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 La fiabilité des citations de la Watchtower

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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMar 26 Mai 2020, 11:11

Le Nouveau Dictionnaire universel de Maurice Lachâtre dit de l’influence exercée par Platon: “La trinité platonique [platonicienne], qui ne fut elle-​même au fond qu’une sorte d’arrangement, de disposition nouvelle, des trinités plus anciennes des peuples qui avaient précédé, nous paraît bien être la trinité philosophique, rationnelle, c’est-à-dire la trinité d’attributs qui a donné naissance à la triplicité d’hypostases ou de personnes divines des Églises chrétiennes (...). Cette conception de la Trinité divine du philosophe grec (...) se trouve partout dans les anciennes religions [païennes].” https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989303#h=31


Intuitivement je ne suis pas convaincu par l'argument "origine païennes" pour discréditer la trinité, j'imagine mal (à tort peut-être) les penseurs chrétiens faire références aux triades des religions dites "païennes" pour élaborer la trinité. L'argument "philosophie grecque" comme élément qui décrédibilise la trinité ne me parait pas valable, dans la mesure ou le NT, lui-même a subi cette influence (L'épitre aux Hébreux par exemple). A priori ce débat n'est pas nouveau :
  

La deuxième partie de l’ouvrage se focalise sur les références historiques et philosophiques mobilisées dans la polémique, et en particulier sur la figure de Platon, utilisée tant pour justifier la Trinité que pour en dénoncer la fausseté. Des auteurs trinitaires catholiques et protestants comme Louis Thomassin, Pierre Allix, l’abbé Pierre-Valentin Faydit ou André Dacier reprennent à leur compte la pensée de Marsile Ficin, qui décelait chez Platon les prémisses des doctrines chrétiennes de l’immortalité de l’âme et de la Trinité et considérait ce dernier comme l’héritier des « prisci theologi », ces théologiens des temps anciens qui auraient promu des principes préparant l’avènement du christianisme (Zoroastre, Hermès Trismégiste, Orphée, Pythagore et leurs disciples). Pour ces auteurs du xviie siècle, la philosophie platonicienne vient donc renforcer la doctrine trinitaire. Mais pour d’autres, la philosophie joue le rôle inverse : elle est responsable de la contamination de la théologie chrétienne et notamment de son obscurité. Les antitrinitaires et unitariens vont plus loin : pour eux la contamination philosophique touche non seulement la théologie, mais l’Écriture elle-même : ainsi, les deux passages mobilisés par les trinitaires pour défendre leur cause, un verset du chapitre 5 de la première Épître de Jean (Comma Johanneum) et les premiers versets du prologue de l’Évangile selon Jean sont considérés comme des ajouts a posteriori, non-authentiques. Jacques Souverain, quant à lui, développe une idée originale : il n’existe pour lui aucune trace de la trinité chez Platon, et il en conclut que le christianisme trinitaire n’est qu’une hérésie née d’une lecture erronée du philosophe grec. L’argumentation des auteurs remontent parfois en amont de Platon : ainsi, lorsque l’unitarien Jean Le Clerc découvre en 1687 une traduction des Oracles chaldaïques, il y voit une source fiable pour analyser l’idolâtrie des Chaldéens, desquels Dieu a décidé de séparer Abraham. La doctrine des Chaldéens se caractérisant par une absence de clarté et une imprégnation philosophique, Le Clerc en déduit que la philosophie corrompt la doctrine, et il prend la défense de l’unitarisme. Mais l’interprétation même de ces textes varie dans la polémique, puisque Jurieu, qui reconnait leur authenticité, en fait une arme pour défendre les thèses trinitaires. La philosophie tient donc une place importante mais très ambivalente dans le débat portant sur la Trinité. https://journals.openedition.org/chretienssocietes/4257
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMar 26 Mai 2020, 17:52

Lachâtre, 1869 ! Anticlérical notoire à une époque où l'anticléricalisme a le vent en poupe (jusqu'à sa victoire relative, qui est aussi un compromis, en 1905): source une fois de plus française (voir ci-dessus mes remarques sur l'origine de la brochure): on comprend que la Watch ne précise pas ses références.

La recension que tu cites (sur un livre consacré au XVIIe siècle) montre très bien comment les mêmes références "païennes" ou "hérétiques" peuvent être utilisées positivement ou négativement par chacun des "camps" en présence, quels que soient le conflit et la ligne de front: même les païens l'avaient déjà compris, c'est ce que disaient les hérétiques et c'est pour ça qu'ils ont été persécutés, ou bien: c'est une corruption païenne ou hérétique. Arguments de toute façon extérieurs, d'autorité ou de repoussoir, qui ne font que retarder le moment où l'on pourrait commencer à penser ce dont on parle.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Mai 2020, 11:24

Une notion qui “dépasse l’entendement humain”

LA DOCTRINE de la Trinité déconcerte beaucoup de gens. Selon L’Encyclopédie américaine, on la tient pour une notion qui “dépasse l’entendement humain”.
Au reste, c’est ainsi que la considèrent bon nombre de ceux qui y ajoutent foi. Pour Eugene Clark, ecclésiastique, “Dieu est un, et Dieu est trois. Étant donné qu’il n’existe rien de tel dans la création, nous ne pouvons pas comprendre [ce concept]; nous ne pouvons que l’accepter”. Le cardinal John O’Connor déclare: “Nous savons qu’il s’agit là d’un mystère très profond, dont la compréhension nous échappe totalement.” Le pape Jean-Paul II parle, quant à lui, de “l’indicible mystère du Dieu unique dans la très Sainte Trinité”.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989301


Lorsque j'étais TdJ, j'avais l'habitude de moquer la formule "le mystère de la très Sainte Trinité", estimant que nous pouvions connaitre Dieu par l'étude de la Bible, un Dieu "connaissable", qui ne "dépasse pas l’entendement humain" . Il me semble que le remplacement du terme "mystère" par le "saint secret" empêche les TdJ de comprendre que le divin est un mystère.  La littérature de la Watch aborde rarement des concepts comme la "révélation", des aspects mystiques du NT , pour s'adonner à une étude rationnelle de la Bible. D'ailleurs, est-il anormal d'affirmer que Dieu “dépasse l’entendement humain” ?
Apparemment, la trinité indique que le divin se révèle, certes d'une manière complexe, mystique, mais elle souligne que ce Dieu que personne n'a jamais vu, se donne aux humains sous la personne de Jésus Christ et par la manifestation de l'Esprit.

Une synthèse de différentes visons du divin est nécessairement complexe :

La foi en la Trinité de Dieu

Les chrétiens croient en l’existence d’un Dieu unique, créateur de tout, provident, omniscient, infiniment bon, etc. Juifs et musulmans en font autant. Mais la foi en l’Incarnation du Verbe de Dieu en Jésus de Nazareth a conduit le christianisme, à la différence du judaïsme et de l’islam, à se définir comme un « monothéisme trinitaire », et à affirmer que Dieu est Un en Trois. « La Trinité est le mystère d’un seul Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, reconnues comme distinctes dans l’unité d’une seule nature, ou essence ou substance. » Ainsi, de manière paradoxale, « Dieu est seul (ou unique : monos), et pourtant il n’est pas seul » (Tertullien). Ce qui donne à penser qu’« en sa forme la plus haute, l’être (ou son au-delà) est don, échange, relation, amour ».

