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 La fiabilité des citations de la Watchtower

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Narkissos

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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeVen 05 Juin 2020, 18:19

Cette partie de l'argumentation (de la brochure) m'a étonné, car elle se contredit grossièrement en reconnaissant d'abord que le concept d'engendrement fait partie intégrante de la doctrine trinitaire ("engendré, non pas créé" est avec l'homoousios, "de même essence-substance", le distinguo essentiel de Nicée, bien connu même du TdJ moyen), et en prétendant aussitôt après, contre toute évidence, que celle-ci le nie. Je me suis demandé si ce n'était pas une erreur de traduction (cette section qui cite surtout des sources anglaises n'est probablement pas issue du dossier français), mais apparemment la confusion vient de plus loin, d'une mauvaise compréhension de l'article "Only-Begotten" du dictionnaire de Vine (voir ici, sous réserve que le texte ait été correctement numérisé).

Le dictionnaire de Vine est très souvent cité par la Watch pour de multiples raisons (ça a dû être un livre de chevet de F.W. Franz): parce qu'il est classé selon les mots anglais de la KJV et non selon les mots grecs, donc facilement accessible aux non-hellénistes; parce qu'il regroupe sous chaque terme un certain nombre de synonymes partiels, ce qui facilite grandement les recherches "thématiques"; enfin parce que sa tradition anti-traditionnelle, si je puis dire (Vine est issu du darbysme), caresse souvent des opinions "sectaires" dans le sens du poil (p. ex. sur la croix où il récite toutes les âneries d'Hislop). Sur la question trinitaire et christologique, Vine se veut cependant tout à fait "orthodoxe", sauf qu'il n'est pas dogmaticien et choisit très mal son vocabulaire (notamment en parlant d'"unoriginated relationship", relation sans origine, ce qui ne correspond absolument pas au dogme: l'"engendrement" est bien une "origine", fût-elle "éternelle"). Du point de vue lexicologique (qui est pourtant son domaine) il a aussi le tort de ne pas corriger la surtraduction "only-begotten", qui vient de la KJV et rattache monogenès à gennaô, "engendrer-enfanter", alors qu'il est dérivé de gi[g]nomai, "devenir-advenir", et signifie seulement "unique en son genre", soit "unique". La NWT traîne depuis le début cette surtraduction (évitée en français par l'édition de 1974, si je me souviens bien, réintroduite systématiquement en 1995 et de façon aléatoire en 2018: en Jean 1,18 mais pas en 3,16 p. ex.), lexicalement fausse mais totalement inoffensive par rapport au dogme trinitaire ou christologique où le concept d'"engendrement" est parfaitement à sa place, pourvu qu'on le comprenne effectivement d'un rapport "éternel" et non "temporel"... (Au passage, l'argument tiré d'Hébreux 11 est aussi absurde: Isaac n'est précisément pas "fils unique" au sens de seul engendré par Abraham...).

Outre la confusion manifeste sur la teneur même de la doctrine trinitaire orthodoxe (qui vient donc en partie de Vine), cette argumentation comporte une bonne part d'hypocrisie: quand les TdJ s'adressent à des musulmans, ils sont les premiers à minorer la portée "réaliste" des mots "Père", "Fils" et "engendrer" pour en évacuer toute connotation sexuelle: il ne s'agit que de "métaphores" ou de "façons de parler", bien sûr "Dieu" n'"engendre" pas comme un père humain engendre ses enfants. Mais quand ils s'adressent à des chrétiens trinitaires, non, non, il faut prendre l'"engendrement" au pied de la lettre (ou presque) pour le situer "dans le temps". Cherchez l'erreur...

L'article de Labbé est très instructif -- on peut regretter qu'il ne remonte pas aux débats ecclésiastico-gnostiques du IIe siècle pour y trouver l'origine de la nuance "engendrer non créer / faire / fabriquer", due précisément à dévaluation de la "création-fabrication" chez les gnostiques, mais nous l'avons assez expliqué ici. La théologie orthodoxe, depuis Chalcédoine jusqu'aux modernes, aura passé son temps à tenter de jeter des ponts par-dessus le gouffre artificiel entre "divinité" et "création" qu'elle a elle-même creusé à ses débuts...
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeVen 05 Juin 2020, 22:59

Merci Narkissos pour ces précisions.

LA Watch fait référence à l'AT pour mettre hors jeu la trinité :

Citation :
Le témoignage des Écritures hébraïques


L’Encyclopédie des religions (angl.) reconnaît ce fait: “Les théologiens contemporains s’accordent à dire que la Bible hébraïque ne contient pas de doctrine relative à la Trinité.” On peut également lire dans la Nouvelle Encyclopédie catholique: “La doctrine de la Sainte Trinité n’est pas enseignée dans l’A[ncien] T[estament].”


De même, le jésuite Edmund Fortman déclare dans Le Dieu trin (angl.): “L’Ancien Testament (...) ne nous dit rien, implicitement ou explicitement, d’un Dieu trin qui serait Père, Fils et Saint-Esprit. (...) Il n’existe aucune preuve qu’un quelconque des auteurs sacrés ait seulement soupçonné l’existence d’une [Trinité] en Dieu. (...) Voir dans [l’“Ancien Testament”] ne serait-​ce que des allusions, des pressentiments ou des ‘signes voilés’ à propos d’une Trinité de personnes, c’est aller au delà des mots et des intentions des auteurs sacrés.”
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989302

Il me semble avoir trouvé un article intéressant qui rejoint certains points déjà abordés par Narkissos. Affirmer que l'AT n'enseigne pas la trinité revient à enfoncer des portes ouvertes et ne pose pas le sujet d'une manière pertinente, en effet l'article analyse la question de   double nature du Messie et de multipersonnalité de Dieu:


"D’autre part, ces théologiens libéraux et ces historiens progressistes, en affirmant que les premiers chrétiens ne pouvaient pas admettre la divinité du Christ parce que, en tant que Juifs, ils croyaient en l’absolue unicité de Dieu, font preuve d’une méconnaissance profonde du judaïsme antique. L’immense mérite de l’historien juif Daniel Boyarin est d’avoir souligné la diversité de celui-ci. Dans Le Christ juif, Boyarin montre que l’idée d’une consubstantialité du Messie avec Dieu, loin d’être une innovation chrétienne, était déjà présente dans certaines tendances du judaïsme prérabbinique. S’il est abusif d’affirmer que tous les Juifs antiques acceptaient la figure d’un Messie divin, plusieurs courants croyaient bel et bien à la divinité du Messie : « Beaucoup des idées religieuses liées au Christ [=Messie], identifié plus tard à Jésus, étaient déjà présentes dans le judaïsme. » La croyance chrétienne à la divinité d’un Jésus messianique est donc loin d’être une innovation grecque tardive : il s’agit d’une idée profondément juive.

La Bible hébraïque : un Dieu sous forme humaine ?
Plusieurs passages de la Bible hébraïque elle-même semblent assez ambigus et sont susceptibles d’être interprétés dans le sens d’une possible divinité du Messie. Par exemple, le roi d’Israël est apostrophé ainsi par sa courtisane : « Ton trône, ô Dieu, est à toujours. […] C’est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile de joie au-dessus de tes compagnons. » (Ps. 45 [44], 6-7) Ce passage donne au roi, au Messie (« oint » en hébreu), le qualificatif de Dieu. L’usage poétique du mot peut certes être défendu, et des traductions alternatives peuvent aussi se justifier. De manière plus sûre, le prophète Jérémie présente le Messie en ces termes : « Je susciterai à David un Germe juste. […] Et voici le nom dont on l’appellera : l’Éternel [YHWH] notre justice. » (23, 5-6 ; voir aussi 33, 16) L’application du Nom ineffable du Dieu d’Israël au Messie rend l’affirmation du caractère divin de ce dernier plus que défendable. De la même façon, le prophète Ésaïe (Isaïe) qualifie la figure de l’enfant messianique de « Dieu puissant » (9, 5). Au vu de ces passages, il n’est sans doute guère étonnant que de nombreux Juifs, du IIsiècle av. J.-C. au IIsiècle ap. J.-C., aient adopté l’idée d’une nature divine du Messie".
(…)
Mais l’exemple le plus emblématique d’une figure humaine incarnant Dieu est sans conteste le passage du Livre de Daniel sur le « fils de l’homme ».
Pourtant, la description va bien plus loin que la simple figure du Messie humain. L’auteur présente deux personnes qui paraissent divines : l’Ancien des jours, qu’il dépeint sous les traits d’un vieillard glorieux (v. 9-10), et le personnage mis en avant dans notre passage. Celui-ci offre cinq caractéristiques pour Daniel Boyarin : 1) il est divin ; 2) il a une forme humaine ; 3) il est une divinité d’apparence plus jeune que l’Ancien des jours ; 4) il est intronisé d’en haut ; 5) il reçoit tout pouvoir sur la terre. L’historien souligne que l’association de ce personnage aux « nuées des cieux » tend à faire de lui une figure divine. Dans la littérature biblique, en effet, les nuées sont systématiquement associées à Dieu lui-même. Ce passage semble donc présenter le Dieu unique d’Israël sous la forme de deux personnes, l’Ancien des jours et le Fils de l’homme, à tel point qu’il est possible de parler, à la suite de Boyarin, de « binitarisme » pour décrire la théologie du Livre de Daniel. Ainsi, pour l’historien, « l’idée d’un second Dieu, vice-roi de Dieu le Père, est l’une des plus anciennes idées théologiques en Israël ». Si la notion de Trinité stricto sensu, telle qu’elle est comprise par les chrétiens du IVsiècle, n’est sans doute pas juive, celles de double nature du Messie et de multipersonnalité de Dieu le sont.  https://philitt.fr/2019/02/08/la-trinite-est-elle-une-notion-juive/
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeSam 06 Juin 2020, 00:49

