7,4-16) et, plus largement, le poids reconnu à ses missives dans les communautés de son aire missionnaire (cf. 2 Co 10,9-10)38.

Partant, nul hasard si, dans le sillage de Paul, l’écriture épistolaire a été réquisitionnée par  ses héritiers  et successeurs 39 . Et  cela, afin de manifester  et de construire durablement son autorité apostolique sur  fond d’absence physique et, désormais aussi, d’éloignement temporel (cf. 1 Tm 3,15 : ἐὰν  δὲ βραδύνω). On a ainsi souvent noté la reprise en Col 2,5 du topos paulinien de la présence dans l’absence. Dans un même ordre d’idée, 2 Thessaloniciens institue, face à l’absence de Paul, l’écrit attaché  à son autorité apostolique comme « lieu de mémoire »40 où se recueille sa présence et, singulièrement, sa parole originelle : « Ne vous souvenez-vous pas que, alors que j’étais encore auprès de vous, je vous disais ces choses ? » (2,5). Est ainsi affirmée « la conformité de l’enseignement eschatologique transmis dans la lettre avec la  prédication apostolique originaire »41. Bref, face à la distance – à la fois spatiale et temporelle – qui sépare le Paul historique du christianisme  deutéro-paulinien se développe une tradition à caractère normatif, une tradition dont le relais n’est plus seulement la parole orale mais dorénavant aussi l’écriture épistolaire (2 Th 2,15 : στήκετε καὶ κρατεῖτε τὰς παραδόσειςἃς ἐδιδάχθητε εἴτε διὰ λόγου εἴτε δι’ ἐπιστολῆς ἡμῶν ; cf. 3,14.17).

http://ed.theologie.unistra.fr/fileadmin/upload/edtsr/Documents/programme_doctoral/2015-2016/conferences_presentations/Simon_BUTTICAZ.pdf


En tant qu'écriture, la différance suppose une absence spécifique, qui ne saurait (être) une modification de la présence

Alors que l'échange vocal exige la perception présente (Je te parle, Je t'entends), l'écriture présuppose l'absence du destinataire. Ici Jacques Derrida prend le mot absence dans un sens original. Ce n'est pas seulement une distance, un écart, un retard (il est absent ici et maintenant, mais il pourra être là plus tard). C'est une absence absolue, une rupture radicale de présence. La fonction même du destinataire, ou de l'ensemble empiriquement déterminable des destinataires, a disparu. Alors l'écriture n'est plus qu'une marque, dépourvue de sens, qui peut être répétée par n'importe quel expéditeur.

Dans la structure qui se constitue, l'écriture reste lisible, même si l'émetteur et le destinataire ont disparu. Cette structure est répétable, itérable,. Elle fonctionne sans qu'un code déterminé à l'avance ne soit nécessaire [c'est le lecteur qui déchiffre en fonction de son propre code].

[Pour qu'on puisse parler de différance, avec un a, et non pas seulement de différence, il faut une rupture de code, une "disruption" entre l'émission et la réception, une lecture hétérogène par rapport au langage de départ]

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0806161242.html
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeMar 29 Aoû 2023, 14:20

C'est intéressant de rapprocher ces deux textes:

La différance derridienne, telle que je la comprends, est à coup sûr "radicale", mais pas au sens d'une déclaration tonitruante, affirmation ou négation massive, paradoxe ou dialectique -- bien au contraire. C'est plutôt un travail patient, subtil, voire subreptice ou insidieux, qui à partir de l'écriture revient vers le discours philosophique ou ordinaire et sape ou mine ses assurances -- les définitions ne définissent plus vraiment, les oppositions ne s'opposent plus tout à fait, rien ni personne ne dit ce qu'il veut dire. Et ce fil (de détissage ou de détricotage) se saisit exemplairement à partir d'une écriture qui a pour vocation d'être lue autrement qu'elle a été écrite, ailleurs, plus tard, plus loin, dans un autre contexte, traduite, trahie, tronquée, déformée, ce processus étant déjà à l'oeuvre dans l'écriture même; en quoi d'ailleurs elle ne diffère que relativement de la parole qui elle aussi peut être mal entendue, mal interprétée, d'un "mal" qui était bien là, en puissance, comme une "virtualité" aussi positive que toute "intention". L'auteur le plus attentif n'est jamais sûr d'avoir écrit ce qu'il voulait dire, le locuteur n'est pas sûr à la fin de sa phrase d'avoir dit ce qu'il voulait dire en la commençant, ni de ce qu'il voulait dire alors, ni qu'il veuille encore le dire maintenant... Livre de sable, dirait Borges, parole mouvante, pensée errante.

Quand on revient de là à l'étude classique de Butticaz, de grande qualité dans le genre académique, on voit tout de suite la fragilité des définitions, des distinctions et des oppositions sur lesquelles son analyse repose: tout ce qui est dit de la "pseudépistolographie" s'applique aussi bien aux épîtres d'un "Paul" présumé authentique, à son "absence" et à sa "présence" qu'une signature authentique ou contrefaite met en jeu et en scène sans pouvoir contrôler leurs effets, qui ne s'arrêtent jamais à des "destinataires" (la preuve, c'est que bien ou mal nous les lisons, les lettres présumées authentiques comme les pseudépigraphes, alors que ni les unes ni les autres ne nous étaient destinées); sa "présence" étant tout aussi ambiguë que son absence, puisqu'elle doit être complétée ou corrigée par des lettres qui créeront autant de malentendus ou d'ententes inattendues qu'une présence; présence qui ne serait elle-même la présence de "quelqu'un" que dans la mesure où ce quelqu'un aurait été absent et pourrait encore l'être, signe en somme d'une absence toujours énigmatique et insaisissable, sur laquelle on ne saurait mettre la main une fois pour toutes pour la tenir (de la préhension à la compréhension, au concept, Begriff, etc.: tout nous file entre les doigts).