Le dogme de la Trinité

La foi en la tri-unité de Dieu est donc déjà présente dans ce que l’on appelle le kérygme primitif, c’est-à-dire le contenu de la première annonce de l’Évangile par les disciples directs de Jésus. Il a fallu du temps, néanmoins, pour que l’enseignement de l’Église, provoqué et presque contraint par d’autres façons de croire en Jésus, qui ne correspondaient pas à sa « règle de foi », parvienne à forger les mots qui serviront à désigner tant bien que mal ce mystère. Le mot même de « Trinité » (Trinitas, ou Triunitas, ou trina deltas) remonte à Tertullien († v. 220), dans son Contre Praxéas, au début du iiie siècle - Augustin (354-430) parlera couramment du Deus Trinitas. De leur côté, les théologiens grecs parlent de « la triade sainte » (e hagia Trias). Le mot trias, appliqué à Dieu, apparaît pour la première fois chez Théophile d’Antioche, dès la fin du iie siècle9. Son emploi ne s’imposera qu’après Athanase (v. 295-373), chez les Pères cappadociens.


Le dogme de la Trinité ne s’est donc imposé que progressivement, au prix de nombreuses polémiques, et d’un immense travail de réflexion et de formulation. Le Contre Praxéas de Tertullien est le premier traité théologique sur la Trinité (le mot y revient dix fois). Il sera suivi de ceux de Grégoire de Nazianze (v. 330-390), dit « le théologien », dans ses Discours théologiques, de saint Basile (notamment dans son Contre Eunome10) et, en Occident, de saint Hilaire (v. 315-367) et de saint Augustin. Par la suite, le De Trinitate devient pour ainsi dire un type d’ouvrage fréquent, presque un genre littéraire.

Mais Irénée de Lyon (v. 130-140 - † 202-208) est peut-être le premier Père de l’Église à offrir un exposé développé de la foi trinitaire, en distinguant deux niveaux de discours, celui de la « théologie », qui considère Dieu en lui-même, dans son mystère intime, et celui de l’« économie », qui envisage Dieu dans ses rapports avec la création et l’histoire sainte, qui voit en lui l’auteur d’un plan de salut pour l’humanité et traite par conséquent de son action dans le temps, de ses apparitions (on parle des « théophanies ») et des missions des Personnes divines (Incarnation du Verbe, Envoi de l’Esprit, etc.). https://books.openedition.org/pus/12732?lang=fr#tocfrom2n2
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Mai 2020, 12:31

Bon résumé du problème, dans cet article où la théologie n'est pourtant que la toile de fond d'un propos essentiellement artistique. Pour les "deux niveaux", voir ce que j'ai tenté d'expliquer hier (26.5.2020) sur cet autre fil: il n'est pas étonnant que cette distinction soit élaborée par Irénée qui combat précisément les "gnostiques" (au sens très large).

Je pense toutefois que la théologie narrative et populaire qui consiste à expliquer le développement trinitaire à partir de "l'homme Jésus" (à qui il aurait fallu en quelque sorte faire une place dans la divinité) prend le problème à l'envers. C'est au contraire parce qu'on n'a jamais pu penser le divin sans différence, même dans le monothéisme le plus strict, qu'on a pu penser une "révélation" sous toutes ses formes, y compris celle d'un "Fils de Dieu sur terre".

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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Mai 2020, 14:34

Citation :
Bon résumé du problème, dans cet article où la théologie n'est pourtant que la toile de fond d'un propos essentiellement artistique. Pour les "deux niveaux", voir ce que j'ai tenté d'expliquer hier (26.5.2020) sur cet autre fil: il n'est pas étonnant que cette distinction soit élaborée par Irénée qui combat précisément les "gnostiques" (au sens très large).

L’incréé et la dynamique trinitaire

Eckhart affirme en effet que dans la création tout est commencement éternel et absolu puisque l’être est Source, Principe transcendant. Lui-même ne reçoit son nom que dans la création. Mais alors la question est de savoir s’il existe un avant de la création. Eckhart répond qu’avant la création « il est ce qu’il est », et repose en son fond qui est sa Déité. Mais que signifie cette « avant » ? en quel sens peut-il nous renvoyer à la notion d’incréé ?
La prière de Maître Eckhart est une prière radicale dans laquelle il s’agit de se déprendre de Dieu : « Prier Dieu d’être dépris de Dieu » consiste pour lui à revenir à un Dieu d’avant Dieu, celui dont l’être ne tombe plus sous la catégorie et passe donc tout ce que l’on peut en dire. Maître Eckhart nous invite à revenir au « Dieu d’avant Dieu ». Qu’est-ce à dire ?
Par là, il désigne le fond de Dieu, qui lui-même désigne la radicalité de son être : l’incréé de Dieu se donne comme cette antériorité, comme si Dieu, dans la vérité de son être, se situer en amont de lui-même. Ainsi le sermon 9 et les questions parisiennes nous éclairent-ils sur ce point. Car s’il s’agit de retrouver le Dieu d’avant Dieu, il convient de revenir en amont du Principe conçu comme créateur, et de retrouver ce lieu originel où Dieu n’est plus ceci ou cela mais est Un dans le néant de tout attribut. Car « quand nous prenons Dieu dans l’être, nous le prenons dans son parvis, car l’être est son parvis dans lequel il réside. » Et maître Eckhart de se demander : « Où est-il donc dans son temple où il brille dans sa sainteté ? » 

1°) L’Incréé du point de vue du Père

Le Fils, Unigenitus, Unique engendré, manifeste le Père parce qu’il ne lui est pas extérieur, mais « intérieur » : il demeure dans le Père : « Je suis dans le Père » (Jean 14). Or cette ‘manence’ du Fils dans la paternité lui permet d’en témoigner réellement, sans toutefois être le Père, mais en étant passage vers Lui. Le Père est donc à l’origine de l’Incarnation, et donc à l’origine de notre filiation : il dit, et son dire unique est donation pure, c’est-à-dire pur don d’amour aux hommes comme le Fils en témoigne par sa kénose. Autrement dit, le Père nous appelle gratuitement, dans son Fils, à entrer en communion d’amour avec Lui. Et cet appel passe par la négativité même de la kénose, de l’abandon total, en vue de recevoir la plénitude de l’être incréé. Et c’est ainsi qu’il faut entendre la naissance éternelle : « Le Père dénude et dégage l’image et brille en elle. » L’amour paternel tient tout entier dans sa Parole : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jean 4,16). Le mystère du Père repose donc essentiellement en sa Parole : mystère d’agapè par excellence, le Père est désir de création et de recréation : par son Verbe, Il continue la création et la recrée de l’intérieur. Car le Fils ne parle pas de lui-même, mais il dit ce qu’il entend du Père : il est Parole tournée vers Dieu (Jean 1, 1), « la Vie tournée vers le Père » (Jean 1, 2).  https://hal.univ-lorraine.fr/tel-01752584/document
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeMer 27 Mai 2020, 15:04

Belle trouvaille -- qui demandera plus ample lecture.

Le génie d'Eckhart, c'est de retrouver dans la théologie "orthodoxe", au fond de celle-ci, ce qu'elle a refoulé pour se constituer. Non seulement la "proto-gnose" d'avant la séparation (qui du coup est aussi bien une proto-orthodoxie) mais la pensée comme pensée de l'être, plus vieille et plus jeune que toute religion ou philosophie...
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeJeu 28 Mai 2020, 10:16

Narkissos a écrit:
Belle trouvaille -- qui demandera plus ample lecture.