Je me réjouissais déjà, d'une joie mauvaise (Schadenfreude), de voir tailler un costard aux "experts" omni-médiatiques de la-religion-en-général qui souvent m'horripilent, malheureusement l'auteur semble connaître et comprendre encore moins bien son sujet. Certes, le schéma de "l'homme qui devient Dieu" en passant du judaïsme à l'hellénisme, usé jusqu'à la corde depuis le XIXe siècle et pourtant toujours répété en boucle dans des ouvrages grand public, sans parler d'Internet, est archi-faux. Mais l'idée que la christologie précède le christianisme qui n'aurait plus qu'à y coller le nom propre de Jésus l'est tout autant: les christologies chrétiennes (du NT et au-delà) font feu de tout bois, elles rassemblent des éléments hétérogènes de toutes provenances, juives, hellénistiques, et d'un judaïsme déjà largement hellénisé ("messianismes" divers, royal et/ou sacerdotal, figures apocalyptiques comme "le Fils de l'homme", mais aussi l'Adam primordial, Hénoch, Melchisédek, Moïse ou Elie qui ne sont pas des "messies" = "oints" pour autant, figures sapientiales comme la Sagesse et ses dérivés déjà hellénisés avant tout christianisme, tel le logos philonien qui n'a rien de "messianique" ni d'"eschatologique", etc.). Et surtout ces éléments ne sont pas rétro-(pro-)jetables tels quels sur les textes de l'AT dont ils sont le cas échéant des développements ultérieurs (tout à fait juifs en l'occurrence et préchrétiens, mais aussi post-vétéro-testamentaires, si j'ose cet adjectif barbare).

Pour revenir de là à l'argumentation watchtowérienne: assurément les diverses "figures" de la Trinité que l'interprétation traditionnelle, en particulier allégorique, a voulu voir dans l'AT (comme les trois personnages reçus par Abraham qui forment le sujet de l'icône de la Trinité de Roublev, que j'ai copiée plus haut sans dire ce que c'était), ne sont pas recevables comme telles par l'exégèse rationnelle moderne, qui s'en tient effectivement au sens originel des textes et à l'intention probable des auteurs. Mais à ce tarif les prétendues "prophéties messianiques" que le NT et les Pères de l'Eglise tirent de l'AT -- et que la Watch accepte pour l'essentiel sans discuter, en y rajoutant le cas échéant sa propre typologie -- ne le sont pas non plus. Quand on peut voir "Jésus" dans l'"Emmanuel" d'Isaïe 7 (avec Matthieu) ou dans l'enfant du chapitre 9 (sans aucun appui néotestamentaire), dans le "Serviteur" du chapitre 53 (avec de nombreux textes du NT) ou dans la "postérité de la femme" de Genèse 3,15 (sans aucun appui néotestamentaire), on est plutôt mal placé pour ridiculiser ceux qui voient "la Trinité" ici ou là dans l'AT, parce qu'on fait essentiellement la même chose...
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeSam 06 Juin 2020, 08:33

[*]L’hospitalité dans l’art chrétien – L’annonce du royaume dans La Trinité de Roublev
Benoît (4A)
La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 3-241x300
L’icône de la Trinité de Roublev se contemple plus qu’elle ne se commente. Le spectateur contemple le mystère trinitaire, plus que les capacités techniques du moine russe qui a peint ce chef-d’œuvre. Un mystère trinitaire qui nous invite à participer à son principe moteur : l’amour mutuel en perpétuel rejaillissement. En cela, l’icône est par essence un moyen de prière, d’enracinement spirituel et de contemplation pour pénétrer un peu plus le mystère. Philippe Verhaegen[1] souligne ainsi l’importance de cette approche spirituelle plus que technique : l’icône porte en elle-même un message, elle est une catéchèse.
L’auteur de cette doctrine théologique en image est un moine russe des XIVe et XVe siècles, Andreï Roublev, qui a traversé une période particulièrement troublée pour la Russie (invasion tatare, famines…). Il aurait été influencé notamment par Saint Serge de Radogène (1314-1394), ermite et grand contemplateur de la Sainte Trinité[2]. L’icône est probablement peinte en 1411, en plein cœur d’un siècle tourmenté, exprimant ainsi une respiration  de douceur et d’harmonie. En 1551, le Concile des Cent Chapitres a déclaré que la Trinité de Roublev était « l’icône des icônes »[3].
Les trois personnes de l’icône rappellent les trois voyageurs qu’Abraham et Sarah accueillirent aux chênes de Mambré (Gn 18, 1-16). Le récit de la Genèse dit comment Abraham offrit l’hospitalité à ces trois hommes, leur offrant à boire et à manger. L’un d’eux annonça à Abraham « Je reviendrai vers toi l’an prochain; alors, ta femme Sara aura un fils »[4]. Ces mystérieux voyageurs sont porteurs de vie. Dans ces trois hommes les Pères de l’Église virent la préfiguration au cœur même de l’Ancien Testament du mystère de la Trinité[5]. D’ailleurs, sur l’icône, derrière le Fils, se tient un arbre, en référence aux chênes de Mambré, l’arbre de vie[6].
Ces trois personnes qui sont-elles ? Les deux à droite tournent leur regard vers celle de gauche, leurs têtes inclinées comme par respect. À gauche se tient le Père, au centre le Fils, à droite le Saint-Esprit. Tous les trois sont attablés, dans un colloque silencieux. Il n’y a pas un bruit, simplement des regards, des postures. L’icône dépeint un mouvement circulaire très fort qui rapprochent les trois personnes, les font dialoguer dans une forme pure de charité.
Le Père se tient droit, dans une inclination très légère de la tête ; la Jérusalem céleste est derrière lui. Sa main est relevée, il est la figure de l’autorité, mais une autorité douce, pleine de tendresse : il préside ce colloque dans l’amour. Parce qu’il est le Père, il est la source de tout, c’est de lui que tout vient. Son regard doux et pénétrant sonde l’invisible. Le bleu est la couleur de sa divinité.
Le Fils est revêtu d’une tunique pourpre, signe de son humanité. Il porte un manteau bleu : il a voyagé parmi nous : Dieu fait homme. Il se trouve singulièrement au centre d’un calice, non pas celui que l’on voit posé devant lui, mais un autre calice formé par la posture physique du Père et celle de l’Esprit. Sa main est tournée vers le Saint-Esprit, son regard vers le Père.
Le Saint-Esprit est tout entier tourné vers les autres : il est celui qui reçoit. Sa main légère posée sur la table rappelle la forme des ailes de la colombe. Son regard est celui de l’humilité.
Les trois personnes, chacune caractérisée de façon différente, chacune singulière, nous offrent la possibilité de contempler une communion d’amour entre elles. Cette communion sur l’icône prend la forme d’un premier mouvement circulaire, partant de la main du Père et d’un autre dont l’origine est son pied. En plus de nous offrir par leur présence physique la forme d’un calice, les trois personnes donnent à voir leurs relations d’amour par des mouvements dynamiques, par lesquels tout procède du Père, mais dans lesquels chacun est source d’amour et de fête pour les autres.
Dans ce colloque trinitaire si bien peint par Roublev, quelle est notre place ? Quelle est la place de celui qui contemple l’icône ? Le spectateur est-il amené à le demeurer ? Devant, il semble qu’il y ait une place libre, un quatrième couvert pour celui qui contemple. C’est toute la force de l’icône de Roublev : le mystère d’amour trinitaire n’est pas voué à se suffire à lui-même : nous sommes invités à la table du Seigneur, Dieu nous fait une place avec lui. Cette place est personnelle, nul besoin de se battre ou de jouer des coudes : nous y sommes tous conviés. L’hospitalité de Dieu se tourne vers la singularité-même de la personne humaine.
Ainsi, l’icône de Roublev opère un dépassement de l’hospitalité d’Abraham. Roublev reprend bien le thème déjà abordé dans d’autres icônes de « l’hospitalité d’Abraham » (mosaïque de l’arc de triomphe de la basilique Santa Maria Maggiore, l’icône de la Trinité de Zyriansk, etc.). Mais sur ces précédentes œuvres, on voyait Abraham et Sarah assis auprès des trois anges ou les servant. Avec l’icône de la Trinité, Roublev fait entrer le spectateur dans une histoire personnelle avec Dieu : c’est Dieu qui nous reçoit, c’est Dieu qui nous offre son hospitalité. http://www.revue-kerygme.fr/chemins-hospitalite/lhospitalite-lart-chretien-lannonce-royaume-trinite-de-roublev/
Citation :
Je me réjouissais déjà, d'une joie mauvaise (Schadenfreude), de voir tailler un costard aux "experts" omni-médiatiques de la-religion-en-général qui souvent m'horripilent, malheureusement l'auteur semble connaître et comprendre encore moins bien son sujet.