Présence, absence, fort / da, c'est aussi le rythme d'une respiration (Atemwende, "renverse du souffle" dit Celan traduit par J.P. Lefebvre) ou d'un battement de coeur qui n'est pas sans l'alternance de ses mo(uve)ments.
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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeVen 01 Sep 2023, 10:00


Hénoch le voyageur céleste

Cette catégorie est précisément celle qui distingue Hénoch des autres patriarches justes. Le texte de Gn 5 indique seulement qu’il est monté aux cieux. Sur cette base, 1 Hénoch développe ensuite considérablement les mouvements du personnage.

De nombreux passages décrivent le contact d’Hénoch avec les habitants du monde d’en haut. Il est en quelque sorte intégré à la cour céleste. Il parcourt les diverses régions de l’au-delà sous la direction d’anges interprètes selon les normes de la littérature apocalyptique. Comme les autres habitants du ciel, il bénéficie de la vision du Saint (1,2). Selon la curieuse formulation de 1 Hn 12,2, « ses travaux étaient avec les Veilleurs et ses jours avec les Saints ».

Sa position lui permet d’acquérir la connaissance de nombreux mystères du monde d’en-haut, mystères qu’il pourra ensuite exposer aux hommes à travers son enseignement. Hénoch est mandaté pour des missions dans le monde d’en-bas, comme dans le cadre du jugement des Veilleurs (12,4), ce qui suppose qu’il fasse plusieurs fois l’aller-retour entre les deux mondes. Tous ces éléments contribuent à établir Hénoch dans la position classique du visionnaire de la littérature apocalyptique. Hénoch reçoit ses visions dans le cadre d’un déplacement physique dans le monde d’en haut, mais aussi par le mode de la vision et du songe (13,7-variation sur une absence Icon_cool.

Dans les chapitres 70-71, l’enlèvement aux cieux place Hénoch dans un statut très particulier. Selon 70,3, il n’est « plus compté parmi les hommes ». Cela peut signifier simplement qu’Hénoch a quitté la terre, en d’autres termes le monde des humains. Mais cela peut aussi être compris comme un changement de statut, une angélisation ou même une divinisation d’Hénoch. Le chapitre 71 place Hénoch au centre d’une scène très originale : tous les membres de la cour céleste et Dieu lui-même sortent du palais céleste pour venir à la rencontre du patriarche. Il est alors intronisé « fils d’homme » par Dieu. Dans la logique des Paraboles, cela établit Hénoch dans un statut supra-angélique. Hénoch devient alors le juge eschatologique par excellence, celui qui siège sur le trône même de Dieu. Le chapitre se termine en instituant Hénoch comme guide de salut pour le monde (1 Hn 71) :

16Chacun suivra ta voie, la justice ne te quittera jamais. C’est avec toi qu’ils auront leur demeure, c’est avec toi qu’ils auront leur lot, et ils ne se sépareront pas de toi, pour toujours, pour les siècles des siècles. 17Et ainsi, la longévité accompagnera ce fils d’homme, la paix sera pour les justes, la rectitude sera pour les justes, au nom du Seigneur des esprits, pour les siècles des siècles.

À partir de la simple mention de l’ascension d’Hénoch dans le monde d’enhaut de Gn 5, 1 Hénoch élabore ainsi un scénario beaucoup plus complexe. D’abord simple spectateur de visions célestes, Hénoch devient acteur dans le monde d’en-haut comme dans le monde d’en-bas. Son élévation n’est pas seulement spatiale. Il prend place au sommet de la hiérarchie céleste, juste en dessous de la divinité.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2016-4-page-639.htm

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MessageSujet: Re: variation sur une absence   variation sur une absence Icon_minitimeVen 01 Sep 2023, 10:48

La Genèse décrivait surtout une absence, si l'on peut dire (w-'ynnw, et il n'y a pas ou il n'y a plus de lui, il n'[y ]est pas ou il [y ]est plus, LXX oukh èurisketo, il ne fut plus trouvé: c'est le sens même de l'ab-esse, d'où absentia: ablatif, privatif, départ de l'être dans toute l'ambiguïté du "de", génitif subjectif ou objectif, ablatif de séparation, de provenance ou d'origine, etc.); absence phénoménale, si l'on peut encore dire, du point de vue de la terre (son lieu, comme disent les psaumes: cf. post initial). En revanche, les récits d'ascensions et de voyages célestes caractéristiques de l'"apocalyptique" (Daniel, Hénoch, etc.; mais déjà Ezéchiel) accompagnent l'ascenseur le voyageur qui leur reste toujours présent, et qui revient sur terre au moins sous forme d'écrit, même quand il reste au ciel ou s'y découvre, comme un "double" éternel, préexistant, subsistant... ce qui complique singulièrement une narration linéaire, d'autant que le "ciel apocalyptique" c'est aussi le passé, le présent et l'avenir (de la terre) "ré-vélés" ou "dé-voilés" (cf. la fameuse variante de Jean 3,13: le "fils de l'homme" qui est monté au ciel et en est descendu, tout en y étant toujours, ce serait précisément l'Hénoch des Paraboles, 1 Hénoch 37--71). Bref, dans ce genre de texte on aurait plutôt une saturation de présence qu'une absence, mais il reste remarquable que les deux communiquent: c'est la disparition d'Hénoch qui se traduit en une profusion d'apparitions, d'image et de son, de visions et de paroles.
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