Le génie d'Eckhart, c'est de retrouver dans la théologie "orthodoxe", au fond de celle-ci, ce qu'elle a refoulé pour se constituer. Non seulement la "proto-gnose" d'avant la séparation (qui du coup est aussi bien une proto-orthodoxie) mais la pensée comme pensée de l'être, plus vieille et plus jeune que toute religion ou philosophie...


Je suis surpris par la profondeur et la complexité de la pensée d'Eckhart, notamment par sa formule :  "par le jaillir de soi en soi et le retour à soi dans l'unité plénière à soi". Je le trouve très moderne dans son analyse, bien que mystique.

LE NAÎTRE TRINITAIRE
En engendrant son propre Abîme, le Père demeure en lui-même et en demeurant en lui-même, il s'auto-engendre et engendre (12), puisqu'il reste, selon Eckhart, Unité absolue en jaillissant en lui-même. « C'est dans cette Pureté que Dieu, le Père éternel, puise la plénitude et l'abîme de toute sa déité. Cet abîme, II l'engendre aussi dans son Fils unique, pour que nous soyons aussi le même Fils. Mais, pour Lui, engendrer c'est demeurer en Lui-même et demeurer en Lui-même c'est
engendrer hors de Lui-même. Tout cela reste l'Un jaillissant en Lui-même » (13).

Et Eckhart ajoute : « Dieu s'engendre à partir de lui-même dans soi-même et s'engendre à nouveau dans soi » (14).
Il y a à la fois cette demeurance en soi et ce jaillissement continuel en soi qui décrit ce mouvement immanent sans mouvement, l'Archi-Mouvement de l'Archi-Événement de la venue du Père en lui-même.
Le dynamisme immanent à la vie du Père comme dynamisme de son auto-engendrement est ce dynamisme fondé sur le demeurer en soi présupposé par le jaillir de soi en soi et le retour à soi dans l'unité plénière à soi.
C'est dans ce même dynamisme d'auto-engendrement paternel que le Fils est engendré sans cesse et « sans relâche » et que l'Esprit ne cesse de « fleurir ».
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2001_num_75_4_3596
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeJeu 28 Mai 2020, 11:14

Ce n'est pas étonnant que tu le trouves "moderne", parce qu'il a, surtout indirectement mais profondément, influencé une part considérable de la pensée moderne: par l'entremise de Tauler Luther, et non seulement des "mystiques" comme Boehme ou Silesius, mais aussi toute la philosophie allemande, de l'"idéalisme" (Schelling, Hegel et sa postérité très variée mais considérable, jusque dans ses renversements marxiens, kierkegaardiens ou nietzschéens) à Heidegger (qui a étudié Eckhart en début de carrière et l'a très peu cité ensuite, mais lui doit, à la lettre, l'essentiel de sa pensée de "l'être").

Ce qui est frappant aussi chez Eckhart c'est sa liberté de style et de ton, qui ressort naturellement davantage dans ses sermons que dans ses traités et en (ancien) allemand (populaire ou "vulgaire") qu'en latin. Et la simplicité fondamentale de sa pensée (en cela aussi très "johannique") même quand elle exploite à fond les catégories de la scolastique universitaire catholique de son temps (à cet égard c'est aussi bien un archi-rationalisme théologique qu'une "mystique") tout en s'inspirant plus discrètement des "hérésies" plus ou moins contemporaines (des cathares au Libre-Esprit). C'est pourquoi le débat sur son "hérésie" ou son "orthodoxie" (qui occupe une bonne part de la thèse que tu as citée hier) me semble assez vain: sous ce rapport (qui nous ramène aussi au sujet de ce fil et au titre de ce forum) Eckhart nous enseigne, à mon sens, quelque chose de bien plus important, à savoir que tout ce qui se présente sous forme d'alternative doctrinale entre oui et non ("Trinité" ou pas, "Dieu" ou pas, "christianisme" ou pas) est du temps perdu pour la pensée, qui nous fait nous arrêter à la croisée des chemins et nous empêche d'en suivre un, peu importe lequel, jusqu'au bout pour voir ce qu'il donne à voir. Approfondissons par contre la doctrine ou la tradition que nous avons sous la main, trinitaire ou autre, théiste ou autre, chrétienne ou autre, ou plusieurs si l'occasion se présente, on y retrouvera toujours l'essentiel (qui demeurera en revanche inaccessible à celui qui reste coincé devant une alternative, à moins qu'il fasse de cette situation même l'objet d'une pensée, comme le fait admirablement Kierkegaard).
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeJeu 28 Mai 2020, 11:39

Citation :
Mieux vaudrait, si l'on ne veut vraiment pas laisser les TdJ tranquilles, interroger leur propre doctrine pour essayer de leur faire penser ce qu'ils disent: par exemple, comment et pourquoi "Dieu", après une loooongue éternité tout seul, aurait soudain eu l'idée de "créer", ne fût-ce qu'un "ange" d'abord, et un "monde" à sa suite; et ce qu'il pouvait bien "être" "avant", à supposer que son "temps" et son "être" mêmes ne dépendent pas de cette "création" -- sans "nom" et sans "parole" faute de langue, sans "attribut" ni "nature" ni "qualité" faute de concept, sans rien en somme de ce que nous appelons "être", "temps" et "pensée"... histoire de sentir ou de pressentir à quels "problèmes" vertigineux et rigoureusement insolubles toute croyance, la leur aussi, s'expose; sur un tel fond sans fond la "solution" trinitaire resterait certes infiniment discutable, contingente, historiquement déterminée, mais elle leur paraîtrait aussitôt moins stupide qu'ils ne la croient tant qu'ils n'ont pas entrevu l'abîme béant et insondable qui s'ouvre sous leur propre doctrine; du coup ils seraient peut-être un peu moins portés à ridiculiser une théologie qui a au moins eu le courage intellectuel de s'y affronter avec les moyens de son temps, et un peu plus à essayer de la comprendre.

À L’ORIGINE, Jéhovah était seul. Mais il ne se sentait pas seul ! Il se suffisait à lui-​même dans tous les domaines. Pourtant, il a voulu que d’autres aient la vie et soient heureux. C’est par amour que Jéhovah s’est mis à créer (Ps. 36:9 ; 1 Jean 4:19).
Jéhovah a tout d’abord créé Jésus, qui est devenu son compagnon de travail. Par le moyen de ce premier Fils, « toutes les autres choses ont été créées », y compris les millions d’anges (Col. 1:16). Jésus était heureux de travailler avec son Père (Prov. 8:30). Les anges aussi avaient des raisons de se réjouir. En effet, ils étaient en quelque sorte aux premières loges quand Jéhovah et son habile ouvrier ont fait le ciel et la terre. Comment ont-​ils réagi devant ce spectacle ? Ils ont ‘poussé des acclamations’. Et ils ont sans aucun doute continué d’exprimer leur joie et leur admiration à chaque fois que Jéhovah créait quelque chose, et surtout devant son dernier chef-d’œuvre : les humains (Job 38:7 ; Prov. 8:31, note). Chacune de ces créations était une preuve de l’amour et de la sagesse de Jéhovah (Ps. 104:24 ; Rom. 1:20). https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/revues/tour-de-garde-etude-aout-2020/La-r%C3%A9surrection-une-preuve-de-lamour-de-la-sagesse-et-de-la-patience-de-Dieu/


C’est ainsi que Leibowitz s’oppose à Hegel, dont la position dialectique suppose qu’il n’y a pas de Dieu sans le monde. Analysant le livre de la Genèse, il dit que le Dieu juif n’est ni le serviteur du monde ni l’instrument de la Création du monde, et ce –
Citation :
contrairement à toutes les formes de négation, comme par exemple la négation athéiste, qui identifie Dieu au monde, ou la négation polythéiste, qui loge Dieu dans de nombreuses choses du monde, et même contrairement à la conception d’un très grand philosophe chrétien du monde occidental moderne, athéiste qui se drape des oripeaux de la religion, qui se considère religieux mais est en fait agnostique, je veux dire Hegel, qui a affirmé explicitement : « S’il n’y a pas de monde, Dieu n’est pas Dieu », c’est-à-dire que la divinité de Dieu tient en ce qu’il est le Dieu du monde .