Et dire que l'article m'avait semblé génial Embarassed
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeSam 06 Juin 2020, 10:31

C'est surtout Tarkovski (Andrei Roublev, 1966/9, où l'on voit apparaître les icônes -- restantes -- en couleur tout à la fin du film en noir et blanc) qui l'a fait connaître en Occident, tout au moins à un cercle de cinéphiles peut-être pas beaucoup plus vaste, mais non superposable à celui des connaisseurs de l'orthodoxie russe.

(En sillonnant le périmètre des sorties autorisées durant le confinement je suis entré dans une petite chapelle ouverte, et à ma grande surprise je me suis retrouvé devant la "Trinité" de Roublev: c'était une petite communauté religieuse catholique -- "les petites soeurs de l'Agneau", ça ne s'invente pas -- dont certains membres s'étaient spécialisés dans l'iconographie et en avaient fait une très belle reproduction, superbement éclairée, derrière l'autel.)

--

Quant à l'article, je présume que le livre de Boyarin qu'il présente est meilleur et plus nuancé... et tu avais raison d'y voir une certaine similitude avec nos discussions précédentes, dans la mesure où celles-ci s'opposaient aussi à la thèse de la "divinisation progressive de Jésus" qui est toujours populaire et qui sert bien, entre autres, les divers "unitarismes" (même si ceux-ci comptent fort peu peu par rapport à la sécularisation générale). Puisque vulgarisation il y a, avec les risques de réduction et de simplisme qu'elle comporte, autant qu'elle ne soit pas dans un seul sens...
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeSam 06 Juin 2020, 10:46

"Le SEIGNEUR lui apparut aux térébinthes de Mamré, alors qu'il était assis à l'entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux et vit trois hommes debout devant lui. Quand il les vit, il courut à leur rencontre, depuis l'entrée de sa tente, se prosterna jusqu'à terre" (Gen 18,1-2) 

Comme tu le soulignes, l'interprétation trinitaire de cette apparition divine n'est pas hors propos, ce texte ce prête à divers analyses :



D’emblée, Philon manifeste la continuité entre ce développement et le précédent. En affirmant qu’il « a été possible à l’Un d’être trois, et aux Trois, un », il met en relation le premier verset, qui indique que « Dieu se fit voir » d’Abraham (Gn 18, 1), et l’apparition de « trois hommes » (Gn 18, 2), et pose qu’il s’agit d’une même et unique apparition. La difficulté est alors d’expliquer que l’Un, Dieu, apparaisse sous une forme triple. Ce choix d’interprétation relève d’une perspective propre à Philon. En effet, chez Flavius Josèphe, la mention même d’une apparition de Dieu est effacée : seuls des anges apparaissent à Abraham (Ἅβραμος θεασάμενος τρεῖς ἀγγέλους[…] : « Abraham vit trois anges » ; AJ, I, 196 306). L’unique mention – indirecte – de Dieu intervient à la fin du passage lorsqu’il est question des « anges de Dieu » (ἀγγέλους τοῦ θεοῦ ; AJ, I, 198). De son côté, le Targum maintient à la fois une manifestation divine et la visite de trois anges. On lit dans la recension du Neofiti 1 : « Trois anges furent envoyés vers notre père Abraham », et « La Parole de Yahvé apparut à Abraham » (18, 1) 307. La recension du Pseudo-Jonathan est plus claire encore : « La Gloire de Yahvé lui apparut dans la plaine de Mambré » (18, 1), puis : « il leva les yeux et vit que trois anges, sous l’apparence d’hommes, étaient debout devant lui » (18, 2). Et lorsque Abraham s’adresse à Dieu, c’est pour lui demander de ne pas s’éloigner avant qu’il n’ait accueilli les voyageurs (18, 4) 308. Dans les deux recensions, Dieu n’apparaît de nouveau qu’au verset 13, où le texte biblique fait mention du « Seigneur », les autres paroles, même prononcées par un seul personnage, étant imputées aux anges 309. Dieu est donc clairement distingué des trois anges, et lui-même n’est désigné qu’à travers les termes de Parole, de Gloire et de Shekinah  310.

La particularité de l’exégèse de Philon dans ces quaestiones s’explique par un souci de fidélité au texte et à son déroulement précis 314 : puisqu’il est question d’une apparition de Dieu à Abraham, et que celui-ci, levant les yeux, aperçoit trois figures, c’est que ces trois figures doivent d’abord être considérées comme la manifestation de Dieu, avant de pouvoir être comprises, ainsi que ce sera le cas dans la suite du développement, comme de véritables hommes (ou, selon d’autres hypothèses, des anges) 315. Deux points doivent être éclairés. Le premier est que, contrairement à des textes qui donnent une nouvelle exposition du sens littéral, reformulent ou déplacent des éléments du texte scripturaire, Philon s’attache ici d’abord de façon minutieuse au texte tel qu’il se donne à lire dans ses aspérités. Cette démarche diffère du récit synthétique de Flavius Josèphe comme de la paraphrase enrichie du Targum, mais se distingue également d’autres passages à l’intérieur de l’œuvre de Philon elle-même. Nous avons vu comment, dans le De Abrahamo, Philon procède à un réagencement du récit en omettant en particulier de parler de manifestation divine au début de son récit (Abr., 107), pour évoquer uniquement trois visiteurs dont il fait progressivement émerger la nature divine, tandis que ce n’est que dans le commentaire allégorique que Dieu intervient comme objet de la contemplation, accompagné de ses puissances (Abr., 119-130). Le retour final à la lettre du texte ne sert pas à expliquer la manière dont Dieu se manifesterait dans le monde sensible, mais seulement à étayer l’idée qu’il y a bien un unique objet qui se manifeste, comme l’a fait voir l’allégorie, qui continue à faire figure de sens le plus profond du texte (Abr., 131-132). http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2010.moreau_j&part=363154
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeSam 06 Juin 2020, 16:23

On touche là un problème herméneutique (c.-à-d. d'"interprétation") extrêmement complexe et important.

Notre façon -- moderne, rationnelle, critique, scientifique -- de lire des textes anciens ne correspond pas à celles qui ont présidé à l'écriture, à la lecture et à l'écoute de ces textes à l'époque, dans les lieux et les milieux où ils ont été écrits; cela nous le savons parfaitement mais nous le savons toujours à notre manière, moderne, rationnelle, critique et scientifique. Quand nous étudions la lecture "allégorique" qu'un Philon ou un Origène font des textes "bibliques" dans leurs commentaires, nous pouvons la comprendre et l'analyser selon nos critères d'analyse modernes, rationnels, critiques et scientifiques, mais nous sommes rigoureusement incapables de lire les textes bibliques, pour notre propre compte, comme ils l'ont fait -- et si nous cherchons à les imiter nous faisons encore tout autre chose (dont la typologie watchtowérienne, de Russell à Franz, offre un exemple caricatural mais significatif). D'autant qu'il n'y a pas qu'une manière antique de lire, il y en a presque autant que d'auteurs: les différences considérables entre Philon et Josèphe qui partagent la même langue (grecque), la même religion (juive), le même corpus (biblique) et le même siècle (Ier) à quelques décennies d'intervalle en témoignent; quoiqu'il y ait parmi les différentes méthodes des familles et des parentés repérables (p. ex. entre un Philon juif et un Origène chrétien, mais tous deux héritiers de l'école d'Alexandrie).

Ce n'est pas seulement une inaptitude de notre part à nous extraire de notre temps et de nos préjugés culturels pour envisager d'autre points de vue -- en un sens, nous sommes plus habitués à faire cela qu'aucune autre époque antérieure, du fait de l'étendue de nos connaissances encyclopédiques désormais instantanées, mais en transportant avec nous notre cadrage et notre appareillage mental et intellectuel comme une paire de lunettes ou une boîte à outils; ou plutôt comme nos yeux ou nos mains mêmes, parce que nous n'en avons pas d'autre(s). C'est en effet la force et la faiblesse de cette pensée moderne, rationnelle, critique et scientifique, qu'elle ne soit effectivement ni échangeable ni négociable, parce qu'elle est bel et bien "vraie", juste, exacte, à sa manière qui n'est précisément pas fantaisiste ni arbitraire mais "objective" -- même si elle est par ailleurs la plus indigente. Comme l'avait bien compris déjà la fin du moyen-âge occidental (notamment Thomas d'Aquin d'après Aristote), l'exégèse "littérale" est la seule qui soit probante, logiquement contraignante, susceptible d'un jugement exclusif de vérité ou d'erreur sans échappatoire (selon le principe logique de la non-contradiction ou du tiers-exclu, tertium non datur); elle seule rend une argumentation possible et conclusive, pour le meilleur et pour le pire. Qu'elle tolère en plus ou à côté d'elle des lectures "spirituelles", allégoriques, tropologiques, anagogiques ou autres, ou qu'elle les exclue, elle n'entre pas vraiment en discussion ni en concurrence avec elles parce qu'il est entendu d'avance qu'elle seule peut démontrer, les autres ne font que montrer. Or la possibilité de la "religion", du "mythe" au "mystère", dépend intégralement de ce genre de lecture qui ne démontre jamais rien, mais montre beaucoup plus que ce qui se peut démontrer.