On peut donc ressentir la gêne qu’éprouvait Leibowitz, en discutant avec des élèves, à la lecture des premiers versets de la Genèse, tandis qu’il essayait d’éliminer la littéralité du texte.

La position de Leibowitz puise directement sa source, même s’il ne le reconnaît pas, à la conception du principal théologien protestant du xxe siècle, Karl Barth, telle que celui-ci l’a exposée dans le troisième volume de son œuvre monumentale Kirchliche Dogmatik (Dogmatique)  : « Dieu n’aurait pas été moins Dieu si l’œuvre de la Création n’avait jamais été accomplie et même s’il n’y avait jamais eu de créatures » De là l’opposition de Barth à la position spinoziste, qui conduit apparemment à celle de Hegel. Dans ce contexte, on soulignera que la réaction de Hegel à l’accusation de panthéisme était que s’il existe un lien étroit entre le monde et Dieu, il ne s’agit pas d’une relation de simple identité mais bien plutôt d’un rapport dialectique, le monde découlant de Dieu, comme Autre se tenant face à lui. La solution de Spinoza, selon laquelle il n’y a pas de facteur extérieur au monde, était aux yeux de Hegel une solution contredisant la position chrétienne et juive concernant la révélation de Dieu comme débordant la règle d’immanence.

Ainsi par exemple, au cours d’une conférence sur la philosophie de la religion donnée en 1827, on peut trouver la formulation christologique dialectique suivante de la Création et de l’autocréation de Dieu :

Citation :
C’est la création du monde et de l’esprit subjectif pour lequel Dieu est objet. L’esprit est une manifestation […]. « Manifestation » signifie « création de l’Autre » […]. Faire ou créer le monde est la manifestation du soi de Dieu, son autorévélation. Dans une définition plus lointaine et plus tardive, nous aurons cette manifestation comme la forme supérieure dans quoi Dieu s’est créé Dieu lui-même, en ce qu’il n’a généralement pas la détermination d’un Autre, en ce qu’il est la manifestation de son propre soi, en ce qu’il est pour lui-même – l’Autre, […] le Fils de Dieu ou l’être humain conformément à la divine image
https://www.cairn.info/revue-pardes-2013-1-page-245.htm
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeJeu 28 Mai 2020, 12:55

Très bon article (le deuxième): intelligent, original, plein d'humour et facile à lire, je recommanderais de ne pas en perdre une miette avant de passer (ou pas) à autre chose...

Malgré son côté nunuche, le récit jéhoviste (que j'avais à peine caricaturé) peut aussi donner à penser, dès lors qu'on se demanderait comment et pourquoi le "Dieu-tout-seul" aurait eu, un beau jour sans jour ni nuit, l'idée d'un "autre", et pourquoi il ne l'aurait pas eue "avant". Dire "par amour", par référence au "Dieu est amour" johannique, pose à ce stade (du "Dieu-tout-seul") plus de problèmes qu'il n'en résout: qu'était donc pour lui "l'amour" sans "autre" ?

"Dieu" est en fait parfaitement accessoire à la question essentielle, celle de l'"être" justement, qui peut venir à l'esprit de n'importe qui autant qu'elle peut ne jamais effleurer un philosophe ou un théologien. Qu'il y ait quelque chose, n'importe quoi en général et ceci en particulier, et toujours déjà "nous" avec n'importe quel "ceci", voilà le fond sans fond, le lieu sans lieu du "mystère" que le nom de "Dieu" peut exprimer ou tout aussi bien occulter. On peut l'appeler "amour" ou "grâce" mais il est aussi d'une violence absolue, "fait accompli" devant qui chacun se trouve toujours déjà placé -- même "Dieu" dès lors qu'on le définit comme "étant" de quelque manière.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 11:13

"Tout est venu à l'existence par elle, et rien n'est venu à l'existence sans elle. Ce qui est venu à l'existence" (Jean 1,3).

Tu as fait référence à ce texte sur ce fil (il me semble mais je ne retrouve pas le post concerné) et cela m'a interpellé, je me suis demandé si le Logos n'est pas perçu dans ce texte comme un "révélateur" de ce qui existait déjà mais qui était endormi, invisible dans les ténèbres ou sans vie, ce qui implique que la création existait dans cette état de toute éternité, contenue dans le divin et ne demandait qu'à prendre vie, ce que réalisa le Logos.

Notes : Jean 1:3

est venu à l’existence : le verbe grec correspondant signifie souvent être (autres traductions survenir v. 6 ; devenir v. 12,14, venir v. 17 ; cf. v. 15n), mais ce n’est pas le même que celui des v. 1s ; il s’applique à l’apparition des choses créées dans Gn 1 (LXX), par exemple pour il y eut de la lumière (v. 3), il y eut un soir (v. 5 ; de même en Jn 1.6n), il en fut ainsi (v. 9) ; autre traduction Tout est apparu (ou advenu) par elle, et rien n’est apparu (ou advenu) sans elle (ou hors d’elle) ; cf. 5.20n ; 15.5 ; 17.24 ; Ps 33.6 ; Pr 8.23-30 ; 1Co 8.6 ; Col 1.16s ; Hé 1.2 ; Ap 3.14. –
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 11:44

C'était plutôt ici (26.5.2020) -- j'ai déjà donné le lien plus haut (27.5.2020), mais ça ne mange pas de pain...

Dans le Prologue il n'est pas question de "création", ni de "créer" ni de "faire" (contrairement à de nombreuses traductions qui emploient imprudemment ces termes, sans parler des commentaires) -- a contrario il n'est pas non plus question, dans un sens "physique", d'une éternité du "monde" ou de la "matière", puisque ce n'est pas le sujet. Que le logos soit "révélateur", "lumière" et "vie", et qu'il opère dans un "cadre" plus vaste qui d'une certaine façon lui préexiste et coexiste ("les ténèbres", "le monde"), c'est tout à fait évident à la lecture du texte -- quoique "tout soit advenu par lui": première expression dans le texte (définitif) d'un paradoxe d'inclusion réciproque, mais asymétrique, ce qui est "dehors" est et n'est pas ce qui est "dedans". Mais il faut surtout rappeler (car nous en avons souvent parlé; outre les discussions consacrées au quatrième évangile depuis le début de ce forum, voir ici, 21.6.2010) que la phrase ne s'arrête pas là, du moins dans sa ponctuation la plus probable: "Tout est advenu par lui (le logos), rien n'est advenu sans ou hors de lui; ce qui est advenu en lui était vie, et la vie était la lumière des hommes." Autrement dit c'est bien en tant que "vie" et "lumière" que le logos fait la différence entre un "dedans" et un "dehors".

Bien sûr il y a ici une parodie de cosmogonie (Genèse 1), mais l'objet du texte n'est nullement cosmogonique: le "monde" reste (un) "dehors", un horizon pour le périple du logos.


Dernière édition par Narkissos le Ven 29 Mai 2020, 12:22, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 12:16

Merci Narkissos pour ces rappels sur un sujet complexe.

Dans Le christianisme et les religions du monde, le théologien catholique Hans Küng constate que si les Églises n’ont réalisé que peu de progrès auprès des peuples non chrétiens, c’est en partie au dogme de la Trinité qu’il faut l’imputer. Selon lui, “les musulmans précisément les mieux informés ne comprennent pas tout simplement — pas plus que les Juifs jusqu’ici — comment on peut affirmer trois personnes en Dieu. (...) Les distinctions entre un et trois auxquelles fait appel la doctrine trinitaire chrétienne ne sauraient manifestement satisfaire un musulman — les concepts d’origine syrienne, grecque et latine l’égareraient plutôt qu’ils ne l’éclaireraient. Un jeu de mots et de concepts. (...) Pourquoi vouloir ajouter quoi que ce soit à l’unité et [à] l’unicité [de Dieu], ce qui ne peut que diluer ou infirmer le concept de l’unité et de l’unicité ?” https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1979-v35-n3-ltp3389/705749ar.pdf


Celui-ci s'en tint effectivement à l'expérience pascale originelle, à laquelle H. K. entend ramener toute la foi christologique par une sorte de technique du vide.
Adhérant au Dieu de l'Ancien Testament, l'A. s'attache à cerner l'expérience pascale dans cette lumière-là : le Dieu d'Israël a assuré à l'homme Jésus, son
Envoyé, une survie véritable au-delà du trépas. L'exégète admettra que là se borna en effet l'assurance tout à fait première, ressentie peu après la mort de Jésus par les disciples galiléens; tel fut aussi le credo essentiel d'un certain judéo-christianisme qui, débordant bientôt le groupe des premiers disciples, fit des recrues dans le milieu palestinien, où il n'eut cependant aucun avenir.
Mais il faut voir les choses en face : c'est exactement à cette christologie rudimentaire que H.K. va nous ramener; son christianisme est le théisme vétéro-testamentaire assorti d'une adhésion à l'homme Jésus survivant en Dieu au-delà du tombeau. C'est une sorte d'adoptianisme avant la lettre, à quoi se borna un bref moment la foi des disciples galiléens puis, d'une manière à peine plus durable, celle d'un judéo-christianisme strictement conservateur dont Jacques de Jérusalem reste le représentant 36. Pour eux, Jésus avait été le messie d'Israël, c'est-à-dire un homme, et cet homme avait été provisoirement ravi au ciel en attendant de revenir (Ac 3, 21) pour présider aux côtés de Dieu - mais en position nettement subordonnée - à l'établissement définitif du royaume d'Israël (Ac 1,6). Toutefois, parce qu'il restait en deçà d'une idée nette de la filiation divine, ce christianisme judéo-chrétien n'était qu'un balbutiement de ce que deviendra fermement le christianisme déjà après quelques années d'expérience chrétienne. Aussi les convertis de Palestine ne prendront-ils aucune part, ou presque, à la constitution d'une christologie helléno-chrétienne remontant elle-même aux années 30-40; à plus forte raison, les premiers judéo-chrétiens ne joueront-ils pratiquement aucun rôle dans la rédaction des écrits du Nouveau Testament 37. 35 H.K. en app
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1979_num_10_1_1676



Il faut donc un Dieu actif, qui se révèle, qui s'offre à une décision libre, et qui concerne la signification de l'existence humaine et du monde. La foi judaïque en un Dieu créateur de l'homme et du cosmos, proposant une alliance et, plus encore, la foi chrétienne répondent à ce critère. Jésus, plus précisément Jésus crucifié, est la manifestation suprême de Dieu; pour ce motif, il a lui-même une signification universelle : désormais, on ne peut plus simplement croire en Dieu comme lui, il faut aussi croire en lui; manifestant le Dieu vivant, origine et fin de toutes choses, la foi en Jésus est aussi foi dans le Christ ressuscité et toujours vivant, et interprétée grâce aux catégories de la métaphysique grecque, foi au Christ, Fils de Dieu, consubstantiel au Père, et présent en nous par l'Esprit. La foi au Dieu chrétien est compatible avec les récentes affirmations de la science quant à l'origine et la fin du monde, et fonde de manière ultime une éthique concrète. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1982_num_13_4_1938
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 12:39

Le problème de tes citations à toi, ce n'est pas leur "fiabilité", c'est leur nombre... A mon sens elles n'ont d'intérêt que si on prend le temps de lire les textes dont elles sont extraites, je ne sais pas si tu le fais toi-même mais à ce rythme et à ce tempo, moi, je n'y arrive plus...

En attendant de pouvoir le faire, je me permets de rappeler ma remarque du 27.5.2020 11h31 ci-dessus concernant l'idée de construire une théologie (trinitaire ou autre) à partir de "l'homme Jésus". La pensée de Küng est certainement plus subtile que ça, mais à mon avis elle souffre quand même de ce travers -- qui est aussi une affaire d'époque (cf. Jesus Christ Superstar).
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 13:06

Citation :
Le problème de tes citations à toi, ce n'est pas leur "fiabilité", c'est leur nombre... A mon sens elles n'ont d'intérêt que si on prend le temps de lire les textes dont elles sont extraites, je ne sais pas si tu le fais toi-même mais à ce rythme et à ce tempo, moi, je n'y arrive plus...

Désolé de t'inonder de citations mais j'essaie de découvrir la théologie qui est en jeu. Je lis les articles dans leurs globalités mais je ne les comprends pas dans leurs totalités. Merci de rappeler le défaut de  l'idée de construire une théologie (trinitaire ou autre) à partir de "l'homme Jésus".
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 18:25

Alors que j'étais rejeté (sans malveillance) sur le bas côté de ce fil, voilà ce que Narkissos a écrit à la fin de sa dernière intervention :

Narkissos a écrit:
En attendant de pouvoir le faire, je me permets de rappeler ma remarque du 27.5.2020 11h31 ci-dessus concernant l'idée de construire une théologie (trinitaire ou autre) à partir de "l'homme Jésus". La pensée de Küng est certainement plus subtile que ça, mais à mon avis elle souffre quand même de ce travers -- qui est aussi une affaire d'époque (cf. Jesus Christ Superstar).

Je vais sans doute passer à tes yeux, Narkissos, pour un béotien, mais je ne vois pas comment évoquer la trinité sans tenir compte de Jésus. Voulais-tu dire qu'il ne fallait pas tenir compte de ce dernier mais prendre en considération le fils qui se tient près de son Père ?
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 19:57

Qu'entends-tu donc par "rejeté (sans malveillance) sur le bas[-]côté" ? :shock:

le chapelier toqué a écrit:
Je ne vois pas comment évoquer la trinité sans tenir compte de Jésus. Voulais-tu dire qu'il ne fallait pas tenir compte de ce dernier mais prendre en considération le fils qui se tient près de son Père ?

C'est à peu près ça.