Ce n'est pas que nous soyons incapables d'invention ou de création, de la technique à l'art, mais cela relève pour nous d'un ordre du "faire" (poïétique) distinct en principe de celui du "savoir", même s'il y a une interdépendance croissante entre les deux (la technique utilise la science qui utilise la technique, mais la science reste radicalement autre que la technique quand même toutes deux l'oublient); cela rend très précaire le statut de la religion, des textes religieux et de leur interprétation religieuse, et du genre de "foi" que tout cela nourrit et requiert: qu'on en fasse un "savoir", une "technique", un "art", on en fait forcément trop dans un sens et pas assez dans un autre -- autre chose en tout cas que ce qu'ils sont ou ont été.

Bien entendu, tout mode d'interprétation (herméneutique) est solidaire d'un mode de connaissance ou d'intelligence (épistémologie) qui ne reconnaît qu'un certain type d'"objet". Dans un mode de connaissance rationnel et scientifique, où il n'y a véritablement "savoir" que du logique, du rationnel et de l'expérimental, du mesurable et du calculable, il ne faut pas s'étonner qu'aucune "théologie" ne puisse être un objet de connaissance, pas plus que les "idées" platoniciennes par exemple. Ce qui ne nous empêche pas d'en discuter sur un mode historique ou esthétique, mais en passant forcément à côté de ce qu'elles ont été pour les époques qui, avec d'autres méthodes épistémologiques et herméneutiques, les ont précisément tenues pour un objet de "connaissance", quoique d'un autre type de "connaissance".
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeDim 07 Juin 2020, 10:33

La venue de Jésus sur terre a-​t-​elle mis fin au monothéisme ? Levi Paine répond: “Il n’y a sur ce point aucune rupture entre l’Ancien Testament et le Nouveau. La tradition monothéiste se perpétue. Jésus était Juif, instruit par des parents juifs selon les principes de l’Ancien Testament. Son enseignement était fondamentalement juif; certes un Évangile nouveau, mais non pas une théologie nouvelle. (...) En outre, il faisait sien le grand texte du monothéisme juif: ‘Entends, ô Israël, le Seigneur notre Dieu est un seul Dieu.’”
On trouve ces paroles en Deutéronome 6:4. Voici comment elles sont rendues dans La Bible de Jérusalem: “Écoute, Israël: Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé*.” Du point de vue grammatical, le mot “seul” n’est accompagné d’aucun modificatif au pluriel suggérant qu’il se rapporte à plus d’une personne.
L’apôtre Paul n’a, lui non plus, signalé aucun changement dans la nature de Dieu, et ce même après la venue de Jésus sur terre. Il a écrit: “Dieu n’est qu’un seul.” — Galates 3:20; voir 1 Corinthiens 8:4-6. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989304#h=6


Je ne suis pas sûr que le professeur Levi Paine ait raison en affirmant que le NT n'a pas introduit une nouvelle théologie . Que la nature divine soit indivisible donc non constituée de parties non divisée en parties ne semble pas s'opposer fondamentalement à la trinité. En effet le caractère UN de la divinité est reconnue par la trinité car elle implique que les trois "personnes" de la trinité ne soient pas des essences séparées à l'intérieure de l'essence divine.


 

Le célèbre verset de Deutéronome 6,4 est souvent compris comme une confession de foi monothéiste, traduite "Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est le Seigneur un" (exemple issu de la Traduction œcuménique de la Bible).
En réalité, le texte dit que "Yhwh, notre Dieu, ‹est› un Yhwh". Autrement dit, le texte insiste sur le fait qu'il n'y a pas plusieurs Yhwh, mais un seul. Cette affirmation peut paraître surprenante, car on n'imagine pas aujourd'hui plusieurs Yhwh. Mais les découvertes archéologiques ont mis en évidence la présence de plusieurs dieux Yhwh, ou plutôt de plusieurs "variantes" du dieu Yhwh, à l'instar du Yhwh de Têmân ou du Yhwh de Samarie.
Face à l'existence de plusieurs cultes ou variantes du dieu Yhwh, ce verset du Deutéronome insiste sur le fait qu'il ne doit y avoir qu'un culte unique, et centralisé, au dieu Yhwh. Cette insistance se retrouve tout au long du livre du Deutéronome, avec la récurrence d'expressions telles que "le lieu que Yhwh choisit". (Pour en savoir plus, je vous invite à visionner ma Traversée de la Bible, et notamment la vidéo sur le livre du Deutéronome.)
Au final, ce verset ne nie pas en soi l'existence d'autres divinités ; en outre, la question de la Trinité est plus complexe puisque, selon cette doctrine, le Père, le Fils et l'Esprit saint sont un seul et même dieu. Il faut donc être prudent avant d'associer le Shema Israël à ce dogme.
https://michaellanglois.fr/fr/question/le-shema-israel-nie-t-il-la-trinite/
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeDim 07 Juin 2020, 11:41

Sur Levi Paine, voir ici (en anglais): cas typique du schéma "évolutionniste" de la fin du XIXe siècle dont on parlait plus haut, mais avec cette excellente excuse qu'il est, lui, de la fin du XIXe siècle; si ce Paine imagine, comme presque tous les "modernistes" ou "libéraux" de son époque (cf. chez nous Renan, Schweitzer ou Loisy), un Jésus historique strictement homme, juif et monothéiste, ne se prenant pas lui-même pour Dieu mais divinisé après coup et malgré lui, il considère bien que cette transformation commence dès le Nouveau Testament et que la doctrine des IVe-Ve siècles en est l'aboutissement...

Encore une fois, ce qui "falsifie" le plus la citation c'est qu'elle ne soit pas datée (bien qu'une date n'ait vraiment de sens que pour un lecteur qui a au moins une vague idée de l'histoire des sciences "humaines", bibliques, religieuses ou historiques; le lecteur lambda, comme on dit, pourrait tout au plus se rendre compte que c'est bien vieux, comme la plupart des sources anglophones de cette brochure).

Mais plus généralement -- je me répète -- c'est l'idée même d'argumenter par des citations (arguments d'autorité présumée, imposés à un lecteur qui n'y connaît rien et que l'on somme pourtant de juger par lui-même comme s'il y connaissait quelque chose) qui est aberrante (double bind); et tout autant, bien sûr, celle d'y répliquer par une contre-argumentation de contre-citations.

Ce que pour ma part je recommanderais au "lecteur" qui se lasserait d'être pris à la fois pour un con, livré pieds et poings liés à l'autorité d'autrui, et pour un génie capable de trancher valablement entre des opinions "autorisées" qui le dépassent, c'est de ne pas chercher du tout à se faire une opinion de quoi que ce soit avant d'avoir lu (et relu) lui-même le Nouveau Testament... il verra bien alors quelle idée de "Dieu" ou de "Jésus-Christ" la lecture elle-même aura formée en lui le cas échéant. C'est un peu plus long qu'une brochure de 32 pages, mais autrement efficace.

A propos de Deutéronome 6,4, le petit article de Michael Langlois (que je ne connaissais pas) a le grand mérite d'une parfaite clarté en quelques lignes... A voir son site, c'est un vrai chercheur qui ne dédaigne pas la vulgarisation, ce qui est plutôt rare. J'ajouterais seulement que si c'est une erreur grossière que de confondre la trinité chrétienne et le polythéisme, ce serait un aveuglement tout aussi absurde de n'y voir aucun rapport: la nécessité de penser l'unité et la différence dans le "divin" n'épargne aucune religion, et l'ensemble des théologies, mythologies polythéistes incluses, ne sont jamais que des "solutions" différentes à un "problème" foncièrement commun, même s'il se pose très différemment d'un temps, d'un lieu et d'un milieu à l'autre.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeDim 07 Juin 2020, 19:59

Citation :
L’apôtre Paul n’a, lui non plus, signalé aucun changement dans la nature de Dieu, et ce même après la venue de Jésus sur terre. Il a écrit: “Dieu n’est qu’un seul.” — Galates 3:20; voir 1 Corinthiens 8:4-6.

"Donc, pour ce qui concerne la consommation des viandes sacrifiées aux idoles, nous savons qu'il n'y a pas d'idole dans le monde et qu'il n'y a de Dieu qu'un seul. Car s'il est vrai qu'il y a ce qu'on appelle des dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, — et de fait il y a beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs — néanmoins, pour nous, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes". 1 Corinthiens 8:4-6.


La Watch isole une formule ("qu'il n'y a de Dieu qu'un seul") et propose une raisonnement parcellaire et partielle, en effet s'il y a de Dieu qu'un seul
en opposition à beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs, la divinité sous deux figures, Le Père ("un seul Dieu, le Père") et la seigneurie de Jésus-Christ ("un seul Seigneur, Jésus-Christ"). Le texte précise que ces deux figures du divin sont à l'origine de tout.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 00:46

La Watch est aussi capable de citer le même passage pour ses seuls emplois du pluriel (dieux et seigneurs), afin de limiter la portée de l'application de theos (d/Dieu) au Christ dans de tout autres textes (johanniques ou post-pauliniens): c'est de loin son usage des citations bibliques qui est le plus contestable; autrement dit, elle n'aura jamais traité aucun autre ouvrage aussi mal que "la Bible"...