J'ai dit exactement ceci (le 27 mai):

Citation :
Je pense toutefois que la théologie narrative et populaire qui consiste à expliquer le développement trinitaire à partir de "l'homme Jésus" (à qui il aurait fallu en quelque sorte faire une place dans la divinité) prend le problème à l'envers. C'est au contraire parce qu'on n'a jamais pu penser le divin sans différence, même dans le monothéisme le plus strict, qu'on a pu penser une "révélation" sous toutes ses formes, y compris celle d'un "Fils de Dieu sur terre".

Tout dépend en fait de quel "Jésus" on parle; je me réfère à un scénario historico-psychologique très courant depuis la fin du XIXe siècle, aussi bien chez les théologiens que chez les athées, qui consiste à dire, en somme: Jésus (présumé historique) était un type génial, sa mort sur la croix a été le scandale absolu pour ses disciples, les récits du tombeau vide et des apparitions (expériences réelles pour les uns, imaginaires ou fictives pour les autres) ont été le point de départ de toute la construction de la christologie et de la théologie trinitaire: Jésus était ressuscité, il était plus qu'un homme, il devait venir du ciel, en définitive être Dieu lui-même, et pour ça il fallait bien retravailler le concept du "Dieu unique" pour lui faire une place (sinon au Jésus homme, au "Fils" pré-existant et sur-vivant).

A mon avis ça ne tient pas la route, pour de multiples raisons: 1) le Jésus dont on parle est celui des évangiles, très largement postérieurs aux élaborations christologiques déjà présentes dès les premières épîtres et dont les évangiles eux-mêmes portent de nombreuses traces; 2) ces élaborations sont elles-mêmes largement anticipées dans le judaïsme de l'époque, sans la moindre référence à un "Jésus" quelconque (le logos, le Fils unique et premier-né chez Philon d'Alexandrie, le "fils de l'homme" de Daniel et d'Hénoch, la "Sagesse" hypostasiée, le "Fils de Dieu" du messianisme davidique, Adam, Hénoch, Elie, Melchisédek, l'"ange du Seigneur", etc.); 3) aussi loin qu'on remonte dans les débats internes au christianisme pré-nicéen, la "divinité" de Jésus (au moins entendue dans un sens large et dérivé) ne fait pratiquement difficulté pour personne (si ce n'est dans des "judéo-christianismes" qui sont eux-mêmes des réactions à la doctrine dominante), c'est son "humanité" qui est partout problématique et qui demande explication (docétisme, naissance virginale, incarnation du logos, etc.): il ne s'agit jamais de démontrer qu'un homme puisse devenir dieu mais qu'un dieu, ou une émanation divine, puisse apparaître comme un homme; 4) dans la doctrine trinitaire du IVe siècle (trinité "ontologique" ou "immanente" selon Nicée-Constantinople) ce n'est pas de "l'homme Jésus" qu'il est question, mais du Fils ou logos éternel, tel qu'il était "avant" toute création et a fortiori "avant" toute incarnation; c'est seulement au siècle suivant (Chalcédoine) qu'on réglera la relation de ce Fils éternel avec "l'homme Jésus" par la doctrine de l'union hypostatique (deux natures).

@free: j'ai fini par lire tes trois recensions sur Hans Küng -- c'est assez amusant, a posteriori, de voir qu'il a suffisamment inquiété l'Eglise catholique pour que celle-ci mobilise l'artillerie lourde, théologique et philosophique, contre ses thèses. Même si l'on ne peut pas réduire la pensée de Küng à la "mode Jésus" de l'époque (je repense aussi au Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, de Jean Yanne, 1972), c'est bien la coïncidence des deux qui le rendait attrayant pour les uns, et menaçant pour les autres...

Sur le fond, je viens de (ré-)expliquer ci-dessus pourquoi la mise en cause de la christologie traditionnelle au nom de "l'homme Jésus" me paraît un contresens historique -- d'une certaine façon le prétendu "kérygme primitif" des Actes et les judéo-christianismes adoptianistes faisaient déjà le même contresens -- mais ça n'ôte rien à Küng qui mérite certainement d'être lu, lui aussi, autrement qu'à travers ses détracteurs...
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mai 2020, 20:55

Citation :
Alors que j'étais rejeté (sans malveillance) sur le bas côté de ce fil,

le chapelier toqué,

Je veux te rassurer en toute amitié, il n'y a eu aucune intention de te rejeter, bien au contraire, ta présence est précieuse sur ce forum. I love you

Narkissos, ton explication détaillée m'a permis de comprendre pleinement ton affirmation, notamment l'idée qui indique que : "c'est son "humanité" qui est partout problématique et qui demande explication (docétisme, naissance virginale, incarnation du logos, etc.): il ne s'agit jamais de démontrer qu'un homme puisse devenir dieu mais qu'un dieu, ou une émanation divine, puisse apparaître comme un homme".  Ce fait doit expliquer la kénose l'Épître aux Philippiens qui décrit Dieu qui se dépouille de soi-même, de sa divinité pour devenir un homme :

La méditation néo-testamentaire, notamment johannique et paulinienne, de l’Incarnation en situe la logique dans l’horizon trinitaire. Le prologue de saint Jean médite le « devenir chair » du Verbe dans la grammaire de son éternelle relation au Père. « Le Verbe était auprès de Dieu ... et le Verbe devint chair... et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ... Nul n’a jamais vu Dieu. Le Fils unique, qui est tourné sur le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,1.14.18). La grande hymne de saint Paul aux Philippiens décline aussi la kénose du Christ selon l’indicatif de sa communion à Dieu le Père dont il partageait la condition divine et de qui il reçoit son exaltation. « Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même ... Aussi Dieu l’a-t-il exalté... pour que toute langue proclame de Jésus-Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,6 ...11). La véritable adresse du Verbe incarné est auprès du Père ! https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2005-3-page-427.htm


Citation :
 j'ai fini par lire tes trois recensions sur Hans Küng

Merci. Je trouve pitoyable de résumer la pensée d'un théologien en 2/3 lignes, car cela signifie immanquablement, trahir sa vision, dans ce domaine la Watch excelle.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeSam 30 Mai 2020, 00:22

Sans ton dernier commentaire, je n'aurais pas remarqué que ta première citation (sur Hans Küng) était tirée de la brochure de la Watch, puisqu'elle était assortie d'un autre lien et que je n'y suis pas revenu après avoir lu l'article...

En l'occurrence Küng a eu droit à plus de trois lignes, qui ne me semblent pas l'avoir vraiment "trahi", puisqu'il critique effectivement la doctrine trinitaire, au moins dans ses effets; mais il en aurait autant au service de la doctrine jéhoviste, qui est tout aussi compliquée pour un intérêt bien moindre. Ce qui l'intéresse, comme la plupart des unitariens modernes et libéraux, c'est de considérer Jésus comme un "simple homme" dans sa relation à "Dieu"; certainement pas le supplément mythologique hybride d'un "archange incarné", qui ne serait ni vraiment "homme" ni vraiment "Dieu" et ne servirait en rien une "théologie humaniste".