Bien entendu, le Christ n'est précisément pas ici "Seigneur" (kurios) au sens où il y a "beaucoup de seigneurs" (ce qui est "pour nous" est opposé à ce qui est "en général" ou "pour les autres", il suffit de lire); mais comme dans toutes les premières épîtres pauliniennes il n'est pas non plus "Dieu" (theos): l'usage des deux mots est assez nettement partagé suivant une règle implicite que de toute évidence "Paul" n'a pas inventée, mais qui le précède dans les communautés hellénistiques auxquelles il s'adresse: "Dieu" désigne le Père et "le Seigneur" le Fils (le Christ, Jésus) -- ce qui rend d'autant plus absurde, dans ces textes-là, la substitution aléatoire d'un "Jéhovah" à kurios dans la TMN. Comme on l'a vu plus haut (6.6.2020), cette même distinction entre theos et kurios (celui-ci comme substitut du tétragramme) est déjà pratiquée par Philon, sans aucune référence à Jésus bien sûr, et dans un sens assez différent puisque les deux mots correspondent aux "puissances" de manifestation ou de révélation de la divinité (respectivement créatrice ou paternelle et royale), non à la divinité principielle ou en soi qui est au-dessus de toute nomination adéquate (même "Dieu", à ce niveau, ne lui conviendrait pas, et "Seigneur" <=> "Yahvé" pas davantage).

---

Il semble que la Watch soit assez peu revenue sur la question de la Trinité après cette brochure de 1989 -- quelques références dans les années 1990 et 2000, mais plutôt moins qu'avant. Et je me demande si la raison n'en est pas surtout "géopolitique": 1989, c'était juste avant l'effondrement du bloc soviétique qu'on voyait déjà venir et qui devait ouvrir de vastes horizons à la propagande jéhoviste (entre autres); ce sujet qui n'intéressait quasiment plus personne en Occident pouvait redevenir un enjeu majeur face aux Eglises orthodoxes et/ou orientales, mais c'était sans compter la différence de rapport affectif à la doctrine. Ce qui n'a jamais été ressenti chez nous, à quelques exceptions mystiques près, que comme une sorte d'hyper-technicité théologique pour spécialistes, et s'inscrivait en outre dans une vaste tradition d'opposition moderne, du déisme des Lumières à l'anticléricalisme du XIXe, est en Orient l'objet d'une véritable piété populaire et sentimentale. Ce qui pouvait passer en Occident pour une "simplification" bienvenue de la foi chrétienne a dû être plutôt ressenti comme une agression contre le coeur même de celle-ci -- ce qui, en Russie notamment, a pu se payer très cher.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 12:03

Citation :
cette même distinction entre theos et kurios (celui-ci comme substitut du tétragramme) est déjà pratiquée par Philon, sans aucune référence à Jésus bien sûr, et dans un sens assez différent puisque les deux mots correspondent aux "puissances" de manifestation ou de révélation de la divinité (respectivement créatrice ou paternelle et royale), non à la divinité principielle ou en soi qui est au-dessus de toute nomination adéquate (même "Dieu", à ce niveau, ne lui conviendrait pas, et "Seigneur" <=> "Yahvé" pas davantage).

développé au début de notre ère chez Philon d'Alexandrie un discours théologico-politique qui fait fonctionner en miroir les représentations de Dieu et celles du pouvoir impérial  ... Les deux manières de nommer Dieu qu'ont utilisées les Septante, même s'ils ne semblent pas avoir élaboré des règles systématiques de traduction, conduisent le philosophe a établir une distinction théologique entre deux aspects principaux de la puissance divine – kyrios (Seigneur) renvoyant à la puissance coercitive et même et même répressive et théos (Dieu) à la puissance créatrice et bienfaisante.

Lien.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 13:48

J'ai abrégé le lien à ta demande, j'espère ne pas avoir autrement modifié ton post (le début de la citation me paraît un peu curieux, je ne sais pas si c'est de ma faute ou si tu as simplement copié le haut de la page...).
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 13:54

Narkissos a écrit:
J'ai abrégé le lien à ta demande, j'espère ne pas avoir autrement modifié ton post (le début de la citation me paraît un peu curieux, je ne sais pas si c'est de ma faute ou si tu as simplement copié le haut de la page...).


Merci beaucoup. J'ai simplement copié le haut de la page.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 14:28

Il faut bien comprendre que chez Philon on a affaire au simple développement d'une théologie philosophique juive à partir de la traduction grecque de la Torah (Pentateuque essentiellement, les références à d'autres textes du futur canon juif sont beaucoup plus rares) -- ce qui confirme, pour ceux qui en douteraient, qu'il lit bien kurios dans "sa Septante" et l'interprète tout naturellement selon le sens à la fois politique et religieux que le mot a pris en son temps (là-dessus le contexte de ta citation est instructif). Chez Paul en revanche, et déjà dans le christianisme hellénistique qui le précède, la même distinction lexicale entre theos et kurios, manifestement opératoire à partir du même corpus de base (Septante), est tout autrement "informée" par l'identification du kurios au "Christ" et/ou à "Jésus", apparemment déjà compris comme manifestation terrestre de "Dieu" (Philon dirait plutôt: de l'archi-divinité sans nom au-delà ou en-deçà des appellations theos et kurios). S'il y a une originalité paulinienne, à en juger par 1 Corinthiens, ce serait seulement l'accent mis sur la mort et spécialement la crucifixion du kurios khristos/Ièsous, par opposition à un kurios khristos/Ièsous identifié à la sagesse et à la puissance (ce qu'on pourrait rattacher, en lisant à peine entre les lignes, à la théologie d'Apollos, d'Alexandrie comme Philon). Toujours est-il que la question n'est pas de savoir comment un homme devient "Seigneur" dans ce sens politico-religieux (ou "Dieu", dans d'autres traditions chrétiennes pas forcément plus tardives), mais bien comment un "Seigneur" déjà distinct de "Dieu" devient "Jésus", compris (aussi) comme mortel, crucifié et ressuscité.

---

A toutes fins utiles, je tiens à préciser que je n'ai plus le moindre intérêt "dogmatique" dans cette affaire, que je n'attends plus d'aucune doctrine religieuse "le vrai sur le vrai" -- toutes proportions gardées, les apologies ou les éloges de la Trinité orthodoxe qui considèrent le polythéisme "païen", le monothéisme "juif" (= phariséo-rabbinique) ou musulman ou les "hérésies" chrétiennes, de la gnose aux unitarismes modernes, comme des "erreurs" m'agacent à peu près autant que la critique systématique et ignorante de la Trinité par la Watchtower. Je trouverais plutôt chaque doctrine intéressante dans la mesure où elle donne à penser, inégalement intéressante selon ce qu'elle me donne à penser (c'est là, bien sûr, la limite autant que la condition d'un "point de vue", du mien en l'occurrence, qui a été exposé à certaines doctrines beaucoup plus qu'à d'autres). C'est aussi pourquoi, bien plus encore que la critique des doctrines des autres, je trouve regrettable chez les TdJ l'incapacité ou le refus de penser en profondeur leur propre doctrine -- parce que c'est celle-là que j'ai commencé à penser avant de la confronter à d'autres, qui m'ont paru du coup beaucoup moins incompatibles que je ne l'avais imaginé auparavant; mais ce n'est pas si différent du manque d'appétence de l'ensemble des "religieux" pour la pensée de leur propre doctrine, qui est un fait massif et qui, à sa façon, donne aussi à penser.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeLun 08 Juin 2020, 17:08

Citation :
A toutes fins utiles, je tiens à préciser que je n'ai plus le moindre intérêt "dogmatique" dans cette affaire, que je n'attends plus d'aucune doctrine religieuse "le vrai sur le vrai" -- toutes proportions gardées, les apologies ou les éloges de la Trinité orthodoxe qui considèrent le polythéisme "païen", le monothéisme "juif" (= phariséo-rabbinique) ou musulman ou les "hérésies" chrétiennes, de la gnose aux unitarismes modernes, comme des "erreurs" m'agacent à peu près autant que la critique systématique et ignorante de la Trinité par la Watchtower. Je trouverais plutôt chaque doctrine intéressante dans la mesure où elle donne à penser, inégalement intéressante selon ce qu'elle me donne à penser (c'est là, bien sûr, la limite autant que la condition d'un "point de vue", du mien en l'occurrence, qui a été exposé à certaines doctrines beaucoup plus qu'à d'autres). C'est aussi pourquoi, bien plus encore que la critique des doctrines des autres, je trouve regrettable chez les TdJ l'incapacité ou le refus de penser en profondeur leur propre doctrine -- parce que c'est celle-là que j'ai commencé à penser avant de la confronter à d'autres, qui m'ont paru du coup beaucoup moins incompatibles que je ne l'avais imaginé auparavant; mais ce n'est pas si différent du manque d'appétence de l'ensemble des "religieux" pour la pensée de leur propre doctrine, qui est un fait massif et qui, à sa façon, donne aussi à penser.

Je partage totalement ton avis, ce fil ne vise pas à défendre la trinité, ni en faire la promotion mais a souligner la complexité et la profondeur de cette doctrine qui a été pensé, approfondit et réfléchit pendant des siècles et que la Watch simplifie d'une manière caricatural. Je dois dire, que j'ai beaucoup appris de choses sur la trinité sur ce fil et découvert les différentes façon de penser la divinité. Personnellement je me moque de savoir si Dieu est une trinité ou pas mais je suis admiratif devant la synthèse à laquelle ont procédé les concepteurs de la trinité. Ce dogme me semble être ouvert à l'interprétation, à être nuancé, enrichi et à penser le divin en profondeur.   

Pour revenir à la brochure :

On remarque une étroite corrélation entre les expressions qui décrivent l’origine de Jésus et celles qui sont utilisées par la “Sagesse” symbolique dans le livre des Proverbes: “Yahvé m’a créée, prémices de son œuvre, avant ses œuvres les plus anciennes. Avant que fussent implantées les montagnes, avant les collines, je fus enfantée; avant qu’il eût fait la terre et la campagne et les premiers éléments du monde.” (Proverbes 8:12, 22, 25, 26, Jé). Bien que le mot “Sagesse” soit employé pour personnifier un être créé par Dieu, la plupart des biblistes reconnaissent qu’il s’agit en réalité d’une figure de style représentant Jésus, lorsqu’avant de venir sur la terre il était une créature spirituelle.
Parlant en tant que “Sagesse” (avant son existence humaine), Jésus poursuit en disant qu’il était “à ses côtés [ceux de Dieu] comme le maître d’œuvre”. (Proverbes 8:30, Jé.) En harmonie avec ce qu’implique ce rôle de maître d’œuvre, Colossiens 1:16 dit de Jésus que “c’est par lui que Dieu a tout créé dans les cieux et sur la terre”. — Français courant.
C’est donc par l’intermédiaire de ce maître d’œuvre — ce collaborateur qui lui est subordonné — que le Dieu Tout-Puissant a créé toutes les autres choses. La Bible résume ainsi le rôle respectif de ces deux personnages: “Pour nous du moins, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses (...) et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui sont toutes choses.” (C’est nous qui soulignons). — 1 Corinthiens 8:6, Osty, version catholique. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989304#h=6

L'affirmation : "la plupart des biblistes reconnaissent qu’il s’agit en réalité d’une figure de style représentant Jésus" me parait ne pas correspondre à la réalité, enfin cela dépend à quels biblistes l'article fait référence. Par contre la distinction entre le "de" et le "par" me semble intéressante. Concernant la "sagesse" de Dieu, peut-elle exister en dehors de Dieu ?



La relation de la Sagesse à Dieu

Dans Pr 8,22-31 la Sagesse ne possède pas, par nature, l’éternité divine, puisqu’elle a été « acquise » par Dieu. Toutefois elle existait déjà lors de la création du monde, et, pour rejoindre le moment où elle a été « enfantée » (8,24s.), il faut remonter avant les temps primordiaux, « avant que les montagnes ne fussent enfoncées » (8,25).
Première en date et en dignité, la Sagesse ne peut donc être alignée sur les autres œuvres de Dieu. Elle n’est rien de matériel à l’intérieur de la création, et elle est venue à l’existence d’une autre manière que les autres êtres. Alors que Yhwh a enfoncé les montagnes sur leur socle, établi les cieux, tracé l’horizon, fixé les nuées, imposé à la mer une limite, la Sagesse n’a nécessité aucun de ces travaux ni aucune de ces victoires : elle a été acquise, enfantée.
Dès le début, dès son début, elle est en relation personnelle avec Dieu, distincte de lui, mais issue de sa vie et témoin privilégié de son œuvre. Par là elle revendique une autorité spéciale, voulue par Dieu lui-même.
Pr 8 la présente non pas comme le maître d’œuvre (TOB), ni comme une enfant chérie, mais comme un personnage féminin, probablement une jeune adulte : « J’étais à ses côtés, fidèlement, et j’étais (sa) joie jour après jour, dansant devant lui en tout temps, dansant  sur le sol de sa terre » (Pr 8,30-31). Son rôle a donc consisté à réjouir Dieu sans cesse, à acquiescer joyeusement au lancement du monde, par une sorte de danse inaugurale.
(…)

Dans la Sophia de Salomon, quelques décennies avant l’ère chrétienne, la Sagesse apparaît plus nettement encore comme une entité inséparable de Dieu et située dans le rayonnement direct de son essence : « Elle est un effluve de la puissance de Dieu et une émanation pure de la gloire du Tout-Puissant ; elle est le reflet de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’image (eikôn) de sa bonté » (Sg 7,25s.).
D’autres traits suggèrent davantage son autonomie quasi personnelle : dans son action elle est mise en parallèle avec l’Esprit du Seigneur (1,7) ou son Esprit Saint (9,17 ; cf. 7,22s.) ; elle est « assise auprès du trône » de Dieu (9,4) ; « elle marque avec éclat sa noble origine en vivant avec Dieu, et le Souverain de tout l’a aimée » ; elle est, en effet, « une initiée (mustis) de la science de Dieu, et c’est elle qui choisit ses œuvres, (airetis tôn ergôn autou, 8,3-4) ». https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2007-2-page-189.htm
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMar 09 Juin 2020, 02:03

free a écrit:
L'affirmation : "la plupart des biblistes reconnaissent qu’il s’agit en réalité d’une figure de style représentant Jésus" me parait ne pas correspondre à la réalité, enfin cela dépend à quels biblistes l'article fait référence.

Très juste: l'affirmation paraît tellement exorbitante que je suis allé voir le texte américain, qui dit "scholars" (non "Bible scholars") -- terme générique et vague qui oscille entre "savants" et "érudits", sauf autre précision qui permette de désigner un "spécialiste" de telle ou telle discipline; bref, qui ne garantit rien, mais fonctionne quand même sur le lecteur naïf comme argument d'autorité (des gens qui en savent plus que moi et sont a priori "indépendants" de ceux qui s'y réfèrent)...

Ce genre de phrase montre en tout cas la profonde ignorance où la Watch en est restée des "sciences bibliques" en général -- hormis les rares sujets, toujours les mêmes, sur lesquels elle épluche la littérature scientifique à la recherche d'arguments qui seront presque toujours des méprises, même sans malhonnêteté intentionnelle, faute de comprendre la méthodologie générale des "sciences" en question. Au XIXe siècle et surtout en langue anglaise, il ne manquait pas de "scholars" pour commenter la Bible à l'appui de telle ou telle tradition ecclésiastique ou contre-tradition sectaire, avec ou sans diplôme universitaire dans les disciplines concernées. Mais aujourd'hui n'importe quel "bibliste" rattaché de près ou de loin à une communauté scientifique, fût-il "conservateur", "évangélique" ou "sectaire", se discréditerait aussitôt s'il affirmait de but en blanc que la "Sagesse" des Proverbes (ou "l'Emmanuel" d'Isaïe, ou "le Serviteur" du deutéro-Isaïe, etc.) "c'est Jésus". Une telle affirmation n'a strictement aucun sens dans une exégèse rationnelle et scientifique dont le principe constitutif, comme on l'expliquait plus haut, est précisément de s'en tenir au sens originel d'un texte dont l'horizon est par définition celui de son temps, de son lieu et de son milieu, et de distinguer ce sens-là de toutes ses interprétations et applications ultérieures. Encore une fois, ce genre d'exégèse "littérale" ou "historico-critique" peut paraître indigente à côté de la profusion de sens des interprétations prophétiques, apocalyptiques ou typologiques, allégoriques, tropologiques ou anagogiques, mais c'est la seule qui offre une prise à une discussion et à une évaluation rationnelles et scientifiques.

En somme, la Sagesse, même "personnifiée" et pourvue d'une majuscule en français, ce n'est pas une vraie "personne", mais toujours une notion, un concept ou une idée, une qualité, une vertu ou une faculté, autrement dit une abstraction: en un mot la même chose que la sagesse, sans personnification ni majuscule, avec tous ses quasi-synonymes (connaissance, intelligence, prudence, sagacité, etc.). Si l'on veut comprendre sa "personnification" la plus ancienne (quoique relativement récente dans le corpus biblique dit "sapiential") il faut plutôt la comparer aux mythologies qui, en plus des dieux proprement "personnels", ont fait une place à des notions (etc.) plus ou moins divinisées, comme la Ma'at égyptienne et tant de divinités ou quasi-divinités grecques secondaires (Sophia mais aussi Dikè, Nemesis, Alètheia ou même Athéna, concepts divinisés et par là personnifiés plutôt que personnages divins à part entière). Que cette "figure" soit développée et reprise plus tard par une théologie ou une philosophie, juive ou chrétienne, identifiée tantôt au "Christ" ou tantôt à "l'Esprit", comme mille autres "figures" de l'Ancien Testament ou comme le logos grec également "personnifié" par le stoïcisme, tout cela est très intéressant mais n'autorise pas à renverser le sens de la logique et l'histoire pour lire "le Christ" ou "l'Esprit" dans "la Sagesse" des Proverbes, de Job, du Siracide ou de la Sagesse de Salomon.