Quant au dernier article cité, l'auteur est plus attentif à ses effets de style qu'aux textes qu'il invoque: comme nous l'avons déjà montré, le prologue johannique se garde bien d'identifier le logos à "Jésus"; entre l'un et l'autre il y a le jeu d'une comparaison ou d'une analogie, "comme un [fils] unique d'un père"; son "devenir-chair", comme son "venir-dans-le-monde", est tout autre chose qu'une "incarnation" en un individu particulier qui rendrait celui-ci différent de tous les autres; symétriquement, l'hymne aux Philippiens marque la distance à l'humanité de façon quasi docétique, à la ressemblance des hommes (cf. aussi Romains 8,3).
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeSam 30 Mai 2020, 15:28

Narkissos a écrit:
Qu'entends-tu donc par "rejeté (sans malveillance) sur le bas[-]côté" ? Shocked

Bien évidement j'aurais dû dire : dépasser ce qui aurait mieux convenu. Désolé de t'avoir choqué.

le chapelier toqué,

Free a écrit:
Je veux te rassurer en toute amitié, il n'y a eu aucune intention de te rejeter, bien au contraire, ta présence est précieuse sur ce forum.

Mais non, mais non je ne me sens pas rejeté, mais comme je l'ai dit plus haut à Narkissos je suis dépassé pas vos commentaires pointus et n'étant pas entré rapidement dans le jeu des échanges il m'est difficile de m'y associer, mais je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

Merci Narkissos pour ta réponse profonde et fort intéressante.

Narkissos a écrit:
Quant au dernier article cité, l'auteur est plus attentif à ses effets de style qu'aux textes qu'il invoque: comme nous l'avons déjà montré, le prologue johannique se garde bien d'identifier le logos à "Jésus"; entre l'un et l'autre il y a le jeu d'une comparaison ou d'une analogie, "comme un [fils] unique d'un père"; son "devenir-chair", comme son "venir-dans-le-monde", est tout autre chose qu'une "incarnation" en un individu particulier qui rendrait celui-ci différent de tous les autres; symétriquement, l'hymne aux Philippiens marque la distance à l'humanité de façon quasi docétique, à la ressemblance des hommes (cf. aussi Romains 8,3).

Je n'avais jamais regardé le prologue en imaginant qu'il ne mentionnait pas Jésus lorsqu'il évoquait le Logos. C'est pour moi une découverte fascinante. Si cela avait déjà été expliqué dans ce forum je n'avais pas prêté une attention suffisante à une telle mise au point.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Mai 2020, 10:56

Je pense bien que nous en avions déjà parlé, mais je n'arrive pas à retrouver où (pour le moment).

C'est une nuance difficile à percevoir, parce que nous lisons presque toujours le Prologue de Jean à partir d'une question "christologique" du genre "qui ou qu'est Jésus-Christ": "le logos" nous paraît donc a priori une réponse à cette question. Ce n'est sans doute pas complètement faux, dans la mesure où ce texte est bien (devenu) le prologue d'un "évangile", dont le protagoniste est "Jésus", fût-il (l'évangile et/ou "Jésus") très différent des autres. Mais le logos qui était au commencement, en qui tout advient, et qui éclaire tout homme est forcément plus que "Jésus" compris comme un individu né et mort (voire ressuscité) à une certaine date -- il ne peut s'agir entre ces deux-là d'une identification pure et simple, il y a entre l'un et l'autre un flottement, une différence et un rapport qui ne se réduit pas à une plate identité tautologique (X = X). Selon un vieil adage théologique, Jésus peut être totus deus, totalement "Dieu", sans être totum dei, la totalité de "Dieu": on pourrait dire tout autant qu'il est totus verbum et non totum verbi, totalement logos et non la totalité du logos.

Ce flottement (déhiscence, désajointement, etc.) en rejoint partiellement un autre, qui affecte la représentation et/ou l'auto-représentation de "Jésus" lui-même dans tous les évangiles: "Jésus" parle aussi du "Fils" et spécialement du "Fils de l'homme" à la troisième personne, comme d'un autre; le quatrième évangile, même sans le prologue qui lui a probablement été ajouté assez tard, pousse plus loin encore cet effet de "jeu" (avec tous les "jeux de mots" que ce mot appelle en français, à commencer par la polysémie ou la métonymie du "jeu" mécanique, ludique, théâtral, musical, etc.), jusque dans le "je" (egô) de "Jésus", notamment dans la série des egô eimi, "moi, je suis", avec et surtout sans attribut: au chapitre 8, celui qu'Abraham a vu est et n'est pas "Jésus", ce n'est pas simplement "l'homme Jésus" -- tout le texte est construit, ironiquement comme toujours, sur cette équivoque. Je est un autre, c'est le cas de le dire et c'est toujours le cas de le dire, car cet autre cesserait d'en être un sitôt qu'il serait identifié à quelqu'un.

D'une certaine façon, c'est bien cet effet de "bougé", d'identité sans identité, de même et d'autre à la fois, qui se répercute dans le Prologue, mais encore autrement, entre le logos et "Jésus-Christ"; il suggère bien une continuité de l'un à l'autre, mais sans jamais les identifier formellement; d'autant que le jeu s'étend à beaucoup d'autres termes que ces deux-là, arkhè, "commencement", theos ("d/Dieu"), ta panta ("tout"), phôs ("lumière"), zôè ("vie), monogenès, "(fils) unique", kharis "grâce", alètheia "vérité", etc.; qui tous sont potentiellement "christologiques" mais ne pourraient pas être tous remplacés par "Jésus-Christ" sans réduire le texte à néant. Jeu donc, ou danse des signifiants autour d'un "signifié" qui n'est jamais dit autrement que par ce jeu même, qui ne se laisse pas ramener pas à une "déclaration d'identité" univoque, au sens de la police ou de l'état-civil.

Nulle part sans doute cette différence de perspective, nuance subtile d'un côté et bouleversement complet de l'autre, n'est plus sensible que dans la fameuse "(in-)carnation" du v. 14, le logos est devenu chair: on l'entend habituellement comme une transposition "métaphysique", un rien grandiloquente, des récits merveilleux de la Nativité également ajoutés au début des évangiles selon Matthieu et Luc -- comme le disent tranquillement les traductions "dynamiques" qui ne font là que réciter leur catéchisme, le Verbe (ou, pire, "celui-qui-était-la-parole", déjà une "personne" avant d'en être une) est devenu un homme, un beau jour ou une belle nuit, un homme très particulier qui rien que par ça serait déjà autre chose qu'un homme, générique ou singulier. Il faudrait plutôt écouter ce que le texte dit: depuis le "commencement" le logos devient "chair", comme il "vient dans le monde" qui devient et advient par lui... "Jésus-Christ" peut bien être un autre nom de ce mouvement, de cet "événement" qui engloberait toute histoire, "l'homme Jésus" n'en serait qu'un moment, si central, focal, final, critique ou décisif qu'on le veuille.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeLun 01 Juin 2020, 13:29

Merci Narkissos pour cette explication éclairante, complexe et nuancée.

Le Logos du prologue apparaît souvent, à tort, extérieur au corps du récit évangélique; pourtant le terme logos revient de nombreuses fois dans la suite, et certaines de ses occurrences ont une véritable portée théologique 
 
, dans la mesure où elles rapportent au Père le logos en question dans la mission du Christ. Voici les lieux significatifs :

Citation :
Jn 5, 36-38 : Moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean; en effet les œuvres que le Père m’a données pour que je les achève, elles-mêmes témoignent à mon sujet que le Père m’a envoyé. Et le Père qui m’envoie a lui-même témoigné à mon sujet. Mais jamais vous n’avez écouté sa voix ni vu son aspect, et vous n’avez pas son logos demeurant en vous (E??? ????? ????? ??? ????? ?? ???? ???????), car vous ne croyez pas en celui qu’il a envoyé.