Mais même si "la Sagesse" (n')est (que) "la sagesse", elle n'en pose pas moins le même problème théologique fondamental, dans la mesure où, dès lors qu'elle est nommée, elle se distingue formellement de "Dieu" sans pouvoir être réellement autre chose que lui (ce qui vaut aussi bien pour sa "parole", son "esprit", sa "gloire", sa "justice", sa "colère", sa "volonté"). Quel sens y aurait-il à dire que "Dieu" a créé, engendré ou acquis "la sagesse" (selon les différents sens possibles de la ou des racines qnh, qui ressortissent sans doute davantage à une homonymie qu'à une polysémie) ? Ne l'"avait"-il pas auparavant, peut-elle être foncièrement autre chose que lui-même ? De la différence dans l'unité, on en revient toujours là, une différence potentiellement infinie qui ne peut s'arrêter qu'arbitrairement à un nombre quelconque de noms ou de figures.

---

La différence des prépositions "de" (ek, apo, para + génitif en grec) et "par" (dia + génitif, quelquefois en + datif sous l'influence de l'hébreu ou simple datif sans préposition) est en effet un élément essentiel dans la structuration des pensées théologiques et philosophiques en général, chrétiennes et christologiques en particulier dès les premières épîtres pauliniennes, et déjà présente dans les "confessions de foi" partagées par les destinataires avant tout enseignement spécifiquement "paulinien"; mais quand on a dit ça on n'a pas dit grand-chose, car elle se prête à mille nuances et modulations: d'un côté la provenance, immédiate ou médiate, l'origine absolue ou relative, la source, unique ou multiple, de l'autre le moyen, le mode, la manière, le simple intermédiaire ou l'expression même de l'origine... et selon que la pensée exprimée est plutôt "sacrale", "juridique" ou "sapientiale", "mystère" ou "révélation", le sens d'un "de" et d'un "par" peut varier considérablement.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMar 09 Juin 2020, 11:32

Citation :
Mais même si "la Sagesse" (n')est (que) "la sagesse", elle n'en pose pas moins le même problème théologique fondamental, dans la mesure où, dès lors qu'elle est nommée, elle se distingue formellement de "Dieu" sans pouvoir être réellement autre chose que lui (ce qui vaut aussi bien pour sa "parole", son "esprit", sa "gloire", sa "justice", sa "colère", sa "volonté").


Merci Narkissos pour ces précieuses explications.


Dieu et le concept de personne 

Dans le Nouveau Testament, trois noms divins sont révélés. Ceci veut dire que la foi trinitaire révèle en Dieu lui-même une inter-personnalité. Dans l'Ancien Testament, Dieu se comporte comme une personne, en raison de sa relation à l'homme: il s'agit d'une interpersonnalité humano-divine. Dans le Nouveau Testament, c'est Dieu lui-même qui est interpersonnel. Sans doute y a-t-il dans l'Ancien Testament des ombres de révélation trinitaire: le pluriel du «Faisons l'homme...» dans le livre de la Genèse a été compris en ce sens, ainsi que la mystérieuse présence de l'ange de Yahvé dans les théophanies des patriarches, «ange» mystérieux, à la fois Yahvé et différent de Yahvé; de même, la présence de l'Esprit qui tombe sur les prophètes; la présence de la Sagesse créatrice auprès de Dieu. Mais cette fois la révélation est formelle dans les évangiles, particulièrement en saint Jean: Jésus est le Verbe ou le Fils qui révèle le Père et envoie l'Esprit. L'évangile de Matthieu se conclut par l'ordre trinitaire du baptême. Les trois noms divins sont mis en série par Paul :

«II y a diversité de dons, mais c'est le même Esprit, diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur, diversité de modes d'action, mais c'est le même Dieu qui produit tout en tous» (1 Co 12,4-6).
Ou encore :
«II y a un seul corps et un seul Esprit [...], un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous...» (Ep 4,4-6).

(...)

Cependant, Balthasar parle d'une «quasi-personnification de l'Esprit dans l'Ancien Testament tardif et au sein du judaïsme». W. Kasper rappelle que la littérature sapientielle conçoit des hypostases qui, vis-à-vis de Dieu, sont relativement indépendantes. C'est le cas surtout de la sagesse et du pneuma qui lui est en grande partie identique (Sg 1,6s; 7,7.22.25). Dans le judaïsme post-biblique, il arrive qu'on dise de l'Esprit, en catégories personnelles, qu'il parle, qu'il crie, exhorte, s'afflige, pleure, se réjouit, console; on le représente même comme parlant à Dieu.

Bien des témoignages du Nouveau Testament vont dans le sens d'une affirmation d'un Esprit-sujet. J'ai signalé les diverses mentions des trois noms divins, le Père, le Fils et l'Esprit, sous forme de trilogie (1 Co 12,4-6; 2 Co 13,13; Ep 4,4-6 et Mt 28,19-20). Ce ne sont certes pas là des affirmations formelles de l'Esprit comme sujet, mais la connumération de l'Esprit avec le Père et le Fils est une indication forte de leur mise à part, dans une sphère spéciale, où ils agissent de concert. Elle suggère une autonomie de l'Esprit par rapport au Père et au Fils. Les termes de Père et de Fils sont éminemment «personnels», puisqu'ils s'appuient sur la métaphore d'une relation familiale «personnalisante». Or, le fait que l'Esprit soit un nom divin, radicalement associé aux deux autres, constitue une présomption qu'il est également sujet comme eux. Balthasar souligne également que Dieu est Esprit, mais pour tenir compte du fait que le Nouveau Testament «n'affirme pas clairement une personnalité du même type que celle du Père et du Fils», il propose la désignation d'«être de type personnel». https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2002_num_33_3_3235
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMar 09 Juin 2020, 14:07

N.B.: j'ai rajouté un petit paragraphe à la fin de mon post précédent, concernant ta remarque sur le "de" et le "par" que j'avais négligée dans la première mouture.

L'article de Sesboüé, aussi clair que profond comme toujours, mérite d'être lu très attentivement par quiconque voudrait se faire une idée générale de la question -- même si le "sujet", c'est le cas de le dire, est trop vaste et appelle beaucoup d'autres développements et nuances. Par rapport à notre discussion, il montre à quel point la doctrine trinitaire et christologique fait partie intégrante de la pensée occidentale, modernité incluse -- non seulement comme "produit" ou "objet", mais encore comme "instrument" et "horizon" de cette pensée. Bien entendu, cela ne signifie pas qu'on ne puisse pas penser sans elle ou contre elle (contre elle c'est encore avec elle), mais on n'en serait pas quitte pour autant. Ainsi l'affirmation naïve que "Dieu est une personne" (qu'on oppose ou non "une personne" à "trois personnes"), comme si la notion de "personne", surtout appliquée à "Dieu", allait de soi, présuppose encore, à l'insu du locuteur la plupart du temps, toute l'élaboration trinitaire et "hypostatique".
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMar 09 Juin 2020, 21:21

Je viens de jeter un rapide coup d’œil sur le site mentionné et me réjoui de lire en prenant le temps ce que je viens d'imprimer. Merci Narkissos
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMar 09 Juin 2020, 22:32

Pour la référence c'est free qu'il faut remercier (ce que je fais aussi par la même occasion).
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMer 10 Juin 2020, 10:31

Citation :
N.B.: j'ai rajouté un petit paragraphe à la fin de mon post précédent, concernant ta remarque sur le "de" et le "par" que j'avais négligée dans la première mouture.

Merci pour ce complément très instructif


Dieu peut-​il être tenté ?

MATTHIEU 4:1 parle de Jésus comme devant être “tenté par le Diable”. Après lui avoir montré “tous les royaumes du monde et leur gloire”, Satan dit à Jésus: “Je te donnerai toutes ces choses si tu te prosternes et accomplis devant moi un acte d’adoration.” (Matthieu 4:8, 9). Le but de Satan était de pousser Jésus à être infidèle à Dieu.
Comment la fidélité de Jésus pouvait-​elle être mise à l’épreuve s’il était Dieu? Dieu pouvait-​il se rebeller contre lui-​même? Non, alors que les anges et les humains pouvaient se rebeller contre Dieu, ce que du reste certains ont fait. La tentation de Jésus n’a de sens que s’il est, non pas Dieu, mais un être distinct doué du libre arbitre, qui aurait pu, comme un ange ou un humain, se montrer infidèle s’il l’avait voulu.
D’un autre côté, on ne peut imaginer que Dieu pèche ou soit infidèle à lui-​même. “Parfaite est son action (...). Dieu de fidélité, (...) il est juste et droit.” (Deutéronome 32:4). Par conséquent, si Jésus était Dieu, il n’aurait pu être tenté. — Jacques 1:13.
N’étant pas Dieu, Jésus aurait pu être infidèle; mais il est resté fidèle, disant: “Va-​t’en, Satan, car il est écrit: ‘C’est Jéhovah, ton Dieu, que tu devras adorer, et c’est lui seul que tu devras servir par un service sacré.’” — Matthieu 4:10. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101989304#h=6


Je me demande si la présentation caricatural de la trinité de la Watch est volontaire ou le résultat d'une grande ignorance ou les deux à la fois. Dans son combat contre la trinité la Watch ratisse large et elle tire dans tous les azimuts.  


La trinité  définit Jésus comme étant  à la fois "vrai Dieu et vrai homme", l'humanité de Jésus n'est pas niée et c'est l'homme Jésus incarnation du divin qui a été tenté (en tout c'est la réponse qu'un trinitaire pourrait fournir). :

Cette union des deux natures, Luther la développe, d'après le Cours sur l'épître aux Romains, avant tout dans le cadre de l' incarnation-abaissement du Fils, qui débouche sur la glorification. Dès l'incarnation, le Fils est Jésus et Jésus est le Fils. Cela signifie que la divinité est cachée dans l'humanité et doit souffrir ; la nature humaine est, quant à elle, accomplie et transposée dans la divinité (traducta in divinitatem), ce qui est sans doute à interpréter sur un plan éthique de conformité de l'homme à Dieu dont il redevient l'image par la foi. Sur le fond, Luther maintient l'unité de la personne et la distinction des deux natures du Christ, malgré la communion des propriétés : « La même et unique personne du Christ est à la fois morte et vivante, à la fois souffrante et bienheureuse, à la fois active et inactive, etc., à cause de la communication des idiomes, même si rien de ce qui est propre à l'une des natures ne revient à l'autre, mais qu'elles s'opposent de la façon la plus forte, comme on sait ».


Dans le Commentaire de l'épître aux Hébreux, Luther montre, à partir de He 10, 19s, que la croix et la résurrection sont liées dans le mystère de la personne du Christ, « à la fois mortel et immortel, soumis à la mort par son humanité, mais (ne pouvant) pas mourir dans sa personne toute entière » (31). C'est dans la mort et la résurrection que se manifestent le mieux la différence et l'union des deux natures, la différence en ce que l'humanité meurt alors que la divinité est invincible, l'union en ce que l'humanité triomphera de la mort. https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1991_num_65_1_3166
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMer 10 Juin 2020, 12:24

Je constate une fois de plus que l'écriture de la Watch, sans le faire exprès ni s'en rendre compte, côtoie des abîmes, qui débouchent tous sur l'unique abîme fondamental, si l'on peut dire: "Dieu pouvait-il se rebeller contre lui-même ?" Si, au lieu de s'empresser de répondre "Non" pour mettre un certain "bon sens" de son côté, on marquait une pause, de tout autres questions ne manqueraient pas d'affluer, par exemple: et pourquoi pas ? qu'est-ce qui obligerait "Dieu" à être ce qu'il est, ceci plutôt que cela, si rien avant lui ou au-dessus de lui ne l'y détermine ? Qu'est-ce qui fait que "Dieu" est "Dieu", sinon "Dieu" ? Et on ne manquerait pas d'autres versets bibliques pour poursuivre la réflexion dans ce sens, à commencer par le "je serai (ce) que / qui je serai" d'Exode 3 aggravé par la nouvelle révision de la TMN, "je deviendrai ce que je décide de devenir", les multiples "repentirs" ou "changements d'avis" de Yahvé, etc.

D'un point de vue exégétique, en revanche, j'accorderais volontiers que la "divinité du Christ", sans parler de "Trinité", est le moindre souci de Matthieu, surtout si l'on fait la part de ce qui lui vient de Marc: pour sa théologie propre qui est essentiellement pratique, où le Christ est avant tout le maître de la loi qui en enseigne l'observance parfaite, elle ne lui sert à rien. Et comme c'est bien Matthieu qui introduit le développement des "tentations" de Jésus, qu'il les trouve ou non dans une source ("Q") antérieure, l'argument a une certaine pertinence... limitée toutefois à Matthieu et non extensible à une théologie générale du NT (à supposer qu'une telle théologie ait un sens).

La théologie luthérienne, avec ses précédents scolastiques et mystiques, est toujours passionnante. Mais au risque de me répéter, je constate que chez lui aussi la théologie ne fait que "rattraper" son cours naturel en fonction de contraintes antérieures (comme un fleuve finit par regagner son lit en aval d'un barrage accidentel ou artificiel, comme la ramure d'un arbre regagne son espace un peu plus haut si sa pousse a rencontré un obstacle, comme un animal détourné de sa course retrouve un peu plus loin sa direction, etc.): toutes les formes et formules de la théologie dépendent aussi de leurs contraintes antérieures; sans la frontière absolue établie au IIe siècle entre le "divin" et la "création", on n'aurait pas eu besoin de penser séparément "trois hypostases" en Dieu et "deux natures" en Jésus-Christ pour passer ensuite son temps à les réunir, à créer des séparations et des oppositions pour les dépasser et les surmonter; et si on veut remonter encore plus loin, si on n'avait pas d'abord séparé des "dieux" des "hommes" ou d'un "monde" on n'aurait pas songé à les réunir dans une "religion". Mais c'est ainsi qu'advient toute forme -- à la fois idéale, réelle et historique -- y compris les plus belles.
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMer 10 Juin 2020, 15:33

Citation :
D'un point de vue exégétique, en revanche, j'accorderais volontiers que la "divinité du Christ", sans parler de "Trinité", est le moindre souci de Matthieu, surtout si l'on fait la part de ce qui lui vient de Marc: pour sa théologie propre qui est essentiellement pratique, où le Christ est avant tout le maître de la loi qui en enseigne l'observance parfaite, elle ne lui sert à rien. Et comme c'est bien Matthieu qui introduit le développement des "tentations" de Jésus, qu'il les trouve ou non dans une source ("Q") antérieure, l'argument a une certaine pertinence... limitée toutefois à Matthieu et non extensible à une théologie générale du NT (à supposer qu'une telle théologie ait un sens).






L'épître aux Hébreux semble développer un scénario d'un Christ qui a été "Dieu", exalté, élevé et couronné, pourtant qui a connu la condition d'être de sang et de chair, qui a souffert et qui a connu l'épreuve. Une manifestation ou incarnation de Dieu peut-elle connaitre la souffrance et l'épreuve ?

"Ainsi donc, puisque ces enfants ont en commun le sang et la chair, lui aussi, pareillement, a partagé la même condition, pour réduire à rien, par sa mort, celui qui détenait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable, et délivrer tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient retenus dans l'esclavage toute leur vie. Assurément, en effet, ce n'est pas à des anges qu'il vient en aide, mais c'est à la descendance d'Abraham qu'il vient en aide. Aussi devait-il devenir en tout semblable à ses frères, afin d'être un grand prêtre compatissant et digne de confiance dans le service de Dieu, pour faire l'expiation des péchés du peuple. Car du fait qu'il a souffert lui-même quand il a été mis à l'épreuve, il peut secourir ceux qui sont mis à l'épreuve" Hé 2,14-18

Quand je dit "Dieu", je fais allusion à (1,La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_cool : "Mais pour le Fils : Ton trône, ô Dieu, est établi pour toujours" ET (1,3) : "Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l'expression de sa réalité même".  Je pense également à (1,5) : "Tu es mon Fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui" qui renvoi au Psaume 2,7 : "tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré" et qui renverrait à la relation originelle du Père et du Fils.

Concernant l'exaltation, Je pense à (2,6-7) : "Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui ? Qu'est-ce que le fils d'homme, pour que tu t'occupes de lui ?
Tu l'as fait un peu inférieur aux anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur"
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MessageSujet: Re: La fiabilité des citations de la Watchtower   La fiabilité des citations de la Watchtower - Page 4 Icon_minitimeMer 10 Juin 2020, 16:58

Voir (p. ex.) ici.

Nous avons consacré suffisamment de discussions à l'épître aux Hébreux pour ne pas tout recommencer à chaque fois: il suffira peut-être de rappeler ici que le rapport éternité / temps qui se dessine dans ce texte le place à une distance infinie de toutes les problématiques christologiques habituelles, conçues de façon temporelle et narrative, sinon historique: pré-existence, incarnation, mort, résurrection, exaltation de Jésus, tout cela constitue une histoire (story sinon history) qui se déroule au moins à première vue dans une temporalité linéaire, avant-après, avec des mouvements spatio-temporels, descente et remontée. Or tout ce qui relève du temps, pour l'épître aux Hébreux, c'est le monde des "ombres" transitoires opposé à une réalité (ou plutôt idéalité) éternelle, c'est-à-dire immuable. Il n'y a pas d'avant ni d'après le Christ, il n'y a que des figures qui peuvent apparaître à tel moment de l'histoire dans le monde des ombres (Adam, Melchisédek, Jésus), mais qui ne sont qu'une seule et même "idée" éternelle.

Par contre, et bien que ça ne soit évidemment pas son propos, la perspective (médio-platonicienne) de l'épître aux Hébreux est extrêmement utile si l'on veut comprendre les rapports de la Trinité immanente ou ontologique du IVe siècle qui fonctionne essentiellement de la même manière (ce qui n'a rien d'un hasard puisque Athanase est encore d'Alexandrie et prolonge la tradition alexandrine de Philon, d'Origène ou de Clément, tout comme Plotin et le néo-platonisme ultérieur). "Je t'ai engendré aujourd'hui", dans une éternité qui n'est pas plus "avant" qu'"après" mais tangente à tout "aujourd'hui" temporel, c'est exactement de cette façon que Nicée-Constantinople et toute l'Eglise jusqu'à la fin du moyen-âge conçoivent la "génération éternelle" du Fils; pour la modernité, en revanche, ce type d'éternité opposable au temps n'a plus aucun sens, et tout ce qui en a été dit jusque-là ne peut qu'être compris de travers...
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