Citation :
Jn 8, 54-55 : Si je me glorifiais moi-même, ma gloire ne serait rien; c’est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu’il est votre Dieu; et vous ne l’avez pas connu, alors que moi, je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais, tout comme vous, un menteur; mais je le connais et je garde son logos (??? ????? ????? ????)

Citation :
Jn 10, 34-35 : N’a-t-il pas été écrit dans votre loi : Moi, j’ai dit : vous êtes des dieux? S’il est vrai que [la Loi] a appelé dieux ceux pour qui le logos de Dieu est advenu (? ????? ??? ???? ???????); et l’Écriture ne peut être abolie.

Citation :
Jn 17, 6. 14. 17 : J’ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ton logos (??? ????? ??? ?????????). […] Je leur ai donné ton logos (?????? ?????? ??? ????? ???), et le monde les a haïs, car ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. […] Sanctifie-les dans la vérité; ton Logos est vérité.

Il est certes évident que le terme logos n’est pas ici immédiatement personnifié comme dans le prologue; cependant, il serait malheureux d’exclure toute relation entre ces mentions de la Parole paternelle et le Logos du prologue. Il est clair que Jésus ne s’identifie pas lui-même directement à ce Logos; c’est sans doute précisément l’une des raisons qui exigent le prologue comme clé de lecture christologique de l’évangile 

. L’auteur veut nous donner accès à l’identité véritable du Christ, selon une foi post-pascale; nous sommes invités par le prologue à croire que la réceptivité de Jésus à la parole du Père se fonde sur le fait qu’il est lui-même le ????? ??? ???? ; aussi pour nous, recevoir la parole paternelle remise au Christ, c’est bien recevoir le Logos lui-même.

En effet, dans les passages (ci-dessus) où la parole est celle même du Père, ? ????? ne recouvre pas une pure et simple énonciation, mais véritablement une parole transformante, qui divinise celui à qui elle est adressée (Jn 10, 35; 17, 17), – si du moins il la « garde ». Jésus lui-même est porteur de la Parole du Père; non seulement il la garde en lui (Jn 8, 55), mais il a aussi le pouvoir de la donner lui-même (17, 14); sa réception par les disciples correspond à la manifestation du Nom divin lui-même (17, 6), opérée par le Christ en son propre Je Suis. Comprenons dès lors la portée du logos paternel dans le corps de l’évangile : il est porteur du dessein bienveillant du Père, confié au Christ.
 https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2004-1-page-93.htm










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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeLun 01 Juin 2020, 14:40

Du point de vue de l'exégèse critique, c'est une absurdité: le mot logos n'a précisément pas dans le corps du livre le sens spécialisé qu'il a dans le prologue ajouté après coup. Mais une fois le prologue en place, c'est un effet de surdétermination et de réinscription inévitable, tout au moins dans un certain type de lecture discontinue, où le cours du texte est interrompu par des commentaires ou carrément découpé en citations, qui isolent des phrases et s'arrêtent sur des mots (ce qui est déjà le cas dans la littérature patristique). Si un lecteur francophone lit "naturellement" l'évangile, même dans une traduction qui a rendu logos par "Parole" au premier chapitre, il n'y repensera pas à chaque fois qu'il trouve le mot "parole" dans la suite du texte, parce que le sens ordinaire du mot suffit amplement à la compréhension du passage qu'il est en train de lire; par contre, s'il s'arrête pour se rappeler (plus souvent, si on l'arrête pour lui rappeler) ce qui a été dit de "la Parole" dans le prologue, il pourra toujours y voir un rapport. Et ce rapport, pour être plutôt perturbateur de la lecture cursive, ne sera même pas "faux" en profondeur: dans n'importe quelle "parole de Dieu" il y va, quand on y pense, d'une "révélation" et donc d'une dialectique du "caché" et du "révélé", donc d'une certaine différenciation en "Dieu" lui-même; ce que dit autrement le Prologue. Mais à mon sens (où l'exégèse tient peut-être trop de place, mais c'est ainsi) c'est quand même un peu dommage, parce que ça aboutit à faire de l'ensemble du livre un commentaire quasiment superflu du prologue, qui aurait déjà tout dit; alors que la suite mérite aussi d'être lue pour elle-même, d'autant qu'elle a probablement existé sans (ce) prologue.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeLun 01 Juin 2020, 15:47

Dans le Prologue

Pourquoi traduit-on souvent "Logos" par Verbe et non par Parole ? La question demeure. Certains diront que les traducteurs sont sensibles au fait que derrière toute parole, il y quelqu’un qui agit, une personne. Mais cet emploi reste déroutant : on ne désigne pas spontanément quelqu’un par le mot de Verbe. D’autres feront remarquer que le Prologue déploie le mystère du Salut dans toutes ses dimensions et qu’il entraîne ses lecteurs en un commencement absolu, en un lieu et un temps inconnus : ainsi par cet usage insolite - "Au commencement était le Verbe" - serait à la fois dévoilée et protégée l’énigme de celui qui  "était avec Dieu" et qui "était Dieu".

Jésus, plénitude de l’être, est une personne, pas seulement un principe, qui fait exister toutes chose. Mieux, il parle et il nous permet de connaître celui que nul n’a jamais vu : son Père. Jésus, Verbe de Dieu, est à l’œuvre aussi bien dans l’éternité de Dieu que dans sa condition d’homme.
https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1424.html
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 2 Icon_minitimeLun 01 Juin 2020, 16:24

Ah ! la "vulgarisation" où, sur un ton condescendant, entre édifiant et bêtifiant, on fait mine de "simplifier" pour ce pauvre crétin de lecteur ce qu'on n'a pas compris soi-même...

Tout est posé dès la première phrase et on n'en sortira plus, puisqu'elle ne viendra jamais en question: le Prologue de Jean donne à "Jésus" un drôle de "titre"... mais qui dit que c'est un "titre", et qu'il le donne à "Jésus" ?

---

Pour (ne pas) revenir au sujet -- non pas à "la fiabilité des citations de la Watchtower" qui ne serait qu'un prétexte, mais au "vrai sujet" qui serait (le débat pour ou contre) "la Trinité" -- il faut peut-être se demander ce que c'est qu'une "doctrine", et à quoi elle sert le cas échéant. Ou bien c'est une formule magique ou un mot de passe, du genre "sésame" ou "schibboleth", où l'on gagne gros si on la dit comme il faut et où l'on perd gros si on la dit de travers, mais dont le sens est, en soi, indifférent. Ou bien c'est un enseignement (didakhè-doctrina) destiné à être entendu, écouté et compris jusqu'à un certain point, fût-ce pour y faire l'épreuve de l'incompréhensible, qui reste une expérience de compréhension jusqu'au point inclus-exclu où celle-ci échoue (échec, échouage) -- sur l'incompréhensible précisément. En un mot une expérience de pensée.

Dans la deuxième perspective j'aurais tendance à dire: peu importe la doctrine ("trinitaire", "unitaire" ou autre) pourvu qu'on la pense, jusqu'où on arrive à la penser. Mieux vaut suivre un chemin de pensée jusqu'au bout que de rester planté au carrefour en se demandant quel chemin est le bon. Il se peut qu'entre ceux qui ont tenté de penser jusqu'au bout une doctrine "trinitaire" ou "unitaire" (etc.), l'expérience de pensée, et d'échec ou d'échouage de la pensée, soit plus commune que les uns et les autres ne pouvaient l'imaginer tant qu'ils ne l'avaient pas faite.

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